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PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT

L’ESSENTIEL

Feuillet 3
DES SOURCES NON ECRITES DU DROIT au « PAYS DE LA LOI »
Situé ce feuillet dans le plan de cours
Première partie :
LE DROIT OBJECTIF
Chapitre 2 : La diversité des sources du droit

La France est traditionnellement présentée comme un pays de droit écrit et, ce, par
opposition aux pays anglo-américains : common law. Cela n’est que partiellement
exact.
Le principe de la séparation des pouvoir voudrait que le pouvoir de dire les lois
appartienne au pouvoir législatif, au juge reviendrait la mission de l’appliquer et ainsi
de dire au justiciable « la parole de la loi ». Mais les principes ne sont jamais aussi
fermes sauf en « Théorie pure du DROIT ». La création du droit est aussi affaire de
rapports de forces, d’usages et de pratiques….

Le droit français serait un droit exclusivement écrit, résultant de textes législatifs


(le plus souvent) mais également règlementaires, sans oublier sa Constitution.
Pourtant cette approche formelle de la règle de droit ne rend pas compte de la
diversité des sources du droit

A côté de la loi, il existe des sources non écrites : la jurisprudence est la plus
importante.
Certes la jurisprudence ne repose pas sur une tradition orale. Mais on peut encore au
sens classique du mot l’opposer au droit écrit, en ce qu’elle est une source informelle

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du droit. Elle est création des juridictions qui par définition juge mais ne disent pas la
norme.
La coutume, ensuite qui repose elle sur une pure tradition non écrite,

Coutume et jurisprudence sont la preuve de l’existence d’un pluralisme juridique.

SECTION 1 : La coutume : plus exactement les coutumes

Première approche : Pothier (éminent juriste du XVIIIe) écrivait on appelle


coutumes des lois que l’usage a établies et qui se sont conservées sans écrit par une
longue tradition. Le Grand Coutumier de France donnait dans son Titre II chapitre III la
définition suivante : « Coutume est raisonnable établissement non écrit et, pour le
commun profit mis au pays et par le Prince gardé, et approuvé notoirement par le cours
de 40 ans ».
Dans un sens large, on appelle coutume, toutes les règles de droits qui se dégagent
des faits et des pratiques dans un milieu social en dehors de l’intervention législative.
Elle témoigne de l’absence de monopole étatique dans la production des normes.
Elle est considérée comme la plus ancienne des sources de droit : alors même qu’il n’y
a pas d’autorité pour édicter des lois, il y a des coutumes car une société ne peut pas
vivre sans droit.
La coutume n’occupe en droit positif qu’un rang secondaire dans la création des
normes.
Mais il n’en fut pas toujours ainsi. Il faut tenir compte des enseignements de
l’histoire : et du rôle des coutumes dans l’ancien droit, avant la Révolution française
Il faut aussi tenir compte de la géographie de certains territoires français pour
lesquels a été reconnu la compétence normative des coutumes –

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C’est le cas en particulier des coutumes Kanak en Nouvelle-Calédonie. Le
pluralisme culturel se meut en pluralisme juridique quand du statut particulier on
passe au statut coutumier (Accord de Nouméa 1998 – Constitutionnalisé en 1999) et
surtout quand la loi organique Art. 7 Les Kanaks de statut coutumier sont soumis à leur
coutumes en matière civile. Ils sont donc exclus du Code civil. Sur ce territoire Français
coexiste 2 peuples deux droits civils l’un codifié, l’autre coutumier !

§1 /Définition de la coutume :

ce qu’elle n’est pas, puis ce qu’elle est.

A - Ce que n’est pas la coutume :

- La Coutume n’est pas l’usage : Si l’usage, entendu comme le comportement


habituel, est nécessaire à la naissance de la coutume, tout usage ne se transforme pas
en coutume. La coutume, c’est l’usage qui a acquis force obligatoire, qui est devenu
règle de droit. Mais tout usage n’acquiert pas force juridique. Certains usages n’ont
pas de caractère juridique : c’est le cas par exemple des usages mondains ; la pratique
des étrennes, du pourboire. En somme, l’usage est un passage obligé vers la coutume ;
il est à la source de la coutume.

