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1er cours1
1
Dans son introduction, le prof dit qu’il nous ‘parlera’ dans trois différents sens du terme. Il dit qu’il veut faire
de nous non des procéduriers, mais des processualistes (= néologisme). Il veut nous faire respecter le droit
judiciaire pour ce qu’il est : une discipline processuelle, qui permet par processus de porter de grandes valeurs
et d’accompagner la résolution méthodique de droit et non pas une discipline qui joue avec des règles, sans
respecter leur finalité.
‘Erreur de casting’ selon le prof : dans la mythologie, on représente la justice par Thémis, qui tient un glaive et
qui porte un bandeau. Il trouve que la procédure devrait être incarnée par Thémis, certes, mais elle ne devrait
pas porter un glaive ; elle devrait porter un bouclier. La procédure que le prof veut nous enseigner n’est pas une
discipline de points faits pour massacrer l’adversaire, la justice, le procès… Non, la justice et les règles de
procédure sont là pour protéger, pour colmater, pour garantir le respect des droits humains qui se jouent dans
les prétoires (1e sens du terme)
De plus, le prof nous parlera non seulement des règles classiques, mais aussi des réformes. Le Code date de 1967,
en vigueur le 1er janvier 1970. Depuis 4 ou 5 ans, le C.Jud. est traversé par des réformes (non) ambitieuses. Il y a
un renouvellement complet des règles, du système de règles et même peut-être des principes qui se jouent. Il
s’agit des réformes potpourri (sous Koen Geens). Il nous parlera donc d’un contenu assez neuf. Le C.Jud. dont on
doit se munir lors de l’examen, doit être parfaitement à jour (on peut se munir de n’importe quel Code), car la
matière judiciaire est comme du lait sur le feu (!!) (2e sens du terme).
Enfin, il nous parlera dans le sens plus figuratif du terme : la discipline doit nous parler, nous dire. Pourquoi ? On
a longtemps dit que la matière était décalée de la pratique, du quotidien. Le prof veut assumer un exercice
d’équilibriste entre l’apprentissage des règles de bases, porteuses de valeurs fondamentales – certes techniques
– et le décalage entre la règle et son application pratique ou, au contraire, la cohérence entre la règle et le
problème technique qui s’est posé. Il ‘incarnera’ la discipline qu’il nous enseigne (3e sens du terme). La procédure
civile est le second violon du concerto du droit. Sans elle, la pièce ne peut pas se jouer. En revanche, le second
violon n’est jamais en solo : c’est cela, le C.Jud. Il est partout, il accompagne la réalisation de tous les droits, mais
ce n’est pas une discipline, une fin en soi.
Concernant l’examen : 1 cas pratique, comme vu en TP, et des vrai/faux justifiés (sans retrait de points (-)).
REMARQUE : le prof organise un test, et les participants sont tirés au sort. On est dispensé de la matière vue par
nous-mêmes. Si les étudiants tirés au sort réussissent le ‘test dispensatoire solidaire’ (obtiennent une moyenne
de 10/20) toute la promotion est dispensée de cette matière à l’examen. Si ces étudiants tirés au sort, font
Chap. 3 – 7 : compétences de chacune des juridictions qui forment la pyramide judiciaire (juge de paix
Cour de cassation)
C’est édifiant, car à la même époque – fin des années 1960 – la France réécrit aussi son Code de
procédure civile ((!!) jusqu’en 1967, nous avions le même Code que la France en Belgique) toute
autre tendance : un groupe de professeurs, de théoriciens, se réunit pour rédiger un nouveau Code,
emmenés par Gérard Cornu (il a fait le célèbre « Dictionnaire du vocabulaire juridique »), accompagné
d’Henri Motulsky (grand penseur de procédure civile) et de Jean Foyer (Ministre de la justice de
l’époque). Leur Code commence par des articles préliminaires, riches en définitions et principes
généraux, très proches de ceux que nous vivons ! Toutefois, chez nous, ils ne sont pas écrits ils sont
vécus par la jurisprudence. Voilà la fibre de notre C.Jud. au regard d’un autre Code.
Retour à « une fois n’est pas coutume » et l’art. 8 C.Jud. (« La compétence est le pouvoir du juge de
connaître d'une demande portée devant lui. »).
mieux que réussir (12/20) TOUT l’auditoire est dispensé de cette matière au mois de juin, ET tout l’auditoire
reçoit UN point en plus (bonus d’un point).
On distingue donc :
Les attributions du pouvoir judiciaire dans son ensemble (= les droits et les prérogatives
propres au pouvoir judiciaire belge)
Les compétences qu’exercent tel ou tel juge à l’intérieur du pouvoir judiciaire.
Le C.Jud. regorge des articles qui font la différence entre ces attributions et les compétences
singulières de chacune des juridictions (p.ex. : art. 556 C.Jud.).
B Intérêt de la distinction
Quel est l’intérêt de cette distinction ? Il y a un intérêt très concret et technique = l’enjeu déclinatoire.
C’est un mot très fréquent en droit judiciaire technique. Le substantif né du verbe « décliner », est « le
déclinatoire ». Lorsqu’un juge est saisi en Belgique et qu’il est invité à statuer sur un litige, mais qu’il
s’aperçoit qu’il fait partie d’un pouvoir judiciaire qui n’a pas les attributions de statuer sur ce litige, il y
a un premier type de déclinatoire. Lorsqu’il s’aperçoit que, certes, le litige fait partie des attributions
du pouvoir judiciaire, mais pas des compétences qui lui sont propres, il y a aussi déclinatoire.
Il y a deux déclinatoires :
Le déclinatoire de juridiction [1] = il est soulevé lorsque le juge saisi d’un litige s’aperçoit que l’objet de
la demande ne rentre dans aucune des attributions du pouvoir judiciaire. La Constitution prive le
pouvoir judiciaire dans son ensemble, et a fortiori ce juge saisi, de se saisir de ce litige.
Le juge ou le défendeur s’aperçoit que le litige relève de l’attribution d’un autre pouvoir constitué
belge. Le cas typique : lorsque le litige ressortit à la gabelle du Conseil d’État. Art. 144 et 145 Const.
il apparait que l’enjeu du litige est redevable de la juridiction des attributions d’un autre pouvoir. Ici,
du Conseil d’État ( pouvoir exécutif).
Deux exemples typiques : le contentieux des étrangers (l’enjeu véritable est un droit politique = l’accès
au territoire) et l’attribution d’un marché public (acte administratif ? Conseil d’État contentieux
sur un droit civil, subjectif juge judiciaire). Trois ‘familles’ :
(1) Le litige appelle un juge du pouvoir législatif, par exemple le contentieux des élections. Les
assemblées parlementaires disposent dans des cas précis d’un pouvoir juridictionnel.
(2) D’autre part, dans bon nombre de cas, la loi belge offre aux parties la possibilité de faire trancher
leur litige ailleurs que devant les cours et tribunaux on confie l’affaire à un arbitre (= juriste
qualifié, choisi par les parties). C’est un processus contractuel. Les parties décident, soit par
avant (= clause d’arbitrage), soit au moment où le litige naît (= compromis arbitrage), de régler les
conflits par le biais de l’arbitrage. Il s’agit d’un cas clair de déclinatoire de juridiction : le juge
judiciaire s’aperçoit qu’il est saisi en violation, au mépris d’une clause d’arbitrage/d’un compromis
arbitrage.
On retrouve la trace de ce déclinatoire de juridiction dans le C.Jud., aux artt. 1682, 568, 590.
1- Qui peut soulever le déclinatoire ? S’il est d’ordre public, il sera soulevé par le défendeur. Mais,
il est du devoir du juge de le faire, si le défendeur ne le fait pas.
2- De plus, dans les cas où le juge statue par défaut (en l’absence du défendeur, art. 806 C.Jud.),
le juge ne peut soulever que des moyens et des défenses d’ordre public ! Par conséquent, si le
défendeur fait défaut, mais qu’il y a des moyens d’ordre public, le juge les soulève ; il est obligé
de le faire.
3- À quel moment du procès, le déclinatoire est il soulevé (soit par le défendeur, soit par le juge
d’office) ? La règle est forte logique : comme la règle est grave – car elle relève de l’ordre public
– le juge a, sous la réserve de l’abus de droit, le loisir de le soulever à tout moment du procès
(à la fin de l’instance, pour la première fois en appel ou même en cassation).
A contrario, si le déclinatoire était d’ordre privé, seul le défendeur pourrait le soulever par
défaut le juge doit se taire. Il ne peut alors le faire que dans ses première conclusions (en Latin
« in limine litis »).
(1) Les déclinatoires qui dénoncent la violation des attributions d’un autre pouvoir constitué belge
(le CE, une juridiction du Sénat… art. 144-145 Const.) = toujours d’ordre public !
(2) Le déclinatoire justifié par l’existence d’arbitrage (art. 1682 C.Jud., complété/répliqué par les
artt. 590 et 568 C.Jud ces dispositions disent que le défendeur et lui seul peut le soulever).
(3) Le déclinatoire de juridiction issu de la violation d’un texte international (= catégorie plus
hybride) la tendance est au déclinatoire d’ordre privé (Cass., CJUE et règlements
européens).
Mais attention, ce n’est qu’une tendance (!!), qui connaît des exceptions. Notamment, en cas
de défaut ( art. 806 C.Jud. en droit belge), le juge doit vérifier d’office s’il n’y a pas matière
à déclinatoire de juridiction internationale. De même, certaines compétences/attributions
internationales sont d’ordre public (en matière d’assurances, d’enfants, de crédit à la
consommation…). Il y a donc beaucoup d’entorses à la tendance ordre privé.
Qui du règlement du déclinatoire de juridiction ? Qui juge de ce déclinatoire ? Qui tranche pour voir si
le déclinatoire de juridiction est fondé ou pas ? À cet égard, il faut faire mention de trois choses :
1. Règle absolue : le juge saisi et lui seul a le pouvoir de trancher les trois types de déclinatoires
de juridiction. Art. 639, al. 5 C.Jud. nous sommes dans l’hypothèse de l’intervention du
Tribunal d’arrondissement (il est compétent pour trancher les déclinatoires de COMPÉTENCE
dans certains cas (voy. P. 62 et S. SYLLA)). Ici, rien de tout cela : art. 639, al. 5 : le Tribunal
d’arrondissement n’est pas là pour trancher des déclinatoires de juridiction. Il n’intervient pas
pour trancher les conflits avec le CE, les conflits d’arbitrage, les conflits avec les juges d’autres
pays, etc. Les trois familles sont jugées par le juge lui-même. Donc il n’y a PAS d’intervention
du Tribunal d’arrondissement !
2. La décision que le juge belge rend sur le déclinatoire de juridiction est susceptible d’être
frappée d’appel immédiatement (art. 1050 C.Jud. : parle d’un retardement de l’appel contre
les jugements sur la compétence). A contrario, les jugements rendus sur un déclinatoire de
juridiction, ne sont pas soumis à l’art. 1050 C.Jud. (voy. P. 371 SYLLA).
Retenons donc que le juge lui-même, rend sur un déclinatoire de juridiction, une décision
immédiatement susceptible d’appel pas d’application de l’art. 1050 C.Jud. (la Cour de cass.
l’a rappelé en 2017).
4. Qui tranche les conflits positifs et négatifs : art. 158 Const. la Cour de cass. dit qui se voit
attribuer le litige (nous sommes un Etat de droit, donc chacun a le droit de voir trancher ses
litiges). ( En France, le CE tranche les conflits d’attribution).
‘CONLUSION’ : premier élément important en ce qui concerne ce qu’il faut entendre par « pouvoir » :
il faut distinguer les attributions, traduites par des déclinatoires de juridiction des compétences,
qui donnent lieu à des déclinatoires de compétence.
§2 La demande
Art. 8 C.Jud. « connaître d’une demande » : qu’est-ce qu’une demande, qui est le canal de la
compétence ?
La demande et le recours.
Il ne faut pas confondre une demande en justice, qui est l’acte introductif primaire du
justiciable, du recours, qui est l’action en justice, certes, mais qui critique une décision déjà
rendu sur une demande.
Dans le cadre de ce cours, on parle de la demande : l’acte introductif primal, qui saisit pour
la première fois le pouvoir judiciaire.
La règle de base = le juge compétent pour connaître de la demande, est par voie d’accessoire
compétent de connaître de la question litigeuse qui se pose.
EXEMPLE : le Trib. du travail est compétent pour connaître d’une demande relative à
l’exécution/résiliation de tel contrat de travail si une question quasi-délictuelle se pose durant le
procès (p.ex. : un travailleur a commis une faute selon l’art. 1382 C.Civ., un employeur a licencié
abusivement…), la question reste dans la gabelle du Trib. de travail !
Il n’y a donc plus, comme avant dans le C.Civ. ancien, le processus de question préjudicielle posée à la
juridiction civile. L’exemple typique : l’incident de faux (= une partie dit qu’une pièce est
inauthentique) on pose une question préjudicielle à la juridiction civile.
Aujourd’hui, le Code Van Repingen a fait le choix de regroupement des questions litigeuses
nécessitées par le jugement d’une demande.
(!!) Attention, ce choix général est assorti d’exceptions (P. 9-10 SYLLA) :
Le mot « matériel » permet de bien discerner la ligne de démarcation de la matière. On voit que ‘l’ADN
des juges du pouvoir judiciaire belge’ est double :
Art. 9 C.Jud. : « La compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction déterminé en raison de l'objet,
de la valeur et, le cas échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des parties. Elle ne peut être
étendue, sauf si la loi en dispose autrement. »
Réflexion de secours/règle d’or à connaître : TOUT ce qui concerne la compétence matérielle = d’ordre
public !! Ils en découlent des conséquences, mais aussi des nuances.
Autre nuance : il y a une théorie, née de l’abus de droit, en vertu de laquelle on ne peut –
à un stade tardif du litige (= devant la Cour de cass.) – soulever un déclinatoire d’orde
public lorsque ce déclinatoire est contraire à ce qu’on a soutenu précédemment. La
loyauté procédurale empêche ce genre de comportement.
6. Dans 98% des cas, la compétence matérielle est d’ordre public.
Deuxième règle d’or : ce que le prof appelle « la règle du rétroviseur » au regard du C.Jud. et de la
jurisprudence constante de la Cour de cass., le juge – pour apprécier sa compétence – doit se placer
non pas au moment où il statue, mais il doit regarder qui était compétent au jour de sa saisine.
Attention, exception à la règle du rétroviseur, voulue par la Cour de cass. : sur la qualité de l’entreprise,
devant le tribunal de l’entreprise (art. 573 C.Jud.) pour la qualité de l’entreprise, ce n’est pas le jour
de la saisine qu’on regarde, mais le jour où l’acte litigieux a été accompli.
§1 L’objet
A Définition du critère
L’objet : c’est une notion fondamentale en droit judiciaire. Nous la rencontrerons deux fois en droit
judiciaire (la première fois : dans ce contexte-ci = le premier critère servant à fixer la compétence
matérielle des juridictions judiciaires, la deuxième fois : entre la P. 190 et 198 SYLLA l’objet est une
notion fondamentale touchante à la définition de la demande en justice). Nous faisons un lien entre la
P. 11 et la P. 190 SYLLA.
Qu’est-ce l’objet ? Il est dépourvu de définition. C’est ce que réclame le demandeur en justice, c’est ce
qu’il postule. On l’appelle aussi le petitum = le résultat qu’il poursuit. Il est le critère principal de
détermination de la compétence matérielle/d’attribution.
B Portée du critère
Qu’en est-il de sa portée ? Il est le seul des quatre critères ayant une portée absolument générale.
Toute règle de compétence matérielle obéit en partie ou totalement à la notion d’objet (elles ont
toutes au moins un emprunt à la notion d’objet). Les trois autres notions ne se retrouvent que dans
certains cas.
Dans d’autres cas, le critère de l’objet omniprésent, doit être complété par un autre critère. P.ex. :
l’urgence – qui est la clé du référé – il faut parfois la combiner avec l’objet. En matière sociale, lorsque
la cause est urgente, il y a deux critères = 1. Le social, 2. L’urgence.
L’objet est donc un critère général, qui se suffit souvent à lui-même, mais parfois il réclame
la combinaison avec un des trois autres critères.
C Application du critère
Vu qu’il n’y a pas de définition, il y a parfois controverse. On l’appréhende deux fois, cette controverse
et il faut l’appréhender ensemble.
Ici, on l’appréhende pour la première fois l’art. 9 dit : « la compétence est fonction de l’objet ».
Posons la controverse : ce résultat qu’on postule, est-ce un résultat économique, brute, concret,
factuel ? Ou bien, est-ce le résultat tel qu’on l’a qualifié en droit, tel qu’on l’a libellé juridiquement.
Pourquoi le prof nous dit-il ça ? Car les choses peuvent varier si l’on dit : l’objet, c’est l’emballage
juridique de la prétention, et que, par ailleurs, on dit que le juge ne peut modifier l’objet de la
prétention alors l’équation amène au résultat suivant : le juge est lié sur la façon dont les choses lui
sont présentées.
Si, au contraire, on dit que l’objet qui fixe la compétence et qui détermine la demande, c’est le
résultat brut et nu, indépendant de sa qualification juridique alors cela voudrait dire que le juge
puisse, en appréciant sa compétence, d’abord voir si la qualification juridique est justifiée.
Prenons un exemple pour saisir la controverse : une personne se prétend employée par une autre
personne – qu’elle qualifie d’employeur – et elle prétend que cet employeur ne lui a pas versé ses
indemnités de préavis/un arriéré salarial. Quel est l’objet de la demande ? Des arriérés salariaux, une
indemnité compensatoire de préavis, due en vertu d’un contrat de travail. Qui dit contrat de travail,
qui dit arriéré de rémunération, dit compétence matérielle du Trib. de travail (art. 578 C.Jud.). On
arrive devant ce tribunal et le défendeur dit que la relation contractuelle n’a rien à voir avec un contrat
de travail : selon lui, il y a complète indépendance, sans aucune subordination, d’après ses propres
libertés. Par conséquent, selon lui, le Trib. de travail n’est pas compétent. Il y a là deux options :
Soit on dit que le Trib. du travail est lié par cette qualification juridique, parce qu’on
considère que cette qualification s’incorpore à l’objet, auquel cas le Trib. du travail, la mort
dans l’âme, constatant que le demandeur qualifie sa prétention de contrat de travail, n’a
pas d’autre choix que de se déclarer compétent. Quitte, des mois plus tard, de constater
sur le fond de la demande qu’il s’agit en réalité d’un contrat d’entreprise/d’indépendant
et de devoir, contre nature, statuer sur la base de règles commerciales ou de règles civiles.
- Il y a deux thèses : une thèse alimente une conception juridique de l’objet : l’objet intangible,
non modifiable = la prétention telle que le demandeur l’a juridiquement emballée le juge
est lié par cette qualification, même si elle est contestable (quitte sur le fond, évidemment, à
décider autre chose) [1] dès que le juge apprécie sa compétence, il peut déballer la
qualification juridique, quitte à se déclarer, très vite, incompétent.
- La Cour de cassation, dès 1978, s’est ralliée à la conception juridique de l’objet lorsque le
juge est saisi sur la base d’un objet juridiquement emballé, il n’a pas d’autre choix que de
constater sa compétence : il est lié. Le défendeur a beau soulever le déclinatoire. Rien n’y fera.
Il s’agit d’une thèse constante, qui prévoit encore aujourd’hui.
Cette thèse fait la majorité doctrinale (et peut-être même des juridictions de fond) contre elle.
Selon une majorité des auteurs de doctrine néerlandophones et francophones, et selon
certaines cours de travail et cours d’appel, selon cette tendance dissidente, le juge n’est PAS
lié par la qualification juridique de l’objet. Selon cette thèse dissidente, l’objet, c’est la
prétention brute, le résultat factuel, indépendant de sa qualification juridique. Il y a trois
arguments, donnés par cette doctrine et jurisprudence :
1) Un argument de texte et de bon sens : pourquoi la Cour de cass. considère que, sur l’objet,
le juge est lié par la qualification, même de mauvaise foi du demandeur, alors que,
concernant les trois autres critères, le juge n’est PAS lié par l’habillage du demandeur (là
on dit que c’est d’ordre public : le juge du fond n’est pas lié).
2) Art. 660, al. 2 C.Jud. (examen!!) c’est l’article qui fixe le sort d’un déclinatoire de
compétence. Lorsqu’un juge statue sur un déclinatoire de compétence, soit il rejette le
déclinatoire et garde l’affaire, soit il accueille le déclinatoire et renvoie l’affaire vers son
collègue réellement compétent. Le juge de renvoi (qui reçoit l’affaire, car il est
compétent) : est lié sur sa compétence. Il n’y a pas de ‘ping pong intrajudicaire’. Mais, l’art.
660, al. 2 C.Jud. rajoute : « tout droit sauf sur le fond », ‘sauf’ est, dans cette phrase, un
adjectif au masculin pluriel. Tous les droits d’appréciation, sauf ceux préservés sur le fond
du litige le juge qui se voit renvoyer le dossier par un collègue qui se déclare
incompétent, est lié sur sa compétence, mais tel est la seule autorité de la chose jugée
sur le reste, le juge indiqué n’est pas lié par les considérations, avancés sur le motif, etc.
du premier juge).
Que dit la doctrine là-dessus ? Si la Cour de cass. a raison, alors l’art. 660, al. 2 C.Jud. ne
sert à rien. Or, un texte doit toujours servir à quelque chose (= le postulat d’utilité de la
loi : une loi doit avoir un but, doit servir à quelque chose). L’argument de la doctrine est
que, si le juge ne peut pas s’aventurer sur le fond et ne peut donc rien dire sur l’objet, alors
l’art. 660, al. 2 C.Jud. ne sert à rien tout ce qui est dit là, ne lie pas le juge de renvoi. À
quoi ça sert d’avoir un texte qui limite la chose jugée si le risque craint, ne se réalise pas.
i. La Cour de cass. se trompe donc selon la doctrine, car elle prive cet article
d’utilité (postulat d’utilité de la loi) !
Que veut dire « l’objet » ? S’agit-il de l’objet brut, factuel, dépouillé de sa qualification, ou s’agit-il de
l’objet emballé juridiquement qu’il est interdit au juge de modifier ? Même notion (l’objet), même
controverse : le juge peut-il ou non modifier la qualification juridique de l’objet ? Même réponse, au
départ, de la Cour de cass. : au début elle disait qu’il était interdit au juge, non plus en matière de
compétence, mais sur le fond, de corriger la qualification juridique de l’objet. Point de vue sévère,
certes, mais cohérent.
Plus tard, nous verrons que, par un arrêt fondamental du 23 octobre 2006, la Cour de cass. opère un
revirement de sa jurisprudence. Elle dit, s’agissant du fond, que le juge a l’obligation de statuer sur la
qualification juridique correcte. Si la qualification juridique n’est pas correcte, il est obligé de la
changer, il doit déjouer la qualification juridique inappropriée proposée par le demandeur.
La doctrine dit que la Cour de cass. doit être cohérente elle ne peut pas dire tout et son contraire.
Après le revirement de sa jurisprudence sur le fond, elle est priée de revirer sa jurisprudence sur la
compétence (car même question, mêmes enjeux, même notion).
C’est là que, malgré le revirement, la Cour de cass. persiste en matière de compétence. EXEMPLE :
arrêt du 5 nov. 2012 la Cour, en matière de compétence persiste à considérer que le juge est lié
par la qualification juridique de l’objet. La Cour est-elle schizophrénique… ? Le décalage est très
surprenant elle dit deux choses différentes, sur une même question. C’est critiquable, mais on peut
nuancer ce point : il faut être de bon ton. Il y a peut-être une explication pour ce décalage ; une
explication prosaïque, toute simple. Selon le prof, la Cour veut éviter que le justiciable et le juge
perdent leur temps trop tôt sur la question de la qualification juridique de l’objet. Il croit que la Cour
de cass. veut que le débat que cette question produit, ait lieu plus tard, qu’il n’ai lieu que sur le fond.
Elle veut éviter que ce débat – qui coûte de l’argent et du temps – ait déjà lieu au stade de la
compétence, et donc trop tôt.
Il reste que la jurisprudence de la Cour de cass. sur la compétence est critiquée (par la doctrine et la
jurisprudence de fond) et fragile.
Ce n’est pas logique ; c’est contre-nature (voy. exemple ci-dessus : si on arrive devant le Trib. de travail,
en lui soutenant qu’il s’agit d’un contrat de travail, en vertu duquel des arriérés de rémunération sont
dus, le Trib. de travail doit – contre toute évidence – se déclarer compétent, pour considérer quelques
semaines/jours plus tard (alors qu’il le savait déjà) que le contrat est, en réalité, un contrat d’entreprise
et non pas de travail. Il doit donc statuer contre-nature, sur la base du droit commercial/sur la base du
Code Civil.
B Portée du critère
Le critère de la valeur est quant à lui, non pas général, mais doublement relatif. D’abord, il est
important : il est fréquent d’application. Pourquoi ? On retrouve ce critère trois fois en droit judiciaire.
La première occurrence (= celle qu’on voit aujourd’hui) = lorsqu’il est un des critères servant à
déterminer la compétence matérielle (on verra les deux autres applications plus tard dans le
cours). De façon plus précise, la valeur de la demande, on la retrouve lorsqu’il est question de
la compétence générale du juge de paix (P. 97 SYLLA), art. 590 C.Jud. le juge de paix est le
juge normal/a une compétence générale, pour connaître des petits litiges, dont le montant est
inférieur à 5000 EUR (= première occurrence).
La troisième occurrence : lorsque nous parlerons des dépens (= les frais de justice). De façon
précise, le critère de la valeur de la demande reprend une troisième fois du service (P. 325
SYLLA) la valeur sert, dans ce dernier cas, à déterminer l’importance d’un des frais de
justice, notamment de celui qu’on appelle l’indemnité de procédure.
1. La valeur de la demande ne sert jamais seule : elle opère toujours avec un autre critère
(celui de l’objet).
2. Parfois, et même le plus souvent, le critère de la valeur n’a aucun intérêt : le critère de
l’objet fait tout le job et est le seul critère utile dans ces cas.
Exemple : le critère du bail (art. 591, primo, C.Jud.) la valeur n’est pas importante ;
c’est toujours le juge de paix qui est compétent.
C Application du critère
Comment applique-t-on le critère de la valeur, lorsqu’on doit s’en servir ? Comment déterminer la
valeur de la demande ?
1. Dans certains cas, la valeur de la demande est déterminée, déterminable, quantifiable. Dans
ces cas-là, on a recours aux articles 557-562 C.Jud. (REMARQUE : on s’en sert trois fois : une
Art. 559 C.Jud. (hypothèse très rare !) : « Lorsque la somme réclamée fait partie d'une créance
plus forte qui est contestée, le montant repris au titre ou le cas échéant du reliquat de ladite
créance, détermine la compétence même si la somme demandée est moins élevée. »
= Application de la théorie de l’enjeu véritable. Le juge doit tenir compte de la réalité, de l’enjeu
véritable !
Voilà pour la situation pour laquelle l’objet est pécuniairement quantifiable. Mais, tel n’est pas
toujours le cas !
2e cours
§3 L’urgence
Le troisième critère : l’urgence (P. 16 et 17 SYLLA). L’urgence est un critère de compétence matérielle
qu’on ne retrouve qu’en matière de compétence du juge de référé (au bénéfice de l’urgence). L’art. 9
C.Jud. annonce ce critère et on le retrouve à l’art. 584 C.Jud. (P. 129 et s. SYLLA la compétence et
la juridiction du pouvoir en référé).
L’urgence est une des deux clés pour pouvoir plaider en référé. C’est une juridiction d’exception ! (La
seconde clé est celle du provisoire). À stade, une question a – jadis – fait controverse : en absence
d’urgence, lorsque le demandeur se rend en référé sans pouvoir démontrer l’urgence, quelle est la
sanction ? Plusieurs thèses s’articulaient :
1- À défaut d’urgence, le juge de référé doit se déclarer incompétent. (Ce n’est pas étonnant : l’art.
9 C.Jud. annonce l’urgence comme critère attributif de compétence.)
2- L’urgence n’est qu’une condition de recevabilité de la demande et non pas une condition de
compétence. La demande n’est pas renvoyée à un autre juge, mais elle est tout simplement rejeté
( le demandeur est débouté de sa demande en référé).
3- L’absence d’urgence vaut au demandeur de s’entendre dire que sa demande est non fondée. La
différence avec la deuxième thèse est faible, car le demandeur est également débouté de sa
demande doit aller vers une autre juridiction.
Cette controverse a été tranchée par deux arrêts de la Cour de cass (tous les deux du 11/05/1990).
Ces deux arrêts traitent deux hypothèses différentes :
o 1er arrêt (= un cas d’école) : le demandeur en référé ‘parvient à réaliser l’exploit’ de saisir le
juge de référé, sans même dire un mot de l’urgence de la situation dont il se prévoit.
Qu’advient-il dans ce cas-là ? La Cour de cass. dit que la traduction du problème est la
compétence. Lorsque l’urgence n’est même pas invoquée, le juge de référé doit se déclarer
incompétent.
o 2e arrêt : le cas infiniment le plus fréquent = le juge constate que l’urgence est présente, mais
le demandeur échoue à rapporter la preuve de la situation d’urgence dont il se prévaut. Que
se passe-t-il alors ? L’action n’est pas fondée ; le demandeur est débouté de sa demande (
ce n’est pas un problème de compétence). Il faut introduire une autre demande, devant le
juge du fond.
o La controverse est donc parfaitement tranchée, via deux hypothèses clairement distinctes.
( !! ) Attention, en matière de référé familial (= en droit des personnes et de la famille ;
P. 143 et s. SYLLA) dans le C.Jud. il y a l’art. 1253ter/4, §1er C.Jud. Que nous dit cet
article ?
‘Cadeau au justiciable’ : si le justiciable, qui se pourvoie en référé familial, échoue à
démontrer l’urgence de la situation, sa demande n’est pas rejetée elle est renvoyée
à une audience ordinaire du Trib. de la famille.
o L’action est réorientée vers l’audience ad hoc pour le fond. On reste dans le ‘circuit du Trib. de
la famille’.
REMARQUE : une des premières choses à retenir = la règle du rétroviseur (= le juge regarde sa
compétence au moment rétroactif dans le temps ; au moment de sa saisine). Cette règle ne comporte
qu’une seule exception. La Cour de cass. considère que la qualité d’entreprise doit être acquise,
mesurée, non pas au jour où le Trib. de l’entreprise est saisi, mais au jour où fût accompli le fait/l’acte
juridique en litige. « Qui étiez-vous au moment de conclusion du contrat/au moment des faits… ? »
Attention, cette articulation ne figure pas comme telle dans le C.Jud. ! Il s’agit donc d’une construction
pédagogique, voulue par la Cour de cass. et la doctrine en matière de compétence matérielle.
De quoi s’agit-il ? Les compétences spéciales d’abord. Dans le Code Judiciaire, aux articles 569 à 601ter,
on trouve des listes absolument interminables d’énumérations de compétences revenant à chacune
des juridictions de premier ressort.
On ne doit pas les étudier par cœur (de plus, elles changent +/- tous les mois).
Il faut pouvoir les localiser (569 et s. : Tribunal de première instance ; 573 et s. : Tribunal
de l’entreprise, etc.).
Il faut retenir que, dans l’architecture de ses listes, on retrouve les compétences spéciales
le législateur a voulu les confier spécialement à telle ou telle juridiction (juge de paix
en matière de bail ; Trib. de travail = compétent en matière de contrats de travail…).
Le Sénat a retoqué cet aspect-là de la réforme aujourd’hui on voit coexister le Trib. de 1ère instance,
le juge de paix, le Trib. de l’entreprise, le Trib. de travail et la section civile du Trib. de police. Mais, il
reste tout de même un reliquat important de la préférence du législateur par rapport au Trib. de 1 ère
instance. On entend par là un traitement particulier, voire privilégié le concept de compétence
ordinaire traduit cette préférence. Le Trib. de 1 ère instance jouit d’une compétence ordinaire, décrite
à l’art. 568 C.Jud. On dit de ce Tribunal qu’il est la juridiction ordinaire, grâce à l’art. 568 C.Jud. les
autres tribunaux sont les juridictions d’exception (= l’antonyme/le contraire de la notion de juridiction
ordinaire). Ces juridictions d’exception ont de nombreuses compétences spéciales.
Quid des compétences exclusives ? Tous ces concepts sont doctrinaux ( !! ) Quand le prof parle de
« compétences exclusives », il s’agit d’une création doctrinale et de la Cour de cassation (depuis
environs 50 années). Mais, on voit apparaître l’adjectif ‘exclusif’ dans le Code Judiciaire il faut faire
attention aux faux amis. Lorsque le Code utilise cet adjectif, il désigne en réalité le concept de ‘spécial’ !
Quand le prof/la Cour de cass./la doctrine parle de compétence exclusive, on parle d’exclusif au
sens (très) fort du terme = plus que spécial.
Compétences exclusives, quid ? Ce sont des compétences qui – parmi les compétences spéciales des
juridictions d’exception – sont à ce point spéciales, à ce point propre au corps de la juridiction
d’exception, qu’il n’est pas question que le Trib. de 1ère instance vienne les usurper.
A Portée du principe
Le TPI (Trib. de 1ère instance) et sa compétence ordinaire (art. 568 C.Jud.). (C’est une disposition tout
à fait centrale !!). Art. 568 C.Jud. : « Le tribunal de première instance connaît de toutes demandes
hormis celles qui sont directement dévolues à la cour d'appel et la Cour de cassation. Si le défendeur
conteste la compétence du tribunal de première instance, le demandeur peut, avant la clôture des
débats, requérir le renvoi de la cause devant le tribunal d'arrondissement qui statuera comme il est dit
aux articles 641 et 642. Lorsque le défendeur décline la juridiction du tribunal de première instance en
vertu de l'attribution du litige à des arbitres, le tribunal se dessaisit s'il y a lieu. » Quelle est la portée
du principe de la compétence ordinaire, créée par cet article ?
a. Le TPI est la juridiction ordinaire des litiges qui ne font l’objet d’aucune attribution spéciale quelle
qu’elle soit. Métaphore : le TPI est comme une voiture balai lors d’une course (l’idée = la
b. Deuxième volet de la compétence ordinaire = le TPI est le Tribunal qui a la possibilité de connaître
des demandes relevant des compétences spéciales des autres (= des compétences spéciales des
juridictions d’exception). Autre allégorie : le TPI est un coucou. Le coucou est un oiseau qui niche
dans le nid des autres. Le TPI est, dans cette seconde acception de sa compétence ordinaire,
comme un coucou il peut ‘nicher dans le nid des autres tribunaux’ (Trib. d’entreprise, juge de
paix…). Il prend alors une de leurs compétences spéciales (p.ex. : en matière de bail, de contrat de
travail…).
B Limites du principe
Limites de cette compétence ordinaire ?
