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Art. 1372 à 1375 - Fasc. 10 : QUASI-CONTRATS. – Gestion d'affaires.


Conditions d'existence
Document: JCl. Contrats - Distribution - Fasc. 1000 : EXCLUSIVITÉS UNILATÉRALES. – Exclusivité unilatérale de vente. –
Exclusivité unilatérale d'achat (Extrait)

JurisClasseur Civil Code > Art. 1372 à 1375

Fasc. 10 : QUASI-CONTRATS. – Gestion d'affaires. – Conditions d'existence

Date du fascicule : 4 Juin 2012

Date de la dernière mise à jour : 19 Avril 2017

Roger Bout - Agrégé des facultés de droit - Professeur émérite d'Aix-Marseille Université

Mises à jour

Mise à jour du 19/04/2017 - §1. - Dispositions nouvelles (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016)

Mise à jour du 19/04/2017 - §25. - Animaux sans maître – Absence de gestion d'affaires

Mise à jour du 19/04/2017 - §30. - Intérêt personnel

Mise à jour du 19/04/2017 - §65. - Exécution d'une obligation légale

Mise à jour du 19/04/2017 - §101. - Tableau recouvert par une peinture grossière – Conseil de nettoyage

Mise à jour du 19/04/2017 - §123. - Licenciement pour faute grave

Mise à jour du 19/04/2017 - Avertissement.

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017 - Avertissement.

Suite à la publication de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,
du régime général et de la preuve des obligations , la matière du présent fascicule est régie, à compter du
1er octobre 2016, par les articles 1301 à 1301-5 du Code civil reproduits ci-après. Ces dispositions feront l'objet
d'un ou plusieurs fascicules nouveaux qui trouveront place dans la collection sous leur nouvelle numérotation.

Code civil

Art. 1301. – Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition
du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à
toutes les obligations d'un mandataire.

Art. 1301-1. – Il est tenu d'apporter à la gestion de l'affaire tous les soins d'une personne raisonnable ; il doit
poursuivre la gestion jusqu'à ce que le maître de l'affaire ou son successeur soit en mesure d'y pourvoir.
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Le juge peut, selon les circonstances, modérer l'indemnité due au maître de l'affaire en raison des fautes ou de la
négligence du gérant.

Art. 1301-2. – Celui dont l'affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt
par le gérant.
Il rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de
sa gestion.
Les sommes avancées par le gérant portent intérêt du jour du paiement.

Art. 1301-3. – La ratification de la gestion par le maître vaut mandat.

Art. 1301-4. – L'intérêt personnel du gérant à se charger de l'affaire d'autrui n'exclut pas l'application des règles de
la gestion d'affaires.
Dans ce cas, la charge des engagements, des dépenses et des dommages se répartit à proportion des intérêts de
chacun dans l'affaire commune.

Art. 1301-5. – Si l'action du gérant ne répond pas aux conditions de la gestion d'affaires mais profite néanmoins au
maître de cette affaire, celui-ci doit indemniser le gérant selon les règles de l'enrichissement injustifié.

Points-clés
1. – La gestion d'affaires, rangée au nombre des quasi-contrats par le législateur (V. n° 4 ), est un fait
juridique original et complexe (V. n° 5 et 6 ), l'intervention du gérant dans les affaires du maître
déterminant entre eux un certain nombre de droits et de devoirs. Elle est fondée sur l'altruisme lequel
justifie seul la licéité d'une telle immixtion dans les affaires d'autrui (V. n° 10 à 13 ).
2. – Les conditions de la gestion d'affaires se retrouvent dans ces deux éléments que sont l'intention de gérer
l'affaire d'autrui , qui explique la faveur de certains effets attachés à cette institution (V. n° 20 à 71 ), et
l'utilité de la gestion , destinée à préserver le maître des interventions maladroites du gérant (V. n° 100 à
133 ).
3. – La présence d'une intention de gérer est normalement exigée par la jurisprudence, qui ne vérifie
l'existence – encore qu'il puisse s'agir d'un mobile partiel (V. n° 28 à 31 ) – et veille à ce qu'elle aille de
pair avec la spontanéité de l'action du gérant (V. n° 47 à 67 ). Elle fait alors de l'utilité de la gestion une
appréciation subjective (V. n° 101 à 128 ) et initiale (V. n° 129 à 133 ).
4. – Mais la jurisprudence révèle admettre, par ailleurs, des gestions d'affaires, malgré l'absence, chez le
gérant, d'intention altruiste (V. n° 72 à 90 ), l'usage de cette institution permettant alors de résoudre
certaines situations face à l'inapplicabilité de l'enrichissement sans cause et des autres sources
d'obligations (V. n° 85 à 90 ). Dans cette hypothèse de "gestion d'affaires intéressée" , l'utilité de la
gestion est appréciée avec rigueur : elle a un caractère objectif (V. n° 135 à 139 ), et doit procurer au
maître, au terme de la gestion un résultat profitable (V. n° 140 à 144 ).

Introduction

1. – Définition – Il y a gestion d'affaires lorsqu'une personne intervient spontanément et de façon opportune, dans
les affaires d'une autre, pour les gérer dans l'intérêt de celle-ci. La première s'appelle gérant ou parfois encore
negotiorum gestor, la seconde géré, ou mieux – cette dernière expression semblant incorrecte – maître de l'affaire.

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

1 . - Dispositions nouvelles (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016)

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La gestion d'affaires est définie par l'article 1301 comme étant le fait de “celui qui, sans y être tenu, gère sciemment
et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu et sans opposition du maître de cette affaire”. Ce gérant d'affaires est soumis,
précise le même texte, “à toutes les obligations d'un mandataire”. Cette référence au droit commun du mandat
permet aux dispositions suivantes d'être relativement brèves.
L'article 1301-4 consacre une solution jurisprudentielle antérieure : "L'intérêt personnel du gérant à se charger de
l'affaire d'autrui n'exclut pas l'application des règles de la gestion d'affaires", les charges diverses qui en résultent
étant alors partagées à proportion des intérêts de chacun.
À titre subsidiaire, l'article 1301-5 dispose que, si les conditions de la gestion d'affaires ne sont pas réunies, mais
que l'intervention du tiers a néanmoins profité au maître de l'affaire, une indemnisation peut être due par application
des règles relatives à l'enrichissement sans cause.

2. – Applications – L'exemple sur lequel ont raisonné les rédacteurs du Code civil est celui d'un voisin réparant la
toiture de l'immeuble de son voisin absent. C'est une hypothèse classique, qui évoque parfaitement l'attitude de
celui qui s'immisce ainsi, pour rendre service, dans les affaires d'un tiers. Elle ne saurait, cependant, donner la
mesure de l'importance prise, aujourd'hui, par la gestion dans notre droit des obligations.

3. – La fréquence de son utilisation jurisprudentielle et ses applications légales récentes ont, en effet, donné à la
gestion d'affaires l'image d'une institution moderne, dont le domaine est vaste et l'usage varié. L'activité du gérant
apparaît protéiforme, et concerne tant le patrimoine que la personne même d'autrui. Elle va de l'engagement pris
par un promoteur de constructions immobilières, à l'acte d'assistance ou de sauvegarde, du prêt négocié par un
notaire, au concours d'un spécialiste requis par le directeur d'une clinique, de l'arrestation d'un voleur par tel
particulier accouru aux cris de la victime, aux travaux effectués par un copropriétaire sur un immeuble commun, ou
à l'acte accompli par un époux pour le compte de son conjoint.

4. – Nature juridique – La gestion d'affaires est définie, dans le Code civil, au chapitre des quasi-contrats. Elle
constitue, comme le paiement de l'indu, un “fait purement volontaire de l'homme, dont il résulte un engagement
quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque de deux parties”(C. civ., art. 1371). Mais la
nature "quasi contractuelle" de la gestion d'affaires est aujourd'hui contestée, comme la notion de quasi-contrat
elle-même. Depuis la brillante critique à laquelle s'est livré le doyen Vizioz (La notion de quasi-contrat, étude
historique et critique : thèse Bordeaux, 1912), le procès de cette notion ne semble plus à faire. L'on s'accorde à
reconnaître qu'elle est, non seulement historiquement fausse pour être "née d'une confusion des interprètes"
(A. Colin et H. Capitant, Traité de droit civil français, par L. Julliot de la Morandière, t. II : 1959, n° 10), mais encore
irrationnelle, puisque opérant un rapprochement avec le contrat, "là où fait radicalement défaut tout accord de
volonté, ce qui est précisément l'essence du contrat" (V. J. Carbonnier, Droit civil, t. 4, Les obligations : 22e éd.
2000, n° 297). Elle est enfin inutile, les règles des quasi-contrats étant plus souvent calquées sur celles des délits
que sur celles des contrats. C'est pourquoi, pour la majorité des auteurs, en dépit des efforts de certains pour en
donner une vision nouvelle (V. JCl. Civil Code, Art. 1370 et 1371 ou Notarial Répertoire, V° Quasi-contrats,
fasc. 10. – M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, préf. A. Sériaux : Economica, 1997. –
Comp. Ph. le Tourneau : Rép. civ. Dalloz, V° Quasi-contrat, n° 17 et s.), et malgré son utilisation occasionnelle pour
combler une lacune légale (ainsi pour les loteries publicitaires, Cass. ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-22.981 :
JurisData n° 2002-015478 ; D. 2002, p. 2531, obs. Lienhard), cette catégorie juridique de "quasi-contrats" n'existe
pas (J. Mazeaud et Fr. Chabas, Leçons de droit civil, t. II, 1er vol. ; Obligations, théorie générale : Montchrestien,
9e éd. 1998, n° 649, 692, in fine. – G. Marty et P. Raynaud, Droit civil, t. II, 1er vol., n° 17. – B. Starck, H. Roland et
L. Boyer, Droit civil, Les obligations, t. 2, Contrat : Litec, 5e ed. 1995, n° 1844. – N. Gomaa, Théorie des sources de
l'obligation : LGDJ, 1968, n° 168, p. 160 et auteurs cités, notes 19 et 20. – Contra J. Honorat, Rôle effectif et rôle
concevable des quasi-contrats en droit actuel : RTD civ. 1969, p. 653). Aussi les codes civils étrangers plus récents
que le nôtre, tels le Code civil allemand, le Code suisse des obligations, le Code civil italien, ou le Code civil du
Québec (adopté le 18 décembre 1991), ont pris soin de l'abandonner.

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5. – C'est dans la division entre les actes juridiques et les faits juridiques, qui constitue la classification la plus
généralement admise des sources d'obligations, qu'il faut aujourd'hui situer la gestion d'affaires. Celle-ci apparaît
alors comme un fait juridique , puisque les résultats produits par la gestion interviennent sans qu'il soit nécessaire
que son auteur ait eu la volonté de les voir se réaliser. Sans doute le gérant a pu, notamment lorsqu'il a conscience
de représenter le maître, être animé d'une intention de réaliser des effets de droit. Mais il y a également gestion
d'affaires lorsque le gérant, tout en désirant rendre service à autrui, ne recherche pas précisément la production
d'effets juridiques au profit de ce dernier (R. Bout, La gestion d'affaires en droit français contemporain : LGDJ,
1972, n° 148 s.). Son intention ne porte pas sur la naissance d'obligations, mais sur le fait de l'intervention dans les
affaires d'autrui.La jurisprudence l'a bien compris, qui applique à la gestion d'affaires les règles de preuves
propres aux faits juridiques , et notamment l'admissibilité de la preuve par tous moyens. La Cour de cassation
affirme, depuis fort longtemps, qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la preuve écrite pour établir une gestion
d'affaires même si celle-ci a consisté, pour le gérant, à conclure un acte juridique au profit du maître (Cass. civ.,
19 mars 1845 : S. 1845, 1, p. 262. – Cass. civ., 6 févr. 1878 : S. 1878, 1, p. 296. – Cass. req., 18 févr. 1878 :
S. 1881, 1, p. 72. – Cass. civ., 2 mai 1892 : DP 1893, 1, p. 317). Elle a rappelé, dans un arrêt de sa chambre civile
du 9 décembre 1947 (Cass. civ., 9 déc. 1947 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 43), cassant la décision déférée, que "la
gestion volontaire des affaires d'autrui, reposant uniquement sur des faits, ne peut être soumise quant à la preuve
de son existence, aux prohibitions édictées par les articles 1341 et 1985 du Code civil", lesquelles concernent les
seuls actes juridiques.

6. – Fondement – Si la gestion d'affaires est ainsi rangée parmi les faits juridiques, elle constitue un fait juridique
original et complexe, car l'intervention du gérant dans les affaires du maître détermine entre eux un certain nombre
de droits et de devoirs. Ainsi le gérant peut-il, en fin de gestion, dans la mesure où il a satisfait aux devoirs de cette
fonction, librement assumée, contraindre le maître à l'indemniser de ses frais et à remplir les engagements qu'il a
pris. L'on peut, dès lors, se demander pourquoi l'intervention du gérant produit un tel effet, c'est-à-dire s'interroger
sur le fondement de la gestion d'affaires.

7. – Les auteurs classiques, qui voyaient dans la gestion d'affaires un quasi-contrat, avaient naturellement
tendance à fonder cette source d'obligations sur le consentement présumé ou fictif du maître de l'affaire (V.
notamment, Ch. Demolombe, Cours de Code Napoléon, t. XXXI, n° 51 s.). Mais ce fondement, qui encourt les
critiques adressées à la notion de quasi-contrat à laquelle il est lié (V. supra n° 4 ), n'est plus, de ce fait, retenu.

8. – Pour le doyen Josserand, ce serait dans la seule volonté du gérant qu'il faudrait rechercher le fondement de
cette institution, la gestion d'affaires étant ainsi "un acte juridique unilatéral dans sa formation et synallagmatique
dans ses effets" (Cours de droit civil positif français, t. II, 3e éd. 1939, n° 1448). Certes, l'engagement par volonté
unilatérale est aujourd'hui consacré par la jurisprudence (Cass. 1re civ., 28 mars 1995 : Bull. civ. 1995, I, n° 190 ;
RTD civ. 1995, p. 886, obs. J. Mestre. – V. M.-L. Izorche, L'avènement de l'engagement unilatéral en droit privé
contemporain, thèse dact., Aix-en-Provence, 1989). Mais saurait-il fonder toutes les obligations nées de la gestion
d'affaires ? C'est le législateur qui attribue un tel rôle à la volonté du gérant, et transforme ainsi ce fait en acte
juridique (V. par exemple, Code libanais des obligations et des contrats, art. 148).

9. – Quelques auteurs ont voulu fonder la gestion d'affaires sur le principe de l'enrichissement sans cause,
déclarant que l'action de gestion d'affaires et l'action de in rem verso "poursuivent le même but : empêcher qu'une
personne ne profite injustement de l'activité ou de l'acte d'autrui" (M. Picard, La gestion d'affaires dans la
jurisprudence contemporaine : RTD civ. 1922, p. 33. – V. également, M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil,
t. II, 9e éd., n° 2232. – H. Loubers, L'action "de in rem verso" et les théories de la responsabilité civile : Rev. crit.
législ. et jurispr. 1912, p. 405. – L. Campion, La notion d'assistance en droit privé : LGDJ, 1927, n° 67, p. 73 et
n° 82, p. 90. – Humbert, Note pratique : Rép. Commaille 1954, I, p. 176). Ce fondement est pourtant incapable de
justifier les obligations du gérant. Il est surtout démenti par l'obligation imposée au maître d'indemniser le gérant en
l'absence même de tout enrichissement (V. infra n° 129 à 133 ).

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10. – Le fondement de la gestion d'affaires doit être recherché dans une toute autre direction. Celle-ci n'est-elle
pas, précisément, indiquée par les effets exorbitants de la gestion dont bénéficie le gérant ? Si ce dernier peut
représenter le maître sans pouvoir, s'il peut obtenir du juge une exceptionnelle modération des dommages-intérêts
envers le maître pour ses fautes de gestion, s'il peut prétendre aux intérêts des sommes avancées et contraindre le
maître à lui rembourser tous ses frais alors que son intervention s'est avérée finalement, inutile, c'est en raison de
son désintéressement. Seul, d'ailleurs, celui-ci justifie la licéité d'une telle immixtion dans les affaires d'autrui (V.
R. Bout, op. cit., n° 172 s.).

11. – L'altruisme est ainsi à la base de la gestion d'affaires. Il en constitue le fondement moral (V. en ce sens, CA
Paris, 2e ch. A, 6 mars 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 113 ; RTD civ. 1989, p. 540, obs. J. Mestre), comme en
témoignent les origines romaines de l'institution. Certes, l'actio negotiorum gestorum directa attribuée au maître
précéda l'actio contraria accordée au gérant. Mais celle-ci fut rapidement reconnue par le préteur romain en raison
de l'intervention serviable et désintéressée du gérant dans les affaires du maître absent. L'on s'accorde d'ailleurs,
aujourd'hui, pour admettre que la volonté d'indemniser le gérant inspire davantage l'institution que le désir de
l'obliger à l'égard du maître. C'est en effet à la notion de mérite, dû à celui qui s'est dévoué pour gérer l'affaire
d'autrui, que se rallie la majorité des auteurs pour déterminer le fondement de la gestion d'affaires (V. R. Bout, op.
cit., n° 197, et auteurs cités, note 23). Sans doute certains vont jusqu'à y voir une sorte d'encouragement donné par
le législateur, désirant "inviter" les hommes à rendre service pour instaurer une plus grande solidarité sociale. Mais
cette opinion rejoint la précédente, car si le gérant est encouragé par une réglementation favorable, c'est parce qu'il
le mérite pour l'altruisme dont il fait preuve.

12. – L'on peut même déceler ce fondement altruiste sous l'idée d'utilité sociale qui, pour quelques auteurs,
justifierait la consécration légale de la gestion d'affaires (V. Ch. Demolombe, op. cit., t. XXXI, n° 46. – L. Carrez, La
gestion d'affaires en droit civil français : thèse Lille 1911, p. 8. – R. Demogue, Traité des obligations en général,
t. III, 1923, n° 15. – Ch. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. IX bis par R. Rodière :
2e éd. 1952, n° 1712).Il est certainement "de l'intérêt général de la société qu'aucune valeur ne reste abandonnée
et improductive" (Ch. Demolombe, op. et loc. cit.), et il convient d'éviter toute perte de richesse. Cette considération
n'est cependant qu'accessoire. Elle n'a pu déterminer, à elle seule, l'apparition de la gestion d'affaires. En réalité, la
conformité de l'acte de gestion non seulement à l'intérêt du maître, mais à l'intérêt de tous, rend le gérant d'autant
plus méritant et digne d'être encouragé (en ce sens, P. Guillot, Essai critique sur la gestion d'affaires, p. 33).
D'ailleurs, l'intérêt social utilement servi par le gérant n'est-il pas, a fortiori, l'intérêt d'"autrui" ? Le dévouement à
l'intérêt général est, à proprement parler, un altruisme magnifié. C'est dire que cette interprétation particulière de sa
destination légale laisse encore transparaître le fondement moral de la gestion d'affaires.

13. – En définitive, le législateur révèle prendre acte d'un témoignage évident d'altruisme, auquel il ne peut que
rendre hommage : il le fait au moyen de cette institution originale, dont le but premier est d'imposer à celui qui a été
l'objet de l'intervention altruiste d'un tiers obligeant, le juste devoir de reconnaissance commandé par l'équité (V.
R. Bout, op. cit., n° 199. – Comp. F. Goré, Le fondement de la gestion d'affaires source autonome et générale
d'obligations : D. 1953, chron. p. 41. – J. Carbonnier, op. cit., n° 301). C'est ce fondement que la jurisprudence
contemporaine paraît bien consacrer. En effet, lorsqu'elle élargit le domaine de la gestion d'affaires jusqu'à
admettre son existence malgré l'absence, chez le gérant, d'intention altruiste, elle veille à apprécier avec plus de
rigueur l'utilité de la gestion, et à mettre à la charge de ce dernier ses risques d'insuccès (V. infra n° 134 à 144 ). Si
les tribunaux corrigent alors les règles de l'institution pour refuser au gérant intéressé le bénéfice des dispositions
favorables auxquelles il pourrait normalement prétendre, c'est que celles-ci sont, pour eux, justifiées par son
désintéressement. Ainsi peut-on voir dans l'actuel dualisme jurisprudentiel des règles de la gestion d'affaires,
l'affirmation implicite de son fondement moral.

14. – Ces règles ne sauraient être contenues dans les quatre articles que le Code civil consacre à la gestion
d'affaires. Le texte des articles 1372 à 1375 ne donne, en effet, de cette institution, une réglementation ni précise ni
exhaustive. Aussi nos tribunaux ont-ils dû, pour combler ces insuffisances légales, mettre souvent à l'œuvre leurs

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facultés créatrices. C'est donc surtout l'étude de la jurisprudence qui permet aujourd'hui de déterminer tant les
conditions que les effets de la gestion d'affaires.

15. – La jurisprudence, qui a précisé ou même découvert, depuis quelques décennies, un certain nombre de
conditions de la gestion d'affaires, n'a pas, cependant, mis en évidence les éléments caractéristiques de celle-ci. La
doctrine a parfois groupé ces conditions, en assemblant d'un côté celles qui concernent le gérant, de l'autre celles
qui concernent le maître, et en troisième lieu, celles qui ont trait à l'acte de gestion. Mais, plus fréquemment, elle
les a relevées en ordre dispersé. L'on affirme ainsi aujourd'hui que, selon la jurisprudence, la gestion d'affaires
nécessite une immixtion dans les affaires d'autrui, qu'elle peut être réalisée par un acte juridique ou un acte
matériel, que cet acte doit avoir été utile pour le maître, et accompli dans l'intérêt de celui-ci. L'on y ajoute
l'exigence de la capacité du gérant, celle d'une absence de rapport juridique entre le gérant et le maître, celle d'une
absence d'opposition de la part de ce dernier, enfin celle, parfois, d'une volonté du gérant de répéter les frais de
gestion (M. Maruitte, La notion juridique de gestion d'affaires : thèse Caen, 1930, n° 25 à 113).

16. – Or, la profusion de ces conditions à la gestion d'affaires donne à celle-ci une structure hétérogène à laquelle
la simplicité de ses origines ne paraissait pas la vouer. Car elle était inspirée, pour le préteur romain qui lui donna
naissance, par cette double considération qu'il importe à la fois de ne pas décourager les initiatives prises dans
l'intérêt d'autrui, et d'empêcher les immixtions intempestives dans les affaires des tiers. Sans doute l'ordre de
priorité était-il, initialement, inverse, comme l'atteste l'antériorité de l'action accordée au maître à l'encontre du
gérant (V. supra n° 11 ). Mais il serait étonnant que cette double motivation ait cessé, de nos jours, de pénétrer
cette institution et d'en régler, de ce fait, les conditions.

17. – En vérité, la multiplication de celles-ci est artificielle. Si l'on exige l'absence de rapport juridique entre le maître
et le gérant, c'est pour veiller à ce que ce dernier, agissant au-delà de toute obligation, manifeste cette intention
altruiste qui, pour être authentique, doit être spontanée. Si le gérant doit être capable, c'est que son incapacité
rendrait sa gestion inutile. Si celle-ci ne peut être accomplie contre l'opposition du maître, c'est à l'évidence, parce
que cette opposition en dément, à l'avance, l'utilité. Quelle serait, enfin, l'utilité d'une gestion qui serait accomplie
sans immixtion dans les affaires du maître ?

18. – Ainsi les multiples conditions habituellement dénombrées se réduisent en réalité à ces deux conditions qui
résument toutes les autres : l'intention de gérer l'affaire d'autrui et l'utilité de la gestion. C'est, d'abord, afin de
justifier la faveur de certains effets qui lui sont attachés, que l'on exige du gérant l'intention de gérer l'affaire
d'autrui. C'est ensuite, afin de préserver le maître des interventions maladroites du gérant que l'on impose l'utilité
de la gestion. Exprimant cet inéluctable conflit entre la faveur due à l'un, et la protection accordée à l'autre, ces
deux conditions sont nécessairement liées. Que la jurisprudence en vienne à admettre la gestion d'affaires malgré
l'absence chez le gérant, d'une intention de gérer, et le contrôle de l'utilité n'en paraîtra pour le maître que plus
nécessaire : cette condition sera alors appréciée avec plus de rigueur (V. infra n° 134 à 144 ). C'est dire qu'en dépit
de leurs caractères propres, l'élément intentionnel et l'élément d'utilité demeurent en étroite corrélation.

I. - Intention de gérer l'affaire d'autrui

19. – Si, en principe, la jurisprudence exige toujours l'intention de gérer l'affaire d'autrui comme condition
nécessaire de la gestion d'affaires, un certain nombre de décisions récentes, émanant tant des juridictions du fond
que de la Cour de cassation, révèle une tendance, tout à fait contradictoire, à admettre l'absence probable, ou
même parfois certaine, de tout élément intentionnel.

A. - Exigence de l'intention de gérer, condition de la gestion d'affaires

20. – Au cours du XIXe siècle, une réelle confusion régna entre les notions de gestion d'affaires et d'enrichissement
sans cause.Le principe selon lequel nul ne doit s'enrichir injustement aux dépens d'autrui n'ayant pas encore été
reconnu, doctrine et jurisprudence eurent alors recours à la gestion d'affaires pour consacrer les solutions

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postulées par l'équité. Elles furent donc conduites à élargir – et de ce fait, déformer – la notion de gestion d'affaires
en écartant l'exigence de l'élément intentionnel. Ainsi est apparue une gestion d'affaires dite "anormale" ou
"imparfaite" , singulier amalgame des notions de gestion et d'enrichissement, qui permettait aux juges d'accorder
à un gérant involontaire une indemnisation de ses dépenses utiles "jusqu'à concurrence de la plus-value" procurée
au tiers enrichi (V. R. Bout, op. cit., n° 31 et note 9. – V. par exemple, Cass. req., 18 juin 1872 : DP 1872, 1, p. 471.
– Cass. req., 16 juill. 1890 : DP 1891, 1, p. 49, note Planiol). L'avènement de l'enrichissement sans cause a donc
entraîné un effacement temporaire de la condition de l'intention de gérer.

21. – Mais l'autonomie du principe d'enrichissement sans cause ayant été affirmée par la Cour de cassation le
15 juin 1892, dans la fameuse affaire des engrais (Cass. req., 15 juin 1892 : S. 1893, 1, p. 281, note Labbé), il ne
parut plus nécessaire de déformer la notion de gestion d'affaires pour l'élargir. Celle-ci n'avait plus, désormais, à
abriter un principe qui avait acquis droit de cité dans notre système juridique. Après une période d'incertitude dans
la délimitation des deux institutions, la jurisprudence restitue à la gestion d'affaires, en 1919, l'exigence de
l'intention de gérer l'affaire d'autrui. La Cour suprême refusa, en effet, de qualifier de gestion d'affaires l'action d'un
éditeur ayant cru gérer sa propre affaire alors qu'il s'occupait, en réalité, de celle d'autrui (Cass. civ., 25 juin 1919 :
S. 1921, 1, p. 12 ; DP 1923, 1, p. 223).

22. – Depuis, la jurisprudence a maintenu, en principe, la nécessité de cette condition. En présence de faits
pouvant, à première vue, offrir l'aspect d'une gestion d'affaires, et présentés comme tels par les intéressés, les
juges du fond s'attachent, en premier lieu, à vérifier dans l'espèce l'existence de cet élément intentionnel. En
témoignent les nombreux refus qu'ils opposent aux demandes abusives de pseudo gérants démunis de tout mobile
altruiste, mais cherchant cependant à profiter des avantages de la gestion d'affaires (V. par exemple, CA Nîmes,
2 juill. 1966. – TI Paris, 21 oct. 1970 : Gaz. Pal. 1971, 1, p. 28 ; D. 1971, somm. p. 36 ; RTD civ. 1971, p. 137 ; obs.
Loussouarn. – CA Paris, 23e ch., 21 févr. 1980, n° 78-15.030 : JurisData n° 1980-000101. – CA Riom, 3e ch.,
5 mars 1982 : JurisData n° 1982-040590. – CA Paris, 2e ch. A, 6 mars 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 113. – CA
Versailles, 14e ch., 1er juin 1990 : D. 1990, inf. rap. p. 214. – CA Paris, 16e ch. B, 13 déc. 1996 : JurisData
n° 1996-024057. – CA Versailles, 1re ch. B, 14 nov. 1997 : JurisData n° 1997-057285. – CA Paris, 23e ch., sect. A,
10 mai 2000, n° 1997/04378 : JurisData n° 2000-115564. – CA Versailles, 1re ch., 2e sect., 8 déc. 2000 : JurisData
n° 2000-154397. – CA Grenoble, 2e civ., 11 sept. 2000, n° 98/04635 : JurisData n° 2000-180671. – CA Pau,
1re ch., 16 avr. 2002, n° 00/00421 : JurisData n° 2002-175619. – CA Grenoble, 2e civ., 13 mai 2002, n° 00/03569 :
JurisData n° 2002-177728. – CA Rouen, ch. app. prioritaires, 17 juin 2003, n° 01/03260 : JurisData n° 2003-
218828. – CA Colmar, 1re civ. B, 22 juin 2006, n° 1B04/01801 : JurisData n° 2006-307736. – CA Colmar, 1re civ.,
sect. A, 22 avr. 2008 : JurisData n° 2008-374884. – CA Rouen, 2e ch., 30 mars 2006, n° 05/00756 : JurisData
n° 2006-300985).Quant à la Cour de cassation, elle proclame avec vigueur la nécessité de requérir, chez le gérant,
l'intention d'agir dans l'intérêt d'autrui. Dans un important arrêt du 28 octobre 1942 (Cass. civ., 28 oct. 1942 : DC
1943, p. 29, note P.L.-P.) la chambre civile a forgé une formule fréquemment reprise dans ses décisions
ultérieures. Elle affirme que "le bénéfice de la gestion d'affaires peut être accordé à quiconque a volontairement agi
au nom et pour le compte d'autrui, dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fait que l'opportunité de
l'intervention était telle que l'initiative était justifiée et que l'affaire a été utilement gérée". Et dans des arrêts plus
récents, la Cour suprême se montre fidèle à cette existence (Cass. 2e civ., 12 mai 1953 : D. 1953, p. 517. – Cass.
1re civ., 3 mai 1955 : Bull. civ. 1955, I, n° 179. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 50. – Cass.
1re civ., 19 avr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 136. – Cass. 1re civ., 22 déc. 1969 : Bull. civ. 1969, I, n° 403. – Cass.
3e civ., 15 janv. 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 10. – Cass. 3e civ., 13 déc. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 372. – Cass.
1re civ., 14 juin 1988, n° 86-17.428 : JurisData n° 1988-001310 ; JCP G 1988, IV, p. 297 ; RTD civ. 1989, p. 746,
obs. J. Mestre. – Cass. 1re civ., 28 mai 1991, n° 89-20.258 : JurisData n° 1991-001466 ; Bull. civ. 1991, I, n° 169 ;
Defrénois 1992, art. 35295, n° 56, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1992, p. 96, obs. J. Mestre. – Cass. com., 27 nov.
1991, n° 89-20.356 : JurisData n° 1991-003015 ; JCP G 1992, IV, n° 386 ; Bull. civ. 1991, IV, n° 357 ; Défrénois
1992, p. 747, obs. J.-L. Aubert. – Cass. 3e civ., 13 janv. 1999, n° 97-14.017 : JurisData n° 1999-000185 ; RJDA
1999, n° 384 ; RTD civ. 1999, p. 838, obs. J. Mestre). Elle n'hésite d'ailleurs pas à censurer les juges du fait qui
n'ont pas respecté la condition de l'intention de gérer (V. notamment, Cass. 2e civ., 12 mai 1953. – Cass. 1re civ.,

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3 mai 1955. – Cass. 3e civ., 13 déc. 1978. – Cass. com., 27 nov. 1991, préc. – Cass. 3e civ., 13 janv. 1999, préc.),
ou qui ont omis de relever que le gérant avait agi également pour son propre intérêt (Cass. 1re civ., 18 avr. 2000,
n° 97-20.879 : JurisData n° 2000-001502).

1° Détermination de l'intention de gérer

23. – Lorsque la jurisprudence reconnaît ainsi la nécessité de cette condition, il importe de savoir quel élément
intentionnel elle juge suffisant. Détermine-t-elle l'existence de l'intention de gérer quand le gérant ignore qui est
exactement le maître de l'affaire, quand il n'a que partiellement voulu agir dans l'intérêt de ce dernier, ou même
quand il a eu seulement "conscience" de gérer l'affaire d'autrui ?

a) Ignorance ou indétermination de la personne du maître de l'affaire

24. – Il est assez fréquent que le gérant ignore dans l'intérêt de qui il est intervenu, ou que, croyant le savoir, il se
trompe sur l'identité du maître. Ainsi telle personne prenant l'initiative de réparer utilement un immeuble
insuffisamment entretenu en l'absence de son propriétaire, est persuadée gérer l'affaire de celui-ci. Mais la gère-t-
elle si une clause du bail mettait cette réparation à la charge du locataire ? La jurisprudence l'admet, qui limite ses
exigences à la recherche de l'intérêt "d'autrui", avec toute la généralité que ce terme comporte.

