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Notre cours s’intitule droit coutumier africain.

Il s’agit par

conséquent de l’Afrique du 19e siècle c’est à dire de la période

coloniale. Plusieurs dates ont été avancées pour marquer le début

de la colonisation mais nous parlerons de la conférence de Berlin

de 1884 à 1885 sans toutefois oublier que le premier contact entre


l’Afrique et l’Europe remonte au 15e siècle. La période coloniale a

engendré une identité négro africaine profondément avec le contact

du monde occidental. Mais cette transformation avait commencé à

s’opérer à partir du 7e siècle au moins avec l’avènement de l’islam.

Justement ce cours de droit coutumier suggère des enjeux de fond

relativement au contact des civilisations. Pendant la colonisation, la

mise en valeur des colonies a justifié une mainmise absolue sur les

richesses du continent africain, la domination des populations

africaines, la destruction et la dénaturation des institutions.

Dans une telle situation, il s’est opéré une table rase pour justifier la

situation coloniale. Il précède d’un tel phénomène la remise en

cause du droit africain.

Il faut également souligner qu’avant la colonisation, avant le contact

avec l’islam, il a existé en Afrique un droit de la famille, un droit des

obligations, un droit foncier, des institutions judiciaires.

C’est donc pour des raisons qui leur sont propres que les
puissances occidentales ont théorisé le principe de la négation

juridique de l’Afrique.

Après les indépendances, les nouveaux Etats africains ont entendu

mettre en place de nouvelles institutions, un nouveau droit appelé

droit du développement.

L’une des questions à se poser est la suivante : va-t-il vraiment

existé un droit en Afrique ? Si, la réponse est affirmative.

Ce droit mérite-t-il d’être appelé droit ? On se pose cette question

parce que de l’avis du colonisateur il n y a pas de législateur en

Afrique. La question s’est également posée parce que le droit

africain repose sur des coutumes dont un droit non écrit, un droit

traditionnel fondé sur l’oralité et la conséquence tirée de ce droit ne

pouvait pas autoriser à parler de droit.

Pour notre part nous retiendrons qu’il y a une confusion entre

l’existence d’un système juridique et la forme écrite du droit.

Suivant ce constat fait par le colonisateur, il était normal de mettre

en place de nouvelles administrations, de nouvelles institutions et

un droit importé. L’exemple est sans nul doute la mise en place des

tribunaux musulmans, la création de tribunaux indigènes.

L’autre question qu’on pourrait se poser : s’il faut parler de droit

africain ou droits africains. La pertinence d’une telle question est à

rechercher dans la plupart des coutumes africaines qui est la


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conséquence des diversités ethniques.

Même si l’Afrique est énorme, même s’il y a plusieurs milieux

physiques et malgré les diversités des coutumes et des ethnies, on

peut effectivement parler de l’existence d’un droit en tout cas d’un

ensemble de règles qui ont un contenu juridique.

En Afrique noire, il y a de véritables similitudes qui autorisent à

parler d’une unification du droit à l’image du droit des assurances

avec le code CIMA ou le droit des affaires avec le code d’OHADA.

De la même manière, il y a de la forte ressemblance dans les

conceptions juridiques fondamentales de l’Afrique relative à la vie

en communauté, en collectivité, la prééminence des anciens

relative au droit de la terre.

Avant d’étudier le droit traditionnel sénégalais, nous allons d’abord

présenter les fondements d’un droit africain.

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L’Afrique noire à partir du 7e siècle au moins a été en contact

avec le monde arabe. A l’époque, le Commerce transsaharien a

engendré des relations culturelles qui ont eu un impact sur les

conceptions juridiques africaines. L’islam, amené par ce contact, a

créé un système juridique et judiciaire fondé sur le CORAN et la

SUNNAT les sources originaires du droit musulman complétées par

les sources secondaires ou dérivées comme le l’IJMA comme

KIYAS.

Ainsi le droit de la famille le statut principal a pu être influencé au

fur et à mesure de l’islamisation du Soudan.

Lorsque les administrations coloniales européennes se sont

installées en Afrique, elles ont impulsé un processus de métissage

culturel qui a influencé le droit en Afrique.

On peut retenir qu’entre le 7e et le 20e siècle, les systèmes

juridiques de l’Afrique noire se sont enrichis d’apports extérieurs

islamiques et coloniaux.

La domination européenne a été particulièrement l’occasion de voir

le droit indigène.