La Coutume n’est pas l’habitude : l’une et l’autre sont stables car elles naissent
de la répétition d’une pratique dans le temps. Mais alors que la coutume est une règle
collective qu’un milieu social impose à ses membres, l’habitude désigne une habitude
individuelle et unilatérale dépourvue de caractère obligatoire (ex. : avoir l’habitude de
se lever tôt).

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B- Ce qu’est la coutume :

La Coutume naît selon les termes du doyen Cornu, « d’une longue suite d’actes
constamment répétés qui par la pratique commune et l’assentiment populaire font
naître une règle de droit ». Elle se définit donc par la réunion de deux éléments, l’un
matériel l’autre psychologique.

- Elément matériel : la coutume suppose des comportements suffisamment répandus


dans l’espace et répétés dans le temps. Elle repose sur des pratiques bien établies dans
un milieu social ou culturel, dans une profession, dans une localité. La coutume a donc
pour assise une façon d’agir collective fondée sur la répétition…. Ne dit-on pas dans le
langage courant et sous forme de boutade : « une fois n’est pas coutume »….Il n’est
néanmoins pas nécessaire que la coutume soit immémoriale ou séculaire. En somme
la coutume est établie quand on peut dire, « tout le monde fait comme ça ».
(pour une coutume à formation quasi instantanée v. Accords de Grenelles).

- Elément psychologique : pour qu’il y ait coutume, il faut qu’en agissant spontanément
d’une certaine manière, les sujets de droit aient la conviction de se conformer au droit.
Il est donc nécessaire que la population qui suit l’usage ait la conviction que cet usage
présente un caractère obligatoire. La coutume repose donc sur l’adhésion collective à
un comportement. On parle d’opinio juris.

§2/ Rôle et place de la coutume :

A/ Les forces et les faiblesses des coutumes : faut-il y avoir recours ?


Des doutes : Le rythme soutenu de l’activité législative pourrait laisser croire que la
coutume est une notion anachronique…. Notre temps n’est plus celui des lentes
consolidations. Il est vrai que la coutume qui se fait avec le temps pourrait sembler en
inadéquation avec une société où les mutations économiques et sociales s’accélèrent
toujours davantage. Au contraire, la loi a le mérite, du moins théorique, de la certitude

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et de la prévision. Quand la coutume, se décline toujours au pluriel. Elle varie selon les
lieux, les milieux sociaux. Ancrée dans l’oralité, elle garde sa part de mystère et paraît
difficilement accessible…

Des atouts : la coutume présente l’avantage incomparable par rapport à la loi d’être
un droit d’origine populaire. De ce fait la coutume correspond mieux aux aspirations
et aux besoins de chacun. En ce sens, elle s’est beaucoup développée dans les
pratiques professionnelles et commerciales. Elle a d’ailleurs les faveurs de l’école
sociologique qui confère à la volonté du groupe un rôle considérable dans la création
des normes.
Il y a un lien étroit entre coutume et identité culturelle.

B/ le rôle de la coutume en droit positif,


En métropole : le rôle est triple : parfois c’est la loi qui renvoie à la coutume ; parfois
la coutume se développe dans le silence de la loi. Enfin la coutume peut aller à
l’encontre de la loi. 3 hypothèses donc :

- Coutume secundum legem :


La loi renvoie à la coutume. L’application de la coutume est alors consacrée par la loi
comme un complément à ses dispositions. Ainsi l’article 389-3 du Code civil consacre
pour le mineur de moins de 18 ans une capacité d’usage.
Le renvoi à la coutume n’est pas toujours explicite. Il est parfois implicite. Ainsi lorsque
le Code civil se réfère à des notions comme les bonnes mœurs ou autrefois « le bon
père de famille », il en appelle à la coutume. Les bonnes mœurs ce sont les coutumes
des honnêtes gens. Le bon père de famille, suppose de se référer à l’usage suivi
couramment par les pères de famille….
(NB : en matière de courses de taureaux… coutume secundum legem : autorisées en vertu des traditions locales,
alors même que les actes de barbarie sur les animaux interdit)

