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L’ESSENTIEL
Feuillet 3
DES SOURCES NON ECRITES DU DROIT au « PAYS DE LA LOI »
Situé ce feuillet dans le plan de cours
Première partie :
LE DROIT OBJECTIF
Chapitre 2 : La diversité des sources du droit
La France est traditionnellement présentée comme un pays de droit écrit et, ce, par
opposition aux pays anglo-américains : common law. Cela n’est que partiellement
exact.
Le principe de la séparation des pouvoir voudrait que le pouvoir de dire les lois
appartienne au pouvoir législatif, au juge reviendrait la mission de l’appliquer et ainsi
de dire au justiciable « la parole de la loi ». Mais les principes ne sont jamais aussi
fermes sauf en « Théorie pure du DROIT ». La création du droit est aussi affaire de
rapports de forces, d’usages et de pratiques….
A côté de la loi, il existe des sources non écrites : la jurisprudence est la plus
importante.
Certes la jurisprudence ne repose pas sur une tradition orale. Mais on peut encore au
sens classique du mot l’opposer au droit écrit, en ce qu’elle est une source informelle
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du droit. Elle est création des juridictions qui par définition juge mais ne disent pas la
norme.
La coutume, ensuite qui repose elle sur une pure tradition non écrite,
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C’est le cas en particulier des coutumes Kanak en Nouvelle-Calédonie. Le
pluralisme culturel se meut en pluralisme juridique quand du statut particulier on
passe au statut coutumier (Accord de Nouméa 1998 – Constitutionnalisé en 1999) et
surtout quand la loi organique Art. 7 Les Kanaks de statut coutumier sont soumis à leur
coutumes en matière civile. Ils sont donc exclus du Code civil. Sur ce territoire Français
coexiste 2 peuples deux droits civils l’un codifié, l’autre coutumier !
§1 /Définition de la coutume :
La Coutume n’est pas l’habitude : l’une et l’autre sont stables car elles naissent
de la répétition d’une pratique dans le temps. Mais alors que la coutume est une règle
collective qu’un milieu social impose à ses membres, l’habitude désigne une habitude
individuelle et unilatérale dépourvue de caractère obligatoire (ex. : avoir l’habitude de
se lever tôt).
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B- Ce qu’est la coutume :
La Coutume naît selon les termes du doyen Cornu, « d’une longue suite d’actes
constamment répétés qui par la pratique commune et l’assentiment populaire font
naître une règle de droit ». Elle se définit donc par la réunion de deux éléments, l’un
matériel l’autre psychologique.
- Elément psychologique : pour qu’il y ait coutume, il faut qu’en agissant spontanément
d’une certaine manière, les sujets de droit aient la conviction de se conformer au droit.
Il est donc nécessaire que la population qui suit l’usage ait la conviction que cet usage
présente un caractère obligatoire. La coutume repose donc sur l’adhésion collective à
un comportement. On parle d’opinio juris.
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et de la prévision. Quand la coutume, se décline toujours au pluriel. Elle varie selon les
lieux, les milieux sociaux. Ancrée dans l’oralité, elle garde sa part de mystère et paraît
difficilement accessible…
Des atouts : la coutume présente l’avantage incomparable par rapport à la loi d’être
un droit d’origine populaire. De ce fait la coutume correspond mieux aux aspirations
et aux besoins de chacun. En ce sens, elle s’est beaucoup développée dans les
pratiques professionnelles et commerciales. Elle a d’ailleurs les faveurs de l’école
sociologique qui confère à la volonté du groupe un rôle considérable dans la création
des normes.
Il y a un lien étroit entre coutume et identité culturelle.
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- Coutume praeter legem :
Dans d’autres circonstances, la coutume se développe dans le « vide de la loi », en
l’absence de dispositions légales expresse. Elle est alors un instrument de complément
de la loi. Elle vient combler les lacunes de la loi.
Un tel rôle lui est d’ailleurs expressément reconnu dans le Code civil suisse, puisqu’à
l’article 1-2 de ce code, il est prévu, « qu’à défaut d’une disposition légale applicable,
le juge prononce selon le droit coutumier et à défaut d’une coutume selon les règles
qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur ». Même si une disposition similaire
ne se retrouve pas dans le Code civil français, la coutume s’est néanmoins développée
dans certains domaines dans le silence de la loi. C’est ainsi que l’usage par la femme
mariée du nom de son mari en est un exemple typique. La preuve de la qualité
d’héritier par acte notarié en est aussi un exemple. Reste que cette coutume a été
consacrée par la loi du 3 décembre 2001.
Il faut bien voir, néanmoins, que le pullulement des dispositions de détail dans les lois
et règlements rend ce cas de figure plus rare.