25. – Dans le domaine des actes de dévouement, le problème de la désignation du maître qui devra réparer le
préjudice subi par le sauveteur est très révélateur de cette latitude, donnée par la jurisprudence au sauveteur,
d'ignorer en faveur de qui il déploie son activité altruiste. Elle considère que le maître de l'affaire est la personne
qui, en fait, aurait définitivement supporté l'incidence du dommage que l'on a voulu éviter. Il s'agit, le plus souvent,
du responsable de l'état auquel il a fallu remédier, même si, en réalité, le gérant est intervenu en faveur des tiers
qu'il a entendu protéger : gardien du chien enragé (T. civ. Chambéry, 15 janv. 1886 : DP 1894, 2, p. 215), du
taureau échappé (Cass. civ., 14 mars 1914 : RGAT 1915, p. 464. – CA Paris, 10 mars 1892 : DP 1894, 2, p. 115)
ou du cheval emballé (T. com. Seine, 3 janv. 1900 : S. 1902, 2, p. 217, note Perreau. – T. civ. Seine, 19 juin 1906 :
DP 1906, 5, p. 71. – Adde CA Paris, 30 janv. 1907 : S. 1908, 2, p. 44) qu'un sauveteur aura courageusement tenté
d'arrêter, propriétaire du bétail et du mobilier (CA Chambéry, 12 juill. 1943 : DA 1943, p. 83), ou de l'immeuble (T.
civ. Espalion, 27 nov. 1925 : Gaz. Pal. 1926, 1, p. 119. – CA Paris, 31 mars 1978, s'agissant ici du syndicat des
copropriétaires) que le sauveteur aura tenté de sauver d'un incendie menaçant la sécurité publique, propriétaire
d'un véhicule accidenté immobilisé sur la chaussée, alors qu'un tiers, qui signale la présence de ce véhicule aux
usagers de la route, est blessé au cours de cette opération (TGI Briey, 17 mars 1977 : Argus 1977, p. 1321, et la
note), ou encore propriétaire d'objets dérobés par un voleur poursuivi, puis arrêté (TGI Seine, 21 déc. 1966 : JCP G
1967, IV, 150, réformé cependant par CA Paris, 14 déc. 1968 : JCP G 1969, II, 15744. – Et le pourvoi a été rejeté
par Cass. 1re civ., 7 janv. 1971 : Bull. civ. 1971, I, n° 9. – Pour une critique de cette solution, V. Y. Lambert-Faivre :
Rec. gén. lois et jurispr. 1969, p. 171. – R. Bout, op. cit., n° 307 et note 11. – Comp. J.-P. Gridel, L'activité
désintéressée, réalité ou fiction juridique ? : Rapp. au colloque de Fontevraud : Economica, 1983, p. 78 à 81. –
Cass. 1re civ., 26 janv. 1988, n° 86-10.742, n° 86-12.447 : JurisData n° 1988-700370 ; D. 1989, p. 405, note
D. Martin ; JCP G 1989, II, n° 21217, obs. Dagorne-Labbé ; D. 1989, somm. p. 234, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ.
1988, p. 539, obs. J. Mestre).Cette qualité a été encore attribuée à l'organisation sportive débitrice d'une obligation
de sécurité et dont la défaillance est à l'origine de la mort de sauveteurs (TGI Bordeaux, 18 janv. 1974. – TGI
Bordeaux, 10 juin 1975 : Gaz. Pal. 1977, p. 1, note Plancqueel, mais la cour ne précise pas le fondement juridique
de sa décision). Aussi bien, le gérant peut ainsi intervenir dans l'intérêt d'une personne privée et être, en même
temps, reconnu collaborateur bénévole du service public (CAA Lyon, 4e ch., 22 sept. 1993, cité par J. Mestre : RTD
civ. 1994, p. 101, à l'occasion de l'affaire jugée par Cass. 1re civ., 26 janv. 1988, préc.).

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

25 . - Animaux sans maître – Absence de gestion d'affaires

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Une dame âgée s'occupait, sur sa propriété, de nombreux chats errants. À la suite de son décès, une association
de protection des animaux a pris en charge ces chats puis a assigné une héritière de la bienfaitrice en paiement
des frais avancés sur le fondement de la gestion d'affaires. S'appuyant sur les propres indications de l'association
selon lesquelles les animaux étaient sans maître, la cour d'appel d'Agen écarte l'application de la gestion d'affaires,
aux motifs que l'héritière n'a pas la qualité de propriétaire : la cour souligne que les dispositions de l'article 1372 du
Code civil « ne sont pas applicables en l'espèce en ce que la gestion d'affaires suppose, par hypothèse, que le
gérant accomplisse des actes de gestion pour le compte du propriétaire », qualité que n'a pas l'héritière (CA Agen,
1re civ., 13 avr. 2016, n° 14/00821 : JurisData n° 2016-009955 ; JCP G 2016, 832, note K. Lafaurie).

26. – L'élément intentionnel, pour entraîner un rapport de gestion d'affaires à l'égard du maître, n'a donc pas besoin
d'avoir été concrètement destiné à celui-ci. Il suffit qu'il ait existé, même si c'est la situation d'une tierce personne
qui, l'a, en fait, déterminé. En d'autres termes, il n'est pas nécessaire que l'intention de gérer soit affectée d'un
certain intuitu personae. D'ailleurs, la jurisprudence est allée jusqu'à voir dans l'assureur du responsable qui aurait,
en définitive, supporté l'incidence du dommage que le gérant a voulu éviter, le véritable maître (Cass. 1re civ.,
16 nov. 1955 : JCP G 1956, II, 9087, note P. Esmein). L'intention altruiste de celui qui, dans cette espèce, s'était
précipité pour retirer du véhicule en flammes son conducteur évanoui était indiscutable. Il n'avait pourtant pas eu
l'intention d'agir dans l'intérêt de la compagnie d'assurances de celui-ci, qu'il ignorait. La veuve du sauveteur n'en
fut pas moins indemnisée par cette dernière au titre de la gestion d'affaires effectuée par son mari.

27. – Cette possibilité, reconnue par la jurisprudence au gérant, d'ignorer l'identité du maître dans les affaires
duquel il intervient, a donné à la notion d'autrui une remarquable extension. Ce terme peut s'appliquer,
aujourd'hui, aussi bien à une personne physique qu'à une personne morale, qu'elle soit de droit privé (Cass.
1re civ., 16 nov. 1955, préc. – Cass. 1re civ., 29 mai 2001, n° 99-21.144 : JurisData n° 2001-009907 ; RJDA 2002,
n° 10 ; RTD civ. 2002, p. 298, obs. J. Mestre et B. Fages : association sportive) ou de droit public (Cass. civ.,
24 juill. 1928 : DP 1929, 1, p. 81, note Waline. – CA Bordeaux, 1re ch. B, 16 févr. 1999, n° 97002157 : JurisData
n° 1999-040200 : syndicat d'initiative d'une commune). L'on admet même, qu'il puisse s'agir d'une personne future,
comme une société en cours de constitution (V. R. Bout, op. cit., n° 69 et réf. – Ch. Larroumet, note D. 1972,
p. 436, spéc. p. 438. – Y. Guyon, Droit des affaires, 2e éd., n° 171. – Cass. com., 14 janv. 2003, n° 00-12.557 :
JurisData n° 2003-017369 ; Dr. et patrimoine 2003, n° 117, p. 95, obs. D. Poracchia. – V. obs. J.-J. Caussain, Fl.
Deboissy et G. Wicker : JCP E 2003, I, n° 627, p. 705. – Contra cependant, Cass. 3e civ., 1er juill. 1971 : D. 1972,
p. 436, dont la formule, trop absolue, est critiquée par Ch. Larroumet, op. cit. – Cass. com., 31 janv 2006, n° 03-
16.280 : JurisData n° 2006-032100 : agissement en tant que fondateur de la société en cours de constitution, mais
sans intention de gérer l'affaire d'autrui).La jurisprudence est d'ailleurs allée plus loin, en attribuant la qualité
d'autrui à une personne fictive. Le tribunal d'instance de Valence a, en effet, considéré que celui qui avait payé les
frais d'obsèques d'une personne décédée des suites d'un accident, sans aucun héritier connu, avait utilement géré
les affaires de la succession vacante (TGI Valence, 14 déc. 1960 : JCP A 1961, II, 3941, note H. G. ; D. 1961,
p. 619, note Goré). En réalité, c'est la mémoire du défunt que ce gérant a eu l'intention de servir, dans un altruisme
qui se manifeste au-delà de la mort (T. Villefranche-sur-Saône, 25 févr. 1948 : D. 1948, p. 199. – CA Nancy, 20 oct.
1949 : Gaz. Pal. 1950, 1, p. 6. – V. aussi, Cass. 2e civ., 18 juill. 1967 : JCP G 1967, IV, 139. – CA Nancy, 1re civ.,
5 nov. 2001, n° 99/02253 : JurisData n° 2001-170319 : frais d'obsèques payés par le concubin. – Cass. 1re civ.,
22 déc. 1969 : Bull. civ. 1969, I, n° 403, mais la gestion d'affaires a été ici écartée en raison de l'opposition
préalable d'un parent. – CA Paris, 8e ch. A, 3 mai 1989 : JurisData n° 1989-022252, sœur du défunt avançant les
frais d'inhumation. – CA Paris, 25e ch., sect. B, 2 févr. 2007, n° 04/09584 : JurisData n° 2007-336421 : curateur
ayant agi dans l'intérêt du légataire universel. – Comp. CA Amiens, 1re ch., 15 janv. 2004, n° 02/00897 : JurisData
n° 2004-240934 : grand-mère organisant les funérailles de ses petits-enfants, dans l'intérêt de sa fille, blessée dans
l'accident. – CA Paris, pôle 4, ch. 9, n° 09/11991, 13 oct. 2011 : JurisData n° 2011-022505 : gestion jugée
inutile).Mais la gestion d'affaires ne pourrait être entreprise en violation de dispositions légales (CA Paris, 3e ch.,

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sect. A, 25 nov. 2008 : JurisData n° 2008-378364 : gestion d'une masse des porteurs de bons de souscription
d'action par l'un d'eux, en violation de l'article L. 228-54 du Code de commerce).

b) Gestion dans l'intérêt d'autrui, mobile partiel

28. – Il est fréquent qu'une personne, en gérant sa propre affaire, gère en même temps celle d'un tiers. C'est le cas
d'un copropriétaire qui prend volontairement en main le patrimoine commun pour gérer l'affaire des autres en
même temps que la sienne propre. Cette situation permet-elle au juge de relever, dans une mesure suffisante
l'existence de l'élément intentionnel ?

29. – A priori, il semblerait excessif de faire de l'état indivisaire, en lui-même, une sorte d'incapacité à gérer l'affaire
d'autrui. Car l'indivisaire est particulièrement bien placé pour connaître les intentions de ses coïndivisaires. De plus,
la communauté d'intérêts liant celui-ci aux autres est une garantie de gestion opportune et utile. Il faut donc
admettre que la circonstance que le gérant "ait œuvré à la fois dans son intérêt personnel et dans celui du maître
de l'affaire n'est pas exclusive de l'existence d'une gestion d'affaires" (Cass. 1re civ., 28 mai 1991, n° 89-20.258 :
JurisData n° 1991-001466 ; Bull. civ. 1991, I, n° 167 ; RTD civ. 1992, p. 96, obs. J. Mestre ; Defrénois 1992,
art. 35295, n° 56, obs. J.-L. Aubert. – Adde CA Versailles, 15 sept. 1989 : RGAT 1990, p. 140. – CA Paris, 25e ch.
A, 28 mars 1989 : JurisData n° 1989-021083. – CA Orléans, 14 sept. 1993 : JurisData n° 1993-045124. – CA
Angers, 1re ch. B, 3 juin 1996 : JurisData n° 1996-046345 : acheteur d'un fonds, agissant, avant son transfert, dans
l'intérêt du vendeur, comme du sien. – CA Agen, 1re ch., 20 févr. 2006, n° 03/00345 : JurisData n° 2006-300695 :
associé d'une SCI. – Cass. 1re civ., 12 janv. 2012, n° 10-24.512 : JurisData n° 2012-000219 ; JCP 2012, n° 362,
note Ph. Casson ; JCP E 2012, n° 42, D. 2012, p. 217 ; RTD civ. 2012, p. 115, obs. B. Fages). Pourtant, lorsque
l'affaire est ainsi commune aux deux parties, il peut être malaisé de déceler la présence d'une intention d'agir pour
autrui chez celui qui en a pris seul la gestion. Aussi convient-il, pour être fidèle à l'exigence de cette condition, de
requérir de ce dernier une volonté, partielle sans doute, mais certaine, d'intervenir utilement dans les affaires
des tiers en indivision .

30. – Nos juridictions, après avoir admis, en principe, la possibilité pour une personne de gérer l'affaire d'autrui en
même temps que la sienne, même quand il est impossible de gérer l'une sans l'autre, ont su souvent refuser de la
qualifier de gérant quand elle "n'avait eu en vue que son intérêt propre" (T. civ. Seine, 11 mars 1910 : Gaz. Pal.
1910, 2, p. 145. – Adde Cass. civ., 14 déc. 1931 : DH 1932, p. 98. – CA Douai, 30 juin 1933 : Rec. Douai 1933,
p. 334. – CA Montpellier, 1er mars 1988, n° 85-42.012 : JurisData n° 1988-000011. – CA Rouen, 15 janv. 1992 :
JurisData n° 1992-040373. – CA Nancy, 5 juill. 1993 : JurisData n° 1993-047027. – CA Aix-en-Provence, 15 sept.
1993 : JurisData n° 1993-045671. – CA Paris, 23e ch., sect. A, 10 mai 2000, n° 1997/04378 : JurisData n° 2000-
115564. – CA Versailles, 1re ch., 2e sect., 2 nov. 2001, n° 99/07582 : JurisData n° 2001-183864). Quant aux
décisions qui reconnaissent au demandeur la qualité de gérant d'affaires, elles insistent généralement sur "son
intention d'agir pour le compte d'autrui" (T. sup. Papeete, 18 mars 1949 : JCP G 1949, II, 5206, note J.C. – V.
aussi, Cass. civ., 28 oct. 1942 : DC 1943, p. 29, note P.L.-P. : copropriétaire d'un immeuble ayant signé seul une
prolongation de bail. – Cass. soc., 6 mai 1965 : Bull. civ. 1965, IV, n° 360 : congé délivré à un fermier par un seul
des coïndivisaires. – CA Paris, 10 juill. 1980 : D. 1981, inf. rap. p. 98 : copropriétaire ayant désiré "pallier la carence
du syndic"), sur le fait qu'il "a volontairement agi au nom et pour le compte" de celui-ci (Cass. civ., 28 oct. 1942,
préc. : usufruitier ayant vendu les valeurs mobilières des nus-propriétaires), ou "dans l'intérêt du maître et du
gérant" (CA Dijon, ch. civ. A, 17 juin 2008, n° 07/01615 : JurisData n° 2008-365420), qu'il a eu "l'intention d'agir en
représentation du maître" (Cass. 1re civ., 21 juill. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 373, femme ayant consenti une
location en représentation de son mari), qu'il s'est comporté en "gérant d'affaires avisé" (CA Paris, 23e ch. B,
21 mai 1986 : RTD civ. 1986, p. 786, obs. C. Giverdon), ou que "malgré l'intérêt personnel qu'il avait à donner
l'ordre d'exécution des travaux, il a manifestement agi, également, dans l'intérêt de ses voisins" (CA Aix-en-
Provence, 1re ch., 10 mars 1983, aff. Castel c/ divers).

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

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30 . - Intérêt personnel

Admission d'une gestion d'affaires dans l'hypothèse où une personne a payé les dettes d'une autre, en agissant à
la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, afin de permettre non seulement l'extinction de ses dettes mais
aussi d'éviter la saisie de ses biens immobiliers. Il appartient au gérant de rapporter la preuve de la cause de son
paiement (Cass. 1re civ., 12 janv. 2012, n° 10-24.512 : JurisData n° 2012-000219 ; Bull. civ. 2012, I, n° 4 ; D. 2012.
chron. C. cass. 635, obs. Creton ; ibid., p. 1592, note Gouëzel ; RTD civ. 2012, p. 115, obs. Fages ; ibid., p. 513,
obs. Hauser ; JCP G 2012, 362, Casson ; RDC 2012, p. 831, obs. Klein).

31. – Nombreuses sont, parmi les situations d'affaires communes dont la jurisprudence a eu à connaître, les
hypothèses concernant soit la gestion par un époux d'un bien commun, alors qu'il dépasse volontairement les
pouvoirs qui lui sont attribués, soit celle de l'affaire de son conjoint séparé de biens, puisqu'il est, ici encore,
intéressé au premier chef par celle-ci. Nos juridictions appliquent alors l'article 219 du Code civil(réd. L. 13 juill.
1965), aux termes duquel "à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un
époux en représentation de l'autre ont effet, à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires" (Cass.
1re civ., 13 févr. 1952 : Bull. civ. 1952, I, n° 64. – Cass. 1re civ., 21 juill. 1959, préc. n° 30. – Cass. com., 15 juill.
1970 : Bull. civ. 1970, IV, n° 240. – T. civ. Metz, 4 juill. 1946 : Gaz. Pal. 1947, 1, p. 34. – CA Aix-en-Provence,
10 nov. 1953 : Journ. not. 1955, p. 601, note Gouy. – V. aussi, Cass. 1re civ., 12 mai 1970 : Bull. civ. 1970, I,
n° 160, mais la gestion fut, ici, jugée inutile. – Cass. 1re civ., 15 mai 1974 : JCP G 1974, IV, 241 ; Bull. civ. 1974, I,
n° 147 ; Defrénois 1975, art. 30954, p. 920, obs. Aubert. – Cass. 1re civ., 23 juill. 1974 : Bull. civ. 1974, I, n° 242 ;
JCP G 1974, IV, 334. – Cass. 1re civ., 5 mars 1985, n° 84-10.097 : JurisData n° 1985-700585 ; JCP G 1985, IV,
179 ; Bull. civ. 1985, I, n° 86). Le gérant a eu, ce faisant, l'intention d'agir dans l'intérêt commun du ménage, et
donc partiellement de l'autre époux. Les juges peuvent donc vérifier l'existence partielle d'un mobile altruiste, qui,
pour être suffisante, n'en demeure pas moins nécessaire à la qualification de gestion d'affaires. Ainsi certaines
décisions ont-elles refusé délibérément de la consacrer lorsque les époux sont en instance de divorce, autrement
dit, lorsque leur discorde rend toute intention bienveillante fort improbable (Cass. com., 3 juin 1966 : Bull. civ. 1966,
III, n° 278 : administration des biens communs par un mari après l'introduction d'une demande en divorce. – T. civ.
Seine, 4e ch., 30 mars 1965 : bail consenti par un ex-époux sur l'appartement dépendant d'une communauté de
biens non encore liquidée après un divorce. – Cass. 1re civ., 5 mars 1985, préc., admettant la gestion d'affaires
parce que celle-ci avait été entreprise "tandis qu'aucune instance en divorce n'était encore engagée").De toute
façon, la communauté d'intérêt du gérant et du maître "n'est pas, par elle-même, de nature à exclure l'existence
d'une gestion d'affaires" ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation, censurant pour ce motif la décision des juges du
fond qui se bornait à fonder sur cet intérêt conjoint le refus d'admettre cette institution (Cass. com., 16 nov. 1976 :
Bull. civ. 1976, IV, n° 291).

c) Insuffisance de la simple conscience de gérer l'affaire d'autrui

32. – Certains auteurs, pour supprimer cette difficile appréciation de l'attitude psychologique de celui qui gère
l'affaire d'un tiers en même temps que la sienne, ont eu recours à la notion de "conscience de gérer"
(notamment, M. Picard, art. préc. : RTD civ. 1922, p. 31. – R. Demogue, op. cit., t. III, p. 32. – F. Goré,
L'enrichissement aux dépens d'autrui : thèse Paris, 1945, n° 261, 267 et 269 ; chron. préc. : D. 1953, p. 39). Il est
vrai que, s'il suffit d'avoir connaissance du caractère commun à un tiers de l'affaire entreprise pour être qualifié de
gérant, le seront inévitablement tous les copropriétaires ou coïndivisaires, même s'ils n'ont eu en vue que leur
propre intérêt, dans la mesure où ils auront eu "conscience" de s'immiscer dans le patrimoine des autres... et
quand bien même ce serait malgré eux. Ils n'auront pas, ainsi "obéi à une pensée purement égoïste" (M. Picard,
op. et loc. cit.), ce qui serait, en fin de compte, suffisant.

33. – Il est cependant contestable d'affirmer que la conscience de gérer l'affaire d'autrui exclut le caractère
purement égoïste du mobile. Ce dernier peut être totalement intéressé, en dépit de celle-là. Ce serait, d'autre part,

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vider de toute substance cette condition subjective, requise par le législateur dans l'adverbe "volontairement" (C.
civ., art. 1372), et traduite par la jurisprudence dans l'existence de l'intention de gérer, que la réduire à cette simple
conscience. Sous une apparence trompeuse, laissant croire à son maintien, elle serait, en réalité, quasiment
écartée de l'institution.

34. – Aussi la jurisprudence contemporaine n'a-t-elle pas cru devoir adopter cette notion. Non seulement la Cour de
cassation n'a jamais formellement consacré l'expression de "conscience de gérer l'affaire d'autrui", mais encore elle
a pris soin de rappeler que la gestion d'affaires suppose du gérant une "intention de rendre service" (Cass. 1re civ.,
7 févr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 50), ou une "volonté de gérer l'affaire d'autrui" (Cass. 1re civ., 19 avr. 1967 : Bull.
civ. 1967, I, n° 136. – Cass. 3e civ., 13 déc. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 372. – Cass. 1re civ., 6 mars 1986 : Bull.
civ. 1986, I, n° 86. – Cass. com., 27 nov. 1991, n° 89-20.356 : JurisData n° 1991-003015 ; JCP G 1992, IV, n° 386).
D'ailleurs, il n'est pas rare que la jurisprudence refuse d'admettre la gestion d'affaires en raison de l'absence chez
le gérant de toute intention de gérer, alors que celui-ci avait eu, en l'espèce, pleinement "conscience" de gérer
l'affaire d'autrui, ou du moins l'affaire commune (Cass. civ., 14 déc. 1931 : DH 1932, p. 98. – Cass. 2e civ., 12 mai
1953 : D. 1953, p. 517. – Cass. 1re civ., 15 déc. 1953 : Bull. civ. 1953, I, n° 367. – CA Douai, 30 juin 1933 : Rec.
Douai 1933, p. 334. – Cass. 1re civ., 22 déc. 1969 : Bull. civ. 1969, I, n° 403).

35. – Sans doute les partisans de la "conscience" de gérer invoquèrent cette notion afin de justifier un certain
laxisme de la jurisprudence dans l'utilisation de la gestion d'affaires, certaines décisions ayant admis celle-ci en
dépit de l'incertitude, manifestée par les juges, quant à l'existence d'une volonté d'agir dans l'intérêt d'autrui. En
effet, la "conscience" une fois substituée à "l'intention" de gérer, les décisions les moins rigoureuses retrouvaient
l'orthodoxie juridique à laquelle elles avaient failli.Mais cette tentative est désormais vaine, car la jurisprudence
contemporaine qui, par ailleurs, élargit la notion de gestion d'affaires, va jusqu'à admettre celle-ci malgré l'absence
d'une simple conscience, chez le gérant, de gérer l'affaire d'autrui (V. infra n° 74 ). C'est dire que cette "conscience
de gérer" ne correspond à aucune tendance jurisprudentielle : trop lâche quand les juges manifestent l'exigence
rigoureuse d'une intention de gérer digne de ce nom, elle est trop étroite quand ils tolèrent l'absence de tout
élément intentionnel.

2° Étendue de l'intention de gérer

36. – Ayant affirmé l'existence de l'intention de gérer, les tribunaux doivent encore poursuivre leur analyse
psychologique afin de scruter la volonté du gérant. À une appréciation qualitative de ses mobiles, succède une
appréciation quantitative, dont l'issue est également décisive pour l'admission ou le refus de sa qualité de gérant.
Deux facteurs sont en effet susceptibles de modifier, dans des sens opposés, l'ampleur de sa volonté altruiste :
– tantôt il a non seulement l'intention de rendre service à une autre personne mais également celle de lui
faire don de tous ses frais de gestion ; l'intention de gérer surpasse alors, en étendue, celle que nous
avons jusqu'ici rencontrée ; il s'y ajoute un animus donandi ;
– tantôt, en revanche, le gérant a l'intention d'agir dans l'intérêt d'autrui, mais il a en même temps
conscience d'y être contraint par une obligation préexistante. L'étendue de l'élément intentionnel pèche
cette fois, non par excès mais par insuffisance, car, si l'intention existe, elle est privée de liberté et
d'indépendance.

a) "Animus donandi" et gestion d'affaires

1) Intention de gérer et "animus donandi"

37. – L'intention de gérer l'affaire d'autrui correspond à une volonté d'attribuer au maître le bénéfice d'une
prestation gratuite d'activité ou de travail (Cass. 1re civ., 22 déc. 1981 : Bull. civ. 1981, I, n° 395, "en énonçant que
M.T. le gérant avait spontanément entrepris des démarches... sans exiger pour lui-même aucune rémunération, la
cour d'appel a caractérisé son intention de gérer l'affaire d'autrui"). C'est là le domaine, mais aussi la limite du

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sentiment altruiste exigé du gérant. Il lui est donc possible, sans infirmer pour autant ses mobiles désintéressés, de
réclamer au maître le juste remboursement de ses débours, et même d'imposer à ce dernier la réparation des
dommages que cette entreprise a pu lui occasionner (CA Poitiers, 26 août 1993 : JurisData n° 1993-050709). Mais
le gérant peut avoir, exceptionnellement, l'intention d'aller au-delà de ce sacrifice de son temps et de ses soins, en
voulant offrir aussi au maître ses frais de gestion, ou en refusant de prétendre à une indemnisation en cas de
préjudice. L'intention de gérer se double alors d'un animus donandi.

2) Effets de l'"animus donandi"

38. – La volonté de répétition des frais de gestion est-elle une des conditions de la gestion d'affaires ? Dans
l'affirmative, l'animus donandi ôterait au tiers intervenant sa qualité de gérant. La jurisprudence n'apporte aucune
réponse satisfaisante à cette question. Certains arrêts, fort anciens, concernent l'hypothèse d'assurances
collectives contre les accidents du travail, contractées avant la loi de 1898, par des patrons au bénéfice de leurs
ouvriers, sans opérer de retenues sur leurs salaires. Mais ils relèvent d'une période de confusion avec
l'enrichissement sans cause (V. supra n° 20 ), et, le plus souvent, l'existence de l'intention de gérer était fort
douteuse. D'autres ont trait aux frais d'entretien et d'éducation d'un enfant, fournis en général par un membre de sa
famille pendant de longues années, et dont la répétition est, par la suite, réclamée à ses parents. Cependant, cette
prise en charge n'a pu se faire, habituellement qu'avec le consentement, au moins tacite, de ceux-ci. Il y a contrat à
titre gratuit, car acceptation d'une libéralité : on est alors sorti du cadre de la gestion d'affaires (V. sur cette
jurisprudence, R. Bout, op. cit., n° 83). Seul demeure, en définitive, un arrêt de la Cour de cassation du 7 février
1967(Cass. 1re civ., 7 févr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 50), mais il ne précise pas nettement si la reconnaissance
de la gestion d'affaires est compatible avec l'intention libérale de celui qui a rendu service à autrui.

39. – En réalité, il n'y a qu'une différence de degré entre l'intention de gérer "ordinaire" et l'intention libérale elle-
même. Il nous paraît donc que celle-ci, qui contient, puisqu'elle la dépasse, l'intention de gérer, satisfait, au-delà de
ce qui est requis, à l'exigence de l'élément intentionnel. Le tiers qui intervient spontanément, animo donandi, dans
les affaires d'autrui, est ainsi apte à être gérant d'affaires. Si on lui refuse, logiquement, l'exercice de l'action
contraire à l'effet d'obtenir la répétition de ses frais (JCl. Civil Code, Art. 1372 à 1375, fasc. 20 ou Notarial
Répertoire , V° Quasi-contrats, fasc. 30), on le reconnaît toujours tenu de toutes ses obligations envers le maître,
qui dispose de l'action directe pour le contraindre à les remplir (M. Maruitte, op. cit., n° 107 et réf.).

40. – L'on peut, cependant, se demander si l'intention libérale ne porte pas en elle les germes d'une négation de la
gestion d'affaires. En effet, la gestion animo donandi est une libéralité se réalisant sous la forme d'une renonciation
gratuite à un droit, le gérant faisant au maître une véritable remise de dette, dont l'offre peut être expresse ou
même tacite (en ce sens, M. Maruitte, op. cit., n° 107 à 113). Elle a pour effet de libérer le maître envers le gérant,
dès que celui-là l'a acceptée. Or, si l'acceptation est exprimée dès l'immixtion du tiers, la gestion d'affaires n'a
même pas commencé à exister : c'est un contrat de mandat, ou d'entreprise. Si le maître a accepté cette offre de
libéralité du gérant lorsque ce dernier lui a rendu compte de sa gestion, son consentement paraît bien entraîner
ratification, laquelle transforme rétroactivement la gestion en mandat (V. JCl. Civil Code, Art. 1372 à 1375, fasc. 20
ou Notarial Répertoire , V° Quasi-contrats, fasc. 30).Enfin, si l'acceptation est intervenue en cours de gestion, elle a
pour résultat, en la ratifiant, d'y mettre fin, et de transformer la gestion d'affaires en contrat à titre gratuit avec
remise de dette.En réalité, la survenance de l'animus donandi étant exceptionnelle – comme le confirme la rareté
de la jurisprudence – l'intérêt pratique du problème pourrait paraître fort réduit, si la difficulté suscitée par la gestion
d'affaires du professionnel ne lui donnait une nouvelle dimension.

3) Gestion d'affaires du professionnel

41. – Les actes accomplis par un gérant peuvent parfois correspondre à ses aptitudes professionnelles : le hasard
peut faire, par exemple, que le proche voisin d'un immeuble menaçant ruine, en l'absence de son propriétaire, soit
précisément un entrepreneur ou un architecte. La remise en état de l'immeuble, qui entre dans le cadre de leur

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activité professionnelle, peut-elle constituer également une gestion d'affaires ? La jurisprudence et la doctrine
l'admettent ne voyant pas, dans la profession d'une personne, un obstacle à la reconnaissance de sa qualité de
gérant, à la condition que l'acte accompli ne se situe pas dans les rapports contractuels liant les parties (V. infra
n° 65 à 67 ). D'ailleurs, la compétence du professionnel offre les meilleures garanties d'utilité de son intervention.

42. – Cependant, la rémunération de ce gérant professionnel soulève une difficulté majeure. En principe, le gérant
d'affaires n'a pas droit à un salaire : il peut seulement exiger d'être indemnisé de ses pertes, et remboursé de
“toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites”(C. civ., art. 1375. – V. JCl. Civil Code, Art. 1372 à 1375,
fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Quasi– contrats, fasc. 30). Mais quelques auteurs, réservant le cas du
professionnel, considèrent que ce dernier peut également réclamer une rémunération conforme à ses gains
ordinaires. Afin de légitimer cette solution au regard des limitations de l'article 1375 du Code civil, l'on assimile la
valeur de son travail à une dépense ou une perte remboursable (V. G. Marty et P. Raynaud, op. cit., t. II, 1er vol.,
n° 387. – P. Guillot, op. cit., p. 27 s. – B. Starck, H. Roland et L. Boyer, op. cit., n° 1875. – A. Vialard, note : DMF
1982, p. 668). L'on affirme, à l'appui de cette solution, que le temps d'un professionnel est pécuniairement apprécié
en fonction des usages de la profession, et que lui refuser une rémunération porterait atteinte au principe d'équité
qui veut que toute peine mérite salaire.

43. – En réalité, l'équité n'est qu'apparente et la rétribution du gérant paraît critiquable pour de multiples raisons.
Elle est d'abord le résultat d'une ventilation, souvent artificielle, entre acte de gestion professionnel et non
professionnel. Elle conduit ensuite à l'arbitraire du juge, qui accorderait ainsi à l'ouvrier-maçon ayant pris l'initiative
de réparer la maison de son voisin, une rémunération pour le temps qu'il y a consacré, mais la refuserait, pour le
même travail, au profane apte à manier la truelle. Sans doute porterait-on remède à cette iniquité en accordant à
tout gérant d'affaires, qu'il soit ou non professionnel, une égale rémunération. Mais l'on s'exposerait, de toute façon,
à d'autres critiques, qui nous paraissent décisives. En effet, la rétribution du gérant a, en troisième lieu, des
conséquences fâcheuses : non seulement, elle ne permet pas de vérifier l'existence, chez le gérant, d'une intention
de gérer, mais encore elle favorise l'intrusion intéressée dans les affaires d'autrui. Est-il possible de discerner une
volonté de rendre service à autrui chez le gérant, alors que, sa gestion ayant été lucrative, il a pu y rechercher son
profit ? Et n'y a-t-il pas, ainsi, un réel danger à autoriser, sous le couvert de la gestion d'affaires du professionnel,
l'immixtion intéressée dans les affaires d'autrui ? L'on peut craindre, par exemple, qu'un entrepreneur songe à
réparer la toiture de la maison voisine parce que son entreprise n'est pas prospère (en ce sens, Ch. Beudant et
P. Lerebours-Pigeonnière, op. cit., n° 1698, p. 321).

44. – Pour proscrire toute rémunération, il conviendrait donc de ne pas assimiler le service rendu par un
professionnel à une dépense ou une perte remboursables, sans toutefois écarter son aptitude à être gérant. Un
professionnel pourra parfois témoigner d'une volonté réellement désintéressée, manifestant, par son attitude lors
de sa gestion, qu'il ne recherche pas de profit et désire faire le sacrifice de son temps. Son intention altruiste,
donnant à son action la qualité d'une gestion d'affaires, prend alors la forme d'un animus donandi égal au montant
de la rémunération à laquelle il serait normalement en droit de prétendre. Il s'agit donc d'une intention libérale,
déterminante ici, non pas des effets, mais de l'existence de l'institution : l'intention de gérer, condition de toute
gestion d'affaires, est seulement révélée par cette volonté de ne pas demander la rémunération, en l'absence de
laquelle le professionnel ne saurait prétendre à la qualité de gérant. L'exigence de cet animus donandi particulier
est ainsi, à notre sens, seule capable d'apporter une solution satisfaisante à ce problème du gérant professionnel.

