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République Tunisienne

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Université de Sousse
Faculté de droit et des Sciences Politiques

MÉMOIRE
EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE MASTÈRE DE RECHERCHE EN
DROIT PRIVÉ

Le mariage mixte en droit


international privé tunisien
Elaboré par Directeur de recherche
Marwa BEDOUI Pr. Nabil BEN AICHA

Membres du jury

Président :…………………………
Membre : Pr. Nablil BEN AICHA
Membre : ………………………...

Année Universitaire : 2017-2018


REMERCIEMENTS

J’adresse mes sincères remerciements et ma vive


reconnaissance à toutes les personnes qui ont contribué à la
réalisation de ce mémoire.

Mes remerciements vont en premier lieu à mon


directeur de mémoire Monsieur le professeur Nabil Ben
Aïcha, pour le précieux temps qu’il m’a accordé pour la
mise en œuvre de ce travail. Tout au long de ce travail il a
su concilier rigueur et bienveillance. Je lui suis
profondément redevable de m’avoir transmis le goût du
droit international privé.

Je souhaite également remercier les membres de mon


jury de soutenance d’avoir bien voulu participer à
l'évaluation de ce travail.

Enfin à ma famille dont je lui suis extrêmement


reconnaissante de son aide et de sa bienveillance et
spécialement à mon père de m’avoir toujours soutenu à
travers les épreuves de la vie, d’avoir cru en moi, et de
m’avoir permis de me réaliser.

.
Liste des abréviations

AJT : Actualités juridiques tunisiennes.

BCC : Bulletin des arrêts de la cour de cassation.

CDIPT : Code de droit international privé tunisien.

Civ : Civil.

CSP : code du statut personnel.

J.C.DIP :Juris-classeur de droit international privé.

JCL : Juris-classeur.

JCP : Juris-classeur pénal.

J.C.P : Juris-classeur périodique.

JDI : Journal du droit international.

RCDIP : Revue critique de droit international privé.

RCADI : Recueil des cours de l’académie de droit International De La Haye.

RJL : Revue jurisprudence et législation.

TPI : Tribunal de première instance.


Sommaire

PARTIE I : FORMATION DU MARIAGE MIXTE SUR LE


TERRITOIRE TUNISIEN

Chapitre I : La détermination législative de la loi applicable à la


formation du mariage mixte

Chapitre II : le silence législatif sur la loi applicable à la nullité du


mariage mixte

PARTIE II : CELEBRATION DU MARIAGE MIXTE À


L’ETRANGER

Chapitre I : La transcription des actes de mariages mixtes et des


jugements de sa nullité

Chapitre II : L’appréciation de la validité des mariages mixtes


célébrés à l’étranger
INTRODUCTION

INTRODUCTION

De l’ensemble de ses éléments, l’étude du mariage mixte en droit


international privé offre au juriste un prisme de richesse exceptionnelle à travers
lequel il est habilité à observer la confrontation des divergences des droits
internes en la matière. Sous l’effet de l’accroissement du phénomène migratoire,
le droit international privé tunisien est appelé dans le cas du mariage mixte à
faire vivre l’ensemble des systèmes qui ne partagent pas la même conception du
mariage1.

La notion du mariage mixte étant polyvalente, des études sociologiques le


considèrent comme« l’union conclue entre personnes de religions, de couleurs,
de nationalités ou d'origines ethniques différentes»2. D’autres, le limitent aux
unions inter-ethniques, inter-religieuses ou « inter-culturelles »3. Ces définitions
renvoient à la complexité de la notion de mixité dans le mariage ; une
complexité issue des différentes combinaisons possibles de cette catégorie.
Ainsi selon certains « ce qui fait la catégorisation d’un type de mariage comme
mixte est le traitement spécifique des mariages qui relèvent de cette
catégorie »4 ; une spécificité qui trouve place dans les législations
contemporaines.

Dans un contexte d’étude privilégié au droit international privé seul le


critère de nationalité est retenu dans la notion de mixité. Ainsi le mariage mixte

1
Bostanji (S), « Le droit international privé de la famille à la croisée des chemins », in. Actualités du droit
international privé de la famille en Tunisie et à l’étranger, LATRACH EDITIONS, 2015, p.11.
2
Bensimon (D) et Lautman (F), Bibliographie des mariages mixtes, volume 4, Ethnies, 1974, p. 149-178.
3
Barbara(A), Le mariage interculturel: modèle type matrimonial, Thèse de doctorat, 1987, Paris V Sorbonne,
p.692 ; Streiff-Fénart (J), « Problèmes de terminologie et ambiguïté de la notion », in Cultures croisées : du
contact à l’interaction : Actes du colloque de l’ARIC, vol. 2, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 226-232; Varro (G), « Sur
la construction de l’objet “mariage mixte” », in Cultures croisées : du contact à l’interaction : Actes du colloque
de l’ARIC, vol. 2, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 213-219.
4
Streiff-Fénart (J), « Sauver la face et réparer l’offense : le traitement rituel des mariages mixtes dans les
familles maghrébines immigrées », Approche pluridisciplinaire des couples binationaux, Éditions universitaires
de Fribourg, 2000, p. 173-189.

1
INTRODUCTION

est considéré comme étant l’union entre un homme est une femme de
nationalités différentes.

Dès lors, il a fallu prendre en considération l’élément d’extranéité dans la


formation de ce rapport de droit qui se réfère au mariage entre un national et un
étranger ou entre deux étrangers de nationalités différentes, et élaborer un
régime spécifique pour régir le mariage mixte.

Appréhendé sous l’angle d’un contrat, le mariage est perçu comme un


élément indispensable pour accéder à la vie en société en droit tunisien. Par
conséquent, cette étude est centrée sur le premier aspect de ce concept qui est la
formation du contrat de mariage mixte. Ainsi, l’élaboration d’un régime
spécifique à la formation du mariage mixte relève de la compétence du droit
international privé tunisien qui vise à faire « vivre ensemble des systèmes
juridiques différents, parce que des relations se nouent entre les personnes, qui
par elles-mêmes, leurs biens ou leurs actes, relèvent de systèmes différents »5et à
déterminer la loi applicable à la formation, aux effets et à la dissolution de ces
rapports de droit.

Partant, les règles de droit international privé « ont pour objectif d’assurer
une harmonie internationale et une prévisibilité des solutions »6. Ainsi un
mariage mixte valablement conclu sur le territoire tunisien, devrait-il être
légitimement reconnu ailleurs.

La théorie générale classique du droit international privé tunisien repose


sur la distinction entre les règles de conflit de lois et les règles de conflit de
juridictions ; les règles de conflit de lois visent à déterminer la loi applicable au
problème juridique litigieux alors que les règles de conflit de juridictions

5
Batiffol (H), Aspects philosophiques du droit international privé, Réimpression de l'édition de 1956, Dalloz,
2002, p. 16, n°5.
6
Escudey (G), Le couple en droit international privé : Contribution à l’adaptation méthodologique du droit
international privé du couple, thèse, Bordeaux, 2016, p.19.

2
INTRODUCTION

permettent de déterminer le juge compétent pour trancher le litige ainsi que les
conditions de reconnaissance de la décision rendue par celui-ci7.

Affectant l’état des personnes, le mariage a très vite été considéré comme
faisant partie du statut personnel. Et, s’agissant d’une catégorie dans laquelle la
personne est « directement mise en cause »8, le statut personnel a été rattaché à
la loi nationale en droit international privé tunisien.

La prééminence du rattachement à la loi nationale dans les matières qui


relèvent du statut personnel, tel le mariage, exprime l’histoire propre du système
juridique tunisien de tradition personnaliste.

En effet l’histoire tunisienne des règles de conflit de loi régissant le


mariage mixte est récente par rapport à l’histoire européenne. Le droit
musulman, diversifié par rapport aux rîtes et écoles juridiques ne pouvait
soulever la question de la loi applicable à la formation du mariage mixte même
dans un contexte de conflits interpersonnels où la mixité conjugale est fondée
sur un critère de religion. Les enjeux sont bien connus et les solutions bien
maîtrisées; toutes les religions monothéistes prohibent le mariage mixte
interreligieux9.

Le cloisonnement des communautés conduit à une pluralité de


juridictions qui ont chacune ses propres lois. Cette situation perdure sous le

7
Mayer (P), La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, Dalloz, 1973 ; Mezghani (A),
commentaires du code de droit international privé, CPU, 1999.
8
Mayer (P) et Heuze (V), Droit international privé, Domat droit privé, Montchrestien, 11ème éd., 2014, p.367.
9
Pour le Judaïsme le mariage inter religieux est interdit pour l’homme et la femme, pour le Christianisme
l’interdiction remonte à Grégoire XVI dans sommo Lugiter studio, pour la loi Islamique il est interdit à la femme
musulmane d’épouser un non musulman (Coran 60 ; 10), mais l’homme peut épouser une femme de religion
monothéiste (Coran 2 ;221).

3
INTRODUCTION

régime capitulaire10où les rapports mixtes entre étrangers de nationalités


différentes relevaient de la compétence des consuls et ambassadeurs étrangers11.

En principe, les litiges qui mettaient en cause un musulman ou un national


étaient de la compétence exclusive des tribunaux nationaux, cette compétence
fut retirée des juridictions locales après l’installation du protectorat français. Les
tribunaux français de Tunisie étaient compétents pour les litiges civils entre les
étrangers de différentes nationalités et entre un national et un étranger.

En effet, lorsque le rapport de droit est international c’est la règle de


conflit de loi française qui est applicable, ce qui explique pourquoi la question
de conflit de loi n’a jamais été posée aux tribunaux religieux malgré l’usage de
la nationalité comme rattachement en matière de statut personnel. De plus, Faute
de loi tunisienne unifiée, aucune solution donnant compétence à la loi
territoriale, comme la règle locus regit actum pour la forme du mariage mixte,
ne prouvait recevoir application ; « la forme du mariage était en fait soumise à
la loi personnelle et non à la loi du lieu ». 12

Après l’indépendance de la Tunisie, l’unification de la justice et de la


législation fut concrétisée. La première consécration d’une règle de conflit de
lois en matière de mariage mixte a été concrétisée par l’article 4 alinéa 11du
décret du 12 juillet 1956 fixant le statut personnel des étrangers13 qui consacre
l’application de la loi personnelle de chaque époux. Cette disposition se limite à
régir les conditions de fond du mariage mixte, alors qu’une lecture combinée des

10
Les capitulations sont des pactes ou traités internationaux conclus entre Etats souverains, la capitulation de
er
1535 entre François I et le sultan ottoman Soliman entre en vigueur en Tunisie lorsque celle-ci est devenue
une province turque en 1574 ; Nizard (M), Le droit international privé tunisien en matière de statut personnel,
thèse, Paris, 1968, n°17.
11
Selon des traités signés par la Tunisie et qui accorder compétence exclusive au consul pour les litiges civils,
comme le traité tuniso-anglais du 19 juillet 1875 ;
12
Mezghani (A), Droit international privé : Etats nouveaux et relations privées internationales, Cérès
Productions, 1991, n° 162 p.67.
13
Le décret du 12 juillet 1956, JORT du 13 juillet 1956, p.987, abrogé par la loi n° 98-97 du 27 novembre 1998,
portant promulgation du code de droit international privé.

4
INTRODUCTION

articles du code du statut personnel14 et de la loi du 1er août 1957 réglementant


l’état civil15 induit que la forme du mariage mixte est régie par la loi du lieu de
célébration. Le code de droit international privé tunisien reprend clairement les
mêmes solutions consacrées en la matière.

A priori la formation du contrat de mariage mixte ne relève pas


exclusivement de la méthode conflictuelle ; et les nombreuses questions sous-
jacentes sont résolues sans recours au juge, cependant, des difficultés sont
susceptibles de se présenter sous différents angles.

Dans un premier temps, le droit désigné par la règle de conflit n’est pas
toujours en harmonie avec l’ordre interne tunisien et l’oblige à faire appel au jeu
de l’ordre public. Ce qui n’est pas toujours évident face à l’ambiguïté du
système laïc tunisien qui ne saurait se détacher d’une certaine conception
religieuse sur certains éléments du statut personnel.

Telle l’interdiction relative au mariage d’une musulmane avec un non-


musulman. Cette question d’actualité suscite un intérêt grandissant de la part des
défenseurs des libertés individuelles et de l’égalité entre l’homme et la femme
dans le mariage mixte mais aussi dans le droit successoral. Ces derniers
appellent à la concrétisation du principe d’égalité mentionné dans la constitution
tunisienne16 de 2014 et affirmé par des conventions internationales ratifiées par
la Tunisie tel la CEDEF17, dans le but de réduire les discordances entre les
niveaux international et interne.

14
Décret du 13 août 1956, portant promulgation du code du statut personnel, JORT, n°104 du 28 décembre
1956.
15
Loi n° 57-3 du 1 er août 1957, réglementant l’état civil, JORT, n°2 et 3 des 30 juillet et 2 août 1957.
16
L’article 21 de la constitution de la république tunisienne, adoptée le 26 janvier 2014, singée le 27 janvier
2014 ; JORT, numéro spécial, 20 avril 2015.
17
La Tunisie ratifie la convention de ‘’Copenhague’’ du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes de (CEDEF ou CEDAW) par la loi n°85-68 du 12 juillet 1985 mais
sous réserve selon laquelle l’Etat Tunisien ne prendrait aucune disposition contraire au premier chapitre de la
constitution de 1956 ; JORT, 12 et 16 juillet 1985, p 919. Mais Récemment, la Tunisie a levé de manière
officielle ses réserves. En effet, dans un document publié par le secrétariat de l’ONU, le 28 avril 2014,
l’organisation annonçait au gouvernement tunisien la levée de toute réserve concernant l’adhésion à la

5
INTRODUCTION

Dans un second temps, l’appréciation de la validité du mariage mixte se


présente dans un contexte litigieux introduit directement par une action en
nullité ; chose qui n’est pas facile ; car, l’action en nullité pour inobservation des
conditions de formation d’un mariage mixte peut déclencher le mécanisme
conflictuel, mais quelle loi appliquer dans un contexte législatif lacunaire en la
matière. Dans la plupart des cas, l’appréciation de la validité du mariage mixte
par le juge tunisien se présente indirectement comme une question préalable
qu’il faut trancher avant de statuer sur l’action principale18.

Force est de constater que dans certains cas le mariage mixte est coupé de
tout lien territorial avec la Tunisie, mais lorsque ses effets sont invoqués en
Tunisie, c’est le droit international privé tunisien compétent pour régir les
mariages mixtes entre un national et un étranger conclu à l’étranger qui a le
devoir d’appréhender les problèmes relatifs à la reconnaissance des effets du
mariage mixte conclus à l’étranger, notamment entre deux étrangers de
nationalités différentes.

Quelles sont, alors, les règles de conflit de lois consacrées par le droit
international privé tunisien pour régir le mariage mixte célébré sur le
territoire tunisien ou à l’étranger ?

C’est précisément au terme d’une réflexion sur la cohérence des solutions


adoptées par le législateur tunisien en matière de mariage mixte, mais aussi sur
la cohérence des solutions via-à vis de la pratique jurisprudentielle que cette
étude se propose d’éclairer les lacunes juridiques, l’ambiguïté de certains textes

convention CEDAW. Bien qu’elle ait été annoncée en octobre 2011, la levée des réserves n’est devenue
concrète qu’avec l’annonce officielle du gouvernement tunisien.
18
Par exemple une action en matière de filiation, de succession, d’une demande de versement d’aliment, de
divorce…

6
INTRODUCTION

et l’inconstante position des juges malgré l’indéniable avancée des textes qui
s’emploient actuellement de se détacher d’une manière significative du référent
religieux.19

Dressant ce constat et désireux d’ouvrir un débat sur le sujet nous


proposons de déterminer les solutions relatives à la formation du mariage mixte
sur le territoire tunisien {partie I} avant d’examiner celles relatives à la
célébration du mariage mixte à l’étranger {partie II}.

19
Bostanji(S),op.cit, p.29.

7
PARTIE 1

PARTIE I : FORMATION DU MARIAGE


MIXTE SUR LE TERRITOIRE TUNISIEN

Le droit tunisien se présente actuellement comme un système composé de


règles de conflit de type classique ; règles bilatérales destinées à rechercher
grâce à un élément de rattachement, la loi locale ou étrangère apte à régir le
mariage mixte en cause.

Mais l’intérêt porté par le droit international privé tunisien à déterminer


législativement la loi applicable à la formation du mariage mixte (chapitre I) ne
s’est pas étendu à la sanction de nullité relative à l’inobservation des lois qui
régissent l’union mixte ; en effet la nullité s’est caractérisée par le silence
législatif sur la loi applicable à la nullité du mariage mixte (chapitre II)

8
PARTIE 1

Chapitre I : la détermination législative de la loi


applicable à la formation du mariage mixte
Le mariage étant un acte induisant des effets conséquents sur les parties
contractantes et la société, sa formation n’a pas pu échapper à l’attention du
législateur tunisien aussi bien sur le plan interne qu’international.

En effet, de tous les engagements que l’homme peut former, le mariage


est celui qui exerce le plus d’influence non seulement sur les liens directs qui
unissent les membres d’une famille mais aussi sur le fondement d’une société
basée sur un modèle familial traditionnel.

Cette perspective fut l’objet de la sollicitude particulière du législateur


tunisien à encadrer la formation du mariage mixte qui constitue l’un des espaces
d’application des règles d’ordre public. Ainsi, les éléments du statut personnel et
spécialement le mariage constituent-ils des droits indisponibles dans l’ordre
juridique tunisien. C’est de là que les relations matrimoniales intéressent l’Etat
qui détermine les règles régissant le statut personnel selon un modèle choisi mis
à la disposition de ses sujets. Autrement dit, les individus ne peuvent disposer
librement de leurs droits qu’en fonction du statut personnel que l’Etat a choisi de
promouvoir en adéquation avec son patrimoine culturel et religieux.

Le droit international privé tunisien a adopté un système mixte de


rattachement pour régir la loi applicable à la formation du mariage mixte.
Introduit lors de la promulgation du code de droit international privé, le système
mixte de rattachement est articulé par deux articles : L’article 45 et l’article 46
du CDIP. Consacrant une règle classique de DIP, reprise respectivement de
l’ancien décret du 12 juillet 1956, abrogé par la loi du13 août 1956 et la loi du
1er août 1957 relative à l’état civil en vigueur, ces deux textes distinguent les
conditions de fond des conditions de forme du mariage mixte. Or, une telle

9
PARTIE 1

opération peut soulever de sérieux problèmes de qualification20puisque le


résultat pourrait différer suivant les systèmes juridiques mis en cause.

La distinction entre conditions de fond et de conditions de forme n’est pas


évidente dans la mesure où il faut se demander quelle loi faut-il interroger pour
déterminer quels sont les éléments de la célébration du mariage mixte qui
appartiennent à la catégorie des règles de forme et ceux qui appartiennent à la
catégorie des règles de fond ?

L’article 27 du code de DIP formule une réponse qui met en exergue


l’aspect central de l’opération de qualification en droit international privé
tunisien fondée sur le principe de la qualification lege fori. Cette démarche,
prônée déjà par Kahn et Bartin semble rejoindre une tendance affirmée tant en
doctrine qu’en droit positif comparé. Le principe lege fori préconisé par le
législateur tunisien signifie que « la qualification s’effectue selon les catégories
du for si elle a pour objectif d’identifier la règle de conflit permettant de
déterminer le droit applicable ». Ainsi, c’est à la règle de conflit du for tunisien
qu’appartient la compétence de déterminer si une condition de mariage mixte
correspondrait à la catégorie des règles de forme ou à la catégorie des règles de
fond.

Cependant, pour certaines conditions, des questions de qualification


peuvent subsister tel le mariage par procuration, prohibé par certains pays
occidentaux, est réglementé par les articles 9 et 10 du CSP. Ce mariage qui
touche le consentement des parties au mariage peut être confondu à une
condition qui relève du fond. Ainsi, le mariage de procuration représente-t-il une
des modalités de célébration soumises à la lex loci celebrationis.

20
L’opération de qualification est définie par Rigaux comme étant « toute opération de subordination d’un
élément de la situation juridique concrète par un concept abstrait » ; Rigaux (F), La théorie des qualifications en
droit international privé, Paris1956, p278, cité par Ben Aicha (N), la place du droit étranger dans la qualification,
RTD,2000, p359.

10
PARTIE 1

La doctrine à traité en outre la question des témoins exigée par le


législateur tunisien comme condition de validité21 et dont l’inobservation est
sanctionnée par l’article 36 de la loi de 1957. La qualification tunisienne classe
cette condition dans les règles relatives à la forme puisque le but de la présence
de deux témoins honorables est d’assurer la publicité du mariage22. Cette
condition est soumise à la loi du lieu de célébration, par conséquent elle n’est
exigée que pour le mariage mixte conclu sur le territoire tunisien.

Un autre problème de la qualification peut se présenter, celui de la dot,


relève du fait que cette dernière est exigée par l’article 3 CSP comme une
condition de validité du mariage mais son inobservation n’est pas sanctionnée
par la nullité comme toutes les autres conditions de validité. Elle n’est ni classée
dans les conditions de fond23 ni celles de forme24, la doctrine la considère
comme « un droit de l’épouse qui lui permet de refuser la consommation et de
demander le divorce ; mais après la consommation, c’est une créance de
l’épouse »25 c’est pour cette raison qu’il a été déduit que la loi qui lui serait
appliqué est la loi régissant les effets du mariage mixte.

Dans une relation matrimoniale internationale, la nécessité de promouvoir


la volonté individuelle est grandissante vu la différence du degré de
concrétisation des libertés individuelles entre les pays.

À travers cette étude la difficulté de trouver un juste équilibre entre la


promotion de la liberté matrimoniale et la nécessité de l’intervention de l’ordre
public ressort de l’analyse du choix législatif qui formule un dualisme
substantiel du rattachement compétent pour régir la formation du mariage mixte

21 er
L’article 3 du CSP et l’article 31 de la loi n°57-3 du 1 août 1957 réglementant l’état civil ; JORT n°2 et 3 des
30 juillet et 2 août 1957.
22
Hachem (A), Leçon de droit international privé, livre 2conflits de lois, CPU, 1997, p189.
23
Car la jurisprudence tunisienne ne s’est par arrêtée sur l’exigence de la dot, malgré qu’elle n’était pas
respecter, pour affirmer la validité des mariages conclus à l’étranger ; Nizard (M), Droit international privé
tunisien en matière de statut personnel, thèse, Paris, 1968, p272.
24
Car cette condition n’est pas exigée pour le mariage des étrangers en Tunisie.
25
Hachem (A), Leçon de droit international privé, livre 2, conflits de lois, CPU, 1997, p189.

11
PARTIE 1

en distinguant la loi applicable aux conditions de fond (section II) de la loi


applicable aux conditions de forme (section I).

Section I : la loi applicable aux conditions de forme du


mariage mixte
L’étude de l’élaboration d’un acte de mariage mixte dans l’ordre juridique
tunisien fait apparaître la nécessité de l’intervention de l’autorité publique. Une
nécessité qui diffère d’un système juridique à un autre selon le contenu de la
règle de conflit applicable aux conditions de forme.

Cependant la grande majorité des législations prévoient l’intervention


d’un officier public. Le législateur tunisien consacre l’élaboration d’un acte
authentique dans les limites de la procédure imposée par la lex auctoris26. Cet
acte confère au mariage mixte sa validité formelle.

L’intervention d’un organe étatique dans la formation du mariage mixte


sur le territoire tunisien est soumise à des formalités indispensables (paragraphe
II) déterminées sur la base d’une règle bien établie dans le code de DIP tunisien.
C’est le principe de rattachement à la loi du lieu de célébration du mariage
(paragraphe I).

Paragraphe I : Le principe de rattachement à la loi du lieu de


célébration du mariage

La question du lien de rattachement relatif aux conditions d’ordre


formel se présente sous un double aspect : celui, d’une part de la compétence
des autorités habilitées à célébrer le mariage et d’autre part celui de la
désignation de la loi déterminant la validité formelle du mariage mixte.

26
La lex auctoris fait référence à la loi de l’autorité. En effet « La lex auctoris, tout comme l'autorité qui lui est
soumise, est au service de la loi qui exige l'authenticité et laquelle, par voie de conséquence, est compétente
pour en déterminer la sanction et les effets. » ;GORE(Marie), « L’acte authentique en droit international
éme
privé », In Droit international privé : travaux du Comité français de droit international privé, 14 années, 1998-
2000, 2001. pp. 23-48

12
PARTIE 1

Dès lors que le législateur tunisien consacre une règle de conflit


applicable à la forme du mariage mixte qui est la loi du lieu de célébration, il
convient donc de déterminer le fondement de cette solution de principe (A)
avant d’affirmer la compétence internationale de l’autorité locale tunisienne (B).

A) Fondement de la solution de principe

Le rattachement des conditions de forme du mariage à la loi du lieu de


célébration est aujourd’hui inscrit à l’article 46 du code de DIP de 199827 qui
dispose « les conditions de forme de mariage sont soumises, soit à la loi
nationale commune, soit à la loi du lieu de célébration du mariage ». Ce texte
reprend la même règle de l’article 31 et de l’article 38 de la loi du 1er août 1957
réglementant l’état civil28 permettant le mariage des tunisiens à l’étranger selon
la forme locale et le mariage des étrangers en Tunisie conformément aux lois
tunisiennes. Ces textes constituent une consécration législative du rattachement
des conditions de forme d’un mariage mixte à la loi du lieu de célébration. Seul
le mariage à l’étranger entre nationaux permet de rattacher les conditions de
forme à la loi nationale commune par le choix du mariage consulaire29. Ils
formulent ainsi une règle de conflit de loi classique en droit international privé
qui soumet la validité formelle du mariage mixte à la loi du lieu de célébration
du mariage30.

Le fondement législatif du principe de rattachement à la loi du lieu de


célébration du mariage mixte traduit par le code de DIPT, a été conçu à travers
un raisonnement doctrinal et jurisprudentiel divergent sur la nature du contrat de
mariage.

Traditionnellement le fondement de ce rattachent est une détermination


abstraite de la loi applicable à la forme d’un acte privé et non pas d’un acte
27 er
La loi du 27 novembre 1998, portant promulgation du code de droit international privé, JORT 1 novembre
1998, n°96, p232.
28 er
Loi n°57-3 du 1 août 1957, JORT n°2 et 3, 30 juillet et 2 août 1957.
29
HACHEM(A), conflit de loi, Op.cit., p 188.
30
JDI 2005, n°4, p 1197 notes : Souhayma Ben Achour, p.1197.

13
PARTIE 1

authentique. Désormais discutable, ce fondement était une application


prétorienne du principe locus regit actum par la jurisprudence française et repris
par la doctrine tunisienne31. Utilisé par l’arrêt Sommaripa du 10 août 1919 selon
lequel « les actes de toutes natures passés en pays étrangers entre des Français
et des étrangers doivent être faits suivant les lois du pays où ces actes ont
lieu»32. La jurisprudence française a ainsi assimilé la célébration d’un mariage
par une autorité publique à la forme d’un acte purement privé pour y appliquer
le principe locus regit actum33selon lequel la loi applicable à la forme des actes
est la loi du lieu de leur conclusion. Elle a ainsi consacré la compétence de la lex
loci celebrationis pour régir les conditions de forme du mariage.

Sous la plume d’un certain courant doctrinal contemporain ; « le


rattachement des conditions de forme du mariage à la lex loci celebrationis est
(…) davantage justifié par l’application de la loi du lieu de conclusion de l’acte
que par la compétence exclusive de l’officier de l’état civil pour le dresser »34.
L’application du principe locus regit actum ne devrait donc avoir lieu que dans
les hypothèses où le mariage ne nécessite pas l’intervention d’une autorité
publique. Le mariage est ainsi considéré comme un acte privé dont la validité
formelle peut être déterminée par la loi de son lieu de conclusion.

Mais, en droit tunisien, à l’instar de la majorité des législations, le mariage


est un acte authentique qui nécessite l’intervention d’une autorité publique. Ce
qui a conduit certains35 à affirmer que le rattachement à la loi du lieu de
célébration du mariage constitue une application discutable du principe locus
regit actum car il vise « à déterminer, par une localisation abstraite, la loi
applicable à la forme d’un acte privé alors que le mariage est un acte quasi-
public dont la localisation découle de l’intervention d’une autorité publique.
31
HACHEM(A), conflit de loi, Op.cit., p 187.
32
Geouffre (V-G) De La Pradelle (G.) et NIBOYET (M.-L.), Droit international privé, LGDJ, 5ème éd.,
2015, n°51, p. 56.
33
Genin-Meric (R.), La maxime locus regit actum, nature et fondement, LGDJ, 1976.
34
Escudey (G), Le couple en droit internationale privé, thèse précitée, n°72, p.59.
35 éme
Mayer(P) et Heuzé(V), Droit international privé, LGDJ, 11 éditon 2014, p 406 et n° 585 p408.

14
PARTIE 1

Partant, ce rattachement analyse la formation du mariage sous l’angle du


conflit de lois alors qu’un raisonnement en termes de conflit d’autorité aurait
sans doute été plus adapté ».36

Cette nouvelle approche contredit un courant doctrinal bien établi, selon


lequel la loi applicable aux conditions de forme du mariage mixte est tranchée
par la règle locus regit actum.

À vrai dire, tant en doctrine qu’en législation, depuis que la Tunisie a fait
de la forme du mariage un acte purement étatique sous une forme solennelle37,
jadis reconnue comme traditionnelle soumise à des autorités religieuses, la
résolution du problème de la loi applicable à la forme du mariage mixte semble
être envisagé selon la règle auctor regit actum. Or l’article 46 du CDIP rattache
les conditions de forme du mariage mixte à la lex loci celebrationis ; ce qui est
donc davantage justifié par l’application de la loi du lieu de conclusion de l’acte
que par la compétence exclusive de l’officier public pour le dresser.

La forme solennelle du contrat de mariage est une obligation essentielle


et déterminante de la validité du contrat de mariage qui devrait être justifiée par
la compétence exclusive de l’autorité locale tunisienne pour le rédiger et lui
conférer son authenticité.

B) Compétence internationale de l’autorité locale tunisienne

La validité en la forme du mariage mixte conclu sur le territoire tunisien


ne relève pas uniquement du conflit de lois mais aussi de la compétence
internationale des autorités tunisiennes.

La loi de 1957 relative à l’état civil détermine dans son article 31que :

36
ESCUDEY(G), Le couple en droit international privé, thèse précitée,2016, n°75p 61 et 62.
37
Un contrat solennel est un contrat qui requiert, à côté du consentement, l’accomplissement d'un formalisme
de solennité afin d'être valide. La forme imposée est le plus souvent la rédaction d'un écrit ; Terré (F), Simler
e
(PH), Lequette (Y), Droit Civil, Les Obligations - 10 éd., 2009, n° 137.

15
PARTIE 1

« L’acte de mariage est conclu en Tunisie devant deux notaires ou devant


l’Officier de l’état civil… ».

De plus l’article 46 du CDIP insiste sur la compétence exclusive de


l’officier d’état civil et du notaire à rédiger mais aussi à évaluer les
empêchements probables à cette union mixte en Tunisie. 38

C’est donc l’autorité publique tunisienne qui, en la personne de l’officier


de l’état civil ou du notaire, est compétente pour célébrer le mariage mixte selon
les formes prévues par la loi tunisienne. La compétence internationale de
l’autorité publique tunisienne à célébrer les mariages mixtes est ouverte à tous
les futurs époux de nationalité étrangère résidant ou non en Tunisie à l’inverse
de certains systèmes39 qui conditionnent l’accès à la célébration du mariage
devant l’officier de l’état civil à la régularité du séjour du futur époux de
nationalité étrangère.

L’exigence de l’interventionnisme étatique, dans l’élaboration du contrat


de mariage émane de la règle locus régit actum consacrée par le DIPT.40

Autrement dit, la relation très étroite qu’il y a entre la célébration du


mariage et la détermination des autorités compétentes est d’avantage justifiée
par le fait qu’: « à l'exclusivité de la compétence de l'officier d'état civil a été
rattachée l’exclusivité des formes localement prévues »41.