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La question du rapport coutume/loi est au cœur de la problématique de l’abrogation
de la loi par désuétude. Réponse négative. Loi > coutume
Au contraire une loi peut mettre un terme à une coutume. Et on l’a d’ailleurs vu avec
la loi du 30 ventôse an XII.
Ces observations ne tiennent plus dès lors qu’il s’agit de confronter coutumes Kanak
et Code civil : il s’agit d’une répartition matérielle et non d’un classement
hiérarchique : Coutume = LOI.
Aucune loi du pays ni loi française ne peut abroger une coutume Kanak sans trahir la
Constitution -
Alors on s’inquiète du rapport des coutumes Kanak à la Constitution.
SECTION 2 La jurisprudence : TD n° 2
1ère approche :
La jurisprudence, « c’est l’habitude prise par les tribunaux d’appliquer une règle de
droit d’une certaine façon ». C’est une façon habituelle de juger dans tel ou tel sens
pour une question de droit donnée. C’est donc l’accumulation de décisions dans le
même sens qui préside à la formation de la jurisprudence. L’idée est celle d’une
coutume judiciaire….
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Remarques :
- En vérité, il n’existe pas une jurisprudence mais DES jurisprudences,
en fonction de la question de droit en cause, en fonction des
juridictions aussi dont-elle émane (ex la jurisprudence des juges du
fond, peut résister à celle de la C. de cassation)
Ce que n’est pas la Jurisprudence :
- La jurisprudence n’est pas l’ensemble des décisions de justices
rendues par nos juridictions : cet ensemble représente le
contentieux.
- La jurisprudence n’est pas la décision juridictionnelle qui met fin au
litige, même si parfois une seule décision suffit à faire jurisprudence.
Pour certains (J. Carbonnier) elle ne serait qu’une simple autorité, ne serait-ce que
parce qu’elle n’est pas en mesure de formuler des règles de droit présentant les
caractères de permanence et de généralité. Les tribunaux ne sont là que pour
appliquer et interpréter la règle de droit. Ils ne la créent pas.
Pour d’autres auteurs, la jurisprudence tout comme la coutume serait une véritable
source de droit : par-delà la décision du juge concernant un cas particulier, il y aurait
la création d’une règle générale et abstraite.
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Reste qu’au-delà des divergences, tous s’accordent à considérer que la jurisprudence
a un rôle irremplaçable, car la loi ne peut pas tout prévoir. Elle est parfois incomplète.
Il lui arrive d’être obscure. Et puis avec le temps, elle peut devenir obsolète. (cf Portalis
C’est pourquoi dans des développements qui vont suivre on étudiera rapidement les
promoteurs de la jurisprudence (§1) avant d’apprécier la nature de la jurisprudence
(§2).
Deux ordres de juridictions mais on raisonnera pour exemple sur l’ordre judiciaire et la
production de la jurisprudence judiciaire
* Le critère qui seul est retenu ici : la distinction des degrés de juridictions, et aussi
l’opposition entre juridictions du fonds et juridiction du droit.
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- La Cour de cassation est juge du droit. Elle n’est pas juge du fait. Il ne
s’agit donc pas d’un troisième degré de juridiction.
- Elle peut également être saisie pour avis
- Elle décide de la publication ou non de ses arrêts et de l’ampleur de
leur diffusion.
§2 Nature de la jurisprudence :
Dans un système légaliste, reposant sur le droit écrit, la jurisprudence ne devrait pas
être source de droit. Un tel état de fait serait d’ailleurs conforme au principe de
séparation des pouvoirs : il appartient au pouvoir législatif d’élaborer la règle de droit,
au pouvoir exécutif d’en assurer l’exécution et au pouvoir judiciaire de l’appliquer.
A cet égard on oppose souvent les systèmes de droit continentaux aux systèmes de
droit anglo-américain dit de common law.
En effet dans ces systèmes la source traditionnellement la plus importante du droit,
c’est la jurisprudence. Chaque fois qu’un tribunal ou qu’une cour a rendu une décision
dans une affaire, cette cour ou ce tribunal est lié par cette décision et à l’avenir dans
une affaire identique il devra reprendre la même décision. C’est ce qu’on appelle
la règle du précédent ou du stare decisis. Par conséquent à travers les cas d’espèce qui
lui sont soumis, le juge anglais ou américain crée une règle de droit, à laquelle il sera à
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l’avenir tenu. Bien entendu la loi conserve le pouvoir de renverser la jurisprudence.
Mais les juges s’ils veulent faire évoluer le droit doivent avoir recours à la technique
des distinctions, c’est-à-dire relever dans l’espèce considérée, les différences justifiant
la mise à l’écart de la règle précédemment établie.