45. – La jurisprudence contemporaine exigeant l'intention de gérer devrait donc, pour en vérifier l'existence chez un
professionnel, requérir de sa part une prestation de services animo donandi. C'est bien ce qu'elle paraît exiger
quand elle refuse alors le paiement, au gérant professionnel, d'une rémunération (Cass. com., 15 déc. 1992, n° 90-
19.608 : JurisData n° 1992-002764 ; JCP G 1993, IV, n° 535 ; RTD civ. 1993, p. 579, obs. J. Mestre. – CA Angers,
1re ch. B, 3 juin 1996 : JurisData n° 1996-046345 : Travaux agricoles. – CA Pau, 1re ch., 17 déc. 1997 : JurisData
n° 1997-055584 : refus d'honoraires à un architecte. – CA Rouen, 2e ch., 13 mai 2004, n° 02/01644 : JurisData
n° 2004-242685 : refus de rémunération à un administrateur provisoire). Les arrêts anciens, souvent cités à l'appui

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du principe de sa rémunération, sont d'une portée contestable : aucun n'émane de la Cour suprême, et le dernier
date de 1874 (V. notamment, F. Goré : Rép. civ. Dalloz, 2e éd., V° Gestion d'affaires, n° 183).Quant aux décisions
plus récentes, si elles reconnaissent la validité de la gestion d'affaires du professionnel, elles ne statuent pas
généralement, sur le problème de sa rétribution et insistent, de plus, sur sa volonté d'agir dans l'intérêt de son client
(V. Flour, Aubert, et Savaux, op. cit., n° 15, relevant que les arrêts de la Cour de cassation "ne sont pas
entièrement probants"). C'est le cas du notaire qui a fait conclure une transaction sur la vente d'un immeuble (T.
civ. Dunkerque, 9 mars 1955 : Journ. not. 1955, p. 600, note Gouy), du rédacteur de l'acte de cession d'un fonds
de commerce qui paie les droits d'enregistrement (Cass. com., 15 oct. 1974 : D. 1975, somm. p. 12), de l'agent
d'assurances qui fait l'avance des primes (Cass. 1re civ., 19 déc. 1972 : Bull. civ. 1972, I, n° 291), de l'avocat qui,
outrepassant les pouvoirs conférés par sa cliente, résilie le bail de l'appartement dont elle était locataire (Cass.
1re civ., 26 nov. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 525), du garagiste qui, informé d'un sauvetage à opérer, a
spontanément entrepris de retirer un véhicule accidenté du fond d'un ravin (CA Paris, 7 déc. 1963 : JCP G 1964,
IV, 32), de l'architecte qui, en l'absence du propriétaire de l'immeuble, charge un entrepreneur d'exécuter des
travaux urgents (Cass. 1re civ., 15 mars 1961 : Bull. civ. 1961, I, n° 166. – Adde TGI Seine, 14 mai 1963 : Gaz. Pal.
1964, 1, p. 14), du syndic de copropriété qui avance des fonds pour le syndicat des copropriétaires (CA Paris,
23e ch., 15 nov. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 447, obs. Giverdon ; D. 1980, inf. rap. p. 154, obs. Brane ; AJPI 1979,
p. 19, note Bouyeure. – CA Versailles, 28 mai 1980 : Gaz. Pal. 1980, 2, p. 639, note Morand. – CA Versailles, 6 juin
1989 : JurisData n° 1989-043862. – Contra CA Paris, 23e ch., A, 12 mars 1997 : JurisData n° 1997-020553. – CA
Paris, 23e ch. B, 12 févr. 2004, n° 2003/13380 : JurisData n° 2004-232391. – CA Orléans, 17 oct. 2011,
n° 10/02066 : JurisData n° 2011-031724, voyant dans cette avance une "anomalie de gestion"), de
l'administrateur judiciaire (CA Paris, 6e ch. B, 29 mars 1996 : JurisData n° 1996-020801) ou du liquidateur
prenant des mesures conservatoires (CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 25 nov. 1997 : JurisData n° 1997-057061), ou
encore du médecin (Cass. civ., 8 févr. 1932 : DH 1932, p. 202), du directeur d'une clinique qui fait appel, dans
l'intérêt du malade, à un spécialiste (CA Paris, 15 mars 1905 : DP 1905, 2, p. 357. – V. aussi, Cass. civ., 17 mai
1939 : JCP 1939, 2, p. 1214).

46. – Il est vrai que, par ailleurs, certaines décisions ont admis la rémunération de quelques professionnels
reconnus gérants d'affaires sans l'affirmation préalable, chez ceux-ci, de l'existence d'un mobile altruiste. Le cas
s'est surtout présenté pour les agents immobiliers et les agents d'affaires (Cass. 1re civ., 2 juin 1970 : JCP G
1970, II, 16511 ; Rec. gén. lois et jurispr. 1971, n° 387, p. 149, obs. Nicolas-Jacob. – CA Poitiers, 22 mai 1968,
Ménard c/ Aubry. – CA Aix, 1re ch., 4 juill. 1978 : Bull. Aix 1978, 3, p. 82. – Comp. CA Aix, 1re ch., 18 juin 1984 :
Bull. Aix 1984, 2, p. 32, se limitant au remboursement à l'agent de ses frais de visite, et pour le refus d'une
commission, CA Paris, 23e ch., 8 nov. 1977, n° 75-13.027 : JurisData n° 1977-000532. – Cass. 1re civ., 5 nov.
1980 : JCP G 1981, IV, n° 31. – Cass. 1re civ., 28 juin 1988, n° 87-12.104 : JurisData n° 1988-001082 ; JCP G
1988, IV, n° 316 ; Bull. civ. 1988, I, n° 210. – Cass. 1re civ., 19 juill. 1988 : JCP G 1988, IV, n° 345 ; RD imm. 1989,
p. 66, obs. Tomasin. – CA Paris, 25e ch. B, 7 juill. 1989 : JurisData n° 1989-023369. – Contra CA Angers, 1re ch.,
sect. A, 11 mai 1998, n° 9700472 : JurisData n° 1998-045109, refus de la gestion d'affaires, intervention
postérieure à la durée de validité du mandat), et pour les généalogistes (T. civ. Saint-Pol, 8 févr. 1952 : La loi
27 févr. 1952. – T. civ. Laval, 4 juin 1957 : JCP G 1957, II, 10222, note T.P. – CA Toulouse, 13 mars 1968 :
D. 1969, p. 155. – Cass. 1re civ., 31 janv. 1995, n° 93-11.974 : JurisData n° 1995-000365 ; D. 1995, inf. rap. p. 55 ;
JCP G 1995, IV, n° 815. – CA Rennes, 1re ch., sect. A, 6 janv. 1998, n° 9604694 : JurisData n° 1998-041127. – CA
Caen, 1re ch., sect. civ. et com., 16 mai 2000, n° 98/02059 : JurisData n° 2000-142433. – CA Bordeaux, 1re et
5e ch. réunies, 10 janv. 2006, n° 04/01764 : JurisData n° 2006-295667. – CA Toulouse, 22 févr. 2011, 3e ch., 1re
sect., n° 09/05324 : JurisData n° 2011-007655. – CA Nancy, 21 avr. 2011, 2e ch., n° 09/00800 : JuriData n° 2011-
013359. – CA Bordeaux, 1re ch., sect. A, 10 mai 2011, n° 10/01663 : JurisData n° 2011-011972. – Contra Cass.
1re civ., 28 mai 1991, préc. n° 29) qui, après avoir permis, par leurs diligences, la vente d'un immeuble et la
découverte d'une succession, n'avaient pu obtenir des bénéficiaires, en l'absence d'un contrat, le versement de leur
commission. L'hypothèse apparaît relever de l'enrichissement sans cause, mais ses règles ne permettant pas de
rémunérer , pour son activité, celui qui a ainsi procuré un avantage à autrui, la jurisprudence a vu dans la gestion

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d'affaires un moyen d'y parvenir (V. R. Bout, op. cit., n° 238). Aussi bien, ce moyen ne peut plus être utilisé, selon la
première chambre civile de la Cour de cassation, pour rémunérer les agents immobiliers, depuis que l'article 73 du
décret du 20 juillet 1972 exige la rédaction préalable d'un mandat écrit (V. D. Tomasin, La rémunération des agents
immobiliers : RD imm. 1989, p. 133, n° 22 et les arrêts cités. – Cass.1re civ., 22 mars 2012, n° 11-13.000 :
JurisData n° 2012-005110 ; D. 2012, p. 879, obs. Y. Rouquet).Ces décisions ne sont donc, ici, nullement
probantes. Elles appartiennent à cette tendance à l'utilisation extensive de cette institution, manifestée par la
jurisprudence contemporaine, que nous envisagerons ultérieurement (V. infra n° 72 à 97 ).

b) Spontanéité de la gestion

47. – L'exigence de l'intention de gérer serait dérisoire si l'on pensait pouvoir déceler cet élément dans l'intervention
contrainte d'une personne en faveur d'un tiers. La spontanéité va nécessairement de pair avec l'intention de gérer.
Ainsi la cour de Nîmes (CA Nîmes, 2 juill. 1964) a rappelé qu'"aux termes de l'article 1372 du Code civil, il ne peut y
avoir gestion d'affaires que si l'on gère volontairement l'affaire d'autrui ; qu'il faut donc entreprendre spontanément
et sans en être chargé des actes utiles pour autrui". Invoquant cette règle, elle a rejeté la demande de
l'administration de l'enregistrement qui, en sa qualité de séquestre judiciaire, se prétendait gérante d'affaires, parce
qu'"elle n'avait pas agi spontanément mais en vertu des devoirs de ses fonctions". Sur pourvoi, la Cour suprême,
après avoir constaté que "l'arrêt relevait justement que la gestion d'affaires supposait la volonté de gérer l'affaire
d'autrui", en conclut que "par ce seul motif, la cour d'appel avait justifié sa décision" (Cass. 1re civ., 19 avr. 1967 :
Bull. civ. 1967, I, n° 136. – adde Cass. 1re civ., 22 oct. 2009, n° 08-18.331 : JurisData n° 2009-050014 : censure de
l'arrêt ayant admis la gestion d'affaires bien qu'ayant relevé que "la gestion n'avait pas été entreprise
spontanément"). La chambre sociale a de même affirmé que "les personnes qui, légalement ou contractuellement,
sont tenues d'accomplir certains actes, ne peuvent s'en prévaloir comme étant des actes de gestion d'affaires"
(Cass. soc., 11 oct. 1984 : JCP G 1984, IV, 346 ; Bull. civ. 1984, V, n° 369. – V. J.-P. Laborde, Les obligations de
l'employeur en cas de maladie non professionnelle frappant un salarié en mission à l'étranger : Dr. soc. 1985,
p. 555). C'est le cas, en particulier, si ces actes ont été accomplis en vertu d'un contrat par la suite annulé (CA
Paris, 16e ch., 7 avr. 1987 : JurisData n° 1987-027771).

48. – S'appuyant généralement, à l'instar de la jurisprudence, sur ce terme "volontairement" utilisé par le législateur
dans l'article 1372 du Code civil, la doctrine affirme aussi la nécessité du caractère spontané de l'intervention du
gérant (V. R. Bout, op. cit., n° 93, note 8 et réf.). Certains auteurs, cependant, ont été tentés de voir dans cette
exigence une condition autonome et objective de la gestion d'affaires, correspondant à une "absence de rapport
juridique entre le gérant et le maître". Mais cette notion, inconnue de la jurisprudence, est de plus incapable de
rendre compte de toutes les hypothèses de non-spontanéité de l'action du gérant, qu'il s'agisse d'une intervention
dans les affaires d'autrui pour exécuter une obligation illégale, ou pour exécuter une obligation inexistante parce
qu'imaginaire ou rétroactivement annulée (V. R. Bout, op. cit., n° 93 s.). En réalité, exiger la spontanéité de la
gestion, ce n'est pas exiger une condition nouvelle de celle-ci, mais seulement manifester l'exigence d'une ampleur
suffisante de l'élément intentionnel.

1) Spontanéité et obligation naturelle

49. – L'obligation naturelle est le premier obstacle auquel peut se heurter l'exigence d'une totale liberté d'action du
gérant. Celui qui, répondant à un devoir de conscience, exécute une obligation naturelle, peut-il prétendre avoir agi
spontanément ? Si, comme on l'admet généralement, l'obligation naturelle n'exclut pas l'intention libérale (V. sur ce
point, JCl. Civil Code, Art. 1235 à 1248, fasc. 10 ou Notarial Répertoire , V° Contrats et obligations , fasc. 63. –
Adde Bout, thèse préc. n° 95 s.), elle ne doit pas, non plus, exclure la spontanéité (Contra Ph. le Tourneau : Rép.
civ. Dalloz, V° Gestion d'affaires, n° 33). La volonté de celui qui accomplit une obligation naturelle, qu'il sait pouvoir
ne pas exécuter – puisque cette exécution n'est pas exigible – est libre : la connaissance de cette liberté d'action
est le gage de sa spontanéité, même si le sentiment d'un devoir de conscience a pesé sur sa décision. C'est,
semble-t-il, l'opinion des tribunaux qui, lorsqu'ils analysent l'action du tiers intervenant comme l'exécution d'une

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obligation naturelle, ne croient pas se contredire en le qualifiant de gérant d'affaires. S'ils lui refusent, parfois, le
remboursement de ses dépenses, c'est en raison de l'intention libérale qu'il a manifestée (T. civ. Seine, 13 nov.
1913 : Gaz. trib. 1914, I, 2, p. 143. – TGI Alès, 9 nov. 1966 : D. 1968, p. 328).

2) Spontanéité et obligation légale

50. – Nombreuses sont aujourd'hui les situations dans lesquelles une personne intervient en faveur d'un tiers, sous
la contrainte d'une obligation légale. Après avoir relevé l'existence de celle-ci, les tribunaux écartent l'application de
la gestion d'affaires pour absence de spontanéité de l'intervention. Si, en revanche, le demandeur a
volontairement excédé , en faveur du tiers, l'obligation dont il était débiteur, rien ne s'oppose à la reconnaissance
de sa qualité de gérant, son intervention ayant retrouvé sa spontanéité.

51. – Obligation d'assistance – Les hypothèses dans lesquelles un particulier est légalement tenu d'intervenir en
faveur d'autrui sont, aujourd'hui, de plus en plus nombreuses. Elles résultent de la constatation, soit d'un besoin
éprouvé par le créancier d'une obligation alimentaire, soit d'un danger menaçant l'existence en mer d'un navire, ou
éprouvé par une personne dont la situation périlleuse justifie le secours de tiers.

52. – Obligation alimentaire – Le débiteur alimentaire, qui a volontairement exécuté son obligation, ou a été
condamné à le faire, ne peut prétendre avoir géré l'affaire de ses codébiteurs. Sans doute, certaines décisions ont
été tentées de faire appel à cette source d'obligations pour permettre au premier d'obtenir des seconds une
contribution, pour leur part, à la satisfaction des besoins du créancier (CA Montpellier, 16 nov. 1954, inédit. – V.
infra n° 81 ). Mais, dans l'ensemble, la jurisprudence refuse de voir dans ce débiteur un gérant d'affaires parce
qu'elle a conscience qu'en payant sa dette, celui-ci n'a pas agi avec la spontanéité que requiert une authentique
intention de gérer. Ainsi une épouse ne peut se prétendre gérante d'affaires de son conjoint pour avoir seule
entretenu l'enfant commun (Cass. req., 6 nov. 1899 : DP 1899, 1, p. 559. – CA Paris, 26 avr. 1892 : DP 1893, 2,
p. 175), une mère naturelle ne peut, après avoir assuré pendant dix-huit ans l'entretien et l'éducation de son enfant,
invoquer cette qualité pour obtenir la contribution du père qui l'avait également reconnu (CA Nancy, 18 déc. 1919 :
Gaz. Pal. 1920, 1, p. 69). En revanche, une voisine qui, sans lien de parenté, héberge un enfant dont le père vient
d'être incarcéré, gère l'affaire de celui-ci, qui en avait la garde (CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 26 août 1993 :
JurisData n° 1993-050709).De même, "les débiteurs alimentaires qui ont pourvu, du vivant du de cujus, aux frais de
subsistance et d'entretien de celui-ci, ne peuvent prétendre avoir géré l'affaire d'autrui, alors qu'ils ne faisaient
qu'acquitter leur propre dette" (T. civ. Mamers, 3 nov. 1955 : D. 1956, p. 32). Aussi bien, la Cour suprême a admis
l'existence, au profit de l'enfant ayant subvenu seul aux besoins de ses parents, d'un recours contre ses frères et
sœurs coobligés, à l'appui du seul article 205 du Code civil, sans invoquer le fondement d'une gestion d'affaires
(Cass. 1re civ., 29 mai 1974 : D. 1975, p. 482, note Magnin).

53. – Obligation d'assistance maritime – En droit maritime, une obligation d'assistance existe à l'égard de “toute
personne, même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre”(L. n° 67-545, 7 juill. 1967, art. 19, relative aux
événements de mer. – C. Transports, art. L. 5262-2), et ce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le danger qu'elle
court résulte particulièrement du naufrage d'un navire. Ainsi, tout acte d'assistance ou de sauvetage maritime étant
déterminé par une obligation légale, ne saurait être considéré comme spontanément exécuté, et donner lieu, de ce
fait, à l'application de la gestion d'affaires (en ce sens, Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-19.468, Navire "Tevesa" :
JurisData n° 1997-004021 ; DMF 1997, p. 1080, rapp. cons. Rémery, obs. P. Bonassies, l'arrêt affirmant que
"l'assistance maritime est exclusivement régie par la Convention de Bruxelles de 1910 ou par les dispositions de la
loi du 17 juillet 1967, éventuellement complétées par les stipulations de la convention d'assistance, à l'exclusion de
toute application des règles concernant l'enrichissement sans cause ou la gestion d'affaires").

54. – Mais le sauveteur ne peut-il devenir gérant si, dépassant son obligation légale d'assistance, il accomplit une
action dont le caractère spontané n'est, dès lors, plus contestable ? Une réponse affirmative pourrait sembler
méconnaître l'autonomie du droit maritime. Encore faut-il distinguer le sauvetage des personnes et celui des biens.
L'article 1er de la Convention de Bruxelles de 1910, qui détermine son domaine d'application, de même que

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l'article 9 de la loi du 7 juillet 1967 n'évoquant nullement l'assistance aux personnes, on peut penser, avec le
professeur Pierre Bonassies, que rien ne paraît s'opposer à ce que les règles de la gestion d'affaires ne puissent lui
être appliquées, dans la mesure où l'assistant ne réclamerait que le remboursement de ses dépenses, à l'exclusion
d'une rémunération, celle-ci étant prohibée par l'article 17 de la loi précitée (P. Bonassies, obs. DMF 1997, p. 1086
et 1087. – Adde obs. DMF 1979, p. 505. – V. A. Vialard, La gratuité du sauvetage maritime des personnes, Étude
critique d'un tabou : Annuaire de Droit maritime et aérospatial, t. X, 1989, p. 133). En revanche, lorsqu'il s'agit de
sauvetage des biens , les effets de l'intervention sont exclusivement régis par les dispositions du droit maritime,
l'assistant pouvant prétendre au versement d'une "indemnité d'assistance", en fait véritable rémunération dont le
principal caractère est d'être aléatoire, n'étant pas due si le secours prêté reste sans résultat utile (V. R. Rodière,
Droit maritime, n° 463. – P. Chauveau, Traité de droit maritime : Librairies techniques, 1958, n° 870 s. – Adde,
A. Lapoyade Deschamps, La Convention de Londres sur l'assistance maritime et le droit français des contrats :
DMF 1993, p. 684 s. – Sur l'application de la gestion d'affaires pour l'indemnisation des frais de lutte contre la
pollution, V. M. Rémond-Gouilloud, Les mesures de sauvegarde : DMF 1980, p. 387 et p. 451). Mais, en l'absence
de législation applicable à la navigation intérieure, la gestion d'affaires pourrait être appliquée à l'assistance fluviale
(en ce sens, CA Aix-en-Provence, 2e ch., 23 sept. 1981 : DMF 1982, p. 664, note A. Vialard. – V. cependant, CA
Paris, 7e ch. B, 21 janv. 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 31, convention d'assistance pour le pilotage gracieux d'une
péniche).

55. – Obligation d'assistance terrestre – Depuis que la loi du 25 octobre 1941(validée par ord. 25 juin 1945) a
érigé en délit le fait de ne pas porter secours aux personnes en danger, c'est, non plus un devoir moral, mais une
obligation juridique d'assister toute personne en péril, comme d'empêcher tout crime ou délit contre l'intégrité
corporelle. Ainsi, le texte de l'article 223-6 du Code pénal réprime “Quiconque pouvant empêcher par son action
immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la
personne s'abstient volontairement de le faire”.

56. – La consécration légale de cette obligation n'a-t-elle pas eu pour effet de restreindre le domaine
d'application de la gestion d'affaires ? – Le sauveteur ayant agi sous la contrainte de la loi n'a pas eu la
spontanéité nécessaire à l'intention de gérer, et partant la qualité de gérant. L'on pouvait donc croire que la
jurisprudence qualifiant le gérant d'affaires de sauveteur, était vouée à disparaître avec la loi du 25 octobre 1941.
Or, il n'en a rien été, et l'étude de la jurisprudence révèle que la multiplication des actes de dévouement, due au
développement du machinisme et de ses dangers, a même contribué au succès que connaît aujourd'hui la gestion
d'affaires devant les tribunaux.

57. – Cela ne saurait étonner. Le législateur, en effet, ne pouvant imposer au particulier, témoin du danger
menaçant un tiers, une action héroïque, a limité l'obligation d'assistance au cas où ce témoin pouvait prêter secours
“sans risque pour lui ou pour les tiers”(C. pén., art. 223-6, préc.). L'obligation cesse, et donc la gestion
d'affaires commence, dès qu'il y a "risque" . Ce dernier terme manque, il est vrai, de précision, et soulève, de ce
fait, des difficultés d'interprétation (P. Bouzat et J. Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie, t. I, n° 116. –
R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, t. I, 3e éd., n° 433).La jurisprudence exige que le risque concerne la
personne, et non le patrimoine de l'assistant, et qu'il soit suffisamment "sérieux" (P. Bouzat et J. Pinatel, op. cit.,
n° 117). Mais l'imprécision de ce critère n'a, en réalité, aucune conséquence pratique sur l'application de la gestion
d'affaires, comme en témoigne la jurisprudence qui n'a jamais refusé à un sauveteur terrestre la qualité de gérant
parce que son action, imposée par la loi, ne serait pas spontanée. Puisque l'acte d'assistance a été porté devant
les juges, c'est qu'il a déterminé un préjudice corporel assez sérieux, lequel a été la conséquence, pour l'assistant,
d'un risque de même nature, dont la survenance est la marque d'une liberté d'action du sauveteur : l'assistance
s'étant ainsi traduite par une intervention spontanée et altruiste, permettant aux juges de déceler l'intention de
gérer, l'on ne saurait leur reprocher d'y avoir reconnu la mise en œuvre d'une gestion d'affaires (V. par exemple,
Cass. 1re civ., 16 nov. 1955 : JCP G 1956, II, 9087, note P. Esmein, pour l'assistance à un conducteur évanoui
dans son véhicule en flammes. – TGI Paris, 25 oct. 1971 : Gaz. Pal. 1972, 1, p. 124, pour le secours porté à un
pompiste agressé par des malfaiteurs). Inversement, celui qui se borne à appeler les pompiers agit, certes, en "bon

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père de famille et citoyen avisé" : il a exécuté cette obligation légale d'assistance mais n'a pas géré l'affaire d'autrui
(CA Bordeaux, 5e ch., 29 févr. 1996 : JurisData n° 1996-041280).

58. – Tutelle – Qu'un tuteur soit datif ou testamentaire, lorsqu'il administre le patrimoine d'un incapable dans le
cadre normal de ses fonctions, il agit en tant que tuteur et ne peut être considéré comme gérant d'affaires. Mais
lorsqu'il excède, volontairement, les fonctions qui lui sont légalement imparties, la jurisprudence admet qu'il puisse
se transformer en gérant d'affaires. On ne saurait lui opposer sa qualité de tuteur incompatible avec celle de gérant,
puisque, par hypothèse, il s'en est, en quelque sorte, dépouillé (en ce qui concerne l'existence d'une tutelle de fait,
V. R. Bout, op. cit., n° 104 et réf.).

59. – Ainsi la chambre des requêtes a reconnu la qualité de gérant d'affaires à une mère, tutrice légale de son
enfant mineur qui, afin d'éviter d'hypothéquer ou d'aliéner un domaine constituant le bien le plus important de ce
dernier, avait pris l'initiative de rembourser de ses deniers personnels des dettes arrivant à échéance, et dont le
taux d'intérêt était plus élevé que ses avances (Cass. req., 26 oct. 1910 : S. 1912, 1, p. 337, note Loubers).
Nombreuses ont été, depuis, les décisions ayant appliqué cette institution aux actes accomplis par un tuteur hors
des limites de ses fonctions (notamment, T. civ. Seine, 7 mai 1921 : DP 1921, 2, p. 147. – CA Nîmes, 19 juill.
1922 : Gaz. Pal. 1922, 2, p. 479, pour un subrogé tuteur. – CA Lyon, 8 mars 1934 : Mon. jud. Lyon, 22 nov. 1935. –
V. également, Cass. civ., 13 juin 1932 : Gaz. Pal. 1932, 2, p. 477. – CA Toulouse, 2e ch., 1re sect., 28 nov. 2002,
n° 2001/04273 : JurisData n° 2002-199239, pour un majeur en curatelle. – CA Paris, 25e ch., sect. B, 2 févr. 2007,
n° 04/09584 : JurisData n° 2007-336421, obsèques organisées par le curateur après la fin de sa mission). Cette
jurisprudence a été confirmée, avec éclat, par l'arrêt de la chambre civile du 28 octobre 1942 (Cass. civ., 18 oct.
1942 : DC 1943, p. 29, note P.L.-P.).Certes, l'acte litigieux avait été accompli, en ce cas, par l'usufruitier de
l'universalité des biens composant la succession, et non par le tuteur, mais il aurait pu l'être par ce dernier qui,
d'ailleurs, ne s'y était pas opposé, et nul doute que la décision des juges eût alors été identique. Aussi, en
transposant légèrement les données de l'espèce, on peut penser, avec tel auteur (Choteau, in Trav. assoc. Henri
Capitant, t. IV, 1949, p. 101) que cet arrêt a autorisé "un tuteur qui n'avait pas observé, pour une aliénation de
valeurs mobilières du pupille, les formalités habilitantes, à échapper à la responsabilité du mauvais succès de cette
opération irrégulière, en justifiant de la réalisation des conditions d'une gestion utile d'affaires".

60. – Fonction et profession – D'une manière générale, à l'image de la tutelle, l'exercice de toute fonction selon
sa réglementation légale, est exclusive de la gestion d'affaires, sauf un dépassement volontaire et désintéressé des
limites de cette fonction. L'administration de l'enregistrement qui vend l'immeuble d'un contumax (V. supra n° 47 ),
l'administrateur provisoire des biens d'un tiers qui ouvre pour celui-ci un compte courant (Cass. 1re civ., 22 janv.
1952 : Bull. civ. 1952, I, n° 31), le gérant d'une société civile immobilière qui agit en justice pour cette société (Cass.
3e civ., 15 oct. 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 359), le syndic qui réclame à un copropriétaire le paiement de sa part
des travaux effectués sur l'immeuble (CA Aix, 1re ch., 20 déc. 1978 : Bull. Aix 1978, 4, n° 259), ou à la copropriété
"une avance de trésorerie" (CA Orléans, 17 oct. 2011, n° 10/0266 : JurisData n° 2011-031724), le médecin d'un
hôpital ayant soigné un blessé régulièrement admis dans l'établissement (T. civ. Orléans, 25 févr. 1903 : DP 1904,
2, p. 96), l'avocat ayant suppléé un confrère interdit provisoirement d'exercer (Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, n° 92-
19.017 : JurisData n° 1996-003240 ; Bull. civ. 1996, I, n° 323 ; JCP G 1996, IV, 2170 et JCP E 1997, I, 4015, obs.
G. Virassamy ; D. 1996, inf. rap. p. 192), le Conseil régional des notaires qui verse une subvention pour couvrir le
déficit d'une étude, après le décès du notaire (Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-10.616 : JurisData n° 2012-
004885), ne peuvent prétendre à la qualité de gérant : ils n'ont pas agi spontanément, mais "en vertu des devoirs
de leurs fonctions". Il en est de même de la ville qui fait exécuter des travaux confortatifs sur un immeuble
menaçant ruine et mettant en péril la sécurité des passants : elle n'a fait qu'exécuter une obligation légale (CA
Toulouse, 5 oct. 1959 : D. 1960, p. 387, note Goré).

61. – Les règles professionnelles peuvent elles-mêmes mettre obstacle à la naissance d'une gestion d'affaires
chaque fois qu'elles imposent l'intervention dans les affaires d'autrui. Si cette obligation peut, parfois, se superposer
à une obligation générale – telle, dans la déontologie médicale, l'obligation de porter secours à personne en péril –,

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elle est, normalement, propre à la profession considérée : pour ses membres, l'action, qui est libre pour quelque
autre particulier, devient un devoir. Ainsi, l'agent de police blessé en se jetant à la tête de chevaux emballés, a été
certes l'auteur d'un "acte de bravoure dont il doit être hautement loué", mais "il n'a agi que par devoir professionnel,
puisqu'il doit veiller à la sécurité publique" (T. paix Paris, 26 sept. 1913 : DP 1913, 2, p. 345, note Lalou). De même,
les gendarmes qui ont pris soin de blessés victimes d'un accident de la circulation "ont agi conformément à leur
mission réglementaire, et non point par un acte purement volontaire et spontané de leur part. Ils ne se sont pas
constitués les gérants d'affaires..." (CA Paris, 7 déc. 1963 : JCP G 1964, IV, 32).

62. – Cette jurisprudence reçoit généralement l'approbation de la doctrine, pour laquelle un tel refus de la gestion
d'affaires est valable, non seulement à l'égard des gendarmes ou des gardiens de la paix, mais aussi des
fonctionnaires civils, du personnel de l'armée, des sapeurs-pompiers, des maîtres-nageurs... et de tous "les autres
services de secours, qui sont au service de l'État ou des collectivités locales" (M. Riou, L'acte de dévouement :
RTD civ. 1957, p. 244). Ainsi, pour être qualifié de gérant, comme l'affirme la cour de Lyon (CA Lyon, 17 juin 1946 :
DC 1947, somm. p. 29), le sauveteur doit être intervenu "spontanément, à titre individuel, et non comme membre
d'une société ou d'une organisation de sauvetage officielle ou privée". Enfin, tous ceux qui prêtent assistance à une
personne envers laquelle ils sont tenus d'une obligation professionnelle de sécurité, tels les hôteliers, les
exploitants de manège ou de piscine, ne sauraient le faire au titre de la gestion d'affaires : ils ne font alors que leur
devoir, et ne cherchent qu'à limiter leur responsabilité (V. M. Riou, op. et loc. cit.).

63. – Réquisition – La réquisition d'une personne, qu'elle soit régulière ou ne le soit pas – étant abusive, ou
émanant d'une autorité de fait –, exclut nécessairement la spontanéité de son action et, partant, sa qualité de
gérant. La jurisprudence a ainsi refusé celle-ci au citoyen réquisitionné pour coopérer à l'extinction d'un incendie
(CA Colmar, 17 avr. 1928 : Gaz. Pal. 1928, 2, p. 266. – Adde CA Lyon, 17 juin 1946, préc., sol. impl.), ou à celui qui
avait fourni, sur la réquisition abusive d'un maire, aliments et boissons aux pompiers et autres sauveteurs occupés
à lutter contre le feu (T. civ. Châteaudun, 22 janv. 1925 : DP 1927, 1, p. 73, note Appleton), admettant en revanche
la qualité de gérant de celui qui excède volontairement le cadre de la réquisition (CA Douai, 1re ch., 9 sept. 2002,
n° 01/01895 : JurisData n° 2002-208876 : SPA réquisitionnée pour évaluer l'état des animaux d'une exploitation
pendant la détention de l'éleveur, qui gère cette exploitation).

64. – D'ailleurs, la jurisprudence administrative ne fait pas, non plus, appel à la notion de gestion d'affaires pour
définir la situation juridique de la personne requise, et notamment déterminer ses droits lorsqu'elle a été blessée à
l'occasion de sa réquisition. Elle y voit un collaborateur occasionnel ou bénévole du service public au même titre
que celui qui est intervenu librement, de sa propre initiative, pour répondre à l'urgence de la situation. Cette
assimilation n'a pas seulement l'avantage d'éviter des difficultés de qualification lorsqu'on ne sait au juste s'il y a eu
ou non réquisition, puisque celle-ci peut être prise sous la forme verbale par les agents publics, ou même résulter
seulement du tocsin. Elle offre surtout au sauveteur un régime juridique favorable à l'indemnisation de ses
dommages, la responsabilité de l'Administration étant alors engagée sur le fondement de la théorie du risque (V.
R. Bout, op. cit., n° 109 et réf.).Aussi bien, par le biais du recours à l'assureur, les qualités de gérant d'affaires
d'une personne privée et de collaborateur bénévole du service public ne s'avèrent plus, aujourd'hui, incompatibles
(CAA Lyon, 22 sept. 1993 : RTD civ. 1994, p. 101, obs. J. Mestre. – V. supra n° 25 ).