S’il est difficile de reconstituer de façon exacte le droit negro

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africaine, il est possible cependant de dégager quelques principes

fondamentaux du moins pour l’Afrique de l’ouest. (Chap. 1)

Mais il est également intéressant de voir comment a été organisé et

comment s’est déroulé le passage des traditions négro-africaines

au droit coutumier colonial pour un usage indigène ? (chap. 2)

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La mise en perspective d’un droit Africain ne doit pas oublier la

diversité des coutumes et la pluralité des ethnies. Il ne s’agit pas

de procéder à une certaine généralisation car les wolofs, les

peulhs, les Soninkés, les bamilékés, les haoussas ne sauraient

être ramenés à la même coutume, au même type de comportement

humain. Par conséquent, il ne faut pas exagérer par rapport à cette

ressemblance mais il ne faudra pas non plus regarder cette

diversité de coutumes comme quelque chose d’irréductible.

En vérité il y a de forte convergence juridique comme par exemple

le respect quasi universel des anciens, les traditions ancestrales.

Ces éléments de ressemblances tiennent par exemple à la sécurité

de l’individu, à la conception africaine de la liberté. Il nous faut

examiner successivement les similitudes de fond et celles de forme.

Dans son ouvrage intitulé la « Nature du droit coutumier Africain »

le Nigérian Elias Talism Olawale avance qu’il y a de fortes

similitudes du moins pour l’essentiel entre les ensembles de

coutumes différentes que celle des Yoroubas, des Bantous, des

Achanties, des Congolais. Guy Adgiete Kouassigan dans son

service intitulé « l’Homme et la terre » trouve qu’il existe un droit

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traditionnel Africain une communauté juridique négro-africain. Cet

auteur fonde sa position sur une communauté de conception au

plan culturel et juridique. C’est le cas par exemple lorsqu’on

examine l’institution judiciaire. Celle-ci a procédé de l’expérience

des anciens ainsi que d’une intériorisation de multiples menaces

qui se sont manifestées ici et là. Ces multiples menaces combinées

souvent à un milieu physique très Hostile ont développé dans les

sociétés négro-africaines un fond penchant communautaire. C’est

pourquoi il s’est développé en un même temps une forte discipline

du groupe qui s’est généralement appuyée sur le système de

croyance pour formuler des règles permissives et prohibitives.

Celles-ci étaient placées sous la surveillance des anciens. Nous

allons examiner successivement la primauté du groupe et le poids

des systèmes de croyance sur le droit.

Dans son ouvrage intitulée « la Philosophie Bantou » le révérant

Père Tempems a écrit au sujet des bantous que : « l’homme

n’apparait jamais comme un individu isolé comme une substance


indépendante ». Il ajoute que « tout homme, tout individu constitue
le maillon d’une chaine ».
Dans la même direction Guy Atite Kauassidan a écrit que «l’homme

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est l’expression d’un groupe ».
Cela signifie que l’individu se trouve assujettir à un groupe qui

assure la sécurité qui lui permet de jouir de sa liberté. Mais les

intérêts de l’individu passent après les intérêts de la communauté.

La prépondérance du groupe peut être annulée par rapport à la

prédominance de la famille dans le mariage et les relations aux

personnes et ensuite dans l’appropriation lignagère des moyens de

production.

Le mariage dans les sociétés négro-Africaines se situe au carrefour

du secret et du profane. C’était le moyen légal de procréation et de

renouvellement du groupe. C’est la raison pour laquelle, le groupe

familial était l’acteur principal de la formation du mariage.

Il contribue ainsi fortement à la sécurité de la relation matrimoniale.

Le groupe familial intervenait dans la formation du mariage et dans

les effets de celui-ci pour la conclusion du mariage. La famille était

présente aussi bien dans les négociations que dans le versement

de la contrepartie appelé la dote.

Le mariage en Afrique est une affaire de groupe, une affaire de la

communauté, une affaire de lignage avec la prééminence des

familles.
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Le mariage est conclu entre autorités familiales des autres

prétendants. C’est en effet une autorité familiale qui s’adresse

obligatoirement à une autre autorité familiale en vue de la

conclusion du lien matrimonial. Le futur époux verra toujours sa

demande prise en charge par l’autorité de sa famille pour éviter les

mésalliances, les deux parties sont représentées par l’autorité

familiale. Il s’agissait donc de placer l’acte juridique fondamental

au-dessus de tous les aléas.

Il faut conjurer tout malentendu dès le départ. L’individu voit sa

longévité relative. Le lien conjugal est pris en charge par le groupe.

Pour ce qui concerne la future épouse l’implication de l’autorité

familiale signifie qu’elle est consentante et elle garantit les effets.