En vérité l’opposition entre les systèmes n’est peut-être pas aussi nette que ça.
Il s’agit donc de voir ce qui éloigne la jurisprudence de la règle de droit dans les textes,
avant de voir ce qui l’en rapproche dans les faits.
B/Ce qui rapproche la jurisprudence des règles de droit dans les faits :
A bien des égards la jurisprudence de la Cour de cassation se rapproche des règles de
droit. Et d’ailleurs qu’enseigne un professeur de droit à ses étudiants si ce n’est la
jurisprudence… Pour s’en convaincre
- Le processus de formation de la jurisprudence :
La problématique a fort bien été exposée par Monsieur Terré : il s’agit de savoir par
quelle alchimie les décisions de justice qui sont des normes individuelles, concrètes et
catégoriques peuvent se muer en une règle de droit générale abstraite et
hypothétique ????
La réponse est double.
- Tout d’abord dans toute décision de justice il y a deux aspects et vous
avez déjà pu vous en rendre compte lorsque vous avez été conduit à lire
des arrêts.
Dans la structure de la décision : Il y a d’abord l’aspect individuel, concret
qui s’incarne dans le dispositif et qui apporte une solution à l’espèce :
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qui a raison et qui à tord ? X est ou n’est pas le fils d’Y. Z a porté atteinte
ou n’a pas porté atteinte à la vie privée de W. Le bien appartient à B ou
C…. le contrat est ou n’est pas valable. En général le dispositif peut être
assez long lorsqu’il s’agit de tribunaux ou de Cour d’appel. Il est en
revanche très bref pour les arrêts de cassation.
Mais cela n’est pas tout. Tout décision doit être motivée et ce depuis la
Révolution. Cette obligation figure à l’article 455 NCPC. Il s’agit de la
justification juridique apportée à la solution. Elle est essentielle, sinon on
tombe dans l’arbitraire. En somme, les motifs constituent le POURQUOI
de la solution. Cette motivation est d’autant plus importante qu’elle
émane de la Cour de cassation. La Cour de cassation rappelez-vous est
juge du droit. De ce fait les motifs sont en principe des motifs de pur
droit et ont donc une vocation à avoir une portée générale et abstraite
et à dépasser les simples cas d’espèce.
La pratique :
Sans doute le plus souvent ces motifs sont-ils le simple rappel de la règle
de droit. Mais le juge peut être conduit à interpréter la règle de droit ou
ajouter à cette règle. La Cour de cassation va même parfois au-delà et
n’hésite pas à insérer dans une décision un motif de droit sans rapport
avec l’espèce. On parle alors d’obiter dictum. De tels motifs sont de
nature à constituer des modèles pour les espèces futures et ce d’autant
plus lorsqu’on est en présence d’arrêts de principe. Dans ce cas là les
motifs de droit figurent parfois en tête de l’arrêt dans un chapeau où la
Cour de cassation énonce le contenu de la règle de droit applicable.
C’est parce que ces motifs se présentent comme des modèles qu’une
décision individuelle a vocation à se muer en règle générale.
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- Le Contrôle de cassation : La Cour de cassation rappelez-vous figure au
sommet de la hiérarchie judiciaire. Elle a un rôle d’unification du droit.
Toutes décisions rendues par les juges du fond est donc susceptible
d’être portée à la connaissance de la Cour de cassation. Aussi, les juges
du fond se rangeront à l’analyse de la Cour de cassation de peur de voir
leurs décisions censurées. On parle de loi d’imitation. En somme, la
position de la Cour de cassation s’impose de facto aux juges du fond.
Quant à une éventuelle divergence de position entre les différentes
chambres de la Cour de cassation, elle peut être résorbée en renvoyant
devant une chambre mixte ou l’assemblée plénière. Ajoutez à cela que le
plus souvent, ce que la Cour de cassation a jugé dans le passé elle le
rejugera dans l’avenir.
Certes rien ne l’y oblige.
Mais on ne saurait dire que la jurisprudence n’est pas source de droit, car
elle ne s’impose pas au juge qui l’a posé…. Car il en va de même du
législateur.
De plus, il est des jurisprudences d’une grande stabilité qui pour
certaines sont centenaires. Je pense notamment à la jurisprudence
interdisant la révision des contrats pour imprévision. L’arrêt fondateur
date du 6 mars 1876.
Au final, par cette double loi d’imitation et de continuité, la
jurisprudence de la Cour de cassation devient ainsi règle de droit. Par la
force de la répétition, le motif devient formule de style recouvrant une
véritable règle.