L’art. 568 C.Jud. dit qu’il n’y a pas que les recours qui sont exclus de la juridiction ordinaire il y a
aussi les demandes – qui de façon exceptionnelle – sont portées en premier et dernier ressort/degré
devant les cours d’appel/la Cour de cass. Dans des cas exceptionnels, les 5 cours d’appel et la Cour de
cass. sont compétents pour connaître, en premier degré, de demandes de genre très particulier. Il est
hors de question de dire que le Trib. de 1 ère instance, dans sa compétence ordinaire, pourrait ‘venir
manger de cette assiette-là’.
EXEMPLE : les cours d’appel d’abord. Art. 604 à 606 C.Jud. : demandes portées pour la première et
dernière fois en degré d’appel. La Cour de cass. connaît de demandes d’un genre très particulier (art.
613 C.Jud. : la demande en dessaisissement et en règlement de juge (voy. supra)) (= deuxième limite).
Ensuite, (le jeu du coucou ou) de la compétence ordinaire, ne vaut que pour les demandes relevant du
pouvoir judiciaire. C’est un terrain déjà connu art. 568, al. 3 : « Lorsque le défendeur décline la
juridiction du tribunal de première instance en vertu de l'attribution du litige à des arbitres, le tribunal
se dessaisit s'il y a lieu. » On ne peut parler de la compétence ordinaire qu’à l’intérieur de la bulle de
l’ordre judiciaire. C’est une grave erreur de dire que le TPI peut – au nom de sa compétence ordinaire
– connaître d’un litige qui relève de l’attribution d’un autre pouvoir (= troisième limite).
Finalement, il y a une limite qui était flottante, mais qui ne l’est (pratiquement) plus. Quelle était cette
question flottante quant aux limites. La question était la suivante : « à qui, au sein du TPI profite cette
compétence ordinaire de l’art. 568 C.Jud. ? » L’art. 76 C.Jud. (qui trace l’organisation/l’architecture à
l’intérieur du TPI) prévoit plusieurs sections/entités à l’intérieur du TPI : les chambres civiles (= il est
claire que cet article a été écrit pour ces chambres civiles), les chambres de la jeunesse, les chambres
de la famille ( ensemble, ces deux chambres forment le Trib. de la famille et de la jeunesse), le juge
des saisies (= magistrature personnelle et unique ; compétente pour connaître des difficultés
d’exécution, des saisies, des voies conservatoires), le juge des référés… ? (= quatrième limite).
Est-ce que ces entités bénéficient de la compétence ordinaire ? Dans un premier temps, la question
fût controversée. Le cas controversé : le Trib. de la jeunesse (entité au sein du TPI), jouit-il ou non de
cette prorogation (= de la technique d’extension de la compétence par voie de compétence ordinaire,
art. 568 C.Jud.) ? Il y avait controverse, parce que le Trib. de la jeunesse était compétent pour connaître
de tout ce qui touchait à la personne de l’enfant, à l’hébergement de l’enfant, à la garde de l’enfant
en matière d’aliment (avant ou après divorce) : tâche du juge de paix ? Alors, est-ce que le Trib. de
la jeunesse peut, par voie de compétence ordinaire, connaître d’un petit complément de compétence
(et venir manger dans la gamelle du juge de paix (= ‘le coucou’). Au départ la Cour de cass. avait dit
oui. Aujourd’hui, cette question est désuète, car depuis 2013, (art. 572bis C.Jud.) c’est le Trib. de la
famille qui connaît de (pratiquement) toutes les questions touchant à l’enfant (= compétence spéciale).
Quid du juge des saisies ? Il faut retenir ce message, dispensée par une majorité de la doctrine et de la
jurisprudence : le juge des saisies jouit, par voie de contamination/d’extension, de la compétence
ordinaire qui revient au départ aux chambres civiles du TPI. C’est une situation non souhaitable, mais
admise.
Quid du juge des référés ? Il fait l’objet d’une disposition tellement spécifique, notamment de l’art.
584 C.Jud. (P. 129 et s. SYLLA), qu’on ne parle plus de compétence ordinaire ( c’est un tout autre
discours, qu’on verra plus tard).
Par contre, ce qui reste d’application actuelle, ce sont les exceptions à ce jeu du coucou, à ce jeu de
l’usurpation des compétences spéciales, par le TPI (au nom de l’art. 568 C.Jud.), décrites ci-dessous.
Il en résulte que ce déclinatoire ne peut être soulevé que par le défendeur in limine litis (art. 854
C.Jud.). De plus, lorsque le défendeur soulève un déclinatoire – ici, déclinatoire d’ordre privé anti-
coucou – il doit être CONSTRUCTIF : il doit indiquer, dans son déclinatoire, qui est selon lui compétent
(in casu = le juge de paix) (art. 855 C.Jud.).
7. Que se passe-t-il lorsque le juge est saisi d’un déclinatoire d’ordre privé, soulevé in limine litis ?
Deux options :
1) Art. 639 C.Jud. : face à ce déclinatoire soulevé par le défendeur, le demandeur choisit une
solution expéditive/facile et dire : « Madame/Monsieur le juge du TPI, veuillez statuer
vous-même sur ce déclinatoire et dire si oui ou non, ce déclinatoire et fondé et dire si oui
ou non, il y a lieu de décliner votre compétence et de renvoyer à Madame/Monsieur le
juge de paix (dans cet exemple) ».
Les compétences exclusives sont des compétences identifiées par la Cour de cass./par la doctrine, qui
sont à ce point spéciales/attachées à leur titulaire, que le jeu du coucou n’est pas admissible, c’est-à-
dire des cas dans lesquels la compétence est tellement spéciale que le Trib. de 1 ère instance devra
D’OFFICE décliner sa compétence. Le déclinatoire redevient ici un déclinatoire d’ordre public. On
n’attend pas le déclinatoire d’ordre privé que pourrait (ou ne pourrait pas) soulever le défendeur in
limine litis. C’est le TPI lui-même, qui, constatant la violation d’une compétence exclusive, va devoir
soulever (si cela n’a pas encore été fait par le défendeur) ce déclinatoire d’ordre public. Comme il est
d’ordre public, il peut le faire à tout moment.
Quelles sont ces compétences ? Il faut retenir par cœur cette liste (évolutive !) :
Quid des Trib. du travail ? Eux aussi endossent une compétence exclusive. Dans quelle(s)
matière(s) ? Dans toutes les matières touchant la sécurité sociale. Schématiquement : le
droit du travail est une des deux branches du droit social. L’autre branche du droit social
= le droit de la sécurité sociale (= les bienfaits prodigués, depuis l’après-guerre aux
individus, à tous les moments et pour toutes les circonstances de la vie (de la naissance,
jusqu’au décès)). Tous les contentieux de la sécurité sociale, relèvent de la compétence
non pas seulement spéciale, mais bien exclusive des Trib. du travail (art. 581 et s. C.Jud.).
Pourquoi ? Auprès des juridictions du travail (= Trib. du travail + Cours du travail) figurent
des magistrats du Ministère public : l’auditorat du travail. Il reçoit dans le C.Jud. (art.
138bis et ter C.Jud.) une compétence particulière = le rôle de courroi/de transmission
entre les organismes de sécurité sociale et les Trib. du travail. Les auditeurs du travail ont
le pouvoir de réquisitionner tel ou tel organisme de sécurité sociale et de requérir de ces
organismes tel ou tel document (de façon forcée). Qui d’autre peut faire cela ? Personne !
Voilà pourquoi les litiges en matière sociale sont de la compétence exclusive des Trib. du
travail.
Pour les juges de paix il y a une compétence exclusive en matière d’apposition de scellés
et en matière d’inventaires.
Pourquoi y a-t-il une compétence exclusive ? Raison très prosaïque : il y a là un enjeu de
grande proximité, c’est-à-dire que le juge de paix (et son greffier) sont les plus proches des
endroits litigieux concernés.
Quant au Trib. de police (art. 601bis C.Jud.) : il dispose d’une compétence spéciale pour
connaître des actions nées des accidents de la circulation. Très tôt après la promulgation
de ce texte (en 1995), la Cour de cass. s’est demandée si elle était en présence d’une
compétence exclusive. Réponse ? Oui : par un arrêt de février 1997, la Cour de cass.
tranche une fois pour toute la question (« c’est une compétence exclusive et non pas
seulement une compétence spéciale au profit du Trib. de police exit le coucou »).
Raison ? Il s’agit d’honorer la volonté du législateur de soulager les autres juridictions : seul
le Trib. de police est compétent.
Les compétences que les présidents des tribunaux exercent comme en référé (P. 144 et s.
SYLLA). Ce sont les procédures en cessation : on fait cesser telle ou telle pratique jugée
illégale (en matière de concurrence, de vie privée…). C’est une compétence tellement
particulière, que le jeu du coucou n’entre pas en jeu.
En bref : ce sont des compétences exclusives si par malheur le TPI serait saisi d’une demande
relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction, il ne peut pas attendre le déclinatoire du
défendeur. Il s’agit d’un déclinatoire d’ordre public, que le défendeur peut soulever lui-même, mais
que le TPI doit soulever d’office, si le défendeur ne le fait pas !
P. 23-24 SYLLA : concernant un petit doute qu’un jour, certains ont eu, à la lecture d’un arrêt de la
Cour de cass du 23 décembre 1988. Il s’agissait d’une demande particulière (= une demande à tiroir) :
à titre principal, un demandeur sollicitait la condamnation de son défendeur à lui payer une facture
impayée. À titre subsidiaire (= en cas de non-paiement de la facture), il sollicitait la mise en faillite de
son défendeur. La Cour de cass. dit que le TPI demeure compétent au regard de sa compétence
ordinaire.
Ça voudrait, selon certains, dire que la compétence exclusive n’a plus lieu d’être (?). Pas du tout le
demandeur demande – à titre principal – le paiement d’une facture. À titre subsidiaire, il demande la
faillite. La Cour de cass. dit qu’un juge doit déterminer sa compétence eu regard à l’objet ! Que faire
lorsque l’objet est à tiroir (demande principale, suivi d’une demande subsidiaire) la Cour de cass.
raisonne avec bon sens : on regarde l’objet principal. Pour l’objet principal ( compétence ordinaire),
le TPI était compétent (peu importe la demande subsidiaire).
Depuis un arrêt du 11 janvier 2018 Cour de cass., les choses sont redevenues absolument
claires : une compétence exclusive tient en échec la compétence du TPI !
L’art. 806 C.Jud. : « Dans le jugement par défaut, le juge fait droit aux demandes ou moyens de défense
de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou moyens sont contraires
à l'ordre public, y compris les règles de droit que le juge peut, en vertu de la loi, appliquer d'office. » En
résumé : le législateur dit « Madame/Monsieur le juge, lorsque tu statues par défaut, tu ne peux rien
soulever d’autre que des moyens de défense qui sont d’ordre public. Tu ne peut rien relever sauf les
moyens et les défenses d’ordre public, que tu dois même relever d’office ».
Comment cet article est-il mangé à la sauce de la compétence ordinaire. C’est logique :
- Art. 568 C.Jud. ; je me trouve devant le TPI et le défendeur fait défaut. Moi, demandeur, je
saisie le TPI d’une demande qui, normalement, relève de la compétence spéciale d’une
juridiction d’exception (le bail, par exemple). Que doit/peut faire le TPI ?
Art. 568 + art. 806 C.Jud. le déclinatoire n’est pas d’ordre public ; il s’agit d’une compétence
simplement spéciale ; le juge ne peut rien faire ! Il ne peut soulever ce déclinatoire d’office,
car il est d’ordre privé.
Au passage à travers cet exemple – non choisi par hasard – le prof tord le cou à une histoire urbaine =
le bail n’est PAS une compétence exclusive du juge de paix !! Rien n’est plus inexact : c’est une
compétence simplement spéciale.
Nous sommes dans le giron de l’ordre judiciaire ; nous sommes dans les attributions que reçoit
l’ordre judiciaire (par rapport aux autres pouvoirs constitués, par rapport aux arbitres, par rapport
aux pouvoirs judiciaires étrangers/supranationaux). À l’intérieur de la bulle judiciaire, chaque
juridiction est dotée d’un ADN double :
Extranéité = les litiges dans lesquels un élément (matériel/personnel) est localisé l’étranger.
Qui, du juge belge/étranger, est compétent à juridiction pour connaître de ce litige. Dans la famille
des déclinatoires de juridictions, on a vu celui de juridiction internationale plus haut (= se présente
lorsque le litige est porté devant le juge belge, qui est amené à constater (d’office/à la demande du
défendeur) qu’il est sans juridiction pour connaître du litige il devrait être porté devant un autre
juge, étranger).
- Un autre étranger,
- Un ressortissant belge.
Le problème est que les art. 851 et s. autorisent au défendeur, placé dans cette circonstance, à
solliciter du juge qu’il suspende la procédure (sursoir à statuer), jusqu’à ce que le demandeur ait fourni
une caution (pécuniaire), destinée à couvrir les frais de justice auxquels ce défendeur serait condamné
en cas de défaite de son action.
1- Cette caution est la première chose que les états parties à une convention internationale/à un
traité bi-/multilatéral, s’empressent d’abroger. Par exemple : la première chose qu’a fait le
Règlement Bruxelles I (et même avant, dans la Convention Bruxelles) = supprimer ce
mécanisme défensif et discriminatoire. C’est la première chose qu’on fait (dans la plupart des
cas on ne le trouve plus beaucoup).
2- Il arrive même que nos Cours d’appel (quoi qu’on soit dans l’application des artt. 851 et s.
C.Jud.) renoncent/rejettent l’application de cette caution, car ces Cours d’appel considèrent
que ce mécanisme est attentatoire au droit fondamental d’accès à la justice, garanti par l’art.
6 Conv. sauvegarde des libertés fondamentales.
Le crépuscule de cette caution est arrivé avec un arrêt de la Cour const., 11 octobre 2018 (sur question
préjudicielle). Cet arrêt constate une différence de traitement très nette selon que le demandeur est
belge/non et aboutit au constat qu’une discrimination.
Autorité +/- hybride d’un arrêt de la Cour const. les heures de cette caution sont
comptées. Elle existe encore, mais elle a été décrétée inconstitutionnelle par la Cour const.
(question d’examen de l’année passée !!).
B Les textes applicables en toute situation d’extranéité non régie par traité
En réalité, il s’agit du Code de droit international privé (2004). Il trouve à s’appliquer lorsque le juge
belge constate que la situation d’extranéité n’est régie par aucun instrument international/aucun
instrument européen…
Art. 5 et s. Code DIP = règles de compétence. Il faut surtout retenir l’existence de ce code, mais le prof
ne nous posera pas de questions plus spécifiques à ce sujet.
On distingue :
Le siège de la matière des règles de compétence territoriale = artt. 622 à 633decies C.Jud. Ces règles
se présentent comme des listes interminables, à ne pas étudier par cœur. À côté de ces articles, il faut
signaler l’art. 186 C.Jud. lorsqu’il y a eu la réforme, cet article a pris le relai de cette réforme. À
l’intérieur d’un arrondissement judiciaire, il faut opérer un sous-découpage territorial. Comment ? La
réponse se trouve à l’art. 186 : cet article s’adresse au Roi et dit que « pour faire le règlement de
répartition, vous pouvez vous y prendre par arrêté royal : soit, vous faites un copier-coller des règles
du C.Jud. (artt. 622-633decies) et vous l’appliquez en petit, au sein des différentes divisions de
l’arrondissement ; soit, vous décidez de spécialiser telle ou telle division au sein de l’arrondissement,
pour lui confier exclusivement la compétence territoriale au sein de cet arrondissement-là (l’idée =
spécialiser/rationnaliser la compétence du juge).
Le Gouvernement fédéral peut parfaitement combiner les deux tactiques (examen !!). La tendance
actuelle est plutôt le copier-coller à l’intérieur de l’arrondissement. Ceci étant dit, on voit de plus en
plus poindre des actes un peu plus audacieux, qui spécialisent telle ou telle division, à l’intérieur de tel
ou tel arrondissement. Attention, ces innovations sont d’audace limitée : le Roi ne peut pas spécialiser
telle ou telle division dans des contentieux de grande proximité/nécessité (par exemple (art. 186
C.Jud.) : il est exclu dans le Hainaut que le Roi dise que le Trib. de la famille de Mons est seul compétent
pour connaître des divorces dans le Hainaut.
Tout comme la compétence matérielle, la compétence territoriale peut s’articuler autour d’un
triptyque : 1. Compétences supplétives, 2. Compétences impératives, 3. Compétences d’ordre public.
- Les compétences supplétives = la règle/le système de base, préférentiel (artt. 622 à 624
C.Jud.). la caractéristique de ce système est que cette règle est d’ordre privé.
- À titre tout à fait exceptionnel, il y a matière à compétence territoriale d’ordre public (artt.
631 à 633decies C.Jud.).
2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel
elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;
4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni, le cas
échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger. »
Analysons :
- Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge compétent pour connaître de la
demande art. 627 et s. C.Jud. = hormis les cas de compétence territoriale impérative + art.
631 et s. C.Jud. = cas de compétence territoriale d’ordre public.
- celle-ci peut, aux choix du demandeur, être portée sauf dans les cas de compétence spéciale
et d’ordre public, la demande est portée au choix du demandeur devant une palette de juges
qui sont alternatifs les uns aux autres. En quoi consiste ce choix ? Voy. le prochain tiret.
- 1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs ;
2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans
lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;
3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte ;
4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni,
le cas échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger.
EXEMPLE D’UNE SITUATION : je suis consultée par un justiciable (X), dans un litige contre une personne
B je dis « ça relève de la compétence matérielle de ce juge-là ». On regarde d’abord dans quelle
matière on est : compétence spéciale (art. 627 et s. C.Jud.) ? Non. Compétence d’ordre public (art. 631
et s. C.Jud.) ? Non. Que fais-je ? Je me tourne vers 624 et je me trouve face à un choix, entre 4 juges.
1- Le choix du lieu du domicile (= le for du domicile) on peut toujours citer le défendeur devant
le juge matériellement compétent du lieu de son domicile. C’est une règle élémentaire.
Qu’entend-on par domicile en droit judiciaire ? (En droit, c’est une notion polysémique : il y a
le domicile civile, fiscal, judiciaire). En droit judiciaire, il faut aller voir l’art. 32, point 3 C.Jud.
Qu’arrive-t-il dans la situation où je suis demandeur et je me trouve face à plusieurs
défendeurs (= litige multipartite). L’art. 624 ne fait pas mystère je peux porter mon litige
2- Dans certains cas, je peux également citer devant le juge du lieu où l’obligation en litige est
née/devant le juge du lieu où l’obligation du litige doit être exécutée.
REMARQUE : par rapport au domicile, s’agissant d’une personne morale : le domicile = le lieu
du siège social !
REMARQUE : concernant la théorie du contrat à distance on voit l’importance de la
détermination du moment auquel le contrat se noue : ce moment dit quel est le lieu où le
contrat s’est noué.
EXEMPLES : lorsqu’on est face à une dette pécuniaire, où peut-on citer ? Devant le juge du lieu
du domicile du défendeur (art. 624, °1)/devant le juge du lieu où le contrat a été noué
(°2)/devant le juge du lieu où le contrat doit être exécuté (art. 1136 C.Civ. : les dettes
pécuniaires ne sont pas portables retour au domicile du débiteur) ;
en matière quasi-délictuelle lieu du domicile du défendeur en responsabilité/lieu du siège
sociale de l’assurance qui assure la responsabilité du défendeur/lieu où la faute a été commise
(« forum in loco commissi delicti »)/devant le juge du lieu où l’obligation doit être réparée (=
lieu où le dommage est subi)…
3- Art. 624, °3 : devant le juge du lieu du domicile élu par le défendeur. Qu’est-ce un domicile élu
(art. 39 C.Jud. = définition) (P. 227 et s. SYLLA). L’élection de domicile est un mécanisme
conventionnel/unilatéral quelqu’un fait élection d’un domicile entre les mains d’un tiers,
des fins de procédure. L’idée = un justiciable décide de faire une élection (= une fiction) de
domicile judiciaire, ailleurs que son vrai domicile. Dans la partie procédure de ce cours, on
verra les conséquences que cet acte a, en termes de procédure : il faut faire notifier et signifier
les actes non pas au vrai domicile, mais à l’endroit du domicile du mandataire élu (avocat,
huissier…).
Il y a également des conséquences en matière de compétence : en plus de tous les choix
mentionnés ci-dessus, je peux – si le cas se présente – convoquer devant le juge du domicile
élu par mon adversaire.
Dans ces cas, il n’y a pas de règles d’ordre public ! Le choix est souverain, discrétionnaire.
En plus de ces quatre options, le C.Jud. admet, comme la règle est supplétive, que les parties puissent
conventionnellement déroger à ce catalogue ! Les parties peuvent – par convention
antérieure/conclue au moment du litige – choisir un 5e, 6e lieu. Ces clauses dérogatoires sont
parfaitement licites.
Ces clauses dérogatoires figurent de façon récurrente/générale dans des conditions générales. Par
contre, il faut faire attention à la problématique de l’opposabilité des conditions générales attention
à leur opposabilité, leur lisibilité ; sont-elles entrées dans le champ contractuel ?
De plus, il faut faire attention aux listes noires (voy. cours d’obligation) : Code de droit économique
art. XI.83, 23° + art. XIV.50, 23° : dans les litiges de consommation, ces clauses dérogatoires sont
nulles.
Quid si une compétence territoriale supplétive est violée ? La situation est la suivante : on est devant
le juge matériellement compétent ; le litige est porté devant un juge territorialement incompétent (il
n’est compétent au regard d’aucun des 4 choix de l’art. 624/d’aucune clause du contrat (ou le contrat
comporte une clause illégale) le régime est celui de la violation d’une règle d’ordre privé qui est
violée. ( !! ) Donc, seul le défendeur peut soulever le déclinatoire (art. 854 C.Jud.), dans ses premières
conclusions, à condition (art. 855 C.Jud.) qu’il se montre constructif ! Une fois que ce déclinatoire est
soulevé – s’il l’est – l’art. 639 C.Jud. s’applique.
- Première hypothèse : le demandeur dit que le juge initial statue sur le déclinatoire soulevé par
l’adversaire.
Finalement, quid en cas de défaut ? Art. 806 C.Jud. : le juge confronté au défaut du défendeur, ne
peut soulever que des moyens + défenses d’ordre public. Toutefois ici, le déclinatoire est d’ordre
PRIVÉ lorsqu’est violé l’art. 624 C.Jud./une convention dérogatoire à cet article !
1. L’art. 627 C.Jud. (qui est extrêmement long) a un fil conducteur = ce sont les règles de
compétence territoriale impératives, qui, souvent, découlent de la survenance d’un
évènement.
2. L’art 628 C.Jud., quant à lui, s’agit plutôt du lieu de localisation d’un sujet de droit.
3. Et enfin, l’art. 629 C.Jud. concerne plutôt le lieu du bien concerné. P.ex. : 629 primo en
matière de droits réels immobilier et de demandes en matière de bail, c’est le lieu de
compétence impérative de là où se trouve l’immeuble litigieux, soumis à droit réel/à bail.
Compétence spéciale matérielle du juge de paix (art. 591) + compétence impérative
territoriale du juge de paix (art. 629, °1).
Un petit mot sur l’art. 629bis C.Jud. c’est une disposition assez récente, issue de la Loi de 2013, qui
a créé le Trib. de la famille. En matière de droit des personnes et de la famille, cet article crée une
cascade de compétences territoriales impératives. Il faut faire attention au premier cas d’attribution
de règles de compétence territoriale dans cet article. §1 : une règle plutôt spécifique, sur la
compétence territoriale du ‘Tribunal de la famille historique’ (notion du prof). Si un dossier familial a
déjà été introduit pour telle ou telle raison, pour telle famille/tel duo enfants-parents, ce Tribunal de
la famille historiquement premier, sera ( !! ) toujours ( !! ) compétent.
A. La règle du Trib. de la famille historique est donc une règle d’ordre public MAL LOGÉE !! Elle est
logée dans les compétences territoriales impératives, mais pourtant, l’art. 629bis, §8 dit qu’on la
considère comme une compétence territoriale d’ordre PUBLIC.
Quel est le régime juridique des règles de compétence territoriale impératives. Puis-je faire une
convention contraire à ces règles de compétence territoriale impératives ? Art. 630 C.Jud. : oui, mais
à condition que cette convention soit postérieure à la survenance du litige. A contrario est nulle une
clause de for, dérogatoire, antérieure au litige.
B. Une convention contractuelle qui comporterait une clause disant que « en cas de litige relatif à la
validité, l’exécution… du présent contrat, les parties doivent aller devant un autre juge que le juge
des art. 627-629 C.Jud. …», est nulle. Une fois le litige né et que les parties sont en pleine
connaissance de leur droit, elles peuvent y renoncer librement. Examen !! : question qui amène à
montrer qu’on a compris cela. P.ex. : peut-on conclure une convention de juridiction dérogatoire
dans un bail ? La réponse est doublement non
1- On ne peut déroger à la compétence matérielle, car elle est d’ordre public.
2- On ne peut déroger à la compétence territoriale de l’art. 629/1, car cette clause est
antérieure au litige.
Pas valable. Mais, une fois le litige né, on a pleine possession de ces droits.
( !! ) Attention : une exception à ce régime il est interdit – même après survenance du litige – de
conclure une convention dérogatoire à la compétence territoriale du Trib. de la famille HISTORIQUE !!
Qu’arrive-t-il si je vais devant un juge qui n’est pas celui auquel la loi réserve impérativement la
compétence ? De quel nature est le déclinatoire ? Il RESTE d’ordre privé ! En d’autres termes, si le juge
constate que le défendeur ne dit rien, le juge est compétent. Il ne peut pas soulever le déclinatoire à
sa place seul le défendeur peut – in limine litis – soulever ce déclinatoire d’ordre privé, en indiquant
(art. 855) qui selon lui (dans les art. 627 et s.) est bien compétent.
C. Dernière question : quid en cas de défaut ? Art. 630 C.Jud. : en cas de défaut, le défendeur est
présumé décliner la compétence territoriale incorrecte du juge si on est juge, que le défendeur
fait défaut, qu’on constate qu’on est devant nous par erreur, il y a déclinatoire de compétence
présume (= c’est comme si le défendeur prenait la parole et disait « vous êtes incompétentes ») :
on fait comme si le défendeur avait parlé !
On applique l’art. 639 C.Jud. : le demandeur, constatant ce déclinatoire présumé, dit au
juge « faites le vous-mêmes » OU « renvoyez l’affaire devant le Trib. d’arrondissement ».
Quid ? Où trouve-t-on la première compétence territoriale d’ordre public ? À l’art. XX.12 Code droit
éco. : « Dans les procédures d’insolvabilité est seul compétent le Trib. de l’entreprise dans le ressort
duquel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur au jour de la saisine du Trib. »
Autre règle : art. 632 C.Jud. (en matière fiscale) : « les contestations relatives aux lois d’impôts sont de
la compétence du juge qui siège au siège de la Cour d’appel dans le ressort duquel est situé le bureau
de perception où est faite la cotisation. » En d’autres termes, est exclusivement compétent – en termes
territoriaux – le Trib. de 1ère instance de l’endroit où se trouve le bureau de perception. (On n’analyse
pas tous les articles, il faut juste pouvoir les localiser et les comprendre.)
Les conséquences :
1) Aucune convention contraire – quel que soit le moment – n’est licite. C’est d’ordre public, donc
pas possible.
2) Le défaut n’a aucune particularité. Vu que c’est d’ordre public, le juge doit soulever le
déclinatoire.
4) Quid du déclinatoire :
a. Si le défendeur soulève : le demandeur a le choix : transfert au Trib.
d’arrondissement/le juge statue lui-même.
b. Si le juge soulève d’office (parce qu’il le doit) application de l’art. 640 : le
déclinatoire est renvoyé ipso facto devant le Trib. d’arrondissement.
3e cours
Dans cette section, on verra des correctifs et adaptations aux règles qu’on a vu les deux premiers cours.
Il y a trois risques majeurs, qui sont de nature à perturber le cours de la justice. Si nous respections à
la lettre les règles de compétence (territoriale et matérielle) qu’on a vues, nous aurions d’abord un
problème au niveau de l’économie de procédure, au niveau de la bonne administration de la justice.
Si – pour un litige qui a des ramifications complexes, des sous-dossiers (par exemple un chantier
relation avec un architecte + relation avec un entrepreneur) – il faut faire des procès séparés avec
l’architecte et l’entrepreneur, il y aurait beaucoup de désordre, des pertes de temps, des contrariétés
de décisions. Parfois, il y a des risques de contrariété de décision à éviter. Si nous respections à la lettre
les règles, au final, on pourrait avoir des décisions judiciaires non compatibles ! De plus, il y a des règles
d’ordre public qui amènent à détricoter les règles classiques que nous avons vues.
8. Il faut donc un peu de souplesse. Plusieurs techniques dérogent aux règles de compétences
matérielles et territoriales. On les analyse ci-dessous.
Art. 14 C.Jud. : c’est une demande incidente, après la demande originaire. Elle émane du défendeur.
Sa nature = une demande par laquelle le défendeur contre-attaque (donc non pas seulement se
défend) pour solliciter à son tour la condamnation reconventionnelle de son demandeur. Si chacun
perd, il pourrait y avoir une compensation judiciaire.
Ce serait contraire au bon sens s’il y avait deux procès distincts, devant deux juges séparés, pour mener
la demande principale d’un côté, et la demande reconventionnelle de l’autre, alors qu’il s’agit des
mêmes protagonistes. Si cette technique de demande reconventionnelle n’existait pas, il se pourrait
qu’il y ait deux procès distincts. C’est pour ça qu’on a décidé de regrouper tout ça.
L’art. 563 C.Jud. (très important) il s’exprime en tiroirs. Il y a deux sous-hypothèses dans cet article.
L’article s’exprime de façon absolue ! On ne peut plus large. L’idée = lorsque le TPI est saisi d’une
demande principale (parce qu’il est doublement compétent : matériellement d’une part (compétence
ordinaire/spéciale), territorialement d’autre part), sa compétence est blindée. L’alinéa 1 dit que, si le
défendeur s’avise d’introduire à son tour une demande reconventionnelle, quelle qu’en soit la nature,
quel qu’en soit le montant, le TPI reste compétent. Il faut faire attention à l’augmentation d’intensité
que nous avons par rapport à l’art. 568 C.Jud.
- D’un côté, il y a la demande principale art. 568 C.Jud. : compétence ordinaire. Comme limite
principale à cette compétence, nous avons vu la possibilité pour le défendeur de soulever un
déclinatoire de compétence d’ordre privé. La compétence ordinaire est alors tenue en échec.
- D’un autre, il y a l’art. 563 C.Jud. je suis devant le même TPI, mais ici, je lui demande de se
déclarer compétent pour une demande reconventionnelle. La loi va donc encore plus loin : il
n’y a pas de déclinatoire possible. Non seulement le TPI vient ‘nicher dans le nid des autres’,
mais aussi il n’est pas possible de tenir en échec sa prorogation de compétence, par le jeu d’un
déclinatoire.
B La demande reconventionnelle devant les juridictions d’exception : art. 563. 2e et 3e alinéa C.Jud.
La même question se pose : je suis compétent matériellement et territorialement. Je suis saisi d’une
demande reconventionnelle. Suis-je, juge d’exception, compétent sur prorogation. La réponse est plus
nuancée.
L’art. 563, al. 2 : « Le tribunal du travail, le tribunal de l'entreprise et le juge de paix connaissent des
demandes reconventionnelles qui, quel que soit leur montant, entrent dans leur compétence
d'attribution ou dérivent soit du contrat, soit du fait qui sert de fondement à la demande originaire. »
Deux hypothèses restrictives sont admises, pour qu’il y ait prorogation au profit de la juridiction
d’exception :
1) Une demande reconventionnelle, qui, par son objet, reste de la compétence du juge
d’exception, mais qui, par son montant, ne le serait pas. À vrai dire, cette hypothèse n’existe
plus : elle est frappée de désuétude. Cette hypothèse était antérieure à 2014 le juge de paix
et le Trib. de l’entreprise se partageaient le contentieux des créances commerciales (1. Juge
de paix : petites créances, de moins de 2500 EUR, 2. Trib. de commerce : créances au-delà des
2500 EUR). L’idée était que, le juge de paix saisi d’une petite demande de facture, pouvait
connaître d’une demande reconventionnelle sur une plus grosse facture, de la part du
défendeur.
Aujourd’hui, avec le nouvel art. 573 C.Jud., le Trib. de l’entreprise connaît de TOUTES les
créances commerciales.
2) En revanche, la seconde hypothèse, c’est ‘du solide’ on est devant une juridiction
d’exception, qui est compétente (ratione materiae et loci). Se pointe une demande
reconventionnelle, basée sur le même contrat/fait.
EXEMPLE : nous sommes devant le Trib. du travail car le travailleur a assigné l’employeur pour
lui payer des arriérés de rémunération + un complément d’indemnité compensatoire de
préavis (art. 578 C.Jud. : compétence spéciale Trib. du travail). Il se fait que ce travailleur était
aussi uni par un contrat accessoire de bail avec son employeur. La demande reconventionnelle
– si elle devait être portée séparément – se ferait devant le juge de paix. C’est du gâchis la
prorogation fonctionne au profit du Trib. du travail.
3) À côté de ce cas 2), le prof mentionne (pour l’exhaustivité), un ultime cas, mentionné à l’alinéa
3. « Les demandes reconventionnelles fondées sur le caractère vexatoire ou téméraire d'une
demande sont portées devant le juge qui a été saisi de cette demande. » (Lien entre le cas 3)
et la partie procédure, SYLLA P. 174). L’idée = une demande en justice peut, comme n’importe
quel droit subjectif, être soumise à la théorie de l’abus de droit. Un justiciable déloyal peut
abuser de son droit d’agir en justice. Son action en justice est alors déboutée, mais aussi
téméraire et vexatoire (= elle est fautive, abusive). Aujourd’hui, il faut retenir que cet abus de
droit est sanctionné. Comment ? Le défendeur qui soutient que la demande principale est
abusée, gagnera d’une part, car la demande est abusive et donc déboutée, mais d’autre part,
il pourra dire ce que cette demande lui a coûté (art. 1382 C.Civ.) le demandeur doit
l’indemniser en justice. Comment ça se passe ? Le défendeur introduit une demande
reconventionnelle, contre le demandeur, en demandant au juge de constater le caractère
abusif + condamner le demandeur à payer le dommage réclamé. Ce serait idiot de faire un
Les demandes en intervention sont, tout comme la demande reconventionnelle, des demandes
incidentes : elles arrivent incidemment elles se greffent sur une demande principale. Que font-
elles ? Elles ont pour objectif de faire arriver au procès un tiers (qui n’était pas encore partie à la cause
jusque-là). Ce tiers devient véritablement partie en cours de route (de manière forcée/volontaire). (Les
définitions des demandes en intervention se trouvent aux artt. 15 et 16 C.Jud.)