3) Spontanéité et obligation contractuelle

65. – La jurisprudence a affirmé, avec une égale fermeté, le principe de l'incompatibilité de la gestion d'affaires
avec l'accomplissement, par une personne, d'une obligation résultant d'un contrat (CA Versailles, 1re ch., 2e sect.,
19 sept. 1997 : JurisData n° 1997-056314), serait-il tacite (Cass. 1re civ., 11 juin 1996, n° 94-15.779 : JurisData
n° 1996-002437. – CA Montpellier, 1re ch., sect. A, 19 avr. 2011 : JurisData n° 2011-016291). Nombreuses sont les
décisions ajoutant à la nécessité que le gérant ait "accompli spontanément un acte dans l'intérêt et pour le compte
d'autrui", celle qu'il l'ait fait "sans en avoir été prié" (CA Lyon, 14 nov. 1950 : Mon. jud. Lyon 1951, p. 157) ou
exigeant une "intervention spontanée du gérant sans accord préalable avec le maître de l'affaire" (CA Douai,

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26 janv. 1953 : JCP G 1953, IV, 153. – Adde CA Paris, 26 juin 1899 : DP 1900, 2, p. 154. – CA Rouen, 21 mars
1908 : Rec. Rouen 1908, p. 170. – CA Aix-en-Provence, 1re ch., 20 déc. 1978 : Bull. Aix 1978, 4, n° 259, gestion
en qualité de syndic. – TGI Nice, 14 mai 1985 : Gaz. Pal. 1985, 2, somm. p. 241, convention verbale qui exclut la
spontanéité de l'immixtion. – CA Versailles, 14e ch., 1er juin 1990 : D. 1990, inf. rap. p. 214. – CA Rouen, 15 janv.
1992 : JurisData n° 1992-040373. – CA Paris, 19e ch. A, 5 févr. 1992 : JurisData n° 1992-020044. – CA
Montpellier, 6 janv. 1993 : JurisData n° 1993-034553. – CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. A, 2 sept. 2003,
n° 01/20000 : JurisData n° 2003-221755). C'est ainsi qu'une société de parking, qui réclamait au propriétaire d'une
voiture, à elle confiée par un voleur, le montant des frais de garde "ne peut se prévaloir d'une gestion d'affaires
alors qu'elle n'a pu qu'exécuter, bien ou mal, le contrat (avec le voleur)..." (TI Paris, 21 oct. 1970 : Gaz. Pal. 1971,
1, p. 28 ; RTD civ. 1971, p. 137, obs. Loussouarn), comme ne peut s'en prévaloir le négociateur de la vente d'une
propriété rurale, puisque "ces négociations apparaissaient inconcevables sans l'accord préalable du vendeur sur le
principe de la vente et le prix", et que ces circonstances, remarque justement la Cour suprême, "étaient exclusives
de la gestion d'affaires" (Cass. 1re civ., 29 oct. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n° 446). Le fait que le gérant ait agi à
l'invitation d'un tiers n'est pas cependant de nature à écarter la spontanéité de son intervention. Ainsi la Cour
suprême a justement considéré qu'un plaisancier, propriétaire d'une vedette, pressenti par une société de
sauvetage pour surveiller des régates, avait spontanément géré les affaires de la société ayant organisé cette
épreuve sportive (CA Poitiers, 8 déc. 1976 : DMF 1977, p. 389. – Sur pourvoi, Cass. 1re civ., 14 nov. 1978 : JCP G
1980, II, 19379, note R. Bout. – Adde dans le même sens, Cass. 1re civ., 3 janv. 1985 : Bull. civ. 1985, I, n° 5 ;
Gaz. Pal. 1985, 1, pan. jurispr. p. 90, obs. Piédelièvre ; RTD civ. 1985, p. 574, obs. J. Mestre. – Cass. 1re civ.,
24 mai 1989, n° 87-17.931 : JurisData n° 1989-701619 ; Bull. civ. 1989, I, n° 211 ; RTD civ. 1990, p. 477, obs.
J. Mestre. – Cass. 1re civ., 28 janv. 2010, n° 08-16.844 : JurisData n° 2010-051363 ; JCP G 2010, 532, obs.
A. Dumery). Aussi bien il y a encore incompatibilité de la gestion d'affaires avec un acte accompli en conséquence
de la violation d'une obligation contractuelle (Cass. 1re civ., 14 juin 1988 : Bull. civ. 1988, I, n° 191 ; JCP G 1988,
IV, p. 297 ; RTD civ. 1989, p. 746, obs. J. Mestre). Il est ainsi fréquemment jugé qu'en raison de dispositions
d'ordre public, le mandat de syndic de copropriété est exclusif de la gestion d'affaires (CA Paris, 23e ch., sect. A,
3 juill. 1996 : JurisData n° 1996-021712. – CA Paris, 23e ch., sect. B, 28 févr. 1997 : JurisData n° 1997-020257. –
CA Paris, 23e ch., sect. A, 12 mars 1997 : JurisData n° 1997-020553. – CA Paris, 23e ch., sect. B, 24 oct. 1997 :
JurisData n° 1997-023037. – CA Paris, 23e ch., sect. A, 25 mars 1998, n° 95/26143 : JurisData n° 1998-020975. –
Cass. 3e civ., 20 janv. 1999, n° 97-16.470 : JurisData n° 1999-000207. – Cass. 3e civ., 29 mai 2002, n° 00-21.739 :
JurisData n° 2002-014501 ; Bull. civ. 2002, III, n° 15, obs. crit. P.-Y. Gautier ; RTD civ. 2003, p. 109), ou qu'en
raison d'un marché à forfait, des travaux supplémentaires ne sauraient être entrepris sans accord préalable (CA
Rennes, 4e ch., 12 sept. 2002, n° 00/07436 : JurisData n° 2002-198441. – CA Paris, 19e ch., sect. A, 21 mai 2003,
n° 2002/07268 : JurisData n° 2003-213690. – Comp., pour des travaux complémentaires envisagés dans le
devis, mais exigeant une consultation du maître de l'ouvrage, Cass. 3e civ., 13 mars 1984 : Gaz. Pal. 1984, 2, pan.
253).

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

65 . - Exécution d'une obligation légale

Liquidateur. – Pour mettre à la charge du bailleur les frais d'enlèvement et de gardiennage des véhicules sur le
fondement des dispositions de l'article 1375 du Code civil, une cour d'appel avait retenu qu'en faisant procéder à
des mesures de conservation des véhicules dans l'attente de la demande en revendication du bailleur, le
liquidateur a agi dans le cadre des dispositions relatives aux procédures collectives et que les frais occasionnés par
ces mesures de sauvegarde ont été exposés dans l'intérêt du bailleur. En statuant ainsi, alors que la gestion
d'affaires, qui implique l'intention du gérant d'agir pour le compte et dans l'intérêt du maître de l'affaire, est
incompatible avec l'exécution d'une obligation légale telle que celle imposant au liquidateur de prendre des
mesures conservatoires pour garantir l'exercice effectif du droit à revendication, la cour d'appel a violé, par fausse
application, le texte précité (Cass. com., 13 janv. 2015, n° 13-11.550 : JurisData n° 2015-000220 ; D. 2015, p. 207).

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Conseil régional des notaires. – En revanche, cassation de l'arrêt ayant refusé le remboursement, sur le
fondement de la gestion d'affaires, de sommes versées par le Conseil régional des notaires pendant la suppléance
du titulaire d'un office : hors le cas d'une interdiction ou d'une destitution du titulaire sanctionné disciplinairement,
aucune disposition statutaire ne prévoit le paiement par le Conseil régional des notaires des charges d'un office
pendant la suppléance de son titulaire décédé ou provisoirement empêché par cas de force majeure lorsque les
produits de l'activité sont insuffisants à y faire face (Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-10.616 : JurisData n° 2012-
004885 ; Bull. civ. 2012, I, n° 67 ; D. 2012, p. 885).

Transactions immobilières

La gestion d'affaires est incompatible avec les dispositions d'ordre public sur la nécessité d'un mandat écrit
préalable à toute transaction immobilière (Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-13.000 : JurisData n° 2012-005110 ;
Bull. civ. 2012, I, n° 72 ; D. 2012, p. 879, obs. Rouquet ; AJDI 2012, p. 613, obs. Thioye ; RTD civ. 2012, p. 528,
obs. Fages).

Syndic

Le mandat du syndic est exclusif de l'application des règles de la gestion d'affaires (Cass. 3e civ., 16 oct. 2013 : D.
2013, p. 2465, obs. Rouquet ; AJDI 2014, p. 383, obs. Tomasin ; RTD civ. 2014, p. 139, obs. Gautier).

66. – Mais la gestion d'affaires peut exister entre personnes unies par un contrat, lorsque l'une des parties a
volontairement dépassé le cadre précis de ses obligations contractuelles. L'on n'a pas lieu de craindre que "par
l'exercice de l'action extracontractuelle, l'on puisse se soustraire à l'effet des règles du contrat" (en ce sens,
J. Flour, Plus-values et fruits de biens indivis : JCP G 1943, I, 336, n° 28 et note 60). Car, si le contractant a
dépassé les limites du pouvoir qu'il a reçu, il devra également établir, pour pouvoir invoquer la gestion d'affaires,
que l'urgence de la situation et l'imprévision du contrat soient telles qu'il puisse s'y croire autorisé, sinon
l'intervention pourrait être jugée inutile en raison d'une opposition anticipée et légitime du mandant (V. infra n° 110
). La seule objection à ce dépassement des obligations contractuelles – qui ne concerne, d'ailleurs, que l'utilité de la
gestion –, étant ainsi écartée, l'on comprend que la doctrine, comme la jurisprudence, admettent sans difficulté la
gestion d'affaires du cocontractant, dans la mesure où il agit spontanément, dans l'intérêt de l'autre partie, et hors
du cadre contractuel. Du reste, le législateur consacre parfois cette solution (V. L. n° 69-8, 3 janv. 1969, art. 8. – C.
transports, art. L. 5412-5, appliquant la gestion d'affaires dans les rapports entre le capitaine, l'armateur et les
passagers ou les chargeurs. – Comp. C. civ., art. 1890, 1947 et 2000).

67. – C'est pour des rapports contractuels très divers que la jurisprudence a affirmé cette règle : ainsi, pour le
contrat de vente (CA Paris, 25e ch. A, 16 juin 1994 : JurisData n° 1994-022103, aide apportée par le cessionnaire
d'un cabinet d'administrateur de biens pour le règlement de dossiers en cours. – CA Rouen, 1re ch., 1er cab., 2 mai
2007, n° 05/04022 : JurisData n° 2007-334938, promesse caduque de cession de parts sociales), pour le contrat
d'architecte (TGI Seine, 14 mai 1963 : Gaz. Pal. 1964, 1, p. 14. – CA Montpellier, 30 mai 1990 : JurisData n° 1990-
001858. – CA Paris, 19e ch., sect. A, 26 févr. 2001, n° 1999/16008, n° 1999/23943 : JurisData n° 2001-139040),
pour le contrat médical (Cass. civ., 8 févr. 1932 : DH 1932, p. 202. – Cass. civ., 17 mai 1939 : JCP G 1939, II,
1214), pour le contrat de prêt (T. paix Candé, 27 nov. 1945 : DC 1947, p. 387, note Tunc), pour le contrat de travail
(CA Liège, 2 févr. 1927 : S. 1928, 4, p. 19), pour le contrat de prestation de services (CA Paris, 25e ch., sect. B,
30 mars 2007, n° 05/21158 : JurisData n° 2007-333686), pour le contrat de transport (Cass. req., 7 mai 1945 : JCP
G 1945, IV, 78), pour le contrat de dépôt (CA Poitiers, 28 avr. 1948 : D. 1948, p. 353. – TGI Paris, 9e ch., 9 sept.

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1994 : Gaz. Pal. 15-16 déc. 1995, somm. p. 14), pour le contrat d'entreprise (Cass. 3e civ., 8 juin 1977 : Bull. civ.
1977, III, n° 255. – CA Aix-en-Provence, 3e ch. civ., 13 janv. 2000, n° 95/16187 : JurisData n° 2000-114875), pour
le contrat d'association (Cass. 1re civ., 29 mai 2001, n° 99-21.144 : JurisData n° 2001-009907 ; RJDA 2002, n° 10 ;
RTD civ. 2002, p. 298, obs. J. Mestre et B. Fages : paiement effectué par les dirigeants), pour le contrat de société
(CA Rennes, 1re ch. B, 20 juin 1997 : JurisData n° 1997-045163 : prêt contracté par un associé), et pour le contrat
de bail (CA Reims, 26 avr. 1989 : JurisData n° 1989-044465. – CA Paris, 8e ch., 4 mai 1990 : JurisData n° 1990-
022174. – CA Paris, 1re ch., 5 juin 1990 : JCP G 1990, IV, p. 359). Peuvent également avoir la qualité de gérants
d'affaires, parce qu'ils ont excédé volontairement les pouvoirs qui leur étaient conférés, les notaires (CA Paris,
11 déc. 1884 : Gaz. Pal. 1885, 1, p. 643. – CA Paris, 30 juill. 1908 : DP 1911, 2, p. 126. – CA Limoges, 24 mai
1955 : JCP N 1955, II, 8915, note Espagno. – CA Agen, 18 oct. 1989 : JurisData n° 1989-047574. – CA Caen,
29 mars 1994 : JurisData n° 1994-043677), les avocats (Cass. 1re civ., 26 nov. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 525), les
agents de voyages (CA Paris, 25e ch. A, 28 mars 1989 : JurisData n° 1989-021083), ou plus généralement, tous
les mandataires (T. sup. Papeete, 18 mars 1949 : JCP G 1949, II, 5206, note J.C. – Cass. 1re civ., 18 nov. 1964 :
Bull. civ. 1964, I, n° 510. – CA Paris, 2e ch., sect. A, 10 sept. 1997 : JurisData n° 1997-022724 : agent immobilier
faisant expulser un squatter. – CA Papeete, ch. com., 30 janv. 2003, n° 287/COM/01 : JurisData n° 2003-209789 :
agent immobilier sollicitant des travaux de plomberie). Mais lorsque ceux-ci ont involontairement excédé leurs
pouvoirs, bien que n'étant plus soumis à leur obligation contractuelle, ils ne manifestent plus la spontanéité
nécessaire à l'existence de l'intention de gérer, et ne peuvent invoquer la gestion d'affaires (CA Grenoble, 6 janv.
1886 : J. Grenoble 1886, p. 227. – CA Paris, 16e ch., 7 avr. 1987 : JurisData n° 1987-027771, fournisseur dont le
contrat d'approvisionnement a été annulé).

3° Moyens d'appréciation et preuve de l'intention de gérer

68. – Il apparaît que les parties pourront prouver, et les juges apprécier, dans des conditions différentes, cet
élément intentionnel nécessaire à l'existence de la gestion d'affaires, selon que celle-ci a eu lieu avec ou sans
représentation.

a) Gestion d'affaires avec représentation

69. – S'il utilise la faculté qui lui est offerte par le législateur dans l'article 1375 du Code civil, lequel prévoit que le
maître doit remplir les engagements qu'il a contractés en son nom, le gérant conclura l'acte juridique qu'il a
l'intention de passer, au nom du maître, en dévoilant à son cocontractant, et par là au juge, sa qualité de gérant
d'affaires. Cet agissement au nom d'autrui est alors l'expression de l'élément altruiste nécessaire à la
reconnaissance de la gestion d'affaires. L'appréciation du juge en est grandement facilitée. Il n'a plus à vérifier
l'existence d'une intention de gérer qui s'étale au grand jour, et doit seulement en contrôler la sincérité.

b) Gestion d'affaires sans représentation

70. – Quand, en revanche, celui qui intervient dans les affaires d'un autre ne déclare pas aux tiers agir au nom de
ce dernier, et ne leur révèle pas, du même coup, sa qualité de gérant d'affaires, les tribunaux doivent apprécier son
attitude psychologique pour y déceler la présence nécessaire de l'intention de gérer. Selon le principe actori
incumbit probatio, c'est, dans la plupart des cas, à celui qui s'est immiscé dans les affaires d'autrui, parce qu'il est
demandeur, qu'il incombe d'établir l'intention de gérer (Cass. 1re civ., 28 juin 1988 : JCP G 1988, IV, p. 316 ; Bull.
civ. 1988, I, n° 210 ; RD imm. 1989, p. 67, obs. Tomasin). Mais la preuve de celle-ci passera d'abord par la preuve
de la connaissance, par le gérant, de l'appartenance à autrui de l'affaire gérée. La difficulté de cette dernière
preuve est variable : en fait, elle croît avec l'indivisibilité de l'affaire entre le maître et le gérant, car plus l'affaire leur
est commune, plus celui-ci, méconnaissant par exemple la limite de ses pouvoirs, a pu ignorer s'être immiscé dans
l'affaire d'autrui (V. supra n° 28 à 31 ).

71. – Il ne faut pas, cependant, qu'une excessive difficulté de preuve pèse sur celui qui a eu le mérite d'agir dans
l'intérêt d'autrui. Aussi est-il raisonnable d'écarter l'exigence de la preuve directe du mobile altruiste lorsque les

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circonstances impliquent d'elles-mêmes sa réalité, le gérant n'apparaissant pas personnellement intéressé à


l'affaire entreprise, et de la cantonner aux espèces dans lesquelles, l'affaire étant commune, le gérant a un intérêt
personnel à son exécution. C'est ce régime de preuve que paraissent adopter les juges du fond, lesquels, comme
le rappelle la Cour suprême, "apprécient souverainement, s'il existe, dans la cause qui leur est soumise, un tel
quasi-contrat" (Cass. 2e civ., 12 mai 1953 : D. 1953, p. 517). Il n'y a pas de contradiction à exiger cet élément
intentionnel, tout en se contentant d'en présumer la présence dans les hypothèses où elle ne semble pas faire de
doute. Mais les faits doivent autoriser cette présomption. Lorsqu'ils démentent la réalité d'un mobile altruiste, la
Cour de cassation censure les juges du fond pour n'en avoir pas exigé la preuve (Cass. 2e civ., 12 mai 1953,
préc.), à moins qu'elle ne tolère l'existence d'une gestion d'affaires sans intention de gérer.

B. - Admission de la gestion d'affaires, malgré l'absence de l'intention de gérer

72. – En dépit de l'exigence, par ailleurs manifestée (V. supra n° 20 à 35 ), d'une intention de gérer authentique, la
jurisprudence contemporaine a tendance à reconnaître l'existence d'une gestion d'affaires sans requérir la
présence de cet élément intentionnel. Ainsi voit-on se développer, parallèlement, une sorte de gestion d'affaires
"intéressée", à laquelle le législateur lui-même paraît avoir eu recours.

1° Gestion d'affaires intéressée dans la jurisprudence

73. – De nombreuses décisions n'hésitent pas à utiliser la gestion d'affaires malgré l'incertitude, chez le
"gérant", d'une volonté d'agir dans l'intérêt du maître . L'impossibilité où l'on est de s'assurer à partir de
l'analyse des faits, de la réalité de l'intention de gérer est, en ce cas, symptomatique d'une utilisation extensive de
cette institution. Cette incertitude peut d'ailleurs exister à des degrés divers.Parfois, l'existence de cette condition,
non rapportée en l'espèce, n'en est pas moins vraisemblable : l'intention de gérer n'est, alors, que probable.
L'administrateur-séquestre continuant sa gestion après la cessation de ses fonctions (CA Colmar, 15 déc. 1925 :
Gaz. Pal. 1927, 2, tables, p. 13), un père naturel acquittant en totalité la dette alimentaire commune (CA Colmar,
15 mars 1938 : S. 1938, 2, p. 231), l'agent d'assurances faisant l'avance de la première prime (Cass. 1re civ.,
12 nov. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 400. – Cass. 1re civ., 19 déc. 1972 : Bull. civ. 1972, I, n° 291 ; Gaz. Pal. 1973, 1,
somm. p. 9), le détenteur d'un chien perdu qui l'entretient pendant un an (TI Paris, 16e ch., 2 mai 1985 : Gaz. Pal.
1985, 2, somm. p. 234), le rédacteur de l'acte de cession d'un fonds de commerce qui paie les droits
d'enregistrement (Cass. com., 15 oct. 1974 : D. 1975, somm. p. 12), la société exécutant un contrat malgré sa
suspension (Cass. 1re civ., 15 janv. 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 33) sont ainsi crédités d'une intention de gérer
fondée sur une simple probabilité. Il en est de même de l'époux effectuant un acte sur un bien de son conjoint dans
l'ignorance, peut-être, qu'il appartient à ce dernier, ou qu'il a ainsi dépassé ses pouvoirs d'administration (V.
R. Bout, op. cit., n° 131 et 132, et réf.).Mais parfois, l'intention de gérer apparaît fort douteuse. Si elle n'est pas
contredite par les faits, ceux-ci laissent percevoir la quasi-certitude de son inexistence. Ainsi en est-il pour le cas
d'un locataire qui, de sa propre initiative, a effectué les travaux de reconstruction de l'immeuble sinistré pour faits
de guerre qu'il occupait (Cass. 1re civ., 17 déc. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 567), pour celui d'un fermier qui a
apporté des améliorations à l'immeuble loué (T. Nord, sect. Dunkerque, 15 nov. 1928 : JCP G 1929, p. 309, note
crit. Perraud-Charmantier), pour celui d'un expert, mandaté par l'assureur d'un sinistré qui, en faisant étayer un mur
mitoyen, agit aussi dans l'intérêt des propriétaires de la maison voisine (CA Reims, ch. civ., 1re sect., 27 mai 1998,
n° 3524/95 : JurisData n° 1998-045475), ou encore pour le cas de ce légataire universel qui, tenu, aux termes du
testament, de payer tous les frais de succession, avait payé l'amende fiscale d'un légataire particulier (Cass. civ.,
4 juin 1924 : Gaz. Pal. 1924, 2, p. 279). Plus généralement, c'est le cadre de l'activité du professionnel qui se prête
le plus à l'apparition, dans notre jurisprudence, de cette "gestion d'affaires au bénéfice du doute". Qu'il s'agisse
d'agents immobiliers, de généalogistes (V. supra n° 46 ), de notaires ou de promoteurs de constructions
immobilières, ces professionnels peuvent prétendre avoir agi en qualité de gérants d'affaires sans devoir établir
avec certitude une intention altruiste, dont les juges tolèrent le caractère dubitatif (V. sur cette jurisprudence,
R. Bout, op. cit., n° 133 à 143).

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74. – Il est remarquable que la jurisprudence soit allée encore plus loin dans ce sens. En effet, la Cour de cassation
elle-même n'a pas hésité à accueillir la qualification de gestion d'affaires donnée par les juges du fond à des faits
ne révélant ni la présence, ni la possibilité de l'intention, voire même de la conscience de gérer l'affaire d'autrui.
Tantôt cette haute juridiction accorde le bénéfice de la gestion d'affaires à celui qui est seulement intervenu dans
les affaires d'autrui parce qu'il se savait, ou se croyait juridiquement obligé de le faire. C'est le cas d'un contractant
se pliant normalement aux obligations résultant pour lui d'un contrat par la suite rétroactivement annulé (Cass.
1re civ., 13 déc. 1954 : Bull. civ. 1954, I, n° 363, compagnie d'assurances transigeant pour le compte de son
assuré, et méconnaissant la déchéance encourue par ce dernier pour retard dans la déclaration du sinistre. – Cass.
com., 5 janv. 1962 : Bull. civ. 1962, III, n° 8, mandataires ayant traité pour un groupement dépourvu de personnalité
juridique. – Adde Cass. 1re civ., 4 mars 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 137, responsabilité du propriétaire
judiciairement obligé à la "séquestration" du mobilier d'un occupant de son immeuble expulsé). C'est aussi le cas
d'une caution exerçant après paiement son recours contre un codébiteur solidaire (Cass. com., 27 nov. 1978 :
Banque 1979, p. 672, note Martin. – CA Paris, 15e ch., sect. A, 1er juill. 1997 : JurisData n° 1997-023613. – Comp.
CA Paris, 3e ch., sect. B, 9 mai 2003, n° 2002/12114, n° 2002/19133 : JurisData n° 2003-212530, écartant la
gestion d'affaires).Tantôt elle admet la gestion d'affaires de celui qui a agi dans les affaires d'un tiers, alors qu'il
croyait gérer les siennes propres (Cass. 1re civ., 1er déc. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 511, légataire universel
assurant l'immeuble successoral, dans l'ignorance des héritiers réservataires. – T. civ. Nîmes, 13 juill. 1942 : JCP G
1942, II, 1989, 2e esp., note Paillot et, dans la même affaire, Cass. req., 5 mars 1945 : Gaz. Pal. 1945, 1, p. 147,
travaux effectués par l'acquéreur d'un immeuble avant l'annulation de la vente. – V. aussi, Cass. 1re civ., 27 févr.
1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 131, impenses effectuées dans une propriété agricole).

75. – Il est vrai que la Cour suprême n'est jamais expressément revenue sur l'exigence de l'intention de gérer
manifestée avec rigueur en 1919, et à nouveau affirmée dans son arrêt du 28 octobre 1942 (V. supra n° 21 ). Aussi
comprend-on que les juges du fond, connaissant cette position de principe de la Cour de cassation, évitent de
provoquer sa censure en soutenant que la gestion d'affaires ne requiert pas la manifestation d'une volonté de
gérer. Rares sont donc les décisions qui ont eu cette audace (V. notamment, T. civ. Nîmes, 13 juill. 1942, préc.
n° 74. – CA Colmar, 27 févr. 1947 : JCP G 1947, IV, 115. – T. corr. Auxerre, 10 déc. 1963 : D. 1964, somm. p. 57).
En revanche, nombreuses sont celles qui semblent partager ce point de vue tout en s'abstenant de l'exprimer
ouvertement. Mais l'analyse des faits trahit le défaut de l'élément intentionnel. Simplement, les juges du fond
accordent le bénéfice de la gestion d'affaires à la partie qui a la prétention de le demander, même si elle n'a pas été
animée de la moindre intention de gérer. Sans doute, ce silence du juge sur l'absence de l'intention de gérer devrait
provoquer la censure de la Cour de cassation, qui s'est reconnu le pouvoir de contrôler la qualification légale des
faits constatés par les juges du fond. Mais, comme le révèle l'analyse des conditions de rejet des pourvois c'est en
toute connaissance de cause que la Cour suprême "ferme les yeux" sur la carence de cet élément, et se dérobe à
la cassation de l'arrêté déféré (V. R. Bout, op. cit., n° 122 s.). Elle désire ainsi laisser toute liberté aux juges du fond
pour éluder l'exigence de l'intention de gérer. Cette passivité délibérée de la Cour de cassation dans le contrôle des
qualifications est la cause judiciaire de l'apparition d'une gestion d'affaires intéressée dans la jurisprudence
contemporaine.

a) Donnée de synthèse : l'immixtion dans les affaires d'autrui, indépendante de la gestion

76. – Lorsque la jurisprudence attribue ainsi à celui qui est intervenu dans les affaires d'autrui la qualité de gérant
d'affaires sans s'être assurée de l'existence de l'élément intentionnel, ou en méconnaissant son absence, l'on
constate que l'ingérence de ce prétendu gérant n'a jamais été déterminée par la gestion d'affaires elle-même
. Le plus souvent, celle-ci est venue se greffer sur des rapports antérieurs déterminant déjà une immixtion dans les
affaires du maître : l'immixtion du gérant n'est donc pas concomitante à la gestion, elle lui préexiste. Il est
cependant des cas où l'ingérence de celui-ci dans les affaires du maître correspond, dans le temps, avec
l'entreprise de sa gestion (hypothèse de nullité du contrat). Pour donner à ce critère un caractère de généralité, il
faut donc l'établir dans l'espace. Ce n'est pas tant la préexistence de l'immixtion par rapport à la gestion qui
importe, que l'indépendance de l'une par rapport à l'autre. Dans toutes les décisions mettant en œuvre cette

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gestion d'affaires intéressée, il est possible de relever cette donnée de synthèse : l'absence de relation entre
l'immixtion dans les affaires du maître et la gestion de celles-ci.L'immixtion, qui n'apparaît jamais déterminée par
l'entreprise de la gestion, l'est par un rapport contractuel (1), par un pouvoir légal (2), ou trouve son origine dans un
rapprochement des patrimoines (3).

1) Immixtion déterminée par un rapport contractuel

77. – Dépassement du contrat – Le contrat peut avoir, ou ne pas avoir, un caractère professionnel. Dans le
premier cas, l'immixtion a été déterminée par le contrat préexistant en vertu duquel l'architecte, l'avocat, l'assureur
ou le notaire ont été à même de gérer les affaires de leur client, en dépassant le cadre de leur mission (V. supra
n° 46 et 73 ).Dans le second cas, l'immixtion trouve le plus souvent son origine dans l'existence d'un contrat de
mandat, ou d'un contrat de louage. Ainsi le locataire qui accomplit dans les lieux loués des travaux incombant au
propriétaire (Cass. 1re civ., 17 déc. 1958, préc. n° 73. – CA Paris, 8e ch., 26 sept. 1978, n° 77-10.239 : JurisData
n° 1978-000569. – CA Paris, 8e ch., 4 juin 1980, n° 79-40.485 : JurisData n° 1980-000379), est intervenu dans les
affaires du maître parce que le bail l'a déjà mis, en ce domaine, en position d'ingérence.

78. – Nullité du contrat – La jurisprudence qualifie parfois de gérant d'affaires de son cocontractant celui qui a
exécuté les obligations résultant d'un contrat dont il ignore la nullité, ou même la suspension (Cass. 1re civ.,
15 janv. 1963, préc. n° 73). Elle l'a fait à l'occasion de contrats de mandat (Cass. com., 5 janv. 1962 : Bull. civ.
1962, III, n° 8. – CA Aix, 1re ch., 18 juin 1984 : Bull. Aix 1984, 2, n° 79. – Adde CA Paris, 23e ch. B, 10 juin 1980 :
D. 1981, inf. rap. p. 106, syndic de copropriété non régulièrement élu), de vente (Cass. req., 5 mars 1945 : Gaz.
Pal. 1945, 1, p. 147) ou d'assurance (Cass. 1re civ., 13 déc. 1954 : Bull. civ. 1954, I, n° 363).

2) Immixtion déterminée par un pouvoir légal

79. – Immixtion dans les affaires d'un incapable – L'administrateur légal ou le tuteur d'un incapable mineur
peuvent être reconnus gérants d'affaires pour avoir effectué sur les biens de celui-ci des actes n'entrant pas dans
leurs attributions, n'obéissant pas aux formalités requises par la loi, ou pour avoir prolongé au-delà de son terme
l'accomplissement de ce pouvoir légal (Cass. civ., 28 mai 1879 : S. 1879, 1, p. 415. – Cass. civ., 22 févr. 1888 :
S. 1890, 1, p. 535). Il en est de même pour le représentant légal d'un incapable majeur (Cass. soc., 3 déc. 1959 :
Bull. civ. 1959, IV, n° 1204).

80. – Immixtion dans les affaires d'un conjoint – Tel conjoint est considéré comme gérant d'affaires de l'autre
pour avoir accompli sur le patrimoine de ce dernier des actes dépassant les pouvoirs résultant du régime
matrimonial, ou du régime "primaire", sans qu'il soit possible d'établir qu'il l'ait fait volontairement (CA Lyon, 27 juin
1934 : JCP G 1934, p. 1290. – CA Paris, 8 nov. 1955 : Gaz. Pal. 1956, 1, p. 376. – V. aussi, Cass. 1re civ., 15 janv.
1962 : D. 1962, p. 545, note Voirin. – Cass. 1re civ., 11 mai 1966 : D. 1967, p. 157, note Voirin. – Cass. com.,
15 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, IV, n° 240. – Cass. 1re civ., 17 nov. 1971 : D. 1972, p. 261, note Dedieu. – Cass.
1re civ., 23 juill. 1974 : JCP G 1974, IV, 334. – CA Pau, 2e ch., 16 sept. 1996 : JurisData n° 1996-049390. – Adde
pour d'anciens époux, T. corr. Auxerre, 10 déc. 1963 : D. 1964, somm. p. 57).

81. – Immixtion dans les affaires de tiers – Si l'administrateur-séquestre d'une société continue de gérer l'affaire
sociale au-delà du terme de ses fonctions (CA Colmar, 15 déc. 1925 : Rev. Alsace-Lorraine 1926, p. 228), si le
syndic d'une copropriété continue de régler les dettes du syndicat au-delà du terme de son mandat (CA Paris,
23e ch., 15 nov. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 447, obs. Giverdon ; AJPI 1979, p. 19, note Bouyeure ; RTD civ. 1979,
p. 640, obs. Giverdon ; D. 1980, inf. rap. p. 154, obs. Brane. – CA Versailles, 28 mai 1980 : Gaz. Pal. 1980, 2,
p. 639, note Morand), ou si l'administrateur provisoire outrepasse son mandat (Cass. 1re civ., 22 janv. 1952 : Bull.
civ. 1952, I, n° 31. – CA Paris, 6e ch., sect. B, 29 mars 1996 : JurisData n° 1996-020801), ils sont considérés
comme ayant accompli des actes de gestion d'affaires (Rappr. pour un pouvoir d'origine judiciaire, Cass. 1re civ.,
4 mars 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 137).

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3) Immixtion déterminée par un rapprochement des patrimoines

82. – La proximité des biens de deux personnes favorise l'ingérence de l'une dans les affaires de l'autre, qu'elle
provienne d'une situation de fait , comme le concubinage (CA Paris, 24 mai 1933 : Gaz. Pal. 1933, 2, p. 345. – CA
Orléans, ch. civ., 2e sect., 5 mars 1996 : JurisData n° 1996-044265. – CA Paris, 2e ch., sect. A, 14 oct. 1997 :
JurisData n° 1997-023144 ; Dr. famille 1998, comm. 19, note H. Lécuyer. – CA Paris, 2e ch., sect. A, 28 mars
2000, n° 1999/01005 : JurisData n° 2000-113546. – Cass. 1re civ., 12 janv. 2012, n° 10-24.512 : JurisData n° 2012-
000219 ; JCP G 2012, n° 362, note Ph. Casson ; JCP E 2012, n° 43 ; RTD civ. 2012, p. 115, obs. B. Fages), ou
d'une situation de droit et il s'agit alors le plus souvent soit de l'existence d'une copropriété, soit de l'ouverture
d'une succession.

83. – Copropriété – Un copropriétaire ayant accompli un acte utile aux autres copropriétaires est fréquemment
réputé avoir agi comme gérant d'affaires de ceux-ci sans que soit requise la présence d'une intention altruiste
(Cass. ch. expr., 20 janv. 1967 : JCP G 1968, II, 15362, note Homont. – CA Paris, 28 juin 1954 : Journ. not. 1955,
p. 41. – CA Paris, 8 févr. 1960, Coutal c/ Marquet. – CA Paris, 3 févr. 1966 : Bull. Paris mars 1966. – Comp. CA
Paris, 23e ch., 2 avr. 1981 : JurisData n° 1981-022182, transformation d'une chaudière par le propriétaire du fonds
servant, en cas de servitude de chauffage. – CA Paris, 23e ch. B, 21 mai 1986 : RTD civ. 1986, p. 786, obs.
C. Giverdon, copropriétaires s'étant comportés "comme des gérants d'affaires avisés").Cette immixtion, ici encore,
n'est pas déterminée par la gestion, mais trouve sa cause dans la préexistence de rapports de copropriété.