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- Coutume praeter legem :
Dans d’autres circonstances, la coutume se développe dans le « vide de la loi », en
l’absence de dispositions légales expresse. Elle est alors un instrument de complément
de la loi. Elle vient combler les lacunes de la loi.
Un tel rôle lui est d’ailleurs expressément reconnu dans le Code civil suisse, puisqu’à
l’article 1-2 de ce code, il est prévu, « qu’à défaut d’une disposition légale applicable,
le juge prononce selon le droit coutumier et à défaut d’une coutume selon les règles
qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur ». Même si une disposition similaire
ne se retrouve pas dans le Code civil français, la coutume s’est néanmoins développée
dans certains domaines dans le silence de la loi. C’est ainsi que l’usage par la femme
mariée du nom de son mari en est un exemple typique. La preuve de la qualité
d’héritier par acte notarié en est aussi un exemple. Reste que cette coutume a été
consacrée par la loi du 3 décembre 2001.
Il faut bien voir, néanmoins, que le pullulement des dispositions de détail dans les lois
et règlements rend ce cas de figure plus rare.

- Coutume contra legem :


La coutume peut-elle aller contre la loi ? Que penser d’une coutume incompatible avec
la loi ? Certaines coutumes, en effet, résistent à la loi. D’autres s’instaurent contre la
loi.
Ainsi en va-t-il de la validité des dons manuels. Ces donations de la main à la main
échappent à l’exigence notariée de l’article 931. Cet article impose en effet que toute
acte portant donation entre vifs soient passé devant notaire.
De même les souvenirs de famille bénéficient d’un régime dérogatoire : ils sont
insaisissables et indisponibles. Ils échappent aux règles légales du partage et du droit
des successions.

Peut- on raisonner en termes de hiérarchie ? (LOI/coutume)


• L’interrogation est sous-jacente à certaines questions techniques :

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La question du rapport coutume/loi est au cœur de la problématique de l’abrogation
de la loi par désuétude. Réponse négative. Loi > coutume

Au contraire une loi peut mettre un terme à une coutume. Et on l’a d’ailleurs vu avec
la loi du 30 ventôse an XII.

Ces observations ne tiennent plus dès lors qu’il s’agit de confronter coutumes Kanak
et Code civil : il s’agit d’une répartition matérielle et non d’un classement
hiérarchique : Coutume = LOI.
Aucune loi du pays ni loi française ne peut abroger une coutume Kanak sans trahir la
Constitution -
Alors on s’inquiète du rapport des coutumes Kanak à la Constitution.

Le pouvoir normatif de la coutume par concession de la Constitution. Coutumes


Kanaks < Constitution.

Ce même rapport de force avec la loi, on le retrouve d’ailleurs s’agissant de la


jurisprudence.

SECTION 2 La jurisprudence : TD n° 2

1ère approche :
La jurisprudence, « c’est l’habitude prise par les tribunaux d’appliquer une règle de
droit d’une certaine façon ». C’est une façon habituelle de juger dans tel ou tel sens
pour une question de droit donnée. C’est donc l’accumulation de décisions dans le
même sens qui préside à la formation de la jurisprudence. L’idée est celle d’une
coutume judiciaire….

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Remarques :
- En vérité, il n’existe pas une jurisprudence mais DES jurisprudences,
en fonction de la question de droit en cause, en fonction des
juridictions aussi dont-elle émane (ex la jurisprudence des juges du
fond, peut résister à celle de la C. de cassation)
Ce que n’est pas la Jurisprudence :
- La jurisprudence n’est pas l’ensemble des décisions de justices
rendues par nos juridictions : cet ensemble représente le
contentieux.
- La jurisprudence n’est pas la décision juridictionnelle qui met fin au
litige, même si parfois une seule décision suffit à faire jurisprudence.

Le débat porte sur le caractère ou non normatif de la Jurisprudence : est-elle ou non


source de droit (de norme) ?

La jurisprudence présente un caractère normatif indéniable et observable : avec la


jurisprudence la signification du droit évolue. Pourtant sa place en tant que source de
droit est discutée en doctrine.

Pour certains (J. Carbonnier) elle ne serait qu’une simple autorité, ne serait-ce que
parce qu’elle n’est pas en mesure de formuler des règles de droit présentant les
caractères de permanence et de généralité. Les tribunaux ne sont là que pour
appliquer et interpréter la règle de droit. Ils ne la créent pas.