Imaginons qu’il faille traiter les demandes en intervention distinctement, dans le respect pur et stricte
des règles de compétences on ne serait pas souvent devant le même juge. Il y aurait alors un procès
principal et un procès de côté, avec le tiers. Ce serait ‘catastrophique’.
Il fallait donc un texte pour remédier à ce problème. Désormais, le juge principal connaît
aussi des demandes en intervention.
Si bien qu’on a un beau texte à ce sujet dans le C.Jud. : l’art. 564 (c’est une règle de bon sens, a priori
sans exceptions). « Le tribunal saisi d'une demande est compétent pour connaître de la demande en
intervention. » Décortiquons il y a ici, de la part du législateur, une présomption : « l’intervention
du tiers est forcément liée à la demande principale ».
Attention ( !! ) : il se peut qu’on rencontre des cas (super rares) dans lesquels cette demande n’a
strictement rien à voir avec la demande principale. Deuxièmement, pas question que la demande en
intervention déroge aux compétences exclusives au sens fort ! (Finalement, en ce qui concerne la
compétence prorogée de 564 C.Jud. : si on conclut une convention d’arbitrage, ce n’est pas possible
de faire appeler l’adversaire devant une juridiction de l’ordre judiciaire. Le prof n’en dit pas plus à ce
sujet.)
Si on est dans une demande en intervention qui est liée à la demande principale (1), si on évite le cas
de la clause d’arbitrage (2), si on évite le cas d’une compétence exclusive (3), l’art. 564 C.Jud. joue de
manière pleine et entière.
En bref : la prorogation vise à éviter l’accumulation de procès + la contrariété de décisions !
§1 Règlement de litispendance
(P. 48 et s. SYLLA)
A Notion de litispendance
Qu’est-ce la litispendance ? Dans l’art. 29 C.Jud., on trouve une définition. « Il y a litispendance toutes
les fois que des demandes sont formées sur le même objet et pour la même cause, entre les mêmes
parties agissant en même qualité, devant plusieurs tribunaux différents compétents pour en connaître
et appelés à statuer au premier degré de juridiction. »
L’hypothèse qu’on traite ici, est ultra rare. La litispendance du droit belge est très restrictive : il doit
s’agir de deux affaires ABSOLUMENT identiques (même objet + même cause (= même fondement) +
même parties (( !! ) la notion de parties englobe également la notion de successeur (= les ayants droit,
par héritage/via la subrogation)), en même qualité).
il doit s’agir de deux tribunaux différents. S’il s’agit de deux divisions du même tribunal, ce n’est pas
un cas de litispendance par exemple.
Dernièrement, il faut qu’il y ait le même degré de juridiction. Il n’y a pas de litispendance entre un juge
du 1er degré et le juge d’appel par exemple.
Condition rajoutée au texte par la Cour de cass. : il n’y a pas de litispendance entre une juridiction qui
statue du fond et une juridiction qui statue en référé.
Quel exemple peut-on alors imaginer ? Je suis un bailleur. Je loue des kots à des étudiants. Je suis en
litige avec un étudiant qui ne paie pas son loyer j’assigne le juge de paix du lieu où se trouve le kot
et je réclame quelques mois d’arriéré de loyer. Entre temps, je décède. Je n’ai jamais parlé à mes
héritiers à ce propose. Ceux-ci retrouvent mes dossiers, peu à jour, mais ils trouvent mes extraits de
compte. Ils ignorent l’existence de ma demande en justice à Etterbeek ils se disent : on fait un
procès contre l’étudiant, devant le TPI de Bruxelles, car le TPI a une compétence ordinaire, pour
connaître les compétences spéciales.
Mêmes parties, même objet, deux juridictions différentes, toutes les deux compétentes
en 1er degré.
La litispendance est rarissime en droit belge, mais en droit européen, elle est plus fréquente. Cela pour
deux raisons :
2) Le mot « exclusif » dans le C.Jud. ≠ « l’exclusif » que nous avons appris, figurant dans la
jurisprudence de la Cour de cass. quand le C.Jud dit « exclusif », il veut dire SPÉCIAL. La loi ne
connaît pas la notion de compétence exclusive au sens fort.
Art. 565 C.Jud. : « En cas de litispendance les demandes en justice sont jointes, soit d'office, soit à la
demande de l'une des parties. Le renvoi a lieu suivant l'ordre de préférence ci-après2:
2° le juge de paix [visé aux articles 628, 3°, et 629quater] est toujours préféré ;
3° le tribunal qui a rendu sur l'affaire un jugement autre qu'une disposition d'ordre intérieur est toujours
préféré ;
8° le tribunal le premier saisi est préféré à celui qui a été saisi ultérieurement.
Toutefois lorsque l'une des demandes relève de la compétence exclusive d'un tribunal, seul ce
tribunal est compétent pour connaître de l'ensemble des demandes.
Les dispositions des articles 661 et 662 sont applicables en cas de renvoi du chef de
litispendance. »
2
Si on n’est pas dans le cas 1°, on va au cas 2° et ainsi de suite (car ordre de préférence).
- Art. 856 ~ art. 854. Lorsque la compétence n’est pas d’ordre public (= d’ordre privé dans ‘notre
langage’), un déclinatoire est soulevé in limine litis s’il est d’ordre public, il peut être soulevé
à tout instant. La litispendance est ici assimilée à un déclinatoire d’ordre privé. En d’autres
termes, il faut soulever l’exception de litispendance dans les premières conclusions, devant le
juge qui – en premier – reçoit tes conclusions
- Art. 856 ~ art. 855. Que dit 855 ? C’est comme pour le déclinatoire : il faut se montrer
constructif ! Si je soulève une exception de litispendance, je dois indiquer qui – selon moi – est
compétent pour empocher la mise, pour bénéficier de la jonction ( lire l’ordre de
préférence)
REMARQUE : on est face à un cas hybride. L’exception de litispendance est comme un déclinatoire
d’ordre privé. On s’attend à ce qu’il n’y ait qu’UNE seule partie qui puisse soulever l’exception. Dans
un texte un peu hybride (art. 565 al. 1), on voit que l’exception de litispendance peut être soulevée
d’office par le juge ! Pourquoi est-ce hybride : on a à voir avec une règle d’ordre privé, mais le juge
peut soulever d’office. L’idée = il s’agit de préserver un intérêt d’ordre privé, mais aussi de préserver
l’autorité de la chose jugée (éviter l’insécurité juridique). Le juge peut soulever l’exception de
litispendance, s’il constate qu’il y a une trace de la même demande, devant un autre juge. Que fait-on
donc : le juge/une des parties soulève d’un côté ou de l’autre l’exception de litispendance ne peut
être tranchée que par le juge lui-même (le juge X ou Y, car il y a deux juges en cause). Le premier saisi
de l’exception tranche. Ce juge dit : « aux vues de l’ordre de préférence, c’est moi qui suis compétent :
je suis préféré à l’autre ». ce juge ordonne la jonction des deux demandes devant lui. Un second
scénario possible : je ne suis pas le juge de préférence, donc j’ordonne la jonction devant l’autre juge
en cause et je me ‘débarrasse’ de ce second dossier.
( !! ) Un grand absent à ce stade : le Trib. d’arrondissement n’intervient PAS pour trancher le bien- ou
mal fondé de l’exception de litispendance. Art. 644 C.Jud. : le Trib. d’arrondissement ne peut intervenir
que dans un second temps.
§2 Règlement de la connexité
La connexité est beaucoup plus fréquente que la litispendance. Deux bases légales à avoir en vue :
l’article 30 C.Jud. pour la définition et l’art. 566 C.Jud. pour l’ordre de préférence.
A Notion de connexité
Art. 30 : « Des demandes en justice peuvent être traitées comme connexes lorsqu'elles sont liées entre
elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des
solutions qui seraient susceptibles d'être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. » La
figure est du même genre, mais avec une intensité amoindrie. Il faut des demandes entre lesquels il y
a un lien étroit : les demandes sont connexes il y a un intérêt à les traiter ensemble.
Exemple (matériel) = je fais ériger une maison. Je fais appel à un architecte et à un entrepreneur. J’ai
une action en justice contre l’architecte, devant le Trib. d’entreprise à Liège. Par contre,
l’entrepreneur, quant à lui, je l’assigne devant le lieu de l’endroit où devait être exécuté le contrat : le
Trib. de l’entreprise de Bruxelles. Manifestement il y a une connexité ! Solution ? Reprenons la
définition de l’art. 30 la connexité n’existe qu’entre des juridictions du même rang (premier degré
de juridiction (≠ entre premier instance – appel en droit belge)). Il n’y a pas non plus connexité entre
une juridiction de référé et de fond. Ni entre des arbitres et une juridiction de l’ordre judiciaire. Par
ailleurs, il y a des cas de connexité internationale, mais on ne les traite pas. On se borne aux cas prévus
dans le Code Judiciaire belge.
L’al. 3 ne servira pas ; l’arrêt de Cass. de 2018 non plus je me dirige donc vers l’ordre
de préférence. Que vois-je ? Le °1 = pas pertinent, le °2 non plus, mais le °3 si … (?) ! Dans
ce casus, il faudrait préférer le TPI de Bruxelles, car il a rendu un jugement d’expertise. ( !!
) Mais HALT : le °3 est gravement attentatoire à la protection des droits de la défense (voy.
aussi arrêt du 15 février 1991 : on tient échec à l’autorité erga omnes de la décision sur
l’action publique, lorsque le ‘malheureux’ est un tiers, qui n’a pas pu se défendre).
Il n’est PAS ADMISSIBLE que le tiers – ici l’entrepreneur à Liège, dans un procès qu’il a suivi
– doive tout d’un coup débouler dans un procès où il n’a pas participé à l’expertise (il n’a
pas pu faire valoir son avis technique, n’a pas pu choisir l’expert, etc.).
(REMARQUE : la protection des droits de la défense = tâche des parties ce sont elles qui
doivent dénoncer au juge le manque de protection, donc ce n’est PAS la responsabilité du
JUGE.)
Ce n’est pas tout : 566 précise, dans l’al. 2 : « Toutefois si les parties ne sont pas les mêmes
dans toutes les demandes et si l'un des tribunaux a rendu un jugement qui n'a pas pour
effet de soustraire le litige à sa connaissance, le renvoi à ce tribunal ne peut être prononcé
si ceux qui n'ont pas été partie à ce jugement s'y opposent. » Si la jonction devait opérer
au profit d’un juge qui a déjà rendu une décision, alors la jonction est tenue en échec si les
personnes, qui n’ont pas été partie, s’y opposent.
On voit que le Code Judiciaire éliminer deux fois le MÊME problème (protection des droits
de la défense). Revenons-en au casus expliqué ci-dessus. On a neutralisé le °3
l’entrepreneur est safe : ses droits de la défense ne sont pas violés. Mais, °4 : le problème
revient. Il faut porter un second coup (fatal !!) sur le Tribunal de l’entreprise de Bxl.
Comment ? L’art. 566 donne le mode d’emploi. « Monsieur l’entrepreneur, voici la
situation : si vous vous opposez à la jonction, devant le TPI à Bxl, alors il n’y aura pas de
jonction vous restez à Liège. » Ou bien l’entrepreneur dit : « je n’ai pas de raison de
m’opposer à l’expertise. Je me laisse faire la jonction opère à Bruxelles ». Donc
l’exclusion du °3 et l’ajout de l’alinéa 2 procèdent d’une même idée = la protection des
droits de la défense du tiers qui n’était pas impliqué dans le procès déjà trop engagé. Ainsi
qu’on l’a vu, les droits de la défense sont D’ORDRE PRIVÉ : si l’avocat estime ne pas devoir
les soulever, la jonction opère quand même.
Comment se traite l’exception de connexité (de façon similaire à l’exception de
litispendance). Art. 856 C.Jud. = mode d’emploi. L’exception de connexité, tout comme
l’exception de litispendance, est assimilée à un déclinatoire d’ordre privé. Résultat = seule
une des parties peut la soulever in limine litis à condition d’indiquer qui est compétent
dans l’ordre de préférence (mais attention aux neutralisations respect des droits de la
défense).
Sous-sect. 3 : le dessaisissement
(SYLLA P. 54 et 55)
Siège du dessaisissement : art. 648 et s. C.Jud. la Cour de cass, dans des cas exceptionnels, dessaisit
une juridiction (civile/pénale) qui pourtant est compétente (matériellement et territorialement). 4
raisons sont énumérées à l’article 648 C.Jud. : « Le dessaisissement du juge peut être demandé:
4° lorsque le juge néglige (pendant plus de six mois) de juger la cause qu'il a prise en délibéré. »
Le °4 = une hypothèse de déni de justice. La juridiction compétente retient l’affaire en délibéré pendant
plus de dix mois (art. 770 : normalement, le délai est d’un mois maximum).
REMARQUES : il s’agit de causes qui sont collectives, c’est-à-dire qu’elles contaminent l’ensemble de
la juridiction. Le prof songe en particulier à la parenté/l’alliance le juge de paix n’a qu’un suppléant.
Une cause de parenté/d’alliance l’affecte lui et son suppléant, le cas échéant de façon fatale, il faut
aller devant un autre juge de paix. Ce qu’il peut arriver = une appréciation plus subjective. Par exemple,
un procès retentissant est fait à un membre d’une juridiction il est bon ton alors de renvoyer l’affaire
vers un autre tribunal. Idem en cas de suspicion légitime. Mais attention, ne confondons pas avec le
cas où il s’agit d’un magistrat personnellement (= l’incident de récusation ; voy. SYLLA P. 328). Ici, on
parle d’une même cause (parenté/alliance) ou d’une même perte d’impartialité qui a eu comme
conséquence la contamination de l’ensemble de la juridiction.
Qui peut agir en dessaisissement : il y a un partage entre les parties et le Procureur du Roi. La parenté,
l’alliance et la suspicion légitime ne peuvent être invoqués que par les parties. Certaines causes ne
peuvent être invoquées que par le Ministère Public, notamment la sécurité et la sûreté publique.
(1) Une demande qui ressortit à un autre pouvoir constitué belge. Le plus fréquent = le cas où une
demande ressortit des attributions du Conseil d’État (= au cœur du pouvoir exécutif).
Toujours d’ordre public.
(2) Une demande qui relève d’un autre pouvoir judiciaire, géographiquement parlant, que le
pouvoir judiciaire belge. Dans ce cas-là : déclinatoire de juridiction.
La tendance à la grosse louche = d’ordre privé. Toutefois, dans certains cas, c’est d’ordre
public.
Si les déclinatoires de juridiction sont d’ordre public, ils peuvent être soulevés à tout moment. Si, au
contraire, le déclinatoire de juridiction est d’ordre privé, il ne peut être soulevé qu’in limine litis. Que
veut dire in limine litis = dans mon premier écrit de procédure. Si le déclinatoire est d’ordre public,
tout le monde peut – voire tout le monde doit – le soulever à tout moment. S’il ne le fait pas, l’art. 806
C.Jud. dit que le juge doit le soulever d’office. Si le déclinatoire est d’ordre privé, seul le défendeur
peut le soulever. Le juge ne peut PAS le soulever d’office, même pas si le juge statue par défaut.
Qui tranche les déclinatoires de juridiction ? Art. 639, al. 5 : le Trib. d’arrondissement n’est PAS
compétent pour trancher des déclinatoires de juridiction. Seul le juge belge lui-même, saisi d’un
déclinatoire de juridiction, tranche ce déclinatoire de juridiction. Puis, scénario binaire :
1- Les compétences spéciales et a fortiori exclusives des juridictions d’exception entre elle. Je suis
devant un juge d’exception (TPI, Trib. du travail, police) ; toutes les règles de compétence
matérielle sont d’ordre public. Tout déclinatoire devant une juridiction d’exception est d’ordre
public (SAUF l’art. 592 C.Jud. : la demande non évaluable en argent).
Je suis donc devant un juge d’exception ; il y a violation d’une règle de compétence
matérielle déclinatoire d’ordre public.
2- Au regard de la compétence ordinaire du TPI (art. 568 C.Jud.) : les compétences exclusives des
juridictions d’exception sont d’ordre public. Je suis devant le TPI ; le coucou de l’art. 568 C.Jud.
la compétence ordinaire. Sont d’ordre public rien mais tous les cas de compétence exclusive :
insolvabilité, sécurité sociale, accident de la circulation, action en cessation, scellée. Dans ces cas-
là de compétence exclusive, le déclinatoire devant le TPI = d’ordre public.
3- Les compétences matérielles des juges d’appel et de cassation tout ce qui relève de la
compétence (matérielle, territoriale, au premier, second degré…) des cours = d’ordre public. Sans
exceptions !!
4- Les compétences territoriales d’ordre public donnent lieu à un déclinatoire de compétence d’ordre
public (SYLLA P. 40 et 41) (art. XX.12 Code de dr. éco et artt. 632 à 633decies C.Jud.)
‘À quelle sauce les mange-t-on, ces déclinatoires d’ordre public ?’ (P. 59 SYLLA). Quelles sont les
caractéristiques ?
1- Qui ? Les parties en tout état de cause (art. 854 a contrario C.Jud.), à condition d’être constructif
et d’indiquer le juge compétent (art. 855 C.Jud.).
REMARQUE : le plus souvent, c’est le défendeur.
NUANCE : un déclinatoire de juridiction d’ordre public peut être soulevé par les parties, en tout
état de cause, mais bémol selon la jurisprudence de la Cour de cass., il y a l’idée/le principe de
loyauté procédurale.
2- Le juge (comme il s’agit d’un déclinatoire d’ordre public), en cas de silence des parties, doit
soulever le déclinatoire d’ordre public, puisqu’il est d’ordre public. Quid si le défendeur fait défaut
(art. 806 C.Jud.) ? « Juge, tu ne peux soulever, mais tu DOIS soulever tout moyen d’ordre public
tu dois le faire d’office ». Si le juge soulève un déclinatoire d’ordre public, il doit renvoyer le
déclinatoire d’ordre public, qu’il a soulevé lui-même, devant le Trib. d’arrondissement.
( !! ) En de nombreuses matières, le Ministère Public peut encore émettre des avis, en matière
civile (en matière familiale par exemple). Le Ministère Public peut donc souffler à l’oreille du juge
qu’il est face à un problème d’ordre public de compétence.
4e cours
1- Rappel : devant le TPI, au nom de sa compétence ordinaire (art. 568 : coucou qui niche dans
le nid des autres), est confronté à une compétence simplement spéciale (≠ exclusive =
d’ordre public) (type bail, contrat de travail…), alors le déclinatoire offert au défendeur, n’est
que d’ordre privé.
Régime juridique du déclinatoire d’ordre privé (SYLLA P. 60 et 61) ? 4 points (base du propos = art. 854
et 855 C.Jud.) :
1- Le déclinatoire d’ordre privé ne peut être soulevé que par le défendeur. C’est une interdiction
faite au juge. S’il le faisait, il violerait la loi. L’art. 854 C.Jud., a contrario : le déclinatoire ne
peut être soulevé que par le défendeur. Quand ? In limine litis (dans les premiers écrits de
conclusion après = trop tard).
2- Ce trait est le seul qui est commun avec le régime d’ordre public : art. 855 tout déclinatoire,
soulevé par le défendeur (d’ordre public/privé) doit être constructif dans son relevé de
déclinatoire, le défendeur doit indiquer qui – selon lui – est compétent à la bonne lecture du
C.Jud. Sinon le déclinatoire est irrecevable.
3- Quid du défaut ? Dans ce cas-là, art. 806 C.Jud. : il n’y a là, depuis 2015, aucune hésitation.
Comme le déclinatoire n’est pas d’ordre privé, le juge doit se TAIRE.
CAS PARTICULIER (on l’a vu dans les compétences territoriales impératives) : art. 630 C.Jud.
si le juge, statuant par défaut, constate que fût violé une règle de compétence territoriale
impérative, alors il doit faire application d’une présomption. Le déclinatoire est présumé être
soulevé par le défendeur. C’est une fiction pour protéger le défendeur défaillant.
4- Lorsque le déclinatoire d’ordre privé est soulevé par le défendeur in limine litis (art. 639
C.Jud.), le demandeur a un choix :
a. « Juge, tranchez vous-mêmes le déclinatoire soulevé par le défendeur. »
b. « Juge, j’en fais une question de principe. Je voudrais que ce déclinatoire soit tranché
par le Trib. d’arrondissement, auquel je vous demande de renvoyer le déclinatoire. »
1. L’exception de litispendance présente une certaine forme d’hybridité : elle est d’ordre privé,
mais, tout en restant d’ordre privé, le juge peut la soulever d’office (art. 565, al. 1 C.Jud.).
1. Le Trib. d’arrondissement.
Dans le projet initial de Charles van Repingen, le Trib. d’arrondissement était une sorte de
‘mammouth judicaire’ au sein duquel allait siéger le TPI, le Trib. de commerce, de travail…
Toutefois, ce projet a été détricoté au Parlement, si bien que, aujourd’hui, mais ce n’est plus
qu’un tout petit croupion, dont le rôle est tout à fait particulier : le rôle consiste à trancher des
litiges de déclinatoire de compétence. De qui est-il composé ? Des chefs de corps de première
instance du siège, c’est-à-dire le président du TPI de l’arrondissement, le président du Trib. de
l’entreprise de l’arrondissement, le président du Trib. de travail et le président des juges de
paix et de police.
C’est assez curieux de voir une juridiction qui siège à quatre. À tour de rôle la présidence du
Trib. d’arrondissement est assurée par un des quatre présidents et sa voie est prépondérante
(elle compte double). Le Procureur du Roi remet un avis à ses collègues présidents, sur tous
les litiges soumis au Trib. d’arrondissement.
Il y a deux portes d’entrée vers le Trib. d’arrondissement. Il peut intervenir de façon optionnelle, ou de
façon obligatoire.
( !! ) Question d’examen : l’art. 639 C.Jud. ne trouve à s’appliquer qu’à des déclinatoires
d’ordre privé ; vrai ou faux ? RÉPONSE : FAUX tout déclinatoire soulevé par le défendeur,
obéit à l’art. 639 C.Jud., quel que soit sa nature. Le seul petit piège possible = l’art. 630 C.Jud. :
quid lorsqu’on est dans un cas de déclinatoire présumé (= lorsque le défendeur fait défaut
d’une règle territoriale impérative). Dans ce cas-là, le déclinatoire reste d’ordre privé ; il est
présumé être soulevé par le défendeur.
- (Cas plus fréquent) Art. 640 C.Jud. : lorsque le déclinatoire est soulevé d’office par le juge, ce
juge n’a pas le choix il doit renvoyer le déclinatoire vers le Trib. d’arrondissement.
( !! ) Question d’examen : le Trib. d’arrondissement ne peut connaître que des cas de
déclinatoires d’ordre public ; vrai/faux ? RÉPONSE : FAUX le Trib. d’arrondissement
intervient de façon optionnelle dans 639 (et il se peut que, dans certains cas, il s’agissent d’un
déclinatoire d’ordre privé) et de façon obligatoire dans 640.
Question d’examen 2 : l’art. 640 ne concerne que les déclinatoires d’ordre public ; vrai/faux ?
RÉPONSE : VRAI à l’art. 640 il est dit : « Lorsqu'il appartient au juge de soulever d'office un
moyen déduit de son incompétence, il ordonne le renvoi de la cause devant le tribunal
d'arrondissement afin qu'il soit statué sur le moyen. » Or, le juge ne peut soulever d’OFFICE un
déclinatoire que s’il est d’ordre PUBLIC.
(1) Le Trib. d’arrondissement n’intervient jamais (art. 639, al. 5) pour statuer sur des déclinatoires
de juridiction (le juge fait le boulot lui-même).
(2) Selon une doctrine et jurisprudence majoritaire, le Trib. d’arrondissement n’intervient pas
dans le cas de l’art. 592 C.Jud. : le fameux d déclinatoire d’ordre privé, soulevé par le
- Que décide-t-il ?
Artt. 641 et 642 : deux choix :
o Le juge initial = compétent (déclinatoire mal soulevé, juge s’est dessaisit
fautivement…) ;
o Le Trib. d’arrondissement accueille le déclinatoire et envoie le dossier au jugement
réellement compétent.
Quid de l’autorité de ses décisions ? Art. 660 C.Jud. cet article dit deux choses :
(1) Toute décision sur la compétence lie le juge à qui la cause est renvoyée. Il n’y a pas un ‘ping
pong’ sans arrêt intra-judiciaire !
(2) L’alinéa 2 ajoute, que, toutefois, il n’est lié que sur le principe du renvoi (pas sur le fond ces
aspects n’ont pas d’autorité de la chose jugée).
Y a-t-il des recours possibles contre les décisions du Trib. d’arrondissement ? Oui : art. 642 C.Jud. :
« Même rendues par défaut, les décisions du tribunal d'arrondissement sur la compétence ne sont
susceptibles d'aucun recours, sauf celui du procureur général près la cour d'appel.
Ce recours est formé par requête remise au greffe de la Cour de cassation dans les quinze jours de la
prononciation du jugement; copie en est adressée sous pli judiciaire au juge saisi et aux parties par le
greffier de la cour. Le recours suspend la procédure devant le juge saisi.
Les parties disposent d'un délai de huit jours à dater de la notification de la copie du recours pour
9. Il n’y a pas de recours possible de la part des parties (il n’y a pas de raison spécifique). Qui peut
alors faire un recours (c’est rare) : le Procureur général de la Cour d’appel concernée, peut
exercer un recours (assez hybride) contre la décision du Trib. d’arrondissement. Il le fait devant
la Cour de cass. Dans ce cas-là, la Cour de cass. tranche de façon suprême. Selon l’art. 1109/1
C.Jud., la Cour de cass. renvoie directement le dossier devant le juge qu’elle estime compétent.
B Solutions ?
Comment statue-t-il ?
I. On fait ce que la loi demande au juge de faire : le juge se prononce il rend un jugement.
II. Concernant l’économie de procédure : la loi prévoit un traitement accéléré pour juger du
déclinatoire de compétence, car il s’agit d’un cas d’application de l’art. 735, §2 C.Jud. (on
reparlera de cet art. à la P. 286 SYLLA lorsqu’un déclinatoire de compétence est soulevé par
le défendeur et que le demandeur demande au juge de faire le boulot lui-même, le juge le fait
dès l’audience d’introduction, ou en tout cas en débat succinct à très bref délai.
III. Le juge fait le boulot assez vite lorsqu’il rend son jugement sur la compétence. De deux choses
l’une : soit il rejette le déclinatoire (non fondé, mal ficelé…), soit il renvoie le dossier à un de
ses collègues compétents. La décision de renvoi lie le juge à qui l’affaire est renvoyé (art. 660)
ce second juge a tout droit d’appréciation sur le fond.
IV. (= Anticipation de l’art. 1050, al. 2 C.Jud. (on en reparlera à la P. 371 SYLLA) Contre une
décision rendue par le juge lui-même sur sa compétence, un appel est possible. Un appel,
certes, mais il s’agit d’un appel retardé. Jusque quand est-il retardé ? ( Art. 1050, al. 2) « Tu
peux faire appel de cette décision sur la compétence, mais qu’en même temps que le jugement
définitif (= en même temps que le jugement qui sera rendu sur le fond). » On veut éviter de
perdre du temps à un stade précoce du litige.
a. Premier scénario : le juge s’est déclaré compétent. Il garde le dossier. Quelques mois
plus tard, il rend son jugement sur le fond. À ce moment-là seulement, devant le juge
d’appel, un double appel pourra être formé (« pourra », car l’appelant peut choisir s’il
b. Deuxième scénario (via un exemple) : le TPI est saisi d’une action banale. Le défendeur
soulève un déclinatoire de compétence (« il s’agit d’un contrat de travail »). Le
demandeur dit que le juge du TPI peut statuer lui-même sur le déclinatoire. Le TPI
statue et accueille le déclinatoire. « En effet, il s’agit bien d’une demande concernant
un contrat de travail » renvoi au Trib. du travail. Puis-je (en tant que demandeur
initial) faire appel immédiatement là-dessus ? Non, je dois attendre que le Trib. du
travail rende sa décision sur le fond. Si, le jour où le Trib. du travail statue, j’ai toujours
envie/un intérêt de faire appel contre le jugement sur la compétence, je fais appel
devant la Cour du travail, puisque la Cour du travail est le juge d’appel compétent pour
connaître d’un appel contre une décision définitive du Trib. du travail. (Le jugement
définitif émane du Trib. du travail, tandis que le jugement sur la compétence émane
du TPI il faut bien choisir un des deux juges. Le juge choisi = celui de la décision
définitive sur le fond).
a) Art. 186 C.Jud. : lorsqu’il s’agit de répartir les affaires à l’intérieur d’une entité, entre les
divisions territoriales d’une juridiction le Roi/Gouvernement fédéral doit, chaque année,
écrire un règlement de répartition (= un arrêté royal). Il peut se laisser guider par deux
critères :
a. Solution classique : le Gouvernement applique – mutatis mutandis – les règles (qu’on
a vu ensemble) de compétence territoriale en petit (supplétive/impérative/d’ordre
public).
b. Ou bien : solution plus originale spécialiser au sein des juridictions, telle ou telle
division territoriale. Attention, cette solution n’est pas possible pour des contentieux
de grande proximité (il y a donc toute une série de matière à l’art. 186 qui doit suivre
la première solution).
b) Deuxième outil de répartition interne = art. 88, §1er C.Jud. idée : le président d’un tel
tribunal, dans le respect :
a. de la Const.
b. du C.Jud.
c. du règlement de répartition
doit, en outre, faire un règlement particulier.
c) Art. 726 C.Jud. et art. 90 C.Jud. « Monsieur/Madame le/la président(e)/chef de corps, dans
le respect des trois outils mentionnés ci-dessus (a. à c.), tu peux effectuer la distribution
§2 Règles particulières
Il y a les artt. 76, 91 et 92 au TPI, l’organisation judiciaire est un peu plus étoffée.
- Art. 76 : au sein de chaque division territoriale de chaque TPI, on trouve un tas de monde :
chambres civiles, correctionnelles, de la famille… il faut respecter l’architecture interne de
cette énumération.
- Artt. 91 et 92 C.Jud. : ils organisent l’unicité/la collégialité des chambres. Jusqu’en 2015, la
règle/tendance était la collégialité, c’est-à-dire que les chambres de TPI étaient composées de
trois juges. Les lois Pot-Pourri sont passées par-là la collégialité, pour de bonnes raisons, a
été supprimée. Aujourd’hui, on parle de la solitude du juge. Le principe est que le juge siège
seul (art. 91). Ce n’est qu’à titre exceptionnel que sont organisées des chambres à 3 juges (art.
92 C.Jud.). P.ex. : l’affaire Delphine Boël = soumise à trois juges.
Il faut demander de comparer devant une chambre à trois juges, mais le juge peut te le refuser
(= une mesure d’ordre).
L’incident de répartition est soulevé soit par les parties, soit par le juge (= hybride, ce n’est ni d’ordre
privé, ni d’ordre public), avant tout autre moyen (= in limine litis). Si l’incident n’est pas soulevé, la
juridiction incompétente statuera malgré elle. Si l’incident de répartition est soulevé (in limine litis)
que fait-on ? L’incident de répartition est soumis au chef de corps/président. Il fait un job juridictionnel
tout seul. Que dit ce paragraphe 2 ? Le président organise une ‘mini-procédure’ ; les parties peuvent
déposer des petits écrits, le Procureur du Roi (ou son substitut) donnent un avis, le président rend sa
décision (l’incident est accueilli/rejeté (en cas de rejet, on revient devant l’entité initiale en cas
d’acceptation, le président renvoie directement à la bonne division/entité/chambre)). En ce qui
concerne l’autorité de la décision du Président : copier-coller des artt. 642 et 660. La décision du chef
de corps (art. 88, §2), lie l’entité de renvoi sur sa compétence (pas sur le fond). Y a-t-il des recours ?
Oui, mais qu’un seul : le Procureur général peut introduire un recours devant la Cour de cassation.
Nous sommes confrontés à deux décisions passées en force de chose jugée. L’appel n’est donc plus
possible. Quel est le souci ? Elles sont inconciliables. Elles concernent des demandes identiques. Elles
sont inconciliables soit sur la compétence, soit sur le fond.
Comment est-ce possible qu’on ‘foire’ à ce point ? Personne n’a rien vu (personne n’a soulevé
l’exception de connexité/litispendance), on n’a pas voulu soulever les exceptions, les exceptions ont
été soulevées, mais rejetées à tort…
Il faut régler le problème, mais comment ? Il faut introduire une demande en règlement de juge. Qui
le fait ? Soit les parties, soit le Procureur du Roi, devant la Cour de cass. (= l’organe d’ordonnancement
suprême de ce genre de problèmes). Que fait la Cour de cass. ? Elle « règle les juges ».
- Soit la Cour de cass. dit qu’il n’y a pas de problème de contrariété « il y a moyen d’exécuter
l’un et l’autre ».
- Soit la Cour de cass. accueille le règlement de juge. Dans ce cas, elle peut faire ce qu’elle veut :
régler le problème définitivement, renvoyer devant une autre juridiction, etc ( elle a carte
blanche !).
Sect. II : les compétences spécifiques (des divisions et sections du) Trib. de 1ère instance
Où les trouvent-on : artt. 569 à 572bis C.Jud.
« ainsi que de l’exécution des jugements et arrêts étrangers, ainsi que des sentences arbitrales » il
y a une figure juridique qu’on appelle « l’exequatur ». C’est la décision par laquelle un juge accorde la
force exécutoire ; c’est une sorte de visa à une autre décision.
En vertu de l’art. 569, °5, les chambres civiles du TPI sont compétentes pour accorder l’exequatur aux
jugements et arrêts étrangers, qui sont à exécuter en Belgique.
Ce sont aussi les chambres civiles du TPI qui sont compétentes pour accorder l’exequatur aux
sentences arbitrales (belges/étrangers). Il faut passer par l’exequatur : une phase de contrôle (~ ordre
public ?).
Les trois autres articles, sont les trois articles qui nous parlent du juge des saisies. Le juge des saisies
est une entité individuelle du TPI. Ces articles disent que le juge des saisies est la pour connaître des
difficultés d’exécution, mais uniquement des difficultés d’exécution en matière de saisie (les saisies
uniquement en cas de contentieux d’exécution pécuniaire !).
Lorsque les saisies posent des problèmes de légalité, on va devant le juge des saisies.
C. Le contentieux fiscal.
Art. 569, °32 C.Jud. les chambres civiles du TPI sont compétentes pour connaître du contentieux
fiscal.
Une base légale : art. 590 C.Jud. Origine historique le juge de paix est calqué sur le modèle Anglo-
Saxon de la « justice of peace », juge de proximité, des petits litiges (« small claims »). C’est la
substance que constitue la compétence générale.