En effet lorsque le mariage mixte se veut être célébré en Tunisie la


compétence de l’officier tunisien de l’état civil s’impose pour y procéder ; cette

38
L’article 38 de la loi de 1957 renvoie à la compétence exclusive de l’autorité tunisienne à rédiger en Tunisie le
contrat de mariage des étrangers de différentes nationalités selon la forme locale. Il énonce que « l’acte de
mariage des étrangers en Tunisie sera rédigé conformément aux lois tunisiennes… »
39
Le conditionnement de l’accès à la célébration du mariage des étrangers devant les officiers publics de
certains pays européens tel que : la France (l’article 165 du code civil français tel que modifié par la loi du 17
mai 2013) et la Belgique (l’article 44 du code belge de DIP) fait au nom de la maîtrise de l’immigration suscite
des réactions vis-à-vis du degré de respect de ces lois du principe de la liberté du mariage.
40
Machatt (F), Disparité de culte et mariage dans les pays du Maghreb moderne, thèse pour le doctorat d’Etat,
FDSPT, 1977, p 108.
41
BOURDELOIS (B.), « Mariage », Répertoire droit international, Dalloz, 2011, n°73.

16
PARTIE 1

intervention est d’autant plus substantielle42 qu’exclusive dans l’hypothèse du


mariage mixte puisque l’option de l’union diplomatique ou consulaire nécessite
au préalable que les futurs époux aient la même nationalité43.

Dès lors que serait admise la compétence de l’autorité publique de


célébration, la spécificité liée à l’internationalité de la situation devrait être
considérée comme épuisée malgré l’existence d’éléments d’extranéité.
L’autorité de célébration44 appliquerait donc sa propre loi sans qu’un conflit de
lois apparaisse. L’explication vient du fait que les règles applicables à la forme
du mariage revêtent un caractère procédural ; mais ce n’est pas directement la
loi applicable à la formation du mariage mixte qui détermine la compétence
générale de ses propres autorités. À elle seule, cette règle ne pose que le principe
de l’intervention d’une autorité.

En réalité, la détermination de la compétence générale des autorités de


célébration ne paraît poser qu’une seule difficulté : il s’agit de l’hypothèse où la
règle de conflit, dans le cas du mariage mixte conclu sur le territoire tunisien,
déclarerait applicable la loi tunisienne, tandis qu’aucune règle substantielle
étrangère ne donnerait pas compétence aux autorités tunisiennes ; il est ainsi
probable de confondre les règles procédurales (la lex auctoris) régissant la
forme et les règles substantielles régissant le fond de l’union mixte ; Cette
hypothèse se concrétise notamment en matière de mariages religieux.

En effet, cette difficulté découle de la qualification qu’il convient de


donner aux rituels religieux matrimoniaux exigés par les lois étrangères.
Autrement dit, est-ce que ces conditions relèvent des conditions de forme ou des
conditions de fond ?

42
La règle de droit ne peut en principe se réaliser sans l’intervention d’une autorité. Il est ainsi impossible de se
marier en Tunisie sans l’intervention d’un officier public ; c’est la règle substantielle régissant l’élaboration du
mariage qui exige l’intervention publique, d’où le porté substantiel de l’intervention de l’autorité de
célébration.
43 er
L’article 38 de la loi du 1 août 1957 réglementant l’état civile.
44
C’est à dire l’officier de l’état civil ou le notaire selon l’article 31 de la loi 1957 et l’article 46 du CDIP

17
PARTIE 1

Au terme d’un débat doctrinal, un arrêt de la Cour de cassation française a


tranché la question du mariage religieux dans l’affaire caraslanis45où elle a
admis le principe de la qualification lege fori.

En l’espèce, il était question d'un mariage civil mixte contracté en France


entre un grec et une française. Quelques années plus tard, assigné en divorce le
mari réclame l’annulation du mariage au regard de la loi grecque, qui exigeait un
mariage religieux au titre d’une condition de validité au fond. En effet selon la
loi grecque en vigueur la célébration du mariage par un prêtre orthodoxe est
imposée comme condition indispensable à la constitution légale du mariage.
Cette exigence représente une condition de fond selon la loi grecque mais la
Cour de cassation a décidé que la réponse à « la question de savoir si un élément
de la célébration du mariage appartient à la catégorie des règles de forme ou à
celle des règles de fond devait être tranchée par les juges français suivant les
conceptions du droit français selon lesquelles le caractère religieux ou laïc du
mariage est une question de forme »46. Ainsi, malgré que la loi grecque
compétente pour régir le statut personnel de ses ressortissants risque d’être
dénaturée, la Cour de cassation, a affirmé que le caractère religieux du mariage
n'est pas une condition de fond, mais une condition de forme ; car autrement
qualifiée cette exigence aboutira à la transgression de la catégorie de
rattachement du for. Mais, pour certains il aurait suffi que la cour réponde, dans
une perspective bilatéraliste, que la question des modalités de la cérémonie était
soumise à la loi française47.

À l’inverse de certains systèmes juridiques qui subordonnent la validité du


mariage à une célébration religieuse, le droit tunisien considère que les modes
de célébration du mariage relèvent des exigences de forme, ainsi, cette
qualification lege fori implique la compétence de la lex loci celebrationis pour

45
Cassation.civ.1ère, 22 juin 1955, RCDIP, 1955, p. 723, note Batiffol.
46
Ibid.
47 éme
Bureau (D) et Muir Watt (H), Droit international privé 2, PUF, 3 éd., 2014, p.178.

18
PARTIE 1

régir l’acte de mariage en la forme. Par conséquent, seule la forme solennelle est
admise et ceci même pour le mariage mixte entre deux étrangers conformément
à l’article 38 de la loi du 1er août 1957 qui dispose que « L’acte de mariage des
Etrangers en Tunisie sera rédigé conformément aux lois tunisiennes… ».

Ainsi, lorsque le pays étranger exige une célébration religieuse pour la


validité du mariage de ses ressortissants, ceux-ci ne peuvent en Tunisie recourir
qu'à la forme locale civile48, avec la possibilité de célébrer la cérémonie
religieuse ultérieurement. Cependant, le problème est particulièrement épineux
quand la loi nationale des futurs époux impose une forme religieuse sous peine
de nullité du mariage mixte.

Pour éviter cette situation trois solutions peuvent être proposées : Soit on
admet l'intervention d'une autorité étrangère, soit on oblige l’autorité tunisienne
de célébration à appliquer la forme religieuse étrangère, ou encore à renvoyer les
étrangers se marier dans leur pays. Solutions sommes toutes inappropriées dans
la mesure où la première se heurte aux structures fondamentales du système
tunisien fondé sur le mariage séculier ; la seconde, l’autorité publique tunisienne
violerait la souveraineté dont elle est partiellement dépositaire car une autorité
publique ne peut officier que selon les règles de l’Etat dont elle tient ses
pouvoirs49, en d’autre terme elle doit obéir aux règles procédurales de son propre
ordre juridique ; et la troisième respecterait les règles étrangères sans
compromettre les fondements de l'ordre juridique tunisien, mais serait en
pratique, compte tenu de ses exigences matérielles, peu satisfaisante50. Il en
résulte que la procédure d’élaboration du contrat de mariage mixte, attribuée aux

48
Article 38 de la loi u 1 août 1957 réglementant l’état civil dispose que : « l’acte de mariage des étrangers en
Tunisie sera rédigé conformément aux lois tunisienne ».
49
Callé(P), L’acte public en droit international privé, Economica, 2004, p74 et s.
50
Certains pays ont pu y remédier par des conventions, comme la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 entrée en
vigueur le 13mai 1983, relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération Judiciaire ; cette difficulté
relative à un mariage célébré en la forme civile française d'un étranger soumis par son statut personnel au droit musulman,
er
a disparu. La Convention stipule dans son article 6, alinéa 1 , que « les conditions de forme du mariage sont régies par la loi
de celui des deux Etats dont l'autorité célèbre le mariage».

19
PARTIE 1

officiers publics tunisiens, est gouvernée par la loi de l’autorité qui établit cet
acte.

C’est également la souveraineté tunisienne qui permet d’identifier les


règles procédurales relatives à la formation du mariage mixte, et en conséquence
leur non-respect traduit une atteinte à la souveraineté tunisienne. Ainsi en est-il
de la règle qui impose au notaire et à l’officier de l’état civil de rédiger leur acte
de mariage en langue arabe selon deux modèles standardisés par l’arrêté
ministériel du 7 mai 199951.

De ce fait il est essentiel de remarquer que la loi tunisienne est à la fois la


loi du lieu de conclusion de l’acte et la lex auctoris. En effet, dans le contrat de
mariage mixte qui est un acte authentique la règle auctor regit actum semble se
combiner avec la règle locus regit actum52. La loi tunisienne semble donc
conjuguer les deux titres sans se soucier de distinguer les dispositions de la loi
tunisienne applicables en tant que lex auctotris et les dispositions de la loi
tunisienne désignées par la règle de conflit pour régir la substance de l’acte de
mariage mixte.

De ce fait le législateur tunisien concourrait à la réalisation d’une certaine


politique voulue en confiant l’élaboration du contrat de mariage mixte à
l’officier public. Cet intérêt qu’il porte à la solution donnée ne s’accomplira
qu’avec l’observation de toutes les formalités indispensables à la formation du
mariage mixte.

51
Arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur du 7 mai 1999, modifiant l’arrêté du 27 septembre 1985
relatif à la standardisation des documents de l’état civil, JORT n°39 du 14 mai 1999.
52
Niboyet dans son traité de droit international privé, soutenait que la règle auctor régit actum se substitue,
pour les actes publics, à la règle locus regit actum ; Niboyet (J-P), Traité de droit international privé français : le
conflit des autorités, le conflit de juridiction, tome6-1, Paris, Recueil Sirey , 1949,n°1571.

20
PARTIE 1

Paragraphe II : Les formalités indispensables à la formation du


mariage mixte

Le principe en droit international privé tunisien est que les formalités


destinées à assurer la validité du mariage mixte sur le territoire tunisien sont
imposées par la lex loci celebrationis.

Que ce soit un mariage mixte entre un national et un étranger ou deux


étrangers de nationalités différentes, l’acte authentique (B) est essentiel à la
validité de l’union mixte.

Pour garantir la réalisation d’une certaine politique voulue sur son


territoire, le législateur tunisien rajoute des conditions spécifiques aux
ressortissants étrangers ; ce sont les certificats officiels nécessaires au mariage
des étrangers (A).

A) Les certificats officiels nécessaires au mariage des étrangers

Deux formalités supplémentaires sont exigées pour le mariage des


étrangers suivant la situation : l’une concerne le certificat officiel de capacité
matrimoniale ; l’autre, le certificat officiel de non engagement matrimonial.

L’article 38 de la loi du 1er août 1957 dispose dans son premier alinéa
que : « L'acte de mariage des étrangers en Tunisie sera rédigé conformément
aux lois tunisiennes, sur le vu d'un certificat de leur consul attestant qu'ils
peuvent contracter mariage ».

L’officier de l’état civil ou les deux notaires ne peuvent en aucun cas


rédiger le contrat de mariage mixte qu’à vue d’un certificat attestant de la
capacité de l’étranger à contracter un contrat de mariage sur le territoire tunisien.

Ce certificat officiel de capacité matrimoniale est accordé, au futur époux


de nationalité étrangère désirant se marier sur le territoire tunisien, par les agents
diplomatiques ou consulaires de sa nation en Tunisie à sa demande.

21
PARTIE 1

Le certificat de capacité matrimoniale53 représente une condition de forme


mais aussi une condition de validité du contrat de mariage mixte. En effet à
travers ce certificat l’autorité tunisienne de célébration contrôle à la fois, la
présence ou la non présence d’un empêchement au mariage prévu par la loi
nationale de l’étranger ou de l’étrangère. Elle vérifie aussi leur état civil,
confirmant qu’il ou qu’elle est libre de tout lien matrimonial dans son pays.

L’acquisition du dit certificat passe, en général, par la vérification des


agents diplomatiques ou consulaires étrangers compétents selon la loi locale
tunisienne de la validité du mariage mixte envisagée en se basant sur les pièces
et les indications fournies par le demandeur du certificat54. De plus certaines
législations étrangères peuvent subordonner la délivrance du dit certificat à
l’audition des futurs époux par l’autorité compétente selon leur loi nationale55.

Par conséquent l’officier de l’état civil ou les notaires doivent vérifier


l’obtention de l’étranger d’un certificat de capacité matrimoniale avant la
conclusion du contrat de mariage mixte.

Or la subordination du législateur tunisien de la conclusion du mariage de


l’étranger à ce certificat d’aptitude matrimoniale est révélatrice de plusieurs
difficultés pratiques, tel que, l’incompétence des autorités consulaires étrangères
à délivrer ce dit certificat (refus pour des raisons politiques, la délivrance de ce
type de certificat n’entre pas dans leurs attributions normales).

Le législateur tunisien n’a pas prévu de solution à cette hypothèse.

En conséquent, étant donné l’impossibilité du futur époux à délivrer le


certificat, quelques issues semblent possibles pour l’officier de l’état civil
tunisien : il peut par exemple procéder à la célébration du mariage de l’étranger

53
Voir Annexe n°1.
54
Exemple l’article 171-2 du code civil français
55
Exemple l’article 171-3 du code civil français

22
PARTIE 1

s’il remplit les conditions de fond imposées par la loi tunisienne étant donné sa
vocation subsidiaire entant que lex fori. Or cette solution semble inconvenable
puisque le mariage mixte des étrangers conclu selon les conditions du droit
tunisien risque de ne pas être reconnu par leurs pays ou autres pour
inobservation des conditions de leurs lois nationales.

Outre, il peut accepter que les futurs époux de nationalités étrangères


établissent leur aptitude à se marier par tous les moyens possibles, ou encore
inciter les organisations internationales à déterminer définitivement les moyens
mis à la disposition des futurs époux dont leurs pays ne disposent pas d’une
autorité compétente pour fournir un tel certificat56.

La promulgation du code de DIP a confirmé la mise en place d’une


disposition spécifique aux ressortissants des pays autorisant la polygamie en
subordonnant, dans le deuxième paragraphe de l’article 46, la conclusion du
mariage mixte par l’officier public au « …vu d’un certificat officiel attestant que
ledit époux est libre de tout autre lien conjugal ». Dans ce cas l’officier public
doit demander à l’étranger de présenter ce certificat à chaque fois qu’il doute de
la nature du régime matrimonial auquel il adhère surtout s’il fait partie d’un pays
multiconfessionnel.

Cette condition supplémentaire traduit la volonté politique d’affirmer un


choix législatif fondamental en imposant le principe de monogamie dans les
relations internationales aux mariages mixtes et également aux étrangers se
mariant en Tunisie. En réalité, des précautions antérieures, ont été prises à
l’encontre de la célébration d’un mariage polygamique sur le territoire tunisien.
En effet, des circulaires ministérielles datant de 1968 et 197357 ont édicté aux
officiers d’état civil d’exiger de l’étranger dont la loi nationale autorise la
polygamie de présenter une preuve de son état de célibat par une attestation de

56
Audinet (E), « Les conflit de lois en matière de mariage et de divorce », RCADIP, vol 105, 1962, p.62.
57
Circulaires du ministre de l’intérieur adressées aux officier d’état civil du 13 janvier 1968 et du 14 avril 1973,
in textes et circulaires relatifs à l’état civil, au nom patronymique et au livret familial, imprimerie officielle,1993.

23
PARTIE 1

divorce ou un certificat de célibat. Il est indéniable que cette formalité contribue


efficacement au respect du principe de monogamie, mais au niveau pratique le
problème de l’incompétence de l’autorité étrangère sollicitée à délivrer ce dit
certificat peut faire surface induisant à l’impossibilité du futur époux étranger de
délivrer ce certificat à l’officier de l’état civil. C’est une situation contraignante
qui touche le principe de la liberté matrimoniale, et dont le législateur tunisien
n’a pas résolu, bien au contraire l’intéressé ne peut passer outre ce certificat,
considéré « l’une des conditions essentielles de validité de mariage » par la
jurisprudence tunisienne58.

De plus, cette condition de forme, sujet de l’article 46 du CDIP, qualifiée


selon la doctrine de clause spéciale d’ordre public59 ou de loi de police
d’application immédiate, n’a pas tardé à montrer ses limites puisque rien
n’empêche le ressortissant de pays polygamiques ayant contracté son premier
mariage avec une tunisienne de contracter un second mariage dans son pays.60

Outre ces deux formalités, il est nécessaire de remarquer que l’obtention


du certificat médical prénuptial, imposé par la loi n°64-46 du 3 novembre
197461, relève des conditions de forme62 ; lequel est exigé pour tout mariage
célébré sur le territoire tunisien. C’est donc la loi du lieu de célébration qui lui
sera appliquée. En effet, pour obtenir un certificat médical prénuptial en Tunisie,
la personne mise en examen ne doit pas être porteuse de maladies contagieuses
ou mentales et le médecin a le devoir63 de reporter la délivrance de ce certificat
jusqu’à ce que le malade ne soit plus contagieux ou inapte. Le législateur
58
Cour d’appel de Tunis, n°72565 du 2 mai 2001, inédit ; cité par Meziou(K), « Formation du mariage et
principe de monogamie », in Polygamie et répudiation dans les relations internationales, actes de la table ronde
organisée à Tunis le 16 avril 2004, ABC, 2006, p19.
59
Mezghani (A), Commentaire du code de droit international privé, CPU 1999, p.113.
60
Meziou(K), « Formation du mariage et principe de monogamie », in Polygamie et répudiation dans les
relations internationales, actes de la table ronde organisée à Tunis le 16 avril 2004, ABC, 2006, p19.
61
Loi n°64-46 du 3 novembre 1964, portant institution d’un certificat médical prénuptial, JORT, n° 53 du 3
novembre 1964, p. 1275.
62 ére
Ben Mahmoud (FZ) et Salmi (H), L’organisation du droit international privé tunisien, Atrach, 2016,1 éd,
p379 (en arabe); voir aussi Benmousa (M), Explication du code de droit international privé tunisien, La
Magrébine Tunis, 2003, p415(en arabe).
63
L’article 3 de la loi n° 64-46 du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial.

24
PARTIE 1

tunisien prescrit à l’officier public choisi par les parties de ne procéder à la


célébration du mariage « qu’après la remise par chacun des futurs époux d’un
certificat médical datant de moins de deux mois, attestant, à l’exclusion de toute
indication, que l’intéressé a été examiné en vue de mariage »64. Ces normes qui
réglementent l’obtention du certificat médical prénuptial semblent en pratique
inappliquées dans la mesure où la majorité des personnes obtiennent leurs
certificats par complaisance sans recours à des tests médicaux effectifs, sans
oublier le fait que le législateur a dispensé le futur époux mourant65de présenter
un certificat médical prénuptial pour la conclusion de son mariage66. Il est vrai
qu’initialement le médecin avait le devoir de dépister et prévenir certaines
maladies qui pourraient être contagieuses ou transmissibles à la descendance
dans le but de préserver l’état sanitaire de la société ; mais aussi d’informer les
futurs époux des risques de consanguinité et de prescrire les moyens de
contraception. De là il est légitime de s’interroger sur l’efficience du dit
certificat médical prénuptial sachant que le mariage conclu sans l’observation de
cette formalité n’est pas sanctionné par la nullité. Dans cette perspective des
pays européens ont supprimé cette obligation telle que la France67.

B) l’acte authentique

En matière de mariage mixte, l’exigence de l’authenticité est considérée


comme une condition de forme déterminée par la loi du lieu de célébration.68
Si la conclusion de ce contrat a lieu en Tunisie, un acte authentique
s’impose.
L’acte authentique est définit par l’article 442 du COC comme étant l’acte
« qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le

64
L’article 1 de la loi n° 64-46 du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial.
65
L’article 5 de la loi n° 64-46 du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial.
66
L’article 5 alinéa 2 de la loi du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial prévoit que : « Le
certificat n’est exigible d’aucun des futurs époux au cas du péril imminent de mort de l’un d’eux ».
67
Le certificat médical prénuptial a été supprimé de l’article 63 du code civil français par la loi n°2007-1787 du 20 décembre
2007
68
L’article 46 du CDIP

25
PARTIE 1

droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé ». Ainsi, sans la présence
effective, lors de la lecture et de la signature, de l'officier public l'acte serait
dépourvu de toute valeur juridique.

En effet, l’article 4 du CSP dispose que la preuve d’un mariage conclu sur
69
le territoire tunisien « … ne peut être rapportée que par un acte authentique
dans des conditions fixées par une loi ultérieure ». Et c’est précisément en
raison de cette certitude résultant de la présence de l'officier public qui atteste de
la réalité d'un fait que l’acte authentique de mariage fait foi70.

Cet article renvoi au texte de l’article 31 de la loi du 1957 relative à la


réglementation de l’état civil qui indique les conditions de conclusion d’un
contrat de mariage authentique. Conformément au premier paragraphe de
l’article 31 de la loi du 1957, l’acte de mariage mixte doit être conclu « devant
deux notaires ou devant l’Officier de l’état civil en présence de deux témoins
honorables. »

Par conséquent c’est la qualité de l’officier public qui confère à l’acte son
authenticité. L’acte authentique n’est pas seulement un moyen de preuve mais
aussi une condition de validité puisque le législateur tunisien assortit cette
condition d’une double sanction71 ; civile et pénale. De ce fait « l’union qui n’est
pas conclue conformément à l’article 31 ci-dessus est nulle. En outre, les deux
époux sont passibles d’une peine de trois mois d’emprisonnement. »72

Ainsi l’officier de l’état civil ou les notaires ne peuvent conclure l’acte


authentique de mariage mixte qu’après la vérification des conditions de fond et
la portée des lois qui les régissent.

69
L’article 442 du COC définit l’acte authentique comme étant « celui qui a été reçu avec les solennités
requises par des officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé. »
70
L’article 444 du COC : « l’acte authentique fait pleine foi, même à l’égard des tiers et jusqu’à inscription de
faux… »
71
Charfi (M), « Les conditions de forme du mariage en droit tunisien », RTD, 1969-1970, p.11 et suivant.
72 er
L’article 36 de la loi du 1 août 1957.

26
PARTIE 1

Section II : la loi applicable aux conditions de fond du


mariage mixte
Concernant la formation du mariage, les conditions de fond sont
traditionnellement rattachées, en tant qu’élément du statut personnel, à la loi
nationale. Cependant, certains pays soumettent les conditions de fond à un autre
critère de rattachement tel que ‘le domicile’73ou ‘ le lieu de célébration’74.

Le législateur tunisien a fait le choix de promouvoir le critère de ‘la


nationalité’ pour résoudre les conflits relatifs aux conditions de fond du mariage
mixte.

Un choix qui a des racines bien profondes en Tunisie et qui suit une
tendance générale confirmée même après l’unification du statut personnel
tunisien et la promulgation du code de droit international privé.

Cette solution qui pose le principe du rattachement à la loi nationale de


chacun des deux futurs époux (Paragraphe I), laisse subsister quelques
difficultés de mise en œuvre dans la mesure où l’application de la loi étrangère
de l’un des deux futurs époux s’étend à l’autre partie en imposant le respect de
ces empêchements considérés différents ou inconnus de ceux édictés par la loi
nationale de l’autre conjoint ; il s’agit de la théorie des empêchements bilatéraux
qui constitue les limites du principe du rattachement à la loi nationale de chacun
des deux futurs époux. (Paragraphe II)

73
C’est le cas dans les pays de Common law tel que l’Angleterre, Canada, mais aussi Mexique… ; voir Mestre (J), « mariage :
condition de forme, condition de fond et effets », J.C.DIP, Fascicule .546-A, 1992, p9.
74
Cette solution est consacrée en Amérique, Brésil, et certains pays scandinaves. Le critère de rattachement la loi du lieux
de célébration à été consacrer par la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de la
validité des mariages qui lui impose, conformément à son article 9, de reconnaître le mariage valablement conclu selon le
droit de l'Etat de la célébration ; cité in RCDIP, 1979, p821.

27
PARTIE 1

Paragraphe I : le principe du rattachement à la loi nationale de


chacun des deux futurs époux

Lorsqu’il s’agit d’une relation matrimoniale internationale, la règle


générale est que les conditions de fond relatives à la formation du lien conjugal
relèvent de la loi nationale de chacun des deux futurs époux.

Cette solution, préconisée par le droit international privé tunisien, semble


être adéquate, s’agissant des conditions concernant l’aptitude individuelle. C'est-
à-dire, que chacun des deux futurs époux devra être apte au mariage et répondre
aux conditions substantielles exigées selon sa propre loi d’où l’obligation de
déterminer le domaine des conditions de fond (B). Mais avant, il est nécessaire
d’établir les bases de la solution consacrée, par la détermination du fondement
de l’application distributive des lois nationales (A).

A) Le fondement du principe de l’application distributive des lois


nationales au mariage mixte

En droit international privé tunisien, l’article 45 du CDIP consacre une


application distributive des conditions substantielles du mariage mixte ; il
dispose que : « les conditions de fond du mariage sont régies, séparément, par
la loi nationale de chacun des deux époux ». C'est-à-dire que lors de la
formation du mariage mixte l’officier public applique à chaque partie sa propre
loi interne.

Toujours attaché à la tradition personnaliste75 le droit tunisien, confirme


une tendance déjà employée durant la période du protectorat, mais sans le
recours aux règles de conflit de loi. A cette époque, le statut personnel des
étrangers était régi par deux protocoles tuniso-italien du 8 septembre 1864 et

75
Une tendance qui avait une portée différente de celle adoptée à partir du décret de 1956 et qui dominait un
système pluraliste basé sur la religion avant l’instauration du code de statut personnel tunisien. Mais
aujourd’hui la tradition personnaliste est introduite dans le CDIP dans un sens où le droit tunisien opte
explicitement « pour la nationalité et la loi nationale » ; Mezghani (A), Commentaire du code, Op.cit., p92 et 93.

28
PARTIE 1

franco- italien du 15 janvier 1884 étendus par la suite à tous les étrangers76 et qui
disposaient d’une façon générale que les conditions de fond du mariage sont
soumises aux lois nationales des parties appliquées par les juridictions françaises
en Tunisie77.

Le principe de l’application distributive des lois nationales aux conditions


de fond du mariage mixte fut consacré explicitement, la première fois, par
l’ancien l’article 4 alinéa 11 du décret du 12 juillet 195678

En concurrence avec le critère de domicile et du lieu de célébration le


rattachement des conditions de fond du mariage mixte à la loi nationale l’a
emporté en droit international privé tunisien. En raison des critiques adressées
aux critères du domicile79 et aux critères du lieu de célébration80, la loi nationale
établit sa compétence pour déterminer l’aptitude de la personne à contracter un
mariage mixte.

Néanmoins, la compétence de la loi nationale pose plusieurs questions


quant à la détermination de la loi nationale dans certains cas, mais aussi de la
preuve du contenu de la loi nationale étrangère applicable sur le territoire
tunisien.

En ce qui concerne la détermination de la loi nationale cette question fait


surface dans deux hypothèses.

76
Mezghani (A), Droit international privé : Etats nouveaux et relations privées internationale, Op.cit, p67 et 68.
77
Lescure (M), « L’évolution du système des conflits de lois tunisien : l’exemple du mariage », RCDIP, 1959, p3.
78
Le décret du 12 juillet 1956, JORT du 13 juillet 1956, p.987, abrogé par la loi n° 98-97 du 27 novembre 1998,
portant promulgation du code de droit international privé.
79
La loi du domicile antérieur des époux présente un critère moins important que celui de la loi du domicile
conjugal. Or dans ce cas il ne s’agit pas de régir un lien conjugal mais l’aptitude individuelle de se marier.
De plus ce rattachement est facile à rompre car le domicile change plus facilement que la nationalité et on ne
peut annuler un mariage sur la base d’une loi dont le titre à s’appliquer s’est effacé ; Audit (B), Droit
éme
international privé, Economica, 2 édition, 1997, n°627.
80
Il est vrai que le critère du lieu de célébration présente beaucoup d’avantages. Mais, ce critère donne
facilement lieu à la fraude par les candidats au mariage, qui prohibés de se marier dans leur pays, choisissent
un autre Etat où les conditions sont moins rigoureuses et où la loi permet de les marier ; In Audit (B), Droit
éme
international privé, Economica, 2 édition, 1997, n°627.

29
PARTIE 1

La première est relative à l’époux plurinational. À cette hypothèse, le code


de DIPT prévoit la solution de l’article 39 qui dispose : « si l’intéressé bénéficie
de plusieurs nationalités, le juge retiendra la nationalité effective ». La
recherche de la nationalité effective est attribuée au juge saisi qui appréciera les
éléments de fait et les circonstances qui permettront de déduire la nationalité
effective, tel que la résidence de sa famille, l’adresse de son domicile et de ses
affaires ou de sa fonction, la langue couramment utilisée, le pays auquel il verse
des impôts (…) ; des considérations qui expriment l’attachement effectif de
l’individu à un pays donné81. C’est ce qui permettra de justifier l’application de
cette loi pour régir le statut personnel de l’intéressé et plus précisément de
déterminer les conditions de fond applicables à son mariage. Toutefois, selon le
dernier alinéa de l’article 39, si l’intéressé plurinational est bénéficiaire de la
nationalité tunisienne c’est le droit tunisien qui lui sera appliqué.

Traduite par l’idée de la souveraineté cette solution exprime un traitement


préférentiel de la nationalité du for « en la faisant échapper à la vérification de
son effectivité »82. La présence d’une personne tunisienne bénéficière d’autres
nationalités conduit à l’application de la loi tunisienne même si la loi nationale
tunisienne n’a aucune effectivité ou attachement réel pour le futur époux83. C’est
ce qui intensifie les critiques84doctrinales85à l’encontre de cette disposition.

81 ére
Ben Mousa (M), Interprétation du code tunisien de droit international privé, La magrébine, 1 éd, 2003,
p364. (En Arabe)
82
Mezghani (A), Commentaire du code, Op.cit.,95.
83
Dans le cas des plurinationaux, l’effectivité de la nationalité doit être démontrée même si c’est la loi du for ;
c’est notamment le cas de la Suisse, de la Belarus, des Pays-Bas ; Bucher(A), « La famille en droit international
privé », RCADI, vol 283, 2000, p35.
84
Mezghani (A), commentaire du code, Op.cit., p94.
85
Selon M. Béchir Bejaoui, on ne peut nier le fait que dans certains cas c’est « un privilège de religion qui se
cache souvent derrière un privilège de nationalité » ; Bejaoui (B), « L’abolition des privilèges : Mythe ou
Réalité? », in actualités du droit international privé de la famille en Tunisie et à l’étranger, LATRACH EDITIONS,
2015, p77 et 78. Cette idée unanime est développée par Jean Déprez qui pense que « sous la forme
religieusement neutre de la préférence due au statut national (…) s’exprime la règle millénaire de la tradition
islamique qui a toujours soumis au droit musulman les relations entre musulmans et non musulmans.» ;
Déprez(J), « Droit international et conflits de civilisations » RCADI, 1988,vol 211 ,p121.

30
PARTIE 1

La deuxième hypothèse, concerne un futur époux apatride86. Le code de


DIPT ne fournissant pas de solution, ce sont les principes généraux qui régissent
ce cas. En effet, la convention de New York du 28 septembre 195487, relative au
statut des apatrides dispose dans l’article 12 que « Le statut personnel de tout
apatride sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile,
par la loi du pays de sa résidence ». Par conséquent, la loi applicable aux
conditions de fond du mariage d’un apatride domicilié ou résidant en Tunisie est
la loi tunisienne. C’est la même solution qui a été adopté pour les réfugiés88.