Pour d’autres auteurs, la jurisprudence tout comme la coutume serait une véritable
source de droit : par-delà la décision du juge concernant un cas particulier, il y aurait
la création d’une règle générale et abstraite.

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Reste qu’au-delà des divergences, tous s’accordent à considérer que la jurisprudence
a un rôle irremplaçable, car la loi ne peut pas tout prévoir. Elle est parfois incomplète.
Il lui arrive d’être obscure. Et puis avec le temps, elle peut devenir obsolète. (cf Portalis

dans le discours préliminaire) TD1


Pour bien comprendre ce qu’est la jurisprudence, il faut maîtriser d’abord les voix
d’élaboration de cette jurisprudence. Il faut donc connaître l’organigramme judiciaire.

C’est pourquoi dans des développements qui vont suivre on étudiera rapidement les
promoteurs de la jurisprudence (§1) avant d’apprécier la nature de la jurisprudence
(§2).

§1/Les promoteurs de la jurisprudence

Leur identification est liée à l’organigramme judiciaire : C’est le cours d’institutions


Juridictionnelles

Deux ordres de juridictions mais on raisonnera pour exemple sur l’ordre judiciaire et la
production de la jurisprudence judiciaire

* Le critère qui seul est retenu ici : la distinction des degrés de juridictions, et aussi
l’opposition entre juridictions du fonds et juridiction du droit.

• Le principe du double degré de juridiction et l’effet dévolutif de l’appel


• La Cour de cassation
- Elle est là pour assurer l’unité dans l’application et l’interprétation de
la règle de droit.
- Divisée en chambre elle siège suivant des formations distinctes : en
chambre, chambre mixte, assemblée plénière

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- La Cour de cassation est juge du droit. Elle n’est pas juge du fait. Il ne
s’agit donc pas d’un troisième degré de juridiction.
- Elle peut également être saisie pour avis
- Elle décide de la publication ou non de ses arrêts et de l’ampleur de
leur diffusion.

Ces quelques développements permettent de mesurer le rôle de la Cour de cassation.


Elle a une fonction unificatrice de l’interprétation de la règle de droit. C’est elle qui
favorise et accentue la formation de la jurisprudence.
Aujourd’hui le débat sur son rôle normatif rebondit. La cour de cassation // 1 Cour
suprême ?! Un contrôle de Cassation versus un contrôle de proportionnalité.

Le rôle ainsi reconnu à la Cour de cassation ne contribue-t-il pas à faire de la


jurisprudence une source de droit ?

§2 Nature de la jurisprudence :

Dans un système légaliste, reposant sur le droit écrit, la jurisprudence ne devrait pas
être source de droit. Un tel état de fait serait d’ailleurs conforme au principe de
séparation des pouvoirs : il appartient au pouvoir législatif d’élaborer la règle de droit,
au pouvoir exécutif d’en assurer l’exécution et au pouvoir judiciaire de l’appliquer.
A cet égard on oppose souvent les systèmes de droit continentaux aux systèmes de
droit anglo-américain dit de common law.
En effet dans ces systèmes la source traditionnellement la plus importante du droit,
c’est la jurisprudence. Chaque fois qu’un tribunal ou qu’une cour a rendu une décision
dans une affaire, cette cour ou ce tribunal est lié par cette décision et à l’avenir dans

une affaire identique il devra reprendre la même décision. C’est ce qu’on appelle
la règle du précédent ou du stare decisis. Par conséquent à travers les cas d’espèce qui
lui sont soumis, le juge anglais ou américain crée une règle de droit, à laquelle il sera à

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l’avenir tenu. Bien entendu la loi conserve le pouvoir de renverser la jurisprudence.
Mais les juges s’ils veulent faire évoluer le droit doivent avoir recours à la technique
des distinctions, c’est-à-dire relever dans l’espèce considérée, les différences justifiant
la mise à l’écart de la règle précédemment établie.

En vérité l’opposition entre les systèmes n’est peut-être pas aussi nette que ça.

Il s’agit donc de voir ce qui éloigne la jurisprudence de la règle de droit dans les textes,
avant de voir ce qui l’en rapproche dans les faits.