Art. 590 C.Jud. : « Le juge de paix connaît de toutes demandes dont le montant n'excède pas 5.000
euros, hormis celles qui sont soustraites par la loi à sa juridiction, notamment des demandes prévues
aux articles 569 à 571, 572bis, 573, 574 et 578 à 583. (…) »
Le juge de paix connaît de toute demande, dont le montant n’excède pas € 5000. « Toute
demande » paraît énorme attention : ‘la vague se retire en plusieurs mouvements’ :
a. Il faut que la demande relève des attributions du pouvoir judicaire. Hors de question
de lui soumettre quelque chose qui relève du CE, d’une juridiction étrangère, de la
compétence des arbitres.
(1) Demande qui n’est l’objet d’aucune compétence spéciale ; prenons l’art. 1382 C.Civ. (=
indemnisation d’un dommage). Mon claim = € 10 000. Je ne peux aller que devant le TPI (art.
568 C.Jud. : le montant de ma demande > € 5 000).
(2) Imaginons : victime avec dommage corporel de € 10 000 va devant le juge de paix. Que se
passe-t-il alors ? Déclinatoire de compétence, d’ordre public (car déclinatoire d’ordre
matériel).
(3) J’ai (art. 1382, pas de compétence spéciale) un litige : je vends ma table de jardin à € 300 à
mon voisin. Mais, il ne me paye pas. Je vais devant le TPI du Brabant-Wallon. Que se passe-t-
il ? Il y a un déclinatoire, mais pas d’ordre public. Nous sommes devant le TPI ; au nom de sa
compétence ordinaire (art. 568, al. 2 C.Jud.) le coucou vient siéger dans le nid du juge de paix
déclinatoire d’ordre privé.
En présence d’un montant demandé, qui rentrerait dans la compétence générale, mais qui
serait porté devant le TPI, le coucou fonctionne normalement (déclinatoire d’ordre privé :
seulement par le défendeur in limine litis).
(4) Je fais un job étudiant pendant l’été (Quick de Bruxelles). L’employeur ne me paye pas le mois
d’août. Il me doit 900 euros. J’agis devant le juge de paix de Bruxelles. Que se passe-t-il ?
Déclinatoire d’ordre public (j’aurais dû aller devant le Trib. de travail). Si Quick soulève le
déclinatoire il peut le faire à tout moment. Que se passe-t-il alors ? Art. 639 C.Jud. je
peux choisir : juge de paix, tranchez vous-même/Trib. d’arrondissement. Si le juge de paix
soulève d’office art. 640 C.Jud.
Premièrement, le juge de paix est compétent pour connaitre du contentieux locatif (les baux) (art. 591,
primo C.Jud.). Le bail est une compétence spéciale du juge de paix ( !! ), non PAS exclusive.
REMARQUE : il s’agit de tout type de baux ((im)meubles) (de droit commun, de résidence principale,
affermes, à vie, commerciaux…). Tous les baux, même les baux commerciaux entre entreprise, sont de
la compétence spéciale du juge de paix.
Casus : je suis une grosse boîte commerciale à Bruxelles, qui loue un immeuble à une autre grosse
boîte commerciale. Je vais devant le Trib. de l’entreprise. Quid ? Nous sommes devant le Trib. de
l’entreprise, qui n’est PAS compétent (art. 591 C.Jud. dit : « pour tout type de baux juge de paix »).
Le déclinatoire est d’ordre public. Pourquoi ? (Voy. P. 58 SYLLA) Lorsqu’on est devant un juge
d’exception – ici le TPI – saisi en violation de règles de compétence matérielle : on est toujours face à
un déclinatoire d’ordre public !!
REMARQUE : en degré d’appel en matière locative du juge de paix (art. 577 C.Jud.), un seul juge est
compétent, notamment le TPI.
Il y a aussi le contentieux en rapport avec le régime foncier et la copropriété (artt. 591 °2, °2bis, °3, °4
et °5). Toute forme de copropriété (art. 577 C.Civ.) = matière du juge de paix. Il y a également le
contentieux des servitudes = aussi matière du juge de paix (= ce sont des compétences spéciales, non-
exclusives).
Concernant le contentieux des actions possessoires (art. 591 °5 C.Jud.) (complaintes, réintégrandes,
dénonciations de nouvelle œuvre…) : il s’agit d’actions qui tendent à protéger la possession paisible
du possesseur de bonne foi = matière du juge de paix.
REMARQUE : à côté de la compétence générale, qui concerne des litiges qui ne font l’objet d’aucune
compétence spéciale (mais qui sont de moins 5 000 EUR), il y a, comme pour n’importe quel autre juge,
des listes très longues de compétences spéciales (et là, on ne regarde pas le montant ! (€ 5 000 ou
pas !!)).
SYLLA P. 104 : un reliquat en matière d’état des personnes depuis 2013, il y a le Trib. de la famille
(art. 572bis). Ce Trib. de la famille ratisse 95% du contentieux de la famille et de la personne. 5% se
trouve dans la gamelle du juge de paix. Il faut retenir l’art. 594, °16 : le juge de paix reste le juge des
incapacités (de mineurs : tutelle + cotutelle et des majeurs).
Le juge de paix conserve également (P. 106 SYLLA) quelques compléments en matière de droit de la
famille et de la personne : il est compétent pour tout ce qui concerne l’absence et les contentieux des
funérailles et des sépultures.
(À ne pas connaître dans le SYLLA P. 106 et P. 111 : la procédure sommaire d’injonction de payer +
octroi de facilité de paiement.)
Art. 597 C.Jud. : le juge de paix est compétent pour placer des scellées sur des biens qui relèvent d’une
indivision et qui sont menacés de perte de détournement. Ici, il est titulaire d’une compétence
EXCLUSIVE. Dans cet article, on dit aussi qu’il est compétent pour désigner un séquestre. Quid ? En
plus des matières qui relèvent de ses compétences spéciales (servitude, copropriété, incapacité…), le
juge de paix a une compétence pour désigner un séquestre. Qu’est-ce ? C’est un mandataire judiciaire,
qui est désigné pour conserver une chose faisant l’objet d’un litige (valeur mobilière, peinture, pièce
d’or…).
Dernièrement, à l’art. 591, °25 C.Jud. : depuis peu, le juge de paix est spécialement compétent pour
connaître des demandes à l’encontre de personnes physiques consommatrices tout ce qui concerne
la fourniture d’énergie + télécommunication.
5e cours
Qu’en est-il du droit récursoire en droit des assurances ? Qu’est-ce une action récursoire ? = Après
l’indemnisation de la victime, l’assureur se retourne vers son assuré pour récupérer tout/partie du
décaissement, en raison d’un élément lié au contrat d’assurance (par exemple : la faute grave,
conduite sous influence alcoolique…). Qui est compétent ? Le Trib. de police est compétent – au sens
de l’art. 601bis – pour connaître de l’action récursoire.
Il s’agit d’une compétence SPÉCIALE et EXCLUSIVE au sens fort, dixit la Cour de cass. dès 1997. Au
nombre des compétences exclusives, il y a donc celle-ci, les compétences qui en découlent inclues
(compétence exclusive déclinatoire d’ordre public, tenant en échec le coucou (art. 568), tenant en
échec la prorogation sur demande reconventionnelle (art. 563), le juge titulaire d’une compétence
exclusive empoche la compétence en cas de litispendance et connexité, etc.).
Devant qui est porté l’appel d’une décision du Trib. de police ? Il n’y a qu’un seul juge d’appel
compétent (art. 577 C.Jud.), notamment le TPI (les chambres civiles du TPI).
En termes de compétences, il a des compétences qui se situent aux artt. 573 et s. C.Jud. Les textes
s’articulent autour de trois familles.
b. En raison de l’objet du litige, le Trib. de l’entreprise est compétent, que vous soyez
ou non une entreprise (art. 574 C.Jud.). Qu’est-ce qu’on retrouve à cet article ?
i. Le droit cambiaire.
ii. Le contentieux pour raison d’association/fondation/société ( !! ) quelle
que soit la qualité, si le litige concerne la création, la validité, la gestion, la
liquidation, le fonctionnement… d’une société/d’une fondation, le Trib. de
l’entreprise est spécialement compétent.
Attention, il ne vient pas manger dans les compétences spéciales des
autres.
EXEMPLE : un organe de la société est par ailleurs lié par un contrat de
travail. Si le litige concerne l’exécution du contrat de travail de cette
personne, son licenciement, il n’y a évidemment pas ici un contentieux lié
au fonctionnement de la société c’est un litige lié au contrat de travail,
liant la société et la personne physique.
La compétence est exclusive, certes, mais elle est (très) restrictive, en raison de cette
double condition.
i. Les tribunaux d’entreprise sont compétents de façon objectivée quel que soit la partie, en
raison de l’objet du litige, le Trib. de l’entreprise est compétent.
Quand on parle de ses compétences, comment peut-on les ranger ? Sièges de la matière ? Artt. 578 à
583 C.Jud.
1) Les présidents des tribunaux statuent comme juge de référé, dans les matières de leur
propre tribunal.
2) Ils peuvent également, dans des cas très particuliers, statuer sur le fond de certaines
contestations.
Lorsqu’on aborde le référé et cet article, il faut (à nouveau) distinguer d’une part les règles générales,
s’appliquant à tout référé, et d’autre part les règles qui sont propres au président du Trib. de 1 ère
instance.
Le président est saisi par voie de référé ou, en cas d'absolue nécessité, par requête.
Il peut notamment:
4° ordonner l'audition d'un ou de plusieurs témoins lorsqu'une partie justifie d'un intérêt apparent,
même en vue d'une contestation future, s'il est constant que tout retard apporté à cette audition doit
faire craindre que le témoignage ne puisse plus être recueilli ultérieurement.
5° ordonner, dans le cas d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle visé a l'article 1369bis /1,
commise à l'échelle commerciale, et à la demande du titulaire de ce droit qui justifie de circonstances
susceptibles de compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la saisie à titre conservatoire
des biens mobiliers et immobiliers du contrefacteur supposé, et le cas échéant le blocage des comptes
bancaires et des autres avoirs de ce dernier. Le président, statuant sur cette demande, vérifie :
1) si le droit de propriété intellectuelle dont la protection est invoquée est, selon toutes apparences,
valable;
2) si l'atteinte au droit de propriété intellectuelle en cause ne peut être raisonnablement contestée;
3) si, après avoir fait une pondération des intérêts en présence, dont l'intérêt général, les faits et, le
cas échéant, les pièces sur lesquelles le demandeur se fonde sont de nature à justifier raisonnablement
la saisie tendant à la protection du droit de propriété intellectuelle invoqué;
6° ordonner, dans le cas d'une obtention, utilisation ou divulgation illicite d'un secret d'affaires visé à
l'article XI.332/4 du Code de droit économique, et à la demande du détenteur du secret d'affaires, la
saisie à titre conservatoire des biens en infraction, y compris de produits importés, ou la remise de ces
biens, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché;
7° ordonner, dans le cas de la diffusion non consensuelle d'images ou d'enregistrements visée aux
articles 371/1, § 1er, 2°, et 371/2 du Code pénal, et à la demande de la personne figurant sur les images
ou l'enregistrement, de son représentant légal ou de ses ayants droit, d'utiliser tous les moyens
appropriés pour les retirer immédiatement ou les rendre inaccessibles par le diffuseur ou tout
prestataire intermédiaire exerçant une activité telle que visée aux articles XII.17 ou XII.19 du Code de
droit économique, au plus tard dans les six heures de la signification de l'ordonnance.
Pour les demandes visées à l'alinéa 5, 7°, l'absolue nécessité est présumée et la diffusion est, sans
préjudice de l'article 371/1, § 4, du Code pénal, présumée non consensuelle jusqu'à preuve du
contraire. »
Pour l’instant, on analyse surtout les alinéas 1 et 3. On retient les éléments communs.
Les trois présidents peuvent statuer en référé à la condition d’ouvrir une double serrure :
- L’urgence,
- Le provisoire.
A L’urgence
Les juges des référés ne peuvent que connaître des cas URGENTS ( s’il n’y a pas urgence : rendez-
vous devant les chambres de fond). Ce n’est qu’à titre d’exception que l’urgence est invoquée, dans le
but de permettre au justiciable d’obtenir l’intervention du pouvoir judiciaire, lorsque la procédure
ordinaire est impuissante/insuffisante/tardive… Quand on parle d’urgence, il faut s’interroger sur la
portée et le contenu de la notion.
Selon la Cour de cass – depuis deux arrêts du 11 mai 1990 – il y a deux situations :
- J’invoque l’urgence, je tente de la démontrer, mais le juge des référés me donne tort : la
situation n’est pas urgente. Dans ce cas-là, l’action est déclarée non-fondée c’est un rejet
pur et simple. Moi, en tant que demandeur, je dois alors songer à saisir le juge du fond.
Bémol : l’art. 1253ter/4, §1er : si j’échoue à démontrer l’urgence en référé familial, alors je ne
suis pas débouté, mais je suis renvoyé à une audience ordinaire (= c’est un petit cadeau au
demandeur).
Qu’est-ce une situation d’urgence ? C’est une pure situation de faits. Le Code Judiciaire ne tente pas à
définir dans quels cas il y a urgence. Quelques repères, issus de plusieurs décennies de pratique,
jurisprudence et doctrine :
1- État de nécessité : la crainte d’un mal sérieux « si vous n’intervenez pas, nul autre ne sauras
le faire, Monsieur/madame le président et la crise va s’aggraver » (Toutefois, le mal ne doit
pas être irréparable ! Un mal sérieux ‘suffit’.)
Lorsque le juge des référés hésite entre rejeter et accueillir, il doit opérer une balance des intérêts,
pour apprécier l’urgence : « quel préjudice est le plus inacceptable ? » ( celui du demandeur
débouté, privé d’intervention du pouvoir judiciaire ou du défendeur, privé d’un procès normal).
Dernièrement, l’urgence, comme tout ce qui relève de la compétence matérielle, est d’ordre PUBLIC :
le juge doit d’office vérifier l’urgence !
B Le provisoire
Le juge des référés ne peut statuer qu’au provisoire !
Il ne faut pas confondre le provisoire pour référé (art. 584 C.Jud.) et le provisoire devant le juge du
fond (art. 19, al. 3 C.Jud.). Cette nécessité se présente car dans certains cas, les deux pourraient
fonctionner. La Cour de cass. est d’opinion que, s’il existe une possibilité de recourir à l’article 19, al.
3, on ne peut pas aller en référé dans ces cas, il n’y a pas urgence !
Art. 19, al. 3 le juge du fond (= juge normal) peut, avant dire droit, ordonner une mesure
d’instruction ou aménager provisoirement la situation des parties. Qu’est-ce que ça signifie ? Le juge
dessaisi, en raison des compétences territoriales et matérielles qui sont les siennes, peut
accessoirement, avant de dire le droit, ordonner une mesure d’instruction/une mesure qui aménage
provisoirement la situation des parties (p.ex. : désigner un séquestre, laisser quelqu’un rester dans le
bien litigeux…). Ce provisoire-là, n’a rien à voir avec le provisoire de l’art. 584. Non : le juge du fond,
dans l’attente du jugement, prend une mesure de façon provisoire (= mesure d’instruction ou
d’attente).
La notion de provisoire au sens de l’art. 584 n’est pas du tout la même. En effet, le provisoire en référé,
c’est une forme de précarité. Le juge des référés peut être sais en cas d’urgence, indépendamment de
tout litige sur le fond. Il ne statue pas avant de dire droit. Au contraire, il ne prononce pas une mesure
avant dire droit, mais plutôt ‘sans dire droit’.
Quand est-ce que je démontre que c’est provisoire ou pas ? Réponse (P. 134 SYLLA) : est-ce que
provisoire veut dire temporaire ? La doctrine et la jurisprudence disent que NON. Certes, il y a des
décisions de référé pour lesquelles le président dit : « ma décision est limitée dans le temps », mais ce
n’est pas une règle ! La durée peut être illimitée.
Est-ce que provisoire veut dire : « vous ne pouvez pas ordonner des mesures irréversibles ? » Non : la
Cour de cass. dit que le juge des référés peut ordonner de faire ou de ne pas faire certaines choses,
même si les conséquences de cet acte sont irréversibles (p.ex. : un retrait, la destruction…).
Longtemps, pour la Cour de cass. provisoire voulait dire que le juge des référés ne pouvait pas préjuger
du fond (= job du juge de fond). C’était une forte restriction du pouvoir du juge des référés il n’était
là que pour statuer sur des faits et sur des mesures d’instruction. Même ce verrou-là a sauté. Nous
sommes dans les années 1980. Devant la Cour de cass. on plaide que le juge des référés ne pourrait
pas intervenir car ça signifierai qu’on toucherait aux droits du litige. La Cour de cass., constatant déjà
à l’époque un arriéré judiciaire, s’est rendue compte que le juge du fond ne pouvait pas tout faire.
Solution ? On ouvre les vannes lorsque les droits en litige/lorsque la situation en litige est évidente
(= l’apparence est manifeste/pas contestable), le juge des référés peut intervenir ! Il peut, dans cette
situation, donc également décider sur le fond.
Au final, que veut dire alors « provisoire » ? Provisoire a un synonyme, à l’art. 1039 C.Jud. :
les ordonnances du référé ne portent pas préjudice au principal : une décision du juge des
C L’ordonnance présidentielle
= la décision du juge des référés. Une décision rendue en référé, s’appelle une ordonnance.
1) Quid de son autorité de la chose jugée ? (anticipation de la P. 315 SYLLA seules les décisions
définitives (= au fond) on l’autorité de la chose jugée, liant les parties et les juges saisies dans
le futur ; a contrario, une ordonnance de référé n’a pas l’autorité de chose jugée).
Bémol 1. On doit quand même y obéir ! On doit obéir à l’ordre de référé il y a donc quand
même une autorité, mais pas une « autorité de chose jugée ».
Bémol 2. Quelle autorité ? Une autorité de chose décidée. On ne trouve pas cette notion dans
le Code : c’est une notion jurisprudentielle et doctrinale.
o On doit obéir ; ça a été décidé (= bémol 1).
o L’ordonnance de référé conserve son autorité, tout chose restant égale par ailleurs (=
rebus sic stantibus). On ne peut revenir devant le juge des référés que si les
circonstances ont substantiellement changées. Il peut alors rétracter sa décision.
Il n’y a pas d’autorité de chose jugée liant légalement le juge du fond, mais il y a une
autorité de chose décidée : il faut obéir + l’autorité perdure si les circonstances ne
changent pas.
2) (Anticipation de la P. 321 SYLLA) Qu’en est-il de la force exécutoire ? Les choses sont
absolument certaines : pour le référé au sens strict et le référé d’hôtel art. 1039 C.Jud. :
une ordonnance de référé est exécutoire de plein droit. Ça signifie que, dès que le juge des
référés a rendu son ordonnance, on peut la faire exécuter tout de suite (quand bien même il y
a une voie de recours par exemple). C’est normal : l’urgence justifie le fait que l’ordonnance
est exécutoire de plein droit.
Art. 1029 C.Jud. (à propos du référé d’extrême urgence/absolue nécessité) : cet article dit la
même chose que l’art. 1039 l’ordonnance de référé est exécutoire de plein droit
(nonobstant appel).
Concernant l’astreinte (art. 13985bis et s. C.Jud.) : c’est une amende, une somme d’argent qui vient
renforcer l’efficacité d’une décision de justice. Pourquoi on en parle ? Référé-astreinte = ‘un couple
glamour’. Le juge des référés accompagne souvent sa décision de faire ou de ne pas faire d’une
astreinte.
- Sur le référé contradictoire : les recours sont les mêmes qu’en droit commun. Biensur, l’appel
de référé va plus vite, car c’est urgent. Toutefois, les règles, principes, etc. sont les mêmes.
Premier paquet : un juge des référés peut ordonner une mesure d’instruction. (Voy. P. 340 et s. SYLLA).
Ici, il y a une concurrence entre le juge des référés et le juge du fond. Le juge du fond peut accorder
une mesure d’instruction sur base de l’art. 19, al. 3 C.Jud. Le juge des référés peut le faire aussi, à
condition qu’il y ait urgence. Attention : il n’y a PAS urgence si on peut concrètement démontrer que
la partie aurait pu l’obtenir du juge du fond. Admettons que je démontre l’urgence dans ce cas-là,
l’art. 584 dit : « le juge des référés peut ordonner une pleine mesure d’expertise ».
Deuxième paquet : le juge des référés peut ordonner une mesure de sauvegarde des droits. C’est une
mesure pour préserver des situations problématique/litigeuses dans l’attente d’une décision sur le
fond. Qu’est-ce une situation d’attente/mesure de sauvegarde ? Désigner un séquestre, désigner un
administrateur ad hoc qui gère une boîte pendant un litige d’entreprise, une mesure d’arrêt
momentané de travaux, etc.
Troisième paquet : il peut y avoir la protection des droits non-douteux = référence à la jurisprudence
de la Cour de cass. des années 1980 : la Cour a levé la vanne lorsqu’il y a des prétentions absolument
évidentes/non contestables (par exemple en matière contractuelle, en matière sociale…).
Quid du référé administratif ? La jurisprudence de la Cour de cassation des années 1980 (= ouverture
de la vanne) il s’agissait de cas de référés administratifs. En effet, le défendeur en référé était
l’administration. À l’occasion de ces litiges-là, la Cour de cassation a dit : « si la prétention formulée à
l’encontre de l’administration est évidente, alors il y a matière à référé administratif le juge des
référés s’invite et ordonne à la puissance publique de se comporter comme n’importe quel citoyen et
d’obéir ! ». Réaction du législateur, début des années 1990 : attention, le juge normal de
l’administration = le Conseil d’État ! Par conséquent, le législateur, en 1991, promulgue l’art. 17 LCCE
lorsque le CE est compétent au fond (= pour l’annulation), à titre accessoire, il est aussi compétent
comme juge des référés administratifs (= besoin d’urgence ? le CE statue sur des référés
administratifs !).
Le législateur pensait s’en être sorti ainsi. Mais rien de tout ça : il y a des cas dans lesquels le
comportement de la puissance publique porte atteinte à des droits subjectifs pour lesquels le pouvoir
judiciaire (le juge des référés judiciaires) a le monopole (artt. 144 et 145 Const.). Dans ces cas, ce n’est
pas clair. Quel est l’enjeu véritable du litige ? Un droit subjectif (juge des référés judicaires)/droit
politique (Conseil d’État).
(2) Le contentieux des marchés publics : il faut émettre une soumission en matière de marchés
publics. Je suis évincé ; le pouvoir adjudicateur ne me retient pas. Qui est compétent ? Le
Conseil d’État ou le juge des référés ?
Toute cette matière reste délicate. La Loi de 1991 a pas mal éclaircie la matière, mais pas
totalement.
L’image qu’on doit retenir ici = le juge des référés est un super coucou ! Il est ‘omni
compétent’ en toute matière il n’y aura pas de déclinatoire. Le juge des référés du TPI
peut par exemple connaître des référés relevant du Trib. d’entreprise.
LIMITES : pas de déclinatoire ? Nuance : art. 584, al. 1 dit « le super coucou ne s’applique pas pour des
prétentions qui échappent au Pouvoir Judiciaire dans son ensemble (idée de déclinatoire de
juridiction).
- Le président du TPI ne peut manger dans la gamelle du Conseil d’État. Cela dit, il y a des cas
limites : l’enjeu véritable, les étrangers, les marchés publics…
- Le président du TPI ne peut arbitrer (se substituer aux arbitres). Toutefois, s’il y a une mesure
provisoire à prendre, le président du TPI (artt. 1683 et 1698) pourrait ordonner une mesure
urgente (p.ex. : expertise).
Quid des compétences exclusives au sens fort ? Il est admis unanimement que la compétence
universelle du TPI l’emporte ! En référé TPI, s’il y a urgence et s’il y a provisoire, il est omni compétent,
même lorsque le fond du litige relèverait d’une juridiction dotée d’une compétence exclusive.
REMARQUE : le président du TPI ne pourrait pas venir s’immiscer dans un référé familial (voy. prochain
cours). Les chambres du Trib. de la famille font leur PROPRE référé ( si le TPI le fait quand même, il
y a un incident de répartition).
§2 Actions en cessation
A Champ d’application et B L’action en cessation
On ne voit que (parmi les exemples énumérés dans le SYLLA) les actions en cessation. Il s’agit d’actions
que le législateur, depuis le début des années 1970, confie aux présidents des tribunaux pour faire
cesser tel ou tel acte illégal. Depuis les années 1970, se multiplient ces législations, où le législateur
veut donner aux présidents des tribunaux le pouvoir d’aller très vite, pour faire cesser au fond, avec
autorité de chose jugée, un comportement illégal. Ça a commencé avec les pratiques commerciales
déloyales (aujourd’hui : les pratiques de marché). Puis, la protection de l’environnement a suivi (1993),
la protection des épargnants, des consommateurs, de la vie privée, en matière d’anti-discrimination,
etc. ces matières font l’objet d’actions en cessation, confiées aux présidents des tribunaux.
B. Il s’agit (dixit doctrine et Cass.) d’une compétence EXCLUSIVE. C’est exclusif et restrictif :
le président ne peut faire que ça : c’est binaire soit le président rejette la cessation, soit
il y a cessation ! Rien d’autre (pas de contentieux en indemnisation, de contentieux
supplémentaire, etc.).
Concernant la procédure, il est dit : le président un tel statue en cessation comme en référé. C’est donc
du ‘comme si’. L’action en cessation est du ‘comme en référé’ (mêmes délais, même vitesse, même
efficacité…), mais ce n’est pas une décision en référé, car elle débouchera sur le FOND, qui n’est pas
provisoire + qui a l’autorité de la chose jugée (« c’est le beurre + l’argent du beurre »).
Qu’en est-il du jugement ? De l’ordre de cessation ? C’est du comme en référé une fois de plus. Le
jugement est exécutoire de plein droit. Le jugement a autorité de la chose jugée. L’autorité est erga
omnes ! Elle lie non seulement les parties, mais toute personne (elle est même renforcée par rapport
au pénal ( !! )). Enfin, c’est une décision qui doit se restreindre à la cessation : cessation ou pas. Je peux
6e cours
§1 Particularités de compétence
(SYLLA P. 148 à 151) Quelques particularités de compétence :
1) Le Trib. de la famille est son propre juge des référés. Dans les autres matières, (on l’a vu) le
président du tribunal (TPI, travail, entreprise) est le juge des référés de son tribunal, tandis que
dans le cas du référé familial (artt. 90 et 584, al. 2 C.Jud.), les chambres de la famille (= le Trib.
de la famille) sont non seulement les juges du fond des litiges familiaux mais aussi leurs propres
juges des référés. Pourquoi cette particularité, cette fusion de casquette ? Un juge, une famille,
un dossier on voulait éviter le morcellement des conflits familiaux. On voulait la
concentration entre les mains d’un seul magistrat, y compris en référé.
NUANCE (art. 584) : en cas d’extrême urgence ou d’absolue nécessité, le Trib. de la famille
passe la main au Président du TPI.
§2 Particularités de procédure
(Voy. SYLLA)
(Art. 1253ter et s.) Une première particularité : à côté du dossier de la procédure, il y a le dossier
familial. Tout ce qui concerne une même famille fait partie d’un dossier compact, notamment le
dossier familial.
Deuxième particularité : pour les 7 mesures chouchoutés, il y a d’autres particularités, propres à celles-
ci. Non seulement il y a l’urgence présumée, mais aussi, il y a d’autres particularités :
B. Une action en justice s’introduit soit par citation, soit par requête. Ici, le mode le plus souple
s’applique : on peut choisir si on introduit par citation ou par requête. L’enjeu ? La citation est
plus rapide (la convocation est dans les 2 jours) le requête, quant à elle, convoque le
défendeur dans les 15 jours. L’enjeu est donc la proximité plus ou moins intense de l’audience.
C. Les chouchoutes sont traitées comme en référé cela débouche sur des décisions de fond,
mais à la vitesse du référé. L’urgence est présumée, mais elle est aussi réelle.
D. L’avis du Ministère Public est toujours requis lorsque le procès concerne des enfants.
E. Lorsqu’on parle des délais de conclusion, on voit que les délais sont raccourcis devant le Trib.
de la famille.
G. Art. 1253ter/7 C.Jud. : la saisine permanente dans les 7 contentieux privilégiés, une fois
que le Trib. de la famille rend sa décision, il peut faire le service après jugement. Lorsque les
parties se prévalent d’un élément nouveau, on peut facilement revenir devant le Trib. pour
revoir le jugement.
H. Art. 1398/1 C.Jud. ( !! ) : les décisions du Trib. de la famille jouissent d’une force exécutoire
renforcée. (Presque) toutes les décisions du Trib. de la famille sont exécutoires de plein droit.
Il y a là un renforcement de leur efficacité (SYLLA P. 321).
Malgré tout, le droit belge est généreux en matière de recours. Toutefois, ça demeure un droit non
absolu !
Quid des compétences matérielles des juges d’appel ? Siège du propos : artt. 602 à 607 C.Jud. (Idée :
« dis-moi qui est le juge en première instance, je te dirais qui est ton juge d’appel »).
Il y a une jurisprudence importante de la Cour de cass. qui, pendant un petit temps, a été troublée,
mais qui est aujourd’hui totalement stabilisée. Il y a eu un trouble en 2002 : la Cour de cass. a, en 2002,
obligé le juge d’appel à vérifier d’office si le juge de premier ressort était ou non matériellement
compétent, alors que personne n’avait pourtant contesté sa compétence. Cet arrêt a fait l’objet de
multiples critiques.
- Il y a une profonde atteinte à l’autorité de la chose jugée.
- Il y a une atteinte au principe dispositif : le juge d’appel soulèverait une contestation que
personne n’a jamais soulevée.
En 2008 et en 2013, des rectifications ont eu lieu si la compétence du premier juge n’a pas été
remise en cause devant le premier juge, en degré d’appel, on ne peut pas soulever le déclinatoire.
B. Une compétence très particulière : connaître des recours contre les décisions qui émanent
d’autres organes que les juridictions de l’ordre judiciaire (p.ex. : contre les décisions des
gouverneurs de province en matière de calamité naturelle).
§2 Inapplicabilité au niveau d’appel des dessaisissements avec renvoi pour cause de connexité
ou de litispendance
En degré d’appel, il n’y a pas d’application pleine et entière des mécanismes de litispendance et de
connexité. Il n’y a JAMAIS possibilité de jonction d’une affaire pendante en degré d’appel avec une
affaire pendante en première instance. Il n’y a pas de mécanismes de renvoi pour connexité d’un juge
d’appel à un autre.
- Nous avons vu l’hypothèse d’une jonction directe pour cause de connexité. De quoi s’agit-il ?
De l’art. 701 C.Jud. : le demandeur estime en amont que deux demandes sont connexes. Plutôt
que de les porter devant deux juges différents, je ‘fais le boulot moi-même’ et je joins les deux
demandes dans un seul et même acte. Je choisis le bon juge, dans l’ordre de préférence.
- Nous avons vu la possibilité d’une jonction d’office pour cause de connexité. De quoi s’agit-il ?
De l’art. 856, al. 2 C.Jud. : le juge constate que deux affaires connexes sont pendantes devant
lui. Que fait-il ? Il peut joindre les deux causes connexes d’office.
On peut appliquer ces deux mécanismes en degré d’appel, grâce à une disposition fort
importante, notamment l’art. 1042 C.Jud. Il est à la charnière entre la première instance
et les voies de recours. L’article dit que, si une question technique de procédure se pose à
l’occasion d’une voie de recours :
a. Soit elle reçoit une réponse particulière, dans les dispositions relatives à cette voie de
recours,
b. Soit, s’il n’y a pas de réponse particulière, on fait du copier-coller on prend les
dispositions applicables en première instance et on les applique en degré d’appel.
Ici, la jonction directe et la jonction d’office s’appliquent en degré d’appel.
Deux exemples :
Je souhaite interjeter appel de deux décisions rendues dans un même
contexte, entre les mêmes parties (le juge a rendu un premier jugement,
partiel [on appelle ça un jugement interlocutoire], puis un jugement final).
Pourquoi faire deux requêtes d’appel, si on peut le faire en une fois !
Je suis Cour d’appel et, dans un litige multipartite, je vois arriver deux requêtes
d’appel, alors qu’il s’agit d’un même jugement je joins d’office (art. 1056
C.Jud.) les deux requêtes d’appel (via l’art. 1042 C.Jud.).
Par ailleurs, tout ce qu’on a appris concernant le dessaisissement (art. 648
C.Jud.) s’applique de façon identique au juge d’appel ( !! ).
Quid des déclinatoires de compétence en degré d’appel, c’est-à-dire des conflits entre différents juges
d’appel. Il n’y a qu’une base légale l’art. 643 C.Jud. : « Dans les cas où le juge d'appel peut être saisi
d'un déclinatoire de compétence, il statue sur le moyen et renvoie la cause, s'il y a lieu, devant le juge
(d'appel) compétent. » La lecture de ce texte nous donne une conséquence fondamentale : il y a là la
règle selon laquelle un déclinatoire de compétence, en degré d’appel, est toujours tranché par le juge
d’appel lui-même il n’y a pas d’intervention par un autre organe. Le juge d’appel fait le job s’il y a
matière de déclinatoire de compétence. Rappel : ce déclinatoire est d’ordre public !
Après, il faut voir que l’art. 643 recouvre deux hypothèses différentes : une hypothèse simple et une
hypothèse plus compliquée.
B) La seconde hypothèse dans l’art. 640 est plus subtile : on ne la voit pas à première lecture.
C’est l’hypothèse où l’incompétence éventuelle du juge d’appel est la conséquence directe
d’un problème de compétence du premier juge. L’incompétence/la compétence du premier
juge rebondit en degré d’appel parce qu’il y a un appel formé contre une décision relative à la
compétence du juge d’appel.
Quel est le scénario ? Nous avons à faire à une décision rendue sur la compétence, frappée
d’appel. De quelle décision parle-t-on ? Peut-il s’agir d’une décision du Trib.
d’arrondissement ? NON on a vu (art. 642 C.Jud.) que, contre une décision rendue par le
Trib. d’arrondissement, il n’y a pas d’appel possible. Le scénario est que le premier juge a fait
le boulot lui-même : il a statué sur le déclinatoire. C’est l’hypothèse de l’art. 639, où le
déclinatoire, quel que soit sa nature, est soulevé par le défendeur (ordre public à tout
moment ordre privé in limine litis). Le demandeur fait le choix (art. 639 C.Jud.) de laisser
le juge statuer lui-même sur sa compétence. Là, il y a un appel. À quel moment cet appel est-
il possible ? (SYLLA P. 371 sur l’art. 1050, al. 2). Il n’est pas possible d’introduire un appel
immédiatement le jugement ne peut être frappé d’appel que plus tard, en même temps
que l’appel contre le jugement définitif, sur le fond. Deux options (via des exemples) (SYLLA P.