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posant dans de nombreux litiges. L’avis n’a certes pas de valeur obligatoire. Mais il
n’en reste pas moins rendu sur une pure question de droit et se rapproche partant
des arrêts de règlement. Pour la première fois en effet la Cour de cassation est
autorisée à interpréter de façon abstraite sans le support d’un débat judiciaire
concret et préalable.
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L’illustration la plus remarquable de ce pouvoir d’adaptation figure sans doute dans le
sens que la jurisprudence a donné à l’ancien article 1384 alinéa 1 du Code civil devenu
Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, ce texte n’avait aucune valeur normative. Il
ne posait aucune règle de droit. Il avait pour fonction d’être une transition entre les
dispositions qui précédaient et celles qui suivaient. C’était donc une simple formule
rhétorique. La Cour de cassation dès la fin du XIXè et pour faire face à des besoins
nouveaux liés à la multiplication des accidents en raison du développement des
techniques va faire appel à cet article et lui conférer une valeur normative sans
précédent.
§ La jurisprudence comble le silence de la loi :
Quand les juges sont saisies d’une question qui n’est pas tranché par le législateur et
qui n’a fait l’objet d’aucune décision par une autre juridiction, il est bien évident que
les juges doivent créer la règle de droit. Il y a là une OBLIGATION. Ils ne peuvent se
retrancher derrière le silence de la loi. Ils seraient alors coupables de déni de justice.
Cette obligation figure à l’article 4 du Code civil : « le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice ».
Ainsi puisque que le juge DOIT juger et que la loi ne lui fournit pas toujours
intégralement la solution, il aura recours à ses propres lumières. Il vient ainsi compléter
la loi.
C’est cette obligation de juger qui autorise d’ailleurs que certaines décisions soient
rendues en équité.
Les illustrations de ce pouvoir créateur en cas de silence de la loi sont assez
nombreuses. : enrichissement sans cause, trouble du voisinage, prohibition de la
convention de mère porteuse…
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Il est même des pans entiers du droit privé qui sont principalement d’origine
jurisprudentielle : le droit international privé a été pendant longtemps une discipline
essentiellement jurisprudentielle. Elle l’est moins depuis que les sources en ce
domaine se sont internationalisées.
Sachez pour finir que cette attitude d’opposition vis à vis de la loi, la Cour de cassation
l’adopte parfois non plus dans le corps de ses décisions mais dans son rapport annuel
où il lui arrive de suggérer certaines réformes législatives. Il s’agit le plus souvent de
corriger certaines erreurs rédactionnelles des textes.
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Ainsi la jurisprudence, peut inviter le législateur à procéder à certaines réformes. Elle
peut les suggérer. Et il se peut que les solutions dégagées par la jurisprudence soient
ultérieurement consacrées par le législateur.
S’agissant des conventions de mères porteuses. La Cour de cassation condamne la
pratique en 1991. Par la loi bioéthique du 29 juillet 1994, est introduit dans le Code
civil un nouvel article 16-7 disposant que « toute convention portant sur la procréation
ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».
- Une source précaire qui peut être défaite par la loi : la loi peut briser une
jurisprudence. Deux exemples : Alors que la Cour de cassation avait pu
considérer que le concubinage supposait deux personnes de sexe différent, le
législateur par la loi du 14 novembre 1999 a retenu une définition différente :
le concubinage est une union de fait entre deux personnes de même sexe ou de
sexe différent.
Autre exemple : la Cour de cassation dans un arrêt Perruche rendu en 2000, est
venue reconnaître le droit pour un enfant né handicapé à la suite d’une
anomalie génétique non décelée durant la grossesse d’obtenir la réparation de
son dommage. La loi du 4 mars 2002 est venue condamner cette jurisprudence.
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que grâce à légifrance des progrès considérables ont été réalisées. Enjeu
d’accessibilité matérielle et intellectuelle. Aujourd’hui une réforme a été
effectué de la motivation des arrêts de la Cour de cassation comme devant
leur offrir une meilleure intelligibilité
- La jurisprudence n’en reste pas moins une source de droit dotée d’une grande
souplesse. Le juge est plus près des justiciables que le législateur. Le droit
jurisprudentiel est un droit vivant qui évolue alors que le droit légal peut être figé et
rigide.
Au final, loi et jurisprudence se présentent comme deux pôles qui existent,
interagissent et se complètent. La jurisprudence n’est pas une simple excroissance
de la loi, végétant à l’ombre de celle-ci. Elle a une réelle fonction normative. Cette
fonction normative vaut d’ailleurs tant pour la jurisprudence interne que pour la
jurisprudence internationale, voire même plus peut être encore pour cette
jurisprudence internationale.
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