Il y a également le versement de la dote pour parachever le contrat

de mariage. La dote est également une affaire de famille. Elle est

une condition obligatoire pour la conclusion du mariage. Elle est la

preuve que les deux familles sont consentantes pour la conclusion

du lien matrimonial.

L’implication du groupe familial dans la libération de la dote est

également une garantie de la solvabilité de la famille d’en face mais

aussi celle-ci permet d’assurer en parti les moyennes économiques

du mariage.

La présence de la famille ne s’arrête pas seulement à la formation


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du lien juridique. La solidarité familiale continuait dans la vie du

couple.

L’époux décédé, la veuve et l’orphelin continuent d’être pris en

charge par la famille de l’époux prédécédé. L’intervention du

groupe familial dans la formation du lien matrimonial se poursuit

également juste dans ses effets y compris au décès de l’un des

époux. Au-delà des proclamations solennelles, c’est ici que les

époux entrent véritablement dans le mariage pour le meilleur et

pour le pire. C’est tout le sens du lévirat et du sororat.

L’institution du lévirat signifie que lorsque le mari décède

prématurément, il lui était substitué par son jeune frère dans les

fonctions d’époux.

A l’inverse lorsque l’épouse décède prématurément, la technique

du sororat permettait de substituer à l’époux sa sœur pour la

poursuite de la relation conjugale.

Par ces deux techniques, il était recherché la sécurité du conjoint et

celle de l’orphelin. C’est ce qui explique la grande stabilité du

mariage africain et l’implication de la cellule familiale assurée à

celui-ci toute la sécurité requise.

L’intervention du groupe familial se situe également dans

l’appropriation des moyens de production.

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En droit traditionnel africain, deux idées essentielles reviennent :

l’homme est né de la terre et il retourne à la terre. La terre est pour

l’homme une mère nourricière. Il en résulte si la terre est un

« bien » elle n’est pas un bien ordinaire. Cela s’explique aussi bien

par son statut culturel que par son statut social. Ce sont ces raisons

qui expliquent et justifient à la fois que des règles exorbitantes de

droit commun lui sont appliquées.

Au plan culturel, la terre est considérée dans certaines sociétés

ouest africaines comme une divinité. L’homme vient de la terre qui

lui procure ses moindres subsistances. Elle offre à l’homme sa

dernière demeure La terre dans cette société est un moyen de

dominance socio politique. Ceux qui ont constitué les patrimoines

qu’on appelle des « lamane » chef les wolofs au Sénégal ont acquis

toujours des lois économiques qui les permettent d’assurer une

certaine domination sur la société.

Plusieurs techniques sont utilisées pour la conquête de la terre.

C’est le cas par exemple des feux de brousse allumés, de l’activité

de défrichage entre autres. Ce sont ces techniques qui justifient les

droits des descendants de ces maitres des terres d’assurer une

certaine domination sur la société. La terre en Afrique est assurée

en principe d’exo intransmissibilité c’est-à-dire qu’on ne commerce

pas de façon habituelle la terre. Les règles de droit commun en


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matière de succession de bien ne sont pas appliquées à la terre. La

transmission de la terre se fait exclusivement entre les mâles et en

respectant le principe de la primogéniture, le principe de la

masculinité et droit d’ainesse.

Dans les sociétés negro africaines, les droits communautaires

collectifs prédominent sur les droits individuels. La communauté

l’emporte sur l’individu et suivant cette logique il y a en Afrique une

sorte de cohésion de trois mondes: le monde des anciens, le

monde du présent et le monde de l’avenir.

C’est tout le sens du « Souffle » de BIRAGO DIOP. C’est à dire que

les relations juridiques fondamentales en Afrique sont fortement

en perte de croyances religieuses. C’est La prédominance du sacré

dans les systèmes juridiques.

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.

Dans les sociétés negro africaines les morts sont des sujets de

droit ainsi écrivait le président Keba Mbaye en 1975. Il faut ajouter

que dans la tradition africaine les morts sont censés réincarner

dans la descendance. Ce système de croyance imprègne le droit

traditionnel africain. Cette situation peut être appréhendée aussi

bien par rapport à la place du juge dans la tradition negro africaine

que par rapport au système de preuve.