A/ Ce qui éloigne la jurisprudence des règles de droit dans les textes :


- Article 5 du Code civil
- Article 1351 du Code civil

B/Ce qui rapproche la jurisprudence des règles de droit dans les faits :
A bien des égards la jurisprudence de la Cour de cassation se rapproche des règles de
droit. Et d’ailleurs qu’enseigne un professeur de droit à ses étudiants si ce n’est la
jurisprudence… Pour s’en convaincre
- Le processus de formation de la jurisprudence :
La problématique a fort bien été exposée par Monsieur Terré : il s’agit de savoir par
quelle alchimie les décisions de justice qui sont des normes individuelles, concrètes et
catégoriques peuvent se muer en une règle de droit générale abstraite et
hypothétique ????
La réponse est double.
- Tout d’abord dans toute décision de justice il y a deux aspects et vous
avez déjà pu vous en rendre compte lorsque vous avez été conduit à lire
des arrêts.
Dans la structure de la décision : Il y a d’abord l’aspect individuel, concret
qui s’incarne dans le dispositif et qui apporte une solution à l’espèce :

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qui a raison et qui à tord ? X est ou n’est pas le fils d’Y. Z a porté atteinte
ou n’a pas porté atteinte à la vie privée de W. Le bien appartient à B ou
C…. le contrat est ou n’est pas valable. En général le dispositif peut être
assez long lorsqu’il s’agit de tribunaux ou de Cour d’appel. Il est en
revanche très bref pour les arrêts de cassation.
Mais cela n’est pas tout. Tout décision doit être motivée et ce depuis la
Révolution. Cette obligation figure à l’article 455 NCPC. Il s’agit de la
justification juridique apportée à la solution. Elle est essentielle, sinon on
tombe dans l’arbitraire. En somme, les motifs constituent le POURQUOI
de la solution. Cette motivation est d’autant plus importante qu’elle
émane de la Cour de cassation. La Cour de cassation rappelez-vous est
juge du droit. De ce fait les motifs sont en principe des motifs de pur
droit et ont donc une vocation à avoir une portée générale et abstraite
et à dépasser les simples cas d’espèce.

La pratique :
Sans doute le plus souvent ces motifs sont-ils le simple rappel de la règle
de droit. Mais le juge peut être conduit à interpréter la règle de droit ou
ajouter à cette règle. La Cour de cassation va même parfois au-delà et
n’hésite pas à insérer dans une décision un motif de droit sans rapport
avec l’espèce. On parle alors d’obiter dictum. De tels motifs sont de
nature à constituer des modèles pour les espèces futures et ce d’autant
plus lorsqu’on est en présence d’arrêts de principe. Dans ce cas là les
motifs de droit figurent parfois en tête de l’arrêt dans un chapeau où la
Cour de cassation énonce le contenu de la règle de droit applicable.
C’est parce que ces motifs se présentent comme des modèles qu’une
décision individuelle a vocation à se muer en règle générale.

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- Le Contrôle de cassation : La Cour de cassation rappelez-vous figure au
sommet de la hiérarchie judiciaire. Elle a un rôle d’unification du droit.
Toutes décisions rendues par les juges du fond est donc susceptible
d’être portée à la connaissance de la Cour de cassation. Aussi, les juges
du fond se rangeront à l’analyse de la Cour de cassation de peur de voir
leurs décisions censurées. On parle de loi d’imitation. En somme, la
position de la Cour de cassation s’impose de facto aux juges du fond.
Quant à une éventuelle divergence de position entre les différentes
chambres de la Cour de cassation, elle peut être résorbée en renvoyant
devant une chambre mixte ou l’assemblée plénière. Ajoutez à cela que le
plus souvent, ce que la Cour de cassation a jugé dans le passé elle le
rejugera dans l’avenir.
Certes rien ne l’y oblige.
Mais on ne saurait dire que la jurisprudence n’est pas source de droit, car
elle ne s’impose pas au juge qui l’a posé…. Car il en va de même du
législateur.
De plus, il est des jurisprudences d’une grande stabilité qui pour
certaines sont centenaires. Je pense notamment à la jurisprudence
interdisant la révision des contrats pour imprévision. L’arrêt fondateur
date du 6 mars 1876.
Au final, par cette double loi d’imitation et de continuité, la
jurisprudence de la Cour de cassation devient ainsi règle de droit. Par la
force de la répétition, le motif devient formule de style recouvrant une
véritable règle.