Pour ce qui est de la preuve du contenu de la loi nationale étrangère, c’est


le droit international privé tunisien qui dicte le régime de preuve applicable au
mariage des étrangers en Tunisie à travers un texte général du CDIP. L’article
32 du code, dispose : « la partie, dont la demande est fondée sur la loi
étrangère, est tenue d’en établir le contenu ». Ainsi la charge de la preuve est
supportée par le futur époux de nationalité étrangère, qui doit de son côté
rapporter devant l’officier de l’état civil tunisien la preuve du contenu de sa loi
nationale relative aux conditions de fond du mariage. Mais pour ce qui est des
moyens utilisés pour établir la preuve de l’aptitude du futur époux à contracter
un mariage mixte, il est nécessaire de rappeler que le droit tunisien attribue, par
une disposition spéciale89, aux autorités consulaires ou diplomatiques étrangères
en Tunisie, la compétence de fournir à leurs ressortissants un certificat de
capacité matrimoniale. Un certificat dont il a été fait part antérieurement et où il
a été démontré qu’il pouvait être source de problèmes et de difficultés. Dans ce

86 éme
Se dit d’« une personne dépourvue de nationalité légale », Cornu(G), Vocabulaire juridique, puf ,12 éd,
2018.
87
Convention de New York du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides, entrée en vigueur de 6 juin 1960,
ratifié par la Tunisie par la loi n° 698-27 du 9 mai 1969, JORT, 1969, p520.
88
En effet la loi du domicile est la loi compétente pour régir le statut personnel des réfugiés apatrides mais
aussi des réfugiés qui ont gardé leur nationalité d’origine. C’est une solution qui à été consacré par la
convention de Genève 28 juillet 1951 sur les réfugiés, redue applicable en Tunisie par le décret du 2 juin 1955,
JORT, 1955, p892.
89
L’article 38 de la loi de 1957 relative à l’état civil.

31
PARTIE 1

cas la doctrine a proposé un éventail de solutions qui peuvent remédier au


problème.

Mais ce qui est pertinent à ce niveau est le fait que le certificat de


capacité matrimoniale « entraîne ipso facto, le respect des dispositions
prohibitives de la loi étrangère pourtant contraire aux principes affirmés dans
le pays de célébration »90 ; car le plus souvent, les certificats de capacité
matrimoniale n’énumèrent pas les dispositions étrangères mises en œuvre pour
conclure de l’aptitude du futur époux à se marier. Dans ce cas, et malgré que
l’officier de l’état civil ne peut se prévaloir de la connaissance du contenu de la
loi étrangère pour se détacher de l’autorité de ce certificat91, rien ne l’empêche
de se référer à l’exception d’ordre public qui a pour effet l’éviction de la loi
étrangère en raison de sa contrariété avec certains principes de l’ordre juridique
tunisien et d’appliquer au futur époux les conditions de la loi tunisienne, qui est
celle du for, afin de combler la lacune.

Ensuite, pour ce qui est du choix du législateur tunisien de la méthode


distributive et non la méthode cumulative92, il a été justifié, par son côté pratique
étant donné que le futur époux ou la future épouse devra se soucier de satisfaire
seulement les conditions et prohibitions de sa propre loi nationale sans se
préoccuper, a priori, des exigences de la loi nationale de son conjoint.

Mais aussi, cette méthode permet de concevoir un mariage considéré


valide par les deux lois nationales des deux époux, tout en étant un moyen
d’affirmer la souveraineté de l’Etat qui répond à l’impératif de maintenir ses
citoyens sous son contrôle pour les matières qui relèvent de leur personne93et

90
Benattar(R), « Problème relatifs au droit international privé e la famille dans les pays de droit personnel »,
RCADI, vol 97, 1959, p431.
91
Nizard(M), Le droit international privé tunisien en matière de statut personnel, thèse pour le doctorat d’Etat
en droit, Université de Paris, faculté de droit et des sciences économiques, 1968, p278.
92
Considérée trop rigoureuse par la doctrine malgré la stabilité matrimoniale qu’elle peut conférer cette
méthode consiste à ce que chacun des deux futurs époux doit remplir non seulement les conditions de sa
propre loi nationale, mais également celles de la loi de son futur conjoint ; Mestre(J), article précité, p14.
93 3ème
VIGNAL (T.), Droit international privé, éd, Sirey, 2014, p. 137.

32
PARTIE 1

spécialement en ce qui concerne le mariage où les parties n’ont pas la libre


disposition de leur droit car comme l’atteste Bartin, « ce n’est plus l’intérêt de
l’individu qui est en jeu mais l’intérêt de l’Etat dont il est ressortissant »94.

Désormais, la règle de conflit applicable aux conditions d’ordre


substantiel du mariage mixte est bien établie dans le DIPT. L’article 45 du CDIP
reproduit la solution indiquée dans l’article 4 de l’ancien décret de 1956 abrogé
par le CSP mais sur une nouvelle base. En effet la codification du droit
international privé tunisien fut l’occasion de moderniser les solutions mais aussi
le fondement de l’interprétation du droit relatif au statut personnel qui était
totalement basée sur des considérations religieuses. Ainsi une meilleure
cohérence avec les principes de liberté et d’égalité consacrés véhément par les
conventions internationales fut-elle établie. De ce fait le principe de
l’application distributive des lois nationales à un domaine d’intervention large
qui s’étend aux différentes conditions de fond édictées par la loi tunisienne que
par les lois étrangères.

Or avant d’entamer le domaine des conditions de fond il sied de faire


remarquer que cette étude se limitera aux conditions de fond du mariage connu
par le législateur tunisien et qui représentent le seuil de nécessité pour valider un
mariage mixte sur le territoire tunisien.

B) Le domaine des conditions de fond

La formation du mariage national ou international dans l’ordre juridique


tunisien traduit, dans les normes qui réglementent les conditions de fond, une
conception bien déterminée. Elle s’inspire des valeurs religieuses,
philosophiques et sociologiques de la civilisation tunisienne, valeurs qui doivent
être respectées entant que conditions édictées par le for. Or dans la conclusion
du mariage mixte, le respect des conditions et empêchements au mariage est régi

94
BARTIN (E.), Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence française, Domat
Montchrestien, tome II, 1932, p228.

33
PARTIE 1

par deux lois différentes et dont l’application est imposée par la solution
bilatérale adoptée par le code de DIPT95.

Dans ce cas il est légitime de se demander dans quelle mesure l’officier de


l’état civil tunisien respecte-il les conditions et empêchements édictés par la loi
étrangère dans la conclusion du mariage mixte sur le territoire tunisien ?

Pour répondre à cette question, une délimitation du champ d’étude est


souhaitable du fait de la complexité et de la polyvalence du domaine des
conditions de fond au mariage mixte en droit international privé. La réponse sera
centrée sur les conditions connues à la loi tunisienne suivant la propension
permissive ou restrictive engagée. Les conditions de fond du mariage connues à
la loi tunisienne sont classées selon la doctrine96 en trois catégories :

La première, est d’ordre biologique, elle concerne selon la loi tunisienne :


la différence du sexe et de l’âge légal pour le mariage.

-La différence de sexe est une obligation essentielle du mariage, elle est
classée dans les conditions naturelles du mariage et ce malgré sa non-exigence
explicite dans les textes97. Cette condition puise ses racines dans la
religion98d’un côté et dans le consensus social de l’autre. Quant aux conditions
d’hétérosexualité sont déduites ipso facto du CSP et du modèle traditionnel de la
famille tunisienne.

95
L’article 45 du CDIPT et qui soumet les conditions de fond du mariage à la loi nationale de chacun des futurs
époux.
96 9éme
Bénabent (A), Droit de la famille, Litec, édition, 1999, p59 ; Ben Halima(S), Cours de statut personnel,
centre d’édition universitaire, Tunis 2011, p43. (En arabe).
97
Dans l’article 3 du CSP le législateur tunisien parle de façon générale du consentement des deux époux. Dans
l’article 9 du CSP il est déclaré que l’homme et la femme peuvent conclure un mariage par eux même ou par un
mandataire. Mais aucun article ne dispose cette condition explicitement.
98
Les trois religions monothéistes interdisent le mariage entre personnes de même sexe ; la religion judaïque voir ancien
testament, Lévitique, 20, 13 ; le texte biblique pour la religion chrétienne ; la religion musulmane voir texte coranique
sourate 26, versets, 165-167 et sourate 29, versets, 28-30.

34
PARTIE 1

En effet le législateur tunisien joue le rôle de protecteur de l’ordre public


familial. Garant des traditions il condamne la liberté sexuelle et prohibe les
relations homosexuelles en les punissant pénalement sur le territoire tunisien99.

De ce fait le mariage mixte de deux étrangers homosexuels souhaitant se


marier sur le territoire tunisien est inconcevable même si leurs lois
personnelles100 leur permettent de conclure une telle union.

- Selon la loi substantielle tunisienne101 actuelle l’âge légal pour le


mariage est de 18 ans pour la femme comme pour l’homme. Mais cette
condition peut être dépassée, d’une part, par une autorisation judiciaire102 pour la
conclusion du mariage du mineur103, et d’autre part, par le consentement du
tuteur et de la mère104 du mineur souhaitant contracter un mariage. Ce type
d’autorisation est préconisé par la majorité des pays européens, mais pour le
droit substantiel tunisien, le consentement du tuteur et le consentement de la
mère sont requis simultanément105 ; mais le dissentiment entre eux ne vaut pas

99
L’article 230 du code pénal prévoit que : « -la sodomie, si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles
précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans ».
100
Exemples de pays qui régissent le mariage homosexuel :Pays-Bas (selon la loi entrée en vigueur le 1 avril 2001),
Portugal (depuis mai 2010), Suède (depuis avril 2009), Uruguay (depuis août 2013),France (depuis le vote de la loi n°2013-
404 du 17 mai 2013) Irlande (novembre 2015), Islande ( juin 2010) Luxembourg ( juin 2015), Malte ( septembre
2017), États-Unis ( au niveau fédéral par la loi du 26 juin 2015), Allemagne (1octobre 2017).
101
L’article 5 du CSP a été modifié deux fois depuis sa promulgation. La première selon le décret-loi n° 64-1 du 20 février
1964 qui a permis à la femme de se marier à 17 ans révolus et 20 ans révolus pour l’homme. Puis le législateur est intervenu
une seconde fois par la loi n° 2007-32 du 14 mai 2007, pour unifier l’âge légal du mariage à 18 ans révolus pour l’homme et
la femme.
102
Selon l’article 5 du CSP : « ... chacun des deux futurs époux n'ayant pas atteint dix-huit ans révolus, ne peut contracter
mariage. Au-dessous de cet âge, le mariage ne peut être contracté qu'en vertu d'une autorisation spéciale du juge qui ne
l'accordera que pour des motifs graves et dans l'intérêt bien compris des deux futurs époux. »
103
L’article 153 du CSP, modifié par loi 93-74 du 12 juillet 1993 puis par l’article 2 de la loi n°2010-39 du 26 juillet. 2010,
portant l’unification de l’âge de la majorité civile, prévoit que : « Est considéré comme interdit pour minorité, celui ou celle
qui n'a pas atteint la majorité de dix-huit ans révolus. Le mineur devient majeur par le mariage s'il dépasse l'âge de 17 ans
et ce, quant à son statut personnel et à la gestion de ses affaires civiles et commerciales ».
104
Selon l’article 6 du CSP : « le mariage du mineur est subordonné au consentement de son tuteur et de sa mère. En cas
de refus du tuteur ou de la mère et de persistance du mineur, le juge est saisi. L’ordonnance autorisant le mariage n’est
susceptible d’aucun recours ».
105
En effet, est requis pour la conclusion du mariage, le consentement du père et de la mère ou la mère toute seule en cas
de décès du père pour les mineurs qui ont atteint l'âge légal du mariage, ou autorisation du tribunal en cas de l'opposition
du tuteur. Ainsi le législateur tunisien accorde de l’importance à la décision de la mère du mineur qui constitue souvent la
voix de la raison pour empêcher le mariage des enfants trop jeunes, répandu dans la société tunisienne des années
cinquante.

35
PARTIE 1

acceptation contrairement au droit substantiel français106. Cette limitation d’âge


ne peut être pour autant perçue comme une entrave à la liberté matrimoniale
mais comme un outil juridique conforme aux conventions internationales107,
protégeant l’enfant et son avenir.

Cette condition d’âge relève de la loi nationale du futur époux. Sur le plan
international cette limite d’âge diffère d’un pays à l’autre. Et c’est aux futurs
époux qu’incombe la preuve d’invoquer une loi plus permissive et de démontrer
qu’ils remplissent les conditions édictées par sa loi nationale. Cette condition
d’âge légal du mariage peut entraîner des situations discriminatoires. En effet
dans le cas d’un mariage mixte entre un tunisien et une iranienne de neuf ans108,
dont la loi nationale permet à son tuteur de la marier à l’âge pré-pubère109, la
solution préconisée par de CDIPT permet l’officier de l’état civil tunisien de
procéder à la célébration de leur mariage110. Donc le code DIPT ne fournit pas
de solution quant à la détermination d’une loi étrangère discriminatoire par la
mise en œuvre du rattachement à la loi nationale relative à l’âge légal pour le
mariage. Considérant la lutte internationale contre le mariage d’enfants111 et

106
L’article 158 du code civil français : « L’enfant naturel légalement reconnu qui n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans
accomplis ne peut contracter mariage sans avoir obtenu le consentement de celui de ses père et mère qui l'a reconnu, ou
de l'un et de l'autre s'il a été reconnu par tous deux. En cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte
consentement… »
107
L’article 2 de la convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des
mariages. Ouverte à la signature et à la ratification de l’assemblée générale dans sa résolution du 7 novembre 1962 à New
York ratifiée par la Tunisie en 24 janvier 1968 : « les Etat parties à la présente convention prendront les mesures législatives
nécessaires pour spécifier un âge minimum pour le mariage. Ne pourront contracter légalement mariage les personnes qui
n’auront pas atteint cet âge, à moins d’une dispense d’âge accordée par l’autorité compétente pour des motifs graves et
dans l’intérêt des futurs époux ».
108
L’âge de 9ans représente l’âge de majorité pour les filles iraniennes selon l’article 1210 (du code civil de la république
islamique de l’Iran) : « - No one, when reaching the age of majority, can betreated as underdisability in respect of insanity
or immaturity unless his immaturity or insanity is proved. Note 1 - the age of majority for boys is fifteen lunar years and for
girls nine lunar years».
109
Article 1041(du code civil de la république islamique de l’Iran) « - Marriage before the age, of majority is prohibited. »
110
L’officier de l’état civil tunisien procède à la conclusion du mariage si toutes les autres conditions au mariage mixte sont
réunies.
111
Voir la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée
par l’assemblée générale dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979 , Article 16 -2 : « Les fiançailles et les mariages
d'enfants n'ont pas d'effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, sont prises
afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l'inscription du mariage sur un registre officiel. » ;
l’article 1 de la convention internationale sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement
des mariages adoptée par l’ONU en 1962.

36
PARTIE 1

dont la Tunisie112 fait partie, il est impératif que l’officier de l’état civil tunisien
invoque l’ordre public international tunisien pour refuser la conclusion.

La seconde catégorie est psychologique. Elle découle du consentement


libre et éclairé des deux futurs époux lequel nécessite trois éléments.

En premier lieu, la conscience du consentement qui implique que la


personne au moment de la conclusion du contrat se trouve, en état de lucidité lui
permettant de concevoir l’impact de ses actes. Ce qui suscite quelques
interrogations sur l’application du for de la loi étrangère relative au mariage des
aliénés. Certains pays, comme le Qatar113 et le Maroc114 autorisent le mariage
des aliénés s’il est prouvé que c’est dans son propre intérêt sur rapport d’un
conseil de médecins psychiatres et que le juge ou le tuteur y consente. Mais le
mariage n’est valable que si l’autre partie est informée de son état et donne son
consentement. De plus l’article 15 du code de famille qatarien rajoute que la
maladie mentale ne doit pas être héréditaire.

Par contre, le droit substantiel tunisien interdit, dans un texte général, les
majeurs atteints d’aliénation115 mentale de contracter, si ce n’est par les
personnes qui les représentent116. Mais cette solution ne s’applique pas aux
contrats de mariage régis par un texte spécial qui est la loi n° 1964-0046 du 3
novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial.

112
La convention CEDAW a été ratifiée par la Tunisie le 11 Novembre 1985 mais des réserves spécifiques ont toutefois été
posées à cette période. Depuis le 17 avril 2014, la levée des réserves a été faite officiellement par la notification du
Secrétaire Général des Nations Unies.
113
L’article 15 du code de la famille qatarien promulgué par la loi n°22 de 2006 dispose que : « …ne peut être
conclu le mariage du dément ou de l’aliéné que selon les conditions suivantes : 1-consentement du tuteur 2- la
vérification du consentement de l’autre partie après être informée de son état 3-confirmer par un conseil de
médecins compétents que sa maladie n’est pas transmissible à sa progéniture. »
114
L’article 7 de la Modawana promulgué en 1958 et réformé par la loi du 10 octobre 2004, prévoit que : «le juge peut
autoriser le mariage du dément ou du simple d'esprit sur rapport d'un conseil de médecins psychiatres établissant que le
mariage peut être salutaire à ce malade, à condition que l'autre partie soit informée de la maladie et donne son
consentement au mariage».
115
L’aliéné est défini selon l’article 160 du CSP comme étant le dément : « qui a perdu la raison, sa démence
peut être continue ou coupée d’intervalles lucides ».
116
L’article 5 du C.O.C prévoit que : « Sont absolument incapables de contracter, si ce n'est par les personnes qui les
représentent : 1) les mineurs jusqu'à l'âge de treize ans révolus ; 2) les majeurs atteints d'aliénation mentale qui les prive
complètement de leurs facultés »

37
PARTIE 1

L’article 2117 de cette loi exige en effet, que les deux futurs époux ne
soient pas atteints de maladies mentales ou autres maladies graves. Dans le cas
où la maladie mentale est caractérisée, le médecin doit refuser la délivrance du
dit certificat, ce qui obligera l’officier de l’état civil ou les notaires de refuser la
conclusion du mariage de l’aliéné118. Le législateur tunisien a traité la question
avec prudence, il a préféré privilégier la stabilité des actes juridiques aux dépens
de la liberté matrimoniale.

Considéré comme une condition substantielle dans la conclusion du


mariage, le consentement exprimé par les deux futurs époux doit refléter en
second lieu, leur volonté mutuelle de se prendre pour mari et femme. Le
consentement conscient implique l’existence d’une intention claire des parties et
un intérêt suprême à intégrer l’institution matrimoniale, ce qui pose le problème
des mariages de complaisance. A ce problème beaucoup de pays d’immigration,
à l’instar de la France, ont adopté un système sélectif qui conditionne l’accès au
mariage quitte à heurter le principe de la liberté du mariage pour lutter contre le
mariage de complaisance119. L’absence d’une législation tunisienne explicite
régissant les cas de mariage à un conjoint tunisien pour régulariser sa situation
s’explique par l’absence d’intérêt puisque la Tunisie est un pays pourvoyeur et
non récepteur d’immigrés. Dans ce cas le mariage mixte d’un tunisien et d’une
française sur le territoire tunisien peut être célébré mais sa réception par l’ordre
juridique français ne peut avoir lieu et le mariage est considéré nul s’il ne
remplit pas les conditions exigées par le droit français.

En troisième lieu, il faut que la volonté des contractants soit exempte de


vices ; ce qui implique que chaque partie doit être, au moment de la formation

117
L’article 2 de la loi n° 64-46 du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical prénuptial dispose qu’« au
cours de l’examen prévu à l’article précédent, l’attention du médecin doit se porter particulièrement sur les affections
contagieuses, les troubles mentaux, l’alcoolisme ou toutes autres maladies dangereuses pour le conjoint ou la descendance
et notamment la tuberculose et la syphilis».
118
Le législateur tunisien distingue l’aliéné dépourvu de capacité de contracter du faible d’esprit qui a une
capacité limitée selon l’article 160 du CSP et l’article 6 du COC.
119 ére
Bureau(D) et Muir Watt (H), Droit international privé, puf ,1 éd, 2007.

38
PARTIE 1

du mariage mixte, libre de toute contrainte et bien informée. En effet, lorsque le


futur époux donne son consentement alors qu’il n’agit pas en connaissance de
cause parce qu’il a été motivé par une opinion contraire à la réalité, ou lorsque
sa liberté est atténuée, son consentement est vicié. Plusieurs pays choisissent de
consacrer des textes spécifiques au consentement dans le mariage, alors que
d’autres, à l’instar du législateur tunisien, ont choisi de traiter les vices de
consentement dans un texte général. Pour le législateur tunisien, le consentement
dans le mariage est régi par l’article 43 et suivant du COC qui présentent la
théorie générale des vices de consentement. Toutefois cette théorie ne peut
s’appliquer pleinement au mariage dans la mesure où certains vices ne peuvent
constituer une base légale pour annuler le mariage, telle la lésion. De plus dans
un mariage mixte c’est la loi nationale relative au consentement et aux vices de
consentement au mariage de l’étranger qui lui est appliquée dans l’erreur120 et la
violence. Dans le mariage mixte le vice de violence peut selon la loi étrangère
applicable ne pas constituer une cause d’annulation. Interprétée différemment, la
violence morale, est dans d’autres pays, tel que les pays arabo-musulmans, est
légale puisqu’il existe une institution de la tutelle contraignante, connue sous le
droit de« djabr », qui est considérée en droit musulman comme un attribut de la
tutelle matrimoniale destinée à la personne dépourvue de capacité de choisir.
D’après les théologiens musulmans, le tuteur contraignant121 a le pouvoir de
marier un impubère, un fou, ou une personne inapte sans lui demander son avis
et même la marier contre son gré122. Très critiquée par les occidentaux qui y
voient une grave entorse à la liberté matrimoniale, le mariage forcé est une
situation jugée contraire aux valeurs fondamentales de certains Etats, tel que la
120
L’erreur sur la personne semble être le vice qui présente le moins de controverse doctrinale puisque le mariage est un
contrat intuitu personae « où la notion de la personne se trouve objectivée par la place prépondérante qui lui est donnée
dans le lien conjugal » ; Lamarche (M), Lemouland (J-J), Mariage, condition de formation, Répertoire Dalloz,2010.
121
Le droit musulman différencie le tuteur contraignant du tuteur non contraignant. Le tuteur contraignant est celui qui a le
droit de marier lui-même la femme qui est sous sa responsabilité sans avoir son consentement. Le tuteur non contraignant
n’a pas les mêmes prérogatives et ne peut marier la femme qui est sous sa tutelle qu’avec son consentement ; voir Linant
de Bellefonds (Y), traité de droit musulman comparé, théorie générale de l’acte juridique, Tome1, Mouton et
Co,1965, p54 et suivant.
122
Ibidem, p54

39
PARTIE 1

loi française qui fait du consentement au mariage une loi de police dans son
article 202-1 CCF tel que modifié par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 : «
quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le
consentement des époux… ». Quant au législateur tunisien, en exigeant le
consentement des deux époux pour que le contrat de mariage soit valable, le
l’article 2 du CSP, rompt avec cette pratique du droit musulman et instaure
l’égalité entre l’homme et la femme d’accéder à la liberté nuptiale. Mais dans le
code DIPT le législateur n’a pas instauré une clause spéciale d’ordre public
comme l’a fait son confrère français123 dans un objectif affiché de lutter contre le
mariage forcé. Ce silence ne peut être interprété en faveur de l’application d’une
loi étrangère relative au droit de ‘’Djebr’’ sur le territoire tunisien, lieu de
célébration du mariage mixte. Dans ce cas, rien n’empêche l’officier de l’état
civil de refuser la célébration un mariage mixte basé sur une contrainte visible
en ayant recours à l’exception d’ordre public.

La troisième catégorie est d’ordre moral, elle représente les


empêchements au mariage qui ont pour but de sauvegarder la moralité de la
société. Ces empêchements basés sur des considérations culturelles, morales et
sociales, constituent un handicap sérieux pour contracter un mariage mixte. En
effet chacune des lois nationales mise en cause par un mariage international veut
imposer le respect des prohibitions au mariage édictées par elle et qui touchent
directement ou indirectement l’autre partie au mariage. Cet impératif va à
l’encontre du principe de l’application distributive des lois nationales. A cette
difficulté s’ajoute la désignation de la règle de conflit du for tunisien d’une loi
étrangère qui dicte un empêchement considéré contraire aux principes
fondamentaux préconisés par l’ordre juridique tunisien, sachant, que pour la plus
part des pays, les empêchements au mariage ont une origine religieuse qui

123
L’article 202-1 du code civil français tel que modifié par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 dispose : « quelle
que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l’article 146 et
du premier alinéa de l’article 180 ».

40
PARTIE 1

bannit les relations incestueuses et impose le respect d’une certaine morale


sociale. Dès lors, que les empêchements au mariage relèvent de l’ordre public et
touchent les bonnes mœurs, le for tunisien intervient pour édicter ses
empêchements au mariage mixte qui doivent être respectés par l’étranger
désirant conclure son mariage sur le territoire tunisien. Cela est valable aussi
bien pour les empêchements permanents que pour les empêchements
provisoires. Tant qu’ils existent, la conclusion du mariage mixte est invalide.

Ce constat révèle les limites du principe de l’application distributive de la


loi nationale préconisée par la règle de l’article 45du code, pour les
empêchements au mariage d’une union mixte spécialement.

Paragraphe II : les limites au principe du rattachement à la loi


nationale de chacun des deux futurs époux

Selon l’article 45 du CDIP les conditions du mariage mixte s’apprécient


distributivement ; chacun selon sa loi nationale. Or cette application distributive
laisse entrevoir ses limites face à un empêchement appelé ‘bilatéral’, relatif aux
conditions au mariage qui concernent, à la fois, les deux époux. Bien que le
législateur tunisien ne prévoit pas explicitement la réponse à cette situation le
droit tunisien a, néanmoins, déterminé le domaine des empêchements
bilatéraux(B). Mais avant d’examiner les différents empêchements bilatéraux,
édictés par la loi tunisienne, il est nécessaire de traiter les questions relatives à
cette hypothèse tout en exposant l’essence de la théorie de l’empêchement
bilatéral (A)

A) L’empêchement bilatéral

Dans le mariage mixte, le principe de l’application distributive des lois


nationales semble parfois problématique face à l’empêchement bilatéral. Cet
empêchement, relatif à la formation d’un mariage mixte qui intéresse par
définition deux lois nationales, « résulte de ce que l’une des lois subordonne la
validité du lien à une condition dont le respect exige qu’elle se réalise
41
PARTIE 1

simultanément en la personne des deux parties »124. Autrement dit l’interdiction


ou la prohibition édictée par la loi nationale de l’un des futurs époux doit être
respectée par l’autre partie au mariage mixte. Ainsi en pareil cas, le mariage
mixte « n’est alors valable que si aucune des deux lois nationales ne l’annule » ;
c’est l’application cumulative. Elle présente selon certains une forme
particulière de l’application distributive, en présence d’un empêchement
bilatéral125. Alors, que d’autres la considèrent comme un mécanisme
d’adaptation« utilisé pour corriger les inconvénients résultant du principe
même du rattachement distributif »126.

Proposée par la doctrine allemande, la théorie d’empêchement bilatéral


(Zweiseitige) résulte d’une dichotomie entre la catégorie des empêchements
unilatéraux (Einseitige) et celle des empêchements bilatéraux. La première
catégorie se réfère aux conditions relatives à la personne de chaque futur époux ;
d’appréciation distributive, déterminant l’aptitude individuelle à contracter un
mariage. La seconde, touche aux conditions relatives au lien à créer, c'est-à-dire
celui qui concerne les deux époux à la fois.127

Subordonner la validité de l’union mixte à un empêchement bilatéral, qui


prend en considération un lien préexistant, telle la règle qui interdit le mariage
entre l’oncle et la nièce, par exemple, revient à méconnaître le caractère
distributif du rattachement en empiétant sur la compétence de la loi nationale de
l’autre époux applicable à l’aptitude au mariage. Mais ignorer un tel
empêchement au motif qu’elle n’est pas prévue par cette dernière, peut conduire
à faire primer le contenu de cette règle qui peut être contradictoire avec l’ordre
public de l’autre système juridique mis en cause.128

124 éme
Bureau(d) et Muir Watt(H), Droit international privé/2, 3 édition, Puf, 2014, P182.
125 éme
Mayer(P) et Heuzé(V), Droit international privé, LGDJ, 11 éd,2014, p 400.
126 éme
Bureau(d) et Muir Watt(H), Droit international privé/2, 3 édition, PUF, 2014, P182.
127
Kegel (G) en Siehr (K), Internationales privatrecht, 9 th edn, MÜNCHEN, 2004, 611.
128 éme
Bureau(d) et Muir Watt(H), Droit international privé/2, 3 édition, PUF, 2014, P182.

42
PARTIE 1

Dans ce sens et malgré les critiques doctrinales129 développées à


l’encontre de l’application commutative considérée peu satisfaisante, cette
solution vise à garantir la validité d’un mariage mixte par les systèmes
juridiques mis en cause en dissipant les unions compromettantes ne disposant
pas de garanties suffisantes de point de vue physique ou moral pour être
reconnues130.

Quand bien même que l’application cumulative des lois nationales mises
en cause par un mariage mixte lors d’un empêchement bilatéral semble
revendiquer la primauté de la rège la plus sévère, sa consécration par la plupart
des systèmes juridiques s’explique par deux arguments. Le premier, est que cette
solution répond à l’impératif exigé par la politique de l’Etat de maintenir ses
ressortissants sous son contrôle pour les matières qui relèvent du statut
personnel, de telle sorte qu’il serait difficile à un futur époux de se soustraire au
respect des conditions imposées par sa loi nationale. Tandis que la deuxième
« réside dans la difficulté de trouver une solution qui n’avantage pas l’une des
deux lois »131.

Dans ce sens, le législateur tunisien a gardé le silence sur la question qui


relève de l’application des empêchements bilatéraux. En effet, il est admis que
l’article 45 du CDIP limite le champ spatial du principe de l’application
distributive des lois nationales mises en cause par un mariage mixte aux
conditions et empêchements unilatéraux qui relèvent de l’aptitude personnelle
au mariage. Cependant, malgré ce silence, le législateur tunisien n’a pas
formellement interdit le recours à la théorie des empêchements bilatéraux. Bien
au contraire, la jurisprudence tunisienne a eu recours à maintes reprises à cette
129
Selon M. Mayer, l’application cumulative des lois nationales face à un empêchement bilatéral, revient à
privilégier la règle la plus sévère, ce qui contrarie le principe même de la neutralité de la règle de conflit. Il
ajoute, dans un souci de trouver une solution intermédiaire, que la logique mène à l’application de la loi
unique, ‘loi de la création’ désignée par un rattachement neutre comme celui du lieu de célébration, retenu
aux Etats-Unis, mais ce rattachement favorise la fraude à la loi ; Mayer(P) et Heuzé(V), Droit international privé,
éme
LGDJ, 11 éd., 2014, p 401.
130
Audinet(E), « Les conflits de lois en matière de mariage et divorce », RCADI, volume 105, 1962, p182.
131 éme
Mayer(P) et Heuzé(V), Droit international privé, 11 , LGDJ, 2014, p 401.

43
PARTIE 1

théorie qui nécessite l’application cumulative des lois nationales pour se


prononcer sur la validité des mariages mixtes où les conditions d’ordre public
n’ont pas été respectées132.

Cet aspect de la théorie des empêchements bilatéraux peut donner lieu à


une confusion entre deux mécanismes distincts de point de vue théorique et
pratique. En effet l’exception d’ordre public est considérée comme un correctif
exceptionnel permettant d’écarter la loi étrangère normalement compétente,
lorsque cette dernière contient des dispositions dont l’application est jugée
inadmissible par l’ordre juridique du for133 ; alors que la théorie des
empêchements bilatéraux est une forme particulière de l’application de la loi
désignée par la règle de conflit qui intervient à l’encontre de la loi étrangère ou
la loi du for par une application cumulative d’un empêchement édicté par la loi
nationale de l’un des deux futur époux. Une application qui privilégie la règle la
plus sévère.

Cependant, en pratique, l’autorité tunisienne célébrante est soumise à son


ordre public interne qui fixe son domaine de compétence. Ainsi, il ya lieu de se
demander si les empêchements au mariage édictés par la loi tunisienne, loi du
lieu de célébration, doivent être respectés par les futurs époux au même titre que
les empêchements édictés par leur loi nationale respective ?

Or, cette question ne se pose pas quand l’un des deux futurs époux est de
nationalité tunisienne ; car dans ce cas-là, s’ajoute à l’empêchent bilatéral édicté
par la loi tunisienne, une qualification d’ordre public ; c'est-à-dire que tous les
empêchements édictés par la loi tunisienne sont d’ordre public dans une union
matrimoniale mixte qui réunit un national et un étranger. Mais, elle semble
pertinente lorsque les deux futurs époux sont tous les deux de nationalité

132
TPI Sousse, chambre correctionnelle, n°9672, 24 novembre 2001, note Ben Achour(S), RTD, 2002, p.195 ;
voir aussi Cour d’appel de Tunis, civil, n°120, 6 janvier 2004, note Ben Achour(S), JDI, 2005 n°4, p.1193 et
suivants.
133 éme
Loussouarn (Y), Bourel(P) et de Vareilles-Sommières(P), Droit international privé, Précis Dalloz, Dalloz, 8
éd., 2004, p 520.