Dans la tradition negro africaine, le juge est un patriarche. Ce statut

de patriarche qui lui confère le privilège de trancher les litiges entre

les sujets de droit. Il représente également le roi au niveau local. Il

intervient à plusieurs niveaux. Tous ces niveaux de juridictions

s’appuient sur le système de croyances. Le patriarche tient son

statut de son Age, de ses relations avec les anciens dont il est le

plus proche de tous. C’est pourquoi il initie la population au

système de croyances et c’est celui qui entre en communion avec

le monde des anciens lorsqu’un conflit éclate. Pour prévenir le

conflit, le patriarche fait jouer sa sagesse en insistant sur la force de

la parole. Le juge est choisi généralement en milieu local pour sa

connaissance du droit traditionnel, du droit des anciens. Toujours

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en matière judiciaire, il joue le rôle du conseiller du roi. A l’intérieur

de la famille, il joue le rôle d’assistance, de conseil, de représentant

de celle-ci en cas de conflit. Dans les sociétés negro africaines,

l’instance comporte toujours une dimension mystique, un aspect

sacré qui influence la dimension juridique. Le juge doit être dans ce

contexte une « grosse tête ». Le juge se distingue par son pouvoir

cosmique son pouvoir sacré. Par exemple chez les Soninké, chez

les Mossies et dans beaucoup de sociétés africaines, le roi est

considéré comme un « magicien ». C’est pourquoi il peut rétablir le

fonctionnement de la société. Sa dimension mystique triomphe

toujours sur les protagonistes. Par rapport à la loi, il s’agissait une

pratique religieuse en Afrique de l’ouest. Lorsque le roi décède la

société est amenée à fonctionner momentanément en sens inverse

en violation des règles un désordre accepté s’installe en attendant

la prise de fonction du nouveau chef : on parle d’inversion sociale.

Voyons par exemple le système de preuve dans les sociétés negro

africaines.

Prouver c’est faire connaitre la vérité. En droit traditionnel africain,

la manifestation de la vérité à travers la preuve a toujours été une

préoccupation. L’infraction dans ces sociétés a toujours été

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sanctionnée mais la sanction suppose l’existence d’éléments de

preuve. Cette justice n’est pas expéditive, elle n’est pas sommaire.

Le principe de la présomption d’innocence existe mais ce principe

n’est pas irréfragable. Elle est simple lorsque les fondements des

sociétés sont menacés comme dans le cas du meurtre. La vérité

doit toujours être prouvée. Il faut examiner successivement la

charge de la preuve et les moyens de preuve.

Toutes les infractions qui tentaient à saper les fondamentaux sont

appelées infractions capitales. On peut citer parmi celles-ci : le

meurtre, l’anthophage, l’adultère et le vol. Il faut déduire de cette

énumération que la fidélité conjugale, le droit à la vie, le droit à

l’intégrité physique et morale, le droit à la santé sont considérés

dans les sociétés en question comme étant des droits sacrés, des

droits fondamentaux, des droits naturels et par conséquent

intransmissibles, insaisissables, incessibles, imprescriptibles. En

conséquent, ils doivent être protégés par la société. C’est pourquoi

lorsqu’il y a de forte présomption d’atteinte à l’un de ces

quelconques droits, lorsqu’il y a suffisamment d’indice de réalisation

d’une infraction en rapport avec l’un de ces droits, il y a nécessité

d’administrer la preuve pour la production de la vérité et permettre à

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la société de continuer sa vie normale. Le suspect doit démontrer

son innocence, il doit se laver de tout soupçon dirigé contre le

groupe. La société elle-même a intérêt à la manifestation de la

vérité pour conjurer une certaine tension sociale en l’air. Et la

tradition est de faire recours à un devin qui se chargera une fois le

serment prêté de débusquer le mensonge.

Les moyens de preuve reposent essentiellement sur le système

des oralités. Il s’agit d’un recours à des pratiques magiques, des

épreuves magiques devant conduire à la manifestation de la vérité.

Ces pratiques sont appelées des ordalies.

Les ordalies consistent en un test sur une preuve magique dont le

but est de faire triompher la vérité.

En côte d’ivoire, par exemple, il fallait faire ingurgiter au suspect de

la poudre de bois rouge pour l’amener à vomir la vérité.

En matière de vol, par exemple, le suspect devait plonger sa main

dans de l’huile bouillante.

Au Sénégal en cas de soupçon de pratique adultérine, il était

pratiqué l’épreuve du fer rougi au feu à mettre au contact avec

l’organe incriminé.

La brulure qui s’en suit, la mort après l’absorption de la substance

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rouge, la noyade après immersion dans un cours d’eau sont

considérés comme la démonstration de l’accusé ou le suspect.

L’incantation et le rite occupent une place centrale dans ce

système. Il a également des pratiques magiques tentant à

provoquer la flagrance. Il ne s’agit pas donc de preuve par écrit, de

témoignage, d’aveu, de serment et d’une manière générale de

preuves qualifiées parfaites ou imparfaites en droit moderne. Il

s’agit plus tôt de l’utilisation de procédés surnaturels devant

permettre de faire jaillir la lumière. Il s’agit de preuves irrationnelles

qui ne valent que par rapport aux systèmes de croyances locales.