157 et 158 (pour clarifier)) :
a. Le Trib. de première instance est saisi ; le défendeur soutient qu’il s’agit d’un litige
relevant de la compétence (spéciale ou exclusive, peu importe) du Trib. de
l’entreprise déclinatoire = soulevé. Le demandeur dit : « TPI, statuez vous-
mêmes ».
Soit le TPI rejette le déclinatoire et se déclare compétent. Il statue au fond. Il donne
tort au défendeur le défendeur a donc perdu sur toute la ligne :
i. Son déclinatoire = rejeté,
Que peut-il faire ? Il décide de faire appel du tout. Devant qui ? (Art. 602 C.Jud.)
Devant la Cour d’appel, car la Cour d’appel est compétente pour les décisions du TPI.
La Cour d’appel dit : « art. 643 ; je suis d’un appel sur un jugement rendu sur la
compétence » de deux choses l’une :
i. Je (= la Cour d’appel) confirme la décision le TPI était bien compétent (le
déclinatoire était foireux).
ii. Le déclinatoire était justifié, le défendeur avait raison. Le Trib. de l’entreprise
était compétent je réforme la décision de compétence du TPI et je constate
que moi, Cour d’appel, je suis aussi le juge compétent (art. 643 C.Jud. s’il y
a lieu, je renvoi devant le juge d’appel). Mais il n’y a pas lieu je SUIS le bon
juge d’appel !
b. Autre exemple : on remplace le Trib. de l’entreprise par le Trib. du travail. Le TPI est
saisi et le défendeur soulève un déclinatoire de compétence. Il soutient que c’est le
Trib. de travail qui est compétent, car il s’agit d’un contrat de travail. Que fait le Trib.
de 1ère instance ? Le Trib. de 1ère instance statue et accueille le déclinatoire : « il s’agit
bien d’un litige qui relève du Trib. de travail ». Le Trib. de 1ère instance renvoie au Trib.
de travail. Un appel immédiat n’est pas possible (art. 1050) le demandeur doit
attendre. Imaginons que le demandeur initial perd sur le fond, devant le Trib. de travail
(et donc perd sur toute la ligne) et qu’il décide d’envisager un appel. Il fait appel des
deux jugements, devant la Cour du travail (art. 603 C.Jud.). Le jugement définitif a été
rendu par le Trib. du travail on voit que la Cour du travail est saisie d’un double
appel :
i. Un appel contre le jugement d’incompétence du TPI,
ii. Un appel contre le jugement définitif du Trib. de travail.
On verra ces pages lorsqu’on abordera l’appel. On reviendra dessus lorsqu’on étudiera les « décisions
appelables » (P. 375 SYLLA).)
L’action en justice est un droit subjectif fondamental, comme les autres, mais pas tout à fait comme
les autres. Nous verrons que « l’action en justice est le droit qui donne accès aux autres droits ». C’est
le droit subjectif qui permet de valoriser – en justice – les autres droits subjectifs. Il donne réalisation
concrète aux autres droits subjectif. Comme on le dit en droit romain : « ubi ius, ibi iudex » là où il
y a le droit subjectif, il y a forcément un juge (Sect. I).
On va aussi tacher, dans le langage technique, de ne pas confondre action et demande. Il y a le droit
d’action, qui est le negotium, et la demande en justice, qui est l’acte qui l’exprime concrètement (Sect.
II).
Enfin, Sect. III : on va envisager la défense en justice, qui est l’expression du droit d’action, mais de la
part du défendeur cette fois-ci. Il a aussi un droit d’agir en justice, en se défendant d’une demande
portée contre lui.
B Caractères
Deux choses :
Dans ces cas-là, je suis sanctionnée pour abus du droit d’agir en justice.
Quelles sont les sanctions ? Elles sont triples : 1. Je perds, 2. Je suis
sanctionnée pécuniairement, par les dommages et intérêts ( je commets
une faute, laquelle m’oblige à réparer le dommage moral/matériel non déjà
couvert par les frais de justice) + comment puis-je, en tant que défendeur
réclamer l’indemnisation de cet abus de droit ? Via l’art. 563, al. 3 (demande
reconventionnelle) tout juge est compétent pour juger de la demande
reconventionnelle basée sur l’abus de droit, commis par le demandeur ; et 3.
Dans le Code Judiciaire, en cas d’abus, je peux être amenée à indemniser mon
adversaire, mais je peux aussi faire l’objet d’une amende civile (art. 780bis).
§2 Conditions de l’action
Les conditions sont cumulatives, au nombre de trois : la capacité, la qualité, l’intérêt. Deux des trois
sont explicitement prévues par la loi (la qualité et l’intérêt (artt. 17 et 18 C.Jud.)). La troisième
condition est venue se rajouter aux deux autres, par l’impulsion de la jurisprudence de la Cour de
cassation et la doctrine.
A La condition de capacité
Pour être titulaire et pour exercer une action en justice, il faut, comme pour n’importe quel autre droit,
jouir de la capacité de jouissance et de la capacité d’exercice.
Voyons la capacité comme condition d’existence du droit (SYLLA P. 175). Pour être titulaire du droit
d’agir en justice, il faut être né vivant et viable. Ça vaut pour les personnes physiques et morales. Pour
les personnes physiques, il faut être né vivant et viable pour être titulaire, au sens de la capacité de
jouissance, d’un droit d’agir en justice. P.ex. : le cas de l’affaire Péruche (France) a donné lieu à un
célèbre arrêt de la Cour de cass. Une réforme législative a suivi. L’affaire parlait du wrongful birth. In
casu, ce n’était pas la maman qui se plaignait, mais l’enfant lui-même, Nicolas Péruche : il se plaignait
du fait de sa naissance. Le cas a donné suite à des débats politiques, philosophiques… Des philosophes,
des procéduriers… ont été entendus. Les procéduriers ont dit qu’il y avait un souci : Nicolas Péruche a
une action en justice, parce qu’il est né. Quel est l’objet de son action ? Se plaindre du fait de sa
naissance l’action tourne à l’absurde : il nie la condition de son existence-même. Le droit à la dignité
humaine est évidemment passé au-dessus. La Cour de cass. a fait droit à cette action et le législateur
français a voté un article pour condamner le principe : « nul ne peut se plaindre du fait de sa
naissance ». C’est aussi la position récente, depuis 2017, de la Cour de cass. de Belgique.
Revenons aux personnes morales. En tant que personne morale, il faut exister. Pour exister, il faut soit
être créé par loi, soit rencontrer les formes prévues par la loi (unions professionnelles, ASBL…). Est-ce
à dire que, lorsqu’un groupement de personnes physiques, ne jouit pas de la capacité (= de la
personnalité juridique), ce groupement n’a pas de droit d’agir en justice ? La réponse est
radicale/crue : en droit belge, si tu n’existe pas en tant que groupement, tu n’as pas de droit d’agir en
justice. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de culture de ce qu’on appelle les plaignants idéologiques. Si on
veut faire une action en justice en tant que groupement, il faut créer une ASBL, par exemple. Il y a UNE
exception notable, notamment le syndicalisme ! La Loi de 1968 sur les conventions collectives de
travail confère aux syndicats le droit d’agir en justice, alors que le syndicat n’a pas la personnalité
juridique. C’est un cadeau, une protection. Ne pas avoir la personnalité juridique est une protection.
Ça permet d’être immunisé contre toute forme d’action en justice (de saisi, de reproche…). Non
seulement le syndicat est immunisé par son incapacité, mais en outre, il reçoit le droit d’agir en justice,
pour faire protéger les droits collectifs des travailleurs. La Cour de cassation dit qu’il faut interpréter
cette exception de façon restrictive.
Si je forme un groupement de fait (« les amies du retour en présentiel », par exemple), non constitué
sous forme d’ASBL je ne peux pas agir en justice pour obtenir un cours à l’Ommegang. Que pourrais-
De même, l’art. 703 C.Jud. précise que si une association de fait désigne un mandataire, le mandataire
peut représenter le groupe en justice, mais si le groupe perd/gagne, ça reste la victoire/défaite des
membres représentés. Il ne s’agit pas d’une reconnaissance du droit d’agir en justice d’un groupement
de fait !!
Qu’arrive-t-il lorsque (et ce n’est pas si rare) une association de fait ou une entité qui n’existe pas/une
entité non ou plus valablement constituée introduit une action ? Quelle est la sanction ? La réponse
de la Cour de cass. : « l’action en justice introduite par une entité inexistante est irrecevable ! ». Quel
est le statut de cette ‘bestiole’ ? Aussi curieux que ça puisse paraître, ce n’est pas d’ordre public. Seul
le défendeur peut soulever l’irrecevabilité. On appelle cela une fin de non-recevoir. La Cour de
cassation se montre intransigeante : une fois que c’est soulevé et que le juge constate l’irrecevabilité,
il n’y a plus de réparation possible !
En ce qui concerne la capacité comme condition d’exercice (P. 178 SYLLA). Une fois que je jouis de la
capacité de jouissance, faut-il encore que je puisse exercer mon action en justice : c’est la capacité
d’exercice.
Si je suis une personne physique, soit je suis parfaitement capable pour agir moi-même en justice, soit
je suis une personne physique affectée d’une cause d’incapacité d’exercice (je suis mineur ou majeur,
mais placée sous un statut de protection). Dans ce cas-là, la capacité d’exercice doit être confiée à
quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre, qu’on appelle le représentant légal, reçoit la capacité
d’exercer mon action, en mon nom et pour mon compte. Elle a la qualité pour agir à ma place.
Petit ajustement : il y a des cas dans lesquels, exceptionnellement, la loi/la jurisprudence autorise à
l’incapable d’agir en justice (art. 1253ter/8 C.Jud.). Dans cet article on retrouve les cas dans lesquels
le mineur peut agir en justice. La Cour de cass. y ajoute des cas dans lesquels le mineur peut agir lui-
même, à titre exceptionnel.
Quid si je suis une personne morale ? Une personne morale ne comparait pas personnellement. Des
organes, ayant qualité, s’en chargent. Concernant la capacité d’exercice des personnes morales : une
personne morale doit respecter un principe de spécialité. Elle ne peut agir en justice que dans les
limites de son objet social.
B La condition de qualité
(Art. 17 C.Jud.) La personne qui agit doit avoir qualité pour agir. Qu’est-ce que cela signifie ? « Le
pouvoir en vertu duquel une personne exerce l’action en justice » (SYLLA P. 180).
o Les actions en cessation. Bon nombre, voire la plupart, des actions en cessation sont
attitrées. Un exemple : la Loi du 12 janvier 1993 (en matière de protection de
l’environnement) réserve les actions en cessation au Procureur du Roi (très rare) et
aux associations de protection de l’environnement. En d’autres termes, les personnes
physiques (scientifique, riverain…) ne peuvent agir !
- Dans d’autres cas, la qualité est une condition d’exercice de l’action. Nous revenons à l’idée
de capacité. Si j’ai la capacité de jouissance, mais pas la capacité d’exercice, quelqu’un d’autre
doit exercer mon action à ma place. Elle reçoit la qualité pour agir à ma place. Quelques
remarques :
o Ne confondons pas qualité pour agir en justice avec la mention de la qualité. Voy. P.
215 et s. SYLLA p.ex. : la demande doit mentionner la qualité en laquelle on agit
p.ex. : je suis le père d’un enfant mineur, qui a subi un dommage corporel qui a
qualité – au sens de l’art. 17 C.Jud. – pour agir en justice ? La mère et moi on agit
qualitate qua, en qualité de représentants légaux de notre enfant. Ça, c’est la
condition de fond, qui touche à la recevabilité de l’action. Autre chose est de
l’indiquer dans la citation : « Monsieur et Madame Van Droogenbroeck, en leur qualité
de parents de l’enfant X ». Ça, c’est une mention de forme.
o Ne confondons pas non plus qualité pour agir au nom de quelqu’un comme
représentant légal avec assistance d’un avocat. Reprenons le même exemple. Ma
femme et moi avons qualité pour agir en qualité de représentants légaux de notre
enfant. On l’indique dans notre citation. Par ailleurs, nous pouvons consulter un
avocat, pour nous représenter en justice.
Comment cela se traduit ? Quid si des justiciables se pointent en justice et on s’aperçoit qu’ils n’ont
pas qualité pour agir en justice ? Réponse de la Cour de cass. : « c’est une fin de non-recevoir, ce défaut
de qualité ». La matière n’est pas d’ordre public seul le défendeur peut soulever l’absence de
qualité.
- Pour la plupart des personnes morales de droit public Code Civil également,
- Par contrat, on peut confier à quelqu’un d’autre le soin d’exercer notre action en justice. La
Cour de cass. admet la licéité de cette convention, par laquelle je donne mandat à quelqu’un
d’exercer mon action en justice, à CONDITION que cette convention ne porte pas fraude aux
droits des tiers.
EXEMPLE de contrat : le prêt de nom procédural. Je roule en auto ; l’auto est assurée auprès
d’une compagnie d’assurance ; garantie omnium. Un crash a lieu, l’autre est en tort. Comme
je suis assurée en omnium, je suis indemnisée par mon assurance. La compagnie d’assurance
retient souvent une franchise, qui reste à la charge de l’assuré. L’assureur, subrogé dans mes
droits, et moi-même pourrions agir en justice. Que peut-il se passer ? Je pourrais charger ma
compagnie d’assurance par un prêt de nom d’agir pour le tout.
S’il n’y a pas qualité : fin de non-recevoir, d’ordre privé (soulevable que par le demandeur).
Si c’est soulevé et que le juge constate l’irrecevabilité, celle-ci est irrémédiable ( on ne
peut pas réparer). Pour y remédier, on devrait réintroduire, ab initio, une nouvelle action
en justice on ne peut pas réparer ça en cours de route.
a) Il ne faut pas confondre la qualité en tant que mécanisme de représentation d’autrui en justice
avec l’action oblique (art. 1166 C.Civ.). Là (en cas d’action oblique), on n’agit pas en justice au
nom d’autrui (= au nom du débiteur) dans l’action oblique, on exerce pour soi-même
l’action de son débiteur. Le titulaire de l’action oblique, c’est moi : le créancier.
c) Concernant les personnes morales confrontées à la difficulté suivante : une action en justice
est introduite au nom d’une personne morale cette personne doit dument être représentée
par l’organe, ayant qualité. Cet organe doit être habilité. Habilité, souvent, par une
délibération (l’assemblée générale autorise tel ou tel administrateur à agir en justice). Parfois,
il apparaît que l’organe qui agit en justice n’a pas été dument habilité il ne jouit pas d’une
délibération convenable en amont. Au départ, dans ce cas-là, il y avait irrémédiable fin de non-
recevoir. Or, depuis 2014, la Cour de cass. a ‘redécouvert’ le Code Civil, et plus précisément, a
redécouvert l’art. 1998 = le mandat. Il est possible de ratifier a posteriori l’initiative de
C La condition d’intérêt
L’intérêt est le troisième et dernier pilier attendu par le Code Judiciaire pour valider l’introduction
d’une action en justice. Dans les travaux préparatoires du Code Judiciaire, Van Repingen donne une
définition de l’intérêt. Il dit : « l’intérêt au sens des artt. 17 et 18 du Code = tout avantage
matériel/moral, effectif, mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande, au
moment où il la forme. La reconnaissance du droit n’est établie ou non établie qu’à la prononciation
du jugement ».
L’intérêt requis pour agir en justice, doit présenter trois caractéristiques (artt. 17 et 18 C.Jud.) :
A. Direct et personnel,
B. Né et actuel,
C. Légitime.
Ces trois conditions sont cumulatives. Si le demandeur ne parvient pas à justifier de cet intérêt aux
triples caractéristiques, que se passe-t-il ? Il y a à nouveau une fin de non-recevoir : l’action est
déclarée irrecevable.
Le statut de la fin de non-recevoir fait l’objet d’une jurisprudence fluctuante, de la part de la Cour de
cass. La seule chose qui est constante, c’est que le défaut d’intérêt ne peut jamais être soulevé pour la
première fois en cassation. Pour le reste, la Cour de cassation a longtemps oscillé. Pendant longtemps,
elle a considéré que la fin de non-recevoir était d’ordre public. Ainsi, le juge pouvait la soulever d’office.
Puis, certains arrêts ont dit que l’intérêt n’était plus d’ordre public, comme la qualité. Ensuite, elle a
redit que c’était d’ordre public. Finalement, dans deux arrêts (de 2017 et de 2014), la Cour de cass. a
soutenu que la fin de non-recevoir n’est pas d’ordre public !
Une chose est constante : on ne peut pas ‘se réveiller et dire en cassation « on n’avait pas d’intérêt’.
Toutefois, le prof se pose des questions sur la relégation de l’intérêt dans l’ordre privé : est-ce qu’on
10. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Le couple voulait une ordonnance du juge de paix pour décréter
les domiciles séparés, pour toucher deux fois le taux isolé au chômage.
11. C’était une action collusoire : deux acteurs judiciaires voulaient simuler un procès, de parfaite
mauvaise foi. C’est pour cette raison que le prof restaurerait la fin de non-recevoir en ordre
public.
7e cours
(SYLLA P. 183-188) Qu’en est-il des caractères de l’intérêt. L’intérêt requis par les artt. 17 et 18 C.Jud.
doit revêtir trois qualités cumulatives (issues de la jurisprudence et de la doctrine) :
A. L’intérêt doit être direct et personnel l’idée = le Code Judiciaire veut éviter les actions
populaires, c’est-à-dire les chevaliers blancs, qui, au prétexte d’un intérêt général, agiraient
devant les cours et tribunaux. La gardienne de l’intérêt général, c’est le Procureur du Roi, et
pas un citoyen lambda. Il faut un intérêt propre : un droit subjectif appartenant à l’acteur en
justice.
Cela étant dit, plusieurs brèches viennent entailler cette règle classique. Elles sont récentes et
intéressantes. Elles sont au nombre de deux :
a. Il y a l’action d’intérêt collectif. Il s’agit d’une vieille question, très actuelle
aujourd’hui : « est-ce qu’un groupement, doté de la personnalité juridique, peut ou
non agir en justice pour promouvoir un objectif noble/altruiste d’intérêt public, qu’il
promeut ? ». La Cour de cass. a toujours répondu par la négative : se faisant, vous
promouvez un intérêt collectif général, mais ce n’est pas un intérêt direct et personnel.
Seule la personne concernée bénéficie d’un intérêt direct et personnel. Deux autres
cours suprêmes raisonnent différemment (le CE et la CC elles sont plus modernes) :
la CC a toujours accueilli, avec beaucoup plus de souplesse, des actions d’intérêt
collectif, conduites par des groupements, par exemple.
Quid de la Cour EDH ? Étonnement, elle n’accueille pas ces actions à bras ouvert. Dans
le syllabus, le prof cite un arrêt (parmi d’autres) qui s’appelle Barreau de Monaco
contre Principauté de Monaco. La question se posait de savoir si le Barreau de
Monaco, chargé de promouvoir les intérêts de ses membres, au sens de l’art. 34 de la
Convention de Sauvegarde, est un plaignant/une victime. La réponse = non. Un
groupement d’intérêt collectif n’est pas une victime.
ii. « N’y a-t-il pas une différence de traitement entre les chouchoutés, aux
termes desquels les associations ont le droit d’action, et toutes les situations
de droit commun, où les associations sont privées de l’action pour un intérêt
collectif ? ». Là, la CC dit que oui, il y a une différence de traitement. Mais
(arrêt de 2017) elle rend ce qu’on appelle un arrêt lacune. Elle constate qu’il
y a une différence de traitement, mais en creux, c’est-à-dire qu’il manque une
loi pour rétablir l’égalité. En d’autres termes, la balle passe dans le camp du
législateur. Quelques mois plus tard, au Moniteur Belge, on voit apparaître
une modification de l’art. 17 C.Jud. on a rajouté un troisième alinéa. Il
s’agit d’une consécration prudente de l’action d’intérêt collectif.
Art. 17, al. 3 : « L'action d'une personne morale, visant à protéger des droits de
l'homme ou des libertés fondamentales reconnus dans la Constitution et dans
les instruments internationaux qui lient la Belgique, est également recevable
aux conditions suivantes :
1° l'objet social de la personne morale est d'une nature particulière, distincte
de la poursuite de l'intérêt général ;
2° la personne morale poursuit cet objet social de manière durable et effective
;
3° la personne morale agit en justice dans le cadre de cet objet social, en vue
d'assurer la défense d'un intérêt en rapport avec cet objet ;
4° seul un intérêt collectif est poursuivi par la personne morale à travers son
action. ».
ii. En termes plus clairs : quel juge oserait encore dire que tel objet altruiste ne
relève pas des droits de l’homme et des libertés fondamentales… ?
ii. Cette réparation collective n’est possible que dans certaines matières : il faut
qu’il y ait un ‘lien’ avec la consommation (tout registre de la consommation,
défini par l’art. XVII.37 Code de droit éco la concurrence, la protection des
consommateurs, la propriété intellectuelle, les assurances).
iii. En ce qui concerne les bénéficiaires : ils ne peuvent être représentés que par
un représentant de groupe, spécialement agréé à cette fin (p.ex. : Test Achat).
B. L’intérêt doit être né et actuel l’idée : on ne peut pas agir en justice pour obtenir une
consultation abstraite (= un ruling). On ne peut saisir le juge que si le ‘feu a déjà pris’. On ne
peut agir pour un préjudice/pour un risque futur/hypothétique.
Il n’y a pas d’action ad futurum.
Toutefois, deux nuances doivent être apportées : il n’est pas exigé que le préjudice soit
entièrement, définitivement consommé. Le second bémol est issu de l’art. 18, al. 2 C.Jud.
l’idée = le législateur belge réserve prudemment une action, non pas ad futurum, mais
déclaratoire.
Art. 18, al. 2 : « L'action peut être admise lorsqu'elle a été intentée, même à titre déclaratoire,
en vue de prévenir la violation d'un droit gravement menacé. » Le droit n’est pas encore
menacé, mais il y a péril en la demeure.
EXEMPLES dans le Code Judiciaire : (droit des biens) les actions possessoires le possesseur
de bonne foi fait protéger sa possession à fin d’usucaper ; l’action en dénonciation de nouvelle
œuvre il s’agit, pour le possesseur, de faire prévenir une menace pour la possession je
sens qu’il y a une menace.
C. L’intérêt doit être légitime dans la légitimité, il y a (art. 2, nouveau C.Civ.) respect de l’ordre
public et des bonnes mœurs. L’action en justice doit être respectueuse de l’ordre public et des
bonnes mœurs du moment.
Cela confère une bonne part de subjectivité, de moralisation (parfois dérangeante, voy. infra).
La légitimité de l’intérêt évolue avec le temps. La Cour de cass. dit : « l’intérêt n’est illégitime
que si mon action vise à maintenir une situation illicite ». Typiquement, je réclame
l’indemnisation d’une perte de revenue en black par contre, ce n’est pas parce que mon
contrat est annulé pour une violation de l’ordre public (par exemple : (Loi Breyne) pas eu
recours à un architecte le contrat est annulé, mais la restitution des prestations doit
toujours avoir lieu !), qu’il n’y a plus restitution des prestations.
EXEMPLE d’évolution : il a fallu attendre 1967 pour que la Cour de cass. admette que en cas
de concubine – car à l’époque, on appelait ça la concubine – une personne victime d’une faute
puisse demander l’indemnisation de son dommage. Avant 1967 on ne pouvait demander
l’indemnisation du préjudice matériel/moral. Pourquoi ? Le concubinage était laid, vilain. En
1989, la Cour de cass. est saisi de cette question : « je suis célibataire, je partage ma vie avec
un homme/une femme marié(e). Cette personne décède tragiquement. Moi, qui suis
célibataire, je sollicite l’indemnisation de mon préjudice. » La Cour de cass. disait non vous
étiez le compagnon d’une personne qui commettait une faute grave. (Aujourd’hui, ce n’est
plus le cas). Parfois, on est donc un peu dérangé par la notion d’intérêt légitime on a
l’impression que ça permet au juge de se débarrasser de certaines actions pour des motifs
moraux, éthiques. Il faut donc faire attention aux convictions personnelles et aux leçons de
morale.
Sect. II : la demande
Techniquement, la demande se distingue de l’action, parce que c’est l’acte de procédure qui véhicule
l’action ; c’est l’instrumentum, qui exprime l’action ! (Il ne faut pas confondre action et demande !) De
plus, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à la demande : on peut introduire une autre demande,
pour véhicule l’action. On peut aussi se désister d’une demande, sans se désister de l’action-même.
§1 Définition et portée
A Définition
La demande = l’instrumentum qui exprime l’action. Elle véhicule l’action.
Contre-exemple : (arrêt de 1983 (Cass.), sur un litige de dette de somme) nous sommes devant
un Trib. de police ; je suis demandeur victime ; en face de moi il y a le défendeur + l’assureur.
En première instance, j’assigne le défendeur et je perd mon procès (le Trib. de police considère
qu’aucune faute n’a été commise). Mon avocat veut faire appel. Mais à quoi ça sert d’avoir
deux adversaires ? On multiplie les coûts ! Je ne fais appel que contre l’assureur, devant le
TPI. La Chambre civile du TPI réforme la décision du Trib. de police. Le Trib. de 1 ère instance se
prononce dans un jugement de réformation : l’automobiliste est responsable de l’accident
l’assureur est amené à payer. On a à faire à deux jugements totalement incompatibles :
l’automobiliste n’est pas responsable VS l’automobiliste est responsable. Est-ce indivisible ? La
Cour de cass. dit que non pourquoi ? L’exécution conjointe (= les exécuter en même temps)
des deux décisions reste matériellement possible : faire exécuter une décision de mise hors
cause, c’est facile (« tu me dois €0 ») + faire exécuter à l’encontre de l’assureur un paiement,
c’est possible (« tu me dois €100 000 »). Juridiquement, c’est incompatible, mais
matériellement, c’est possible !
Exemple : les actions d’état, en matière d’filiation. Imaginons qu’on fasse deux procès
distincts : un contre la mère, un contre le père ; que le Trib. de la famille dise « l’enfant X est
bien l’enfant d’A et de B, et que, en degré d’appel – alors que B n’est pas là – le juge dise « B
n’est pas le père ». L’état d’une personne est INDIVISIBLE ! (Pour d’autres exemples : voy. le
sylla). Autre exemple : en matière de revendication je suis créancier ; j’ai une créance vis-à-
vis de quelqu’un ; je saisie la voiture dont je pense qu’elle est à mon débiteur, mais je me
trompe : c’est la voiture de son partenaire. Le partenaire est capable de prouver son achat, via
un bon d’achat (art. 1514 C.Jud.). Imaginons mener ce procès de façon fragmentée : tel juge
dessaisi dirait « la voiture est bien au débiteur », un autre dit « la voiture est au partenaire ».
On ne peut pas exécuter matériellement les deux décisions ! Dernier exemple : en matière de
successions les héritiers se disputent ; on ne peut pas avoir un juge qui dit que l’immeuble
est au fils, et un autre juge qui dit que l’immeuble est à la fille. En conséquence, un litige
successoral est indivisible.
Question d’examen de LLN ( !! ) : l’art. 31 annonce la couleur ; il n’y a indivisibilité qu’au sens
des articles mentionnés à cet article. Cet article ne s’applique que qu’une fois le procès intenté,
Dans certains cas, le Code Judiciaire et la Cour de cass. dérogent à l’idée selon laquelle le/les
défendeur(s) est/sont présent(s) à la cause, par souci d’égalité des armes. En d’autres termes :
le litige est unilatéral. En droit Anglo-Saxon, on dit ‘ex parte’. À titre TOUT À FAIT
exceptionnel, de façon restrictive, le Code Judiciaire et la Cour de cass. dérogent à l’exigence
fondamentale de l’égalité des armes et des droits de la défense (un minimum, c’est que le
défendeur soit convoqué). Dans ces cas-là, le demandeur agit SEUL, sur requête unilatérale. (~
le super-référé : art. 584, dernier alinéa). Révisons la matière de cet article dans des cas
exceptionnels, la Cour/le Code admettent l’introduction du litige par requête unilatérale.
Quels sont les cas ?
A) L’extrême urgence/l’absolue nécessité. Le délai de référé de deux jours est trop long. Même
le référé d’hôtel est trop lent. ‘Il y a le feu’ : il faut agit vite ! C’est donc le cas de requête
unilatérale d’absolue nécessité/d’extrême urgence.
B) Les procédures gracieuses. Là où le juge intervient, non pas pour trancher un litige, mais pour
homologuer. P.ex. : renouvellement du bail commercial devant le juge de paix.
C) Le Code Judiciaire veut ménager un effet de surprise au demandeur et lui offre une requête
unilatérale. P.ex. : le cas du juge des saisies il y a ce qu’on appelle la saisie conservatoire,
c’est-à-dire le juge autorise au créancier à saisir conservatoirement un élément du patrimoine
du débiteur, sans passer à l’exécution. Imaginons qu’on doive introduire contradictoirement
cette procédure « cher débiteur, je t’assigne pour obtenir l’autorisation de saisir ta voiture,
ton mobilier… ». Le débiteur, aussitôt que l’huissier de justice sera parti, va cacher ses biens.
D) (Ajouté par la Cour de cass.) Dans le contentieux des litiges collectifs de travail (= grève). On
s’est posé la question plus haut : « y a-t-il une compétence dans l’ordre judiciaire pour faire
lever un piquet de grève ? Oui, la Cour de cass. l’admet. Elle admet une compétence du juge
des référés du TPI (volet compétence) ! S’agissant du volet de procédure, il y a aussi une
particularité : parfois, il y a absolue nécessité/extrême urgence, mais parfois, il y a aussi
impossibilité de toute bonne foi d’identifier qui seront les grévistes qui seront là. Dans ce cas-
là, la Cour de cass. (depuis 1999, arrêt Delhaize) admet qu’une requête unilatérale soit
introduite.
- Il faut un objet.
L’objet n’est pas défini par le Code Judiciaire. Il faut regarder ce que la doctrine et la Cour de
cass. disent. Aujourd’hui (depuis 2017 (arrêt du 14 décembre 2017)), la Cour de cass. définit
l’objet comme étant le résultat factuel, postulé par le demandeur « quel est le résultat
concret/factuel qu’il demande (la somme, propriété, faire/pas faire…) ? ». La notion d’objet
est importante car notre droit judiciaire interdit au juge de s’écarter de l’objet. Nous verrons
ensemble un principe qui s’appelle le principe dispositif (P. 256 SYLLA) (≠ « le principe DU
dispositif » dispositif est un adjectif !). En vertu de ce principe, qui trouve sa traduction dans
l’art. 1138, °2 C.Jud. : interdiction faite au juge de modifier l’objet de la prétention. Dans notre
droit judiciaire moderne, les parties ont la libre disposition de leur droit. Le juge, dans une
approche néolibérale qui est la nôtre (celle du Code Civile) a l’interdiction de s’ériger en État
providence ; de s’ériger en pourvoyeur de bien-être il est lié par la prétention du
demandeur. C’est ainsi que le juge ne peut pas statuer ultra petita (= au-delà des objets). Le
juge ne peut pas statuer extra petita non plus, et accorder autre chose que ce qui est
demandé ! Statuer infra petita n’est pas possible non plus. Un exemple : le cas de litige
alimentaire. Un créancier alimentaire sollicite la condamnation du débiteur alimentaire, à
verser une contribution alimentaire de €500 par mois. Le débiteur se reconnaît redevable que
de €350. Le juge fait tourner la méthode Renard (c’est une méthode logicielle) et tombe sur
€300. Il obéit et n’accorde que €300 le créancier va en cassation, car le juge a statué ultra
petita. Le défendeur se reconnaissait redevable de €350 pas question pour le créancier de
taper en-dessous de la fourchette !
Nuance, avant de rentrer en controverse : dans certains cas, le juge peut sortir de cette réserve
(pas d’extra-, ultra-, infra petita) typiquement : en matière d’accidents du travail (Loi d’avril
1971). Là, l’art. 5 de cette Loi prévoit, à titre exceptionnel, que le Trib. du travail a l’obligation
d’accorder à la victime toutes les indemnités lui revenant, au regard de la loi, quand bien
même la victime demanderait moins (Trib. du travail, compétence exclusive) ! L’autre cas
typique, c’est le cas de l’astreinte. Le juge ne peut pas d’office assortir sa décision d’astreinte
(il faut le lui demander). Quant au montant par contre, si le juge estime qu’il n’est pas assez
dissuasif, il peut l’augmenter. Exemple : conflit de voisinage on demande au voisin de tailler
EXEMPLE 2 : contrat de promotion immobilière. Des gens achètent un appartement sur plan.
La Loi Breyne 1971 dit qu’un contrat d’achat sur plans suppose nécessairement l'assistance
d’un architecte. Un litige survient entre un couple de retraités acheteurs et l’entreprise. Un
procès s’engage. Il y a une action en exécution forcée, et l’autre agit reconventionnellement
en malfaçon. Le juge dit : « mais enfin, ce contrat a été passé et exécuté sans architecte. Ce
contrat était affecté d’une cause de nullité. C’est d’ordre public je vais l’annuler. Les parties
disent – d’un commun accord - : « juge tais-toi, nul ne t’a demandé d’annuler le contrat. On
est en dispute sur l’exécution, personne ne veut annuler ce contrat. » Le juge pète un câble
il annule d’office le contrat et pour être bien sûr, la Cour d’appel de Gand ordonne à un huissier
de justice d’aller transcrire son arrêt à la conservation des hypothèques. Comme ça, il y a
publicité foncière. Idée : « moi juge, je suis gardien de l’ordre public ». La C. cass. casse
néanmoins cette décision, au motif qu’on a beau être au sommet de l’ordre public mais le
juge ne peut pas annuler un contrat quand on ne le lui a pas demandé (Cass., 28 septembre
2012). Un juge ne peut pas annuler d’office un contrat, quand bien même il est contraire à
l’ordre public. Qu’aurait-il dû faire ? Le juge devait repousser les deux demandes et dire
qu’elles avaient un intérêt illégitime (in pari causa + nemo auditur), mais il ne pouvait pas
annuler d’office. Ça, c’était jusqu’il y a peu. Récemment, la Cour de cass. a rédigé un arrêt du
4 septembre 2020. C’est un arrêt très surprenant : la Cour dit dans cet arrêt que : « confronté
à un contrat affecté d’une violation de l’ordre public, le juge peut annuler ce contrat, quand
bien même ça ne lui est pas demandé, par qui que ce soit » revirement complet !! On doit
retenir cet arrêt, qui rompt avec une tendance constante.
Un autre élément concernant l’objet, c’est que le juge doit repousser une demande dont
l’objet est contraire à l’ordre public : postuler un objet contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre
public, c’est faire défaut à l’intérêt légitime.
Si vous disiez que l’objet, c’était le résultat tel qu’emballé par le demandeur (= conception
juridique de l’objet), le rôle d’office du juge est assez limité : il ne peut requalifier une
qualification maladroite. Si par contre, vous développiez une conception plus factuelle de
l’objet, c’est-à-dire l’objet que je ne peux pas modifier moi juge, c’est le résultat concret,
qu’importe sa qualification juridique là, le juge a un rôle plus actif.