44
PARTIE 1

étrangère différente, surtout après l’abandon de l’ordre public de proximité par


le code de droit international privé tunisien134.

Le débat ne peut être résolu par affirmation ou négation. Le respect des


futur époux étrangers des empêchements édictés par la loi locale tunisienne
oscille suivant la nature, le fondement et la gravité de l’empêchent édicté. Dans
ce sens il est opportun d’approfondir la question en ayant recours à l’examen
casuistique des différents empêchements au mariage édictés par la loi
tunisienne.

B) le domaine des empêchements bilatéraux prévus par le droit


tunisien

Les empêchements au mariage sont de deux sortes en droit tunisien:


permanents et provisoires.

Les empêchements permanents concernent une prohibition systématique,


définitive et perpétuelle du mariage. Ils résultent de la parenté, de l’alliance, de
l’allaitement et du triple divorce135. Par contre les empêchements provisoires,
moins graves et temporaires, sont levés par la disparition ou l’expiration des
causes de prohibition. Ils découlent de l’existence d’un mariage non dissous et
de la non-expiration du délai de viduité136.

Inspiré du droit musulman, le législateur tunisien a consacré la majorité


des prohibitions au mariage, édictées par le coran. Mais, tout en procédant à une
énumération restrictive des différents empêchements au mariage énoncés par la
loi tunisienne (1) le législateur tunisien a fait de la prohibition de la polygamie
sa marque distinctive. Un autre empêchement consacré par le droit musulman
mais ne figurant pas explicitement dans le CSP a longtemps suscité des

134
L’article 36 du CDIP dispose que : « l’exception d’ordre public ne dépend pas de l’intensité du rapport entre
l’ordre juridique tunisien et le litige ».
135
L’article 14 du CSP.
136
Ibidem.

45
PARTIE 1

controverses137 , c’est l’empêchent du mariage d’une musulmane avec un non


musulman. La position conservatrice de la jurisprudence tunisienne, alimentée
par une circulaire ministérielle, considérée irrégulière par la majorité des
spécialistes, a alimenté un débat social d’actualité, après la révolution, où les
droits des femmes, l’égalité des sexes et les libertés individuelles sont au cœur
de la polémique. Comme conséquence le premier ministre tunisien décide, en
date du8 septembre 2017, d’abroger la dite circulaire laquelle sera abordée à
travers l’exclusion du mariage d’une tunisienne avec un non musulman du
domaine des empêchements bilatéraux (2).

1. Les différents empêchements édictés par la loi tunisienne

En droit tunisien, les empêchements au mariage pour cause de lien de


parenté et d’alliance sont consacrés par les articles 15 et 16 du CSP.

L’article 15 du CSP relatif à l’empêchement de consanguinité engendre


l’interdiction systématique du mariage d’un homme « avec ses ascendants et
descendants, avec sœurs et les descendants à l’infini de ses frères et sœurs, avec
ses tantes, grandes tantes et arrières grands- tantes ».

L’alliance étant proche de la parenté, l’article 16 du CSP interdit à


l’homme de se marier avec deux sortes de femmes :

Les ascendants de sa femme ; il est systématiquement interdit à l’homme


de se marier avec la mère de sa femme, avec sa grand-mère ainsi que son
arrière-grand-mère dès la célébration du mariage même si le mariage n’a pas été
consommé.

Alors que, pour les descendantes de sa femme il est prohibé à l’homme de


se marier avec ses belles-filles ou les filles de ses belles-filles à condition que le
mariage ait été consommé.

137
Bouguerra (M), Le juge tunisien et le droit de statut personnel, AJT, n°14, 2000, p29.

46
PARTIE 1

Ces empêchements sont édictés explicitement par le coran138, c’est pour


cette raison qu’il n’ya pas lieu de mettre en place un système de dérogation
susceptible d’accorder des dispenses139. Par conséquent même si les lois
nationales des deux futurs époux consacrent cumulativement une telle dispense,
la célébration d’un mariage mixte qui dispense d’un empêchement d’alliance ou
de parenté est improbable sur le territoire tunisien pour deux raisons : la
première est que les empêchements au mariage sont d’ordre public dans le droit
tunisien et la deuxième est que cette dispense, inexistante dans le système
juridique tunisien, pose le problème de l’autorité compétente pour délivrer une
dispense à un empêchement lié à la parenté ou à l’alliance.

L’origine divine des empêchements relatifs à la parenté et à l’alliance


confèrent à ces règles un caractère permanant et insurmontable qui s’oppose aux
règles plus permissives consacrées par certains pays, comme l’Allemagne140 ou
le Canada, qui prévoient que l’empêchement de parenté ou d’alliance peut être
levé, à certains degrés, permettant ainsi le mariage de l’oncle avec sa nièce ou la
tante avec son neveu.

Par conséquent, la célébration d’un mariage mixte entre deux étrangers de


nationalité différente dont l’application cumulative de leurs lois personnelles
prévoit l’empêchement de parenté et d’alliance d’une manière plus libérale et
permissive que celle prévue par la loi tunisienne est inconcevable sur le territoire

138
Sourate IV, verset 22 et 23 : « N’épousez pas des femmes qu’auraient épousées vos pères- exception faite
des situations acquises- : ce serait une turpitude, un inceste, un détestable chemin ! Vous sont interdites vos
mères, filles, sœurs, tantes de père ou de mère, nièces de frère ou de sœur, mères et sœurs de lait, mères de
vos épouses, pupilles encore dans votre giron et issues de vos femmes, si vous avez consommé l’union avec ces
dernières (au cas inverse, nulle faute à vous), et encore les épouses des fils issus de vos reins, et de conjoindre
deux sœurs, exception faite des situations acquises...Dieu est tout pardon, Miséricordieux. » Traduit d’après
Berque (J), le Coran, Essai de Traduction, éditions Albin Michel, 2002, p. 98-99.
139
Moins rigide, le législateur français permet dans l’article 164 du code civil français au Président de la
République de lever les prohibitions par l’accord d’une dispense qui rend légal le mariage entre l’oncle et la
nièce, la tante et le neveu et entre alliés en ligne directe, sous réserve du décès de la personne qui a créé le lien
d’alliance, ce qui veut dire que le lien du mariage doit être rompu par la mort de l’une des parties et non par le
divorce ou la séparation. Cette dispense est accordée dans le cas de l’existence d’un motif grave, tel que la
survenance d’un enfant. La décision du Président de la République est octroyée par décret et elle n’est
éme
susceptible d’aucun recours ; Bérnabent (A), Droit civil de la famille, Litec, 9 éd., 1999, p88.
140
Article 21 L.M, J-CL, droit comparé, fascicule1, 1997, n°103, p14.

47
PARTIE 1

tunisien. En effet, dans tous les cas l’officier de l’état civil tunisien doit soulever
l’exception d’ordre public pour évincer les disposions étrangères qui régissent
l’empêchement de parenté et d’alliance d’une manière plus permissive ou
ouvrant droit à des dispenses. 141

Outre l’empêchement de la parenté et de l’alliance, l’empêchement de


l’allaitement engendre les mêmes interdictions au mariage que le lien de parenté.
Régit par l’article 17 du CSP, seul l’enfant allaité, à l’exclusion de ses frères et
sœurs, est considéré comme l’enfant de la nourrice et de son époux.
L’allaitement ne prohibe le mariage que lorsqu’il a lieu au cours des deux
premières années142 de la vie du nourrisson. On constate d’après cet article que,
comme en droit musulman, il s’agit d’une prohibition de mariage entre toutes les
personnes ayant partagé le sein de la même nourrice pendant les deux premières
années143 de leur vie. En droit tunisien la preuve de l’existence de l’allaitement,
constituant un empêchement au mariage, se fait par le moyen du témoignage144.

En ce qui concerne le dernier des empêchements permanents édictés par la


loi tunisienne, le triple divorce est consacré par l’article 19 du CSP qui dispose :
« Est prohibé, le mariage de l’homme avec la femme dont il avait été divorcé
trois fois ». Traduit par le droit musulman entant qu’empêchement provisoire, le
législateur tunisien choisit d’en faire un empêchement permanant dans le droit
positif tunisien. Cette initiative avait pour but de mettre fin à certaines
manœuvres biaisées répandues dans la société tunisienne avant la promulgation

141
Nizard (M), Thèse précitée, p291.
142
Même si le législateur tunisien suit le rite mālikite, cela ne l’empêche pas de puiser dans les autres écoles les
règles qu’il juge intéressant d’introduire dans le droit positif car les Mālikites constituent l’empêchement au
mariage si la prise du lait eut lieu pendant les 26 mois suivant la naissance du bébé, alors que, les Ĥanafites
quant à eux observent l’empêchement si l’allaitement eut lieu dans les 24 mois suivant la naissance.
143
Sourate II, verset 233 : « les mères allaitent leurs nourrissons deux ans entiers, pour quiconque veut que
l’allaitement se parachève, à charge pour celui à qui l’enfant est né de pourvoir à l’entretien de la femme et à son
habillement, selon les convenances » ; Berque (J), Le Coran, Essai de Traduction, op.cit., p. 59.
Et conformément au ĥadiŧ du messager de Dieu : « N’est considéré comme allaitement que celui qui survient
lors des deux premières années de la vie » ; Abrégé de Bukharî, traduit par Harakat Ahmed, AL Namouzajieh,
Beyrouth-Saida, n°1762, p. 472.
144
La Cour de cassation tunisienne impose en plus du témoignage des personnes et spécialement des femmes,
que l’allaitement ait été connu avant la conclusion du mariage .Ben Halima (S), Cours de droit du statut
personnel, Tunis, centre d’édition universitaire, 2011, p.65.

48
PARTIE 1

du code de statut personnel.145Sachant que le divorce ne peut être prononcé que


par un jugement, jadis par la répudiation, il est désormais difficile que la
situation du triple divorce se produise. Cependant, il est délicat de se prononcer
sur le caractère d’ordre public de cet empêchement dans un mariage
international. La doctrine semble défavorable à l’application de cet
empêchement, spécifique aux pays musulmans, aux étrangers dont leurs lois
nationales l’ignorent146. Mais dans l’hypothèse du mariage de deux
ressortissants de pays arabo-musulmans dont la loi nationale de chacun d’eux
considère que cet empêchement est provisoire, selon certains, l’officier de l’état
civil tunisien ne peut opposer « l’ordre public à cette loi nationale qui est
conforme au droit musulman classique et, surtout, ne met pas en cause un
aspect fondamental de la pratique législative tunisienne »147.

Pour ce qui est des différents empêchements provisoires édictés par la loi
tunisienne ils sont au nombre de deux : le délai de viduité et l’existence d’un
mariage non dissous qui soulève la question de la polygamie dans le mariage
mixte.

Au terme de l’article 20 du CSP, est prohibé le mariage d’une femme


« avant l’expiration du délai de viduité », elle ne peut « contracter mariage
qu’avec son ancien époux ». Cet empêchement issu du droit musulman, impose
des délais rigoureux pour la femme dans les différentes situations mentionnées
par les articles 35 et 36 du CSP. En effet, la femme divorcée non enceinte doit
observer un délai de viduité de trois mois accomplis. Alors que le délai de
viduité pour la femme enceinte prend fin avec l’accouchement. De même, le
délai de viduité de la veuve est de quatre mois et dix jours, et pour la femme de
l’absent à compter du prononcé du jugement.

145
Ben Halima (S), op.cit, p 45 et 46.
146
Hachem (M-L), op.cit, p190.
147
Nizard (M), Thèse précitée, p293.

49
PARTIE 1

Le but étant d’éviter le mélanges des filiations et de s’assurer de la lignée,


la non-conformité de la loi nationale de l’un des deux futurs époux au délai de
viduité édicté par la loi du for semble justifier l’intervention de l’ordre public
pour évincer la loi ou les deux lois étrangères mises en cause par un mariage
mixte et appliquer la loi tunisienne entant que règle subsidiaire. 148

Le dernier empêchement résulte de l’existence d’un mariage non dissous.


Cet empêchement pose la question du mariage polygamique dans le mariage
mixte.

Aboli, depuis plus d’un demi- siècle, la polygamie est sanctionnée sur le
plan civil et pénal149. Élevé législativement au rang d’acquis national, ce choix
législatif affirmé dans les relations nationales, est également respecté au niveau
international. Ainsi, il est interdit de conclure des mariages polygames sur le
territoire tunisien quelque soit la nationalité du prétendant. L’interdiction suit
également les ressortissants tunisiens souhaitant conclure leur mariage à
l’étranger. Ce principe de monogamie résulte d’une volonté politique législative
réformiste150qui répond aux impératifs d’un Etat de droit démocratique dont
l’évolution ne peut se confirmer si la moitié de la société est opprimée. En effet,
à côté des inconvénients ravageurs de la polygamie sur la stabilité de la famille
qui est le fondement même de la société, cette institution va à l’encontre du
principe de l’égalité entre homme et femme consacré par la constitution et les
conventions internationales ratifiées.

Ainsi, l’empêchement relatif à la polygamie représente un principe


fondamental du système juridique tunisien. Qu’il soit qualifié de règle d’ordre
public ou d’une loi de police151« le caractère d’ordre public international de

148
Ibidem, p294.
149
L’article 18 et 21 du CSP.
150
Une volonté politique qui a su tirer bénéfice de se fonder « sur une règle solide “l’ijtihad” et sur les objectifs
de la Chariâ en constituant une preuve de la vitalité de l’islam et de son ouverture aux exigences de l’époque et
de l’évolution » pour atténuer le discours marqué des antagonistes à cette époque ; Ben Achour (S), Aux
sources du droit tunisien moderne : la législation tunisienne en période coloniale, thèse, Tunis, 1996.
151
TPI Tunis, 19 avril 1977, RTD, 1977, p. 91, note Ali Mezghani.

50
PARTIE 1

l’empêchement de bigamie n’a jamais fait de doute. Contrairement à ce qui était


admis jusqu’à la promulgation du code de droit international privé qui a interdit
l’ordre public de proximité, l’ordre public en matière de polygamie a toujours
été mis en œuvre quelle que soit la nationalité des époux152 ».153Par conséquent
des mesures préventives d’intervention d’ordre public ont été mises en place
pour interdire la conclusion de mariage polygamique sur le territoire tunisien ;
elles consistent dans la modalité législative traduite par l’article 46 du CDIP, qui
s’applique d’une manière prophylactique en imposant la présentation d’un
certificat de célibat pour les ressortissants de pays polygamiques pour qu’ils
puissent se marier sur le territoire tunisien, car c’est à travers cette forme qui est
au service du fond que le législateur cherche à empêcher la conclusion de
mariage bigamique et affirmer le principe de monogamie dans le système
juridique tunisien.154 Cette intervention est consacrée aussi par la modalité
administrative traduite par des circulaires ministérielles155 exigeant des
ressortissants des pays arabo-musulmans désirant se marier en Tunisie une
attestation de célibat ou de divorce. Pour confirmer cette perspective
d’interdiction de la bigamie sur le territoire tunisien, une intervention
postérieure de l’ordre public est consacrée par l’article 18 du CSP qui sanctionne
pénalement la bigamie. Considérée comme délit la bigamie suppose l’existence
d’un précédent mariage non dissous et la célébration d’un second mariage. Le
principe de monogamie étant d’ordre public les étrangers ne peuvent se

152
« Pareille intervention de l’ordre public se justifie en raison de la nature pénale de l’article 18 du code de
statut personnel ... . Le principe de la territorialité de la pénale s’opposera ainsi à la célébration d’un second
mariage en Tunisie, avant la dissolution du précédent. » ; Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien
peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in Polygamie et répudiation dans les relations internationales,
Actes de la table ronde organisée à Tunis le 16 avril 2004, ABC, 2006, p29.
153
Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in
Polygamie et répudiation dans les relations internationales, Actes de la table ronde organisée à Tunis le 16 avril
2004, ABC, 2006, p.28 et 29.
154
Mezghani(A), Commentaire du code de droit international privé, CPU, 1999, p.81.
155
Circulaires du ministre de l’intérieur adressées aux officiers d’état civil du 13 janvier 1968 et du 14 avril
1973, in textes et circulaires relatifs à l’état civil, au nom patronymique et au livret familial, Imprimerie
Officielle 1993, p. 93 et 96.

51
PARTIE 1

prévaloir de l’ignorer selon le principe de la territorialité de la loi pénale qui


s’opposera à la constitution d’un statut bigamique en Tunisie.156

2. L’exclusion du mariage d’une tunisienne avec un non musulman


du domaine des empêchements bilatéraux

Désormais, une tunisienne musulmane pourra faire valoir sa liberté de


choisir son conjoint devant les officiers de l’état civil ou les notaires sollicités
pour célébrer son mariage mixte. Auparavant, contrainte par des exigences
administratives formulées par des directives ministérielles, elle ne pouvait
contracter son mariage sur le territoire tunisien que si son futur époux de
nationalité étrangère s’était préalablement converti à l’islam. Conclu à l’étranger
en dépit de cette interdiction, ce mariage mixte n’était pas reconnu en Tunisie.
Effectivement, la circulaire ministérielle du 5 novembre 1973 relative à
l’interdiction de célébrer le mariage d’une tunisienne musulmane avec un non
musulman, longtemps source de confusion, a été abrogée le 8 septembre 2017
par une directive ministérielle destinée aux juges et aux officiers d’état civil.

Cette circulaire ministérielle consacrait l’empêchement au mariage pour


disparité de culte pour sa contradiction avec la politique législative tunisienne.
En se fondant sur l’article 5 du CSP elle affirme que : « le législateur a
considéré que la disparité de culte constitue un empêchement charaïque et a
visé à préserver l’identité musulmane de la famille tunisienne »157.

Cette discrimination d’ordre religieux avait été établie par la jurisprudence


et l’administration malgré, la restreinte du code de statut personnel des
empêchements au mariage dans une liste bien déterminée n’ayant pas mentionné
la disparité de culte comme empêchement matrimonial. Ce mutisme volontaire
156
Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in
polygamie et répudiation dans les relations internationales, Actes de la table ronde organisée à Tunis le 16 avril
2004, ABC, 2006, p.28 et 29.
157
Circulaires du ministre de l’intérieur adressées aux officiers d’état civil du 13 janvier 1968 et du 14 avril
1973, in textes et circulaires relatifs à l’état civil, au nom patronymique et au livret familial, Imprimerie
Officielle 1993, p. 93 et 96.

52
PARTIE 1

du législateur tunisien, qui semble traduire une mise à contribution des juges, a
suscité des controverses jurisprudentielles et doctrinales. Erigées en deux
positions antagonistes, certains se sont placés « dans le sillage de la politique
législative réformatrice pour parfaire l’œuvre d’innovation »158, alors que
d’autres s’acharnent à la mobiliser « par un retour aux sources sacrées »159.
Ainsi il est opportun d’exposer ces deux positions pour pouvoir constater les
dernières solutions relatives à ce débat.

La jurisprudence, bien qu’elle n’ait pas eu l’occasion de traiter d’une


manière indépendante160 la question de disparité de culte comme empêchement
au mariage mixte, a tout d’abord, abordé la question d’une manière
conservatrice dont, le célèbre arrêt’’ Houriya’’161 qui a confirmé la première
position de la jurisprudence selon laquelle, le mariage de la femme musulmane
avec non musulman est illicite conformément au droit musulman. Le courant qui
défendait cette position se fonde sur l’alinéa 1 de l’article 5 du CSP qui dispose
que « les deux futurs époux ne doivent pas se trouver dans l’un des cas
d’empêchements prévus par la loi ». Faisant foi, la version arabe de ce texte
emploi un mot qui prête à équivoque : ’’charaïques’’, pour désigner la loi. Ce
terme a été interprété par la Cour de Cassation en 1973, comme renvoyant aux
empêchements prévus par le ‘’chariaâ’’ et déclare par la suite que le mariage
d’une musulmane avec un non-musulman était nul162. Pour asseoir cette
position, les conservateurs considèrent que le législateur tunisien s’est inspiré
dans son élaboration du CSP, de la ‘‘charîa’’ et que le code de cheikh Mohamed

158
Cour d’appel, civ., Tunis, 6 janvier 2004, n°120 et Cour de Cassation, civ., 20 décembre 2004, n°3843, note
Ben Achour(S), JDI, 2005, n°4, p 1201.
159
Ibidem.
160
Elle a abordé la question dans des litiges relatifs à la succession ou au divorce ; voir : Cour de Cassation, 20
décembre 2004, n°3843, note Ben Achour(S), JDI, 2005, n°4, p 1201
161
Cassation Civil. 31 janvier 1966, n°3384,RJL, n°6, 1967, p37.
162
Cour de Cassation, 27 juin 1973, bulletins civil, 1973, p 21.

53
PARTIE 1

El Aziz Djaït qui était appliqué avant la promulgation du CSP a prévu


clairement que la disparité de culte constitue un empêchement au mariage163.

Il est certain que le droit musulman constitue une source matérielle du


code de statut personnel en droit positif tunisien mais est-ce une raison de
l’ériger « en source formelle autorisant l’interprète à y recourir en cas de
lacunes ou de silence. »164? Le courant moderniste reproche au premier sa
confusion entre source formelle et matérielle du droit. En effet, bien que le droit
musulman ait été une source d’inspiration du législateur cela ne permet en aucun
cas d’ajouter des empêchements non expressément prévus par le texte législatif
car « tout ce qui, du droit musulman n’a pas été consacré, a été implicitement
rejeté et ne peut plus, dès lors, être considéré comme droit positif »165. Cette
discrimination religieuse établie par la jurisprudence conservatrice a été soutenu
par la circulaire du ministre de la justice de 1973 interdisant aux officiers de
l’état civil de conclure le mariage entre des femmes musulmanes et des non
musulmans166 initiée à la circulaire du Secrétariat d’Etat à l’intérieur datée du 17
167
mars 1962 moins notoire car elle n’a pas était publiée et qui se référait à
l’article 5 du CSP pour interdire aux officiers d’état civil de célébrer le mariage
entre musulmane et non musulman.

Etant un empêchement provisoire, quiconque voulant épouser une


tunisienne devait rapporter la preuve de sa conversion à l’islam. La preuve de la

163
Article 184 du code ’’Djaït’’ dans sa version malikite : « la musulmane ne peut épouser qu’un musulman » ;
Le cheikh Mohamed Abdel Aziz Djaït, alors ministre de la Justice tunisienne, est président de la commission de
rédaction du Code charaïque. Celle-ci est chargée selon son décret constitutif « d’examiner un projet de Code
charaïque en vue du choix des textes qu’il convient d’appliquer devant les juridictions charaïques dans la
Régence ; textes extraits des ouvrages de jurisprudence islamique des deux rites hanéfite et malékite », du 16
juin 1949 instituant une commission en vue de l’examen d’un projet de Code charaïque, JOT, 5 juillet 1949,
p. 1156.
164
Ben Jémia (M), « Non-discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », in Mélange en
l’honneur du Doyen Yadh Ben Achour, CPU, 2008, p 264.
165
Kari (M), « Note à propos d’un texte ambigu : l’article 535 du Code des Obligations et des contrats », RTD,
1992, p 229.
166
Circulaire n°33 du 15 novembre 1973, portant interdiction de célébrer le mariage d’une tunisienne avec un
non musulman, revue de jurisprudence et de la législation, Novembre 1973, n°9, p.83.
167
Circulaire du 17 mars 1962, au Recueil de textes et circulaires relatifs à l’état civil, au nom et au livret de
famille, ministère de l’intérieur, imprimerie officielle de la république tunisienne, 1976, p82.

54
PARTIE 1

conversion était déduite de certaines présomptions comme, l’adoption d’un nom


arabe, l’attestation de conversion par un notaire ou par une autorité religieuse
tunisienne, l’acquisition de la nationalité tunisienne et autres. Mais à partir du 14
mai 1988 la circulaire n°39 émanant du premier ministre a unifié la preuve de
conversion, seul le certificat d’islamisation délivré par le Mufti de la république
tunisienne était recevable lors de la conclusion d’un mariage mixte par les
notaires ou par l’officier d’état civil168.

Dans un second temps, un autre courant jurisprudentiel et administratif


moderniste à l’antipode de celui-ci, voit le jour à partir de la fin des années
quatre-vingt-dix. Sur le plan administratif, la doctrine révèle la position d’une
minorité d’officiers d’état civil ayant commencé à partir de 1996 à célébrer des
unions mixtes entre des tunisiennes musulmanes et des non musulmans sans
évoquer l’interdiction consacrée par la circulaire de 1973169 ou exiger le
certificat de conversion délivré par le mufti de la république tunisienne.

Quant au revirement de la position de la jurisprudence tunisienne170,


plusieurs décisions rendues par les juridictions de fond ont refusé de considérer
la disparité de culte comme empêchement au mariage mixte. Ce mouvement de
résistance contre l’interprétation traditionaliste de l’article 5 du CSP s’est basé
sur le principe de l’interprétation stricte des exceptions171 car seuls sont
considérés empêchements matrimoniaux les empêchements légaux énumérés par
l’article 14 et 20 du CSP. Il s’est fondé sur les conventions
internationales172ratifiées par la Tunisie et les articles 5 et 6 de l’ancienne

168
Ben Jémia (M), « Non-discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », Mélange en l’honneur
du Doyen Yadh Ben Achour, CPU, 2008, p 274.
169
Meziou (K), « Mariage- filiation », JCl, Droit comparé, V°, Tunisie 1997, n°36.
170
Cour d’appel, civ., Tunis, 6 janvier 2004, n°120 et Cour de Cassation, civ., 20 décembre 2004, n°3843.2004 ;
note Ben Achour (S), JDI, 2005, n°4, 1193 et suivant. Et TPI de Tunis, 29 juin 1999, n°26855, RTD 2000, p. 403 ;
note Ben Achour(S).
171
Les articles 532 et 540 du COC.
172
Loi n° 67-41 portant adhésion de la Tunisie à la convention de New-York sur le consentement au mariage,
l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, JORT, 21 novembre 1967, p. 1444 ; Décret de
publication n° 68-114, JORT, 1968, p.476. Et la Loi n°85-68 du 12 juillet 1985, JORT, 12 et 16 juillet 1985, p 919 ;

55
PARTIE 1

constitution de 1959 garantissent deux principes généraux : la liberté de


conscience et l’égalité entre les citoyens marquant ainsi une homogénéité des
textes de loi avec les conventions internationales ratifiées par la Tunisie et la
constitution dans une optique progressiste et universaliste de promotion des
libertés individuelles et d’égalité entre les sexes.

Certes, ce raisonnement moderniste ne faisait pas l’unanimité, certains


juges maintenaient cette discrimination, qui s’est prolongée lors de la période de
transition qu’a connu la Tunisie et qui a engendré plusieurs crises notamment au
niveau de la justice, révélant le retour de certains juges au référent religieux pour
résoudre certains litiges.

Dans ce contexte un arrêt de la Cour d’appel de Sousse annule le 3 mai


2013 un mariage entre une tunisienne et un Italien en se fondant sur la disparité
de culte comme empêchement au mariage mixte dans une action de divorce. Il
s’agissait en l’espèce d’une tunisienne mariée à Sousse en 2010 avec un Italien
devant deux notaires, ces deux derniers ont célébré le mariage sans exiger que le
mari prouve son islamisation par un certificat délivré par le mufti de la
république tunisienne173 et sans que la question de la disparité de culte pose le
problème d’empêchement bilatéral. Peu après, le mari demande le divorce et
obtient par application de la loi tunisienne, compétente selon la règle de conflit,
le divorce avec la charge de verser des indemnités en faveur de la femme
tunisienne.

La femme tunisienne interjette appel pour demander l’augmentation de


ces indemnités. La Cour d’appel casse le jugement de première instance et
rejette l’action en divorce en la déclarant irrecevable pour inexistence de
mariage car l’époux n’est pas musulman et que l’islamisation de l’époux

Décret de publication n° 91-1821 du 25 novembre 1991, portant publication de la convention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, JORT, 13 novembre 1991, p 1956.
173
La circulaire n°39 du 14 mai 1988 émanant du premier ministre ; voir aussi, Ben Jemia (M), « Non
discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », in Mélanges en l’honneur du Doyen Yadh Ben
Achour, CPU, 2008,p.274

56
PARTIE 1

étranger est une condition essentielle pour la conclusion de mariage en droit


tunisien. Elle affirme l’interdiction de la femme musulmane d’épouser un non
musulman en se basant sur l’article 5 du CSP dans sa version ancienne avant la
réforme de 2007, le juge interprète cet article comme renvoyant aux
empêchements prévus par la chariaâ et choisit d’ignorer la liste restrictive des
empêchements au mariage citée par l’article 14 du CSP. Et malgré que la cour
veuille bien admettre que « la religion est une question personnelle, qui
n’intéresse que le créateur et sa création », elle affirme que « toutes les
présomptions (nom, pays, nationalité, résidence…) induisent que l’homme n’est
pas musulman, surtout qu’il n’a pas apporté la preuve de sa conversion à
l’islam ». Elle objecte alors, les notaires qui ont célébré le mariage sans vérifier
l’islamisation du mari, pourtant une condition essentielle pour conclure un
mariage mixte.

L’arrêt se détourne de la jurisprudence majoritaire qui affirme que la


disparité de culte ne figure pas dans les empêchements au mariage car « le fait
d’introduire un empêchement religieux parmi ceux énoncés au sein de l’article5
du CSP viole directement …la constitution qui garantit l’égalité entre les
individus, ceci est susceptible de répartir les individus en catégories différentes
qui ne jouissent pas des mêmes droits ; ainsi les hommes à l’opposé des femmes
sont libres de se marier à des non-musulmanes »174.

Ainsi donc, la cour choisit de se fonder sur le référent religieux alors que
seul le critère de nationalité est autorisé par le code de statut personnel et le code
de droit international privé175. Cet arrêt viole des droits désignés comme
fondamentaux telle la liberté de conscience et l’égalité entre les sexes dans la
liberté de choisir son conjoint.

174
Cour d’appel de Tunis, 6 janvier 2004, n° 120, journal du droit international, 2005,n°4, p 1193 et suivant,
note Ben Achour(S).
175
Ben Jemia (M), « non discrimination religieuse et code de statut personnel tunisien », Mélange en l’honneur
du Doyen Yadh Ben Achour, CPU, 2008, p 273.

57
PARTIE 1

En conclusion cet arrêt démontre la précarité de la solution


antidiscriminatoire de la jurisprudence et du travail administratif.

En effet la volonté palpable, de vouloir harmoniser les textes de loi avec


la constitution et les conventions internationales ainsi que le désir d’unifier le
travail jurisprudentiel et administratif relatif à cette questionne peut aboutir avec
la présence de la circulaire de 1973, qui en plus de son irrégularité peut induire
en erreur ou constituer une assise aux courants traditionnels qui confondent
l’application des textes juridiques avec les règles du droit musulman.

Dans ce contexte, la liberté au mariage relancée récemment par un


mouvement social féministe incita le président de la république tunisienne à
entreprendre un discours réformiste176 soulevant un débat tendant à promouvoir
l’égalité entre hommes et femmes dans la liberté de choisir son conjoint et
l’égalité dans l’héritage.

Bien que la question de l’égalité dans l’héritage demeure suspendue, la


liberté de la femme tunisienne de choisir son conjoint a bel et bien été affirmée.
Le ministre de la justice annonce, le 8 septembre 2017, par une directive
ministérielle destinée aux juges et aux officiers d’état civil, l’abrogation de la
circulaire n° 606 du 19 octobre 1973 relative à l’interdiction de célébrer le
mariage d’une tunisienne musulmane avec un non musulman. La décision du
ministre de la justice se base sur trois arguments solides, déjà avancés par la
jurisprudence moderniste.