Le droit traditionnel africain présente en Afrique occidentale

particulièrement beaucoup de ressemblance avec la primauté du

groupe dans le mariage et les relations des personnes dans la

conception du droit de la terre et de la conception de la justice. Il

s’agit de ressemblance de fond mais il y a d’autres ressemblances

par rapport de la procédure de création des règles.

Il s’agit des traditions ancestrales transmis oralement qui sont les

similitudes de forme.

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En Afrique noire, il y a une civilisation de l’oralité. Le savoir se

transmet oralement. Le droit n’est pas écrit. Il résulte un ensemble

de pratique héritée aux ancêtres qui s’installe dans le temps et se

transmet oralement. Cette situation a conduit les pouvoirs politiques

coloniaux à considérer ce droit comme inferieur par rapport au droit

écrit de l’occident considéré comme supérieur.

Depuis le 18e siècle, il est d’une jurisprudence constante de

considérer la séparation des pouvoirs comme un principe essentiel.

Il en résulte alors des organes chargés de légiférer. Dans la

situation en Afrique, les coutumes africaines sont considérés

comme moins importantes que la loi, la doctrine et la jurisprudence

européenne.

Nous allons examiner successivement ce droit d’origine

inorganique et l’oralité juridique.

Dans les sociétés negro africaines, le pouvoir de légiférer

n’appartient pas à un seul individu ni à une assemblée spécialisée

ni à un parlement comme dans les démocraties modernes.


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Le droit dans ces sociétés est une configuration des traditions

ancestrales. La constitution de ce droit, sa longévité, sa pertinence

et la massivité de son application constituent une source

d’obligation pour la génération à venir ce qui lui donne une véritable

force obligatoire pour les générations suivantes. Les considérations

qui précèdent laissent entendre que la tradition africaine se

présente comme un ensemble de règles intangibles, inertes

toujours tournées vers le passé. Bien au contraire, il s’agit de règles

qui bougent, qui changent, qui évoluent.

Pour comprendre cette situation il faut analyser l’ancienne de la

coutume son caractère novateur et enfin sa nécessaire soumission

à un contrôle de pertinence.

Quelle est l’origine du droit dans les sociétés africaines anciennes.

Dans ces sociétés, le droit répond sur des coutumes, sur un

héritage composé à la fois des règles religieuses morales

économiques et politiques. Il s’agit d’un ensemble d’usage de

pratiques, de mœurs transmises de générations à générations et

qui fondent en même temps la vie en communauté. Cette situation

résulte des expériences passées qui ont permis à venir à bout

certaines difficultés qui se sont passées à un moment à la

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collectivité. Effectivement les anciens ont mis en place des

sociétés, forgées des règles à travers des interdictions, des

autorisations, des permissions, facilitées par l’éducation les rites

d’initiateur les tabous. Et la société assure la conformité des

comportements actuels par rapport à l’héritage transmis. C’est dans

ce sens qu’il faut comprendre le rôle prééminent régulateur social

qui revient aux anciens. Ces derniers assurent la stabilité juridique

en veillant à l’adéquation entre comportement individuel et tradition

ancestrale. Ainsi compris, la tradition africaine reste statique il n’y a

aucune place à l’évolution, elle est immuable. Bien au contraire, la

tradition est capable de s’incorporer de nouveauté.

Voyons à présent le caractère novateur du droit traditionnel.

Le droit traditionnel africain est novateur. L’innovation y est même

un présupposé dans la mesure où chaque génération est l’ancêtre

de l’autre. C’est pourquoi il lui revient le devoir de forger la pratique

ancestrale du futur. En vérité dans ces sociétés, le droit nait,

s’adapte, se transforme et même disparait par l’usage ou non

usage. Ne sont admises que les transmissions qui s’imposent par la

force du temps. L’innovation pour être acceptée ou accédée à la

postérité a besoin de la garantie du temps. C’est pourquoi cette

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épreuve du temps écarte les innovations accidentelles ou

contingentes et c’est ça qui les notes dans le processus et c’est

pourquoi également de mettre une date sur l’apparition d’une

coutume des processus économiques sociaux politiques amené

inévitablement des transformations que au Sénégal les wolof

appellent « thiossane ».

La tradition ancestrale est un ensemble d’invention devant provenir

des acteurs sociaux significatifs. Ce sont les milieux sociaux de

références qui peuvent prendre en charge les éléments de

nouveautés. Par exemple dans l’ancien empire du Mali au 14e

siècle, il fut introduit la dévolution du pouvoir de père à fils.