84. – Ouverture d'une succession – Elle détermine également un rapprochement des patrimoines à la faveur
duquel se produiront de nombreuses ingérences : tel cohéritier, à l'instar du copropriétaire, accomplit, sans l'accord
de ses coïndivisaires, un acte utile à l'indivision (Cass. 1re civ., 5 oct. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 419. – Cass. soc.,
6 mai 1965 : Bull. civ. 1965, IV, n° 360. – Adde Cass. 1re civ., 21 déc. 1964 : Bull. civ. 1964, I, n° 586, pour une
gestion d'affaires inutile), tel légataire universel gère l'affaire des héritiers réservataires jusqu'à leur révélation
(Cass. 1re civ., 1er déc. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 511), ou paie l'amende fiscale dont est redevable un légataire
particulier pour défaut de déclaration de son legs (Cass. civ., 4 juin 1924 : Gaz. Pal. 1924, 2, p. 279).Lorsqu'elle
admet, ainsi, la gestion d'affaires sans exiger l'intention de gérer de celui dont l'immixtion dans les affaires du
maître n'a pourtant pas été déterminée par l'entreprise de cette gestion, la jurisprudence révèle utiliser cette
institution pour l'intérêt technique qu'elle lui paraît présenter.

b) Intérêt de l'utilisation technique de la gestion d'affaires

1) Recours à la gestion d'affaires, justifié par l'inadaptation des règles de l'enrichissement sans cause aux
effets recherchés

85. – Si la jurisprudence applique fréquemment la gestion d'affaires malgré le défaut de tout élément intentionnel,
dans des situations relevant de l'enrichissement sans cause, c'est parce que l'usage de celle-ci lui permet d'éviter
les solutions restrictives, et souvent inéquitables auxquelles conduit l'application de ce principe. Ainsi la rigidité de
la notion de plus-value, estimation de l'enrichissement procuré au patrimoine d'un tiers par l'activité d'autrui, a
favorisé l'élargissement de la gestion d'affaires, qui permet d'accorder à "l'enrichisseur" qualifié de gérant, au-delà
de cette trop modeste plus-value ou, a fortiori, en l'absence de droit à indemnisation, le montant intégral de ses
dépenses (V. Cass. req., 5 mars 1945 : Gaz. Pal. 1945, 1, p. 147. – Cass. 1re civ., 30 mai 1951 : JCP G 1951, II,
6614. – CA Orléans, 27 déc. 1902 : DP 1911, 1, p. 458. – CA Lyon, 27 juin 1934 : JCP G 1934, p. 1290. – Adde CA
Aix-en-Provence, 1re ch., 12 juill. 1978 : Bull. Aix 1978, 3, n° 186, p. 29, qui attribue le montant d'une "indemnité"
sur le fondement de l'enrichissement sans cause mais en chiffre le montant sans rechercher la plus faible des deux
sommes entre l'enrichissement et l'appauvrissement, appliquant ainsi, sans le dire, les règles de l'indemnisation du
gérant dans la gestion d'affaires).Les tribunaux ont également tendance à recourir à cette institution lorsqu'ils
éprouvent une difficulté à évaluer, d'une manière objective, selon les règles de l'enrichissement sans cause,
l'appauvrissement du demandeur (V. T. paix Candé, 27 nov. 1945 : D. 1947, p. 386, note Tunc, pour des "risques
acceptés et des sacrifices consentis"). L'action de gestion d'affaires a encore sur l'action de in rem verso, cette

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supériorité de permettre de rémunérer, pour son activité, celui qui, sans intention altruiste, a procuré un avantage à
autrui (Cass. 1re civ., 15 janv. 1962 : D. 1962, p. 545, note Voirin. – Cass. 1re civ., 27 févr. 1963 : Bull. civ. 1963, I,
n° 131. – CA Bordeaux, 26 nov. 1895 : S. 1896, 2, p. 165. – CA Aix, 26 févr. 1935 : Gaz. trib. 1935, 2, p. 284). C'est
le cas d'un généalogiste, dont les recherches ont permis aux héritiers de découvrir l'existence d'une succession :
l'appréciation de son "appauvrissement" ne permet pas de tenir compte de son travail antérieur, de son
organisation et surtout de l'importance de la succession découverte (V. supra n° 46 . – V. R. Bout, op. cit., n° 238).

2) Recours à la gestion d'affaires, justifié par l'inapplicabilité de l'enrichissement sans cause et des autres
sources d'obligations, aux situations à juger

86. – L'utilisation de la gestion d'affaires apparaît encore, aux tribunaux, d'un intérêt évident, lorsque l'action de in
rem verso ne peut triompher parce qu'il existe une cause, soit à l'appauvrissement du demandeur, soit à
l'enrichissement du défendeur. Il est ainsi impossible d'accueillir ce moyen pour permettre le recours entre
coobligés in solidum, pour fonder celui du débiteur alimentaire condamné contre ses codébiteurs, ou celui de la
caution ayant payé le tout contre ses cofidéjusseurs : en exécutant une obligation personnelle, il ne s'appauvrit pas
sans cause. Il en est de même du coïndivisaire, qui, en gérant le bien commun, s'enrichit lui aussi, profitant, pour
partie, de sa propre gestion. L'exercice de cette action peut être encore entravé parce que le demandeur a effectué
les travaux à l'origine de l'enrichissement "dans son propre intérêt, et à ses risques et périls" (Cass. 3e civ., 31 janv.
1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 98. – Cass. com., 18 nov. 1969 : Bull. civ. 1969, IV, n° 342). Enfin, l'action
d'enrichissement sans cause est souvent interdite à l'appauvri lorsque l'enrichissement du défendeur trouve sa
source dans un acte juridique, même passé entre l'enrichi et un tiers (Cass. civ., 28 févr. 1939 : Gaz. Pal. 1939, 1,
p. 813) : il ne saurait y avoir ainsi, entre contractants, d'enrichissement "sans cause". L'on conçoit que, devant la
rigueur de telles solutions, certaines juridictions soient tentées de recourir à la gestion d'affaires pour attribuer à
l'appauvri une indemnité que l'équité leur semble postuler. La Cour de cassation elle-même a admis que, lorsque
l'action récursoire d'un coobligé in solidum, fondée sur la subrogation légale, est impossible parce que la victime a
renoncé à ses droits contre son coauteur, le coobligé dispose cependant d'une action personnelle contre ce dernier
(Cass. 1re civ., 7 juin 1977 : D. 1978, p. 689, note Ch. Larroumet), action dont le fondement ne peut être qu'une
gestion d'affaires (en ce sens, Ch. Larroumet, op. cit.). C'est sur celle-ci qu'elle a, de même, fondé l'action
récursoire de la caution contre un codébiteur solidaire (Cass. com., 27 nov. 1978 : Banque 1979, p. 672, note
Martin).

87. – La jurisprudence utilise parfois la gestion d'affaires pour justifier une responsabilité que le droit commun de
l'article 1382 du Code civil ne suffirait pas à établir. Elle s'en est notamment servie pour élaborer la théorie de la
responsabilité notariale (V. R. Bout, op. cit., n° 135 et 241) : lorsque l'existence d'un mandat exprès, ou même
tacite, ne peut être établie, les tribunaux sont enclins à admettre celle d'une gestion d'affaires (P.-L. Espagno, La
responsabilité civile des notaires : thèse Toulouse, 1953, n° 171). De manière générale, quand, en raison de
l'originalité d'une situation juridique donnée, les juges sont embarrassés pour déterminer le fondement d'une
responsabilité, ils utilisent les règles souples de la gestion d'affaires dont le cadre leur est familier : ainsi ont-ils
admis que la responsabilité du propriétaire d'un immeuble, quant à la garde du mobilier de l'occupant expulsé
"devait être assimilée à celle d'un gérant d'affaires" (Cass. 1re civ., 4 mars 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 137), ou
validé, sur le fondement de cette institution, la police d'assurance souscrite abusivement par un sous-agent sans
pouvoirs, ce qui leur a permis de rendre la compagnie responsable de ses agissements dolosifs (Cass. 1re civ.,
7 juill. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 371).

88. – Il est fréquent que la jurisprudence utilise la gestion d'affaires pour accorder à ceux qui ont contracté avec
celui qu'elle qualifie de "gérant", une action directe contre le maître, dans la mesure où celui-là a agi au nom de
celui-ci, ou est censé l'avoir fait. En effet, quand il ne peut être question de stipulation pour autrui, il y a grand
intérêt à considérer, conformément à l'article 1375, que le contrat d'où le tiers tire son droit a été conclu pour son
compte, par une personne qui sera déclarée son gérant d'affaires (M. Picard, art. préc. : RTD civ. 1921, p. 423).
Ainsi avant la loi du 18 juin 1966, la jurisprudence avait accordé au destinataire de marchandises ayant fait l'objet

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d'un transport maritime une action directe contre l'acconier, qui n'avait traité qu'avec le transporteur, en considérant
que celui-ci avait agi pour le compte du premier (V. A. Chao, L'état actuel des rapports entre entrepreneurs de
manutention et destinataire : JCP G 1968, I, 2142). Le recours à la gestion d'affaires pour fonder l'exercice d'une
action directe s'est également manifesté à l'occasion d'un contrat de transport terrestre (Cass. com., 18 févr. 1969 :
JCP G 1969, II, 16072, note R. Rodière) ou d'un contrat d'assurance (Cass. 1re civ., 1er déc. 1959 : Bull. civ. 1959,
I, n° 511). Il a permis l'action des créanciers d'un époux contre l'autre (T. paix Saumur, 2 déc. 1954 : Gaz. Pal.
1955, 1, p. 203), du vendeur d'instruments agricoles achetés par un fermier, contre son bailleur (T. civ. Aix, 25 nov.
1913 : Gaz. trib. 1914, 1, II, p. 194), d'un médecin, envoyé par les membres d'une famille chez un parent malade,
contre ce dernier (CA Paris, 3 mai 1934 : S. 1934, 2, p. 136), ou de l'entrepreneur ayant effectué des travaux sur un
immeuble, à la demande d'un copropriétaire contre les autres (CA Paris, 28 juin 1954 : Journ. not. 1955, p. 41). La
gestion d'affaires offre ainsi le moyen d'établir un lien de droit entre personnes étrangères l'une à l'autre, en
l'absence de tout contrat ou délit.

89. – Cette institution permet aussi à la jurisprudence de valider toutes sortes d'actes juridiques, normalement
voués à la nullité, et incapables de produire, sans cette qualification, un effet de droit. Ce résultat, que l'exercice de
l'action de in rem verso ne saurait produire, représente certainement aujourd'hui l'intérêt majeur que la
jurisprudence trouve dans l'utilisation de la gestion d'affaires. Il lui suffit de qualifier de gérant, dans les situations
les plus diverses, l'auteur d'un acte juridique irrégulier, pour permettre à un tiers, alors réputé maître, d'en
bénéficier. Ainsi pour la gestion abusive d'une affaire sociale (CA Colmar, 15 déc. 1925 : Rev. Alsace-Lorraine
1926, p. 228), pour la déclaration d'une cessation de travail (Cass. req., 21 févr. 1927 : S. 1927, 1, p. 141), pour
une inscription hypothécaire (Cass. req., 19 mars 1946 : JCP G 1946, II, 3125, note E. Becqué), pour une vente
accomplie au titre d'un mandat nul (Cass. com., 5 janv. 1962 : Bull. civ. 1962, III, n° 8. – Comp. Cass. 1re civ.,
15 janv. 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 33), pour un contrat d'assurance (Cass. req., 30 nov. 1926 : S. 1927, 1, p. 177.
– Cass. 1re civ., 13 déc. 1954 : Bull. civ. 1954, I, n° 363. – Cass. 1re civ., 12 nov. 1956 : Bull. civ. 1956, I, n° 400).
La jurisprudence a même utilisé la gestion d'affaires pour imposer à un employeur l'application d'accords salariaux
auxquels il n'était pas partie (Cons. prud'h. Rouen, 16 déc. 1970 : JCP G 1971, II, 16623).

90. – Les tribunaux avaient ainsi découvert, dans cet effet de validation de la gestion d'affaires, un moyen de
technique juridique leur permettant de remédier à la carence des règles légales ou conventionnelles en matière
d'indivision avant que la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 ne l'ait organisée. Grâce à la gestion d'affaires, les
inconvénients de la règle exigeant le consentement unanime des indivisaires pour tout acte d'administration ou de
disposition étaient écartés. Il suffisait d'affirmer "qu'un indivisaire peut valablement agir seul, par application des
règles de la gestion d'affaires, dans la mesure où son initiative se révèle utile" (CA Paris, 14e ch., 3 févr. 1966, aff.
Dufresne c/ Duvernoy : Bull. Paris mars 1966. – V. R. Bout, op. cit., n° 132, et nombreuses déc. citées). La gestion
d'affaires bénéficiait d'une grande faveur dans l'organisation jurisprudentielle de l'indivision (V. M. Delhay, La nature
juridique de l'indivision : LGDJ, 1968, n° 195 s.) car elle présentait l'intérêt de fournir aux juges cette "armature
juridique, en quelque sorte secondaire" parfaitement décrite par Maurice Picard (op. cit., p. 466). Mais, depuis que
le législateur a donné à chaque indivisaire le droit de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens
indivis (C. civ., art. 815-2) et attribué à celui qui prend en main la gestion de ces biens, pour y accomplir des actes
d'administration, au su des autres indivisaires, la qualité de mandataire tacite de ces derniers (C. civ., art. 815-3. –
En faveur du caractère contractuel de cette situation, V. P. Catala, L'indivision : Defrénois 1980, art. 32172, n° 80),
le recours à la gestion d'affaires se révélera moins fréquent (V. en ce sens, notamment, P. Catala, op. cit., n° 87,
p. 34. – Adde M. Dagot, Le bail du bien indivis : JCP G 1985, I, 3178) bien que le législateur ait encore reconnu son
utilité dans l'article 815-4 nouveau du Code civil(V. infra n° 97 ).

2° Gestion d'affaires intéressée dans la législation

91. – Il est remarquable que le législateur ait largement favorisé cet usage jurisprudentiel de la gestion d'affaires en
donnant lui-même l'exemple de son utilisation purement technique. En effet, lorsqu'il fait appel, depuis une
soixantaine d'années, à la notion de gestion d'affaires, c'est le plus souvent pour obtenir l'application de ses effets à

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la situation envisagée, sans se soucier pour autant qu'elle corresponde à ses conditions traditionnelles, et
notamment que le gérant ait eu la volonté de rendre service au maître. Il est significatif que le législateur soit allé
jusqu'à reconnaître l'existence d'une gestion d'affaires dans des circonstances telles que le défaut de tout élément
intentionnel apparaît probable, voire certain.

92. – Les dispositions légales intervenues en matière de spoliation (Ord. 14 nov. 1944, art. 3 et 5 : JO 15 nov. et
rect. 22 nov. 1944. – D. n° 45-171, 2 févr. 1945, art. 2, al. 2 : JO 4 févr. 1945 et rect. 8 févr. et 25 juill. 1945. – Ord.
n° 45-770, 21 avr. 1945, art. 1er et 3 : JO 22 avr. 1945 et rect. 29 avr. 1945) traitent en gérants d'affaires les
administrateurs provisoires et les acquéreurs de biens spoliés, alors que l'élément intentionnel est, chez eux,
nécessairement exclu. Comme l'a reconnu la Cour de cassation, ils sont "assimilés par la législation sur les
spoliations à des gérants d'affaires" (Cass. 1re civ., 23 juill. 1951 : Bull. civ. 1951, I, n° 235. – Adde Cass. 1re civ.,
20 janv. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 44. – CA Colmar, 16 mai 1946 : Gaz. Pal. 1946, 2, p. 32), et la doctrine a vu
dans cette application particulière de notre institution un exemple de son extension légale (Fr. Goré, thèse préc.
n° 259. – R. Sinay, La fortune nouvelle de la gestion d'affaires : Gaz. Pal. 1946, 2, p. 16. – G. Marty et P. Raynaud,
op. cit., t. II, 1er vol., n° 383, note 7).

93. – Le décret du 10 novembre 1954 "tendant à protéger l'épargne contre certaines activités répréhensibles dans
le domaine de la construction" (JO 16 nov. et rect. 1er déc. 1954 : JCP G 1954, III, 19313) a soumis à ses
dispositions "tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'engage à construire ou à procurer un
immeuble à usage principal d'habitation... si cette personne intervient ou est intervenue comme mandataire ou
gérant d'affaires, ou selon toute autre modalité de droit ou de fait, en vue de l'obtention d'un prêt consenti par le
Crédit foncier de France ou le Sous-comptoir des entrepreneurs" (art. 1er). Or l'article 16 de la loi n° 67-3 du
3 janvier 1967(JO 4 janv. 1967 ; JCP G 1967, III, 32609) qui avait modifié la rédaction de cet article, en précisant
notamment que la personne physique ou morale devait s'être engagée “en une autre qualité que celle de vendeur”
(rédaction maintenue par l'article L. 222-1, alinéa 1er, du Code de la construction et de l'habitation ; L. n° 71-579,
16 juill. 1971), avait cependant maintenu cette référence à l'intervention du promoteur "comme gérant d'affaires".
Fortes de ce soutien légal, certaines décisions ont ainsi qualifié de gérant le promoteur de constructions
immobilières, sans s'arrêter au caractère intéressé de son action (TGI Seine, 2 mai 1960 : AJPI 1961, II, p. 115,
note Cabanac. – CA Paris, 12 juin 1963 : D. 1964, p. 472, note Saint-Alary, aff. immobilière Lambert).

94. – Selon l'article 219, alinéa 2, du Code civil, résultant de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 :

À défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l'autre ont effet, à l'égard de
celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires.

Cette loi requiert, en principe, les conditions habituelles de l'institution, à la différence de la loi du 22 septembre
1942, ayant, la première, ajouté cet alinéa à l'article 219, lequel précisait que ces actes avaient effet à l'égard de
l'autre époux "dans la mesure déterminée par l'article 1375". Or, ce dernier article n'ayant trait qu'à certains effets
de la gestion d'affaires, dont le législateur désirait seule l'application, il était manifeste que l'institution était réduite à
un "mécanisme purement technique" (J. Carbonnier, op. cit., t. 4, n° 300, sociologie. – Adde G. Marty et
P. Raynaud, op. cit., t. II, 1er vol., n° 379, p. 391 et note 1). La jurisprudence ne s'y était pas trompée, qui avait
reconnu qu'en ce cas les actes faits par un époux étaient "assimilables à des actes de gestion d'affaires" (Cass.
1re civ., 24 juin 1957 : Bull. civ. 1957, I, n° 234). Aussi bien, certaines décisions ont admis la gestion d'affaires entre
conjoints malgré le caractère ouvertement intéressé de l'immixtion de l'un dans les affaires de l'autre, comme cela
apparaît lorsqu'une procédure de divorce témoigne de leur discorde (Cass. 1re civ., 15 janv. 1962 : D. 1962, p. 545,
note Voirin. – Cass. 1re civ., 11 mai 1966 : D. 1967, p. 157, note Voirin. – Cass. 1re civ., 17 nov. 1971 : D. 1972,
p. 261, note Dedieu. – CA Montpellier, 13 oct. 1952 : La loi 27 mars 1953. – CA Grenoble, 20 oct. 1960 : J. Cour
Grenoble 1961, p. 265. – T. corr. Auxerre, 10 déc. 1963 : D. 1964, somm. p. 57. – CA Paris, 6 mai 1970 : JCP G
1970, II, 16380, note G.J. – TGI Paris, 18 juin 1970 : JCP G 1970, II, 16519. – CA Aix-en-Provence, 10 déc. 1970 :
D. 1971, p. 116, note Voirin).Bien que la correction, apportée en 1965, du texte de l'article 219, soit favorable à une

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plus grande rigueur dans l'application de la gestion d'affaires entre époux, il paraît douteux que la jurisprudence en
soit pour autant modifiée, comme le révèlent ses décisions récentes, et ce malgré la présomption de mandat tacite
instaurée par les nouveaux articles 1432 et 1540 du Code civil(V. G. Cornu, La réforme des régimes matrimoniaux :
JCP G 1967, I, 2128). Sans doute la Cour de cassation peut-elle reprocher aux juges du fond de ne pas relever que
l'époux a bien "agi en gérant d'affaires" (Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 99-14.820 : JurisData n° 2001-008352 ;
JCP N 2001, p. 1122, note Casey ; JCP G 2002, I, 103, n° 18, obs. Ph. Simler) mais ceux-ci continueront à
consacrer, avec une grande facilité, la gestion d'affaires entre époux, forts de ce précédent légal qu'a constitué le
texte de l'article 219 du Code civil, dans la rédaction que lui avait donnée la loi du 22 septembre 1942(CA Pau,
2e ch., 16 sept. 1996 : JurisData n° 1996-049390).

95. – La loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 (JO 4 janv. 1968 : JCP G 1968, III, 33784)portant réforme du droit des
incapables majeurs , et prévoyant notamment le placement de ceux-ci sous la "sauvegarde de justice"
disposait qu'en "l'absence de mandat" (de ces majeurs) "on suivait les règles de la gestion d'affaires" (C. civ.,
art. 491-4, al. 1er). La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, qui a réformé ce régime, précise qu'en ce cas "les règles de
la gestion d'affaires sont applicables)" (C. civ., art. 436, al. 2). Certes, ce texte ne devrait pas conduire à une
déformation de la gestion d'affaires, puisqu'il rappelle l'applicabilité des règles de celle-ci. Aussi bien, il a même
restreint son domaine d'application, puisqu'il poursuit (al. 3) :

Ceux qui ont qualité pour demander l'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle sont tenus d'accomplir les actes conservatoires indispensables à
la préservation du patrimoine de la personne protégée dès lors qu'ils ont connaissance tant de leur urgence que de l'ouverture de la mesure de
sauvegarde. Les mêmes dispositions sont applicables à la personne ou à l'établissement qui héberge la personne placée sous sauvegarde.

En effet, l'exécution d'une obligation légale, étant, en principe, exclusive de la spontanéité nécessaire à l'intention
de gérer (V. supra n° 50 à 64 ), ces personnes ne peuvent plus accomplir ces actes conservatoires au titre de la
gestion d'affaires.Une large utilisation, par la jurisprudence, des possibilités offertes par le texte de l'article 491-4, et
désormais celui de l'article 436, du Code civil aurait, certes, été fâcheuse : la délicate distinction entre la "gestion
d'affaires forcée" (le mot est de M. Pleven, dans son rapport, n° 1891 prévue d'abord, et la gestion d'affaires
ordinaire prévue ensuite, l'aurait conduite à reconnaître l'existence d'une gestion d'affaires malgré le défaut
d'intention de gérer (V. R. Bout, op. cit., n° 228). Il ne semble pas, comme on l'a observé (Ph. le Tourneau, Rép.
civ. Dalloz, V° Gestion d'affaires, n° 28), que cette évolution se soit produite, sans doute en raison du nombre de
personnes légalement tenues d'intervenir, ainsi écartées de la gestion d'affaires (Ph. le Tourneau, op. cit., ibid.).

96. – La loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 (JO 5 janv. 1969 : JCP G 1969, III, 34965)relative à l'armement et aux
ventes maritimes , est, sans doute, celle qui est allée le plus loin dans le sens d'une application extensive de cette
institution. En effet, selon l'article 8 (devenu C. transports, art. L. 5412-5) :

Hors des lieux où l'armateur a son principal établissement ou une succursale, le capitaine peut, en cas d'urgence, prendre au nom de l'armateur
toutes dispositions conservatoires des droits de l'armateur, des passagers et des chargeurs.

L'alinéa 2 précise que “l'armateur est alors réputé avoir agi comme gérant d'affaires des passagers et des
chargeurs”. Alors que le capitaine agit ainsi sans mandat, au nom de l'armateur, pour prendre, par exemple, telles
mesures conservatoires des droits des passagers, c'est non pas lui-même, mais cet armateur qui, sans avoir agi, ni
même été informé de cette action, sera "réputé" leur gérant d'affaires (Cass. 1re civ., 3 juill. 1990 : DMF 1992,
p. 237, note Y. Tassel, qualité reconnue au seul armateur, ne pouvant être admise pour un avocat).Au terme d'une
singulière représentation par seul fait juridique, l'armateur est qualifié de gérant malgré l'évident défaut, chez lui, de
toute intention de gérer. C'est une manifestation évidente de cette tendance du législateur moderne à utiliser la
gestion d'affaires comme un moyen de technique juridique, quitte à lui donner ce caractère intéressé.

97. – Enfin, la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 (JO 1er janv. 1977 ; JCP G 1977, III, 45235)relative à
l'organisation de l'indivision a consacré l'usage jurisprudentiel de la gestion d'affaires dans les rapports entre
indivisaires, par un nouvel article 815-4, alinéa 2, du Code civil, représentant, pour les adapter à cette situation, les

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termes mêmes de l'article 219, alinéa 2, évoquant la gestion d'affaires entre époux (V. supra n° 94 . – Adde CA
Paris, 1re ch., 8 juill. 1981 : JurisData n° 1981-027123. – Cass. 3e civ., 25 janv. 1983 : Bull. civ. 1983, III, n° 24 ;
JCP G 1983, IV, 111 ; D. 1983, inf. rap. p. 256 ; RD imm. 1983, p. 427, obs. Bergel. – CA Paris, 1re ch. B, 16 nov.
1989 : D. 1990, somm. p. 287, obs. Hassler. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 juin 1997 : JurisData n° 1997-021720.
– CA Paris, 23 nov. 2001, n° 2000/14206 : JurisData n° 2001-162230).Depuis que cette loi a, par ailleurs, présumé
l'existence d'un mandat tacite (C. civ., art. 815-3, al. 2. – V. supra n° 90 ), la gestion d'affaires aura essentiellement
pour rôle de "valider les actes d'administration utilement accomplis par un indivisaire à l'insu des autres" (P. Catala,
L'indivision : Defrénois 1980, art. 32172, n° 87 in fine). Mais bien que son domaine soit ainsi réduit, elle n'en
continuera pas moins à être parfois admise en l'absence de toute intention altruiste du gérant. D'autant que
certaines dispositions légales nouvelles liées au caractère intéressé de la gestion (C. civ., art. 815-12,
reconnaissant son droit à rémunération. – Cass. 1re civ., 28 févr. 1984 : JCP G 1986, II, 20558, note Fiorina. – C.
civ., art. 815-13, faisant référence à la plus-value apportée au bien...) favoriseront cette application jurisprudentielle
(V. Catala, op. cit., n° 86 b. – CA Pau, 2e ch., 2e sect., 10 sept. 2007, n° 05/01718 : JurisData n° 2007-358066).

II. - Utilité de la gestion

98. – L'intention de gérer l'affaire d'autrui n'est certes pas suffisante pour déterminer, à elle seule, l'existence de la
gestion d'affaires. L'on ne saurait, en effet, obliger un tiers par la seule manifestation d'une intention altruiste lors
d'une immixtion dans ses affaires. Encore faut-il que cette intention anime une entreprise d'une certaine utilité pour
le maître : la gestion doit correspondre, en fait, à l'intérêt de celui-ci. Cette utilité, dans laquelle la doctrine s'accorde
à reconnaître une condition fondamentale de la gestion d'affaires (G. Ripert et J. Boulanger, Traité élémentaire de
droit civil, d'après le Traité de Planiol, t. II : 1957, n° 1229. – J. Carbonnier, op. cit., t. 4, n° 299. – J. Flour, J.-
L. Aubert, et É. Savaux, Les obligations : vol. 2, Le fait juridique : A. Colin, 14e éd. 2011, n° 12. – Ph. Malaurie,
L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations : Defrénois, 5e éd. 2011, n° 1030. – G. Marty et P. Raynaud, op. cit.,
t. II, 1er vol., n° 382. – J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., t. II, 1er vol., n° 683. – B. Starck, H. Roland et L. Boyer,
op. cit., n° 1854. – Ph. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations : Dalloz, 10e éd. 2009, n° 1041. – Adde
P. Guillot, op. cit., p. 112. – M. Maruitte, op. cit., n° 96. – V. R. Bout, op. cit., n° 261 s.) est exigée par l'article 1375
du Code civil ("Le maître dont l'affaire a été bien administrée...").

99. – Cependant, certains auteurs ont entendu réduire le rôle de cette utilité à celui de "condition d'existence de
l'engagement du maître", seulement nécessaire pour mettre en jeu les obligations de ce dernier (V. notamment,
P. Guillot, op. cit., p. 134 et M. Maruitte, op. cit., n° 96). En l'absence de celle-ci, le gérant se trouverait encore tenu
envers le maître de toutes les obligations mises à sa charge par les articles 1372 et suivants du Code civil : il y
aurait ainsi gestion d'affaires malgré l'inutilité de la gestion. Cette conception, contraire à la structure même de
l'institution, organisant des obligations réciproques procédant d'un même fait, a été infirmée par la jurisprudence de
la Cour de cassation voyant dans l'utilité une condition essentielle à l'existence de la gestion d'affaires elle-même,
au même titre que l'intention de gérer (Cass. 1re civ., 26 nov. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 525. – Cass. soc., 3 déc.
1959 : Bull. civ. 1959, IV, n° 1204. – Cass. 1re civ., 13 juill. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 393. – Cass. 1re civ., 21 déc.
1964 : Bull. civ. 1964, I, n° 586. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 50. – Cass. 1re civ., 12 mai
1970 : Bull. civ. 1970, I, n° 160. – Cass. 1re civ., 2 juin 1970 : Bull. civ. 1970, I, n° 188. – Cass. 1re civ., 16 mars
2004, n° 01-10.399 : JurisData n° 2004-022993). Ainsi, en l'absence d'utilité, ce sont les principes de la
responsabilité délictuelle de droit commun qui s'appliquent à l'intervention d'un tiers dans les affaires d'autrui.Mais
la jurisprudence révèle apprécier différemment l'utilité de la gestion, selon que celle-ci a été entreprise avec, ou
sans intention altruiste.

A. - Gestion d'affaires désintéressée

100. – Dans l'hypothèse de la gestion d'affaires désintéressée, la jurisprudence, qui est délibérément favorable au
gérant, apprécie l'utilité de sa gestion d'une manière subjective , sous l'angle des possibilités d'appréciation qu'il

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avait quant à l'opportunité de son initiative (1°), et se contente d'une utilité initiale , c'est-à-dire évaluée lors de
l'entreprise de cette gestion, sans tenir compte de la disparition ultérieure de tout profit pour le maître (2°).

1° Appréciation subjective de l'utilité de la gestion

101. – Pour admettre l'utilité de la gestion, les tribunaux recherchent si le gérant était fondé, lors de l'entreprise de
sa gestion, à la considérer comme utile pour le maître, en se plaçant dans la situation où ce gérant se trouvait, avec
les éléments dont il disposait. Ils ne se demandent pas, a priori, si le maître aurait fait l'acte que le gérant prétend
avoir fait à sa place. La subjectivité de leur appréciation est, en effet, fondée sur la psychologie du gérant, non sur
celle du maître. S'il suffit, par exemple, d'un danger virtuel pour légitimer un acte de dévouement, pourvu qu'un
résultat favorable soit possible, c'est d'après l'espoir que le sauveteur pouvait avoir au moment de son intervention,
selon les éléments dont il avait connaissance, que ce résultat espéré est déterminé (V. M. Riou, op. cit., n° 8 et 21).
C'est pourquoi les tribunaux tiennent compte de tous les éléments personnels, tels l'âge, le sexe, ou la condition du
gérant, ayant influé sur sa décision d'intervention : ils apprécient in concreto l'utilité de son initiative (T. civ. Prades,
18 févr. 1955 : D. 1957, somm. p. 113. – CA Montpellier, 20 avr. 1955 : JCP G 1956, IV, 3), admettant volontiers sa
bonne foi (T. sup. Papeete, 18 mars 1949 : JCP G 1949, II, 5206). Ainsi, quand le gérant commet, dans des
circonstances normales, une erreur d'appréciation sur l'utilité de son intervention, la gestion peut, cependant, être
tenue pour utile parce qu'il l'a crue opportune (V. par exemple, CA Colmar, 4 mars 1949 : Rev. Alsace-Lorraine
1949, p. 376, 2e esp. – V. R. Bout, op. cit., n° 269 s.).

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

101 . - Tableau recouvert par une peinture grossière – Conseil de nettoyage

Dans une décision du 26 janvier 2016, la cour d'appel de Riom retient la définition du trésor pour un tableau
recouvert et qui s'avère être une oeuvre majeure de la peinture française du XVe siècle. Le simple conseil de
nettoyage prodigué par un antiquaire qui ne prouve pas de surcroît en être l'inventeur, conseil non suivi d'autres
actes positifs plus déterminants de sa part ne saurait constituer une gestion d'affaires au sens de l'article 1372 du
Code civil(CA Riom, 4 avr. 2016, n° 15/00081 : JurisData n° 2016-006296 ; JCP N 2016, act. 650).

102. – Encore faut-il que cette erreur du gérant soit admissible. Car la jurisprudence corrige cette appréciation
subjective de l'utilité selon certaines normes, afin d'éviter d'imposer au maître des ingérences excessivement
inopportunes, même si leur opportunité n'était pas douteuse dans l'esprit du gérant. Elle écarte l'erreur que ne
commettrait pas un gérant normal, rejetant ainsi la gestion d'affaires lorsque l'intervenant aurait pu facilement
prendre des renseignements qui lui auraient permis d'éviter une telle erreur (CA Colmar, 17 avr. 1928 : Gaz. Pal.
1928, 2, p. 266. – CA Dijon, ch. civ. B, 21 mars 2003, n° 00/01822 : JurisData n° 2003-211550 : homme non
qualifié pour apprécier la conformité d'une installation électrique et estimer le risque d'électrocution). Le caractère
excusable ou inexcusable de cette erreur commise par le gérant sur l'opportunité de son intervention est donc
apprécié par référence au type général de l'homme prudent et avisé. La limite ainsi apportée à l'appréciation
subjective de l'utilité permet au juge de concilier l'encouragement mérité par le gérant avec la nécessaire garantie
due au maître.