Ce pouvoir créateur de la jurisprudence trouve une nouvelle confirmation dans la


procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation. Depuis la loi du 15 mai 1991,
les juridictions de fond peuvent demander l’avis de la Cour de cassation avant de
statuer sur une question de droit nouvelle présentant une difficulté particulière et se

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posant dans de nombreux litiges. L’avis n’a certes pas de valeur obligatoire. Mais il
n’en reste pas moins rendu sur une pure question de droit et se rapproche partant
des arrêts de règlement. Pour la première fois en effet la Cour de cassation est
autorisée à interpréter de façon abstraite sans le support d’un débat judiciaire
concret et préalable.

-Les preuves du pouvoir créateur de la jurisprudence :


Ces preuves du pouvoir créateur de la jurisprudence, ces manifestations de l’activité
créatrices des tribunaux et plus spécialement de la Cour de cassation sont nombreuses,
L’article 4 du Code civil leur sert de fondement textuel
§ La jurisprudence interprète la loi :
Le plus souvent lorsque le juge intervient, il existe une règle préexistante à sa décision.
Mais cette règle de droit repose souvent sur des termes généraux qu’il faudra préciser.
Il fait en effet appel à certains standards et on pense notamment à celui de la bonne
foi, de l’ordre public ou encore du bon père de famille (devenu l’homme raisonnable).
Le juge a pour mission de les actualiser en les précisant. De même, le législateur use
parfois de notion-cadre qu’il appartiendra là encore au juge de préciser.
Prenons par exemple, l’article 1382 C. civ. qui dispose que « tout fait quelconque de
l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer ». Il est essentiel que le juge vienne définir les composantes de la faute,
viennent préciser les qualités que doit présenter le dommage pour être réparable.
Le juge vient ainsi compléter et préciser l’œuvre incomplète du législateur Or, qui dit
interprétation dit déjà création.

La jurisprudence adapte la loi :


Lorsque la jurisprudence adapte la loi, sa dimension créatrice apparaît de manière plus
nette. Il s’agit alors de modifier le sens de la loi devenue, quelque peu obsolète pour
faire face à des besoins nouveaux.

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L’illustration la plus remarquable de ce pouvoir d’adaptation figure sans doute dans le
sens que la jurisprudence a donné à l’ancien article 1384 alinéa 1 du Code civil devenu

1242 al. 1. (cours de responsabilité délictuelle L2 S4)

Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, ce texte n’avait aucune valeur normative. Il
ne posait aucune règle de droit. Il avait pour fonction d’être une transition entre les
dispositions qui précédaient et celles qui suivaient. C’était donc une simple formule
rhétorique. La Cour de cassation dès la fin du XIXè et pour faire face à des besoins
nouveaux liés à la multiplication des accidents en raison du développement des
techniques va faire appel à cet article et lui conférer une valeur normative sans
précédent.
§ La jurisprudence comble le silence de la loi :
Quand les juges sont saisies d’une question qui n’est pas tranché par le législateur et
qui n’a fait l’objet d’aucune décision par une autre juridiction, il est bien évident que
les juges doivent créer la règle de droit. Il y a là une OBLIGATION. Ils ne peuvent se
retrancher derrière le silence de la loi. Ils seraient alors coupables de déni de justice.

Cette obligation figure à l’article 4 du Code civil : « le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice ».
Ainsi puisque que le juge DOIT juger et que la loi ne lui fournit pas toujours
intégralement la solution, il aura recours à ses propres lumières. Il vient ainsi compléter
la loi.
C’est cette obligation de juger qui autorise d’ailleurs que certaines décisions soient
rendues en équité.
Les illustrations de ce pouvoir créateur en cas de silence de la loi sont assez
nombreuses. : enrichissement sans cause, trouble du voisinage, prohibition de la
convention de mère porteuse…

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Il est même des pans entiers du droit privé qui sont principalement d’origine
jurisprudentielle : le droit international privé a été pendant longtemps une discipline
essentiellement jurisprudentielle. Elle l’est moins depuis que les sources en ce
domaine se sont internationalisées.