Pendant des années, les deux conceptions se sont employées ; c’était la controverse la plus
grande en droit judiciaire. On voit deux visages différents de la fonction de juger (une
conception plus humaine VS une conception plutôt étroite, très ‘Montesquieu’). Longtemps,
la Cour de cass. se ralliait à la conception juridique, Montesquieu.
DEUX EXEMPLES :
o Arrêt du 8 février 2001 : c’est l’histoire d’un détaillant qui achète à un grossiste du
beurre. La livraison s’avère catastrophique. Le beurre menace de péremption quasi
immédiate. Il ne peut pas vendre la marchandise. Il agit à Liège et il dit qu’il y a eu vice
de consentement (= dol). En termes probatoires, le dol est difficile à prouver. Son
procès échoue sur le plan probatoire. Le juge liégeois écoute son bon cœur et
requalifie la vente : non-conformité de la chose vendue. Le juge liégeois résout la
vente pour inexécution fautive grave. En termes de résultat économique, c’est
rigoureusement la même chose que le dol : le contrat est par terre, anéanti, avec effet
rétroactif. Le juge n’accorde pas plus que ce que le détaillant avait demandé. Pourtant,
la décision du juge de Liège se voit cassé. La Cour d’appel de Liège a modifié l’objet !
Cette conception devenait intenable et injuste, dans le sens le plus noble du mot
« justice ». Le sens de la justice, n’est-il pas de rendre la justice ? N’est-ce pas exagéré
que le justiciable soit puni, pour erreur de qualification ? Oui : c’est intolérable. La
doctrine et la jurisprudence de fond ont protesté contre cette jurisprudence formaliste
de la Cour de cass. ( !! ) Par un arrêt du 23 octobre 2006, la Cour de cassation, en
audience plénéaire, a fait un revirement de jurisprudence. Il s’agissait d’un cas de
contrat de travail. Typiquement, qu’est-ce qu’il se passait jusqu’en 2006 ? Le
malheureux travailleur agissait contre l’employeur pour demander de lui payer des
arriérés de rémunération (= indemnité compensatoire de préavis). Or, il apparaissait
souvent que la prescription avait faite son temps. Le délai est d’un an (art. 15 de la Loi
de 1978 sur le travail). Souvent, ces personnes se faisaient gruger. N’écoutant que
leur bon cœur et leur esprit de juriste, qu’avaient fait de nombreuses Cours du travail ?
Elles avaient dit : « on débaptise ce problème et on le dénomme dommage et intérêt,
né en vertu de l’infraction de non-paiement de la rémunération ». Ne pas payer son
dû à son travailleur, est une infraction pénale. Cette infraction ne se prescrit qu’en 5
ans ! La Cour de cassation a dit que cette modification d’objet était non seulement
possible, mais aussi obligatoire le juge doit dire le droit et substituer le fondement
juridique approprié, pourvu qu’il ne touche pas au résultat factuel (= la somme : il ne
peut accorder 70 000 euros, si la victime demande 60 000 par exemple).
8e cours
Est-ce pour autant que ce pouvoir ( fait adventice)/devoir ( fait spécialement invoqué) est sans
limites ? Non il y a des balises, qu’on peut diviser en trois branches :
a) Le principe dispositif lui-même : le juge ne peut faire n’importe quoi. Il doit, malgré tout, rester
dans la corbeille des faits. Il ne peut aller piocher les faits ailleurs quand dans les dossiers des
parties. Il est lié par les faits que les parties lui apportent + les mesures d’instruction lui
apportent (il peut faire désigner un expert, faire une descente sur les lieux…). Si le juge le
faisais, il violerait gravement le principe dispositif. Quelques exemples :
a. (Cas célèbre) : infanticide, jugé par la Cour militaire. L’affaire est ensuite arrivée devant
la Cour de cass. Un militaire fût accusé d’avoir empoisonné ses deux enfants. Les juges
avaient tenu un délibéré au cours duquel ils étaient allés sur Internet. Ils avaient fait
des recherches sur la toxicité du produit retrouvé dans les cannettes de Fanta des
petits enfants. Ils avaient rajouté leurs recherches personnelles dans leur arrêt. La
Cour de cass. casse la décision, pour violation du principe dispositif, violation de la
cause, parce que nul n’avait mis dans le débat (donc ni la partie civile, ni le Procureur
du Roi) ces faits-là. Biensur, les juges font leurs propres recherches, dans la solitude
de leur délibéré. Personne ne les empêche de faire cela. Mais, les juges doivent veiller
à ne pas mélanger les propres recherches avec les faits du dossier. Ils ne peuvent
inventer/piocher d’autres faits. C’est une violation du principe dispositif le
jugement se fera casser.
c) Les parties peuvent, par un accord procédural, neutraliser les pouvoirs et les devoirs du juge.
Conscientes que le juge peut ‘dire ceci, et dire cela’, les parties peuvent dire : « pour telle ou
telle raison, nous concluons un pacte, au terme duquel nous allons interdire au juge de
soulever un certain fondement ». C’est rare, mais possible. La Cour de cass. met en avant le
principe et dit qu’un accord procédural lie les parties et le juge. Toutefois, elle fournit aussi
deux précisions :
a. Les accords procéduraux doivent être explicites. Exemple d’un cas, en 2008-2009, à
Liège. Deux jeunes avocats interviennent. Les deux avocats fût interpellés par des
magistrates : « depuis le début de la matinée, vous plaidez sur un contrat de vente et
votre adversaire aussi. Avez-vous envisagé une autre qualification juridique, comme
un contrat d’entreprise, de vente… ? ». Les avocats répondent : « non, nous n’avons
jamais plaidé la qualification contrat d’entreprise. » Le siège prend l’affaire en délibéré
et dit que, attendu que les parties ont invoqué exclusivement le contrat de vente et
non d’autres qualifications juridiques, le bref délai est expiré et l’action est irrecevable.
Heureusement, l’arrêt est cassé en 2009 la Cour de cass. dit : « attention, il n’y a
pas d’accord explicite entre parties ». Les avocats + parties n’y avaient simplement pas
songé jusque-là. Ce n’est pas pour autant qu’elles y ont explicitement et
définitivement renoncé. Il faut donc bien un accord explicite, c’est-à-dire non
équivoque, réfléchi.
c. Les parties, confrontées à une règle d’ordre public d’un genre particulier, pourraient
conclure un accord. Il s’agit de la renonciation à une règle d’ordre public de droit
judiciaire. On a vu un arrêt du 10 octobre 2002, où le prof nous a parlé de victimes,
qui avaient perdu et reperdu devant des juges incompétents (compétence exclusive
d’ordre public). Un jour, elles se sont pointées devant la Cour de cass. pour dire que
les juges étaient incompétents. La Cour rejette leur moyen pour déloyauté. Revenons
sur ce terrain-là, et prenons un autre exemple. Un autre arrêt, du 1 er mars 2012
une partie, absolument sure de son fait, prétend à la condamnation de son adversaire :
il doit lui verser une indemnité de procédure colossale = l’indemnité de procédure
maximale. Cette partie perd. La Cour d’appel dit : « l’indemnité de procédure que tu
réclamais de ton adversaire, tu devras la payer toi ». Le boomerang retourne. Cette
partie va en Cassation. L’indemnité de procédure ne s’applique pas, elle dit. Le
juge répond : « la règle a beau être d’ordre public, mais vous avez conclu un accord
dans lequel vous dites que ces règles s’appliquent et que l’indemnité est évaluée à
autant ». Il est donc possible de conclure un accord procédural, contraire à des règles
d’ordre public de PROCÉDURE ( !! ) (= de droit judiciaire). Attention, l’accord contraire
à l’ordre public matériel, quant à lui, n’est jamais possible !
o Le juge ne peut pas omettre de statuer sur une demande (art. 1138, °3 C.Jud.). Selon
cet article, le juge encourt le recours s’il omet (= il oublie) de statuer sur une demande.
(REMARQUE : dans un cas avec beaucoup de postes, ça peut arriver à chaque juge
d’oublier de statuer. Pourtant, s’il oublie de statuer sur un des postes, il y a omission
de statuer…). Pour ce motif, l’arrêt pourrait encourir un appel/une cassation.
‘Remède’ : depuis 2014, le Code Judiciaire comporte une nouvelle disposition
pratique : l’art. 794/1 C.Jud. L’art. 794/1 permet au juge de réparer une omission de
statuer (il alloue les intérêts qu’il a oublié, il accorde les dommages qu’il a oublié, et
ainsi de suite).
= les effets POSITIFS.
Il y a aussi des effets NÉGATIFS :
o Art. 1138, °2 C.Jud. le juge ne peut pas méconnaître l’objet, ni la cause de la
demande : il est limité par l’objet et la cause qui lui sont présentés. Mais depuis 2005-
2006, la Cour de cass. réserve quelques pouvoirs (voire des obligations) au juge : le
juge est cantonné par l’objet, mais l’objet = le résultat factuel. Certes, il est cantonné
par la cause, mais la cause = le fondement factuel. Il a le pouvoir de dire le droit
correctement.
o L’introduction d’une action en justice a des effets en termes d’intérêts : elle fait courir
les intérêts judiciaires. Ils succèdent aux intérêts moratoires, eux dû en raison de la
‘mora’ = la mise en demeure.
En ce qui concerne les conditions procédurales, nous avons en vu deux articles du Code Judiciaire,
notamment l’art. 808 (pour la demande additionnelle) et l’art. 807 (pour la demande nouvelle).
- Qu’est-ce ? Art. 808 C.Jud. : « En tout état de cause, même par défaut, les parties peuvent
réclamer les intérêts, arrérages, loyers et tous accessoires dus ou échus depuis l'introduction
de la demande, et même les augmentations ou dommages-intérêts ultérieurement justifiés,
sans préjudice des sommes dues en compensation. » (C’est un article très important !!) Il s’agit
de la demande par laquelle une des parties (le demandeur principal, sur ça demande
introductive OU le défendeur, qui introduit une demande reconventionnelle) peut faire une
demande additionnelle par cette demande, se demande un accessoire prévisible du
montant réclamé initialement (p.ex. : les intérêts judiciaires (ceux qui sont échus depuis la
demande principale)).
- Qu’en est-il de la forme ? Dans l’art. 808, on parle de conclusions. L’art. 809 rajoute : « Entre
parties en cause, les demandes incidentes sont formées par conclusions, déposées au greffe, et
[1 envoyées]1 aux autres parties, ainsi qu'il est dit aux articles 742 à 746. »
- Quid de la recevabilité ? Les conditions sont plus souples que celle de la demande nouvelle.
L’art. 808 nous dit qu’à TOUT moment du procès (et même par défaut), on peut faire une
demande additionnelle. C’est un régime très souple. On peut le faire jusqu’à la veille de
l’audience et même par défaut.
- (IDEM que pour la demande additionnelle) Qu’en est-il de la forme ? Qu’il s’agisse d’une
demande additionnelle ou d’une demande nouvelle : une simple conclusion suffit.
C’est normal : on est déjà au procès donc des simples conclusions suffisent.
- Quid de la recevabilité ? Le Code Judiciaire corse un peu le régime ici, car le changement est
plus intense. Art. 807 C.Jud. : « La demande dont le juge est saisi peut être étendue ou
modifiée, si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un
acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente.» Commençons
par la fin de l’article. « Même si leur qualification juridique est différente », c’est-à-dire que
quand, en tant qu’avocat, on se contente de changer le fondement juridique, il n’y a pas de
demande nouvelle. Ce n’est qu’une rectification de dire juridique. L’art. 807 nous dit que, pour
faire une demande nouvelle (changement d’objet ou changement de cause), il faut respecter
deux conditions :
- (IDEM que pour la demande additionnelle) Quid de la recevabilité d’introduire une demande
additionnelle/nouvelle en degré d’appel, pour la première fois ? Le double degré de juridiction
n’est pas un droit fondamental en droit belge ; il n’est pas garanti par nous cours suprêmes. La
Cour de cassation admet la possibilité de former pour la première fois, en degré d’appel, une
demande additionnelle/une demande nouvelle. On dit que l’appel est une voie d’achèvement.
La réponse est la même que pour la demande additionnelle il n’y a rien dans le Code
Judiciaire qui est spécifique à la demande nouvelle, formée pour la première fois en degré
d’appel. Par conséquent, la réponse est oui, c’est recevable : l’art. 1042 invite à copier-coller
l’art. 807, en degré d’appel. Ça signifie que le demandeur originaire peut parfaitement, pour
la première fois en degré d’appel, former une demande nouvelle. À quelles conditions ? Voy.
les conditions de l’art. 807 ! Il faut respecter le contenu de l’art. 807 (la condition de fond + la
condition de forme).
- (IDEM que pour la demande additionnelle, mais avec une petite réserve) En ce qui concerne la
matière de compétence rappel : la demande additionnelle ne change rien à la compétence
du juge saisi de la demande principale. Pourquoi ? Règle du rétroviseur. On se moque de savoir
s’il y a une demande additionnelle/nouvelle, car ce qui compte c’est la demande telle qu’elle
est initialement formée.
Réserve : si tout d’un coup, on avise au titre de demande nouvelle, de tomber dans une
compétence exclusive, il y aura un déclinatoire d’ordre public. Toutefois, le cas est très rare :
la règle du rétroviseur fait que la demande additionnelle/nouvelle indiffère.
(Le tiret du ressort, on le ‘met au frigo’. On doit simplement connaître la base légale, art. 618 C.Jud.)
P. 201 SYLLA : demande d’un genre particulier, la demande pour obtenir du juge une mesure avant
dire droit. Ce n’est pas une demande principale, ce n’est pas une demande incidente c’est un cas
particulier. Le fondement légal est l’art. 19, al. 3 C.Jud. On verra les conditions plus tard.
On a aussi vu la procédure en référé familial. Un élément doit être rajouté ici : l’art. 1253ter/7 prévoit
un mécanisme particulier, propre au Trib. de la famille, notamment la saisine permanente. On peut
- Qu’est-ce ? Art. 563 C.Jud. (voy. supra) on a déjà vu ce qu’est une demande
reconventionnelle. On l’a vu dans la partie des compétences. L’art. 14 du Code Judiciaire : la
demande reconventionnelle est la demande qui émane du défendeur qui, non seulement se
défend de la demande principale, mais aussi qui contre-attaque (il forme une demande à
l’encontre de son demandeur).
- Qu’en est-il de la forme ? La base légale de l’art. 809 nous dit que, entre parties déjà à la cause,
la demande se forme par simple conclusion.
- Puis-je moi, en tant que défendeur originaire, pour la première fois en appel, former une
demande reconventionnelle contre mon demandeur originaire ? Deux remarques d’abord
(une de principe et une de ‘casting’) :
o De principe on s’attend à une réponse positive de la Cour de cass.
o De casting on parle du DÉFENDEUR ORIGINAIRE qui introduit une demande
reconventionnelle en appel. On ne parle pas des notions d’appelant et d’intimé.
On s’attendrai à une réponse du type 1042 C.Jud. On croirait donc qu’un copier-coller suffit.
Toutefois, depuis 40 ans, la Cour de cass., suivie par la Cour const. ne dit pas ça : le défendeur
originaire peut le faire, MAIS pour ce faire, il doit respecter les conditions de l’art. 807 (= les
conditions de la demande nouvelle !). La demande reconventionnelle doit donc se fonder sur
un fait/un acte que le demandeur originaire avait invoqué lui (ce qui n’est PAS exigé en
première instance). Au départ, certains ont dit qu’il y avait dans cette décision une violation
de la loi. L’art. 1042 n’impose pas de conditions ! À première vue, c’est vrai. Cependant, la
réponse est justifiée au regard de la règle de l’égalité des justiciables devant la loi. Les cours
suprêmes veulent mettre les deux parties sur un même pied d’égalité, face à l’absence du
double degré de juridiction !
Art. 15 : « L'intervention est une procédure par laquelle un tiers devient partie à la cause.
Elle tend, soit à la sauvegarde des intérêts de l'intervenant ou de l'une des parties en cause,
soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie. »
Art. 16 : « L'intervention est volontaire lorsque le tiers se présente afin de défendre ses intérêts.
Elle est forcée lorsque le tiers est cité au cours d'une procédure par une ou plusieurs parties. »
Petit casus pour illustrer : une intervention forcée conservatoire ; nous sommes parties à un
procès (Primus et Secundus) ; Secundus soulève un problème de nullité de la citation (de la
recevabilité pour un problème (défaut d’intérêt, défaut de qualité…)) ; Primus fait citer en
intervention forcée conservatoire son huissier et son avocat. L’idée = « Monsieur l’avocat et
Mme l’huissier, si jamais Secundus a raison et que le juge vient à dire que la citation que vous
avez rédigée est nulle/irrecevable, vous devrez mettre le chapeau ».
- Qu’en est-il de la forme ? Art. 813 C.Jud. : il est un peu plus subtil que l’art. 809 ! Attention, le
Code Judiciaire parle de L’intervention judiciaire, mais il y en a deux : il devrait parler DES
interventions judiciaires.
Art. 813 : « L'intervention volontaire est formée par requête, qui contient, à peine de nullité,
les moyens et conclusions.
- Quid de la recevabilité ? Quelles sont les conditions des 4 demandes en intervention ? La base
= capacité, intérêt, qualité : il les faut toujours. Un élément de VARIATION/de NUANCE s’y
ajoute, car la Cour de cass. considère que l’intérêt à démontrer pour des interventions
conservatoires volontaires s’apprécie plus souplement !
De plus, faut-il qu’il y ait entre la demande principale et les demandes en intervention un lien
de connexité ? Oui !! Les juridictions sont fermes là-dessus : pas question de faire débouler un
tiers au procès qui n’a rien à voir avec la demande principale. Il faut véritablement un lien de
rattachement.
En troisième lieu, le Code Judiciaire ajoute d’autres conditions de recevabilité en première
instance pour les demandes en intervention.
La première condition est issue de l’art. 812, al. 1er C.Jud. : « L'intervention peut avoir lieu
devant toutes les juridictions, quelle que soit la forme de la procédure, sans néanmoins que des
actes d'instruction déjà ordonnés puissent nuire aux droits de la défense. »
L’idée = vous êtes tiers et vous êtes appelés à prendre le train en marche. Les droits de la
défense du tiers ne peuvent être violés par une mesure d’instruction déjà ordonnée. L’art. 812,
al. 1er ne pose pas de problème pour les deux types de demande en intervention volontaire !
Le tiers qui intervient volontairement (après avoir appris qu’un procès a lieu) le fait en pleine
connaissance de cause. S’il estimait que ses droits à la défense sont violés, il n’interviendrait
pas.
En ce qui concerne les interventions forcées au contraire la jurisprudence de fond et la
jurisprudence de la Cour de cass. se montrent très laxistes (selon le prof même trop) vis-à-vis
des intervenants forcés conservatoires. Selon ces jurisprudences, le tiers peut intervenir à un
moment tardif du procès, alors que l’expertise est déjà en route, puisqu’il n’y a pas vraiment
de condamnation à sa charge. Après le moment où le jugement a été rendu, la question se
pose : est-ce que ce jugement est opposable aux tiers ?
Les droits de la défense sont quand même menacés. Il faudrait donc être souples, certes,
mais ne pas exagérer.
Autre condition : art. 814. Selon cet article, l’intervention ne peut retarder le jugement de la
cause principale. C’est le ‘frère’ de l’art. 810 C.Jud. Toutefois, cet article est plus court : il
n’ordonne aucune sanction. La jurisprudence a donc comblé cette lacune qu’arrive-t-il
lorsque le tiers (volontaire/forcée) est tardif (= la formulation de la demande en intervention
est tardive) ? De deux choses l’une : soit l’intervention dénote par sa tardivité de la
déloyauté/de l’abus de droit/de la négligence… dans ce cas-là, la Cour de cass. dit que c’est
irrecevable. La punition est donc l’irrecevabilité. Soit l’intervention est arrivée en retard, mais
l’intervenant n’y est pour rien (problème de responsabilité médicale, par exemple, où on a
fallu faire une expertise très fine on s’est aperçu que le problème n’était pas d’ordre
chirurgique ; c’était un problème d’anesthésie). Dans les cas où il n’y a donc pas eu de
problème de négligence (par exemple), la Cour de cassation préconise ce qu’on appelle la
disjonction on traite d’abord la demande principale (pour qu’elle ne soit pas retardé), puis
la demande en intervention.
- (Examen !!) Quid d’une demande en intervention formée pour la 1ère fois en degré d’appel. Il
s’agit de juger pour la première et dernière fois un tiers où de juger de l’action formée par un
tiers en degré d’appel. Ce tiers n’était PAS là en première instance. La porte n’est pas
totalement verrouillée !! Art. 812, al. 2 C.Jud. : « L'intervention tendant à obtenir une
condamnation ne peut s'exercer pour la première fois en degré d'appel. » Les deux
interventions agressives (volontaire/forcée) sont exclues. On irait trop loin, dit la loi ! Ce serait
trop préjudiciable. A contrario, la Cour de cass. dit : « il reste les demandes en intervention
conservatoires ! » Donc une intervention conservatoire (volontaire/forcée) est RECEVABLE en
degré d’appel. La Cour de cass. l’a toujours dit. Or, certaines cours du travail et cours d’appel
et certains auteurs disent : « attention à l’abus de droit !! ». Souvent, dans ce genre de
situations, les droits de la défense du tiers ne sont PAS respectés. Sur ce, la Cour de cass. a
rendu un arrêt du 28 juin 2020 (n° de rôle : C.18.0287.N). Elle dit que toute demande en
intervention forcée conservatoire en degré d’appel est recevable, point. Pas d’appréciation de
tardivité, d’abus de droit, etc. Le prof trouve que c’est très menaçant pour le tiers de dernière
minute !
Dernièrement, est-ce que je pourrais faire venir en intervention, en degré d’appel, un pseudo-
tiers (= quelqu’un qui était partie en première instance) ? En 2015, la Cour de cass. a répondu
à cette question (arrêts du 9 et du 15 octobre). Non, ne peuvent intervenir en degré d’appel,
à titre conservatoire, que des VRAIS tiers !
(Remarque (voy. infra) : nous verrons qu’il y a des possibilités de reconstituer le casting en
degré d’appel, mais ce n’est pas via une intervention (on appelle cela l’appel provoqué il
permet de reconstituer le litige).)
- Quid de l’incidence des quatre demandes en intervention sur la compétence du premier juge ?
Art. 564 C.Jud. : le juge compétent connaît de la demande principale et de la demande en
intervention. Il y a donc toujours prorogation de compétence. Par contre, attention aux
compétences exclusives !!
- (Incidence d’une demande en intervention sur le ressort ? voy. infra (mai) artt. 620 et 621
C.Jud.)
9e cours
Pourquoi ce paragraphe parle-t-il de « demande introductive » ? Toutes les demandes – qu’elles soient
principales/introductives ou incidentes – finissent par emprunter toutes les mêmes formes. Soit
certaines demandes incidentes s’introduisent par voie de conclusion, soit les demandes
(principales/incidentes) s’introduisent selon 4 modes introductifs.
LA CITATION (1-). Pourquoi le Code Judiciaire privilégie-t-il la citation, comme on le voit à l’art. 700
C.Jud. ? Art. 700 : « À peine de nullité, les demandes principales sont portées devant le juge au moyen
d'une citation, sans préjudice des règles particulières applicables aux comparutions volontaires et aux
procédures sur requête. Les actes déclarés nuls pour contravention à la présente disposition
interrompent la prescription ainsi que les délais de procédure impartis à peine de déchéance. » « À
peine de nullité » ( théorie de nullité, on l’étudiera plus tard). Pour l’instant, ce qui importe, c’est le
choix du législateur. Il a une préférence pour la citation. Cette préférence se manifeste ainsi : « si la loi
ne précise rien, il faut utiliser la citation, à peine de nullité tu ne peux recourir aux autres modes
introductifs que quand c’est prévu par la loi ». Pourquoi ? Car la citation, qui est un exploit d’huissier
(= acte solennel, accompli avec beaucoup de précision) est formé en tout soin, un max de précision,
etc. Tout est fait pour que le défendeur prenne connaissance de l’acte qui le convoque au Trib. Les
autres modes sont moins certains en termes de sécurité juridique/judiciaire. Alors pourquoi y a-t-il
d’autres modes ? Parce que la citation est le mode le plus cher ! Cette sécurité judiciaire a donc un
prix ! Il FAUT passer par l’huissier de justice. C’est pour cette raison que, dans certains cas – où on veut
surtout protéger d’autres intérêts économiques plus sensibles – le législateur lâche un peu de laisse et
autorise d’autres modes.
Deux scénarios :
a) Le législateur fait un choix et autorise d’introduire le litige par requête bilatérale (moyen moins
sûr, mais moins cher). Le législateur prévoit la requête de plus en plus d’ailleurs. Or, même si
j’ai le droit d’utiliser la requête, j’utilise plutôt la citation. Qu’advient-il ? Suis-je sanctionné ?
Non, pas tout de suite : qui peut le moins, peut le plus. J’ai le droit d’utiliser le mode le plus
sûr. Mais alors, quid des frais ? Art. 1017 C.Jud. : il prévoit que les frais somptuaires (= ceux
qui sont exposés en faute de celui qui les commet) restent à charge de celui qui les expose. Le
demandeur garde donc, à sa charge, la différence de coûts entre la citation en justice et la
requête bilatérale. Cela étant dit, ce n’est pas toujours une faute de recourir à la citation. Il y
a des cas limites où je ne peux pas prouver l’adresse de mon défendeur, par exemple (car il est
inscrit nulle part). dans ce cas, la demande n’est pas sanctionnée.
b) Autre cas plus vache : je ne suis pas autorisée à utiliser une requête contradictoire. Je suis
distrait et j’introduis une requête alors que je n’ai pas le droit. Art. 700 je suis coupable
d’un choix sanctionné d’une nullité. Toutefois, ce n’est pas ‘un drame’ : les cas de nullité sont
de plus en plus bénins, couverts, réparés (voy. P. 235 et s. SYLLA). De plus, même si la requête
est déclarée nulle en raison de la violation de l’art. 700, elle aura quand-même un effet
interruptif de prescription ! Certes, le litige doit être réintroduit proprement, mais l’effet
interruptif joue bel et bien.
Rappel : il y a des cas rares, dont on doit en retenir un = l’art. 1253ter/4 C.Jud. : dans ce cas-là (devant
le Trib. de la famille, confronté aux cas chouchous), par faveur du législateur, la loi m’offre une
véritable palette de choix (citation/requête il n’y a pas de podium de préférence).
L’huissier de justice reçoit du justiciable/de son avocat un projet de citation, où les prétentions sont
articulées. L’huissier met cela en belle forme. Ensuite, il signifie cette citation. Pour ce faire, il a une
feuille de rôle ( il va chercher les destinataires de la citation). Il ne fait cela qu’après avoir ajouté la
date à laquelle le ou les défendeurs seront convoqués en justice sur la citation. On appelle ça la date
de l’introduction. Jusque-là, la juridiction d’introduction n’est pas encore saisie. L’huissier doit donc
inscrire la citation au rôle général de la juridiction compétente/saisie (inscription au rôle : artt. 711 à
717 C.Jud.). L’inscription au rôle, quid ? On se rend au greffe de la juridiction compétente et on y inscrit
administrativement la citation. La citation reçoit un numéro de rôle général. Il faut procéder (nous
disent les artt. 716 et 717) au plus tard la veille de cette audience d’introduction. Sauf exemption
légale, chaque inscription de citation/de requête appelle le paiement d’un impôt indirect qu’on appelle
le droit de greffe/de rôle. Jusqu’il y a peu, il fallait que le justiciable demandeur acquitte ces droits de
rôle, qui – en cas de victoire – étaient récupérés après coup. Aujourd’hui, il y a une mesure fiscale
favorable pour favoriser l’accès du justiciable au Trib. : art. 269 exposant 2 du Code des droits
d’enregistrement et de droits de greffe le droit de greffe n’est payé qu’à la fin du procès par la/les
personne(s) que le juge désignera (par le gagnant, moitié-moitié…). Finalement, il n’y a plus qu’à
attendre le procès. L’huissier a fait son job.
Si les parties ou l'une d'elles le demandent dans la requête, ou si le juge l'estime nécessaire, ce dernier
fixe une audience dans les quinze jours du dépôt de la requête. Les parties et, le cas échéant, leur conseil
sont alors convoquées par le greffier à comparaître à l'audience fixée par le juge par simple lettre. »
Il s’agit pour les parties de comparaître volontairement : l’acte introductif est introduit conjointement.
Par exemple : nous sommes en dispute, mon adversaire et moi ; nous ne parvenons pas à nous
entendre ; nous décidons de comparaître devant un certain juge, volontairement. Comme ça se
passe ? Les parties (ou leur avocat) peuvent rédiger conjointement (elles s’échangent un document)
un document dans lequel elles échangent leurs thèses de défense (objet, cause, défense, demande
reconventionnelle tant qu’on y est). On date, on signe et on dépose sa requête conjointe au bon greffe
et on procède à l’inscription au rôle (physiquement/par recommandé/peut-être un jour
électroniquement). On évite tout un tas de formalisme et la sécurité est maximale : on est d’accord de
LA REQUÊTE BILATÉRALE (= contradictoire) (3-). Dans certains cas, le Code Judiciaire peut abandonner
l’exigence de sécurité maximale, au motif du coût du procès qui sera plus réduit. On préfère l’économie
à la sécurité dans ces hypothèses. Attention, le législateur doit le prévoir de façon explicite. Tout se
fait à distance (de façon postale). Personne ne bouge pour aller trouver le défendeur. Comment ça se
passe ? Le justiciable/son avocat/le juriste d’entreprise rédige un projet de requête. Ensuite, il veille à
respecter un formalisme minimal, qui se trouve aux art. 1034bis et s. (ce n’est donc pas forcément un
spécialiste qui s’en occupe). Une fois le document rédigé, on le dépose au greffe de la juridiction (qu’on
croit) compétente/on le fait via la poste. Le greffier notifie (attention, notifier ≠ signifier (~ huissier)) =
envoie sous pli postal, la requête au(x) défendeur(s), selon le caractère multipartite ou non. Problème :
les aléas postaux : p.ex. lorsque la requête envoyée sous pli postale (= le pli judiciaire) arrive au
domicile (qui parfois n’est pas le bon domicile) quand le défendeur n’est pas là le pli traine au
bureau postal. C’est pour cette raison qu’on préfère la citation.
- Art. 704 C.Jud. : toutes les demandes soumises aux Trib. du travail peuvent être introduites
par requête bilatérale. Pourquoi ? Le législateur présume – à juste titre – que les demandeurs
sont généralement plus précaires que les défendeurs (= David contre Goliath).
- Art. 1344bis C.Jud., en matière de baux (tous les baux) : le demande principale peut être
introduite par requête bilatérale.
Comment s’y prend-on ? Artt. 1034bis à 1034sexies C.Jud. = la matrice de toute bonne requête
bilatérale. Normalement, je dois suivre la checklist dans ces articles. Pourquoi le prof dit-il
« normalement » ? Le législateur peut prévoir une double dérogation non seulement le justiciable
peut utiliser la requête bilatérale, mais aussi elle est déformalisée davantage. Par un texte particulier,
le formalisme est rendu moins envahissant que celui des art. 1034bis et s.
Exemple à retenir : art. 704, §2 C.Jud. devant le Trib. du travail, tout litige peut être introduit par
requête contradictoire. Le paragraphe 2 dit que, dans la plupart des litiges de la sécurité sociale (=
compétence exclusive du Trib. du travail) non seulement l’assujetti social peut intenter une requête
contradictoire, mais aussi cette requête contradictoire est épargnée du formalisme des art. 1034bis et
s. Il y a là une protection du justiciable plus précaire.
Qu’est-ce qu’une bonne requête contradictoire doit comporter ? Voy. la série d’articles ultra
complets art. 1034bis et s. Cet article dit qu’à peine de nullité, normalement toute action doit être
introduite par citation, SAUF si la loi autorise expressément à former une requête bilatérale voy.
alors les art. 1034ter et s. Que dit cet article ? Il dit que, à peine de nullité, une requête contradictoire
Qu’en est-il de l’art. 1034quater ? À peine de nullité, doit être joint à la requête soit un certificat de
domicile du/des défendeurs à convoquer (un certificat de domicile se délivre à l’administration
communale du défendeur), soit il y a une alternative : on peut y joindre un extrait de registre national
(RN : c’est le numéro de citoyen ; sous le RN on trouve l’identité, la composition du ménage, la
profession, le domicile judiciaire (art. 32 C.Jud. sur le domicile judiciaire)). Remarque : depuis quelques
années, les avocats ont accès au registre national pour quelques euros. Ces documents ne peuvent
être plus vieux que 15 jours. Pourquoi faut-il joindre ces documents ‘frais’ ? C’est pour permettre la
convocation la plus sure du défendeur. Il faut des adresses récentes, plausibles à donner au greffier.
Lorsque le greffier a le moindre doute, il doit consulter le RN, pour voir s’il n’y a pas eu un
déménagement.
Parenthèse avec un cas pratique : lorsqu’on doit convoquer des gens non domiciliés en
Belgique/lorsqu’on doit convoquer 20-30 personnes, on fait une citation ! En cas de citation dans un
de ces cas – où la requête bilatérale était prescrite dans la loi – il n’y a pas de faute ; c’est autorisé !
Qu’est-ce qui se passe ensuite ? Artt. 1034quinquies et sexies : le greffier qui reçoit ses documents
fait deux choses : il notifie la requête au défendeur (= une lettre recommandée, qu’on appelle pli
judiciaire) et il procède à – comme pour la citation – l’inscription de l’affaire au rôle général de la
juridiction saisie. Puis on attend que les parties comparaissent à l’audience d’introduction.
LA REQUÊTE UNILATÉRALE (4-). Les autorisations doivent être restrictivement interprétées. Art. 1025
et s. C.Jud. lorsque je suis exceptionnellement autorisée, une requête unilatérale doit être rédigée
(voy. art. 1026 et s.). Rappel : quels sont ces cas restrictifs ? Voy. les familles supra :
- le super référé (= l’extrême urgence, l’absolue nécessité = art. 584, dernier alinéa),
- les cas où le Code Judiciaire prévoit une procédure gracieuse, non contentieuse (il n’y a pas
d’adversaire à convoquer la requête unilatérale s’impose (p.ex. : le renouvellement d’un
bail commercial)),
- les cas où un effet de surprise doit être ménagé au demandeur en justice (p.ex. : le créancier
qui veut pratiquer saisie conservatoire de certains biens de son débiteur) (art. 1414 C.Jud.)),
- le dernier cas est un cas jurisprudentiel : tous les cas où j’ai potentiellement/certainement des
adversaires, mais je ne sais pas encore qui (c’est typiquement le cas pour les grèves !).