103. – Dans la jurisprudence contemporaine, l'admission de l'utilité de la gestion paraît être fonction de la situation
du maître par rapport à l'état de ses affaires, et, parfois, du comportement qu'il adopte face à l'intervention du
gérant (a), de la nature de l'acte de gestion (b) et de la capacité du gérant (c). Ces éléments, en dépit de leur
caractère apparemment objectif, ont permis aux tribunaux de faire bénéficier le gérant d'une appréciation subjective
de l'utilité de son intervention.

a) Influence de l'attitude du maître sur l'utilité de la gestion

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1) Absence du maître, élément d'appréciation de l'utilité

104. – L'absence du maître, révélatrice de l'état de délaissement de ses affaires, est la meilleure justification de
l'intervention du gérant, et, partant, le premier élément d'appréciation de l'utilité de sa gestion. Mais la jurisprudence
conçoit l'absence d'une manière très large, comme l'impossibilité ou la difficulté d'agir soi-même pour la
sauvegarde de ses intérêts. Aussi a-t-elle appliqué la gestion d'affaires aux actes d'assistance et de sauvetage,
malgré la présence du maître. "Il importe peu", affirme tel arrêt, à propos de l'intervention d'un sauveteur au cours
d'un incendie, "que le propriétaire sinistré se soit trouvé sur les lieux, puisque l'article 1372 prévoit expressément
que la gestion peut être connue du propriétaire" (CA Lyon, 17 juin 1946 : Gaz. Pal. 1947, 1, p. 49). Si telle décision
rappelle qu'en principe "une gestion d'affaires ne se conçoit que lorsque le maître est absent", c'est pour ajouter
aussitôt "ou hors d'état de pourvoir lui-même à la gestion" (CA Douai, 26 janv. 1953 : JCP G 1953, IV, p. 153. –
Adde CA Lyon, 31 juill. 1945 : Mon. jud. Lyon 1946, p. 759. – CA Lyon, 13 mars 1969 : D. 1970, somm. p. 179. –
Cass. 1re civ., 13 janv. 1998, n° 96-14.887 : JurisData n° 1998-000266 : maître atteint d'hémiplégie). Cette
interprétation libérale de l'absence du maître est très favorable au gérant. En effet, il n'est pas objectivement
nécessaire que le maître soit dans l'impossibilité de pourvoir lui-même à sa gestion. Il suffit que "le gérant soit
fondé à croire qu'il n'est pas en état d'y pourvoir" (M. Planiol et G. Ripert, op. cit., t. VII, n° 726), c'est-à-dire que
dans la situation où il se trouve, selon les moyens d'appréciation dont il dispose, il a des raisons légitimes de
penser que le maître ne peut agir lui-même, ou que, pouvant agir, il éprouve quelques difficultés à le faire.

105. – Il reste que la présence du maître doit constituer, pour le gérant, une "présomption de non-nullité" ,
d'autant plus forte, qu'il était plus facile au maître d'intervenir (M. Maruitte, op. cit., n° 99. – V. par exemple Cass.
com., 24 juin 1964 : S. 1964, p. 249, note Plancqueel). L'erreur d'estimation du gérant ne sera pas admise par les
tribunaux s'ils la jugent inexcusable. Telle est, par exemple, celle de la personne qui donne "avec légéreté" à bail la
propriété rurale d'un fonctionnaire résidant à l'étranger, alors que celui-ci "avait laissé en France un mandataire
chargé de gérer ses biens en son absence" (Cass. soc., 17 avr. 1948 : D. 1948, p. 394. – Adde, pour un bail conclu
pour le compte d'un aliéné disposant d'un administrateur légal, Cass. soc., 3 déc. 1959 : Bull. civ. 1959, IV,
n° 1204. – Pour la promesse de vente conclue par la mère des propriétaires, "tous majeurs", CA Basse-Terre,
21 mai 1979 : JCP G 1980, IV, 230), celle des dirigeants d'un club de sport engageant des dépenses alors que ce
club, fonctionnant normalement, n'était pas empêché de gérer lui-même l'affaire (CA Bordeaux, 1re ch., sect. A,
6 mai 2003, n° 01/03814 : JurisData n° 2003-217474) ou celle du banquier, dépositaire de titres, les ayant vendu,
en acceptant une offre publique d'échange, alors qu'il n'était pas établi que son client pouvait être "raisonnablement
considéré comme ne pouvant agir lui-même" (Cass. com., 12 janv. 1999, n° 96-11.026 : JurisData n° 1999-
000079 ; Bull. civ. 1999, IV, n° 7 ; D. affaires 1999, p. 453 ; Defrénois 1999, p. 754, obs. J.-L. Aubert ; JCP G 1999,
II, n° 10070, note B. Petit ; D. 2000, p. 239, note D. Fiorina). N'est pas, non plus, gérant d'affaires, le père qui
acquitte une dette de son fils, "alors que ce dernier est en mesure de prendre toutes dispositions utiles pour faire
face à ses obligations" (CA Douai, 26 janv. 1953 : JCP G 1953, IV, 153), le locataire ayant procédé à des travaux
dans les lieux loués alors que "le bailleur est présent et que ce dernier n'a pas été mis en demeure de les exécuter"
(T. cant. Metz, 5 mars 1953, aff. Gronwald c/ Schweitzer. – Adde, Cass. com., 8 juin 1968 : JCP G 1969, II, 15724,
note Prieur, pour des travaux de transformation, effectués par un garagiste, sur un véhicule en réparation), ou
encore l'architecte qui, sans prendre l'accord de son client, "qui n'était pas absent, ni hors d'état de prendre lui-
même la décision", a passé un contrat avec un entrepreneur, agissant ainsi "avec une légèreté blâmable" (CA
Lyon, 13 mars 1969 : D. 1970, somm. p. 179).

2) Présence du maître et survenance d'un contrat

106. – Si le maître a consenti à l'intervention d'une personne dans ses affaires avant qu'elle ne se produise, ou
même au moment où elle se produit, il ne saurait y avoir de gestion d'affaires, car celle-ci suppose l'absence de
convention préalable entre maître et gérant (V. supra n° 65 à 67 ). Ce sera alors un mandat, exprès, ou
généralement tacite, s'il s'agit d'actes juridiques (CA Aix-en-Provence, 18 avr. 1989 : JurisData n° 1989-049476,

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mandat entre concubins). S'il s'agit d'actes matériels, l'on pourra reconnaître l'existence d'un louage d'ouvrage, d'un
contrat de services gratuits ou d'entreprise bénévole, voire d'un contrat innomé, variant selon les circonstances de
la cause.

107. – Mais la seule présence de l'intéressé assistant, sans s'opposer, en connaissance de cause, à l'intervention
d'un tiers dans ses affaires, est considérée, par la jurisprudence, comme l'expression tacite de son consentement
(CA Rouen, 21 mars 1908 : Rec. Rouen 1908, p. 170. – CA Pau, 23 janv. 1961 : JCP G 1961, II, 12207. – CA Lyon,
14 nov. 1950 : Mon. jud. Lyon 1951, p. 157). C'est pourquoi l'indivisaire, qui gère le patrimoine commun, en
présence des autres, est habituellement qualifié de mandataire tacite. De même, celui qui fait gracieusement
bénéficier un tiers de son activité laborieuse en l'aidant dans sa tâche, conclut avec ce dernier un contrat de
prestation gratuite de travail. Cette assistance, très fréquente dans l'agriculture, est généralement prêtée à titre de
réciprocité, ce qui accuse son caractère contractuel. Aussi le législateur a-t-il qualifié “l'entraide réalisée entre
agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation” de “contrat à titre gratuit”(C. rur.
pêche marit., art. L. 325-1. – V. D. Lefebvre, L'entraide agricole : JCP G 1964, I, 1846 et note ss TGI Pau, 1er déc.
1964 : JCP G 1965, II, 14282), excluant ainsi, à juste titre, la gestion d'affaires (V. Cass. soc., 28 oct. 1987 :
D. 1988, p. 344, note Le Calonnec, qui donne une définition très large de cette entraide).

108. – La solution est cependant différente, en matière d'acte de dévouement. Généralement, les tribunaux
reconnaissent dans cette action altruiste l'existence d'une gestion d'affaires, sans voir un obstacle dans la présence
du maître (V. notamment, Cass. civ., 5 févr. 1934 : DH 1934, p. 205. – T. civ. Seine, 3 janv. 1900 : S. 1902, 2,
p. 217. – CA Poitiers, 26 nov. 1952 : JCP G 1953, II, 7565, note P. Esmein. – TGI Seine, 21 déc. 1966 : JCP G
1967, IV, 150. – CA Paris, 14 déc. 1968 : JCP G 1969, II, 15744, reconnaissant, qu'en l'espèce, "il ne peut être
question d'un contrat de droit privé". – CA Nancy, 3e ch., 6 oct. 1988 : RTD civ. 1989, p. 540, obs. J. Mestre. – CA
Metz, 4 déc. 1991 : JurisData n° 1991-051023. – TGI Perpignan, 12 mars 1992 : JurisData n° 1992-044440. –
Cass. 1re civ., 28 janv. 2010, n° 08-16.844 : JurisData n° 2010-051363 ; JCP G 2010, n° 532, obs. A. Dumery).
L'on ne peut, en effet, sans artifice, donner aux appels de détresse du maître la signification d'une offre de
contracter, ni à la présence de ce dernier, lorsqu'elle est silencieuse, la valeur d'une approbation tacite de la
gestion du sauveteur. L'on ne saurait d'ailleurs considérer que l'assistant, comme l'assisté, ait eu réellement
l'intention de s'obliger. Force est d'admettre que "le caractère immédiat de l'intervention" et "la précipitation avec
laquelle les faits se sont déroulés paraissent difficilement compatibles avec la formation d'une convention" (TGI
Seine, 21 déc. 1966 : JCP G 1967, IV, 150). L'acte de dévouement répond à une attitude bénévole spontanée, que
la gestion d'affaires a précisément vocation à régir.

109. – Aussi est-il remarquable qu'une fraction de la jurisprudence, encore renforcée par des arrêts récents, se soit
attachée, en présence d'actes de dévouement authentiques, à reconnaître l'existence d'une "convention
d'assistance" (Cass. 1re civ., 27 mai 1959 : JCP G 1959, II, 11187, note Esmein ; D. 1959, 1, p. 524, note Savatier ;
Gaz. Pal. 1959, 2, p. 278 ; RTD civ. 1959, p. 735, obs. H. et L. Mazeaud. – Cass. 2e civ., 23 mai 1962 : Gaz. Pal.
1962, 2, p. 210 ; RTD civ. 1963, p. 327, obs. A. Tunc. – Cass. soc., 14 févr. 1963 : JCP G 1964, II, 13611, note
Esmein. – Cass. 1re civ., 1er déc. 1969 : JCP G 1970, II, 16445, note Aubert ; D. 1970, p. 422, note Puech ; RTD
civ. 1971, p. 164, obs. Durry. – Cass. 2e civ., 30 avr. 1970 : Bull. civ. 1970, II, n° 149 ; RTD civ. 1971, p. 165, obs.
Durry. – Cass. 1re civ., 21 déc. 1976 : Bull. civ. 1976, I, n° 422. – Cass. 2e civ., 21 févr. 1979, 2 arrêts : D. 1979,
inf. rap. p. 349 s., obs. Larroumet. – TGI Dôle, 9 janv. 1970. – TGI Bayonne, 2 oct. 1973 : Cah. jur. assur. mutuelle
agricole 1974, p. 463. – CA Aix-en-Provence, 10e ch., 3 mars 1977 : Bull. Aix 1977, 1, n° 55. – CA Nancy, 17 juin
1985 : Cah. jur. assur. mutuelle agricole 1986, p. 683. – Cass. soc., 21 juill. 1986 : Bull. civ. 1986, V, n° 421 ; BT
1986, p. 528 ; RTD civ. 1987, p. 533, obs. J. Mestre. – Cass. 1re civ., 16 déc. 1986 : D. 1987, inf. rap. p. 25. –
Cass. 1re civ., 6 janv. 1987 : Gaz. Pal. 1987, 1, pan. p. 77. – Cass. 1re civ., 3 janv. 1991 : Argus 1991, p. 667. –
Cass. 1re civ., 27 janv. 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 42 ; Gaz. Pal. 1993, 2, p. 434, note F. Chabas ; Resp. civ. et
assur. 1993, chron. 11, obs. H. Groutel ; RTD civ. 1993, p. 584, obs. P. Jourdain. – Cass. 2e civ., 26 janv. 1994 :
Resp. civ. et assur. 1994, comm. 114 ; JCP G 1994, I, 3809, obs. G. Viney. – CA Paris, 25 janv. 1995 : JCP G
1995, I, 3867, obs. Fabre-Magnan ; D. 1997, somm. p. 191, obs. F. Lagarde ; LPA 30 oct. 1996, p. 10, note Ch.

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Filios et M. Kourtis. – Cass. 1re civ., 17 déc. 1996 : Bull. civ. 1996, I, n° 463 ; RTD civ. 1997, p. 431, obs.
P. Jourdain ; D. 1997, somm., obs. Ph. Delebecque ; RGDA 1997, p. 237, obs. Ph. Rémy. – Cass. 1re civ., 16 juill.
1997 : D. 1998, jurispr. p. 566, note F. Arhab ; RTD civ. 1997, p. 944, obs. P. Jourdain. – Cass. 1re civ., 16 déc.
1997 et 13 janv. 1998 : D. 1998, jurispr. p. 580, note M. Viala et obs. G. Viney ; JCP G 1998, I, 144. – Cass. 2e civ.,
10 mars 2004, n° 03-11.034 : JurisData n° 2004-022725 ; Dr. et patrimoine 2004, n° 131, p. 78).Cette solution se
justifie d'autant moins que l'assisté, qui est souvent dans un état d'inconscience, ne peut exprimer le moindre
consentement (V. Cass. 1re civ., 1er déc. 1969, préc.). Illogique, puisqu'en contradiction avec le rejet, par les
tribunaux, du caractère contractuel du transport bénévole (R. Bout, op. cit., n° 291), elle est de plus inutile, car elle
n'offre aucun avantage réel sur l'application normale de la gestion d'affaires, qui permet même une protection plus
complète de l'assistant. Sous la fiction d'une "convention" d'assistance, la doctrine reconnaît d'ailleurs l'existence
d'une véritable gestion d'affaires (V. J.-L. Aubert, note préc. ; Notions et rôles de l'offre et de l'acceptation dans la
formation du contrat : LGDJ, 1970, n° 318. – M. Puech, note préc. – A. Besson : Rec. gén. lois 1970, p. 529. –
Nicolas-Jacob : Rec. gén. lois 1970, p. 570. – G. Durry : RTD civ. 1971, p. 164, n° 26. – B. Starck, H. Roland et
L. Boyer, op. cit., n° 1855. – N. Dejean de la Bâtie sur Aubry et Rau, t. VI, n° 257, p. 447, note 32. – F. Glansdorff et
P. Legros, note Rev. crit. jurispr. belge 1974, p. 60 s., spéc. n° 20, p. 84. – M. Gridel, Activité désintéressée et
gestion d'affaires dans la jurisprudence de la Cour de cassation, rapp. in L'activité désintéressée, réalité ou fiction
juridique ? : Economica, 1983, p. 75 à 78. – Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats : Dalloz
2004/2005, n° 1960, et Rép. civ. Dalloz, V° Gestion d'affaires, n° 43 et 53. – P. Jourdain, obs. RTD civ. 1997,
p. 431. – Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit., n° 55 et 1040. – Ch. Larroumet : D. 1979, inf. rap. p. 349. –
M. Rémond-Gouilloud, Les mesures de sauvegarde : DMF 1980, p. 393, note 29, p. 397. – A. Vialard : DMF 1982,
p. 667. – H. et L. Mazeaud : RTD civ. 1959, p. 735. – J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., n° 102, note 5, n° 397,
note 12. – J.-C. Maestre : D. 1977, chron. p. 150, n° 27. – M. Fabre-Magnan : JCP G 1995, I, 3867, et Les
obligations : PUF, 1re éd. 2004, n° 97, p. 250, et n° 360, p. 954. – Contra, cependant, M.-F. Soinne-Barrat,
L'assistance bénévole portée à autrui : thèse Lille, 1975. – C. Roy-Loustaunau, Du dommage éprouvé en prêtant
assistance bénévole à autrui : méthodologie de la réparation : PU Aix– Marseille, 1980, p. 109 à 144. – A. Sériaux,
L'œuvre prétorienne in vivo : l'exemple de la convention d'assistance, Mél. Michel Cabrillac : Litec Dalloz 1999,
p. 299. – Pour une critique de la "convention d'assistance", construction artificielle, V. R. Bout, op. cit., n° 287 à
294 ; La convention dite d'assistance, Mél. Kayser, 1979, t. I, p. 157, n° 20 à 35. – J. Mestre, obs. RTD civ. 1987,
p. 532. – G. Viney, obs. préc. et Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, 2e éd. 1995, n° 184. –
P. Jourdain, obs. RTD civ. 1993, p. 584 ; RTD civ. 1994, p. 864 et RTD civ. 1997, p. 431. – M. Fabre-Magnan, obs.
préc. et op. préc. – S. Hocquet-Berg, Remarques sur la prétendue convention d'assistance : Gaz. Pal. 7-9 janv.
1996, p. 10. – S. Stasiak, op. cit., LPA 17 juill. 1996, p. 9 et s. – Ph. Rémy, obs. RGDA 1997, p. 238. – G. Viney
obs. JCP G 1998, I, 144. – F. Arhab, note D. 1998, p. 566. – O. Gout, note JCP G 1998, II, 10203).

3) Opposition du maître

110. – La gestion d'affaires ne saurait être admise lorsque le maître, qui est le meilleur juge de ses propres intérêts,
a exprimé d'avance son opposition à toute ingérence dans ses affaires. Pourrait-on excuser l'attitude du tiers qui,
pour répondre à une bienveillance aussi envahissante qu'inopportune, passerait outre à cette défense ? La faveur
due à l'altruisme ne peut permettre de porter une atteinte insupportable à l'autonomie nécessaire de
l'individu.Aussi, la doctrine, avec une rare unanimité, a-t-elle toujours reconnu au maître le droit de s'opposer à une
gestion. La jurisprudence rappelle souvent le principe incontesté que "l'action de gestion d'affaires ne peut être
exercée lorsque la gestion a été faite contre la volonté expressément manifestée du maître" (CA Dijon, 21 juin
1932 : S. 1932, 2, p. 209. – Adde Cass. 1re civ., 22 déc. 1969 : Bull. civ. 1969, I, n° 403. – Cass. 3e civ., 12 avr.
1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 219. – Cass. 3e civ., 8 oct. 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 338. – CA Aix-en– Provence,
1re ch., 10 mars 1983, Castel c/ divers, a contrario. – CA Nancy, 2e ch. civ., 4 nov. 2002, n° 00/03339 : JurisData
n° 2002-209322 : SPA ayant gardé un chien contre la volonté du propriétaire, lui réclamant ensuite le paiement des
frais).C'est pourquoi cette action fut refusée à l'entrepreneur de transports, qui avait transporté des marchandises
de la gare au domicile du destinataire, bien que celui-ci l'ait informé de son intention de s'en charger lui-même
(Cass. req., 27 juill. 1852 : S. 1852, 1, p. 829), à la personne qui avait tenté d'arrêter un cheval échappé, alors que

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le propriétaire de l'animal s'y était opposé, la sécurité publique n'étant pas en jeu (T. civ. Seine, 19 juin 1906 : DP
1906, 5, p. 71), au chirurgien ayant procédé à une opération de chirurgie esthétique sur une femme, commune en
biens, malgré la défense du mari (T. paix Toulouse, 26 oct. 1932 : DP 1933, 2, p. 107, note Nast. – Rappr. Cass.
1re civ., 19 oct. 1964 : JCP G 1965, II, 14015, note J. Patarin), au syndic ayant exécuté des travaux malgré la
défense des copropriétaires (CA Aix, 1re ch., 20 déc. 1978 : Bull. Aix 1978, 4, n° 259), à l'association ayant engagé
des frais de dragage d'un cours d'eau malgré le refus du propriétaire riverain (CA Aix-en-Provence, 1re ch. A,
27 mai 2008, n° 06/20422 : JurisData n° 2008-369483), à la banque ayant payé des redevances malgré la
révocation de l'autorisation de prélèvement du titulaire du compte (Cass. com., 21 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, IV,
n° 271), aux héritiers s'étant opposés à l'intervention d'un généalogiste (CA Orléans, 9 mai 2011, n° 10/00479 :
JurisData n° 2011-008607) ou encore au médecin ayant soigné des enfants, dont le père, divorcé, "avait
expressément déclaré par lettre son intention de ne pas participer au paiement d'honoraires, et de s'en tenir au
versement de la rente fixée par le jugement de divorce" (CA Colmar, 17 déc. 1937 : Rev. Alsace– Lorraine 1938,
p. 355. – Adde CA Montpellier, 16 nov. 1954, aff. Agnoletto. – CA Paris, 25e ch. A, 6 mars 1984 : JurisData
n° 1984-021467, opposition d'un annonceur publicitaire à une campagne).

111. – La défense du maître fait ainsi obstacle à la gestion d'affaires, parce qu'elle en infirme, d'avance, l'utilité.
Une obligation de s'abstenir s'impose alors au gérant virtuel, obligation dont la violation est susceptible
d'engager sa responsabilité délictuelle, si un préjudice en est résulté. Mais, si l'opposition du maître intervient au
cours de la gestion, elle ne produit effet que pour l'avenir. Contraignant le gérant à mettre aussitôt fin à son activité,
elle n'enlève le caractère d'acte de gestion qu'à ceux qu'il aurait postérieurement accomplis.

112. – Cependant, l'opposition du maître n'est pas toujours déterminante de l'inutilité et, partant, de l'inexistence
d'une gestion d'affaires. Car, pour que cette prohibition ait une valeur juridique, encore faut-il qu'elle soit légitime .
Elle ne l'est pas, selon la jurisprudence, lorsque le gérant s'est borné à exécuter une obligation légale du maître .
Comment ce dernier pourrait-il invoquer l'inutilité de l'action du tiers qui, devant sa carence, exécute spontanément
une obligation à laquelle il ne pouvait se soustraire ? C'est l'obligation d'assistance et de secours entre époux qui a
été le plus souvent l'occasion, pour les tribunaux, d'affirmer l'illégitimité de l'opposition du maître. Tel hôtelier ayant
recueilli une femme mariée, malgré la défense formelle du mari, est gérant d'affaires de ce dernier, qui refuse de
recevoir sa femme (CA Besançon, 15 juill. 1874 : S. 1875, 2, p. 9. – CA Dijon, 4 févr. 1888 : DP 1889, 2, p. 243).
Tel médecin qui admet dans sa clinique une femme gravement malade, gère les affaires de son mari, malgré
l'opposition de celui-ci. Il appartenait, en effet, au mari "soumis à l'obligation légale d'assistance, de prendre les
dispositions nécessaires pour lui procurer les moyens de se soigner dans d'autres conditions..." (CA Dijon, 21 juin
1932 : S. 1932, 2, p. 209. – Adde T. paix Toulouse, 26 oct. 1932, préc. a contrario). Tel fils, qui règle, aux lieu et
place de son père, les mensualités de remboursement d'un prêt consenti pour l'achat d'un immeuble, gère l'affaire
de son père s'étant vu refuser l'autorisation de mettre en vente cet immeuble, bien commun, malgré son opposition,
le devoir de sauvegarder les intérêts de la famille rendant cette opposition illégitime (Cass. 1re civ., 11 févr. 1986,
n° 84-10.756 : JurisData n° 1986-000387 ; Bull. civ. 1986, I, n° 23 ; Defrénois 1986, art. 33825, n° 110, obs. J.-
L. Aubert). L'obligation, pour un éleveur, de nourrir et soigner ses animaux est aussi de nature à exclure son
opposition à la gestion de son exploitation, pendant sa détention provisoire, par la société protectrice des animaux
(CA Douai, 1re ch., 9 sept. 2002, n° 01/01895 : JurisData n° 2002-208876).L'opposition du maître est encore
illégitime lorsque "sa résistance a été le résultat d'un entêtement aveugle et irréfléchi" (T. civ. Dunkerque, 9 mars
1955 : Journ. not. 1955, p. 600). Ce serait le cas de quiconque chercherait à mettre fin à ses jours. Le sauveteur,
qui passerait outre à cette opposition, gérerait valablement l'affaire de celui dont il a évité le suicide (V. M. Maruitte,
op. cit., n° 74. – Y. O'Mahony, op. cit., p. 111). Sans doute pourrait-on qualifier aussi d'illégitime l'opposition du
maître, victime d'un vol, à la poursuite du voleur par un témoin, car, en cas de délit flagrant, selon l'article 73 du
Code de procédure pénale, “toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de
police judiciaire le plus proche” (en ce sens, J. Mestre, obs. RTD civ. 1988, p. 541. – Adde J.-L. Aubert, obs.
D. 1989, somm. p. 234. – V. Cass. 1re civ., 26 janv. 1988 cité supra n° 25 ).

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113. – La défense du maître n'ayant pas d'effet juridique, l'immixtion du gérant s'impose à lui avec les caractères
d'une gestion d'affaires. C'est dire qu'il est contraint d'en admettre l'utilité. L'admission d'une telle "utilité forcée" est-
elle alors compatible avec l'existence d'une intention de gérer ? En réalité, lorsque l'opposition est illégitime en
raison de l'existence d'une obligation légale, ce n'est pas vers le débiteur de celle-ci, pourtant qualifié de maître,
que tend l'altruisme du gérant qui exécute cette obligation, mais vers son créancier qui bénéficie directement de
cette exécution. Il y a là une nouvelle manifestation de cette tendance de la jurisprudence à se satisfaire de la seule
existence, chez le gérant, d'une intention altruiste, sans exiger qu'elle ait été concrètement destinée à celui qui joue
le rôle de maître (V. supra n° 26 . – V. R. Bout, op. cit., n° 302 s.).

b) Nature de l'acte de gestion

114. – L'utilité de l'intervention du gérant est aussi fonction de la nature de l'acte qu'il se propose d'accomplir. Sans
doute, la première caractéristique de cet acte est de constituer une immixtion dans les affaires du maître. Aussi
certains auteurs sont-ils allés jusqu'à voir dans cette immixtion une condition nouvelle, et autonome, de la gestion
d'affaires (V. notamment, Vizioz, op. cit., p. 243. – Maury, op. cit., t. II, p. 91 à 99. – M. Maruitte, op. cit., p. 115. –
G. Flattet, op. cit., n° 65 et 159. – G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 381. – Contra P. Guillot, op. cit., p. 52, 54 et
p. 82 à 84). Mais une telle exigence directe de l'immixtion dans les affaires d'autrui s'avère, en réalité, inutile,
puisque l'immixtion se trouve nécessairement établie, tantôt par la condition d'intention de gérer, tantôt par celle de
l'utilité de la gestion (V. R. Bout, op. cit., n° 307 s.). De fait, les rares décisions qui ont paru exiger cet élément
d'immixtion ont évoqué, à travers celui-ci, la nécessité de l'intention de gérer (Cass. civ., 28 oct. 1942 : DC 1943,
p. 29, note P.L.-P. – T. civ. Dunkerque, 9 mars 1955 : Journ. not. 1955, p. 600, note Gouy. – CA Paris, 14 déc.
1968 : JCP G 1969, II, 15744). Si la jurisprudence avait requis une immixtion objective du gérant dans les affaires
du maître, elle n'aurait pu donner une large acception à la notion d'"affaires" d'autrui.

1) Acte concernant les "affaires" d'autrui

115. – L'acte de gestion est certainement utile lorsqu'il tend à protéger le patrimoine du maître. En effet, le
législateur a d'abord envisagé qu'il puisse concerner toute affaire d'autrui à caractère patrimonial. Cela ressort du
terme de "propriétaire" utilisé à trois reprises par l'article 1372 pour désigner le maître. Cependant le législateur, se
gardant d'utiliser l'expression restrictive du "patrimoine", a visé, dans ce même article, celui qui “volontairement,
gère l'affaire d'autrui”. Et la jurisprudence a trouvé, dans la généralité de ce dernier terme, la justification de
l'extension de la gestion à la personne même d'autrui. La doctrine contemporaine, quasi unanime (V. R. Bout, op.
cit., n° 309 et auteurs cités en notes 5 et 6), l'en approuve avec raison. L'intervention du gérant n'est-elle pas
encore plus utile, lorsqu'elle a pour fin la sauvegarde, au-delà du patrimoine, de la personne même d'un tiers ?
Aussi les tribunaux reconnaissent-ils une gestion d'affaires dans l'acte d'assistance ou de sauvetage spontanément
accompli dans l'intérêt d'autrui : la protection de l'intégrité physique ou de la vie d'une personne constitue "l'affaire"
de celle-ci. Cela permet au sauveteur, ou à ses ayants droit, de bénéficier des règles favorables de la gestion
d'affaires (Cass. 1re civ., 16 nov. 1955 : JCP G 1956, II, 9087, note P. Esmein. – T. com. Seine, 3 janv. 1900 :
S. 1902, 2, p. 217, note Perreau. – TGI Paris, 25 oct. 1971 : Gaz. Pal. 1972, 1, p. 124. – Cass. 1re civ., 28 janv.
2010, n° 08-16.844 : JurisData n° 2010-051363 ; JCP G 2010, p. 1003, obs. A. Dumery. – Adde, pour des
démarches afin d'assurer le secours médical et le rapatriement d'une personne, Cass. 1re civ., 22 déc. 1981 : Bull.
civ. 1981, I, n° 395 ; D. 1982, inf. rap. p. 96). Certains auteurs, regrettant qu'il ait fallu, ainsi, solliciter à l'excès le
texte de l'article 1372 pour indemniser les sauveteurs victimes de dommages corporels, sont partisans de
reconnaître l'existence d'un quasi-contrat d'assistance bénévole (L. Campion, op. cit., n° 80. – Ph. le Tourneau,
Droit de la responsabilité et des contrats : Dalloz 2004-2005, n° 1961 et Rép. civ. Dalloz, V° Quasi-contrat, n° 51. –
G. Viney, obs. JCP G 1998, I, 144). Le mieux serait, sans doute, d'attribuer au sauveteur, par voie législative, un
régime d'indemnisation justifié par la solidarité nationale (R. Bout, La convention dite d'assistance, op. cit., p. 200,
n° 48 et s.).L'affaire d'autrui peut encore concerner d'autres intérêts extrapatrimoniaux, comme le respect de la
liberté. Ainsi, le fait d'entreprendre des démarches pour obtenir l'amélioration du sort d'un aliéné interné, constitue
un acte de gestion utile (CA Aix, 20 déc. 1888 : S. 1890, 2, p. 25, note Naquet). Il en est de même de ce "contrat

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d'entreprise" conclu, en 1941, par la femme d'un prisonnier de guerre avec une personne qui s'engageait, contre la
promesse d'une bonne récompense, à tenter de faire évader son mari d'Allemagne : en organisant ainsi son
évasion, cette femme a géré l'affaire de son mari (CA Nancy, 25 mars 1947 : Gaz. Pal. 1947, 1, p. 192).

116. – Cependant, si compréhensive qu'elle soit, cette notion d'affaires rencontre des limites qui touchent à
l'intimité de la personne d'autrui. Car il est un domaine dans lequel l'on ne doit pas pénétrer : celui qui concerne "la
conscience, l'honneur, les relations de famille d'un individu" (Goré, thèse préc., n° 267). La gestion d'affaires doit
être exclue lorsque les actes à accomplir supposent l'intervention ou l'appréciation personnelle du maître de l'affaire
(G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 381. – Ch. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, op. cit., n° 1704). La
jurisprudence n'a eu que rarement l'occasion d'envisager cette limite (V. T. civ. Seine, 6 mai 1914 : Gaz. trib. 1914,
1, II, p. 394, pour l'adaptation cinématographique d'une pièce de théâtre. – TI Arles, 28 avr. 1967 : Gaz. Pal. 1967,
2, p. 38, note H.M., pour un contrat d'assurance-vie. – V. R. Bout, op. cit., n° 313). Mais nul doute que les tribunaux
sauraient la rappeler à qui la dépasserait, et commettrait ainsi une faute grossière dans l'appréciation de l'utilité de
la gestion. Leur sévérité serait alors fonction de l'importance du caractère personnel au maître, de l'affaire
entreprise (en ce sens, M. Planiol et G. Ripert, op. cit., n° 726).

2) Acte juridique et acte matériel

117. – Certains auteurs classiques, voyant dans la gestion d'affaires une sorte de "quasi-mandat", ont prétendu
limiter son domaine aux seuls actes juridiques. À l'instar du mandataire, le gérant ne pourrait accomplir d'acte
matériel. Certes, le législateur a prévu l'exécution par le gérant d'actes juridiques, puisqu'à son retour, le maître
devra “remplir les engagements qu'il a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels
qu'il a pris”(C. civ., art. 1375). Mais il n'a pas, pour autant, exclu l'accomplissement d'actes matériels : l'expression
"gérer l'affaire d'autrui", très compréhensive, embrasse aussi bien les actes juridiques que les faits
matériels . De plus la gestion d'affaires, qui n'est pas réellement un "quasi-contrat" (V. supra n° 4 ), ne saurait être
définie, a fortiori, comme un succédané du mandat (V. Maury, op. cit., p. 98. – R. Bout, op. cit., n° 322).Il serait,
d'ailleurs, arbitraire de traiter différemment quiconque intervient utilement dans les affaires d'autrui, selon qu'il y
accomplit un acte juridique ou un acte matériel, alors qu'il mérite autant, dans les deux cas, d'être indemnisé. Si le
voisin obligeant était suffisamment compétent pour assurer lui-même utilement la réparation de l'immeuble
détérioré, la loi lui imposerait-elle de contracter avec un entrepreneur de maçonnerie pour lui reconnaître la qualité
de gérant, alors qu'il pourrait effectuer les travaux plus rapidement, et à moindres frais pour le propriétaire ?