Le premier argument révèle la contradiction flagrante de cette circulaire


avec les articles 21 et 46 de la constitution actuelle du 27 janvier 2014.
Considérant que la constitution qui représente la plus haute autorité juridique
dans l’Etat a pour prérogative de garantir les libertés générales, l’interdiction de
célébrer le mariage d’une tunisienne musulmane avec un non musulman va à
176
Le discours du président de la république tunisienne prononcé, le 13 août 2017, à l’occasion de la cérémonie
éme
officielle relative à la célébration de la journée nationale de la femme et du 61 anniversaire de la
promulgation du code du statut personnel.

58
PARTIE 1

l’encontre du principe constitutionnel et affecte directement l’une des libertés


essentielles affirmées par la constitution dans l’article 21 qui consacre le
principe d’égalité entre les citoyens « devant la loi sans aucune discrimination »
tout en garantissant« les libertés et les droits individuels ».

Effectivement, la restriction de l’interdiction matrimoniale pour disparité


du culte aux femmes tunisiennes est en soi une forme de discrimination qui
empêche la femme tunisienne d’exercer sa liberté individuelle de choisir son
conjoint. Représentant une discrimination envers les femmes tunisiennes, cet
empêchement matrimonial est anticonstitutionnel car l’article 46 de la
constitution engage la responsabilité de l’Etat, certes, à « protéger les droits
acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer » mais aussi à
éradiquer toute forme de discrimination ou de violence contre les femmes.

Le deuxième participe de l’incohérence de cette circulaire avec les


conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Considérée comme supra-
législative selon l’article 20 de la constitution, la convention de ‘’New York’’ du
10 décembre 1962 ratifiée par la Tunisie le 4 mai 1968, présume que le mariage
est une forme de liberté garantie à toute personne apte, indépendamment de la
diversité religieuse et raciale. Cette convention est complétée par celle de
‘’Copenhague’’ du 18 décembre 1979177 qui interdit dans son article 16 toute
forme de « discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions
découlant du mariage… ». En affirmant l’égalité entre l’homme et la femme le
même article leur assure : « a) Le même droit de contracter mariage ;b) Le
même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de
son libre et plein consentement; »

177
La Tunisie ratifie la convention (CEDAW) par la loi n°85-68 du 12 juillet 1985 mais sous réserve selon laquelle
l’Etat Tunisien ne prendrait aucune disposition contraire au premier chapitre de la constitution de 1956 ; JORT,
12 et 16 juillet 1985, p 919. Mais Récemment, la Tunisie a levé de manière officielle ses réserves. En effet, dans
un document publié par le secrétariat de l’ONU, le 28 avril 2014, l’organisation annonçait au gouvernement
tunisien la levée de toute réserve concernant l’adhésion à la convention CEDAW. Bien qu’elle ait été annoncée
en octobre 2011, la levée des réserves n’est devenue concrète qu’avec l’annonce officielle du gouvernement
tunisien.

59
PARTIE 1

Et le troisième dénonce l’interdiction frappant une tunisienne musulmane


de conclure un mariage mixte avec un non musulman par la circulaire de 1973,
comme irrégulière et infondée juridiquement. Cette interdiction ne peut être
l’objet d’une circulaire. Car la circulaire est une instruction de service écrite
adressée par une autorité supérieure à des agents subordonnés en vertu de son
pouvoir hiérarchique. La circulaire est souvent prise à l’occasion de la parution
d’un texte législatif afin de le présenter et de l’expliquer aux agents qui vont
devoir l’appliquer. De point de vue de sa nature elle ne peut constituer une
décision qui crée de nouveaux droits juridiques ou qui touche des droits acquis
par un texte de loi, puisqu’elle ne doit pas créer de règles juridiques nouvelles.
Dés lors, la dite circulaire représente un exemple concret de l’empiétement du
pouvoir réglementaire sur le pouvoir législatif. D’ailleurs, l’instauration d’un
empêchement au mariage d’ordre religieux non cité par les textes de loi, par une
circulaire ministérielle, représente une violation explicite d’un droit acquis, qui
est la liberté de la femme tunisienne de choisir son conjoint et de se marier. Par
conséquent, comme l’a fait remarquer le ministre de la justice dans sa directive
de 2017178, cette circulaire est considérée irrégulière et ineffective.

Cette directive ministérielle, semble condamner la disparité de culte


comme empêchement au mariage mixte, mais cela permet-il de trancher la
question de façon définitive et d’exclure la disparité de culte du domaine des
empêchements au mariage mixte consacrée par le droit tunisien ? La réponse
semble positive surtout après la publication de directives et circulaires dont le
but d’unifier le travail jurisprudentiel et administratif concernant la conclusion,
la transcription ou la validité des mariages mixtes. Cette affirmation est
consolidée par la circulaire du ministre des affaires locales et de
l’environnementdu11 septembre 2017 adressée aux officiers d’état civil, relative
aux documents demandés pour la conclusion des mariages. Le ministre a vu bon
de rappeler les principaux documents demandés pour la conclusion d’un mariage
178
Voir ANNEXE N° 2.

60
PARTIE 1

sur le territoire tunisien. Cette circulaire reprend les mêmes documents déjà
établis à l’exception du certificat de conversion à l’islam délivré par le mufti de
la république. Le retrait du certificat de conversion pour le mari non musulman
de la liste des documents demandés est une preuve explicite179 de l’exclusion de
la disparité de culte comme empêchement au mariage mixte.

Par conséquent la disparité de culte ne devrait plus être considérée comme


un empêchement bilatéral pour la conclusion d’un mariage mixte par les
officiers de l’état civil tunisien, ni pour établir la nullité du mariage mixte. Mais
tous les autres empêchements et conditions d’ordre substantiel et formel, cités
antérieurement peuvent être cause d’annulation du mariage mixte en cas
d’inobservation. Dans ce cadre il faut rappeler que dans un mariage mixte, la loi
compétente pour régir la validité de la formation sur le plan substantiel, à
l’exception des empêchements bilatéraux, est la loi nationale de chacun des deux
futurs époux appliquée distributivement. Alors que c’est la loi du lieu de
célébration qui est compétente pour régir la formation du mariage mixte sur le
plan formel. Etant des règles impératives, les conditions de formation d’un
mariage mixte justifient en conséquence, l’existence de sanctions postérieures à
la formation d’un mariage mixte invalide. Il s’agit de la nullité. Conséquence
inhérente à l’inobservation des conditions de validité du mariage mixte, la
nullité du lien matrimonial n’est pas réglementée par le droit international privé
tunisien. Ainsi se pose la question de la loi applicable au régime de nullité du
mariage mixte et de ses effets.

179
Voir Annexe n°3.

61
PARTIE 1

Chapitre II : Le silence législatif sur la loi applicable à


la nullité du mariage mixte
Ce qui singularise le régime juridique du mariage mixte, ses conditions,
qui dépendant d’une catégorie de rattachement unique, entraînent l’application
de plusieurs lois impératives. L’inobservation lors de la conclusion du mariage
mixte des conditions de validité, de forme ou de fond, induisent généralement à
une sanction civile postérieure : la nullité de l’union. S’agissant d’une relation
internationale, la détermination de la loi applicable à la nullité du mariage mixte
passe par le biais de la règle de conflit du for. Or le législateur tunisien a omis de
préciser dans les textes législatifs la loi applicable à la nullité du mariage mixte
qui régit les conséquences de la violation des conditions de fond ou de forme.

A l’inverse de certains systèmes de droit international privé tels la


Pologne180, l’Autriche181, le Togo182 et bien d’autre pays, le législateur tunisien
c’est contenté de déterminer successivement dans les articles 45 et 46 du CDIP
la loi applicable aux conditions de fond et de forme du mariage sans préciser que
c’est à « la loi qui régit la validité qu’il revient de définir l’invalidité »183. En
s’inspirant de la doctrine française, la doctrine tunisienne adopte la même
démarche ; ce principe est la conséquence d’un raisonnement mené en droit
interne. En effet le droit positif tunisien consacre les nullités du mariage à
l’échelle nationale. Reconnu par la doctrine, la jurisprudence et la majorité des
systèmes de droit international privé, ce principe adopté par le droit international
privé tunisien fait l’objet de plusieurs applications jurisprudentielles.

Ledit principe consiste donc à attribuer la compétence de régir la nullité


de l’acte de mariage mixte à la loi de la condition violée (Section I). Mais une

180
Article 16 de la loi du 12/11/1965 relative au droit international privé Polonais, RCDIP, 1996, p323.
181
Article 17-1 de la loi fédérale du 15/6/1978 relative au droit international privé, RCDIP, 1979, p174.
182
Article 707 alinéa 1 du code de la famille, ordonnance du 31/1/1980, RCDIP, 1982, p 602.
183
De La Pradelle (G), Droit international privé : les conflits de lois en matière de nullités, volume VIII, Dalloz,
1967, p.214.

62
PARTIE 1

fois la nullité prononcée, force est d’établir les conséquences de cette nullité à
travers la détermination de la loi applicable aux effets de la nullité du mariage
mixte (Section II), chose qui n’est pas facile vu les controverses doctrinales qui
entourent cette question.

Section I : Le principe du rattachement à la loi de la


condition violée
Dès lors qu’Il paraît normal et logique en droit international privé tunisien
« que la loi dont une règle a été violée soit elle-même compétente pour régir les
conséquences de cette violation »184, la loi de la règle violée doit être assimilée
en matière de nullité du mariage mixte aux liens de rattachement qui régissent
les conditions de validité de ce contrat. En effet la règle de conflit de loi adoptée
par la majorité des droits internationaux privés, dont la Tunisie, désignent des
lois distinctes pour régir les conditions de validité de fond de celles de forme,
lesquelles sont compétentes pour régir sa nullité. Ce lien essentiel qui unit la
nullité à la loi dont relèvent les dispositions substantielles, s’explique du fait que
ce sont ces dispositions qui souffrent de la violation. Ainsi, il convient de
déterminer le fondement de la compétence de la loi de la condition violée
(Paragraphe I) à travers l’analyse de certaines décisions de la jurisprudence
françaises abondantes sur cette question, avant la mise en œuvre de la nullité du
mariage mixte (Paragraphe II).

Paragraphe I : Fondement de la compétence de la loi de la condition


violée

Une jurisprudence presque unanime consacre cette solution en matière de


nullité du mariage mixte. Comme l’affirme De La Pradelle, « les applications de
ce principe sont aussi anciennes et variées que les différents rattachements des

184
Nizard (M), Thèse précitée, p302.

63
PARTIE 1

conditions de validité »185. C’est ainsi que la jurisprudence comparée affirme


que les nullités sanctionnant les conditions de fond du mariage sont régies par la
loi nationale violée (A) alors que pour régir les nullités de forme, c’est le
rattachement à la lex loci celebrationis qui sera appliqué (B).

A) Le rattachement à la loi nationale violée pour régir les nullités de


fond

Le principe en droit international privé tunisien et français est que les


conditions de fond du mariage mixte sont régies par une application distributive
des lois nationales désignées par la règle de confit. De ce fait, la loi nationale de
chacun des deux futurs époux définit l’ensemble des conditions de fond du
contrat de mariage mixte et, par conséquent, les nullités sanctionnant ces
conditions.

C’est ainsi que la cour de cassation française186 confirme ce postulat en


annulant la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a annulé un
mariage mixte entre un époux tunisien et sa femme de nationalité française et
tunisienne sur le fondement du droit français pour défaut d’intention
matrimoniale. Selon la cour de cassation, la cour d’appel n’a pas procédé à une
application distributive des lois personnelles des époux pour confirmer la nullité
du mariage, de plus, elle a dénaturé « les termes clairs et précis d’une loi
étrangère ; que les seules unions frappées de nullité par le code du statut
personnel tunisien sont, aux termes clairs et précis de l’article 21 de ce code, les
unions qui comportent une clause contraire à l’essence du mariage ou qui sont
conclues en contravention des dispositions du 1er alinéa de l’article 3, du 1er
alinéa de l’article 5 et des dispositions des articles 15, 16, 17, 18, 19 et 20 de ce
code ; qu’à l’inverse, les obligations réciproques des époux énumérées par
l’article 23 du code ne sont pas édictées à peine de nullité ; qu’en prononçant la

185
De La Pradelle (G), droit international privé : les conflits de lois en matière de nullités, volume VIII, Dalloz,
1967, p.141.
186
Cour de Cassation française, chambre civil 1, 1 juin 2011, 09-67.805, Bulletin civil 2011,1, n°120.

64
PARTIE 1

nullité du mariage des époux en ce que le mari aurait contracté le mariage sans
vouloir assumer les obligations énoncées par l’article 23, la cour d’appel a
dénaturé les articles 21 et 23 du code du statut personnel tunisien et a violé
l’article 3 du code civil. »

De même, la cour de cassation française annule un arrêt de la cour


d’appel187pour avoir annuler un mariage mixte en se basant sur la loi française
du mari pour défaut d’intention matrimoniale. Elle exprime en ces termes :
« Qu’en statuant ainsi, alors que les conditions de fond du mariage sont régies
par la loi nationale de chacun des époux et qu’elle devait faire application de la
loi algérienne (loi nationale de l’épouse) pour apprécier le consentement de
Mme Y.…, la cour d’appel a violé le texte de loi ».

Ainsi, concernant la nullité des conditions de fond du mariage mixte il est


du devoir du juge saisi de se référer à la loi nationale de chacun des deux époux
pour constater la violation de la condition de validité mise en cause. Mais la
consécration du principe de l’application distributive des lois nationales pour
annuler une union invalide laisse subsister des difficultés et des incertitudes face
à des empêchements considérés bilatéraux mais aussi d’ordre public tel le
caractère monogamique de l’union. C’est pour y remédier qu’une application
cumulative des lois en présence est sélectionnée afin de fonder l’annulation d’un
mariage mixte entre deux ressortissants de pays différents de celui du for, alors
que si le mariage mixte objet d’annulation met en cause un époux ressortissant
du pays du for tous les empêchements prévus par la loi du for sont considérés
d’ordre public. C’est ainsi que, la loi française du mari engagé dans les liens
d’un premier mariage provoque la nullité de l’union contractée avec une
Syrienne188.Le principe de monogamie étant d’ordre public en droit français, le
juge annule le mariage mixte sans prendre en considération la loi syrienne.

187
https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_arrets_chambres_civiles_2711 ; dans le même
sens, Cour de Cassation française, chambre civil 1, 9 juillet 2008, 07-19079, Bulletin 2008,1, n°193.
188
Cour de Cassation civile, 6 mars 1956, note Franscescakis (Ph), JCP, 1956.II.9549, p 305.

65
PARTIE 1

De même le tribunal de première instance de Sousse189 annule sur le


fondement de la loi tunisienne de l’épouse, son mariage en Egypte avec un
égyptien engagé dans les liens d’un premier mariage avec une tunisienne. Les
Deux applications citées fondent la compétence de la loi de la condition violée
par application de l’exception d’ordre public. Après, la mise en œuvre de la
règle de conflit qui aurait désigné la loi syrienne et la loi égyptienne, qui toute
deux consacrent la polygamie, ces deux lois sont écartées en faisant intervenir
l’exception d’ordre public. Ecarter une disposition figurant dans la loi
personnelle de l’un des deux époux peut être vu comme une atteinte à son statut
personnel, mais dans le cas des empêchements bilatéraux le but de la règle est le
lien matrimonial qui doit être conforme à la politique matrimoniale choisie par
le pays du ressortissant et non par l’un ou l’autre époux.

Si le rattachement à la loi nationale de chacun des deux époux est à


l’origine de la plupart des cas de nullité du droit international privé, elle n’en a
cependant pas l’exclusivité en matière de mariage mixte.

B) Le rattachement à la lex loci celebrationis pour régir les nullités de


forme

À l’instar du droit international privé tunisien, il est de principe dans la


majorité des droits internationaux privés comparés que les conditions de validité
de forme du mariage mixte sont régies par la loi du lieu de célébration. Dès lors
la loi applicable aux nullités de forme est la lex loci celebrationis.
Malheureusement, les applications de ce principe par les tribunaux tunisiens ou
étrangers sont rares, mais la doctrine tunisienne et comparée sont arrivées à
démontrer que la loi du lieu de célébration compétente pour régir les conditions
de forme, peut seule déterminer le régime de nullité relatif à l’inobservation de
ces conditions.

189
TPI de Sousse, chambre correctionnelle, 24 novembre 2001, n°9672, note Ben Achour(S), RTD, 2002, p195.

66
PARTIE 1

Supposons le cas d’un mariage célébré sur le territoire tunisien en la


forme musulmane entre un algérien et une libyenne. Une telle union violerait la
loi du lieu de célébration. Le tribunal saisi devra l’annuler sur la base de l’article
36 de la loi de 1957 relative à l’état civil. Selon cet article la sanction de nullité
pour inobservation des conditions de forme du mariage sur le territoire tunisien
est assortie d’une sanction pénale. Le fait qu’ils soient tous les deux
ressortissants de pays qui consacrent la célébration du mariage à la forme
musulmane ne permet pas de considérer leur union valide en Tunisie et à
l’étranger dans la mesure où c’est la loi du lieu de célébration qui régit la forme
du mariage mixte en droit international privé190. En outre la forme authentique
du mariage mixte rédigée par l’officier d’état civil ou deux notaires est la seule
forme admise et reconnue par le droit tunisien191. Ainsi chaque couple mixte qui
réunit deux étrangers de nationalités différentes ou un national et un étranger
célébrant leur mariage sur le territoire tunisien sans observation de la forme
locale tunisienne, se verront infliger une sanction pénale de 3 mois
d’emprisonnement par un jugement statuant à la fois sur l’infraction et la nullité
de l’union. C’est ainsi, que jurisprudence tunisienne192qualifie le fait qu’une
tunisienne entreprenne avec un italien une vie similaire à un couple marié, d’un
mariage célébré en dehors des formes légales. En adoptant une interprétation
élargie de cette notion, la cour de Cassation confirme l’annulation de ce mariage
irrégulier et condamne les inculpés à une peine d’emprisonnement.

Les sanctions peuvent être justifiées par l’ordre public qui imprègne les
règles procédurales relatives à l’élaboration du contrat de mariage. La violation
de ces règles constitue par conséquent une atteinte à la souveraineté tunisienne.

190
Article 46 du CDIPT.
191
L’article 31 de la loi n°57-3 du 1 août 1957, réglementant l’état civil, JORT, n°2 et 3 du 30 juillet et 2 août
1957.
192
Cour de Cassation pénal, le 27 juin 1973, 7795, BCC, partie pénale, 1973, p21.

67
PARTIE 1

Paragraphe II : La mise en œuvre de la nullité du mariage mixte

La mise en œuvre de cette nullité suscite plusieurs questions en l’absence


de textes législatifs spécifiques. Dans ce contexte la distinction entre l’action
proprement dite et la demande en justice refléterait la parité entre la loi qui régit
l’acte de mariage mixte et ce qui dépend de la lex fori. La répartition entre la loi
substantielle et la loi de procédure correspond donc à cette distinction. Ainsi
l’action en nullité pose des problèmes de fond en ce qui concerne les conditions
de mise en œuvre de l’action en nullité (B), et les problèmes de procédure et de
compétence judiciaire des tribunaux tunisiens (A).

A) Lex fori et compétence internationale des tribunaux tunisiens

En droit international privé tunisien comme en tout autre droit, la


compétence des tribunaux tunisiens relève de la lex fori. Pourtant une difficulté
émergea en matière de mariage mixte ; le caractère particulier des règles
relatives à sa formation et leur sanction a fait douter de justesse du principe
énoncé. La doctrine193 s’est demandé « si les dispositions portées en ce domaine
par certaines lois étrangères, ne s’opposent pas à la saisine d’un tribunal »
tunisien.

Cette incertitude est née du fait qu’il arrive à la loi personnelle


réglementant le mariage d’inclure dans sa définition la procédure de
l’annulation.

Faut-il remarquer que dans certaines législations se pose le problème du


caractère religieux de la formation du mariage qui induit parfois à exiger le
caractère religieux des autorités appelées à en prononcer l’annulation. Or la
conception laïque du mariage en droit tunisien imprègne la qualification des
formalités de dissolution ou d’annulation du mariage d’un aspect procédural194.
Une qualification qui prévaut nécessairement à l’encontre des qualifications de
193
De La Pradelle (G), Droit international privé : les conflits de lois en matière de nullités, volume VIII, Dalloz,
1967, p.171.
194
Ibidem, p 171 et 172.

68
PARTIE 1

la loi étrangère selon BARTIN195. En effet cet aspect procédural ne peut


dépendre que de la lex fori, d’autant plus que le droit international privé tunisien
consacre le rattachement à la loi du lieu de célébration pour régir les formalités
de formation du mariage mixte196.Par conséquent, la compétence judiciaire des
tribunaux tunisiens en matière de nullité du mariage mixte est régie par la lex
fori, alors que les conditions de mise en œuvre de l’action en nullité sont régis
par la loi nationale de la condition violée.

B) Les conditions de mise en œuvre de l’action en nullité

En général l’action est « un pouvoir légal de saisir la justice »197. Etant


donné que la nullité est la conséquence de l’inobservation d’un texte de loi, c’est
le texte de la loi violée qui déterminera les causes de nullité du mariage, les
personnes ayant la qualité pour exercer l’action en nullité du mariage et les
délais de prescription198. Il est admis en droit international privé tunisien que la
mise en œuvre de la nullité obéit à la loi de condition violée.

Ainsi, c’est la loi tunisienne qui déterminera les conditions de mise en


œuvre de l’action en nullité du mariage mixte, si, lors de la formation du lien,
elle a été violée entant que loi nationale de l’un des deux époux ou entant que loi
du for de célébration. Or le code de droit international privé tunisien n’apporte
aucune réponse concernant la nullité ou les conditions de l’action en nullité.

Considérant ce silence législatif, c’est aux textes du droit interne tunisien


que la doctrine et la jurisprudence doivent se référer pour déterminer les causes,
les titulaires et les délais de prescription de l’action en nullité d’un mariage
mixte.

195
Bartin (E-A), Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence Françaises, tome 1, Paris,
Editions Domat-Montchrestien, 1930, p 169. ; Selon Bartin « la règle qui donne compétence au tribunal
français n’est pas une règle de conflit, elle s’applique immédiatement… » .
196
L’article 46 du CDIPT.
197
De La Pradelle (G), Op.cit., p169.
198
De La Pradelle (G), Op.cit., p170 et suivant.

69
PARTIE 1

A priori, le droit tunisien ne consacre que la nullité absolue en matière de


mariage199 à la différence de la loi française qui distingue entre l’inobservation
des conditions du mariage qui relèvent de la nullité absolue et l’inobservation
qui relève de la nullité relative.

Concernant les causes de nullité du mariage mixte, les unions frappées de


nullité conformément au code du statut personnel tunisien sont, aux termes clairs
et précis de l’article 21 de ce code, les unions qui comportent une clause
contraire à l’essence du mariage ou qui sont conclues en contravention des
dispositions du 1er alinéa de l’article 3, du 1er alinéa de l’article 5 et des
dispositions des articles 15, 16, 17, 18, 19 et 20 de ce code. Alors que la loi du
1er août 1957 relative à l’état civil, déclare nulle « l’union qui n’est pas conclue
conformément à l’article 31 » de la loi. Ainsi le législateur tunisien distingue
entre les nullités de forme et les nullités de fond.

Par conséquent si un mariage mixte à été conclu sans le consentement de


l’un des époux ou sans respecter l’âge minimum pour le mariage sera frappé de
nullité. Or, les causes de nullité de fond ne sont effectives que si l’un des deux
époux est de nationalité tunisienne. Mais si la condition violée relève de l’ordre
public international, comme le principe de monogamie, la nullité s’appliquera
aux étrangers même si leurs lois nationales restreignent le droit d’agir en nullité
concernant cette cause. En effet il serait insensé d’admettre qu’une loi étrangère
limite le droit d’agir en nullité pour un empêchement auquel le législateur
tunisien attribue une extrême gravité200.

En ce qui concerne la détermination des titulaires de l’action en nullité, le


droit tunisien ne définit pas le cercle des titulaires de l’action. Mais il semble à
priori que le droit d’agir peut-être invoqué par quiconque y a intérêt. Cela
implique plus particulièrement le ministère public201 qui a « la qualité pour

199
Ben Halima(S), Op.cit. ,p84.
200
Nizard (M), Thèse précitée, p305.
201
Meziou (K), « Mariage, Filiation », JCL droit comparé, 1997, volume4, fascicule .20, p15.

70
PARTIE 1

intenter une action dans les affaires relevant du droit de la famille parce
qu’elles intéressent l’ordre public »202. Il peut agir comme partie principale, et
au même titre que les parties concernées pour relever les délits203 commis sur le
territoire tunisien et qui induisent à la nullité du mariage. Ainsi « si on conçoit
que le fond du droit puisse se détacher des formes de procédure »204 l’exercice
de ce droit par le ministère public est, sous réserve de certaines hypothèses205,
normalement régi par la loi de fond si la loi désignée est la loi tunisienne du for.

Concernant le dernier élément du régime de l’action à savoir les délais de


prescription, le législateur ne fournit aucune réponse. Il semble que l’action en
nullité du mariage ne peut être prescrite en raison de l’objet de cette action qui
touche un intérêt général.

Section II : Les effets de la nullité du mariage mixte


Divers liens naissent suite de la conclusion d’un mariage, qu’ils soient des
rapports personnels ou patrimoniaux, des liens qui risquent de disparaître
rétroactivement s’il s’avère que leur fondement, le contrat de mariage, est nul.
Pour atténuer l’effet rétroactif de la nullité, la plupart des législations consacrent
des effets à la nullité du mariage. Or s’agissant d’un rapport international, ce
spectre de pure équité ne peut être considéré comme acquis pour les parties
lésées de l’annulation d’un mariage vu la divergence des lois nationales en la
matière. En effet, pour certains droits positifs, la nullité du mariage est

202
Cassation civil, 319, 17 janvier 1961, RTD ,1963-1965, p.44.
203
Les délits consacrés par l’article 21 du CSP et l’article 36 de la loi 1957. Les poursuites pénales enclenchées,
le juge statue par un seul et même jugement sur l’infraction et la nullité du mariage.
204
Bartin (E-A), Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence Françaises, tome 1, Paris,
Editions Domat-Montchrestien, 1930, p 445.
205
Des difficultés pratiques sont évoquées par Géraud de La Pradelle concernant l’intervention du ministère
public comme titulaire de l’action en nullité. En effet malgré que cette question n’a pas attiré l’attention des
tribunaux, il considère que le principe selon lequel le droit d’agir est régi par la loi du fond pose certains
problèmes lorsque la loi du fond s’avère être une loi étrangère. Cela revient du fait que le ministère public « est
une partie intégrante du tribunal qui est l’émanation de la souveraineté nationale. Il ne saurait donc exercer
ses fonctions qu’en vertu de la loi française. » ; De La Pradelle (G), Op.cit., p181.

71
PARTIE 1

206
équivalente au « néant » ; c’est à dire aucun effet ne subsiste. Par contre,
d’autres systèmes ont recours au mariage putatif basé sur la condition de bonne
foi des époux. D’autres établissent des conditions, telle la consommation du
mariage, pour permettre à quelques effets de persister. Dans les mariages mixtes,
les tribunaux se sont trouvés face à plusieurs lois étrangères qui réglementent
différemment cette situation ; « ils ont ainsi affronté le problème du
rattachement des conséquences de nullité », en d’autre terme la détermination de
la loi applicable aux effets de la nullité du mariage mixte (Paragraphe I). Bien
que le code de droit international privé tunisien ait gardé le silence sur le
rattachement compétent pour régir les effets de la nullité du mariage, le droit
positif tunisien consacre quant à lui certains effets à la nullité du mariage
(Paragraphe II).

Paragraphe II : Détermination de la loi applicable aux effets de la


nullité du mariage mixte

La détermination de la loi applicable aux effets de la nullité du mariage a


été marquée par un long cheminement controversé de la doctrine et de la
jurisprudence. Une tâche qui n’a pas été facile puisque les conséquences de la
nullité correspondent selon certains à une réorganisation positive d’une situation
considérée nulle, comme régler le sort des enfants issus d’un mariage illégitime.
C’est ainsi qu’il faudra exposer les thèses en présence (A), avant de prendre
position pour soutenir la compétence de la loi de la condition violée (B) pour
régir les effets de la nullité du mariage mixte dans l’ordre juridique tunisien.

A) Les thèses en présence

Le jour où la nullité a été constatée juridiquement pour un mariage mixte,


la question de la loi applicable aux effets de la nullité s’est ressentie

206
Mr. Pradelle écrit : « Si l’on peut affirmer de façon aussi définitive qu’un acte nul est privé de tout effet, c’est
que l’on admet que la nullité se confond par définition avec le néant » ; De La Pradelle (G), Op.cit., p.210.

72
PARTIE 1

particulièrement en présence d’un conflit de loi, dont la solution repose sur la


conception faite de la nullité du mariage.

Certains courants doctrinaux considèrent que la loi qui régit les effets de
la nullité doit être celle qui réglemente les effets du contrat car la réaction de la
nullité n’est pas la constatation passive de la suppression des effets du mariage ;
mais « une réorganisation positive d’une situation »207 ; en conséquence il a été
affirmé « que la loi qui a façonné ces effets doit se mêler de les réformer » 208,
en d’autres termes, concernant un mariage mixte, ce courant préconise le
rattachement à la loi du domicile commun ou à défaut à celle du tribunal saisi209.
La thèse de ce courant consiste à dire que la loi compétente pour régir les effets
du mariage valide en régit les conséquences du mariage invalide.210

En revanche, un autre courant doctrinal, préconise la compétence


exclusive de la loi de la condition violée en matière de nullité du mariage ; ce
postulat repose sur une évidence ; on ne peut appliquer aux effets de la nullité
une loi différente de celle qui régit la mise en œuvre de la nullité. La
jurisprudence comparée affirme ce postulat et l’énonce à maintes reprises211

Concernant, le système juridique tunisien le mariage annulé, fait


entièrement disparaître les obligations et les droits qu’il génère. Bien que la
nullité du mariage en droit interne tunisien ne peut être qu’absolue, la situation
ne peut revenir rétroactivement comme elle a été avant la conclusion du
mariage. Certains effets survivent à la nullité. Mais est-ce une raison de plaider
en faveur de la compétence de la loi des effets ? Il semble que c’est la solution
adoptée par le courant majoritaire qui plaide en faveur de la loi de la condition
violée qui doit être consacrée par le droit international privé tunisien.
207
De La Pradelle (G), Op.cit., 188
208
De La Pradelle (G), Op.cit., 217 et suivants.
209
Ibid. p.218.
210
Ce postulat a été critiqué par Alex Weill qui sous sa plume on lit « l’entrée en jeux de la loi gouvernant les
effets du mariage présuppose l’existence juridique du mariage » ; J.C.P ,1956. II. 9549 note A. Weill.
211
Cassation civil, 6 mars 1956, RCDIP,1956 , p305, note Francescakis, D. 1958. 709, note Battifol ; J.C.P, 1956 II,
9549, note Weill.

73
PARTIE 1

B) Les arguments avancés pour soutenir la compétence de la loi de la


condition violée

La doctrine avance plusieurs arguments pour justifier le principe la


compétence de la condition violée.

Le premier argument consiste à évincer la thèse de la compétence de la loi


des effets car « pour qu’une loi autre que celle qui définit les conditions puisse
être appliquée aux effets, il faut d’abord que l’acte produise des effets »212 chose
qui présuppose l’existence juridique d’un mariage valide. Or un acte nul n’est
pas supposé produire d’effets relatifs à l’institution du mariage. Ce raisonnement
adhère à la conception de la nullité absolue213adoptée en matière de mariage
dans l’ordre juridique tunisien.

Pour renforcer ce postulat la doctrine fait appel à la logique du droit. Elle


établit un lien indissociable entre les conditions de mise en œuvre de la nullité et
ses conséquences. Selon ce courant, il serait inconcevable de « confier les
conditions, d’une part, les conséquences de l’autre, à deux lois différentes,
parce qu’en raison de l’étroite dépendance des deux questions »214.La
jurisprudence française215 reconnaît les mérites de cette solution et en fait
application depuis l’arrêt Moreau216.

La doctrine tunisienne n’est pas prolixe sur cette question, en raison de


l’inexistence d’une jurisprudence tunisienne en la matière, mais cette réalité ne
va pas à l’encontre de la forte approbation de cette solution en droit international
privé tunisien217.