§ La jurisprudence va contre la loi :


La jurisprudence est parfois audacieuse…. Elle prend le contre-pied de ce que décide
la loi. On parle alors de jurisprudence contra legem. Les exemples ne sont néanmoins
pas très nombreux. Ainsi en matière de souvenir de famille, la jurisprudence est venue
les soustraire aux règles de dévolution successorale.

En matière de clauses abusives EXEMPLE ANCIEN : il s’agit là de clauses figurant dans


les contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels. Ces clauses ont
pour effet de conférer un avantage excessif à l’une des parties. Autrefois pour
sanctionner de telles clauses, la loi mettait en place un système un peu particulier : elle
considérait qu’il appartenait au pouvoir réglementaire d’identifier les types de clauses
susceptibles d’être déclarées abusive et ensuite le juge pouvait supprimer la clause
d’un contrat dès lors qu’elle correspondait au type de clauses visé dans ce décret. La
Cour de cassation en 1991 s’est reconnu le droit de déclarer abusive une clause en
l’absence de tout décret. On a là l’illustration d’une jurisprudence contra legem.

Enfin et c’est un point sur lequel on reviendra ultérieurement, la jurisprudence combat


la loi parfois, refuse de l’appliquer en s’abritant pour ce faire derrière la jurisprudence

de la Cour européenne des droits de l’homme. TD 5 et 6

Sachez pour finir que cette attitude d’opposition vis à vis de la loi, la Cour de cassation
l’adopte parfois non plus dans le corps de ses décisions mais dans son rapport annuel
où il lui arrive de suggérer certaines réformes législatives. Il s’agit le plus souvent de
corriger certaines erreurs rédactionnelles des textes.

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Ainsi la jurisprudence, peut inviter le législateur à procéder à certaines réformes. Elle
peut les suggérer. Et il se peut que les solutions dégagées par la jurisprudence soient
ultérieurement consacrées par le législateur.
S’agissant des conventions de mères porteuses. La Cour de cassation condamne la
pratique en 1991. Par la loi bioéthique du 29 juillet 1994, est introduit dans le Code
civil un nouvel article 16-7 disposant que « toute convention portant sur la procréation
ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».

- l’appréciation de la jurisprudence comme source de droit

- Une source précaire qui peut être défaite par la loi : la loi peut briser une
jurisprudence. Deux exemples : Alors que la Cour de cassation avait pu
considérer que le concubinage supposait deux personnes de sexe différent, le
législateur par la loi du 14 novembre 1999 a retenu une définition différente :
le concubinage est une union de fait entre deux personnes de même sexe ou de
sexe différent.
Autre exemple : la Cour de cassation dans un arrêt Perruche rendu en 2000, est
venue reconnaître le droit pour un enfant né handicapé à la suite d’une
anomalie génétique non décelée durant la grossesse d’obtenir la réparation de
son dommage. La loi du 4 mars 2002 est venue condamner cette jurisprudence.

- La jurisprudence génère une certaine insécurité en raison de sa rétroactivité :

TD2 et 3 : une nouvelle jurisprudence peut s’appliquer à des faits


antérieurs à cette jurisprudence. La jurisprudence présente un caractère
rétroactif.
- La jurisprudence est aussi plus lente à se former que la loi.
- La jurisprudence est également plus difficile à connaître que la loi. Elle dispose
d’une diffusion beaucoup plus aléatoire et médiate, même s’il faut reconnaître

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que grâce à légifrance des progrès considérables ont été réalisées. Enjeu
d’accessibilité matérielle et intellectuelle. Aujourd’hui une réforme a été
effectué de la motivation des arrêts de la Cour de cassation comme devant
leur offrir une meilleure intelligibilité

- La jurisprudence n’en reste pas moins une source de droit dotée d’une grande
souplesse. Le juge est plus près des justiciables que le législateur. Le droit
jurisprudentiel est un droit vivant qui évolue alors que le droit légal peut être figé et
rigide.
Au final, loi et jurisprudence se présentent comme deux pôles qui existent,
interagissent et se complètent. La jurisprudence n’est pas une simple excroissance
de la loi, végétant à l’ombre de celle-ci. Elle a une réelle fonction normative. Cette
fonction normative vaut d’ailleurs tant pour la jurisprudence interne que pour la
jurisprudence internationale, voire même plus peut être encore pour cette
jurisprudence internationale.

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