Egalement la tradition ancestrale a entrainé l’adoption de la dote à

la situation de l’économie monétaire pendant la colonisation. En

effet la monétarisation de l’économie a entrainé en même temps

celle de la dote.

Contrairement aux apparences, la coutume ne s’oppose à

l’évolution seulement, elle exige un contrôle de pertinence ELIAS

TASLIM OLAWALE, en ce qui concerne le droit coutumier, pense

qu’il s’agit d’un héritage partant de génération en entière qui ont fait

la part des bons et de mauvais usages. La tradition ancestrale n’est

adoptée que lorsqu’elle est empreinte de vertus. Pour vérifier cela il

faut faire une confrontation entre la tradition au niveau de


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conscience et à la demande de progrès des générations à venir. Et

c’est par rapport à l’appréciation du contrôle de qualité de cette

règle que les générations se reconnaissent le pouvoir de la

réajuster de la repenser de la reconsidérer en fonctions des

évolutions du moment. Par exemple l’excision est aujourd’hui

prohibée avec des législations qui la pénalisent mais elle n’en

continue pas moins d’être pratiquée. Le mariage endogamique est

la règle dans les sociétés précoloniales, aujourd’hui elle est

fortement concurrencer par le droit post coloniale après avoir subi

les agressions du droit colonial. Pourtant, il y a encore des unions

entre cousins qui semblent conservées leurs bienfaits.

Il faut mentionner ici le pouvoir d’abrogation que ce qui

reconnaissent les générations par rapport au droit traditionnel

lorsqu’une coutume n’est plus adoptée aux forces sa force

obligatoire se réduit progressivement et tend à son abrogation par

le non usage. Nous pouvons retenir que la coutume fait l’objet

d’une mise à jour permanente.

En dehors de son caractère inorganique le droit traditionnel se

présente également comme une règle orale.

Un magistral colonial français du nom ANDRES PIERRE ROBERT a soutenu


qu’il est traditionnellement fait l’opposition en Europe entre les droits
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écrits des pays de cultures latines et les droits coutumiers des pays

anglo-saxons. Pourtant parlant de l’évolution des coutumes Africaines

sous l’effet de la législation française, le même magistrat a vu dans


l’oralité de l’Afrique les traits de certaines infirmités. Rappelons tout
simplement que l’Afrique de l’ouest de la période des grands empires du

Soudan occidental (à savoir le Ghana, le Mali, le Songhaï) a


développé de grands ensembles politiques ayant favorisé des échanges
commerciaux entre eux. Contrairement donc à la position de ce magistrat
colonial on peut effectivement soutenir que l’oralité juridique n’est pas
une limite pour ces sociétés. Les sociétés negro africaine sont donc des
sociétés qui ont su élaborer des règles pour rendre la vie en société
possible. Cette règle a seulement été confiée au groupe et procède de la
commémoration et de la commémoralisation. Effectivement dans les
sociétés considérées le savoir se transmet de bouche à oreille et le chef
de famille est le porte-parole de celle-ci. Amadou hampathe Ba a dit « un

vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle » il faut

comprendre par la que c’est le chef du lignage qui sait les jours

fastes et les jours néfastes. Le chef de lignage est aussi le chef de

cérémonie il organise aussi bien la notification quand il s’agit « des

relations bilatérales » que la publicité des actes et faits juridiques

ayant une portée extra lignagère. Le baptême et le mariage par

exemple sont des occasions de grandes affluences humaines

institutionnalisées. Il y a des célébrations obligatoires qui permettre

aux sociétés de faire enregistrer les situations juridiques nouvelles.

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Il s’agit d’ouvrir les portes du champ juridique aux effets indus du

mariage par exemple ou encore du baptême. Il y a un état civil non

écrit, il y a un registre ou sont répertoriés les créanciers et débiteurs

en matière de droit des obligations ou dans le cadre des relations

entre parents et enfants par rapport à la créance portant sur les

éléments c’est le cas également des obligations en matières

conjugales. La notoriété qui entoure les situations juridiques

fondamentales fait de la société la gardienne de celle-ci. Il faut

également parler du principe du respect de la parole donnée. Il faut

dire la place centrale occupée par la parole donnée dans les

sociétés negro africaine. Ici la confiance occupe une place

particulièrement importante dans les humaines même si par ailleurs

les suretés des voies d’exécution y sont très développées. Il s’agit

de la garde des objets personnels pour attester d’un engagement

pris. Les sociétés negro africaine organisent la vie juridique pour

permettre une vie sociale paisible une société réconciliée avec elle-

même. Il s’agit de revenir à tout moment au fonctionnement normal

de la société. Il y a également un ensemble de sanction

judicieusement organisé pour ramener le délinquant à la raison.