212
De La Pradelle (G), Op.cit., p. 209.
213
Ben Halima (S), Op.cit., p.83 et suivants.
214
De La Pradelle (G), Op.cit. p. 211.
215
Tribunal de grande instance de la Seine, 21 juin 1967, RCDIP, 1968, p.294 ; note Battifol. ; Tribunal de grande
instance de Paris, 30 juin 1977, JDI, 1978, p.609 ; note Mayer.
216
Cassation civile, 6 mars 1956, RCDIP, 1956, p305 ; note Francescakis.
217
Maurice(N), thèse précitée, p. 307 et suivant.

74
PARTIE 1

Selon certains, cette solution préconisée réagit de façon négative lorsque


les dispositions violées appartiennent à deux lois différentes. Cette hypothèse
induit à l’application cumulative des deux lois qui peuvent édicter des solutions
contradictoires. Supposons, en effet, le mariage d’une marocaine et d’un
tunisien, nul au regard des deux lois nationales. Si les époux sont de mauvaise
foi la loi marocaine218 annule le mariage sans accorder un statut légitime aux
enfants nés d’un tel mariage. Alors qu’au regard de la loi tunisienne la filiation
des enfants est établie sans se soucier de la bonne ou mauvaise foi des époux.
Ces lois sont inconciliables ; il est insensé de déclarer les enfants adultérins
selon la loi marocaine et légitimes selon la loi tunisienne. A cette détresse, des
solutions existent ; en effet si le for est la loi tunisienne, le juge tunisien fera
appel à l’exception d’ordre public pour évincer l’application de la loi étrangère
considérée choquante et incompatible avec l’ordre juridique tunisien. Autrement
dit c’est la loi du for du juge saisi qui s’applique par sa vocation subsidiaire.

Dès lors, malgré la divergence des législations en la matière, le


rattachement à la loi de la condition violée pour déterminer les effets de la
nullité du mariage mixte semble représenter plus d’avantages que
d’inconvénients en la matière.

A la différence de certains droits qui reconnaissent au mariage nul les


effets d’un mariage putatif219, le droit tunisien reconnaît au mariage nul un
ensemble d’effets consacrés par des textes de lois.

218
Le Maroc « le statut personnel : droit commun, capacité, mariage, filiation », J-CL droit comparé, fascicule 2,
1999, p16.
219
L’exemple de la France : article 201 du code civil français, la Belgique : article 102 du code civil, la Suisse :
article 133 alinéa 2 et 134 alinéas 2 et 3 du code civil, le Canada : article 381 et suivant du code civil, L’Espagne :
l’article 79 du code civil.

75
PARTIE 1

Paragraphe II : Les effets de la nullité du mariage consacrés par le


droit positif tunisien

Le droit tunisien fait partie des législations nationales qui adoptent une
reconnaissance conditionnée (B) des effets d’un mariage nul. Ces effets sont
édictés par deux textes de lois différents. Cette dualité du fondement renvoie à la
dichotomie entre les conditions de fond et les conditions de forme du mariage.

A) Dualité du fondement

L’article 22 du CSP dispose que la nullité du mariage « n’emporte que les


effets suivants :

a) le droit pour la femme de réclamer la dot fixée par l'acte de mariage ou


par le juge,

b) l'établissement des liens de filiation,

c) l'obligation pour la femme d'observer le délai de viduité qui court à


partir de la séparation,

d) les empêchements au mariage résultant de l'alliance. »

L’article 22 vise les nullités édictées par l’article 21 du CSP. Par


conséquent les effets énumérés par l’article 22 CSP correspondent aux
conséquences d’une nullité prononcée pour inobservation, lors de la conclusion
du mariage mixte, d’une condition de validité de fond édictée par la loi
tunisienne de l’un des époux. Ainsi par application de la solution préconisée en
matière des effets de la nullité, si la règle de conflit désigne la loi tunisienne
pour régir la nullité du mariage mixte au fond sur la base de l’article 21 du CSP,
ce sont les effets édictés par l’article 22 du même code qui seront reconnus dans
cette situation.

76
PARTIE 1

Par contre si le juge saisi annule le mariage mixte pour vice de forme sur
la base de l’article 36 de la loi du 1er août 1957, c’est la même loi qui édicte les
effets reconnus au mariage mixte annulé. En effet l’article 36 bis220 limite les
effets reconnus à l'union déclarée nulle par application des dispositions de
l'article 36 du code, aux effets suivants : «

1°) l'établissement des liens de filiation,

2°) l'obligation pour la femme d'observer le délai de viduité qui court à


partir du prononcé du jugement,

3°) les empêchements du mariage résultant de l'alliance. »

De la comparaison des deux articles relatifs aux effets de la nullité du


mariage, l’article 36 bis de la loi de 1957 prive l’épouse du droit de réclamer sa
dot. Cette décision est cohérente avec l’article 36 de la loi qui assortit la sanction
civile de nullité d’une sanction pénale. En effet le législateur tunisien qualifie le
mariage mixte célébré sur le territoire tunisien sans observation des formalités
édictées par l’article 31 du CSP, d’un délit de mariage célébré en dehors des
formes légales. En d’autres termes c’est une forme de sanction complémentaire
qui accompagne la nullité en la forme d’un mariage. Par contre, la filiation des
enfants issus d’un mariage nul est établie dans les deux articles221. Dans le droit
tunisien il n’y a pas lieu de s’interroger : les enfants issus d’un mariage nul ont
la même reconnaissance et les mêmes droits que les enfants issus d’un mariage
valide.

B) Reconnaissance conditionnée

Comme la plupart des législations de pays arabo-musulmans, le droit


tunisien prévoie une condition pour que le mariage nul produise certains effets.

220
Ajouté par le décret-loi n° 64-2 du 20 février 1964, ratifié par la loi n° 64-2 du 21 avril 1964.
221
L’Article 22 du CSP et l’article 36 bis de la loi de 1957 réglementant l’état civil.

77
PARTIE 1

Cette condition consiste dans la consommation du mariage avant le


jugement de sa nullité. Edictée par l’article 22 du CSP cette condition ne figure
pas dans l’article 36 bis de la loi 1957.

En respectant les préceptes du droit musulman le législateur tunisien


accorde exceptionnellement des effets à un mariage mixte vicié au fond pour
absence de consentement ou l’existence d’un empêchement légal prohibant le
mariage. Mais ces effets sont reconnus à condition que le mariage mixte vicié ait
été consommé.

Selon l’article 22 du CSP, seule la consommation du mariage accorde des


effets qui concernent la femme et les enfants issus de cette union. En effet, la
consommation du mariage mixte annulé pour vice de fond permet à l’épouse de
réclamer sa dot. La dot stipulée dans un contrat de mariage nul est exigible du
moment que l’union a été consommé. Cette conséquence est similaire aux effets
reconnus à la femme divorcée ; seule la consommation du mariage ouvre le droit
de réclamer la dot et une pension alimentaire. Le divorce avant la consommation
ne produit aucun effet patrimonial. De plus la consommation du mariage vicié à
pour effet d’obliger la femme à respecter le délai de viduité et les empêchements
au mariage résultant de l’alliance.

Un autre effet concerne la filiation des enfants issus de cette union. Ils
sont reconnus légitimes. Il faut remarquer que le législateur tunisien établit la
filiation de l’enfant issu d’un mariage entre des personnes apparentées à un
degré prohibé au même titre qu’un mariage valide. Il se distingue de certaines
législations comparées qui distinguent dans ce cas entre les mariages conclus de
bonne foi et les mariages conclus de mauvaise foi pour établir la filiation d’un
enfant incestueux222. La solution du législateur tunisien semble pour certains

222
Mazouz (A), La réception du code marocain de la famille de 2004 par le droit international privé français : Le
mariage et ses effets, thèse de doctorat, Strasbourg, 2014, n° 395, p.180.

78
PARTIE 1

choquante dans la mesure où il établit la filiation d’un enfant incestueux alors


qu’il n’accorde pas la filiation à un enfant naturel223.

Dans tous les cas, l’épouse qui réclame l’application des effets de la
nullité doit au préalable se munir d’un jugement déclarant son mariage nul.

223
Ben Halima (S), op. cit., p.87.

79
PARTIE 2

Partie II : CELEBRATION DU MARIAGE


MIXTE À L’ETRANGER

Le droit international privé tunisien qui consacre la compétence de la lex


loci celebrationis permet aux ressortissants tunisiens d’exercer leur droit au
mariage en-dehors des frontières de l’Etat tunisien. Cependant, pour assurer la
continuité de l’état civil de ses ressortissants, tout en assurant le respect des
conditions et des empêchements au mariage imposés à ses nationaux, l’Etat
tunisien impose la transcription sur les registres de l’état civil le mariage mixte
du national célébré à l’étranger. La procédure de transcription doit aussi couvrir
les jugements étrangers relatifs à la nullité du mariage mixte pour garantir le
suivi des changements survenus dans l’état civil des nationaux et permettre
l’opposabilité de ce jugement au tiers et, notamment, à l’administration. En
d’autres termes, le principe de la nécessaire continuité de l’état civil de la
personne dépend en partie de la transcription des actes de mariage mixte et des
jugements de sa nullité (chapitre I)

Par ailleurs, si le juge tunisien est saisi d’une action qui nécessite
l’appréciation de la validité d’un mariage mixte conclu à l’étranger (chapitre II),
le principe de la compétence de la loi du lieu de célébration implique à fortiori
que le mariage mixte entre deux ressortissants étrangers sera tenu pour
formellement valable s’il a été célébré selon les formes locales, mais, l’intensité
de l’intervention de l’ordre public diffère selon qu’il s’agit d’un mariage mixte
entre un national et un étranger ou entre des ressortissants de pays différents.

80
PARTIE 2

Chapitre II : La transcription des actes de mariage


mixte et des jugements de sa nullité
Le droit international privé tunisien dicte aux ressortissants tunisiens de
suivre les procédures et les formalités exigées par la loi du lieu de célébration.
Pour assurer le suivi des changements survenus dans l’état civil de ses nationaux
le droit tunisien exige la transcription des mariages mixtes célébrés à l’étranger
impliquant un époux de nationalité tunisienne (Section I).

Pour qu’il soit valide dans l’ordre juridique tunisien, le mariage mixte
d’un national à l’étranger doit répondre aux conditions de validité exigées par la
loi étrangère désignée comme lex loci celebrationis. A défaut, c’est la nullité de
l’union qui pourra être prononcée par les juridictions étrangères. Alors, dans un
souci de sauvegarder la continuité de l’état de ses ressortissants tunisiens, c’est
au droit international privé tunisien de déterminer la procédure à suivre pour
transcrire les jugements étrangers relatifs à la nullité des mariages mixtes
(Section II).

Section I : La transcription du mariage mixte d’un


national avec un étranger célébré à l’étranger.
Le droit international privé tunisien incombe à l’époux tunisien ayant
choisi de conclure son mariage mixte à l’étranger une obligation de transcription
(Paragraphe I). Considérée comme une forme de publicité qui a pour finalité de
permettre à l’Etat tunisien de suivre l’état civil de ses nationaux à l’étranger, la
transcription s’impose comme une procédure préventive permettant de filtrer les
mariages considérés invalides par l’ordre juridique tunisien. Or l’application de
cette procédure préventive laisse entrevoir quelques lacunes. (Paragraphe II)

81
PARTIE 2

Paragraphe I : L’obligation de transcription

La transcription des actes de mariage est une procédure administrative qui


consiste à transcrire dans les registres de l’état civil des actes déclaratifs de
mariage et qui a pour but selon la cour d’appel de Tunis224 « de suivre
l’évolution de… (l’état civil du tunisien) et à apporter les changements
intervenus sur son acte de naissance »225. A cet effet, le législateur tunisien
consacre le chapitre III de la loi de 1957 aux « actes de mariages et de leur
transcription » comme fondement (A) à l’obligation qui incombe à l’époux (ou
à l’épouse) de nationalité tunisienne de demander la transcription de son
mariage célébré à l’étranger. En outre, il détermine aussi, les conséquences du
non- respect de la transcription (B).

A) Fondement

L’article 37 de la loi du 1eraôut 1957 sur l’état civil dispose : « Tout acte
de mariage des tunisiens, conclu à l’étranger selon les formes locales, devra
être transcrit, dans les trois mois de sa rédaction et à la diligence des époux,
dans le registre des mariages du consulat de Tunisie le plus proche. »

Cet article oblige les tunisiens qui choisissent de célébrer leur mariage à
l’étranger selon les formes locales édictées, de demander la transcription du
mariage dans les registres de mariage tenus par le consulat de Tunisie dans ce
pays.

Ainsi les actes de mariage célébrés à l’étranger, lorsqu’ils concernent un


époux de nationalité tunisienne, doivent être transcrits, à la diligence des époux,
sur le registre des mariages tenu par les agents diplomatiques ou consulaires de
Tunisie des lieux de célébration.

En effet c’est l’autorité consulaire ou diplomatique tunisienne qui a la


compétence de transcrire l’acte de mariage mixte d’un national avec un étranger.
224
Cour d’appel de Tunis, chambre civile, 6 janvier 2004, n°120 ; JDI, 2005, n°4, p.1194.
225
Cour d’appel de Tunis, civile, 6 janvier 2004, n°120, JDI, 2005, n°4, note Ben Achour(S).

82
PARTIE 2

Cette compétence est accordée au consulat le plus proche du lieu de célébration.


Pour certains226, cette obligation représente un moyen pour la Tunisie de lutter
non seulement contre les mariages conclus sur la base d’un lien de rattachement
artificiel, donc une fraude à la loi du for ; mais aussi contre les mariages qui ne
répondent pas aux conditions et empêchements dictés par la loi personnelle de
l’époux tunisien. Ainsi, la procédure de transcription qui semble dépasser dans
son essence la simple procédure de publicité est-elle en mesure de déclarer la
nullité d’un mariage valide selon la loi étrangère de célébration pour défaut de
transcription.

B) Les conséquences du non-respect de la transcription

L’article 37 de la loi du 1er août 1957 sanctionne toute infraction à


l’obligation de transcription par une « amende de dix mille francs. »

C’est précisément ce défaut de transcription qui a permis à la cour d’appel


de Tunis227 de se prononcer sur la nature juridique de l’obligation de
transcription et les conséquences de son inobservation.

Il s’agit en l’espèce, d’un mariage conclu en Suisse entre une tunisienne et


un belge selon la loi locale Suisse. N’ayant pas procédé à la transcription de leur
mariage dans les registres de l’état civil tunisien, le mariage mixte n’était pas
connu par le système juridique tunisien. Au décès de l’épouse, la famille dénie
au mariage conclu en Suisse toute validité pour exclure le mari de la défunte de
la liste des dévolutaires. Le défaut de transcription empêche, selon les appelants,
de prouver le mariage conclu en Suisse.

La Cour d’appel de Tunis décide de reconnaître le mariage mixte de la


tunisienne conclu à l’étranger sans le respect de l'obligation de transcription.
Elle estime que « le mariage conclu en Suisse entre la défunte et René F. est un

226
Chérif (MH), « Le mariage mixte », RJL, 1990, N°1, p. 19 (en arabe) ; Chourabi (A), « Mariage mixte », RJL,
1998, p119 (en arabe).
227
Cour d’appel de Tunis, chambre civile, 6 janvier 2004, n°120, JDI, 2005, N°4, p. 1193.

83
PARTIE 2

mariage valable et que sa preuve a été rapporté par ce dernier puisqu’il a


produit un acte de mariage dressé en Suisse conformément à la loi Suisse. »228

En effet, selon la Cour « cette obligation de transcription ne constitue ni


une condition de validité ni une condition de preuve du mariage », mais elle vise
seulement « à suivre l’évolution de l’état civil et apporter les changements
intervenus sur son acte de naissance. »229

Ainsi, s’agissant de l’obligation de transcription qui incombe aux


nationaux ayant célébré un mariage mixte à l’étranger selon la forme locale, la
Cour d’appel semble considérer, implicitement, cette obligation une simple
mesure de publicité en reconnaissant le mariage valablement conclu en Suisse,
alors que les différentes listes affichées par les différents sites officiels des
ambassades de Tunisie à l’étranger semblent démontrer le contraire. En effet,
pour accorder la transcription des exigences d’ordre substantiel sont exigées par
les ambassades et les consulats tunisiens. Par exemple, « Les deux parties ne
doivent pas être frappées d’empêchements légaux »230. Des conditions qui
semblent accorder à l’obligation de transcription une considération autre que
celle d’une ‘’ simple mesure de publicité’’.

Paragraphe II : La transcription : une procédure préventive


lacunaire

L’obligation de respecter les différentes conditions consacrées par les


ambassades et consulats de Tunisie à l’étranger, pour accéder à la transcription
du mariage constitue un prolongement de l’intervention de l’ordre public
tunisien à l’étranger (A) mais cette procédure semble présenter une ambiguïté
quant à la détermination des prérogatives de l’autorité de transcription (B).

228
Ibidem, p.1194.
229
Ibidem.
230
Cité par le site officiel du : Consulat de Tunisie à Paris,
http://www.cgtparis.diplomatie.gov.tn/index.php?id=165; de l’Ambassade de Tunisie à Berne/
switzerland,http://www.atunisie-ch.org/N633/documents-de-l-etat-civil/.

84
PARTIE 2

A) Une procédure prolongeant l’intervention de l’ordre public


tunisien à l’étranger

Dans sa consécration de cette option ouverte aux tunisiens de se marier en


la forme admise par la loi locale étrangère, le droit international privé tunisien,
l’assortit d’une obligation231 de transcription. Cette disposition est justifiée par le
souci du législateur tunisien de révéler les mariages qui sont entourés d’une
intention de fraude à la loi tunisienne. Dans ce contexte le national tunisien
cherche à éluder l’application des règles impératives tunisiennes relatives aux
empêchements au mariage qui relèvent de l’ordre public, telle la polygamie ou
l’empêchement d’alliance ou de parenté.

Ainsi par exemple, si un tunisien marié en Tunisie, conclue un second


mariage dans un autre pays où la loi locale autorise la polygamie. Cet acte
révélateur de l’intention du tunisien de frauder à la loi tunisienne relative à
l’empêchement de polygamie induira à méconnaître ce mariage invalide et ne
peut être transcrit sur le registre des mariages du consulat de Tunisie du lieu de
célébration. D’autant plus que ce tunisien sera exposé à une sanction pénale
pour le délit de bigamie.

En conséquence la consécration d’une sanction pénale pour défaut de


transcription est révélatrice de l’importance de cette procédure qui étend le
domaine d’intervention de l’ordre public tunisien aux unions mixtes conclues
par des nationaux à l’étranger selon la forme locale consacrée par la loi du lieu
de célébration.

En effet, l’ordre public tunisien s’applique aux mariages mixtes des


nationaux conclus à l’étranger à travers une procédure considérée préventive, à
savoir la transcription. Il est évident, qu’à travers cette obligation les autorités
consulaires et diplomatiques tunisiennes contrôlent la conformité de ces types de
mariages avec l’ordre public tunisien. La transcription permet aux autorités
231 er
Imposée par l’article 37 de la loi du 1 août 1957 relative à l’état civil.

85
PARTIE 2

tunisiennes compétentes à l’étranger de détecter les fraudes et les entraves aux


lois impératives tunisiennes relatives aux conditions substantielles de formation
du mariage mixte ; essentiellement celles relatives aux empêchements au
mariage.

Bien que la transcription revêt une importance quant à sa finalité, car elle
permet l’opposabilité du mariage conclu à l’étranger aux tiers et aussi à
l’administration232, le législateur tunisien ne précise pas les prérogatives de
l’autorité consulaire tunisienne face un mariage mixte, d’un national avec un
étranger, considéré invalide selon l’ordre public tunisien.

B) Les lacunes législatives sur les prérogatives de l’autorité de


transcription

Le législateur tunisien se contente dans la loi de 1957 relative à l’état civil


de consacrer explicitement l’obligation de transcrire à la diligence des époux les
mariages célébrés à l’étranger selon la forme locale en accordant la compétence
de la procédure de transcription aux autorités de la circonscription consulaire ou
diplomatique tunisiennes où eut lieu la célébration du mariage, mais il omet de
préciser les compétences de cette autorité lorsque un mariage mixte, objet de
transcription, est contraire à l’ordre public tunisien.

Ce manque de précision concernant les prérogatives de l’autorité de


transcription laisse planer une certaine ambiguïté concernant la réaction des
autorités de transcription face aux situations d’invalidité du mariage.

L’autorité de transcription a-t-elle vraiment la compétence de sanctionner


le non-respect des conditions par le refus de transcrire le mariage ? A priori rien
ne l’empêche, mais faut-il le consacrer par un texte législatif.

Dans l’état actuel, l’exigence des consulats de Tunisie à l’étranger la


réunion de certaines conditions pour la transcription du mariage a pour

232
Mayer (P) et Heuzé (V), op.cit., p. 409.

86
PARTIE 2

conséquence logique, une réaction d’abstention en cas d’inobservation de ces


conditions.

Plus prononcé sur la question, le droit français admet explicitement233 la


compétence de l’autorité consulaire ou diplomatique d’évaluer la validité des
mariages conclus à l’étranger et surseoir à leur transcription. Cette transcription
doit être refusée lorsqu’il existe des indices sérieux qui laissent présumer qu’un
mariage conclu à l’étranger encourt la nullité, comme par exemple pour bigamie
ou pour empêchement tenant à la parenté ou à l’alliance.234

Contrairement au droit tunisien, le droit français indique la procédure à


suivre pour obtenir la mainlevée de l’opposition de transcription ; en effet il
appartient aux époux de saisir le tribunal de grande instance, pour obtenir la
mainlevée de cette opposition. Dans tous les cas la transcription du mariage, ne
fera pas obstacle à l’introduction ultérieure d’une demande d’annulation du
mariage235.

En d’autres termes le refus de transcription, par l’autorité consulaire ou


diplomatique compétente est considéré comme l’une des sanctions de non-
respect des conditions de formation du mariage célébré à l’étranger.

En conclusion, l’obligation de transcrire les mariages mixtes célébrés à


l’étranger doit être mieux réglementée par le législateur tunisien, étant donné
qu’elle peut participer à la sauvegarde des principes fondamentaux du for et
garantir le respect de l’ordre public tunisien en matière de formation du mariage
mixte. Car, le mariage mixte célébré à l’étranger ne peut être transcrit sur le
registre du consulat tunisien s’il ne remplit pas toutes les conditions de fond
exigées par la loi personnelle de l’époux tunisien. Cette exigence a pour impact,
233
L’article 171-7 du code civil français créé par Loi n°2006-1376 du 14 novembre 2006 - art. 3 JORF 15
novembre 2006 en vigueur le 1er mars 2007, dispose : «Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le
mariage célébré devant une autorité étrangère encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-
1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l'autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l'acte en informe
immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription.
234
Mayer (P) et Heuzé (V), op.cit., p. 410.
235
Ibidem, p.411.

87
PARTIE 2

le cas échéant, d’amputer le mariage mixte d’une grande partie de ses effets en
Tunisie.

En outre, cette procédure de transcription ne se limite pas aux mariages


mixtes conclus à l’étranger, elle inclue aussi les jugements étrangers relatifs à
l’état civil des personnes, notamment, ceux qui constatent la nullité des mariages
célébrés à l’étranger pour répondre au principe de la nécessaire continuité de
l’état civil des personnes.

Section II : La transcription des jugements étrangers


prononçant la nullité des mariages mixtes
Pour produire effet236 à la décision étrangère relative à la nullité du
mariage mixte, le droit international privé demande la transcription dans les
registres de l’état civil tunisien du jugement étranger constatant la nullité du
mariage mixte de l’intéressé.

Désigné comme étant un aménagement qui permet de tenir compte de la


souveraineté étatique et de la sauvegarde du monopole de contrainte dont
dispose l’Etat tout en répondant aux besoins de la coopération internationale237,
l’exequatur est défini comme étant une procédure qui permet d’octroyer au
jugement étranger la force exécutoire dans un Etat ou il n’a pas été rendu238.

Or, la mise en œuvre de cette formalité de transcription a suscité plusieurs


questions concernant la nécessité de passer par la procédure de l’exequatur pour
autoriser l’officier d’état civil tunisien à transcrire ce type de décisions
étrangères sur les registres de l’état civil. Cette problématique est alimentée par
une pratique administrative bien ancrée selon laquelle les jugements d’état ne

236
Sur la notion d’effet, Mr Mezghani considère que la décision étrangère peut produire trois effets principaux ;
elle est susceptible de recevoir l’exequatur, d’être reconnue de plein droit et opposable aux tiers ; Mezghani
(A), op.cit., p 185. Voir aussi,
237
Ibidem, p.186.
238
Ben Achour(S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique Tunisien, CPU, 2017, p. 59.

88
PARTIE 2

sont transcrits sur les registres qu’après avoir reçus une décision d’exequatur239.
Cette difficulté pratique est issue de l’indétermination précise du droit
international privé tunisien du domaine de l’exequatur.

La doctrine tunisienne240 se base sur un critère emprunté à la


jurisprudence française, le critère de l’effet recherché241 ; ainsi comme l’indique
sa définition l’exequatur est nécessaire lorsque l’effet recherché de la décision
est l’exécution car, à terme, elle « ne peut être obtenue que moyennant
coercition sur les personnes ou exécution sur les biens »242.

Ainsi fixé, le domaine de l’exequatur permet à contrario, la détermination


des actes et décisions étrangères qui ont raison de leur effet recherché,
« l’efficacité substantielle »243, ne requiert pas l’exequatur ; c’est de là qu’on
parle de reconnaissance immédiate, de reconnaissance de plein droit, et de
reconnaissance de Plano.

Cette solution est admise par le droit international privé et les conventions
internationales en matière d’état civil, et plus précisément dans cette étude en
matière de nullité des mariages mixtes. Cependant, l’ambiguïté de la législation
tunisienne en la matière conjuguée à la contradiction de certaines conventions
bilatérales à provoqué des controverses jurisprudentielles (Paragraphe II) avant
de confirmer la tendance actuelle qui reconnaît la consécration de la
reconnaissance de plano en matière de nullité du mariage mixte dans les textes
(Paragraphe I).

239
Mezghani (A), op.cit., p 191.
240
Ibidem, p.61 ; Mezghani (A), op.cit., p 188.
241
Cassation civile, 9 mai 1900, DE Wrède, JDI, 1900, p.613, note B. Ancel et Y. Lequette, GA, n°10
242
Ben Achour(S), op.cit, p61.
243
Il convient de signaler que la reconnaissance se confond avec l’autorité de la chose jugée dans l’un de ses
deux éléments caractéristiques qui est l’efficacité substantielle, dite, l’autorité positive de la chose jugée et qui
consiste dans « toutes les modifications que la décision étrangère fait subir au rapport de droit concerné
(comme) l’annulation d’un mariage», alors que le deuxième distinctif de l’autorité de la chose jugée est
l’autorité négative qui « empêche de refaire devant les juridictions du for un procès sur une question déjà
jugée à l’étranger » ; Ben Achour(S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique Tunisien, CPU,
2017, p. 64 ;Voir aussi Péroz (H), La réception des jugements étranger dans l’ordre juridique français, thèse,
Caen, 1997, p.8.

89
PARTIE 2

Paragraphe I : La consécration de reconnaissance de plano en matière


de nullité du mariage mixte dans les textes

Distincte de la procédure d’exequatur, la reconnaissance immédiate n’est


pas définie comme étant une procédure mais « plutôt comme un attribut ou un
caractère que l’ordre juridique du for pourrait accorder à la décision étrangère
»244. Cet attribut est admis en France en matière de nullité du mariage depuis
1900 dans l’arrêt DE WREDE245. Par la suite, la jurisprudence française étend le
principe de la reconnaissance immédiate aux jugements constitutifs de situation
juridique nouvelle qu’il est favorable de ne pas mettre en cause246, pour dépasser
le domaine initial de cette solution applicable à l’ensemble des jugements
étrangers relatifs à l’état et à la capacité des personnes.

Pour ce qui est du droit international privé, l’admission de la


reconnaissance de plano en matière de nullité des mariages est prescrite
clairement en droit conventionnel (A), ce qui n’est pas le cas en doit commun
(B).

A) En droit conventionnel

Le droit conventionnel est l’un des principaux corps de règles qui régit la
question de la réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique tunisien.
La Tunisie a signé plusieurs conventions bilatérales247 relatives à l’entraide
judicaire dont quelques-unes s’appliquent à des questions spécifiques,
notamment, en matière de statut personnel et d’état des personnes. A l’intérieur
de cette catégorie, certaines conventions bilatérales excluent clairement du
domaine de l’exequatur les décisions relatives à l’état des personnes et adoptent
comme règle de principe la reconnaissance immédiate des jugements rendus
dans l’un des deux pays contractants.
244
Ben Achour(S), op. cit., p63.
245
Cassation civile, 9 mai 1900, DE WREDE, JDI, 1900, p. 613 ; Ancel(B) et Lequette (Y), Les Grands arrêts de la
jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., Dalloz, 2006, n°10.
246
Audit(B) et D’Avout(L), droit international privé, Economica, 2013, n°540.
247
Voir le site du Ministère de la justice http://www.e-justice.tn

90
PARTIE 2

C’est le cas de l’article 18 de la convention tuniso-française du 28 juin


1972248 qui dispose que toute « les décisions relatives à l’état et à la capacité
des personnes émanant des juridictions de l’une des Hautes Parties
contractantes peuvent faire l’objet sur les registres de l’état civil de l’autre
Partie, des mentions et transcriptions nécessaires dès lors que ces décisions ne
paraissent pas contraires aux règles édictées par la présente Convention ».
C’est ainsi que, la transcription de la décision française relative à la nullité du
mariage mixte dans les registres de l’état civil tunisien est effectuée de plein
droit sans le recours à l’exequatur.

La même solution est consacrée par d’autres conventions bilatérales, telle,


la convention tunisio-turque249 dans son quatrième article.

B) En droit commun :

Avant la promulgation du code de droit international privé, la


reconnaissance de plano n’était pas explicitement consacrée dans le droit
international privé tunisien.

A cette époque, le code de procédure civile et commerciale régissait le


régime de l’exequatur des décisions étrangères à travers les articles 316 et 321,
sans aucune mention relative à la reconnaissance de plano. Seul l’article 42 de la
loi du 1er août de 1957 relative au règlement de l’état civil250 semble admettre la
reconnaissance immédiate en exigeant des intéressés de transcrire à leur
diligence le divorce prononcé à l’étranger sur les registres de l’état civil du lieu
où le mariage a été transcrit. Malgré qu’il n’y fait pas mention, cet article semble
concerner aussi la transcription des jugements de nullité des mariages prononcés
248
Convention relative à l’entraide judiciaire en matière d’état civile et commerciale entre la république
er
française et république tunisienne, signée à Paris le 28 juin 1972, ratifiée par la loi n° 27-65 du 1 août1972,
JORT, 1972, n°32 des 4-8 août 1972, publiée par le décret n°74-109 du 21 février 1974, JORT, 1974, n°15 du 26
février 1974.
249
Convention relative à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires en la matière civile et
commerciale entre la république tunisienne et la république de Turquie, signée à Tunis le 7 octobre 1982,
ratifiée par la loi n °84-7 du 3 avril 1984, JORT, 1984, n°23 des 6-10 avril 1984, publiée par le décret n°85-185
du 25 janvier1985, JORT, 1985, n° 11 du 8 février 1985.
250 er
Loi n°1957-3 du 1 août 1957, réglementant l’état civil, précitée.

91
PARTIE 2

à l’étranger vu que l’article 42 de cette loi est inclus dans le chapitre IV intitulé
« de la transcription des jugements prononçant le divorce ou constatant la
nullité du mariage ». Sans équivoque, ce texte de loi permet aux décisions
étrangères relatives au divorce mais aussi à la nullité du mariage « d’accéder à
l’efficacité immédiate sans passer par la procédure de l’exequatur » pour les
transcrire sur les registres de l’état civil tunisien251.

Or, une circulaire du secrétaire d’Etat à la justice du 29 novembre 1965252


destinée aux officiers de l’état civil met en doute le principe de la
reconnaissance immédiate en matière de transcription des décisions étrangères
relatives à l’état des personnes, notamment, les jugements étrangers constatant la
nullité du mariage mixte. La dite circulaire prescrit aux officiers « qu’aucune
transcription ne peut être effectuée si elle n’a pas, au préalable, été autorisée
par un jugement rendu par une juridiction tunisienne ». Elle a été, selon
certains, la cause du long refus jurisprudentiel d’admettre la reconnaissance
immédiate en cette matière.