118. – En admettant les actes matériels parmi les actes de gestion utiles, la jurisprudence n'a contrevenu ni aux
prescriptions du Code civil, ni à la volonté profonde du législateur (V. notamment, Cass. req., 28 févr. 1910 : DP
1911, 1, p. 137, note Dupuich. – Cass. 1re civ., 16 nov. 1955 : JCP G 1956, II, 9087, note Esmein. – CA Besançon,
15 juill. 1874 : S. 1875, 2, p. 9. – CA Dijon, 4 févr. 1888 : DP 1889, 2, p. 243. – T. com. Seine, 3 janv. 1900 :
S. 1902, 2, p. 217, note Perreau. – TI Valence, 14 déc. 1960 : D. 1961, p. 619, note Goré. – TGI Paris, 25 oct.
1971 : Gaz. Pal. 1972, 1, p. 124. – CA Poitiers, 8 déc. 1976 : DMF 1977, p. 389. – Sur pourvoi, Cass. 1re civ.,
14 nov. 1978 : JurisData n° 1978-700344 ; JCP G 1980, II, 19379, note R. Bout. – Cass. 1re civ., 3 janv. 1985,
n° 83-13.359 : JurisData n° 1985-700076 ; Bull. civ. 1985, I, n° 5 ; Gaz. Pal. 1985, 1, pan. jurispr. p. 90, obs.
Piedelièvre ; RTD civ. 1985, p. 574, obs. J. Mestre. – Cass. 1re civ., 26 janv. 1988, cité supra n° 25 . – Cass.
1re civ., 24 mai 1989, n° 87-17.931 : JurisData n° 1989-701619 ; Bull. civ. 1989, I, n° 211 ; RTD civ. 1990, p. 477,
obs. J. Mestre. – CA Metz, 4 déc. 1991 : JurisData n° 1991-051023. – TGI Perpignan, 12 mars 1992 : JurisData
n° 1992-044440. – CA Poitiers, 26 août 1993 : JurisData n° 1993-050709, hébergement, par une voisine, d'un
enfant dont le père est incarcéré. – CA Rennes, 7e ch., 10 mars 1999, n° 9705321 : JurisData n° 1999-113457,
travaux de démolition d'une toiture. – CA Bordeaux, 1re ch., sect. B, 16 févr. 1999, n° 97002157 : JurisData
n° 1999-040200 : aide apportée pour le tir d'un feu d'artifice. – CA Colmar, 2e civ., sect. B, 10 mars 2006,
n° 2B03/04400 : JurisData n° 2006-302847 : participation à la lutte contre l'incendie).Aussi bien, cette solution est
conforme à la tradition : la negotiorum gestio romaine pouvait porter, indifféremment, sur un acte juridique ou un fait
matériel (V. A-E. Giffard et R. Villers, Les obligations, 3e éd., n° 171). La doctrine n'a donc pas tardé à s'y rallier.

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Refusant de suivre l'opinion de quelques auteurs désirant encore rapprocher la gestion d'affaires du mandat, elle
reconnaît, dans sa grande majorité, l'existence des gestions d'affaires matérielles (V. R. Bout, op. cit., n° 323 et
auteurs cités en note 13). La jurisprudence contemporaine ne reflète plus, sur ce point, le moindre doute. Les
nombreux arrêts qui consacrent, aujourd'hui, cette institution en matière d'actes de dévouement, ne jugent même
pas utile d'affirmer qu'elle s'applique aux actes matériels comme aux opérations juridiques : ils considèrent, à bon
droit, que la question n'est pas discutable. La gestion d'affaires par acte matériel représente, d'ailleurs, le plus clair
de ses applications jurisprudentielles. C'est dire l'intérêt pratique de son admission.

119. – L'acte de gestion pourrait-il même être un acte illicite ? Sans doute, la jurisprudence n'a pas eu l'occasion
de répondre nettement à cette question, généralement ignorée par la doctrine. Mais il n'est aucune raison d'exclure
cette possibilité. Tel gérant, pour lutter contre un incendie, s'empare d'une échelle ou d'un extincteur dans
l'immeuble d'un tiers, tel autre, pour réparer la maison du maître, utilise la toiture ou pénètre dans le domicile du
propriétaire, également absent, d'une maison voisine : le caractère illicite de cette violation du domicile, ou du droit
de propriété du voisin, n'est pas effacé par l'intention altruiste de son auteur, puisque cet acte a été accompli dans
l'intérêt d'un tiers. La victime sera autorisée à s'en plaindre. Pourtant le bénéficiaire d'un tel acte ne saurait
invoquer, à l'encontre de celui qui l'a accompli par altruisme, son caractère illicite, pour lui dénier la qualité de
gérant d'affaires. C'est dire qu'un acte illicite, volontairement accompli par une personne dans l'intérêt d'autrui, peut
être un acte utile apte à constituer une gestion d'affaires (V. R. Bout, op. cit., n° 324 à 327).

3) Acte d'administration et acte de disposition

120. – Il est certain que l'acte conservatoire , acte qu'il est absolument nécessaire d'accomplir, figure au premier
rang des actes utiles de gestion d'affaires (ainsi, CA Paris, 25e ch., 10 mars 2006, n° 04/13492 : JurisData n° 2006-
304162 : gardiennage d'un véhicule). Mais celle-ci ne saurait se limiter à ce type d'acte. Car le gérant qui se
bornerait à vouloir préserver les affaires du maître, serait inévitablement amené à dépasser le stade de l'acte
strictement conservatoire. Ainsi, en concluant, pour le compte du maître, un contrat d'assurances de dommages,
lequel présente un caractère conservatoire par rapport au bien assuré, glisserait-il vers l'acte d'administration. Celui
qui souscrit une police d'assurance, au nom d'un parent absent ou empêché par la maladie, sans en avoir reçu
mandat, accomplit évidemment un acte de gestion utile (V. notamment, Cass. 1re civ., 14 janv. 1959 : D. 1959,
p. 106. – Cass. 1re civ., 13 juill. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 393. – CA Aix-en-Provence, 2e ch., 22 avr. 1983, Pavec
c/ Sté Phocéenne de Métallurgie, souscription d'une assurance par l'expéditeur d'une marchandise. – Adde CA
Versailles, 15 sept. 1989 : RGAT 1990, p. 140, avance de sommes nécessaires à l'application de la garantie).

121. – Tous les actes d'administration ont d'ailleurs vocation à figurer au nombre des actes que le gérant peut
accomplir dans les affaires du maître. Car le gérant étant légalement obligé de “continuer la gestion qu'il a
commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même”(C. civ., art. 1372), sa
gestion pourra se prolonger, et comprendre une série d'actes. Qu'il s'agisse de la gestion, par un cultivateur voisin,
d'une ferme abandonnée pendant la guerre par son propriétaire (Cass. 1re civ., 25 nov. 1963, Daussaut c/ Torrès.
– CA Nancy, 10 mars 1920 : Gaz. Pal. 1920, 2, p. 369. – Adde Cass. 3e civ., 15 juill. 1971 : Bull. civ. 1971, III,
n° 452, gestion par le frère d'un fermier hospitalisé. – CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 25 nov. 1997 : JurisData
n° 1997-057061, élevage d'animaux appartenant à une société en liquidation judiciaire), de la gestion d'un bien
immobilier (CA Agen, 20 févr. 2006, n° 03/00345 : JurisData n° 2006-300695, pendant cinq ans par l'associé d'une
SCI. – CA Pau, 1er août 2006, n° 05/00970 : JurisData n° 2006-313467, pendant treize ans, pour le compte d'un
syndic), ou de celle d'un fonds de commerce en l'absence du commerçant (Cass. civ., 13 juin 1932 : Gaz. Pal.
1932, 2, p. 477. – Cass. civ., 23 juin 1947 : JCP G 1948, II, 4325, note A.B. – T. corr. Lille, 16 juin 1943 : Gaz. Pal.
1943, 2, p. 96), le gérant sera conduit à multiplier les actes d'administration pour faire fructifier la ferme ou le fonds
de commerce, alors même qu'il n'entendait, à l'origine, qu'assurer provisoirement leur conservation. Il en est ainsi
de toute affaire gérée. L'on ne saurait donc s'étonner que la jurisprudence ait reconnu la possibilité, pour le gérant,
non seulement de conclure un contrat d'assurances, mais encore d'effectuer des paiements ou de régler des dettes
(Cass. req., 26 oct. 1910 : S. 1912, 1, p. 337, note Loubers. – Cass. civ., 13 nov. 1939 : S. 1940, 1, p. 27. – Cass.

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1re civ., 7 févr. 1967 : Bull. civ. 1967, I, n° 50. – Cass. com., 15 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, IV, n° 240. –
T. Villefranche-sur-Saône, 25 févr. 1948 : D. 1948, p. 199. – CA Nancy, 20 oct. 1949 : Gaz. Pal. 1950, 1, p. 6. – TI
Valence, 14 déc. 1960 : D. 1961, p. 619, note Goré. – Cass. com., 15 oct. 1974 : D. 1975, somm. p. 12. – CA Paris,
23e ch., 15 nov. 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 447, obs. Giverdon. – CA Paris, 8e ch., 10 juill. 1980 : D. 1981, inf. rap.
p. 98. – Cass. 1re civ., 11 févr. 1986 : Bull. civ. 1986, I, n° 23, cité supra n° 112 . – CA Paris, 2e ch. B, 19 oct.
1988 : JurisData n° 1988-025392. – CA Bordeaux, 1re ch., sect. B, 19 juin 2000, n° 98/01219 : JurisData n° 2000-
128005. – CA Poitiers, 3e ch. civ., 15 janv. 2002, n° 98/02735 : JurisData n° 2002-181353 : avance par l'agent des
primes dues par l'assuré. – CA Paris, 25e ch., sect. A, 1er avr. 1999, n° 1997/20281 : JurisData n° 1999-023942. –
Cass. 1re civ., 11 juin 2002, n° 99-16.147 : JurisData n° 2002-014827. – CA Nancy, 1re ch., 25 mars 2003,
n° 98/02487 : JurisData n° 2003-224593. – Cass. com., 8 déc. 2009, n° 08-22.103 : JurisData n° 2009-050686 ;
JCP G 2010, n° 477, obs. C. Maréchal. – Cass. 1re civ., 12 janv. 2012, n° 10-24.512 : JurisData n° 2012-000219 ;
JP G 2012, n° 362, note Ph. Casson ; JCP E 2012, n° 43 RTD civ. 2012, p. 115, obs. B. Fages), d'accomplir des
démarches dans un procès (CA Bourges, 5 juill. 1905 : Le droit 4-6 sept. 1905. – CA Paris, 1re ch., 8 juill. 1981 :
JurisData n° 1981-027123), ou encore de conclure un bail pour le compte du maître (Cass. req., 16 janv. 1906 : DP
1908, 5, p. 36. – T. civ. Rabat, 23 nov. 1927 : Gaz. Pal. 1928, 1, tables, p. 79. – T. sup. Papeete, 18 mars 1949 :
JCP G 1949, II, 5206, note J.C. – CA Colmar, 25 mai 1949 : Rev. Alsace-Lorraine 1949, p. 374. – Adde Cass. soc.,
17 avr. 1948 : D. 1948, p. 334 et Cass. soc., 3 déc. 1959 : Bull. civ. 1959, IV, n° 1204, mais, dans ces deux
espèces, la gestion d'affaires a été refusée pour inutilité, le bail "ayant été conclu avec quelque légèreté". – V.
M. Dagot, Le bail du bien indivis : JCP G 1985, I, 3178).

122. – Certains auteurs, désireux de protéger le maître contre les initiatives fâcheuses d'un gérant, sont partisans
d'interdire à ce dernier tous les actes de disposition (Naquet, note ss Cass. req., 20 déc. 1910 : S. 1912, 1, p. 305.
– P. Guillot, op. cit., p. 88. – J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., n° 684). Pourtant, la frontière, qui sépare actes
d'administration et de disposition est artificielle. C'est un acte grave que donner à bail un immeuble à usage
d'habitation, un local commercial ou une propriété rurale, surtout depuis que le législateur moderne a
considérablement accru les droits du preneur. Pour la jurisprudence, il entre dans la catégorie des actes
d'administration. Mais un bail de plus de neuf années devient un acte de disposition (V. C. civ., art. 1718 et 595).
Les tribunaux consacreraient-ils un tel critère, contraire à la souplesse de la gestion d'affaires ? Un bail de douze
ans est parfois plus utile au maître, dans telles circonstances, qu'un bail de trois ans dans telles autres : le gérant
doit pouvoir en apprécier l'opportunité. La protection du maître ne serait-elle pas suffisamment assurée par une
souple exigence de l'utilité ? C'est ce qu'estiment nos tribunaux, qui se sont refusés à limiter l'acte de gestion à la
simple administration des affaires d'autrui (V. cependant, CA Paris, 17e ch., 26 janv. 1988 : JurisData n° 1988-
020349, refus d'une transaction conclue pour l'indemnisation du préjudice subi par un handicapé mental, frère du
gérant).

123. – Non seulement la jurisprudence n'a pas reproché au gérant d'avoir conclu un bail de longue durée (V. T.
sup. Papeete, 18 mars 1949 : JCP G 1949, II, 5206, note J.C.), ou un crédit-bail (CA Paris, 5e ch., 19 juin 1990 :
JurisData n° 1990-022343, pour le compte d'une société en formation), mais elle l'a même autorisé à résilier, au
nom du maître, un bail qui avait été conclu par ce dernier (CA Paris, 5 mars 1945 : D. 1945, p. 169. – CA Paris,
29 mars 1946 : D. 1946, p. 227. – CA Colmar, 13 déc. 1946, aff. Diez c/ Knittel. – CA Paris, 6 févr. 1947 : JCP G
1947, II, 3538. – V. également, Cass. soc., 30 avr. 1948 : Bull. civ. 1948, III, n° 451. – Cass. soc., 10 juin 1948 :
Bull. civ. 1948, III, n° 587. – Cass. 1re civ., 13 févr. 1952 : Bull. civ. 1952, I, n° 64. – Cass. com., 6 mai 1965 :
JurisData n° 1965-000360. – Cass. 3e civ., 5 oct. 1966 : JurisData n° 1966-000379), à contracter un emprunt
(Cass. civ., 13 juin 1932 : Gaz. Pal. 1932, 2, p. 477. – CA Rennes, 1re ch. B, 26 juin 1997 : JurisData n° 1997-
045163) ou à prêter l'argent du maître et percevoir le montant des remboursements (Cass. 1re civ., 13 janv. 1998,
n° 96-14.887 : JurisData n° 1998-000266), à endosser une traite (Cass. com., 5 juill. 1970 : Bull. civ. 1970, IV,
n° 240), à transformer un compte de dépôt en compte courant (Cass. com., 13 mai 1980 : Bull. civ. 1980, IV,
n° 199 ; JCP G 1980, IV, 279 ; D. 1981, inf. rap. p. 182, obs. Vasseur), à aliéner des meubles (Cass. civ., 28 oct.
1942 : DC 1943, p. 29, note P.L.-P ; JCP N 1943, II, 2227, note Clos. – T. civ. Metz, 4 juill. 1946 : Gaz. Pal. 1947, 1,
p. 34. – CA Poitiers, 28 avr. 1948 : D. 1948, p. 353, valeurs mobilières. – T. civ. Saumur, 1er juill. 1948, Onillon c/

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Sauvêtre, vente de bœufs. – CA Colmar, 4 mars 1949 : Gaz. Pal. 1949, 2, table, p. 80, meubles meublants. – Cass.
1re civ., 23 juill. 1974 : JCP G 1974, IV, 334, valeurs mobilières. – CA Paris, 25e ch., 26 janv. 1990 : JurisData
n° 1990-020189, meubles meublants. – V. pour la vente de marchandises transportées par un bateau bloqué dans
le canal de Suez, par application de l'article 188 du Code civil égyptien, directement inspiré par le Code civil
français, M. Saada, chron. : DMF 1978, p. 515 s., spéc. p. 581 et 588. – Comp. pour un apport en jouissance du
titre d'un journal, TGI Paris, 1re ch., 14 nov. 1984 : Gaz. Pal. 1985, 1, somm. p. 30 ; S. 1986, inf. rap. p. 89, obs.
Burst), ou même des immeubles (Cass. 1re civ., 15 mai 1974 : JCP G 1974, IV, 241 ; D. 1974, somm. p. 109 ; Bull.
civ. 1974, I, n° 147, pour un échange de terrains. – CA Aix, 10 nov. 1953 : Journ. not. 1955, p. 603, note Gouy. – T.
civ. Dunkerque, 9 mars 1955 : Journ. not. 1955, p. 600, note Gouy). Elle a, de plus, admis la possibilité, pour le
gérant, d'agir en justice au nom du maître, puisque "les articles 1372 et suivants du Code civil ne limitent en rien
l'étendue de la gestion d'affaires, et notamment n'en excluent pas le domaine judiciaire" (CA Colmar, 19 juin 1964,
Oberlin : Bull. cours et trib. déc. 1964, n° 1020, à propos de l'opposition à un jugement par défaut. – CA Rennes,
5e ch. prud'h., 10 juin 2008, n° 07/04911 : JurisData n° 2008-369709, engagement d'une procédure de
licenciement. – V. également, Cass. civ., 8 juin 1886 : S. 1888, 1, p. 481, note Petiet. – Contra, CA Paris, 5e ch.,
12 nov. 1981 : JurisData n° 1981-027564. – V. R. Bout, op. cit., p. 399, note 52).Dans un arrêt très remarqué de la
première chambre civile du 21 décembre 1981 (Cass. 1re civ., 21 déc. 1981 : JCP G 1983, II, 19961, note J.-
P. Verschave ; Gaz. Pal. 1982, 2, p. 398, note Perrot ; RTD civ. 1982, p. 651, obs. Perrot) la Cour de cassation a
admis que l'ancien gérant d'une société avait pu représenter cette dernière en justice en qualité de gérant
d'affaires. Elle a même ajouté qu'aucune disposition légale ne subordonnait la validité de l'action intentée par celui-
ci à l'acceptation des débats par le tiers contre lequel cette action était exercée. Sans doute est-elle, l'année
suivante, revenue sur cette dernière affirmation, admettant que "les règles de la gestion d'affaires ne pouvaient
avoir pour conséquence de contraindre le tiers à accepter un débat judiciaire engagé par un demandeur agissant
comme gérant d'affaires" (Cass. 1re civ., 9 mars 1982 : JurisData n° 1982-700740 ; JCP G 1982, IV, 187 ; Bull. civ.
1982, I, n° 104 ; RTD civ. 1983, p. 193, obs. Perrot ; RTD com. 1982, p. 539, obs. A. Bénabent et J.-Cl. Dubarry. –
V. Cass. 1re civ., 19 déc. 1973 : JCP G 1974, IV, 46 ; Bull. civ. 1973, I, n° 362. – Cass. 3e civ., 15 oct. 1974 : Bull.
civ. 1974, III, n° 359, déjà dans le même sens. – Adde TGI Rouen, réf., 16 avr. 1987 : JCP G 1988, II, 20970, obs.
P. Courbe, et Cass. 3e civ., 27 oct. 2004, n° 03-15.029 : JurisData n° 2004-025654 ; Dr. et patrimoine 2005, n° 134,
p. 129, obs. P. Chauvel). Mais cette fin de non-recevoir, tirée d'un défaut de qualité, étant d'ordre privé, ne pourrait
être relevée d'office par le juge (NCPC, art. 125. – V. en ce sens, Bénabent et Dubarry : RTD com. 1982, p. 540).
Par conséquent un gérant d'affaires serait recevable à agir en justice au nom du maître dans la mesure où le tiers
ne contesterait pas cette qualité.En fin de compte, la Cour suprême nous paraît bien traduire la tendance libérale
de nos juridictions lorsqu'elle affirme que "tout acte du gérant d'affaires quel qu'il soit, est valable, et rentre dans les
limites de ses pouvoirs, dès lors qu'il est constant que l'opportunité de son intervention est telle que l'initiative est
justifiée, et que l'affaire a été utilement gérée" (Cass. 1re civ., 13 févr. 1952 : Bull. civ. 1982, I, n° 64). Ainsi,
l'admission par la jurisprudence de l'acte de disposition dans le domaine de la gestion d'affaires est-elle,
aujourd'hui, fermement établie.

Note de la rédaction – Mise à jour du 19/04/2017

123 . - Licenciement pour faute grave

Relève de la gestion d'affaires le licenciement d'une employée de maison prononcé pour faute grave, consistant
dans une atteinte au patrimoine de l'employeur, prononcé par la fille de celui-ci, devenue ultérieurement tutrice de
son père, et qui était, depuis que ce dernier se trouvait dans l'incapacité de s'occuper de ses affaires en raison de
la dégradation de son état de santé, l'interlocutrice habituelle de la salariée dans l'exécution de son contrat de
travail, ce licenciement ayant un caractère conservatoire pour les intérêts de l'employeur (Cass. soc., 29 janv.
2013, n° 11-23.267 : JurisData n° 2013-001078 ; Bull. civ. 2013, V, n° 20).

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124. – Cette solution, généralement approuvée par la doctrine (V. auteurs cités, R. Bout, op. cit., p. 403, note 72. –
Adde Ph. le Tourneau, Rép. civ. Dalloz, V° Gestion d'affaires, n° 55, énumérant quatre hypothèses justifiant
l'admission de l'acte de disposition), nous paraît à l'abri de toute critique. Le législateur n'a jamais manifesté la
volonté d'exclure de tels actes. Au contraire, il a implicitement admis, par la loi du 22 septembre 1942 autorisant un
époux à agir en représentation de l'autre (C. civ., art. 219. – V. supra n° 89 ), par celles du 3 janvier 1968 et du
5 mars 2007 réformant le droit des incapables majeurs (C. civ., art. 436. – A contrario, V. supra n° 90 et R. Bout,
op. cit., n° 332) et par celle du 31 décembre 1976 qui "se borne à assigner son domaine à la gestion d'affaires
indivises" (P. Catala, L'indivision : Defrénois 1980, art. 32172, p. 27. – C. civ., art. 815-4, al. 2. – V. supra n° 97 ),
que celle-ci pouvait être accomplie par des actes de disposition. D'ailleurs, le terme "gestion" a un sens général qui
englobe de tels actes (V. M. Houin, Travaux de la commission de réforme du Code civil 1950-1951, p. 413. – S. de
la Marnierre, Les techniques d'interprétation de la loi : RTD civ. 1971, p. 233). En réalité, peu importe la nature de
l'acte : la seule question est de savoir si la gestion est utile (G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 382). C'est
l'opportunité de leur exécution qui constitue la limite des actes de disposition. À cet égard, plus l'acte de gestion est
important, et engage sérieusement les affaires d'autrui, plus il risque d'être jugé inutile. Le gérant ne doit pas perdre
de vue, en effet, qu'il est plus normal de réparer l'immeuble d'un propriétaire absent... que de le vendre ! La
jurisprudence en est consciente : elle ne reconnaît pas aisément l'utilité d'initiatives graves susceptibles de
contrarier les vues du maître. Mais elle ne s'interdit pas, a priori, par une limite rigide, d'admettre selon les
circonstances, le caractère utile d'un acte de disposition.Pour être utile, il n'est même pas nécessaire que l'acte de
gestion réponde à une situation urgente. Sans doute, certains auteurs sont-ils allés jusqu'à voir dans l'urgence un
élément fondamental de la gestion d'affaires (M. Vasseur, Urgence et droit civil : RTD civ. 1954, p. 405 et
Ph. Jestaz, L'urgence et les principes classiques du droit civil : LGDJ, 1968, n° 104 à 123). C'est pourtant ajouter
aux textes du Code civil, qui n'utilisent pas le terme d'urgence, ni n'imposent la "nécessité" de la gestion. Le
législateur se contente d'imposer au "maître dont l'affaire a été bien administrée" de rembourser au gérant "toutes
les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites". Le terme de "nécessaires" est d'ailleurs superflu puisque, devant
déjà rembourser les dépenses utiles, le maître doit, a fortiori, rembourser les dépenses nécessaires. Quant à
l'article 1890 du Code civil, concernant les dépenses que pourrait faire, en cas d'urgence, l'emprunteur sur la chose
prêtée, texte que l'on a pu invoquer à ce propos, il s'explique par le seul particularisme du contrat de commodat (V.
R. Bout, op. cit., n° 317).Hormis le cas du contractant excédant les limites du cadre contractuel, auquel on pourrait
aisément reprocher de ne pas avoir consulté son cocontractant alors qu'il était en mesure de le faire (V. supra n° 66
. – V. par exemple, Cass. com., 8 juin 1968 : JCP G 1969, II, 15724, note Prieur. – Cass. 3e civ., 13 mars 1984 :
Gaz. Pal. 1984, 2, somm. p. 253. – CA Poitiers, 28 avr. 1948 : D. 1948, p. 353. – T. cant. Metz, 5 mars 1953,
Gronwald c/ Schweitzer. – CA Lyon, 13 mars 1969 : D. 1970, somm. p. 179. – CA Rennes, 27 mai 1982 : JurisData
n° 1982-040848), la jurisprudence ne ramène pas la condition d'utilité à celle de l'urgence de l'intervention du
gérant. Si les tribunaux évoquent souvent, dans leurs décisions, le caractère urgent de la gestion, c'est qu'ils y
voient un élément révélateur de l'opportunité de l'immixtion du gérant dans les affaires du maître (Cass. com.,
14 nov. 1989, n° 88-11.213 : JurisData n° 1989-003407 ; D. 1991, somm. p. 33, obs. Vasseur. – CA Paris, 8e ch.,
4 mai 1990 : JurisData n° 1990-022174. – CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 25 nov. 1997 : JurisData n° 1997-
057061).Il est exceptionnel qu'ils en fassent une condition de l'utilité de la gestion (CA Paris, 17 juin 1935 : Gaz.
Pal. 1935, 2, p. 453). La Cour de cassation, qui n'a jamais consacré formellement cette exigence, a, de plus, admis
sans difficulté, en l'absence d'urgence, l'application normale des règles de la gestion d'affaires à des faits relevant,
sans conteste, de cette institution (Cass. 1re civ., 3 mai 1955 : Bull. civ. 1955, I, n° 179. – T. sup. Papeete, 18 mars
1949 : JCP G 1949, II, 5206, note J.C.).Cette solution a été confirmée par la législation postérieure. L'article 491-4
du Code civil, tel qu'il résulte de la loi du 3 janvier 1968, a implicitement admis que les proches d'un majeur sous la
sauvegarde de justice peuvent accomplir, au nom de ce dernier, des actes non conservatoires, ni urgents (V.
R. Bout, op. cit., n° 320). Un acte de gestion peut donc être utile sans être urgent. Il reste que le cas d'urgence est
"un cas privilégié de gestion d'affaires" puisque, comme on l'a justement relevé, "l'utilité et l'opportunité de la
gestion sont d'autant plus évidentes que l'acte qui a été accompli paraissait plus urgent" (Vasseur, op. cit., n° 8,
p. 414).

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c) Capacité du gérant

125. – L'on s'est toujours accordé à reconnaître que, dans la gestion d'affaires, le problème de la capacité ne se
posait pas pour le maître. L'incapable pour le compte duquel un acte de gestion a été utilement accompli, se trouve
obligé envers le gérant dans les mêmes conditions qu'une personne capable, car ses obligations prennent
naissance sans qu'il y ait eu aucun acte juridique accompli par lui. Si l'incapacité protège l'intéressé contre ses
propres actes, elle ne le protège pas contre les obligations qui naissent à sa charge, indépendamment de sa
volonté. Puisque, par hypothèse, le maître n'a pas consenti à la gestion, sa volonté n'intervient pas : il serait
illogique d'exiger qu'il soit capable. Aussi la doctrine est-elle unanime à admettre que la capacité du maître est
indifférente (V. notamment, A. Colin et H. Capitant, op. cit., n° 1376. – M. Planiol et G. Ripert, op. cit., n° 729. –
G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 384. – J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., n° 673. – J.-J. Carbonnier, op. cit.,
n° 298. – Ch. Aubry et Ch. Rau par N. Dejean de la Bâtie, op. cit., § 441. – Ph. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op.
cit., n° 1043. – B. Starck, H. Roland et L. Boyer, op. cit., n° 1865. – J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, op. cit.,
n° 5).La jurisprudence ne s'est d'ailleurs pas fait faute d'appliquer fréquemment la gestion d'affaires malgré
l'incapacité du maître (V. supra n° 58 et 59 ). Cette solution a, de plus, reçu une caution légale, la loi du 3 janvier
1968 ayant formellement admis l'application de la gestion d'affaires aux incapables majeurs (C. civ., art. 491-4,
al. 1er).

126. – L'exigence d'une capacité ne peut donc concerner que le gérant . Encore doit-on remarquer que celle-ci
est indifférente lorsqu'il accomplit un acte matériel : pour opérer un sauvetage, ou réparer une toiture, il importe
peu que le gérant ait plus ou moins de dix-huit ans. Elle est encore indifférente lorsque le gérant conclut un acte
juridique au nom du maître, car il y a, en ce cas, représentation, et la capacité s'apprécie dans la personne du
représenté, qui est seul partie au contrat, non dans celle du représentant, qu'est le gérant (G. Marty et P. Raynaud,
op. cit., n° 92. – G. Ripert et J. Boulanger, op. cit., n° 219). Un incapable peut donc, valablement, contracter au nom
du tiers dont il gère les affaires, si du moins ce dernier est lui-même capable.

127. – Mais l'incapacité du gérant n'est pas indifférente pour l'acte juridique qu'il accomplit en son propre nom, pour
le compte du maître. En effet, tout acte conclu au nom personnel du gérant incapable étant annulable, ce dernier
peut ne pas être tenu envers les tiers, et le maître n'aura pas, en ce cas, à l'indemniser. L'incapable a cependant le
droit de confirmer l'acte nul, quand l'incapacité a pris fin. Il pourra alors demander compte au maître de ses
obligations envers les tiers (J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., n° 676). En ce sens, on peut dire que, même dans
le cas d'actes juridiques passés en son nom personnel, un incapable peut valablement gérer l'affaire d'autrui. L'on
pourrait être tenté de refuser cette possibilité par souci de protection de l'incapable (V. Ph. Terré, Ph. Simler et
Y. Lequette, op. cit., n° 1043 et J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, op. cit., n° 10, in fine, qui reconnaissent au
gérant incapable des droits contre le maître, mais refusent de lui voir imposer les obligations correspondantes ;
pour une critique de cette solution, V. G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 384, p. 399, note 1).Mais l'incapacité de
contracter tend à protéger ce dernier contre le cocontractant désireux d'abuser de son état. Or, ce risque n'existe
pas pour le gérant (J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. et loc. cit.). De plus, la gestion d'affaires comporte certains effets
exorbitants, justifiés par l'altruisme du gérant, et particulièrement avantageux pour celui-ci, comme l'exceptionnelle
modération des dommages-intérêts pour les fautes de gestion qu'il pourrait commettre (V. supra n° 10 ). Si bien
que le refus de la gestion d'affaires, loin de protéger l'incapable, pourrait, en fin de compte, le desservir, (V.
R. Bout, op. cit., n° 339).La capacité juridique de celui qui s'immisce dans les affaires d'autrui ne paraît donc pas
nécessaire à la reconnaissance de sa qualité de gérant. En revanche, sa capacité naturelle s'impose. Le fait
juridique comportant un élément volontaire, l'intention de rendre service à autrui, il importe que le gérant soit, en
fait, capable d'exprimer une volonté. Mais elle est également nécessaire à l'utilité de sa gestion : il ne s'agit plus
alors de savoir si le gérant est capable de vouloir agir, mais seulement capable d'agir dans l'intérêt d'autrui. Étant
une question de fait, cette aptitude du gérant est appréciée souverainement par les juges du fond, qui, selon les
circonstances de l'espèce, estimeront que le tiers intervenant était, ou n'était pas, en état de s'intégrer utilement
dans les affaires du maître. Ils font généralement preuve de beaucoup d'indulgence à l'égard de celui qui, en dépit
de son inexpérience, de sa maladresse, ou de son ignorance des données techniques nécessaires à une

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intervention utile, a agi ainsi pour rendre service à autrui. Tel arrêt estime nécessaire, pour mettre en jeu sa
responsabilité, de "prouver une faute très lourde de sa part" (CA Colmar, 17 avr. 1928 : Gaz. Pal. 1928, 2, p. 166).
Tel autre exige qu'elle soit "caractérisée", ou qu'il s'agisse d'une "maladresse grossière" (Gand, 8 nov. 1956 : J.
trib. 1957, p. 111. – Adde CA Liège, 17 janv. 1963 : RTD civ. 1965, p. 460. – CA Grenoble, 7 déc. 1959 : JCP G
1960, II, 11598, note P. Esmein ; D. 1960, p. 213, note Goré ; RTD civ. 1960, p. 474, obs. J. Mazeaud). Certains
recherchent même si la faute du sauveteur est "excusable" (CA Lyon, 10 oct. 1955 : D. 1957, somm. p. 10. – CA
Chambéry, 3 déc. 1963 : JCP G 1964, II, 13611). Les tribunaux manifestent également leur bienveillance à l'égard
des sauveteurs maladroits, en prenant en considération les conditions particulières qui ont déterminé leur
intervention malheureuse : "la précipitation qu'imposaient les circonstances", reconnaissent-ils volontiers, ne leur
donnait pas les possibilités d'appréciation qu'ils auraient eues dans des conditions normales (Cass. 2e civ., 3 nov.
1961 : D. 1962, p. 70. – Cass. 2e civ., 11 juill. 1962 : D. 1963, p. 40, note Azard. – CA Dijon, 30 oct. 1935 : Gaz.
Pal. 1936, 1, p. 33. – CA Grenoble, 7 déc. 1959, préc. – CA Liège, 20 mars 1960 : Jurispr. cour Liège 1962-1963,
p. 289. – CA Aix-en-Provence, 20 déc. 1962 : Gaz. Pal. 1963, 1, p. 339). Ils témoignent même une certaine
mansuétude au sauveteur dont l'action révèle pourtant une imprudence ou une témérité excessive (T. civ. Lille,
28 juin 1955 : Gaz. Pal. 1955, 2, p. 413. – V. M. Riou, op. cit., p. 228, n° 9. – Cass. 1re civ., 28 janv. 2010, n° 08-
16.844 : JurisData n° 2010-051363 ; JCP G 2010, n° 532, obs. A. Dumery : cassation de l'arrêt ayant jugé que le
gérant avait surestimé ses capacités).