Ces sanctions se composent entre autre du bannissement, de

l’ostracisme, de la violence concertée, de la violence physique. La

loi prend en compte son contexte, elle n’est pas rigide, elle n’est
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pas immuable. L’oralité de la loi confère a celle-ci une grande

souplesse et aux hommes une grande liberté. Seulement la liberté

ici n’a de sens que par rapport à la communauté et à l’intérieur de

celle-ci. Il nous faut voir le passage du droit traditionnel africain au

droit coutumier colonial avec l’avènement d’une société

individualiste, d’une économie de marché et c’est à partir de ce

moment-là qu’il a été nécessaire de reconsidérer la place de

l’homme dans la société et de repenser la relation entre l’homme et

le droit.

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L’Afrique noire a été considérée par la doctrine française au moins

jusqu’à la fin du 19e siècle comme une table rase. Parmi les grands

auteurs de ces doctrines on peut notamment citer Arthur Girault à

travers son ouvrage « principes de colonisation et de législations

coloniales ». C’est cette idée de table rase qui est à la base de la

promulgation du code civil en 1830. L’idée de la table rase est

également à la base de la politique française dite d’assimilation.

Cette idée de la politique d’assimilation n’a pas tardé à devenir la

pièce maitresse de la période coloniale en Afrique. Mais il s’est

imposé également les coutumes indigènes à Saint Louis du

Sénégal.

C’est cette situation, cette nécessite de respecter les coutumes

indigènes et cette politique d’assimilation qui ont obligé le

colonisateur à prendre en compte une véritable « Afrique

juridique ». Dans ce sens, il a été créé des tribunaux indigènes et

des tribunaux musulmans. Il faut souligner par ailleurs que même si

le principe du respect des coutumes indigènes a été le fil

conducteur de la politique coloniale. Celui-ci s’est accommodé de

beaucoup de tempéraments. Ce sont ces tempéraments qui ont

débouché progressivement sur un mauvais droit dans les colonies

françaises. Ce nouveau droit se situe au carrefour du droit


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traditionnel africain et du droit civil français. C’est ce droit qu’on

appelle droit colonial. Nous allons présenter successivement le

contexte colonial de ce droit (section 1) et le droit coutumier par ce

contexte (section 2).

L’idée de respecter les coutumes indigènes est une pure invention

des administrateurs coloniaux. Ce sont ces derniers qui se sont très

tôt rendu compte que l’application des principes du code civil

pouvait gérer considérablement l’entreprise coloniale. C’est la

raison pour laquelle, ils ont pensé et fait du principe du respect des

coutumes indigènes un principe essentiel de la politique coloniale

en Afrique. Cependant ce principe est assorti de nombreuses

exceptions.

le principe colonial du respect des coutumes indigènes est en


contradiction avec la doctrine française classique. Cette dernière
consacrée plutôt le principe de l’assimilation indigène. Mais au lendemain
de la deuxième guerre mondiale l’impuissance coloniale européenne
s’était largement étendu autour de la nécessité de respect les coutumes
indigènes. Il s’agissait de tenir compte du développement mental et social
des populations africain comme cela avait été arrêté à l’institut colonial
international. Cette puissance coloniale était à la recherche d’une bonne
articulation de la politique coloniale. Nous allons présenter
successivement la naissance du principe et la consécration européenne
de celle-ci.
BABACAR DIOP
I.
La naissance du principe du respect des coutumes indigènes va être analysé à travers la création le Tribunal
musulman de Saint-Louis le décret 18 novembre 1903 portant réorganisation de la justice indigène et enfin
la consécration doctrinale du principe.

La création de tribunaux musulmans notamment le tribunal musulman de Saint Louis remonte aux
différents requetés adressés par les saints louisiens à l’autorité coloniale entre 1832 1987. Ce tribunal a à sa
tête un CADI avec un suppléant et un greffier. Le Cadi est nommé par le gouverneur Faidherbe. Le premier
Cadi s’appelle Hamat Ndiaye Alle. De nombreuses pétitions entre 1832 et 1837 furent adressées à
l’administration coloniale en vue de la création de cette juridiction. Dans cette voie l’arrivée du gouverneur
Faidherbe ainsi que la création de tribunaux musulmans en Algérie représentent les étapes importantes. La
combinaison de ces deux facteurs et parmi tant d’autres a permis la création de cette juridiction par un
décret du 20 mai 1857. Ce texte enlevé à l’empire du Code Civil et aux juges français toutes les questions
relatives au statut personnel. Dans cette même logique des tribunaux ont été créés à Dakar et à Rufisque à
partir de 1905.
En plus des tribunaux musulmans, il a été créé des tribunaux indigènes (décret du 20 novembre 1903).