Mais depuis la promulgation du code de droit international privé, le


principe de reconnaissance immédiate est consacré et son régime est tracé.
Malgré ses termes équivoques l’article 13 permet d’affirmer que la transcription
des jugements étrangers modifiant l’état civil des personnes est effectuée de
plein droit ; l’article dispose que « l’acte de l’état civil établi à l’étranger ainsi
que les jugements définitifs d’état civil sont transcrits, sans requérir la
procédure de l’exequatur, au registre de l’état civil de l’intéressé ». Cette
disposition trace clairement le domaine de la reconnaissance immédiate, mais,
l’article 13 du code exclut par la suite du domaine de la reconnaissance de plano
les jugements relatifs au statut personnel. La distinction opérée par l’article13
entre les décisions d’état civil et les jugements de statut personnel est fortement

251
Ben Achour(S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique Tunisien, précitée, p. 68.
252
Circulaire du secrétaire d’Etat à la justice, adressée aux officiers de l’état civil, n° 418, 29 novembre 1965,
rapportée par Chadly (L) et Ghazouani(M), op.cit, p.291.

92
PARTIE 2

critiquée par la doctrine253. En effet cette distinction entre état civil et statut
personnel est inconnue du droit interne ; impraticable, ce texte est considéré
incohérent. Il aurait été plus adéquat selon certains « d’exclure les décisions ou
254
actes constitutifs de l’état …des personnes (tel le jugement de nullité du
mariage mixte) dès lors qu’ils ne sont pas contestés et qu’ils ne nécessitent
aucune mesure de coercition sur les personnes ou sur les biens »255.

Ainsi la mauvaise rédaction de ce texte est semble-t-il « le reflet de la


pratique judiciaire antérieure qui n’admettait la reconnaissance immédiate que
pour les actes de l’état civil comme les actes de naissance, de mariage ou de
décès »256. Une pratique qui rappelle la situation avant la promulgation du code
de droit international privé où la reconnaissance de plein droit n’était pas admise
pour les actes et jugements constitutifs d’état civil ; ils devaient au préalable
passer par l’exequatur.

Mais la situation devait changer pour être conforme au code de droit


international privé, qui dénote une évolution pratique concernant le régime de la
reconnaissance immédiate. En effet deux articles du code permettent de
consacrer clairement le principe de la reconnaissance immédiate : l’article 14 et
l’article 16 du CDIP. Ces deux articles ouvrent une action spécifique destinée à
contrecarrer la reconnaissance immédiate : c’est l’action en non reconnaissance.
L’article 14 dispose que : « la partie la plus diligente peut agir soit pour
demander l’exequatur, soit pour requérir le refus de reconnaissance ». Ainsi,
comme il a été constaté, si « une action en non-reconnaissance est ouverte, c’est

253
Ben Achour(S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique Tunisien, op.cit, p. 69 ; voir aussi
Mezghani (A), op.cit, p191 ; Ben Jemia(M), « L’exequatur des décisions étrangères en matière de statut
personnel » RTD, 2000, p146.
254
Gérard Cornu définit l’acte ou jugement déclaratif comme étant l’acte « qui constate un fait préexistant ( le
lien de filiation) ou qui reconnait un droit préexistant ( la reconnaissance volontaire d’un enfant naturel). Et
l’oppose à l’acte constitutif qui est définit comme étant « l’acte qui crée un nouvel état de droit, établit une
situation juridique nouvelle (l’adoption, jugement de divorce, nullité du mariage) ; Cornu (G), vocabulaire
ére
juridique, 1 édition, Presses universitaires de France, 1998, p.223.
255
Ben Jemia(M), « L’exequatur des décisions étrangères en matière de statut personnel » RTD, 2000, p146.
256
Ben Achour(S), op. cit, p. 69.

93
PARTIE 2

que la reconnaissance existe »257, il y’a donc bien une admission de la


reconnaissance immédiate, bien distincte de l’exequatur, elle « n’a pas besoin
d’être requise, elle est admise de plein droit »258.

Ainsi, l’article 16 du CDIP dispose « les actions relatives … à la non


reconnaissance … des décisions et jugements étrangers sont introduites devant
le tribunal de première instance au lieu du domicile de la partie contre laquelle
la décision étrangère est invoquée. A défaut d'un domicile en Tunisie, l'action
est portée devant le tribunal de première instance de Tunis ».

En conséquence, la partie intéressée, pourra engager une action en non-


reconnaissance pour faire obstacle à la reconnaissance immédiate d’une décision
ou jugement étranger. Par exemple, une épouse tunisienne pourrait engager une
action en non-reconnaissance dans le but de faire obstacle à la reconnaissance
immédiate d’un jugement en nullité de son mariage mixte, et dont l’époux
voudrait se prévaloir devant les autorités tunisiennes.

En conclusion la reconnaissance de plano est bien admise dans le droit


international privé tunisien, mais les disposions du code ne permettent pas en
revanche, de déterminer précisément son domaine. Cette ambiguïté a engendré
une pratique judiciaire controversée dans la consécration de la reconnaissance de
plano.

Paragraphe II : L’oscillation jurisprudentielle dans la consécration de


la reconnaissance de plano

La pratique judicaire avant la promulgation du code de DIP n’admettait


pas, en général, la reconnaissance immédiate aux décisions et jugements
étrangers (A) or, même après la promulgation du code de DIP (B) cette pratique
bien ancrée a influé la jurisprudence tunisienne.

257
Mezghani (A), op.cit., p191.
258
Ibidem.

94
PARTIE 2

A) Avant la promulgation du code du DIP

Sous l’empire du code de procédure civile et commerciale, la


jurisprudence tunisienne refusait la reconnaissance de plano aux décisions
étrangères en matière de statut personnel. La procédure de l’exequatur était
exigée, même, pour la transcription des jugements étrangers d’état sur les
registres d’état civil tunisien.

Mais peu de temps avant la promulgation du code de droit international


privé, la Cour de cassation signale une transition avant-gardiste de la position
jurisprudentielle en présence. Elle accepte, dans une décision prononcée le 6 mai
1997, la reconnaissance d’un jugement français de divorce en permettant sa
transcription immédiate sur le registre de l’état civil de l’intéressé sans le
soumettre à l’exequatur. La Cour de cassation juge que « la transcription des
jugements étrangers sur les registres de l’état civil est un acte administratif et
non un acte exécutoire …il n’y a aucune raison de distinguer entre la
transcription d’un jugement prononcé en Tunisie et la transcription d’un
jugement prononcé à l’étranger »259.

La position de la Cour de cassation influença les juridictions du fond260 et


certaines d’entre-elles adoptèrent cette tendance ; c’est le cas d’une décision de
la Cour d’appel de Tunis datant du 17 février 1998 où selon ses termes « le
jugement étranger relatif au divorce peut être transcrit sur les registres de l’état
civil, sans requérir la procédure de l’exequatur ». La Cour d’appel se base sur
l’article 42 de la loi du 1eraoût 1957 pour avancer que « le législateur a institué
un régime spécifique applicable aux jugements de divorce intervenus à
l’étranger ». Mais ce « régime spécial applicable pour les jugements de

259
Cassation, civil, 6 mai 1997, n°49-602, RJL, 2000, n°1, p.223.
260
Dans un jugement rendu par la Cour d’appel de Tunis en 27 mai 1988, un jugement français prononçant le
divorce entre un tunisien et une française a été admis de plein droit sans exiger la procédure d’exequatur pour
accéder à l’efficacité internationale de ce jugement ; Cour d’appel de Tunis, 27 mai 1988, n°50326, inédit, cité
par Ben Achour(S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique Tunisien, op.cit, p. 71

95
PARTIE 2

divorce » est-il applicable aux jugements de nullité de mariage prononcés à


l’étranger ?

La rareté des cas de figure de cette situation empêche de se prémunir d’un


quelconque jugement étranger relatif à la nullité du mariage mixte, mais il
semble que la Cour de cassation s’est basée sur un critère plus général pour
confirmer cette tendance ; elle a considéré que « la transcription des jugements
étrangers sur les registres de l’état civil est un acte administratif et non un acte
exécutoire »261, ce propos semble justifier la transcription des jugements
étrangers relatifs à la nullité du mariage mixte étant donné que cette formalité
publique est assimilée à un acte administratif.

B) Depuis la promulgation du code du DIP.

Deux positions de la jurisprudence tunisienne ont été constatées après la


promulgation du code de droit international privé tunisien.

La première minoritaire consacrée par le Tribunal de première instance de


Tunis dans certains de ses jugements262 imposant le passage par la procédure de
l’exequatur à toutes les décisions étrangères même celles relatives à l’état civil
et à la capacité des personnes. Le Tribunal assimile la formalité de transcription
à l’exécution forcée qui est « une décision grave qui impose le contrôle, par
l’autorité judiciaire, des conditions exigées par le code de droit international
privé »263. Ainsi un jugement rendu le 21 janvier 2004 par le Tribunal de
première instance de Jendouba juge que l’acte de répudiation intervenu en
Arabie Saoudite « ne peut valoir dissolution du lien matrimonial, tant qu’il n’a
pas été revêtu de la formule d’exequatur »264.

261
Cassation, civil, 6 mai 1997, n°49-602, RJL, 2000, n°1, p.223.
262
TPI. Tunis, 28 juin 1999, n°30070 ; TPI. Tunis, 5 novembre 1999, n°9985 ; TPI. Tunis, 5 juillet 1999, n°29824 ;
TPI. Tunis, 12 juillet 1999, n°30328 ; TPI. Tunis, 11 juillet 2000, n°34481 ; cité par Ben Achour(S), op.cit, p 71.
263
TPI, Tunis, 27 juin 2000, n° 34179, RTD, 2000, p. 425, note M. Ben Jemia.
264
TPI. Jendouba,21 janvier 2004, n°50, cité par Ben Achour(S), op.cit, p 72.

96
PARTIE 2

Aussi, le Tribunal cantonal de Tunis, adhère à la même position en


déclarant que « le jugement étranger prononçant le divorce doit être soumis à la
procédure de l’exequatur »265. Cette position jurisprudentielle va à l’encontre
des dispositions du code de droit international privé et aux conventions
bilatérales signées avec d’autre pays en la matière.

Cette tendance qui refusait la reconnaissance immédiate aux décisions


étrangères d’état civil est contrée par une attitude correcte des juges tunisiens
qui adhère à une compréhension éclairée du code de droit international privé et
des conventions internationales qui régissent la matière.

En effet la deuxième tendance de la jurisprudence adopte, dans


l’ambiguïté du domaine de la reconnaissance de plano, le critère de l’effet
recherché : elle « dispense de l’exequatur des décisions étrangères
lorsqu’aucune coercition sur les personnes ou exécution sur les biens n’est
nécessaire »266.

Cette tendance est confirmée, après la promulgation du code de DIP, par


un arrêt de la Cour de cassation en 6 juillet 2000267. Cet arrêt admet l’autorité de
plein droit en Tunisie d’une décision française de divorce sans exiger qu’elle
soit au préalable revêtue de l’exequatur.

Suivant cette position, les juridictions de fond admettent la reconnaissance


immédiate aux jugements étrangers. À titre d’illustration, la Cour d’appel de
Sousse admet, dans son un arrêt du 18 octobre 2000, au jugement français de
divorce, une reconnaissance de plein droit.

Solidement échafaudé, un arrêt de la Cour d’appel de Tunis prononcé le


13 avril 2005, fonde sa décision sur deux arguments. Tout en rappelant l’article
13 du code DIP il se base sur le principe de l’unicité de l’état civil des

265
Tribunal cantonal de Tunis, 22 janvier 2004, n°83117 cité par Chedly (L) et Ghazouani, Code de droit
international privé annoté, CEJJ, 2008, p.302.
266
Ben Achour(S),op.cit, p 72.
267
Cassation, civil, 6 juillet 2000, n°703-2000, inédit, voir Annexe n°4.

97
PARTIE 2

personnes, il considère que « la situation d’une personne, comme étant


célibataire, mariée ou divorcée fait partie de l’état civil. L’état civil de la
personne doit être le même quel que soit le lieu où elle se trouve », ce qui
signifie que la soumission de la décision étrangère prononçant la nullité du
mariage à la procédure d’exequatur impliquerait que les personnes concernées
seraient considérées pendant un certain temps non marié dans un pays et mariées
dans un autre. Chose inacceptable pour la Cour qui a fait remarquer à juste titre
que« l’instabilité de l’état des personnes conduit à des situations inconfortables
et dangereuses pour la famille et contraires à l’ordre social »268. Pour
approfondir son argumentation, la Cour d’appel de Tunis s’est basée aussi sur le
critère de l’effet recherché ; elle considère en effet que « le critère de la
contrainte sur les biens et la coercition sur les personnes permet de distinguer
entre les décisions étrangères soumises à l’exequatur et celles qui ne le sont pas.
Seules les décisions étrangères prononçant une condamnation à payer une
somme d’argent, déclarant une personne responsable ou décidant la remise d’un
enfant doivent être soumises à l’exequatur. Les décisions étrangères relatives au
divorce, à la nullité du mariage, à la filiation ou à la rectification de l’état civil
doivent être dispensées de l’exequatur, dans la mesure où elles ne nécessitent
aucune mesure de contrainte sur les biens ou de coercition sur les personnes. »269

En conclusion, l’exequatur n’est nécessaire que dans certains cas qui


invoquent l’exécution forcée de la décision étrangère, elle n'est donc pas
juridiquement nécessaire à la reconnaissance du jugement étranger relatif à la
nullité du mariage mixte. Mais sa suppression dans ce cas n'élimine pas la
difficulté essentielle qui est le contrôle de la normativité du jugement étranger
car, pour produire l’effet de reconnaissance immédiate la décision étrangère doit
être considérée comme régulière au regard de l’ordre juridique tunisien. Dans ce
sens le juge du for opère un examen de la décision étrangère selon les conditions

268
Cour d’appel de Tunis, 13 avril 2005, n°15886, inédit, voir annexe n °5
269
Cour d’appel de Tunis, 13 avril 2005, n°15886, inédit, voir annexe n °5.

98
PARTIE 2

de régularité exigées270 quand la présomption de régularité attachée à la décision


étrangère de nullité du mariage mixte était remise en cause par une action en
non-reconnaissance.

270
Ces conditions de régularité internationale exigées par l’ordre juridique tunisien sont consacrées d’une
façon limitative par l’article 11 du code de droit international privé tunisien, mais, aussi par plusieurs
conventions bilatérales singées par la Tunisie et d’autres pays. Tel est par exemple le cas de l’article 19 de la
convention tuniso-algérienne du 26 juillet 1963 ou l’article 15 de la convention tunisio-française du 28 juin
1972.

99
PARTIE 2

Chapitre II : L’appréciation de la validité des


mariages mixtes célébrés à l’étranger.
Dans le système du droit international privé, l’efficacité d’une situation
juridique créée à l’étranger ne peut être admise dans l’ordre juridique tunisien
que si sa création est conforme aux règles de droit international privé tunisien.

En effet, l’intervention de l’ordre public tunisien est de plein effet lorsque


le mariage mixte célébré à l’étranger met en cause un national. Les règles
impératives de formation du mariage sont inhérentes à l’époux (se) tunisien(ne)
et le (la) suivent hors du territoire tunisien. Le respect de ces conditions joue un
rôle primordial dans l’appréciation du juge tunisien de la validité du mariage
mixte d’un national conclu à l’étranger (Section I).

La même intensité d’ordre public s’applique aux étrangers célébrant leur


mariage mixte sur le territoire tunisien. Cependant, cette intervention de l’ordre
public tunisien est atténuée, lorsque le mariage mixte entre deux étrangers est
célébré à l’étranger. Cet effet atténué de l’ordre public peut être invoqué par le
juge tunisien dans l’appréciation de la validité du mariage mixte de deux
étrangers conclus à l’étranger (Section II).

Section I : L’appréciation du juge tunisien de la validité


du mariage mixte d’un national conclu à l’étranger
Dans le cadre de l’appréciation de la validité du mariage mixte d’un
national qui a choisi de célébrer son mariage à l’étranger des difficultés relatives
à la modification du lien de rattachement peuvent survenir. Le juge tunisien saisi
peut être confronté, dans ce contexte, à deux situations. La première, est la
modification réelle par un déplacement dans l’espace du facteur de rattachement
initialement désigné pour célébrer le mariage mixte sans qu’il y a violation des
conditions édictées par la loi personnelle du national, dans ce cas il est question
du conflit mobile (Paragraphe I). Alors que la deuxième, consiste dans le
100
PARTIE 2

changement artificiel du critère de rattachement par le national pour éluder


l’application des conditions de validité du mariage mixte édictées par la loi
tunisienne, il s’agit de la fraude à la loi (Paragraphe II).

Paragraphe I : Conflit mobile

La véritable difficulté du conflit mobile en matière d’appréciation de la


validité du mariage mixte est qu’il affecte essentiellement la détermination de la
loi applicable à ce rapport personnel à vocation durable, car les situations
juridiques sont par définition mouvantes271.

Le conflit mobile « est le conflit de lois dans le temps provoqué par le


déplacement dans l’espace du facteur de rattachement. Le changement de
situation du facteur de rattachement a pour conséquence de rendre applicable
une nouvelle loi par rapport à celle qui résultait de l’ancienne situation »272 ;
ainsi la situation juridique « est successivement soumise à deux lois différentes ;
la première est désignée par le jeu du facteur initial ; la seconde par
l’intermédiaire du nouvel élément de rattachement »273

Dans ce contexte le facteur déclencheur du conflit mobile est le passage


d’un ancien statut personnel vers un nouveau telle la naturalisation d’un national
ou l’acquisition volontaire du tunisien d’une autre nationalité étrangère. La
question est de savoir si le juge tunisien doit tenir compte ou non de cette
modification dans l’appréciation de la validité du mariage mixte de son national.
A priori, si le tunisien acquière une autre nationalité, il acquière en parallèle un
nouveau statut personnel qui, régit par les lois de ce pays, peut ne pas partager
avec la loi tunisienne les mêmes valeurs, principes ou règles impératives
réglementant les conditions de validité du mariage mixte. Ainsi l’appréciation
du passage d’un ancien statut personnel à un nouveau par la modification du
facteur de rattachement reçoit des solutions distinctes de celle imprégnées d’un
271
Mezghani (A), op.cit, p 63
272 éme
Niboyet (M-L) et De Geouffre De La Pradelle (G), Droit international privé, LGDJ, 6 édition, 2013, n°375.
273
Mezghani (A), Droit international privé : Etats et relations privées internationales, CERP, 1991, n° 596, p 224.

101
PARTIE 2

caractère frauduleux. Les solutions doctrinales proposées au problème soulevé


par le conflit mobile ont influé la solution adoptée par le code du droit
international privé tunisien.

A) Les solutions doctrinales préconisées

La difficulté consiste à organiser l’application successive de plusieurs lois


appartenant à différent ordres juridiques à une situation qui se déploie dans le
temps. Dans cette étude le conflit mobile influence manifestement la validité du
mariage mixte d’un national conclu à l’étranger.

Les solutions doctrinales préconisées au problème soulevé par le conflit


mobile ont été inspirées, voire même transposées, sur celles adoptées en matière
de conflit interne des lois dans le temps. Cela revient à cette analogie apparente
entre ces deux conflits malgré les différences274 essentielles qui les séparent.

La similitude entre le conflit interne des lois dans le temps et le conflit


mobile à conduit sous l’influence de Batiffol, à préconiser l’application des
principes généraux du droit transitoire interne par la doctrine et la jurisprudence.
Pareille approche conduit à l’application de deux théories concrétisées en droit
interne et qui se sont succédées à la résolution du conflit mobile ; d’une part,
celle de la théorie des droit acquis, et d’autre part, celle du principe de
l’application immédiate de la loi nouvelle.

La transposition de l’application de la théorie des droits acquis sur le


conflit mobile fut soutenue par Pillet275. D’après cette thèse « tout droit
régulièrement acquis à l’étranger devrait être respecté dans les autres pays »276,
ce qui mène en conséquence à appliquer aux effets de la situation juridique, la

274
Des différences essentielles les séparent ; en effet le conflit de deux lois qui se succèdent dans un conflit de
lois dans le temps du droit interne émanent de la même source législative et relèvent d’une même et seule
souveraineté étatique ; alors que la concrétisation successive de plusieurs lois par le changement du critère de
rattachement postulé par un conflit mobile est basée sur deux lois appartenant à deux ordres juridiques
différents et qui ne relèvent pas de la même souveraineté ; Mezghani (A), Droit international privé : Etats
nouveaux et relations privées internationale, CERP, 1991, n°597, p.225.
275
Batiffol (H) et Lagarde (P), op.cit., n°318.
276
Mezghani (A),Ibidem, n°598, p.224

102
PARTIE 2

loi désignée par le facteur de rattachement initial. Mais qu’en est-il de la


validité de la création de situation juridique, notamment la validité du mariage
mixte ?

Cette théorie appliquée au conflit mobile, confond selon certains les


« droits subjectifs acquis et la compétence de la loi initiale pour la validité de la
création de la situation juridique »277. En effet, on ne peut considérer une
situation internationale régulièrement créée si elle n’a pas été formée par une loi
désignée compétente par la règle de conflit de loi du for et dont dépend
l’appréciation de la validité de la situation juridique en cause. Ainsi, le Doyen
Batiffol éclaire le fait que « le respect des droits acquis suppose comme seule
condition, réserve faite de l’ordre public, que la loi compétente ait été
appliquée, autrement dit, que les règles de conflit de lois aient été
observées »278. Il rajoute que « le respect des droits acquis ne pose pas un
problème distinct des conflits de lois, il n’est qu’une occasion de sa mise en
œuvre »279. Il a été conclu que la théorie des droits acquis ne permet pas de
répondre à la question de savoir quelle loi appliquer en matière de conflit mobile
car elle ignore la distinction entre la formation d’une situation juridique et les
effets qu’elle produit dans le temps.280

Dès lors, Il est admis dans la doctrine contemporaine, que dans la plupart
des cas c’est la loi « nouvelle » qui est appliquée sans rétroagir sur les effets
survenus depuis le changement du statut ; cependant, l’appréciation de la
validité de la situation juridique est soumise à la loi désignée par le facteur de
rattachement initial avant sa modification.

277
; Mezghani (A), Droit international privé : Etats nouveaux et relations privées internationale, CERP, 1991,
n°599, p.225.
278
Bartin(E-A), Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence française, tome 1, Paris,
Domat-Montchrestien, 1930, p195.
279
Batiffol (H) et Lagarde(p), op.cit., n°318.
280
Batiffol (H) et Lagarde(p), op.cit., n°318;Mezghani (A), Droit international privé : Etats nouveaux et relations
privées internationale, CERP, 1991, n°597, p.225

103
PARTIE 2

C’est la même solution qui a été préconisée par le principe de


l’application immédiate de la loi nouvelle concernant la validité de la création
d’un droit. Ainsi, le mariage mixte régulièrement constitué à l’étranger
s’apprécie nécessairement d’après la loi désignée par le jeu de la règle de
conflit de loi selon le facteur de rattachement initial. En revanche, lorsque la
règle de conflit tend à déterminer la loi applicable aux effets d’une situation qui
se produit depuis la concrétisation actuelle du facteur de rattachement, c’est la
nouvelle loi qui trouve alors application.

Toutefois, ces directives de solutions sont fragilisées par


l’affranchissement du droit transitoire moderne de ces principes généraux jugés
désormais méthodologiquement erronés.281

B) La solution adoptée par le code de droit international privé

Le code de droit international privé tunisien concrétise dans l’article 29 du


code des solutions relatives à la résolution du conflit mobile.

Avant la promulgation du code, l’article 4-2 du décret de 1956282 empêche


le juge tunisien de prendre en compte le changement du facteur de rattachement
qui affecte le droit compétent ; ce résultat est conséquent de la soumission des
effets du mariage mixte à la loi nationale du mari en vigueur lors de la
célébration du mariage. Cette disposition ancienne, provoque l’incertitude d’une
jurisprudence rare. En effet le changement du facteur de rattachement n’a pas
été pris en compte par un jugement datant de 1957, qui a admis l’application du
droit hébraïque tunisien en vigueur lors de la célébration du mariage en 1929, au
régime matrimonial d’un tunisien juif à l’origine et qui s’est naturalisé français
en 1932283. De même la cour d’appel tunisienne, se basant sur la loi italienne,
n’a pas admis la compétence de la loi française pour introduire l’instance d’un

281 éme
Voir Bureau(D) et Muir Watt (H), droit international privé, tome 1, PUF, 3 édition, 2014, p.490 et 491.
282
Décret du 12 juillet 1956, fixant le statut personnel des tunisiens non musulmans et non israélites, abrogé
par la loi 98-97 du 27 novembre 1998 portant promulgation du code de droit international privé.
283 ére
Tribunal de 1 instance, Tunis, 8 janvier 1975, RTD, 1979, I, p.122.

104
PARTIE 2

italien naturalisé en français lors de sa demande en divorce. Mais la cour de


cassation rectifie la solution adoptée et admet la compétence de la loi française
désignée par la règle de conflit selon le nouveau facteur de rattachement qui est
la loi française. La Cour a rendu ainsi cette solution de porté générale.284

L’article 29 du CDIP apporte de la clarté concernant la question, il


dispose que : «la loi applicable est désignée selon le cas soit en fonction de
l’élément de rattachement existant au moment de la naissance de la situation
juridique, soit en vertu de celui existant au moment où se produisent les effets de
cette situation juridique ». Autrement dit, dans ce contexte d’étude, c’est la loi
désignée par le facteur de rattachement initial qui a concrétisé la formation du
mariage mixte qui sera prise en considération lors de l’appréciation de la validité
de ce mariage.

C’est ce même facteur de rattachement qui permettra de désigner la loi


applicable aux effets passés de cette situation juridique en cause.

En effet le nouveau critère de rattachement ne sera pris en compte que


pour assurer la désignation de la loi applicable aux effets présents ou pour juger
de la validité d’une nouvelle situation de droit285.

Ainsi il a été conclu que le conflit mobile n’affecte que le déroulement des
effets de la situation juridique qui seront départagés en fonction de la
concrétisation du facteur de rattachement au moment où ils sont invoqués, car
l’acquisition régulière d’un état, tel le mariage, sera dans tous les cas à l’abri
d’un changement ultérieur de la loi régissant les effets. 286

Mais si la modification du facteur de rattachement, qui est dans ce cas la


nationalité du tunisien, présente un caractère frauduleux, le juge fera application
du facteur de rattachement initial, qui est la loi tunisienne, pour déterminer la loi
applicable aux conditions de validité du mariage d’un national à l’étranger.
284
Cassation civile, n° 1387, 17 juin 1977, Bulletin civil, II, p.43.
285
Mezghani (A), commentaire du code de droit international privé, op.cit., p.64.
286 éme
Bureau(D) et Muir Watt (H), droit international privé, tome 1, PUF, 3 édition, 2014, p.492.

105
PARTIE 2

Autrement, la Cour de cassation française admet que le changement non


frauduleux de la nationalité permet de concrétiser le facteur de rattachement
nouveau dans l’appréciation de la validité d’un nouveau statut matrimonial
comme l’illustre l’affaire Baaziz, dont il y est fait généralement référence en
droit international privé comparé. En l’espèce, un mari français (Rabah Baaziz)
de confession musulmane retourne en Algérie après son accession à
l'indépendance, acquiert la nationalité algérienne et contracte, sans que le
précédent mariage n'ait été dissout, une seconde union avec une femme
algérienne, conformément à la loi de ce pays. Au décès du mari, la première
épouse obtient du Tribunal de grande instance de Lyon, le 11 juin 1979, que soit
supprimée sur l'acte de décès la mention du second mariage. Saisie, la Cour
d'appel de Lyon reconnaît la validité de principe du deuxième mariage sans
d'ailleurs préciser dans quelles limites la seconde épouse peut faire usage de sa
qualité de veuve sur le territoire français. Le 17 février 1982, la Cour de
cassation confirme la validité du second mariage célébré à l’étranger en rejetant
la fraude à la loi avancée par la femme française pour annuler le second mariage
de son époux. La Cour se base sur la solution préconisée en matière de conflit
mobile, à savoir l’application immédiate de la loi nouvelle, en admettant que le
changement de la nationalité du mari français est dû à des circonstances valides
dénuées de toute attention de fraude, à savoir, l’accession de l’Algérie à
l’indépendance et « qu’il est naturel qu’il acquière la nationalité algérienne
après l’indépendance de son pays »287.

Paragraphe II : Fraude à la loi

La modification artificielle d’un rapport juridique pour échapper à


l’application de la loi normalement applicable est susceptible d’engager la mise
en œuvre de la fraude à la loi pour sanctionner la manœuvre accomplie.

287 re
Cassation civile, 1 , 6 juillet 1988, RCDIP, 1989.70, note Y. Lequette.

106
PARTIE 2

L’article 30 du code de droit international privé tunisien adopte une


définition précise des conditions constitutives de la fraude ; il dispose que « la
fraude à la loi est constituée par le changement artificiel de l’un des éléments de
rattachement relatifs à la situation juridique réelle dans l’intention d’éluder
l’application du droit tunisien ou étranger désigné par la règle de conflit
applicable. »

Selon la doctrine, « on entend par fraude à la loi une situation juridique


localisée de façon purement artificielle par les parties, en vue d’éluder
l’application de dispositions légales impératives. »288

De portée générale, la théorie de fraude à la loi trouve son domaine de


prédilection en matière d’empêchement et interdiction au mariage.

En effet, en matière de formation du mariage mixte la « mobilité des


circonstances de rattachement donne aux particuliers la possibilité de ruser
avec elles, de manière à donner compétence à la loi jugée plus favorable aux
desseins poursuivis »289 qui est la conclusion d’un mariage prohibé par la loi
initialement compétente avant la modification frauduleuse du facteur de
rattachement.

Ainsi selon le droit international privé tunisien deux éléments constitutifs


de la fraude à la loi(A) doivent être réunis pour la mise en œuvre de la sanction
de fraude à la loi (B).

A) Les éléments constitutifs de la fraude à la loi

Il résulte de l’article 30 du CDIP que la fraude à la loi repose sur deux


éléments essentiels ; le premier est matériel le second, intentionnel.

L’élément matériel suppose qu’une composante de la règle de conflit,


l’élément de rattachement, puisse varier en fonction de la volonté des parties.

288
Verwilchen (M), « droit international privé », JCL, droit international privé comparé, fascicule 4, 1998, n°32,
p.9.
289
Ibidem.

107
PARTIE 2

Tel sera le cas de la règle de conflit relative aux conditions de formation du


mariage mixte qui désigne la loi nationale pour certains pays tel la Tunisie, la
France, la Belgique, ou celle qui désigne la loi du domicile comme en
Angleterre, ou encore la loi du lieu de célébration comme pour certains pays de
l’Amérique. Mais pour constituer une fraude à la loi le moyen utilisé doit être en
lui-même illicite. En droit international privé tunisien le moyen utilisé par le
national, pour éluder l’application des disposions impératives relatives à la
célébration du mariage mixte peut être le changement de nationalité.

Le deuxième élément de la fraude à la loi est moral. Il exprime quant à lui


‘l’intention frauduleuse ‘. Cet élément intentionnel est essentiel dans la
constitution de la fraude à la loi, car la modification du facteur de rattachement
n’est pas en soi répréhensible. Pour être considéré fraude à la loi, il faut « que la
démarche entreprise soit inspirée par un dessein frauduleux, dans le seul but
d’échapper à la loi normalement applicable »290. Ainsi dans ce contexte d’étude
le national qui ne peut conclure un mariage considéré prohibé par les textes
impératifs en vigueur en Tunisie se déplace dans un pays étranger, dont la loi est
plus favorable, pour se soustraire de l’interdiction de la loi du for.

Une difficulté de preuve est liée à cet élément intentionnel ; face à cette
difficulté certaines circonstances peuvent aider le juge du for à établir l’intention
frauduleuse : comme « concomitance des différentes étapes de manœuvre
frauduleuse, particularité du montage exclusivement destiné à évincer le jeu
normal des dispositions applicables. »291

Dès lors il convient de se placer au moment ou l’opposabilité du mariage


mixte est contestée pour en apprécier sa validité.