Dans ces cas, restrictivement interprétés, la requête unilatérale est autorisée. Que fais-
je ? Je vais à l’art. 1026 (= mode d’emploi) à peine de nullité, la requête contient 5
mentions, prévues expressément par la loi (date, objet, cause… voy. l’art.). Le prof veut
qu’on retienne le °5 la requête doit contenir la signature de l’avocat (sauf quand on y
déroge) ! Le justiciable/le juriste d’entreprise, etc. ne peuvent signer la requête
unilatérale. Pourquoi y a-t-il se monopole de l’avocat ? La requête unilatérale porte
gravement atteinte au fonctionnement normal de la justice (on désorganise la journée du
magistrat par exemple, en cas de requête unilatérale pour extrême urgence).
o Pour le défendeur idem, mais une petite règle particulière s’y ajoute : art. 705
C.Jud. lorsqu’il s’agit pour un demandeur en justice d’assigner l’Etat belge
(fédéral !!), qui est un tout indivisible, ce demandeur doit assigner l’Etat belge via la
personne du Ministre compétent pour l’objet du litige. Parfois, on se trompe de
Ministre. Si le Ministre, en qualité d’organe de l’Etat, conteste qu’il s’agisse de son
département, l’art. 705 dit que ce Ministre doit – in limine litis – se substituer au
Ministre compétent. Ce Ministre reprend le procès (sur son budget et son
administration). Si ce Ministre n’agit pas à temps, il agira en tant que défendeur dans
un procès où il n’a pas grand-chose à voir…
- L’indication de l’objet de la demande et l’exposé des moyens art. 702, °3 C.Jud. (il s’agit de
la même exigence pour la requête bilatérale (art. 1034ter C.Jud.) et pour la requête conjointe
(art. 706 C.Jud.) et pour la requête unilatérale (art. 1026 C.Jud.).
o L’objet = le résultat factuel que je postule (telle somme, telle restitution…).
o Les délais peuvent être raccourci (on parle des délais de 8 jours, mais aussi de 15, de
30…), dans des cas légaux et des judiciaires. Il y a d’abord le référé contradictoire, avec
citation. Il est dit que, dans le cas du référé (art. 1035 C.Jud.), le délai du référé est de
deux jours. Ce délai est augmenté avec la distance (« dans une autre partie du
monde » 2 + 80). D’où des possibilités judiciaires de réduire tous les délais, via les
artt. 708 et 1036. À l’art. 708, on a affaire au délai de 8 jours. Ce délai peut être
abrégé : 8, c’est trop, 23, c’est trop, et ainsi de suite. Mais je ne veux pas pour autant
citer en référé. La Cour de cass. demande qu’on évite la situation du référé. Elle définit
l’urgence comme une situation où on ‘n’est pas coupable’ : il faut utiliser les outils mis
à disposition du demandeur. Parmi les outils, il y a l’art. 708 ! Je peux demander
l’abréviation du délai de 8 jours pour citer au fond ; je peux demander l’abbréviation
du délai de 23 jours, etc. Comment je m’y prends ? J’introduis une requête unilatérale
(effet de surprise) devant mon futur juge, pour abréger le délai de citation de 8 (à 6)
jours par exemple, de 23 (à 12). Si le juge fait droit à ma prétention, parce qu’il y a
célérité, j’obtiens une ordonnance abréviative du délai de citer et je vais vers mon
huissier de justice. Quid si je suis en référé, parce que ces délais sont toujours trop
longs (2 jours pour un belge, 17 jours pour un Français, etc.), je peux faire exactement
o Si on ne respecte pas les règles relatives au délai (on convoque trop tôt le défendeur),
on s’expose à une nullité de la citation/de la requête (voy. P. 249-250 SYLLA).
Une fois la citation faite correctement, on procède à la signification de la citation (voy. infra).
§2 Les exceptions
Il s’agit ici d’un tout autre registre. Le défendeur n’engage pas (ou pas encore) le débat sur le fond : il
émet des protestations, des obstacles à la procédure. Il soulève, à cet égard, des exceptions qui
dénoncent une irrégularité procédurale. Certaines exceptions sont péremptoires (= mettent un terme
au procès), d’autres sont dilatoires (= elles retardent le cours de la procédure, qui doit être remis sur
les rails après avoir réparé l’exception).
L’exception dilatoire = des moyens de fond de procédure qui, lorsqu’ils sont soulevés, ont pour
conséquence – s’ils sont accueillis – de retarder le cours du procès. Lesquels y a-t-il ?
(1) L’exception de demandeur étranger artt. 851 et 852 C.Jud. ces articles ont été ringuardisés
par la Cour const. qui les a déclarés discriminatoires en 2018. C’est une exception dilatoire :
lorsqu’elle est soulevée et accueillie, le procès se suspend, jusqu’à ce que le demandeur
constitue sa caution bancaire.
(2) L’exception pour faire inventaire et délibérer art. 853 C.Jud. Qu’est-ce ? Lorsqu’on est héritier,
on a une triple option : accepter la succession purement et simplement, la refuser purement
et simplement ou l’accepter sous bénéfice d’inventaire. Lorsqu’on est héritier et lorsqu’on est
cité en justice, pour reprendre le procès au nom du decuius, on peut dire : « je n’ai pas encore
pris attitude, je n’ai pas encore fait d’inventaire… » en tant qu’héritier, on peut alors faire
une exception pour faire inventaire et délibérer ; le procès se suspend jusqu’à ce que l’héritier
prenne attitude.
(3) L’exception d’appel en garantie art. 857 C.Jud. = je suis défendeur principal, cité par un
demandeur principal. Je n’entends pas porter du tout/pas seul le chapeau. Je souhaite faire
intervenir de façon forcée et agressive un tiers au procès. Ce tiers, on l’appelle le tiers garant.
Il garantit le défendeur principal. Il se fait que je suis assignée en première ; je veux assigner
un défendeur en garantie et je veux éviter que le train parte sans lui (car je ne veux pas porter
le chapeau seul) et je veux éviter de léser ses droits de la défense. Que fais-je ? Exception
dilatoire : « Madame la Présidente, je vous demande un délai pour pouvoir citer en
intervention forcée et garantir tel tiers. Je demande 10-20-15-40 jours… ».
(5) Art. 1725 C.Jud. : l’exception de médiation. Un contrat comporte une clause en vertu de
laquelle les parties s’engagent à tenter d’abord de se concilier par une médiation. Si une des
parties va direct devant le juge, l’autre partie peut dire : « le procès se suspend : le demandeur
n’a pas tenté la médiation au préalable ». Ce procès se suspend aussi longtemps que se sera
tentée la médiation.
(6) La surséance à statuer accordée au juge. En vertu de l’art. 730 C.Jud. le juge peut sursoir à
statuer = il suspend le procès et suggère aux parties de tenter un mode amiable de règlement
des litiges.
(7) L’envoi en médiation. Le juge n’envoie pas en conciliation, mais il envoie d’office (art. 1734, al.
2 C.Jud.) – à des conditions particulières – les parties tenter une médiation. Si elle ne réussit
pas, les parties peuvent revenir devant lui.
(9) Dans certains cas, le Code Judiciaire impose la comparution personnelle des justiciables
(papa/maman en particulier) exception dilatoire : « je, en tant que juge, soulève d’office les
artt. 1253ter/2 et /3 C.Jud. jusqu’à ce que les parents comparaissent en personne. »
(10) Art. 1703, al. 4 : une personne morale (entreprise + personne morale) agit au procès et elle
ne prouve pas l’habilitation de ses organes. Exception dilatoire : le défendeur dit : « le procès
est suspendu jusqu’à ce que le demandeur prouve qu’il ait été valablement habilité à agir ».
(11) Le cas où – à l’audience d’introduction – le juge constate que l’affaire n’a toujours pas été
inscrite au rôle, alors qu’il faut le faire au plus tard la veille exception dilatoire : suspension
jusqu’à ce que la mise au rôle soit intervenue.
Troisième famille : les exceptions de nullité. Toutes les hypothèses de nullité correspondent à des
exceptions de nullité. Nous les traiterons en P. 235 et s. SYLLA.
- Les exceptions doivent être soulevées le plus tôt possible (in limine litis : dans les 1e
conclusions), SAUF exceptions prévues par la loi.
- Comme ces exceptions ne touchent pas les intérêts essentiels de l’Etat, seul le défendeur peut
les soulever.
Un cas typique : le déclinatoire d’ordre privé = ne peuvent être soulevés que par le défendeur et ce in
limine litis (art. 854 C.Jud.).
Les exceptions de nullité (petite anticipation), sauf un cas où l’ordre public est en jeu (c’est un cas
linguistique), doivent toujours être soulevées in limine litis, par le défendeur ! Ce n’est qu’à titre
exceptionnel que le juge le fera d’office, possiblement plus tard qu’in limine litis.
Dans ces cas-là, l’exception peut donc être soulevée plus tard et par le juge. Cas typique :
le déclinatoire d’ordre public. L’ordre public est exceptionnellement en jeu le
déclinatoire peut être soulevé plus tard et le juge doit le faire si le défendeur ne le fait pas.
Toutefois, ce n’est pas la tendance (= in limine litis par le défendeur).
1- Il peut joindre l’incident au fond (= il joint l’exception au fond). Il traitera tout ça avec les
moyens de fond. « Plaidez au bout, faites des conclusions sur le tout ». Cela est au risque de
s’entendre dire plus tard « c’était une exception dilatoire qui devait être accueillie ».
2- Le juge peut traiter l’exception avant toute chose : il disjoint l’exception et la traite en
première.
- Intérêt
- Qualité
- La prescription de l’action (= fin de non-recevoir classique)
- L’autorité de la chose jugée
Qui soulève cela et quand ? Les réponses sont variables et pas toujours solides.
[1] FIN DE NON-RECEVOIR DÉDUITE DE L’INTÉRÊT (qui doit être direct, personnel, légitime…)
Au sein même de la jurisprudence de la Cour de cass., il y a une montagne russe : tantôt elle considère
que c’est d’ordre public, tantôt elle considère que c’est étranger à l’ordre public. Ce qu’on doit surtout
retenir c’est que, en tout cas, la fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt peut être soulevée à tout
moment du procès, par le défendeur (in limine litis/dans ses conclusions suivantes/même en appel).
De plus il n’est pas possible de soulever pour la première fois le défaut d’intérêt en cassation (la
jurisprudence a toujours été constante à ce sujet). Là où il y a variation : le juge peut-il ou non soulever
d’office la fin de non-recevoir ? Le prof trouve que oui : la Cour de cass. est très réservée et sa
jurisprudence est très fluctuante.
Voy. supra : le défaut de qualité n’est pas d’ordre public. Seul le défendeur peut le soulever, à tout
moment du procès (attention à l’abus de droit). On ne peut jamais soulever la qualité pour la première
fois en cassation.
Art. 2223 C.Civ. : ce texte est très discutable, et pourtant non susceptible de révision pour l’instant
dans les projets de Code Civil. Que dit-il ? Il dit que le juge ne peut pas soulever d’office la fin de non-
recevoir déduite de la prescription. Cette règle a toujours embêté les praticiens : ils voient arriver des
demandes manifestement prescrites, où le juge devrait se taire. C’est surtout insupportable lorsque le
demandeur n’est pas assisté par une femme/un homme de loi et ne sait pas ce qu’est la prescription.
C’est choquant et on ne cesse de se heurter à ce texte. Ce texte a été rédigé dans l’optique : les parties
ont la libre disposition de leurs droits. Mais on n’est plus dans ces circonstances-là. La Cour de cass.
tente elle-même de créer des brèches. Deux cas :
- Elle considère que, lorsque la matière est d’ordre public, la prescription inhérente à cette
matière devient elle-même d’ordre public. P.ex. : en droit fiscal le juge devrait soulever
d’office la fin de non-recevoir, alors qu’en réalité, c’est contra legem (et c’est très bien comme
ça selon le prof). En sécurité sociale c’est aussi le cas. En droit de la famille le juge doit soulever
d’office la prescription de l’action en filiation.
Art. 27 C.Jud. : il dit que le juge ne peut soulever d’office la fin de non-recevoir déduite de l’autorité
de la chose jugée. Même critique que pour le [3] : lorsqu’un juge se trouve face à une prétention qui a
déjà été jugée, il doit se taire. Il doit gaspiller le temps de la justice. Même type de fissuration, générée
par la jurisprudence on ne cesse de créer des exceptions à ce texte. P.ex. : sur l’autorité de la chose
jugée en matière familiale = autorité de chose jugée d’ordre public ; les actions en cessation = autorité
absolue de la chose jugée.
On a affaire à des textes qui sont vieillis, remplis de trous, mais régulièrement ‘troués’.
Dans ce chapitre nous allons découvrir les actes et délais de procédure (formalistes, très
procéduriers…). Le Code Judiciaire belge organise un parfait équilibre forme-finalisme (= il sert des fins
dignes). Le C.Jud. réalise une belle alchimie entre un formalisme qui protège et un formalisme
desséchant, inutile. Un juriste connu, Rudolf Von Jehring disait : « la forme est la sœur jumelle de la
liberté ». Le prof ajoute qu’il ne faut pas que la forme devienne la cousine de la mesquinerie. Le C.Jud.,
selon lui, a trouvé un bon équilibre. Les formes sont vraiment là pour protéger des valeurs
fondamentales.
Quelle est la tendance en droit belge (écrite/orale) ? La tendance en Belgique est le formalisme écrit.
La plupart de ces actes obéissent à un formalisme écrit (l’audition d’un témoin ne l’est pas, par
exemple, mais c’est rare).
En ce qui concerne la définition et des contre-exemples. Prenons l’exemple d’un avocat. Il passe ses
journées à faire des consultations. Est-ce qu’une consultation est un acte de procédure ? Non, car ce
n’est pas accompli dans le cadre d’un procès. C’est accompli indépendamment du procès.
Autre contre-exemple : un contrat de transaction avec l’adversaire. Il met fin au procès. C’est un acte
juridique, certes, mais ce n’est pas un acte du procès. Les actes de procédure ont un régime propre,
avec des règles de représentation, de validité, etc.
Pour faire rectifier des défauts de formalisme de décisions judiciaires, on n’applique pas la théorie des
nullités : il y a d’autres modes de réparation, notamment les voies de recours (art. 20 C.Jud., art. 608
C.Jud.) ils permettent de réparer les vices de forme des jugements et arrêts. Dernièrement, l’art.
794/1 C.Jud. permet de réparer le vice de procédure qui affecte un jugement. On ne veut pas embêter
les juridictions de recours avec cela.
On doit retenir qu’une décision judiciaire n’est pas un acte de procédure pas
d’application de la théorie des nullités !!
- La signification,
- La notification.
Le législateur, pour la communication des actes de procédure, préfère la signification (coûteux, mais
le plus sur = l’exploit d’huissier). Voilà pourquoi le législateur prévoit que, normalement, un acte de
procédure ne produit ses effets juridiques et judiciaires que lorsqu’il est signifié. Ce n’est qu’à titre
d’exception qu’il les produit le jour de sa signification.
A La signification
Art. 32, °1 C.Jud. : définition = « " signification " : " la remise d'un original ou d'une copie de l'acte; elle
a lieu par exploit d'huissier de justice ou, dans les cas prévus par la loi, selon les formes que celle-ci
prescrit " ».
La signification est un mode généralise, privilégié, sauf dans les cas d’exception. La
signification est également le mode utilisé pour acheminer une décision judiciaire. Elle est
également applicable pour pratiquer une saisie.
Comment ça marche ? Comment l’huissier s’y prend-il ? (Voy. P. 228 et s.) Le C.Jud. impose une
véritable feuille de route à l’huissier. Pourquoi est-ce si favorable au justiciable ? L’huissier doit
déployer ses meilleurs efforts pour que l’acte soit porté à la connaissance de son destinataire. Cette
feuille de route, on la trouve aux l’art. 33 et s. C.Jud. Il faut s’imaginer cela comme une feuille de route,
dans la forme d’une cascade.
3° Si 1° et 2° ne marchent pas l’huissier doit (art. 38) procéder à la signification par dépôt. Elle
signifie que l’huissier dépose la copie de l’acte de procédure signifié dans la boîte aux lettres du
destinataire. Mais, il y a une mesure de sécurité supplémentaire : dans les 24 heures qui suivent, il
écrit une lettre au destinataire, pour dire qu’un autre exemplaire attend le destinataire au bureau de
l’huissier dans les 3 mois.
4° Art. 38, §2 l’huissier constate qu’il est matériellement impossible de faire ce qui est décrit au 3°
(par dépôt) (p.ex. : les lieux sont désertés de façon manifeste et il n’y a pas de trace de domicile).
L’huissier se tourne alors vers le Parquet. C’est là qu’intervient le Procureur du Roi et ses substituts
ils reçoivent les significations impossibles à délivrer au destinataire.
Il y a le cas de la signification postale. Il s’agit de cas dans lesquels le destinataire n’a pas de domicile
en Belgique (au sens de l’art. 32), ni de résidence en Belgique, ni de siège social. Toutefois, on connaît
son domicile/siège social/sa résidence à l’étranger il y a là une signification transfrontalière. Soit un
instrument de droit international s’applique (c’est de plus en plus le cas (de plus, il y a un règlement
européen important : le Règlement 1393.2007, qui prévoit la façon dont, entre membres de l’UE, on
signifie des choses) + lorsque ce Règlement ne s’applique pas, il y a une Convention de l’AE, de 1965),
soit l’art. 40 C.Jud. s’applique la signification a lieu par voie postale. On connait donc l’endroit où
le destinataire se trouve à l’étranger.
Si tout ce qui est écrit ci-dessus foire : on ne connaît vraiment rien sur le lieu où la personne se trouve
on applique encore l’art. 40 : retour entre les mains du Procureur du Roi.
10e cours
(Petit retour en arrière) Question d’examen potentielle : la case la plus sensible de toutes celles qu’on
a vu ci-dessus est la suivante : peut-on, pour la première fois en degré d’appel, introduire une demande
reconventionnelle en tant que défendeur originaire ? L’art. 1042 C.Jud. = le point de départ = le copier-
coller de l’instance sur l’appel. Si on devait appliquer cet article mécaniquement, on devrait
répondre que, dans le Code Judiciaire, il n’y a rien de spécial dans le Code Judiciaire relatif à la demande
reconventionnelle en degré d’appel, donc copions-collons la case de première instance sur la case en
appel, c’est-à-dire rien de plus et rien de moins que : capacité, intérêt, qualité… Le prof nous a dit que
la Cour de cass., dès le début du Code Judiciaire (années 1970), nous impose de respecter l’art. 807
C.Jud. quand on introduit une demande reconventionnelle pour la première fois en degré d’appel.
Mais c’est contra legem (violation de l’art. 1042) ? Puis, le prof nous a dit que la Cour constitutionnelle
a pris le relais de cette jurisprudence de la Cour de cass., pour venir à son secours et pour dire que la
solution de la Cour de cass. est justifiée par l’idée d’égalité (artt. 10 et 11 Const.) des armes au procès
(art. 6 CEDH), entre les deux parties, face au juge d’appel et face à l’entorse faite au double degré de
juridiction. Les deux cours suprêmes estiment donc – à juste titre selon le prof – que les deux parties
doivent être mises sur un plein pied d’égalité devant le juge d’appel. Chacun peut former une
Quid du soutient que la Cour const. lui a apporté ? La Cour de cass. a abandonné toute référence à
l’art. 807 du Code Judiciaire. Il n’y a plus la référence à cet article désormais, c’est l’égalité des
armes + l’obligation de loyauté qui requiert que la demande reconventionnelle formulée pour la
première fois en degré d’appel doive présenter un lien factuel avec la demande principale originaire.
Cass. 19 mars 2021, nr. C.200330.N : la Cour de cass. confirme sa jurisprudence, c’est-à-dire le
défendeur originaire qui forme pour la première fois en degré d’appel une demande reconventionnelle
ne peut le faire qu’à la condition d’un lien factuel avec la demande originaire. Mais, que fais la Cour de
cass. ? Elle change la BASE légale de sa solution : elle abandonne l’art. 807 et elle prend l’égalité des
armes + la loyauté à la place.
B La notification
La notification est définie par l’art. 32, °2 C.Jud. : « l'envoi d'un acte de procédure en original ou en
copie; elle a lieu par les services postaux ou par courrier électronique à l'adresse judiciaire électronique,
ou, dans les cas prévus par la loi, par télécopie ou selon les formes que la loi prescrit. » La notification
= l’envoi postal. On voit la logique du C.Jud. (qui est la même que celle qui prévalait dans le choix
citation/requête) la notification d’un acte de procédure n’a lieu que dans les cas spécifiquement
prévus par la loi la loi préfère le mode le plus sur qui est la signification (~ la loi préfère la citation).
Parfois, dans le Code Judiciaire, on voit qu’une notification est prévue sous pli simple (= comme une
lettre). Elle n’est JAMAIS porteuse d’effets juridiques (ne fait pas courir un délai). Il n’empêche qu’elle
apparait plusieurs fois dans le Code Judiciaire, à titre de simple information. Prenons un exemple :
l’art. 792 cet article prévoit que les décisions de justice sont notifiées sous pli simple aux parties/à
leurs avocats (aujourd’hui, c’est par voie électronique d’ailleurs ; l’art. a été complété). Cette
notification est utile, mais elle ne fait pas courir les délais !!
L’art. 46/1 C.Jud. prévoit qu’on doit informer le greffe de son adresse de cabinet d’avocat, parce que
toutes les notifications sous pli simple arrivent chez l’avocat et non chez le client. Autre exemple de pli
simple : dans un des prochains cours, on verra les règles de la mise en état de la cause tout ça se
fait par pli simple.
Parfois, la notification a lieu selon des formes particulières, notamment la notification sous pli
judiciaire. Le pli judiciaire est décrit à l’art. 46 C.Jud. : c’est un super recommandé on gagne un peu
en sécurité. Pourquoi ? Le greffier confie à la poste le pli judiciaire, qui va ensuite vers les destinataires
de l’acte notifié, après consultation du registre national de la population. On la retrouve plusieurs fois
dans le cours. Elle peut produire des effets judiciaires important. P.ex. : il fait courir le délai de
comparution (8 jours/23 jours, etc.). De plus, de temps en temps, la notification sous ce pli judiciaire
marque le point de départ de certaines voies de recours (appel ou cassation par exemple).
Jadis, la notification posait une controverse : « quelle est la date ? ». C’est important de connaître la
date, car elle détermine le début de certains délais (de comparution, de cassation…). Pour la
signification, c’est facile : c’est le jour où l’huissier fait son exploit. En cas de notification, il a plusieurs
étapes : je dépose ma lettre à la poste, la poste met son cachet, distribue les lettres, la lettre attend
d’être lue, etc. Les cours suprêmes se sont disputées là-dessus. La Cour de cass., étant très sévère, a
décidé que la date de la notification, c’est l’envoi du pli. Ce n’est pas très sympathique vis-à-vis du
défendeur, car il est alors possible qu’un délai court à son insu. La Cour d’arbitrage a alors réagi : c’est
Quid si une faute est commise (un pli judiciaire ne reprend pas les bonnes mentions, un pli judiciaire
est envoyé à la mauvaise adresse, etc.) : art. 47bis C.Jud. tout comme pour la signification, la
notification irrégulière est frappée de nullité ! Attention, dernière remarque : tout comme pour la
signification, la notion d’adresse est fondamentale en matière de notification avoir un bon domicile
judiciaire, c’est s’assurer que le pli va arriver. La Cour de cass. retient la théorie de la permanence du
domicile judiciaire. Qu’est-ce ? Si vous, justiciables/futurs avocats de justiciables, dans un acte de
procédure, indiquez comme domicile judiciaire tel ou tel endroit, le greffe peut se fier à cette mention
et pratiquer la notification à cet endroit signalé. Quid en cas de mention inexacte, caduque… ?
Problème pour le client = problème de responsabilité de l’avocat !
Les délais prévus pour former un recours sont prescrits à peine de déchéance.
Les autres délais ne sont établis à peine de déchéance que si la loi le prévoit. »
Adage à retenir : pas de nullité sans texte ! C’est une exigence de sécurité juridique.
Champ d’application de ce principe « pas de nullité sans texte » ? Dans la définition donnée par la Cour
de cass. d’acte de procédure, il y avait un grand absent, on l’a vu : le jugement. Cette exclusion est
fondamentale, parce que la théorie de nullité s’applique UNIQUEMENT aux actes de procédure
(jugement, arrêt, ordonnance d’un juge ≠ des actes de procédure). (Il faut être attentif, car parfois, le
C.Jud. nous met sur des mauvaises pistes ! Les art. 780 et s. C.Jud. commencent par les mots « à peine
de nullité, les jugements comportent… » les nullités/irrégularités qui affectent les décisions
judiciaires, reçoivent des sanctions. Lesquelles ? Artt. 20 et 608 C.Jud. : les voies de nullité n’ont point
lieu contre les jugements = la théorie des nullités ne s’applique pas aux jugements. Comment agir ?
Via les voies de recours ! Une autre sanction pour les irrégularités qui affectent les décisions
Quand on est en présence d’un acte de procédure, encore faut-il que la nullité soit expressément
prévue par la loi ! Certains regrettent que la théorie des nullités n’ait pas un champ d’application plus
large, plus universel. La nullité est tout sauf sévère : elle est réparatrice. Certains regrettent que la
théorie de nullité ne sorte pas cette vertu réparatrice dans tous les cas de sanction. Par exemple : les
cas d’irrecevabilité à défaut d’intérêt/de capacité. EXEMPLE : le malheureux mineur qui agit via son
père. On oublie de mentionner la mère dans la citation (art. 18 C.Jud. : impose cette mention) fin
de non-recevoir irrecevabilité ! On a envie de dire : « pourquoi n’y a-t-il pas une application plus
étendue de la théorie des sanctions ? ». Ce sont des idées politiques, de lege ferenda.
Ceci dit, il y a quand même des petites pointes de tentation. La Cour de cass. n’hésite pas à appliquer
la réparation de la théorie des nullités à des cas où la nullité n’est pas expressément prévue. C’est
bien, mais en réalité, ce n’est pas (encore) inscrit dans la loi.
Al. 2 (récent, Pot-Pourri) : « Lorsqu'il constate que le grief établi peut être réparé, le juge subordonne,
aux frais de l'auteur de l'acte irrégulier, le rejet de l'exception de nullité à l'accomplissement de mesures
dont il détermine le contenu et le délai au-delà duquel la nullité sera acquise. »
Exemple de jurisprudence de la Cour de cass. : une citation est livrée à Tintin, par un
huissier de justice, au 24, Rue du Labrador. Toute le monde sait que Tintin vit au numéro
26, Rue du Labrador. Il rentre chez lui le soir. La concierge du 24 frappe chez lui et dit :
« c’est pour toi ». Tintin, qui est un peu formaliste, soulève l’exception de nullité à
l’audience à laquelle il comparaît.
La Cour de cass. dit alors : « Tintin, où est votre grief procédural et précis ? ». L’acte est
QUAND MÊME valable pas de grief.
Tout est fait pour protéger une conception saine du formalisme : pas de nullité sans grief
irréparable ! (Exemples dans le syllabus.)
Toutefois, il reste un cas où la nullité d’un acte de procédure n’obéit pas à cette soupape de grief.
Toutes les autres nullités du Code Judiciaire sont aujourd’hui passibles d’une couverture de grief.
Toutes sauf une : une nullité reste d’ordre public, notamment la nullité linguistique (Loi sur l’emploi
des langues en matière judiciaire de 1935). Son art. 40 dit qu’un acte de procédure rédigé dans la
mauvaise langue, est nul. la Cour constitutionnelle a, par un arrêt très long, du 19 septembre 2019,
annulé la loi qui voulait aller à l’encontre de ce principe. Résultat des courses : si à l’examen, on nous
pose la question « existe-t-il encore une nullité d’ordre public dans le C.Jud. ? ». Oui, une, en raison
d’un arrêt de la CC du 19 septembre 2019. Cette nullité-là est prononcée d’office, aveuglement, même
sans que celui qui la soulève doive démontrer un grief ! Pour le reste, vive la règle du grief, qui a le don
de couvrir pas mal de nullités inutiles.
a. Existe-t-il une exception à cet arrimage à l’ordre privé ? Oui : l’art 40 de la Loi de 1935 a été
réintégrée par la Cour const. dans l’ordre public. En d’autres termes, si le défendeur ne dit
rien, le juge devrait soulever d’office la nullité d’un acte de procédure qui comporterait des
mentions dans une autre langue que celle de la procédure.
b. Qui du défaut ? Un acte de procédure arrive devant le juge, qui comporte une/plusieurs
irrégularités qui crèvent les yeux. Reflex : la nullité reste d’ordre privé. Deuxième reflex : art.
806 C.Jud. : statuant par défaut, le juge ne peut soulever que des moyens et exceptions d’ordre
public. Résultat : le juge statuant par défaut constate que l’acte introductif est affecté de
nullités il DOIT se TAIRE. Pourquoi ? Parce que l’art. 803 C.Jud. prévoit que le juge peut 1.
reconvoquer le défendeur défaillant par pli judiciaire ; 2. Si le juge a un énorme doute : il est
convaincu que les droits de la défense du défendeur ont été lésés le juge peut sortir la
grosse artillerie et imposer au demandeur de signifier par exploit d’huissier l’acte introductif,
aux frais du demandeur, dans le respect du délai.
c. Sur la requête unilatérale : il faut du bon sens. Si le juge, saisi d’une requête unilatérale,
constate que la requête est nulle, affectée d’une nullité prévue par la loi, qui soulève alors
l’exception de nullité, puisqu’il n’y a pas de défendeur ? Dans ce cas-là, la doctrine et la
jurisprudence admettent que le juge, saisi d’une requête unilatérale soulève l’exception de
nullité.
Quand ? Art. 864 C.Jud. : « La nullité qui entacherait un acte de procédure ou le non-respect d'un délai
prescrit à peine de nullité sont couverts s'ils ne sont pas proposés simultanément et avant tout autre
moyen. » Si tu trouves un texte (art. 860), si tu estimes pouvoir prouver un grief irréparable (art. 861),
si c’est de toi qu’il s’agit, défendeur, alors ton exception de nullité et l’invocation/démonstration de
ton grief, doit être faite dans tes premières conclusions. Inutile de le faire dans des conclusions
ultérieures : c’est trop tard ! Tu l’invoques maintenant, ou tu te tais à jamais. Si tu ne l’a pas invoquée
plus tôt, c’est que ça ne te poses pas réellement grief. Une exception (regrettable) la nullité linguistique
d’ordre public, résucitée par la Cour const., peut être soulevée à tout moment du procès.
Enfin, petit complément, à l’art. 863 C.Jud. : « Dans tous les cas où la signature est nécessaire pour
qu'un acte de procédure soit valable, l'absence de signature peut être régularisée à l'audience ou dans
un délai fixé par le juge. » L’idée : la loi exige une signature. Toutefois, l’acte n’est pas signé. Le juge
peut faire régulariser l’acte ! Deux remarques :
- L’article n’est pas fondamentalement utile : c’est un cas d’application parmi d’autres de l’art.
861 (= la réparation d’un grief).
- Sauf qu’il peut être utile, car l’art. 863 ne parle pas de la nullité : il parle de tous les cas où la
signature est requise, de manière générale. L’art est donc transversal à tous les cas de
signature.
§1 Notion et classification
A Notion
/
B Classification
Dans le C.Jud. on retrouve plusieurs types de délais, qu’on peut classifier en deux grandes familles.
Toutefois, le C.Jud. n’identifie pas ces familles comme telles. Il y a les délais d’accélération et ceux
qu’on appelle délais d’attente.
Commençons par les délais d’accélération, car ils sont les plus nombreux. De plus, tous les délais sont
‘un peu’ des délais d’accélération. On veut que les procès soient tenus dans des délais raisonnables
(délais de recours, pour appeler en garantie…). Dans le Code Judiciaire, on trouve également les délais
d’attente. Ils ont un côté accélération, mais ils ont aussi un côté attente, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas
uniquement conçus pour cadencer le procès : ils sont aussi là pour ménager un temps raisonnable au
justiciable. Deux cas de délais d’attente, qu’on doit bien connaître.
Cette distinction n’est pas uniquement académique. En effet, ils sont aussi importants au niveau des
sanctions. D’une part, il y a la nullité. D’autre part, il y a la déchéance. La déchéance s’applique
généralement aux délais d’accélération tandis que la nullité frappe la violation des délais d’attente.
B Les exceptions
- Parfois le juge est souverain pour déterminer des délais.
Dans ces cas-là, la loi délègue au juge le soin de fixer les délais. Trois exemples :
o Le délai d’appel en garantie (voy. supra).
o Art. 173 C.Jud. cet article émane de l’expertise judiciaire. Il prévoit le délai donné
à l’expert pour déposer son rapport au greffe. Un délai n’est pas l’autre ça dépend
de l’expertise à exécuter.
o Les délais de la mise en état judiciaire (SYLLA P. 295-298). C’est une mise en état dont
les délais sont fixés à la carte par le juge.
A moins qu'il ne soit effectué par voie électronique, un acte ne peut être valablement accompli au greffe
qu'aux jours et heures pendant lesquels ce greffe doit être accessible au public.
Si un acte n'a pu être accompli au greffe dans les délais, même prescrits à peine de nullité ou de
déchéance, en raison d'un dysfonctionnement du système informatique de la Justice visé à l'article
32ter ou en raison d'un dysfonctionnement du système informatique connecté au système informatique
de la Justice et utilisé pour poser l'acte juridique, celui-ci doit être accompli au plus tard le premier jour
ouvrable suivant le dernier jour du délai, soit en format papier, soit par voie électronique, si le système
informatique peut de nouveau être utilisé.
La prolongation de délai visée à l'alinéa 3 s'applique en tout état de cause si le dysfonctionnement
intervient le dernier jour du délai. »
1. « Le délai se compte de minuit à minuit. » Ça signifie que, quand un délai est prévu, on ne
s’amuse pas à regarder l’heure a laquelle la signification a été faite. On ne compte pas les
heures !
2. « Il est calculé depuis le lendemain du jour de l'acte ou de l'événement qui y donne cours et
comprend tous les jours, même le samedi, le dimanche et les jours fériés légaux. » Adage :
« dies a quo non computatur ». Remarque + précision : imaginons que le délai de citation est
de 8 jours. L’huissier passe le mercredi 21 avril. Le premier jour du délai de 8 jours est le 22
avril. Variante : on reçoit un jugement qui donne gain de cause. Il est signifié le vendredi 23
avril. Le premier jour du délai d’un mois pour faire appel, c’est le samedi 24. Il y a un cas dans
lequel l’art. 52 ne s’applique pas, notamment le cas de l’art. 53bis : la règle du lendemain est
déjà prévue par cet article ! Quid lorsqu’un acte de procédure est accompli électroniquement
rendez-vous aux artt. 32ter et 52 (on y voit quand le délai prend cours).