Les tribunaux indignes ont été créés par un décret du 10 novembre 1903. Il s’agit des tribunaux de village,
de provinces, de cercles le tout coiffés par la COUR d’APPEL de l’AOF. Il s’agissait à travers cette démarche
d’assoir une justice économique même s’il fallait tenir dans une étroite confusion les fonctions judiciaires et
exécutives. Le prétexte d’une telle confusion était que les indigènes n’avaient aucune notion de la
séparation des pouvoirs. Selon l’article 46 du décret du 10 Novembre 1903 « dans les territoires non
compris dans les ressorts des tribunaux de premier instance de la justice de paix de Kayes la justice
indigène est administré à l’égard des individus non justiciables des tribunaux français par des tribunaux de
village des tribunaux de provinces et des tribunaux de cercles ». Pour mieux comprendre le principe du
respect des coutumes indigènes, il faut combiner ce texte à l’article 75 du décret. Cet article dispos que « la
justice indigène appliquera en toute matière les coutumes locale en tout ce qu’elles n’ont pas de contraire
au principe de la civilisation française. Et dans les cas où les châtiments corporels seraient prévus, il leur
sera substitué de l’emprisonnement.» Les administrateurs coloniaux ont pensé d’avoir supprimer les
tribunaux musulmans en confiant leurs attributions aux tribunaux indigènes. Mais en 1905 ces tribunaux
musulmans furent rétablis. Et au début du 20e siècle, il y avait une dualité judicaire une justice dual c’est-à-
dire une justice pour les français et une justice pour les indigènes. Ces deux types de justice étaient
accompagnés de façon exceptionnelle d’une justice musulmane.
Le principe du respect des coutumes indigènes a également mobilisé la doctrine française de l’époque.

La consécration doctrinale du principe

La doctrine coloniale française s’est donné à cœur joie dans le principe du respect des coutumes
indigènes forgé par les administrateurs coloniaux. Il a fallu mettre à contribution la communauté
scientifique française. Cette garantie est venue des professeurs de droit qui se sont engagés dans la
défense du principe notamment avec l’adoption de la loi Blaise Diagne de 1916. Conformément à cette
loi, les natifs des trois communes de pleine exercice et leurs descendants sont et demeurent des

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citoyens français soumis aux obligations militaires. L’application du Code Civil, des indigènes avait créé
une situation difficile aux pouvoirs publics coloniaux. Elle consistait à la fin de la réquisition des vins, la
fin des corvées, la fin du travail obligatoire, la fin du travail obligatoire, la fin du portage. Une telle
situation devait conduire à la fin de la colonisation. Henry Solis a soutenu que le principe du respect
des coutumes indigènes est de bonne politique donc il fallait promouvoir les tribunaux indigènes et
songer à rédiger les coutumes et envisager l’assimilation à long terme. Le professeur Solis a exposé les
raisons du principe, les exceptions et en a conclu que la domination était légitime. Il en a relevé des
raisons d’ordre psychologique religieux politique et social.
Le principe du respect des coutumes indigènes a permis de neutraliser l’ingérence intempestive des
technocrates parisiens dans les questions indigènes présentées comme une affaire de spécialité.
Ainsi on était créé non seulement des lois assimilatrices mais aussi les constitutions françaises des 3 et
4 républiques ont décrété la pluralité des statuts. Voyons en présent le principe du respect des
coutumes indigènes dans l’ordre international

Au plan européen, il a été créé à Bruxelles en 1893 l’institut colonial international composé des Etats
coloniaux en vue d’une harmonisation des politiques. Ainsi en 1913 à Londres il a beaucoup été question
des décisions à prendre pour obtenir la collaboration des chefs indigènes. A la session de Bruxelles de 1920
le même thème a été débattu sous la conduite de l’Angleterre conformément à sa politique
d’administration indirecte. A Paris en 1921 il s’est agi en politique coloniale par rapport aux USA et aux
coutumes indigènes. Le professeur Maurice DE la Fosse pour le compte de la France pensait qu’il fallait
respecter les coutumes à l’exception des coutumes barbares. Il en outre que la France devait rester la tête
penchant et les indigènes les ouvriers de la postérité coloniales. La conférence de Paris a fait 4
recommandations respecter les coutumes indigènes, ne pas les codifier mais les rédiger, abroger les
coutumes barbares et enfin promouvoir l’évolution de la pratique judicaire indigène.

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