128. – C'est l'appréciation subjective de l'utilité de la gestion qui permet ici à la jurisprudence de ne pas tenir
rigueur au gérant, dans la plupart des cas, de son incapacité de fait d'agir utilement pour le maître. Analysant
concrètement son attitude psychologique, elle ne juge pas fautive l'erreur d'appréciation qu'il a commise sur
l'opportunité de son intervention, en présumant trop de sa capacité à agir, dans la mesure où il a pu légitimement
croire qu'il avait une aptitude suffisante pour intervenir avec efficacité. Sans doute, la capacité naturelle du gérant,
si elle est suffisante, demeure nécessaire à la gestion d'affaires, puisqu'elle est une condition de son utilité. Mais
son appréciation subjective limite grandement la portée de cette exigence. C'est une faveur accordée par la
jurisprudence, au gérant, pour l'altruisme dont il a fait preuve, qui explique également l'appréciation initiale de
l'utilité de sa gestion.

2° Appréciation initiale de l'utilité de la gestion

129. – Le gérant d'affaires qu'est, par exemple, le voisin réparant l'immeuble d'un propriétaire absent, peut voir, sa
gestion achevée, ces travaux anéantis par la survenance d'un incendie avant le retour du maître. Si c'est le profit
retiré par le maître qui justifie son obligation d'indemniser le gérant, l'on comprend qu'il ne soit pas, en ce cas,
astreint à une telle obligation.Mais si, au contraire, l'on oblige le maître, en dépit de l'absence de tout avantage
obtenu par lui, à indemniser le gérant de l'intégralité de ses débours, c'est que l'idée de profit n'intervient pas dans
la détermination de son obligation : il se trouve obligé par une gestion réputée utile, bien qu'en définitive elle ne lui
ait pas été profitable. L'utilité n'a été qu'initiale, mais elle est suffisante pour fonder une gestion d'affaires. C'est dire
l'indépendance de l'utilité de la gestion par rapport à l'enrichissement du maître.

130. – L'on conçoit que la notion d'utilité initiale ait été souvent rejetée, tant par la jurisprudence que par la doctrine,
à l'époque où la gestion d'affaires abritait le principe de l'enrichissement sans cause (V. supra n° 20 ). L'on ne
pouvait condamner le maître à rembourser au gérant ses frais de gestion, alors qu'il n'avait obtenu, au jour de la
demande, aucun enrichissement. Mais si, aujourd'hui, alors que l'autonomie de l'enrichissement sans cause a été
reconnue, l'on veille à différencier ce principe de la gestion d'affaires, il n'est aucune raison de subordonner l'utilité
de la gestion à la survivance, à la fin de celle-ci, d'un profit pour le maître. Il importe, au contraire, en affirmant, le
caractère initial de l'utilité, de marquer en toute netteté l'une des particularités opposant, tant sur le plan des
conditions que sur celui des effets, l'action de gestion d'affaires à l'action de in rem verso.

131. – Cette solution est conforme à la pensée profonde du législateur, soucieux de "ne pas rendre le gérant
victime de sa bienveillance, de ne pas payer le bienfait par des condamnations décourageantes" (B. de Greuille,

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Rapport au tribunal, Fenet t. XIII, p. 472). Ainsi l'on relève, dans les travaux préparatoires du Code civil, que "cette
utilité doit être considérée dans son principe, et non d'après l'événement" (V. R. Bout, op. cit., n° 348). Le caractère
initial de l'utilité, implicitement admis par le législateur, nécessaire à l'encouragement des initiatives altruistes,
adapté au fondement de l'institution (V. supra n° 11 ) et conforme à l'équité a, de plus, le mérite de correspondre à
la solution traditionnelle : en droit romain, comme dans notre ancien droit, l'utilité était indépendante de toute idée
de profit effectif, et peu importait que des événements postérieurs à l'entreprise de la gestion soient venus détruire
le bénéfice de celle-ci (V. M. Maruitte, op. cit., n° 97, note 3. – Ch. Aubry et Ch. Rau, op. cit., § 441, note 23. – Ch.
Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, op. cit., n° 1709). Il n'est donc pas étonnant que la doctrine soit unanime à
reconnaître le bien-fondé de l'appréciation initiale de l'utilité (V. notamment, P. Guillot, op. cit., p. 42, 43 et 88. –
M. Maruitte, op. cit., n° 97. – Y. O'Mahony, op. cit., p. 99. – R. Demogue, op. cit., n° 44. – E. Gaudemet, op. cit.,
p. 282. – Ch. Aubry et Ch. Rau par N. Dejean de la Bâtie, op. cit., n° 297, p. 445. – Ch. Beudant et P. Lerebours-
Pigeonnière, op. cit., n° 1694 s. – G. Ripert et J. Boulanger, op. cit., n° 1229. – M. Planiol et G. Ripert, op. cit.,
n° 731. – J. Mazeaud et Fr. Chabas, op. cit., n° 683. – G. Marty et P. Raynaud, op. cit., n° 382. – J.-J. Carbonnier,
op. cit., n° 299. – Ph. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit., n° 1041. – B. Starck, H. Roland et L. Boyer, op. cit.,
n° 1854. – J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, op. cit., n° 12. – Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, op. cit.,
n° 1030. – J. Mestre, obs. RTD civ. 1988, p. 541).

132. – La jurisprudence, mettant fréquemment en relief l'absence de corrélation entre les notions d'utilité et de
profit, affirme, en termes très explicites, que l'utilité doit s'apprécier lors de l'entreprise de la gestion. "Il faut se
placer", précise-t-elle souvent, "à la date où les actes ont été accomplis, et non à la lumière des événements qui
ont suivi, et qui ont pu modifier la situation" (CA Paris, 29 mars 1946 : D. 1946, p. 227. – CA Poitiers, 28 avr. 1948 :
D. 1948, p. 353. – T. civ. Dunkerque, 9 mars 1955 : Journ. not. 1955, p. 600, note Gouy. – CA Nancy, 3e ch., 6 oct.
1988 : RTD civ. 1989, p. 540, obs. J. Mestre). "Il importe peu que, par suite de circonstances fortuites
indépendantes de la volonté du gérant, il ne reste rien de l'avantage procuré au maître" (T. sup. Papeete, 18 mars
1949 : JCP G 1949, II, 5206, note J.C. – V. également, T. civ. Metz, 4 juill. 1946 : Gaz. Pal. 1947, 1, p. 34). C'est
ainsi que pour apprécier, par exemple, l'utilité de la vente d'un bien de succession à laquelle a procédé un gérant,
"il faut se placer au moment de l'aliénation" (Cass. civ., 28 oct. 1942 : DC 1943, p. 29, note P.L.-P. – T. civ.
Termonde, 18 janv. 1936 : S. 1937, 4, p. 24). La Cour de cassation, tout en rappelant que "le contrôle de l'utilité de
la gestion était réservé aux juges du fond", les a approuvés d'avoir déclaré que, pour l'apprécier, "il est nécessaire
de se placer au moment où la gestion a été entreprise" (Cass. civ., 28 oct. 1942, préc. – Cass. 1re civ., 16 nov.
1955 : JCP G 1956, II, 9087, note P. Esmein. – Cass. 1re civ., 28 janv. 2010, n° 08-16.844 : JurisData n° 2010-
051363 ; JCP G 2010, p. 1003, n° 532, obs. A. Dumery). Elle en déduit, logiquement, que "le gérant d'affaires ne
répond pas des cas fortuits" (Cass. 1re civ., 3 mai 1955 : Bull. civ. 1955, I, n° 179).Mais les tribunaux ne se
contentent pas d'affirmer le principe d'un tel mode d'appréciation. Ils en tirent ses conséquences pratiques,
reconnaissant l'utilité de gestions qui, au jour du jugement, se sont avérées n'être d'aucun profit pour le maître, ou
dont l'avantage en résultant pour celui-ci est inférieur au total des dépenses qu'elles lui ont imposées. Il en est ainsi
quand la vente de valeurs mobilières s'est révélée désavantageuse par suite d'une hausse ultérieure des cours
(Cass. civ., 28 oct. 1942, préc.), quand celle d'un immeuble s'est avérée fâcheuse parce que, "du fait des
dommages de guerre, il avait ensuite acquis une valeur très importante" (T. civ. Dunkerque, 9 mars 1955, préc.), ou
encore quand la fluctuation de la monnaie a rendu dérisoire, quelques années après, le prix du terrain
(T. Termonde, 18 janv. 1936, préc.), ou des meubles vendus par le gérant (T. civ. Metz, 4 juill. 1946, préc. – CA
Colmar, 4 mars 1949 : Rev. Alsace-Lorraine 1949, p. 374). Il en est de même d'une résiliation de bail destinée à
éviter le paiement d'importants loyers, mais finalement malencontreuse du fait de la crise du logement (CA Paris,
29 mars 1946, préc. – V. aussi, Cass. 1re civ., 26 nov. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 525. – Cass. 1re civ., 13 janv.
1964, Taloub c/ Baldelli), ou, à l'inverse, d'une prolongation de bail, qui tourne au désavantage du propriétaire, en
ne lui permettant pas de profiter de la hausse des loyers (T. sup. Papeete, 18 mars 1949, préc.), enfin, d'un dépôt
pour une personne en maison de santé, de ses bijoux, ensuite volés chez leur dépositaire (Cass. 1re civ., 3 mai
1955 : Bull. civ. 1955, I, n° 179).Les tribunaux ne se soucient pas plus du succès final d'un acte d'assistance ou de
dévouement pour reconnaître son utilité. La veuve et les enfants mineurs d'un sauveteur, qui trouve la mort dans

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une lutte contre l'incendie, peuvent ainsi obtenir du propriétaire de l'immeuble ou du véhicule incendiés, et de son
assureur, une juste indemnisation, que son intervention ait, du moins, permis de sauver l'assisté (Cass. 1re civ.,
16 nov. 1955, préc.) ou ses biens, même partiellement (CA Chambéry, 12 juill. 1943 : DA 1943, p. 83), ou qu'elle se
soit soldée par un échec total (T. civ. Lille, 28 juin 1955 : Gaz. Pal. 1955, 2, p. 413. – V. également, Cass. civ.,
5 févr. 1934 : DH 1934, p. 205. – CA Lyon, 14 mars 1951 : Rép. Commaille 1953, 19046 et, sur pourvoi, Cass.
2e civ., 21 juin 1956 : Bull. civ. 1956, II, n° 384. – TGI Bordeaux, 18 janv. 1974. – En appel, CA Bordeaux, 10 juin
1975 : Gaz. Pal. 1977, 1, p. 1, note Plancqueel. – TGI Perpignan, 12 mars 1991 : JurisData n° 1991-044440,
intervention n'ayant pas permis l'arrestation des voleurs).C'est dire que la jurisprudence ne voit pas, a fortiori, dans
la disproportion entre l'insignifiance du service rendu et la gravité des conséquences qui en sont résultées pour le
maître, d'obstacle à l'admission de l'utilité de la gestion (T. civ. Metz, 17 déc. 1930 : Rev. Alsace-Lorraine 1932,
p. 360. – TI Neufchâtel-en-Bray, 2 févr. 1962 : Gaz. Pal. 1962, 1, p. 413. – TGI Seine, 21 déc. 1966. – CA Nancy,
3e ch., 6 oct. 1988 : RTD civ. 1989, p. 540, obs. J. Mestre. – V. R. Bout, op. cit., n° 352).

133. – Pour éviter toute équivoque, et affirmer clairement que l'existence de la gestion d'affaires est indépendante
d'un résultat effectif, qu'elle est subordonnée à une appréciation concrète de l'attitude du gérant lors de l'entreprise
de la gestion, il conviendrait de substituer à l'exigence de l'"utilité", celle de l'"opportunité" de la gestion (V.
P. Lerebours-Pigeonnière, note ss Cass. civ., 28 oct. 1942 : DC 1943, p. 30. – G. Marty et P. Raynaud, op. cit.,
n° 382. – J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, op. cit., n° 12. – Ch. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, op. cit.,
n° 1702. – V. R. Bout, op. cit., n° 354 à 358). Ce terme aurait l'avantage de traduire cette idée qu'il s'agit ici, non
d'un résultat obtenu, mais seulement escompté. Invoquer l'opportunité de la gestion, c'est rappeler que cette utilité
peut être virtuelle, c'est-à-dire n'exister qu'à l'état d'éventualité. C'est aussi permettre de distinguer cette notion, de
l'utilité réelle et effective exigée par la jurisprudence dans la gestion d'affaires intéressée.

B. - Dans la gestion d'affaires intéressée

134. – Lorsque la jurisprudence admet la gestion d'affaires malgré l'absence d'intention altruiste de celui auquel elle
attribue la qualité de gérant, voyant dans cette institution un instrument commode permettant de mettre en œuvre
tel effet de droit (V. supra n° 72 à 98 ), elle apprécie de façon objective l'utilité de la gestion (1°), et requiert, aux
termes de celle-ci, un résultat profitable au maître, attribuant alors à l'utilité un caractère final (2°).

1° Appréciation objective de l'utilité de la gestion

135. – Dans cette gestion intéressée, les tribunaux ne sont plus en mesure d'apprécier, à travers la psychologie du
gérant, l'utilité que sa gestion présente pour le maître, puisqu'en l'effectuant, le gérant n'a pas entendu être utile à
ce dernier. Dès lors les éléments subjectifs s'effacent, l'affirmation de l'utilité est indépendante de l'opinion du
gérant : seul importe, pour le juge, le fait objectif de la gestion.

136. – Ainsi, quand l'acheteur d'une propriété agricole demande au vendeur, après l'annulation de la vente, le
remboursement des dépenses d'exploitation et impenses diverses exposées pendant la durée de sa possession, il
suffit que sa gestion ait présenté, pour ce dernier, "une incontestable utilité" (T. civ. Nîmes, 13 juill. 1942 : JCP G
1942, II, 1989, 2e esp., note Paillot. – V. aussi, Cass. req., 5 mars 1945 : Gaz. Pal. 1945, 1, p. 147. – Adde CA
Riom, 30 sept. 1968, inédit, et, sur pourvoi, Cass. 1re civ., 18 juin 1970 : D. 1970, p. 561, note A.B. – CA Angers,
1re ch. B, 3 juin 1996 : JurisData n° 1996-046345 : "opérations objectivement utiles, tant à court terme qu'à long
terme... et dépenses non frustratoires..."). L'appréciation de l'utilité est de même objective lorsqu'un fermier est
reconnu gérant d'affaires pour avoir apporté des améliorations à l'immeuble loué : il a seulement "droit au
remboursement des impenses nécessaires et non exagérées qu'il a faites pour la conservation de la chose louée"
(T. Nord, sect. Dunkerque, 15 nov. 1928 : JCP G 1929, p. 309, note A. Perraud-Charmantier. – V. également,
Cass. 1re civ., 27 févr. 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 131). Le mari séparé de biens ayant effectué des travaux sur
l'immeuble de sa femme, s'il "doit être traité comme un mandataire ou au plus comme un gérant d'affaires" doit,
alors "simplement être indemnisé de ses dépenses dont l'utilité n'est pas contestable" (CA Riom, 30 sept. 1968 et
Cass. 1re civ., 18 juin 1970, préc. – V. également, T. paix Saumur, 2 déc. 1954 : Gaz. Pal. 1955, 1, p. 203 : "ces

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travaux avaient bien le caractère normal d'entretien". – Cass. 1re civ., 5 mars 1985 : JCP G 1985, IV, 179 ; Bull. civ.
1985, I, n° 86, travaux d'une "utilité certaine" pour le propriétaire du bien).Quant au locataire d'un immeuble à
usage d'habitation détruit par faits de guerre, qui s'était substitué au propriétaire pour le reconstruire, s'il a pu
obtenir de celui-ci le remboursement de ses travaux, c'est "qu'ils étaient nécessaires, et ont été exécutés au
moindre prix" (Cass. 1re civ., 17 déc. 1958 : Bull. civ. 1958, I, n° 567). S'agissant encore de parents naturels ayant
acquitté en totalité l'obligation alimentaire commune (CA Colmar, 15 mars 1938 : S. 1938, 2, p. 231), ou d'un
légataire universel ayant payé par erreur l'amende fiscale dont était passible un légataire particulier (Cass. civ.,
4 juin 1924 : Gaz. Pal. 1924, 2, p. 279), la jurisprudence se contente de déclarer que le gérant "a effectué une
dépense utile, et même nécessaire, dont il est fondé à demander le remboursement".

137. – Lorsque la jurisprudence utilisait la gestion d'affaires en matière d'indivision, pour tourner la règle de
l'unanimité (V. supra n° 90 ), elle faisait également fi de tout élément subjectif dans l'appréciation de l'utilité. La cour
d'appel de Paris a ainsi déclaré qu'"un indivisaire peut valablement agir seul par application des règles de la
gestion d'affaires, dans la mesure où son initiative se révèle utile, et n'a pas soulevé d'opposition de la part des
autres indivisaires" (CA Paris, 3 févr. 1966, Dufresne c/ Duvernoy : Bull. cours et trib. mars 1966). Peu importe
donc l'opinion que pouvait avoir le gérant de l'utilité de son initiative : cette utilité résulte d'une conformité objective
de l'action du gérant avec l'intérêt de l'indivision. C'est le cas du cohéritier qui fait exécuter des travaux de
ravalement sur l'immeuble commun (CA Paris, 28 juin 1954 : Journ. not. 1955, p. 41, note M. Stocanne), ou du
copropriétaire qui fait délivrer congé au locataire de l'immeuble indivis : "il doit être réputé avoir accompli, au titre de
la gestion d'affaires, des actes utiles à l'indivision" (Cass. soc., 6 mai 1965 : Bull. civ. 1965, IV, n° 360. – CA Paris,
8 févr. 1960. – CA Rouen, 25 mai 1973 : D. 1973, inf. rap. p. 157. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 juin 1997 :
JurisData n° 1997-021720). Le renouvellement d'un bail, par un cohéritier agissant seul, a pu "être assimilé à une
gestion d'affaires", parce qu'il correspondait à l'"intérêt de tous les cohéritiers" (Cass. 1re civ., 5 oct. 1960 : Bull. civ.
1960, I, n° 419). La vente par l'ex-mari, après divorce, de diverses actions dépendant de l'indivision post-
communautaire, a été jugée opposable à son ex-femme parce que cette vente "correspondait à un acte de bonne
gestion" (Cass. 1re civ., 23 juill. 1974 : JCP G 1974, IV, 334). En assurant contre l'incendie l'immeuble dont il se
croyait propriétaire, un légataire déclare la Cour suprême, "a représenté valablement l'indivision du fait que sa
gestion a été profitable au bien commun" (Cass. 1re civ., 1er déc. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 511). La jurisprudence
n'admet ainsi la gestion d'affaires qu'en fonction de l'utilité objective qu'elle présente pour l'indivision. L'intérêt
commun devient le véritable critère de l'utilité de la gestion (en ce sens, F. Delhay, La nature juridique de
l'indivision : thèse Lille, 1965, n° 204. – F. Terré et P. Simler, Les biens : Dalloz, 6e éd. 2002, n° 585. – V. R. Bout,
op. cit., n° 364 et 365).

138. – L'utilité devenant, en l'absence d'intention de gérer, la condition nécessaire et suffisante de la gestion
d'affaires comme l'affirment certains arrêts (T. civ. Nîmes, 13 juill. 1942. – T. paix Saumur, 2 déc. 1954. – CA Paris,
28 juin 1954. – CA Paris, 8 févr. 1960. – CA Paris, 3 févr. 1966, préc. – V. aussi, Cass. 1re civ., 2 juin 1970 : Bull.
civ. 1970, I, n° 188, sol. impl.), la jurisprudence est conduite à l'apprécier avec une remarquable rigueur (V.
notamment, Cass. 1re civ., 5 juin 1957 : Bull. civ. 1957, I, n° 258. – Cass. com., 8 juin 1968 : JCP G 1969, II,
15724, note Prieur. – Adde CA Dijon, 13 juin 1927 : JCP G 1927, p. 1219. – V. R. Bout, op. cit., n° 366 s.). Celle-ci
lui permet d'éviter les solutions inéquitables qu'une admission excessive de gestions d'affaires ne manquerait pas
de produire. Ainsi en est-il notamment lorsqu'elle statue sur les demandes des généalogistes (CA Dijon, 9 juill.
1929 : Gaz. Pal. 1929, 2, p. 620. – T. civ. Seine, 23 avr. 1952 : Gaz. Pal. 1952, 2, p. 227. – T. civ. Laval, 4 juin
1957 : JCP G 1957, II, 10222, note T.P. – Cass. 1re civ., 31 janv. 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 55 ; JCP G 1995, IV,
n° 815. – CA Caen, 1re ch., sect. civ. et com., 16 mai 2000, n° 98/02059 : JurisData n° 2000-142433 : "en
l'absence d'intention altruiste, c'est uniquement si l'utilité de la gestion est démontrée qu'une rémunération peut être
allouée..."), des copropriétaires ayant effectué des travaux sur les parties communes alors que la carence du
syndicat n'était pas établie (CA Aix-en-Provence, 4e ch. A, 9 sept. 2011, n° 09/23380 : JurisData n° 2011-020046)
ou des cautions et codébiteurs solidaires ayant payé la dette d'autrui (Cass. civ., 13 nov. 1939 : S. 1940, 1, p. 27. –
CA Douai, 11 nov. 1891 : DP 1892, 2, p. 352).

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139. – Parfois les tribunaux manifestent encore leur rigueur en subordonnant l'admission de l'utilité à la réalisation
de conditions nouvelles , qu'ils ne requièrent pas lorsque le gérant a fait preuve d'une intention altruiste :
exigence d'un acte d'administration (T. paix Saumur, 2 déc. 1954, préc. – CA Rouen, 2e ch., 25 mai 1973 : D. 1973,
inf. rap. p. 157), d'une urgence (CA Paris, 17 juin 1935 : Gaz. Pal. 1935, 2, p. 453. – CA Paris, 16e ch., sect. B,
20 juin 1997 : JurisData n° 1997-021720 : bien indivis soustrait à un péril imminent) ou même d'une ratification
(Cass. com., 5 oct. 1966 : Bull. civ. 1966, III, n° 379. – Cass. soc., 20 déc. 1966, deux arrêts : Bull. civ. 1966, IV,
n° 982 et n° 983. – Cass. 3e civ., 12 mars 1970 : Bull. civ. 1970, III, n° 199. – Cass. 3e civ., 19 mai 1971 : Bull. civ.
1971, III, n° 319. – Cass. 3e civ., 16 févr. 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 113. – T. civ. Melun, 4 nov. 1926 : Gaz. Pal.
1927, 1, p. 77. – T. civ. Metz, 3 juill. 1952, Ferveur c/ Joseph. – TGI Seine, 30 mars 1965, Laurent c/ Tassin. – V.
R. Bout, op. cit., n° 369).

2° Appréciation finale de l'utilité de la gestion

140. – L'utilité, unique condition de la gestion d'affaires lorsque celle-ci se prête à une utilisation extensive, n'est
pas seulement caractérisée par cet aspect objectif, et parfois rigoureux, de son appréciation jurisprudentielle. Elle
l'est aussi par l'exigence du maintien, en fin de gestion, d'un résultat profitable au maître . Peu importe que
l'initiative du gérant ait été opportune si elle n'a pas été, en définitive, couronnée de succès. Il ne s'agit plus, en
effet, de juger de la conduite d'un homme appréciée selon les circonstances, et avec les données connues au
moment où les décisions ont été prises : le gérant ayant agi pour lui-même, il importe d'apprécier seulement le
résultat de son intervention, après lui en avoir imposé les risques.

141. – Le caractère final de l'utilité est fréquemment souligné par les tribunaux, qui, admettant l'utilité d'une gestion
intéressée, relèvent que celle-ci a été, en définitive, profitable ou avantageuse pour le maître, afin de marquer que
ce profit est la condition nécessaire de cette gestion d'affaires. L'obligation du maître d'indemniser le gérant
apparaît ainsi directement liée à son enrichissement. C'est évident lorsque la jurisprudence limite le montant de ce
remboursement à la seule plus-value apportée par la gestion au patrimoine du maître : c'est l'hypothèse la plus
fréquente. Mais, parfois, elle utilise cette institution à la place de l'enrichissement sans cause, pour éviter
précisément cette plus-value à laquelle l'application de ce principe aurait conduit, dans des cas où une telle
limitation lui paraît trop rigoureuse (V. supra n° 85 ). Sans doute, la gestion d'affaires permet alors aux tribunaux de
justifier l'attribution au gérant de sommes supérieures, couvrant la totalité de ses dépenses. Mais ce
remboursement est subordonné à l'existence d'un profit pour le maître : c'est parce que la gestion intéressée a eu
un résultat profitable, que son utilité est reconnue, comme cela ressort de la motivation de nombreux arrêts (V. par
exemple, Cass. req., 18 juin 1872 : DP 1872, 1, p. 471. – Cass. 1re civ., 7 juill. 1960 : Bull. civ. 1960, I, n° 371. – T.
civ. Nîmes, 13 juill. 1942 : JCP G 1942, II, 1989, 2e esp., note Paillot, et sur pourvoi, Cass. req., 5 mars 1945 : Gaz.
Pal. 1945, 1, p. 147 ; RTD civ. 1945, p. 193, obs. J.-J. Carbonnier. – CA Rouen, 2e ch., 25 mai 1973 : D. 1973, inf.
rap. p. 157).

142. – C'est à l'occasion de situations extrêmement variées, que les cours et les tribunaux attribuent un caractère
final à l'utilité de la gestion. Un fermier gère utilement l'affaire du propriétaire en achetant des instruments agricoles,
parce que ceux-ci "attachés au domaine, sont devenus immeubles par destination et ont augmenté la valeur du
fonds" (T. civ. Aix, 25 nov. 1913 : RTD civ. 1915, p. 173, obs. R. Demogue). De même, la gestion d'une propriété
agricole présente une "utilité incontestable" puisqu'elle a permis "la pérennisation du patrimoine du maître" (CA
Dijon, ch. civ. A, 17 juin 2008, n° 07/01615 : JurisData n° 2008-365420). Un usufruitier, en replantant une vigne,
agit en qualité de gérant du nu-propriétaire : l'utilité de ses dépenses a été reconnue parce que cette vigne a
produit, huit ans après, des vins chèrement vendus. Aussi le nu-propriétaire a-t-il dû rembourser au gérant une
somme égale au "montant de la plus-value" (CA Orléans, 27 déc. 1902 : DP 1911, 1, p. 458). Si, de même, une
plantation d'arbres fruitiers à laquelle a procédé un gérant d'affaires, a été jugé utile, c'est qu'"elle a donné à la
propriété une plus-value de 636 000 F" (Cass. 1re civ., 27 févr. 1963 : Bull. civ. 1963, I, n° 131). Si, enfin, un neveu
qui, ayant emprunté le fusil de chasse de son oncle après lui avoir prêté le sien, et sauvegardé cette arme en
refusant d'obéir aux réquisitions de l'ennemi, s'est vu accorder le bénéfice de la gestion d'affaires, c'est que son

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acte téméraire avait eu un résultat heureux : la gestion a été "avantageuse" pour le maître (T. paix Candé, 27 nov.
1945 : DC 1947, p. 386, note A. Tunc. – V. sur cette affaire, R. Bout, op. cit., n° 130 et 379).

143. – Quand elle admet la gestion d'affaires du professionnel pour lui accorder une rémunération, ou du moins, le
dédommager des frais qu'il a exposés pour un tiers, en agissant dans le cadre de sa profession (V. supra n° 73 et
85 ), la jurisprudence fait également dépendre cette qualification du succès de l'opération entreprise. C'est le cas
du généalogiste prétendant avoir géré l'affaire de ceux auxquels il a fait connaître l'ouverture d'une succession : il
peut prétendre à une indemnité évaluée d'après "l'importance du service rendu" (T. civ. Laval, 4 juin 1957 : JCP G
1957, II, 10222, note T.P. – CA Toulouse, 13 mars 1968 : D. 1969, jurispr. p. 155. – TGI Cherbourg, 22 juin 1970 :
D. 1971, somm. p. 71), ou "adéquate à l'utilité obtenue" (CA Toulouse, 13 févr. 1922 : Gaz. trib. 1922, 2, p. 290. –
Adde CA Riom, 20 juin 1950 : JCP G 1950, II, 5827, note J.-Ch. Laurent. – CA Douai, 13 avr. 1953 : La loi 28 juill.
1953. – TGI Vannes, 11 déc. 1967 : Gaz. Pal. 1968, 1, p. 162. – CA Toulouse, 1re ch., 1re sect., 7 juin 1999,
n° 97/05941, n° 9700724 : JurisData n° 1999-042411, arrêt partiellement cassé par Cass. 1re civ., 19 févr. 2002,
n° 99-18.223 : JurisData n° 2002-013264, le généalogiste ne s'étant pas "expliqué véritablement sur les diligences
accomplies conduisant à leur évaluation". – CA Bordeaux, 1re ch. A et 5e ch. réunies, 10 janv. 2006 : JurisData
n° 2006-295667. – CA Toulouse, 3e ch., 1re sect., 22 févr. 2011, n° 09/05324 : JurisData n° 2011-007655). Mais la
gestion du généalogiste est jugée inutile s'il apparaît que l'héritier n'a pas eu besoin d'une telle révélation (CA
Limoges, 26 oct. 1989 : JurisData n° 1989-046868 – CA Paris, 2e ch. B, 10 déc. 1992 : JurisData n° 1992-023653.
– Cass. 1re civ., 31 janv. 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 55 ; JCP G 1995, IV, n° 815. – CA Orléans, ch. civ., 5 juill.
1999, n° 98/00466 : JurisData n° 1999-116035. – CA Caen, 1re ch., sect. civ. et com., 16 mai 2000, n° 98/02059 :
JurisData n° 2000-142433).C'est encore le cas du courtier matrimonial, gérant d'affaires lorsque ses démarches
ayant abouti au mariage de l'intéressé, celui-ci en avait "profité" (CA Bordeaux, 13 déc. 1912 : S. 1915, 2, p. 38), de
l'avoué ayant occupé dans un procès pour un donateur, parce qu'il a "obtenu gain de cause" (CA Bordeaux,
26 nov. 1895 : S. 1896, 2, p. 165), des agents ayant procédé à diverses négociations concernant l'achat et la vente
de domaines immobiliers, parce que leurs frais ont été "profitables" au propriétaire (Cass. req., 10 janv. 1910 : DP
1911, 1, p. 370. – Cass. 1re civ., 22 juin 1970 : JCP G 1970, II, 16511. – CA Poitiers, 22 mai 1968, Ménard c/
Aubry. – CA Aix-en-Provence, 1re ch., 18 juin 1984 : Bull. Aix 1984, 2, n° 79). Inversement, la qualité de gérant
d'affaires a été refusée à celui ayant conclu un prêt en vue d'une affaire qui ne s'est pas finalement réalisée (CA
Orléans, 14 sept. 1993 : JurisData n° 1993-045124), comme au garagiste ayant effectué des travaux non
demandés sur un véhicule en réparation, au motif "qu'il n'était pas établi que les travaux en question aient présenté
pour le client un avantage quelconque" (Cass. com., 8 juin 1968 : JCP G 1969, II, 15724, note Prieur. – Adde CA
Rennes, 19 mai 1982 : JurisData n° 1982-040838, les efforts d'un PDG de société ayant continué l'exploitation de
celle-ci après règlement judiciaire "ont été vains").

144. – C'est encore le profit retiré par le maître en fin de gestion que la jurisprudence relève pour admettre l'utilité
de la gestion d'affaires entre époux (T. paix Saumur, 2 déc. 1954 : Gaz. Pal. 1955, 1, p. 203. – CA Paris, 21 févr.
1963 : Bull. cours et trib. avr. 1963, a contrario. – CA Riom, 30 sept. 1968, préc. – Cass. 1re civ., 15 mai 1974 :
JCP G 1974, IV, 241 ; D. 1974, somm. p. 109 ; Bull. civ. 1974, I, n° 147 ; Defrénois 1975, art. 30954, p. 920, obs.
Aubert, "l'échange se révélait utile et profitable"), ou entre coïndivisaires : les travaux accomplis par l'un de ceux-ci
ont été "avantageux pour l'indivision", parce "qu'ils ont fait acquérir à l'immeuble une plus-value supérieure au solde
dont le recouvrement est poursuivi" (CA Paris, 28 juin 1954 : Journ. not. 1955, p. 41, note M. Stocanne. – Adde CA
Paris, 1er févr. 1910 : S. 1912, 1, p. 305, note Naquet. – T. civ. Melun, 4 nov. 1926 : Gaz. Pal. 1927, 1, p. 205. – T.
civ. Thonon, 8 oct. 1943, Randon c/ Ducret. – CA Alger, 17 mars 1947, Sarfati c/ Cochard. – V. également, Cass.
1re civ., 1er déc. 1959 : Bull. civ. 1959, I, n° 511. – Cass. 1re civ., 23 juill. 1974, préc. n° 31. – Comp. CA
Montpellier, 2e ch., sect. A, 12 févr. 2002, n° 01/01699 : JurisData n° 2002-182176 : reprise par une entreprise, de
travaux abandonnés par un sous-traitant, le maître en ayant "surtout tiré profit"). Ainsi, comme l'affirme
ouvertement tel arrêt, est-ce "toujours, non le chiffre de la dépense, mais la plus-value donnée au bien indivis qui
importe" (CA Nancy, 8 déc. 1958 : Gaz. Pal. 1959, 1, p. 146 ; RTD civ. 1959, p. 345, obs. Solus).Objective et finale,
telle se présente donc l'utilité, unique condition d'une institution ainsi adaptée, par la jurisprudence, à la gestion
intéressée des affaires d'autrui.

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