290 éme
Bureau(D) et Muir Watt (H), Droit international privé, tome 1, PUF, 3 édition, 2014, p497.
291
Ibidem.

108
PARTIE 2

B) La sanction de la fraude à la loi

L’Alenia 2 de l’article 30 du CDIP dispose que : « lorsque les conditions


de fraude à la loi sont réunies, il ne sera pas tenu compte du changement de
l’élément de rattachement ».

L’article du code s’aligne avec une formule devenue classique selon


laquelle la fraude a pour sanction de principe sa propre inefficacité292. Cette
sanction impose la distinction entre moyen de fraude (par exemple le
changement de nationalité) et la situation constituée grâce à la fraude (tel le
remariage du national à l’étranger). Ainsi, dans le cadre d’une action en nullité,
l’appréciation de la validité d’un mariage mixte d’un tunisien conclu à l’étranger
par application des dispositions légales édictées par la loi de sa nouvelle
nationalité acquise dans le but d’éluder l’application de la loi tunisienne
normalement compétente, le juge tunisien ne tiendra pas compte de la nouvelle
nationalité.

Quant au mariage mixte constitué grâce à la fraude, il est déclaré nul selon
la loi tunisienne du for normalement applicable et qui retrouve alors son
emprise.

Traditionnellement cité en matière de fraude, la cour de cassation


française a consacré la sanction du non opposabilité du nouveau facteur de
rattachement frauduleux depuis 1878 dans la célèbre affaire de la princesse
Bauffremont293. En effet la comtesse Caraman-Chimay, belge d’origine, était
devenue française par son mariage avec le prince français de Bauffremont.
Désirant divorcer pour épouser le prince Bibesco, sujet roumain, elle obtient de
la cour de Paris la séparation de corps. Mais cela ne lui suffisait pas pour
épouser Bibesco puisqu’il lui fallait préalablement divorcer. Or, la loi française
applicable en vertu de la règle de conflit française n’admettait pas le divorce.
292
Vidal (Cf-J), Essai d’une théorie générale de la fraude en droit français, Dalloz, 1957, p.372.
293
Cassation, 18 mars 1878, Princesse de Bauffremont, Ancel (B) et Lequette (Y), Les grands arrêts de la
éme
jurisprudence française de droit international privé, Dalloz, 4 édition, 2001, n°6.

109
PARTIE 2

Elle s’installa alors dans le Duché de Saxe-Altenbourg dont elle obtient la


nationalité. La nouvelle nationalité acquise considérait comme divorcés les
catholiques séparés de corps ; ainsi libérée de ses liens conjugaux elle épouse le
prince Bibesco. Or la Cour de cassation considère « que des actes ainsi faits de
fraude de la loi française et au mépris d’engagements antérieurement contractés
en France n’étaient pas opposables au prince Bauffremont, la Cour l’a
réattaqué à statuer conformément au principe de la loi française sur
l’indissolubilité du mariage ».

Section II : L’appréciation du juge tunisien de la validité


du mariage mixte de deux étrangers conclus à l’étranger
Le droit international privé tunisien établit des règles de conformités
internationales relatives à la reconnaissance des situations juridiques créées à
l’étranger, car ces situations ne peuvent être admises dans l’ordre juridique
tunisien que si elles sont conformes à l’ordre public du for. Ce constat gagne de
l’ampleur dans la mesure où même les étrangers qui ont conclu leur mariage à
l’étranger ou dans leurs pays d’origine doivent répondre aux conditions de
reconnaissance (Paragraphe I) édictées par le droit international privé tunisien
pour qu’ils puissent se prévaloir de la validité de leur mariage mixte sur le
territoire tunisien.

Dans l’hypothèse où le mariage mixte entre deux étrangers conclu à


l’étranger est reconnu valide par le juge tunisien malgré sa contrariété aux
conditions et empêchements édictés par la loi tunisienne, certains effets ont pu
être reconnus par la jurisprudence tunisienne à ces unions par application de
l’ordre public atténué. (Paragraphe II)

110
PARTIE 2

Paragraphe I : Les conditions de reconnaissance du mariage mixte


entre deux étrangers

La reconnaissance d’un mariage célébré à l’étranger entre deux étrangers


de nationalités différentes dans l’ordre juridique tunisien impose la célébration
du mariage mixte dans le respect des conditions de régularité internationale (A)
sans fraude (B). Corrélativement la reconnaissance de cette union suppose sa
conformité avec l’ordre public tunisien pour déployer ses effets.

A) Le respect des conditions de régularité internationale de l’union

La reconnaissance de la validité du mariage mixte conclu à l’étranger


suppose la régularité de sa formation conformément à la loi reconnue
compétente selon la règle de conflit du for tunisien. Les conditions de forme
d’un mariage mixte sont régies par la loi du lieu de célébration294, alors que les
conditions de fond sont régies, séparément, par la loi nationale de chacun des
deux époux295.

Mis à part le respect de chaque époux des empêchements et interdictions


édictés par la loi nationale, l’union contractée doit répondre aux empêchements
bilatéraux. Elle doit être conforme aux exigences et aux empêchements édictés
par les deux lois nationales mises en jeux. Ainsi, par exemple, si le juge tunisien
statue sur la validité du mariage de deux étrangers de différente nationalité dont
l’une des deux lois permet la polygamie alors que l’autre consacre la
monogamie, le juge est amené à déclarer la nullité de cette union par une
application cumulative des deux lois en cause.

Par ailleurs, au niveau des conditions de forme, la loi locale étrangère


choisie pour célébrer le mariage mixte, peut ne pas imposer l’intervention
d’organe étatique ; dans ce cas le juge tunisien vérifiera l’application de la forme
consacrée par la lex loci celebrationis.

294
L’article 46 du code de droit international privé.
295
L’article 45 du code de droit international privé.

111
PARTIE 2

Mais si elle impose l’intervention d’une autorité étatique dans une forme
bien précise, tel un acte authentique, le juge tunisien doit vérifier la compétence
interne de l’organe étatique et les formes employées pour la célébration des
mariages mixtes.

Ainsi en matière de mariage polygamique, le juge tunisien doit vérifier le


respect de la procédure d’information de la première épouse296 ou autres
conditions, telle l’autorisation du juge297ou l’accord de la caisse de sécurité
sociale298, établies par certaines législations de pays polygamiques. À défaut des
conditions citées le juge tunisien déclarera la nullité de l’union.299

Autre, le juge tunisien est tenu de vérifier à juste titre la fraude à la loi
tunisienne, mais aussi la fraude à la loi étrangère désignée par la règle de conflit
du for.

B) L’absence de fraude

Pour être reconnu valide le mariage entre deux étrangers doit être célébré
sans la modification frauduleuse du facteur de rattachement dans l’intention
d’échapper à la loi normalement applicable. La situation matrimoniale
constituée grâce à la fraude, comme le déplacement de l’étranger dans un pays
autre que le sien pour conclure un mariage bigamique prohibé par les lois de son
pays, ne peut être opposable au juge tunisien qui est conduit à prononcer sa
nullité.

Les applications de la jurisprudence tunisienne en la matière sont rares,


mais dans un même état d’esprit le Tribunal de première instance de Sousse300

296
L’article 13 de la loi n° 10 de 1984 relative au mariage et au divorce ainsi qu’à leurs effets tel que modifié par
la loi n° 22 de 1991 ; qui exige soit l’autorisation de la (ou les)première(s) épouse(s) donnée devant le tribunal
compétents.
297
L’article 40 et suivant du code marocain de la famille.
298
L’article 13 de la loi n° 10 de 1984 relative au mariage et au divorce ainsi qu’à leurs effets tel que modifié
par la loi n° 22 de 1991 ; pour la conclusion de mariage mixte entre un libyen et une étrangère une enquête
effectuée auprès du mari par la caisse de sécurité sociale, qui doit donner son accord, à défaut de nullité.
299
Ben Jemia (M), « l’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie? »,
inPolygamie et répudiation dans les relations internationales, ABC, 2004, P.40 et 41.
300
TPI Sousse, chambre correctionnelle, 24 novembre 2001, n° 9672, RTD, note Ben Achour (S).

112
PARTIE 2

prononce la nullité d’un second mariage mixte entre un égyptien et une


tunisienne conclu à l’étranger sur la base d’une fraude à la loi.

En effet, le Tribunal examine la validité de ce mariage, sur une plainte


déposée par la première femme de nationalité tunisienne. Le Tribunal constate
que le mari résidant en Tunisie se déplace en Egypte, dans l’intention de frauder
à l’application à la loi tunisienne monogamique et contracter son deuxième
mariage. Le Tribunal estime que « le voyage effectué en Egypte constitue en lui-
même une fraude. En voyageant en Egypte dans le but de conclure son contrat
de mariage, le mari visait à mettre à l’écart la loi tunisienne qui l’oblige à
présenter un certificat officiel attestant qu’il est libre de tout autre lien conjugal,
et ceux conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 46 du code
de droit international privé ».

Le Tribunal établit en se référant aux circonstances de cette affaire, une


fraude à la lex loci celebrationis qui est en même temps une fraude à la
compétence des autorités tunisiennes de célébration. Le jugement se base sur
l’article 30 du CDIP pour sanctionner la fraude et prononcer la nullité du second
mariage de l’égyptien conclu à l’étranger avec une tunisienne.

Cette application de l’article 30 du code suscite l’intérêt de la doctrine301 ;


en effet ces hypothèses de fraude ne sont pas indiquées dans l’article qui semble
couvrir que la fraude à la loi normalement compétente, tel « le changement de
nationalité fait dans le but de passer d’un statut monogame à un statut
polygame »302 . Selon la doctrine il ne peut « y avoir de fraude à la lex loci
celebrationis ; le choix du lieu de célébration du mariage ne peut être
imposé »303.

301
Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in
Polygamie et répudiation dans les relations internationales, ABC, 2004, P.38
302
Ibidem.
303
Ibidem, p 39.

113
PARTIE 2

De ce qui suit, le Tribunal aurait dû, semble-t-il, considérer l’absence de


fraude un principe général en droit international privé, et s’inspirer de la
doctrine française pour l’ériger en tant que « fraude à l’intensité de l’ordre
public »304, car c’est bien le cas de cette affaire qui consiste à porter atteinte au
caractère monogamique du mariage qui touche l’ordre public.

Ainsi, les situations créées à l’étranger grâce à la fraude pour se faire


prévaloir en Tunisie de certains effets par le recours à l’effet atténué de l’ordre
public, constituent « la fraude à l’intensité de l’ordre public »305.

Cependant, les situations matrimoniales régulièrement créées à l’étranger


sans fraude permettent d’invoquer l’ordre public atténué pour reconnaître sur le
territoire tunisien quelques effets à des mariages considérés contraires à l’ordre
public tunisien ; tel le mariage polygamique.

Paragraphe II : les effets reconnus aux mariages mixtes


régulièrement créés à l’étranger : cas du mariage polygamique.

Mis à part son intervention lors de la création ou la reconnaissance d’un


mariage mixte, l’ordre public tunisien peut intervenir contre les effets, en
Tunisie d’un mariage célébré à l’étranger. Or l’intensité de l’intervention de
l’ordre public est casuistique, elle varie d’un mariage à l’autre.

Ainsi l’effet atténué de l’ordre public consacré par l’article 37 du code de


droit international privé permet de reconnaître sur le territoire tunisien les effets
des mariages entre des étrangers régulièrement créés à l’étranger conformément
à la théorie des droit acquis malgré qu’ils soient considérés incompatibles avec
l’ordre public tunisien. Il permet entre autres de modérer certains empêchements
édictés par la loi tunisienne. Mais le recours à l’effet atténué de l’ordre public,
n’est ni systématique, ni impératif ; selon la doctrine les enjeux en la matière
sont si importants que le juge tunisien invoque l’exception d’ordre public pour
304 ème
Mayer (P) et Heuzé (V), Droit international privé, Montchrestien, 7 éd, 2001, n° 271.
305
Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in
Polygamie et répudiation dans les relations internationales, ABC, 2004, P.39.

114
PARTIE 2

rejeter les situations juridiques créées à l’étranger jugées particulièrement


choquantes pour l’ordre juridique du for conformément à l’article 37 qui dispose
« sont reconnus en Tunisie les effets des situations régulièrement créées à
l’étranger… s’il n’apparaît pas que ces même effets sont incompatibles avec
l’ordre public international tunisien » 306. Selon la doctrine « l’article 37 est
venu consolider la solution retenue par l’alinéa 3 de l’article 36307 du CDIP » et
qui pourrait trouver justification dans le faite que « le législateur tunisien n’a
pas cru bon de prendre le risque d’une modulation dans le déclenchement de
l’ordre public d’éviction… (qui) aurait peut être conduit…à une certaine
imprévisibilité des solutions qui serait en tant que telle préjudiciable à la
sécurité des transactions juridiques »308. En effet le système tunisien ne peut
tolérer certaines situations « lorsque la loi nationale qui a permis la constitution
du lien conjugal en territoire étranger l’a fait en permettant le mariage entre
frère et sœur, ou entre ascendant et descendant… » ; Ces mariages entres des
étrangers ne peut être reconnus valides par la juge du for ni produire leurs effets
sur le territoire tunisien car ils heurtent profondément les principes
fondamentaux et les dispositions impératives qui régissent les empêchements
aux mariages édictées par la loi tunisienne.

Ainsi l’effet atténué de l’ordre public ne signifie pas le retrait de l’ordre


public, bien au contraire il intervient « pour écarter des solutions jugées pas
trop inadmissibles »309. Cette étude se limitera aux effets reconnus aux unions
polygamiques conclus à l’étranger entre des étrangers vu que la jurisprudence
tunisienne admet la reconnaissance de droits pécuniaires à la seconde

306
Cette disposition paraît consacrer une solution diamétralement opposée au principe admis en droit
comparé selon le quel « l’ordre public d’éviction doit s’opposer à la réalisation d’une situation juridique
odieuse sur le territoire du for alors qu’il ne devrait pas s’opposer à l’effet déjà produit d’une situation
juridique créée à l’étranger » ; Batiffol (H) et Lagarde (P), op.cit, n°367 ; Ben Aicha (N), « Ordre public d’éviction
et lois de police du for : quel type de rapports » ?, RTD , 1999, p120.
307
L’article 36 du CDIP alinéa 3 dispose : « l’exception de l’ordre public ne dépend pas de l’intensité du rapport
entre l’ordre juridique tunisien et le litige. »
308
Ben Aicha (N), « Ordre public d’éviction et lois de police du for : quel type de rapports » ?, RTD, 1999,
p121,n°32.
309
Nizard (M), Thèse précitée, p.35.

115
PARTIE 2

épouse(A). En fixant un seuil de tolérance, tout autre effet de l’union


polygamique a été exclu (B).

A) La reconnaissance de droits pécuniaires à la seconde épouse

La reconnaissance de la validité du mariage mixte polygamique conclu à


l’étranger par le juge tunisien ne peut être établie que si certaines conditions sont
réunies. D’une part, chacune des deux lois nationales des époux étrangers
autorise la polygamie et sans que le mariage mixte polygamique soit concrétisé
grâce à la fraude. D’autre part, le mariage polygamique doit répondre aux
conditions de régularité internationale pour que le juge tunisien puisse
reconnaître par la suite des effets tels des droits pécuniaires à la seconde épouse.

En effet, c’est cet effet-là qui a été reconnu par la Cour d’appel de Tunis
le 13 décembre 2002310. En l’espèce, un libyen résidant en Tunisie célèbre son
mariage avec une tunisienne sur le territoire tunisien en 1993. Après quelques
années le mari décède en Suisse. La femme tunisienne en sa qualité de veuve
obtient des officiers publics suisses un acte de décès qu’elle le fait transcrire sur
les registres d’état civil tunisien. Or une femme de nationalité libyenne intente
une action contre la veuve tunisienne pour annuler l’acte de décès établi en
Tunisie ; elle prétend être la première épouse légitime du défunt en vertu d’un
acte de mariage conclu en Libye en 1952. La veuve tunisienne fait paraître un
arrêt de la Cour de Cassation rendu le 27 mai 2002 qui refuse d’annuler le
mariage de la veuve tunisienne avec son défunt mari libyen pour bigamie, sur la
base d’un jugement civil d’un tribunal libyen annulant pour faux le certificat de
célibat que l’époux a présenté lors de la conclusion de son mariage avec la
tunisienne. La Cour exige le passage du jugement libyen par une action

310
Cour d’appel de Tunis, n°91565 du 13 décembre 2002, inédit ; cité par Ben Jemia (M), « L’ordre public
international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie? », in Polygamie et répudiation dans les
relations internationales, ABC, 2004, P.30 et suivant ; Ben Mahmoud (F-Z) et Salmi (H), Système de droit
international privé tunisien, édition Atrach, 2016, p.355 (en arabe).

116
PARTIE 2

d’exequatur pour reconnaître ses effets311 et elle considère valide et régulier le


mariage de la tunisienne avec le libyen.

Dans une étrange tournure, la Cour d’appel de Tunis qualifie le mariage


de la tunisienne de premier mariage et le mariage de la libyenne de second
mariage ; elle reconnaît par conséquent la validité du second mariage
régulièrement créé à l’étranger et estime que « tirer la qualité et l’intérêt pour
agir d’une situation contraire à l’ordre public est conforme à l’article 37 qui
autorise que de telles situations créées à l’étranger puissent en Tunisie y
produire des effets successoraux. Ainsi le second mariage célébré à l’étranger
entre l’intimé et le défunt peut, malgré sa contrariété à l’ordre public, produire
des effets en Tunisie, et donner à la libyenne la qualité de veuve légitime au
même titre que la tunisienne ».

La doctrine relève « une erreur manifeste dans la qualification des


faits »312, mais la solution de principe appliquée par la Cour d’appel qui est la
reconnaissance à la seconde épouse d’un droit successoral semble suivre un
courant jurisprudentiel comparé bien établi313.

Cette solution peut s’étendre à des effets qui ne heurtent par l’ordre public
tunisien comme par exemple le droit de la seconde épouse de réclamer des
aliments à son époux, ou le droit à la sécurité sociale et tout autre droit
pécuniaire ; mais les limites de reconnaissance semblent bien établies
concernant les autres effets que l’union polygamique pourrait produire.

311
La position de la Cour de cassation semble excessive ; s’agissant d’un jugement relatif à l’état civil des
personnes elle aurait dû reconnaître de plein droit le jugement libyen après le contrôle de sa régularité
internationale.
312
Ben Jemia (M), « L’ordre public international tunisien peut-il s’atténuer en matière de polygamie ? », in
Polygamie et répudiation dans les relations internationales, ABC, 2004, P33.
313
Depuis la célèbre affaire Chemouni de la Cour de cassation du 28 janvier 1958, certains effets d’un mariage
polygame célébré au pays d’origine régulièrement peuvent être reconnus en France par le biais de l’effet
atténué de l’ordre public (dans ce cas, il s’agit du droit au versement d’une créance alimentaire) : Cassassions,
re
civile, 1 , 28 janvier 1958,RCDIP, 1958, p.110, note Jambu-Merlin ; voir aussi ; TGI Paris, 21 juin 1967, RCDIP,
re
1968, p.294, note H. Battifol ; Cassation, civile, 1 , 3 janvier 1980, l’ affaire Bendeddouche, RCDIP, 1980, p.331,
note H. Batiffol.

117
PARTIE 2

B) L’exclusion de tout autre effet à l’union polygamique

Mis à part les effets pécuniaires, chaque union peut produire des effets
d’ordre personnels ; trop risqués pour être reconnus à une union polygamique
dans un pays qui prohibe la bigamie, ces effets sont exclus de l’ordre juridique
tunisien.

Ainsi, est jugée contraire à l’ordre public l’obligation de cohabitation


découlant d’un mariage polygamique conclu régulièrement à l’étranger et qui
impose à la première épouse la cohabitation avec une autre femme314.

À titre comparatif, la jurisprudence française établie des limites aux effets


reconnus aux unions polygamiques, notamment en matière d'assurances
sociales. Ainsi, la seconde épouse ne peut pas bénéficier comme ayant droit de
son mari des prestations des assurances maternité-maladie, alors que les
prestations sont déjà attribuées à ce titre à une autre femme315.

D’un autre côté l’époux polygame ne peut se prévaloir en Tunisie d’aucun


droit à l’égard de ses épouses. En effet l’ordre juridique tunisien semble le
reconnaître comme étant marié à une seule épouse, en l’occurrence la première.
Ce qui se répercute inévitablement sur plusieurs procédures administratives
comme par exemple le regroupement familial.

La position de M. Bertrand Ancel résume clairement le problème des


effets des mariages polygamiques ; en effet selon lui il n’y a : « guère de
difficulté aussi longtemps que l'union polygamique évolue dans son milieu et
dans son système juridique d'origine. En revanche, il se produit forcément des
grincements et des frictions lorsque l'union polygamique doit jouer dans un
milieu et dans un système juridique professant la monogamie. La cohérence à
laquelle par nature tend ce système oppose alors des résistances qui prennent la

314
Tribunal de grande instance, Versailles, 31 mars 1965, RCDIP, 1966, p.697.
315 er
Cassation, chambre sociale, 1 mars 1973, RCDIP, 1975, p.57, note P. Graulich.

118
PARTIE 2

forme de problèmes d'ajustement que les internationalistes dénomment


volontiers problèmes de substitution et problèmes d'adaptation ».316

En conclusion, dans le cadre d’une union polygamique régulièrement


créée à l’étranger le juge fera appel à l’ordre public d’éviction quand les effets
réclamés vont concerner en toute logique les relations extrapatrimoniales des
époux étrangers alors, qu’il appliquera l’effet atténué de l’ordre public sur
certains des effets patrimoniaux du mariage mixte polygamique.

316
ANCEL (B), « Le statut de la femme du polygame », in Le droit de la famille à l’épreuve des migrations
transnationales, LGDJ, 1993, p. 105.

119
Conclusion

CONCLUSION
Force est de constater que l’étude du mariage mixte en droit international
privé tunisien dans les limites de sa formation ne relève pas exclusivement de la
méthode conflictuelle. Néanmoins, La mise en œuvre des règles de conflit qui
régissent les conditions de fond et de forme ou la sanction de leur non-respect,
dévoile certains problèmes qui relèvent des carences de la méthode conflictuelle
classique et des incertitudes qui entourent l’application de la méthode de
reconnaissance.

Face à cette situation, le législateur tunisien a opté pour un système mixte


de rattachement pour régir la formation du mariage mixte sur le territoire
tunisien. Ayant constaté :

-Dans un premier temps, que la validité formelle du mariage mixte


dépendait à la fois du principe de rattachement à la loi du lieu de célébration et
de la compétence exclusive des organes du lieu de célébration. Ainsi la
célébration du mariage mixte sur le territoire tunisien ne peut être que selon la
conception monogamique et séculaire du mariage retenue en droit tunisien.
L’intérêt que porte le législateur tunisien à la solution donnée est conforté par
l’exigence de certaines formalités supplémentaires d’ordre public destinées aux
ressortissants étrangers ; or certaines formalités se révèlent inopérantes contre la
prévention du statut polygamique de la seconde épouse tunisienne alors que
dans certaines situations se révèlent attentatoire à la liberté matrimoniale.

-Dans un second temps, c’est le principe de l’application distributive des


lois nationales qui a été consacré pour régir la validité substantielle du mariage
mixte. La conception du mariage étant singulière à chaque Etat, ses conditions
de fond varient nécessairement d’une législation à l’autre. Toutefois, cette règle
de conflit laisse entrevoir ses limites face aux empêchements bilatéraux. Ainsi
en pareil cas c’est une application cumulative des lois en cause qui sera

120
Conclusion

appliquée comme correctif aux inconvénients résultants du principe du


rattachement distributif. L’application cumulative des lois nationales en matière
d’empêchements bilatéraux peut donc revendiquer la primauté de la règle la plus
sévère ; mais l’impératif exigé par la politique de l’Etat de maintenir ses
ressortissants sous son contrôle en matière de mariage et la difficulté de trouver
une autre solution équitable font d’elle la seule alternative pour les systèmes
juridiques. Dans tous les cas, la réception, lors de la mise en œuvre de la règle
de conflit d’une loi étrangère incompatible avec l’ordre juridique tunisien
provoque la réaction de l’ordre public. Considérée comme un remède
exceptionnel à la règle de conflit qui désigne une loi nationale étrangère qui
heurte profondément les principes fondamentaux du droit tunisien, l’exception
d’ordre public a pour effet l’éviction de la norme désignée en raison de sa
contrariété avec l’ordre public du for pour appliquer la lex fori pour les
conditions de fond du mariage mixte qui sont considérées d’ordre public sur le
plan interne. Mais cette considération ne peut être transposée dans tous les cas à
l’échelle internationale car cela aura comme résultat la mise en cause du
principe de la compétence de la loi nationale. Donc, une simple contradiction ou
contrariété des lois nationales mises en cause avec les règles du for ne justifiant
nullement l’intervention systématique de l’exception d’ordre public. Seules les
atteintes des lois étrangères désignées compétentes aux principes fondamentaux
consacrés par la constitution et les conventions internationales nécessitent par
conséquent l’intervention de l’exception d’ordre public.

D’un autre côté, malgré, que le législateur tunisien n’a pas consacré
une règle de conflit relative à la nullité du mariage mixte, la doctrine et la
jurisprudence presque unanimes affirment la compétence de la loi de la
condition violée pour régir la nullité du mariage mixte. Ce principe a pour
conséquence dans notre système mixte de rattachement l’application de la loi
nationale violée pour régir la nullité sanctionnant l’inobservation des conditions

121
Conclusion

de fond du mariage mixte alors que pour régir les nullités de forme, c’est le
rattachement à la lex loci celebrationis qui sera appliqué.

Concernent l’application de la méthode de reconnaissance par le système


juridique tunisien, il a été constaté que le droit international privé tunisien
consacre la reconnaissance de plano des mariages mixtes conclus à l’étranger.
Cette reconnaissance immédiate, longtemps ignorée par la jurisprudence
tunisienne a fini par avoir gain de cause. Une compréhension éclairée des juges
du code de droit internationale privé et des conventions internationales aide à
mieux saisir les enjeux liés aux questions relatives à la validité du mariage mixte
célébré sur le territoire tunisien ou à l’étranger et à réceptionner ses effets sur le
territoire tunisien.

Enfin la situation d’effervescence législative actuelle de la Tunisie permet


de dire que des changements importants peinent à se matérialiser au niveau des
valeurs constitutionnelles de liberté et d’égalité loin du référent religieux.

122
Annexes

Annexes
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Table des matières

Table des matières


INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

PARTIE I : FORMATION DU MARIAGE MIXTE SUR LE TERRITOIRE


TUNISIEN ..................................................................................................................... 8

Chapitre I : la détermination législative de la loi applicable à la formation du


mariage mixte .............................................................................................................. 9

Section I : la loi applicable aux conditions de forme du mariage mixte ................ 12

PragrapheI : Le principe de rattachement à la loi du lieu de célébration du


mariage................................................................................................................ 12

A) Fondement de la solution de principe............................................................ 13

B) Compétence internationale de l’autorité locale tunisienne ............................ 15

Paragraphe II : Les formalités indispensables à la formation du mariage mixte 21

A) Les certificats officiels nécessaires au mariage des étrangers....................... 21

B) l’acte authentique .......................................................................................... 25

Section II : la loi applicable aux conditions de fond du mariage mixte ................. 27

Paragraphe I : le principe du rattachement à la loi nationale de chacun des deux


futurs époux ........................................................................................................ 28

A) Le fondement du principe de l’application distributive des lois nationales au


mariage mixte ..................................................................................................... 28

B) Le domaine des conditions de fond .............................................................. 33

Paragraphe II : les limites au principe du rattachement à la loi nationale de


chacun des deux futurs époux ............................................................................. 41

A) L’empêchement bilatéral ............................................................................... 41

B) le domaine des empêchements bilatéraux prévus par le droit tunisien ......... 45

1. Les différents empêchements édictés par la loi tunisienne ............................ 46


Table des matières

2. L’exclusion du mariage d’une tunisienne avec un non musulman du domaine


des empêchements bilatéraux ............................................................................. 52

Chapitre II : Le silence législatif sur la loi applicable à la nullité du mariage mixte 62

Section I : Le principe du rattachement à la loi de la condition violée .................. 63

Paragraphe I : Fondement de la compétence de la loi de la condition violée .... 63

A) Le rattachement à la loi nationale violée pour régir les nullités de fond ...... 64

B) Le rattachement à la lex loci celebrationis pour régir les nullités de forme.. 66

Paragraphe II : La mise en œuvre de la nullité du mariage mixte ...................... 68

A) Lex fori et compétence internationale des tribunaux tunisiens ..................... 68

B) Les conditions de mise en œuvre de l’action en nullité ................................. 69

Section II : Les effets de la nullité du mariage mixte ............................................ 71

Paragraphe I : Détermination de la loi applicable aux effets de la nullité du


mariage mixte ..................................................................................................... 72

A) Les thèses en présence ................................................................................... 72

B) Les arguments avancés pour soutenir la compétence de la loi de la condition


violée ................................................................................................................... 74

Paragraphe II : Les effets de la nullité du mariage consacrés par le droit positif


tunisien ................................................................................................................ 76

A) Dualité du fondement .................................................................................... 76

B) Reconnaissance conditionnée ........................................................................ 77

PARTIE II: CELEBRATION DU MARIAGE MIXTE À L’ETRANGER ......... 80

ChapitreI : La transcription des actes de mariage mixte et des jugements de sa nullité


................................................................................................................................... 81

SectionI : La transcription du mariage mixte d’un national avec un étranger


célébré à l’étranger. ................................................................................................ 81

Paragraphe I : L’obligation de transcription ....................................................... 82

A) Fondement ..................................................................................................... 82
Table des matières

B) Les conséquences du non-respect de la transcription .................................... 83

Paragraphe II : La transcription : une procédure préventive lacunaire .............. 84

A) Une procédure prolongeant l’intervention de l’ordre public tunisien à


l’étranger ............................................................................................................. 85

B) les lacunes législatives sur les prérogatives de l’autorité de transcription .... 86

Section II : La transcription des jugements étrangers prononçant la nullité des


mariages mixtes ...................................................................................................... 88

Paragraphe I : La consécration de reconnaissance de plano en matière de nullité


du mariage mixte dans les textes ........................................................................ 90

A) En droit conventionnel .................................................................................. 90

B) En droit commun : ......................................................................................... 91

Paragraphe II : L’oscillation jurisprudentielle dans la consécration de la


reconnaissance de plano ..................................................................................... 94

A) Avant la promulgation du code du DIP ......................................................... 95

B) Depuis la promulgation du code du DIP. ...................................................... 96

Chapitre II: L’appréciation de la validité des mariages mixtes célébrés à l’étranger.


................................................................................................................................. 100

Section I : L’appréciation du juge tunisien de la validité du mariage mixte d’un


national conclu à l’étranger .................................................................................. 100

Paragraphe I : Conflit mobile ........................................................................... 101

A) Les solutions doctrinales préconisées.......................................................... 102

B) La solution adoptée par le code de droit international privé ....................... 104

Paragraphe II : Fraude à la loi........................................................................... 106

A) Les éléments constitutifs de la fraude à la loi ............................................. 107

B) La sanction de la fraude à la loi ................................................................... 109


Table des matières

Section II : L’appréciation du juge tunisien de la validité du mariage mixte de


deux étrangers conclus à l’étranger ...................................................................... 110

Paragraphe I : Les conditions de reconnaissance du mariage mixte entre deux


étrangers ............................................................................................................ 111

A) Le respect des conditions de régularité internationale de l’union ............... 111

B) L’absence de fraude .................................................................................... 112

Paragraphe II : Les effets reconnus aux mariages mixtes régulièrement créés à


l’étranger : cas du mariage polygamique. ......................................................... 114

A) La reconnaissance de droits pécuniaires à la seconde épouse ..................... 116

B) L’exclusion de tout autre effet à l’union polygamique................................ 118

CONCLUSION ......................................................................................................... 120

Annexes ...................................................................................................................... 123

Bibliographie ............................................................................................................. 124

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