Art. 53 C.Jud. : « Le jour de l'échéance est compris dans le délai. (= Tu as jusqu’au dernier jour du délai
pour avoir la réaction attendue.) Toutefois lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié
légal, le jour de l'échéance est reporté au plus prochain jour ouvrable. » (Adage : dies ad quem
computatur j’ai jusqu’au dernier jour du délai pour attendre la réaction. Mais si ce jour est un
samedi, dimanche ou un jour férié il faut attendre le prochain jour ouvrable.)
Art. 57 C.Jud. : « A moins que la loi n'en ait disposé autrement, le délai d'opposition, d'appel et de
pourvoi en cassation court à partir de la signification de la décision à personne, ou à domicile, ou, le
cas échéant, de la remise ou du dépôt de la copie ainsi qu'il est dit aux articles 38 et 40 ou de la
signification par voie électronique.
A l'égard des personnes qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu et à qui la
signification n'est pas faite à personne, le délai court à partir de la remise d'une copie de l'exploit à la
poste ou de la signification par le ministère public au ministère public. La remise d'une copie de l'exploit
au procureur du Roi peut être faite à un secrétaire ou à un juriste de parquet.
Contre les incapables le délai ne court qu'à partir de la signification de la décision à leur représentant
légal. »
3. En règle, le point de départ d’un délai de recours est la signification. Ce n’est que par voie
exceptionnelle que la notification fait courir un délai.
Dernièrement, il y a un petit ajout de la Cour de cassation, à propos du cas suivant (sur les délais
d’attente délai de citation en première instance (art. 707 pour la citation et 710 pour la requête) et
délai de comparution en appel (art. 1062)). La loi prévoit un délai de 8 jours/de 2 jours en référé/…
(voy. supra sur les délais). Un beau jour, la Cour de cass. devait trancher le cas suivant : « quel est le
premier jour utile pour convoquer le défendeur ? ». La Cour de cass. a répondu « c’est un délai
d’attente, protecteur des droits de la défense de l’intéressé il faut laisser le justiciable bénéficier
pleinement de ses droits de la défense. » C’est bien le 9e/le 3e/… jour au plus tôt qu’on peut donc être
convoqué. Petit casus : signification d’une citation à comparaître devant le Trib. de 1e instance
francophone de Bruxelles le mercredi 21 avril. Quelle est la première audience utile ? Pour résoudre
ce casus : voy. artt. 52, 53 et l’ajout de la Cour de cass. On commence à compter dès le jour qui suit,
donc dès le jeudi 22 avril. Le 22 est le jour 1. Le 23 est le jour 2 et ainsi de suite (les sam, dim et jours
fériés inclus). Il faut comparaître le vendredi 30 avril. Imaginons qu’on décale tout d’un jour
signification le jeudi 22 avril. Le jour de l’échéance tombe le samedi 1 mai art. 53 : la première
audience utile n’est que le lundi 3 mai !
2- Artt. 1048 et 1051 C.Jud. : attention ( !! en combinaison avec l’art. 50 C.Jud.) ces délais
d’appel et d’opposition-là ont une règle particulière. Lorsque ces délais d’appel commencent
et expirent durant les vacances judiciaires, c’est délais-là sont prorogés jusqu’au 15e jours de
l’année judiciaire nouvelle. (Commencent + se terminent !! condition cumulative !!) Ce
n’est pas parce que les magistrats ne travaillent pas en été ! C’est simplement parce que
pendant les vacations, la justice s’organise autrement. Les uns remplacent les autres (pour
qu’ils puissent partir en vacances).
3- Art. 56 C.Jud. : si le destinataire d’une signification décède pendant le délai, alors le délai est
interrompu.
- Art. 834 C.Jud. pour la récusation du juge, on a un délai de 8 jours, à partir du moment où
apparaît le vice, à peine de déchéance.
- Art. 1334 lorsque je veux demander des termes et délais pour acquitter ma dette, parce
que je fais l’objet d’une saisie, j’ai 15 jours, à peine de déchéance.
UNE faveur : art. 860, al. 2 ce texte pour les délais existe une bonne fois pour toute !
Art. 861 C.Jud. ici, l’article prévoit que tout non-respect d’un délai prescrit à peine de nullité est
subordonné à la règle du grief, c’est-à-dire la nullité qui frapperait le non-respect d’un délai prescrit à
peine de nullité sera réparée en l’absence de grief. Il faut donc d’abord trouver des délais prescrits à
peine de nullité, pour l’application de cet article. P.ex. : délai de citation de 8 jours (délai pour interjeter
appel : art. 1062 C.Jud.) ; il y a un non-respect du délai (par une mauvaise computation par exemple) ;
l’intéressé soulève l’exception de nullité. Pas de nullité s’il n’y a pas de grief !
Les délais prescrits à peine de nullité sont soumis à l’art. 861. C’est d’ordre privé. Seul le justiciable
protégé peut soulever la nullité, in limine litis. Il doit aussi tenter de démontrer un grief. Après, c’est
trop tard ! S’il fait défaut : art. 806 C.Jud. le juge statuant par défaut ne peut soulever que des
moyens et des exceptions d’ordre public. Les nullités de délai sont toutes d’ordre PRIVÉ. Le juge
statuant par défaut doit donc se taire. Toutefois, si le juge a un doute raisonnable (= le délai est
scandaleusement court selon lui) (art. 803 C.Jud.), le juge peut déployer une grande protection, décrite
à l’al. 2 de cet article possibilité de reconvocation par exploit d’huissier correctement. Ça, c’est pour
la nullité… Qu’en est-il de la déchéance ? Les déchéances sont soulevables par le justiciable ET par le
juge d’office, à tout moment. Art. 865 C.Jud. : cet article dit que les artt. 861 et 864 C.Jud. ne
s’appliquent PAS aux délais de recours et la lecture de 861 a contrario nous dit que l’art. 864 ne
s’applique qu’aux cas de nullité. Les déchéances sont donc traitées comme étant d’ordre publique,
ayant pour double conséquence qu’elles peuvent être soulevées d’office par le magistrat, à tout
moment du procès.
Que peut-on conclure ? Cette histoire de délais prescrits à peine de nullité, bénéficie d’une couverture
qui est le plus souvent acquise. Il y aura toujours bien réparation et un grief. Néanmoins, il y a un effet
qu’on maintient au bénéfice d’un acte de procédure nulle : l’interruption de la prescription. Depuis
2013, à la suite d’une modification de l’art. 2247 C.Civ. un acte de procédure, quoique déclaré nul,
garde son effet interruptif.
On voit aussi que la déchéance est beaucoup plus radicale : tous peuvent la soulever et à tout moment
du procès. La déchéance = +/- on est déchu du bénéfice de son acte. (( !! ) Attention, les régimes
juridiques sont forts différents (déchéance – peine de nullité).)
Existe-t-il une soupape ? La théorie civiliste, mais universelle, de la force majeure. Si le justiciable,
assujetti à un délai prescrit à peine de déchéance, est victime d’un cas de force majeure, alors il est
sauvé réparation en nature. Aussitôt la force majeure levée, on considère qu’il peut agir. C’est
super, mais uniquement sur papier. En effet, la jurisprudence, même celle de la Cour de cass. se montre
assez chiche dans l’admission des cas de force majeure pour les délais de procédure de déchéance
(grève, maladie de l’avocat, changement d’avocat… ≠ acceptés).
Un cas spécial de force majeur s’est posé, qui concerne tous les juristes : le cas où la tardiveté d’un
recours est le résultat d’une faute commise par un professionnel du droit. L’avocat dépose sa requête
d’appel en retard. L’avocat dépose son pourvoi en retard. Le justiciable paie celui qui commet la faute.
Ce n’est pas la faute du justiciable. Est-ce que la faute du mandataire ad litem est un cas de force
majeure ? Longtemps, la Cour de cass. a raisonné en pur civiliste : artt. 1994 et 1998 C.Civ. les fautes
commises par le mandataire engagent le demandeur. Ce n’est pas de la force majeure. Puis, la Cour
EDH s’est mêlée. Ce n’est pas la faute du malheureux. C’est injuste et inéquitable : c’est une atteinte
au droit d’accès au tribunal. Résultat des courses : réception plus ou moins forcée de la jurisprudence
de la Cour EDH par la Cour de cass. (voy. quelques arrêts à ce sujet dans le SYLLA). On ne doit retenir
que l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cass., en audience plénéaire = arrêt du 18 novembre
2019 : lorsque la tardiveté du recours résulte de la faute d’un professionnel du droit agissant en vertu
d’un monopole, il y a force majeure dans le chef du justiciable. Deux exemples :
- Un huissier de justice doit faire signifier une opposition d’un jugement par défaut (art. 1047
C.Jud.). L’huissier foire son coup. La Cour de cass. dit que c’est un cas de force majeure pour
le justiciable.
- Contre-exemple, que la Cour de cass. a tranché encore avant 2019 : je charge mon avocat
de faire une requête d’appel. Je ne me soucie plus de rien. Mais il est un jour en retard. Au
stade actuel, la Cour de cass. considère qu’il ne s’agit pas d’un cas de force majeure, car
l’avocat n’a pas le monopole ( examen ( !! )).
- Art. 740 C.Jud. toutes les pièces à conviction doivent être envoyées à l’adversaire, au plus
tard en même temps que les conclusions. Les pièces déposées au-delà de ce délai sont écartées
d’office du débat.
- (Voy. P. 295 et s. SYLLA) Il est prévu que des conclusions tardives sont (artt. 747 et 748 C.Jud.)
écartées des débats (elles ne sont donc pas nulles, ni déchues). En ne les prend pas en
considération.
- Ce n’est pas parce que la loi ne prévoit rien expressément, qu’il n’y a pas d’incitant à respecter
les délais d’ordre. Deux exemples :
o L’expert judiciaire (art. 973 C.Jud.) reçoit du juge un délai pour déposer son rapport
au greffe. Quid si l’expert ne le fait pas dans le bon délai ? On n’applique pas « pas de
sanction, car pas de texte » (et heureusement). Il y a des incitants puissants, mais
indirects dans le Code Judiciaire (art. 974 C.Jud.) : lorsque le juge (d’initiative/à l’alerte
d’une des parties) constate la tardiveté, il peut convoquer l’expert (pour demander où
il en est). On appelle ce système la surveillance des expertises, qui permet aux
magistrats de les contrôler. L’ultime sanction en cas de procrastination (à plusieurs
reprises devant le même tribunal), par exemple = l’expert ne sera plus désigné par ce
tribunal-là.
o Art. 770 C.Jud. (voy. P. 309 SYLLA) le juge doit rendre son jugement dans le mois
de la clôture des débats. Ce délai n’est pas puni par la loi. Ce serait absurde de tout
recommencer en raison d’un jour de retard du juge. Est-ce pour autant que le juge
peut s’assoir sur les dossiers ? Non. Voy. l’article : quand le juge dépasse le délai d’un
mois, il doit notifier les motifs de son retard à la feuille d’audience. Le greffier porte
- Controverse : art. 51 C.Jud. cet article dit que les délais de procédure (sauf les délais
prescrits à peine de déchéance) peuvent être abrégés/prorogés par le juge, à une double
condition :
o Il faut être avant l’échéance du délai. Le délai ne peut déjà être prescrit.
o Il faut une demande d’une partie.
À l’occasion de l’application de l’art. 921 C.Jud., la Cour de cass. a dû connaître du cas suivant.
Dans son al. 3, l’article prévoit un délai de 30 jours pour le justiciable, pour demander l’enquête
contraire. Comment ça se passe ? Des témoins sont entendus par le juge, le greffier dresse
procès-verbal d’audition des témoins, ces pv sont notifiés, etc. On a trente jours pour
demander l’enquête contraire (= demander la convocation d’autres témoins/poser d’autres
question aux témoins déjà questionnés). Un jour, quelqu’un explose son délai de 30 jours et la
Cour de cass. dit : « votre demande de contre-enquête tardive est irrecevable ». Elle n’a pas
dit qu’il y avait nullité (pas de nullité sans texte), ni qu’il y avait déchéance. C’est tout
simplement irrecevable. Qu’en penser ? Le prof est contre. Argumentation :
o L’ADN du Code Judiciaire, selon lui, est la légalité : pas de sanction SANS TEXTE. Si le
législateur souverain n’a pas puni, c’est parce qu’il n’a pas voulu punir ! Il y a une
exigence de sécurité juridique (point de vue du prof).
o D’autres diront qu’il y a une bonne explication/raison pour ce raisonnement,
notamment l’art. 51 C.Jud. « Juge, tu peux proroger un délai, quand on te le
demande ». Dans ce cas-là, la Cour de cass. dit « à quoi sert l’art. 51 si on peut s’assoir
complètement sur un délai ? ».
§1 Le principe dispositif
L’idée : « dispositivo » en Italien les parties disposent de leurs droits. Le procès est la chose des
parties. Le juge n’est pas le maître du procès ; les parties le sont. Elles initient le procès, l’arrêtent et
le cadencent. À quelques très rares exceptions près, le procès n’est engagé qu’à la demande d’une
partie. Les cas où le juge peut s’autosaisir, on peut les compter sur les doigts d’une main (en matière
d’incapacité par exemple). De même que les parties, toujours au nom de cette idée d’initiative, ont le
monopole de la fin du procès. Le juge qui a préparé son dossier n’a rien à dire si finalement, les parties
décident d’arrêter leur procès.
Cela étant dit, ce principe s’affirme, mais il est également tempéré, avec l’apparition de deux acteurs
au pouvoir rénové. Ces deux acteurs sont le parquet et le juge en matière civile.
Autre manifestation de ce principe (= ce que le prof appelle le casting du procès) : qui décide qui est
mon défendeur ? Moi, demandeur. Le juge ne peut mettre à la cause d’office un tiers (art. 811 C.Jud.).
Même si ça lui brûle les doigts !
- Le juge jusqu’au début des années 2000, le juge avait une fonction très passive. Les parties
étaient maître du procès. Aucune initiative quelle qu’elle soit.
L’office du juge actif est ensuite passé par là. La Cour de cass. et la doctrine ont ressenti le
besoin d’un service public actif.
Il y a désormais toute une série d’entorses au principe dispositif.
o Tout ce qui est d’ordre public, le juge doit le soulever d’office !
o S’agissant de l’instruction, certes, on peut demander au juge d’ordonner une
expertise, mais le juge peut TOUJOURS ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il
est insatisfait par les preuves fournies.
o Les condamnations des Etats à Strasbourg en raison des lenteurs de justice. De plus en
plus, la Cour EDH distingue le procès (= l’affaire du service public qui engage l’Etat
tout ce qui concerne le procès doit être cadencé par le juge (p.ex. : le juge peut poser
des questions ‘agressives’ au parties)) du litige (= le negotium : le principe dispositif
demeure plein et entier). Renvoi à l’objet et la cause (voy. supra) depuis 2005, ce
sont des notions factuelles : l’objet = le résultat factuel que je demande et la cause =
les faits que je raconte en tant que partie. Le juge peut, et souvent doit, changer les
qualifications/modifier les bases légales ( ça touche au principe dispositif, pour un
service meilleur de la justice).
- Le Ministère Public il n’est pas seulement compétent en matière pénal : il l’est aussi en
matière civile, et ce à trois égards :
o Dans le droit de la famille, il jouit d’un droit d’action (opposition à un mariage par
exemple, intérêt des enfants…), même ‘quand on n’a pas sonné’.
o Un rôle d’instruction dans un litige civil :
Art. 138bis C.Jud. l’auditorat du travail en matière de sécurité sociale =
compétence exclusive du Trib. du travail. Pourquoi ? Parce que l’auditorat du
travail jouit en monopole d’un rôle d’instruction en matière de sécurité sociale
(voy. supra). Il peut interpeler des organismes de société sociale, qui doivent
lui obéir.
11e cours
Biensur, le contradictoire est la règle, mais parfois il faut – à titre exceptionnel – sacrifier ce droit
naturel : en cas de requête unilatérale. Certes, la nécessité oblige, mais il faut pouvoir ménager au
justiciable qui n’a pas pu participer au procès, parce que c’était extrêmement urgent, parce que c’était
absolument nécessaire, un recours de pleine juridiction devant le même juge (la Cour EDH le dit). Ce
recours s’appelle la tierce opposition. Le juge doit d’abord faire respecter le contradictoire : il est
gardien des bonnes manières. Il devra donc veiller à ce que les parties le respectent entre elles. Il
pourra par exemple écarter des conclusions tardives des débats, écarter des pièces qui n’ont été
communiquées à l’adversaire (renvoi aux règles de la mise en état voy. plus tard (artt. 740, 747 et
748 C.Jud.).
Il est lui-même un acteur du contradictoire : il doit aussi le respecter. Il ne peut jamais surprendre le
justiciable, quand bien même il est parfois placé dans cette position de créer un effet de surprise.
Premier texte pour illustrer cela : l’art. 774 C.Jud. il parle de la réouverture des débats (voy. aussi
P. 299 SYLLA = toutes les situations où le juge peut le faire). À l’alinéa 2, on lit que, lorsque le juge
soulève d’office une exception qui est de nature à reconduire au rejet de la demande, il doit rouvrir les
débats, pour permettre à la partie surprise de s’expliquer. Le juge est ici débiteur du contradictoire.
Très vite, la Cour de cass. a étendu cette règle à toute situation où le juge soulève d’office, que ce soit
une exception de procédure, un moyen de fait/de droit/de fond…, et que ce soit au rejet de la demande
ou au contraire, pour accueillir la demande !
Par ailleurs, ce n’est pas surprenant : nous avons déjà vu cette règle lorsqu’on étudiait la cause. Le juge
peut (fait adventice)/le juge doit (fait invoqué) soulever d’office tel ou tel moyen. Toutefois, à ce
pouvoir, il y a des balises : l’accord des parties (1) ; le juge doit se limiter aux faits du dossier (2) ; le
juge qui soulève d’office un moyen de droit/une qualification inédite, doit respecter le contradictoire
et rouvrir les débats (3).
Nous reverrons l’autorité de la chose jugée à la P. 315 SYLLA il y a autorité de la chose jugée entre
les parties. Mais à quelles conditions ? La Cour de cass. dit que ce n’est le cas que quand les parties ont
pu débattre ‘le juge ne peut sortir de son chapeau un lapin que personne n’a vu venir’. Il n’y a pas
de chose jugée quand le juge s’exporte des débats.
REMARQUE : rouvrir les débats coûte cher il faut un jugement à concevoir par le siège, à mettre en
musique par le greffe ; ça suppose un nouveau débat… N’entre-t-on pas en conflit avec un autre droit
de l’homme, notamment celui d’être jugé dans un délai raisonnable ? Solution : la doctrine, la Cour de
cass. et même le législateur ont essayé de respecter le principe du contradictoire, tout en faisant des
efforts pour économiser. On veut épargner au justiciable des coûts et des longueurs parfois excessives.
Quelles sont ces idées ?
- La réouverture des débats : art. 775 C.Jud. en principe, elle a lieu par écrit. Personne n’a
dit qu’il fallait respecter le principe contradictoire oralement ! L’écrit est un parfait canal pour
le respect des droits de la défense.
- L’audience interactive : art. 756ter C.Jud. le juge peut proposer un débat interactif aux
parties. C’est alors le juge qui pose les questions. On gagne du temps et le juge peut anticiper
en disant : « là, je compte soulever tel moyen et j’aimerais vous entendre là-dessus », plutôt
que d’attendre un arrêt, qui doit être notifié.
1- Les audiences sont publiques (art. 148 Const. et art. 6 Conv. de sauvegarde des droits de
l’homme), sauf exceptions (huis clos, bonnes mœurs, ordre public, etc. (voy. la Constitution,
la CEDH, les droits de la presse…)).
Ceci dit, l’oral ne disparait pas : l’audience de plaidoirie demeure le principe. Au bout des écritures, il
y a donc la plaidoirie. (Toutefois (pas matière d’examen), il y a la possibilité à l’article 757 C.Jud. d’avoir
une procédure exclusivement écrite, de l’accord des parties (pendant la première vague COVID-19,
c’est la procédure qui fût imposée)).
De plus, il reste toujours l’enquête par témoin. Il y a aussi l’art. 556bis C.Jud. : lorsque les parties n’ont
pas conclu, par écrit, ou ont conclu en retard, et que donc leurs conclusions sont écartés, cette partie
jouit encore du droit de plaider la cause. Attention, ce n’est pas une parfaite seconde session
l’oralité n’est pas une session de repêchage parfaite. Il y a deux grandes différences entre l’oralité et
l’écrit (= deux avantages qu’on ne peut rattraper oralement) :
- Introduire une demande incidente = quasiment impossible (art. 809 C.Jud.).
- Obligation de motivation du juge (art. 149 Const. + art. 780 C.Jud.) le juge ne doit répondre
qu’aux conclusions !
- Art. 972bis : les parties doivent collaborer loyalement avec les experts. Par contre ( !! ), la Cour
de cass., par des arrêts du 13 décembre 2019 (arrêt Boël) et du 31 janvier 2020 (et encore une
babiole en 2021), a décidé – alors qu’en 2014, elle avait rédigé un bel arrêt de principe de droit
de la loyauté – que la loyauté procédurale n’est PAS un principe général de droit ! Elle a revu
le statut normatif du principe. La Cour de cass. considère qua la loyauté procédure a bel et
bien des effets juridiques, mais qu’elle n’est plus un principe général du droit : elle fait d’abord
connaître du succès à la loyauté, puis elle la dégrade d’un rang (2014 2019 et s.).
(2) On peut toujours ne pas venir et se faire représenter par un avocat. Toutefois, il y a quelques
exceptions à ce principe.
a. Le Trib. de la famille (art. 1253ter/2 et 3 C.Jud.) : à l’audience d’introduction/à chaque
audience où les intérêts d’enfants mineurs sont en jeu, les parents (+ leurs avocats,
éventuellement) doivent être là. Ratio legis ? On veut sensibiliser les gens et on veut
permettre aux juges de promouvoir les modes alternatifs de résolution des conflits.
b. La mesure d’instruction inscrite à l’art. 996 C.Jud. le juge peut ordonner la
comparution personnelle des parties.
(3) Par ailleurs, là où avant, l’avocat avait le monopole de la plaidoirie, aujourd’hui ce monopole
s’est effrité. Les 25 dernières années, la loi a modifié le monopole de représentation de
l’avocat. Mais, retour à l’art. 728 devant certains juges (juge de paix, juge de police, Trib.
de l’entreprise), on peut comparaître par parent/allié.
Devant les Trib. du travail il y a quelque chose de remarquable : qui peut plaider (enplus des
personnes habituelles) ? Les délégués syndicaux peuvent agir en lieu et place des avocats.
- Art. 802 C.Jud. : quand le justiciable n’est pas là l’affaire est prise en délibéré par défaut.
- Variante : le défendeur fait défaut, mais le doute s’instille dans la tête du juge, qui, par manque
de temps/par doute, veut reconvoquer le défendeur défaillant (art. 803 C.Jud.)
reconvocation du défendeur sous pli judiciaire (1) ou reconvocation par exploit d’huissier (on
arrive à une ‘audience d’introduction bis’) (2). Qu’arrive-t-il alors ?
o De nouveau défaut ? Le défaut est alors pris, acté, jugé.
o Il ne se passe presque rien et personne ne vient… Art. 729 C.Jud. lorsque les parties
sont assistées d’avocats, ils peuvent remplacer leur présence à l’audience
d’introduction par un acte de postulation (= un acte écrit). Dans cet acte on peut même
faire des propositions constructives pour la mise en état (attention aux exceptions/cas
spéciaux analysé ci-dessus ( défaut)). Cette facilité est réservée aux avocats.
o Les débats succincts : pour des affaires succinctes, brèves, on n’attend pas longtemps :
le législateur permet de retenir l’affaire dès l’audience d’introduction (art. 735 C.Jud.).
o Les parties/leurs avocats peuvent physiquement comparaître à l’audience
d’introduction pour tout de suite faire état de propositions sur la mise en état. Les
avocats peuvent donc le faire par écrit (art. 729)/ils peuvent le faire oralement.
L’idée est la suivante : « luttons contre l’arriéré judiciaire et pour les affaires simples, faisons tout pour
‘garder les petits poissons dans les filets des audiences d’introduction’ ». L’article fait en sorte que des
affaires simples, susceptibles d’être plaidées brièvement, soient retenues à l’audience d’introduction,
ou, à brève échéance (c’est-à-dire si le magistrat n’a même pas 3-4-5 minutes à consacrer aux parties,
accorder le bénéfice des débats succincts et reporter l’affaire à un moment postérieur).
- Paragraphe 1 : il s’agit des débats succincts proprement dits. Il faut les demander et les
obtenir.
Qui peut les demander ? Tout le monde (le demandeur dans son acte introductif le
défendeur à l’audience d’introduction).
Comment s’y prendre et quand ?
Chaque avocat a tendance à penser que son dossier est ‘le plus facile du monde’ et que la
contrepartie est un clown, que le client a évidemment raison. Non : il faut réserver cette option
à des cas DIGNEMENT simples (par exemples des cas où il y a eu peu de protestation ; le cas
absolument évident, etc.). Il faut également motiver pourquoi le cas est simple. Mais
attention : au plus on doit motiver qu’un cas est simple, au moins il l’est réellement ! Le
‘gardien de l’horloge’, c’est le juge : c’est lui qu’il faut convaincre de la simplicité du cas. Le
juge accorde/n’accorde pas les débats succincts.
- Paragraphe 2 (plus neuf) : ce sont les débats succincts présumés. On offre au justiciable
(spécialement au demandeur) le bénéfice irréfragable de débats succincts.
On peut valoriser ce droit accordé ou y renoncer.
Il y a quelques cas :
o Les cas où les parties sont d’accord. En théorie, le juge est lié par cet accord.
En pratique, le juge refuse souvent (ils se protègent contre des abus).
o Les demandes de délai de grâce. Par exemple : on assigne en paiement d’une créance
un débiteur. Le débiteur ne conteste pas. Il demande juste un délai de grâce. On
n’attend pas des années pour plaider ça.
o Art. 19, al. 3 (examen) : la demande d’un jugement avant dire droit (soit une mesure
d’instruction, soit une décision qui aménage provisoirement la situation des parties).
Je demande un jugement avant dire droit dans ma citation. Je ne vais pas attendre 5
ans pour plaider un jugement avant dire droit (on le fait dès l’audience
d’introduction/à très brève remise).
Par rapport aux débats succincts, qu’ils soient sensu stricto ou présumés, voici quelques règles
communes. Ce n’est pas parce qu’on est en débats succincts qu’on saccage le contradictoire. Le
principe du contradictoire s’applique avec des formes aménagées :
- Les pièces peuvent être communiquées jusqu’à l’audience même ( en même temps que les
conclusions).
- Il est possible d’échanger des conclusions en débats succincts, mais ce n’est pas l’usage. L’idéal,
c’est de le faire à l’oral. Mais rien n’empêche qu’on le fasse à l’écrit. Toutefois, il faut veiller à
ce que ça ne devienne pas trop long !
Par rapport à l’indivisibilité des litiges : art. 31 C.Jud. art. 735, §5 nous dit : « le litige est indivisible,
ce n’est pas grave ! L’art. 735 continue quand-même à s’appliquer. » Par contre, si le litige est
indivisible et il y a des parties défaillantes, il faut les reconvoquer par pli judiciaire.
Art. 735, §6 : les décisions relatives à l’application d’une présente partie ne sont susceptibles d’aucun
recours. Il y a là l’illustration d’une catégorie qu’on appelle les mesures d’ordre (voy. P. 371 SYLLA). On
verra l’art. 1046, qui parle de la mesure d’ordre intérieure : elle n’est susceptible d’aucun recours, car
elle ne tranche rien ! Elle ne pose pas préjudice. Lorsque le juge applique l’art. 735 ou refuse de
l’appliquer, il rend une pure mesure d’ordre.
C Mise en état des affaires qui ne peuvent être traités en débats succincts
Deuxième scénario : les affaires non succinctes elles sont traitées ‘par circuit long’ ( débats
succincts : circuit court).
Siège de la matière : art. 740 et s. C.Jud. À l’audience d’introduction, pas grand-chose ne se passe.
L’affaire est distribuée par le chef de corps (art. 726 C.Jud.) : il a le pouvoir de dispatcher en fonction
du règlement particulier. Au lieu de renvoi, l’affaire est mise en état. Il y a plusieurs types de mise en
état. Schématiquement, elle appelle deux types de formalités :
Art. 740 C.Jud. : les pièces d’une partie doivent être communiquées à l’autre partie au plus tard en
même temps que ses conclusions. Les délais pour conclure sont les même que ceux pour communiquer
les conclusions. Sanction ? Les pièces communiquées au-delà de ce délai sont écartées des débats
(poubelle !). Comment fait-on pour communiquer les conclusions ? Voy. le C.Jud. (art. 737) et la
pratique. On peut communiquer les pièces de deux façons :
- Soit par le dépôt au greffe, auquel cas l’adversaire pourra venir les consulter sans déplacement
(il ne peut les bouger, mais il peut demander des copies/en prendre des photos),
Les pièces doivent être accompagnées d’un inventaire. L’inventaire est exigé par la Cour de cass. à des
fins probatoires. Sans inventaire, il faut administrer la preuve de l’envoi.
Quid des conclusions ? Ce sont des actes de procédure, nécessairement écrits. La Cour de cass. exige
l’écrit (par exemple : art. 809 pour faire une demande incidente, il faut des conclusions). Dans les
conclusions on met les moyens de défense, les exceptions, les demandes incidentes… Qui peut les
faire ? Copier-coller de l’art. 728 C.Jud. et ce qu’on a vu là.
- Le fouillis,
- Les longueurs excessives,
- Les propos ad nominem,
Le juge doit avoir envie de faire du copier-coller. Il faut arriver à ce point-là de neutralité,
tout en étant convaincant.
L’art. 743 dit qu’il faut indiquer le nom, prénom, le domicile, l’adresse électronique… il n’y a pas de
sanction (pas de nullité sans texte). L’inventaire est également obligatoire (même s’il n’y a pas de
sanction prévue).
Quel est le contenu des conclusions ? Depuis 2007 et depuis Pot-Pourri (2015 – 2018), il y a quelques
guidelines pour éviter du grand n’importe quoi dans les conclusions et pour faciliter la tâche du juge.
L’art. 744 y ajoute une règle productive. « Vous ne pouvez pas, dans des conclusions, procéder à des
renvois à d’autres conclusions ». Quelle est la sanction du non-respect de ce formalisme ? Ce n’est pas
la nullité des conclusions ! Ce n’est pas l’écartement non-plus. Non : c’est une sanction plus soft, qu’on
retrouve à l’art. 780, °3 : « à peine de nullité… » (mais attention, ce n’est pas une ‘vraie nullité), c’est-
à-dire à peine de recours, une décision judiciaire comporte la réponse aux conclusions des parties,
conforme à l’art. 744. Ça signifie que si les conclusions sont mal fichues, le juge n’a pas l’obligation d’y
répondre. Au passage, retour à l’art. 744, qui dit qu’on doit indiquer les moyens. Ce sont les moyens
de fait et de droit ! Petite comparaison : on a vu que, concernant l’acte introductif, un arrêt de la Cour
de cass. de 1978 disait qu’une citation pouvait ne pas comporter ces moyens de droit.
Est-ce que je suis liée par mes moyens de droit ? Non (Cour de cass. depuis 2005) : si les moyens de
droit ne sont pas les bons, le juge peut et souvent il doit changer les moyens. On ne perd rien via le
juge actif.
- Si on n’invoque pas les moyens de droit, la Cour de cass. considère depuis quelques années
que le juge va faire le boulot, au profit/au détriment d’une partie ou de l’autre, car le juge n’a
pas à respecter le contradictoire ici ! On a donc tout intérêt, en tant qu’avocat à collaborer au
droit.
« Concentration des écritures », qu’est-ce que ça signifie ? Art. 744, al. 2 : je ne peux faire des
conclusions par renvoi le juge ne sera obligé d’y répondre. Je dois concentrer mes moyens dans
mes conclusions. Ça n’est pas tout : le Code Judiciaire rajoute une autre règle, à l’art. 748bis C.Jud. Cet
article a été modifié plusieurs fois (Pot-Pourri). Les dernières conclusions d’une partie prennent la
forme de conclusions de synthèse. L’article continue : pour l’application de l’art. 780, al. 1er, °3, les
conclusions de synthèse remplacent toutes les autres conclusions antérieures et le cas échéant, l’acte
introductif d’instance de la partie qui dépose les conclusions de synthèse. En d’autres termes :
lorsqu’on a plusieurs occasions de conclure (et c’est souvent le cas), la dernière échéance est celle pour
laquelle il faut nécessairement faire des conclusions de synthèse. il faut reprendre tout mais rien que
l’argumentation la plus à jour.
Vient la question des délais… voy. art. 747 C.Jud. ! C’est l’article contenant les délais contraignants.
Les délais pour conclure font l’objet de dispositions qui s’articulent en trois méthodes dans le Code. Il
y a trois alternatives ; on ne cumule pas.
[1] Il y a d’abord la mise en état, qui est purement consensuelle (§1), combiné avec les artt.
748 et 750.
Résumé : on n’est pas en défaut ; on n’est pas en débats succincts. Les parties ne s’entendent
pas, mais une chose est sure : elle ne veulent pas ne rien faire elle ne veulent pas
s’astreindre au respect de délais contraignants. (C’est peut-être une ‘fausse bonne idée’. Par
exemple : l’adversaire dit « ouioui, je vais conclure assez vite, ne vous inquiétez pas… Tu as ça
pour après l’été » etc. S’il n’y a pas moyen de le contraindre, vous êtes foutus.) Comment ça
se passe : à l’audience d’introduction, de deux choses l’une :
- Soit on est avocat et on fait un acte de postulation écrite (art. 729). Les deux parties sont
d’accord – unanimement – de ne pas recevoir de délai. Les parties sont, en d’autres mots,
d’accord que l’affaire soit renvoyée au rôle général.
- Soit on ne passe pas par l’art. 729 on vient à l’audience d’introduction et on dit au
magistrat : « on veut UNANIMEMENT un renvoi au rôle général ». (S’il n’y a pas d’accord
unanime [2].)
Que se passe-t-il ? L’affaire peut remonter dans les 2, 5, 20, etc. ans. Les parties sont en état.
Il ne reste qu’à plaider ; à obtenir ce qu’on appelle une fixation à l’audience. Comme l’obtient-
on ? Art. 750. on poursuit la voie consensuelle : il faut unanimement remplir ce qu’on
appelle une demande conjointe de fixation. On la dépose au greffe et on attend de recevoir la
fixation.
Existe-t-il des sanctions ? Non et oui on ne peut contraindre son adversaire à conclure en
cours de mise en état, car on a renoncé à toute forme de contrainte ! À un moment donné, il
y a quand même une forme de contrainte : au moment même où on dépose au greffe la
demande conjointe de fixation, là c’est fini (art. 748 C.Jud.), SAUF pour les conclusions prises
après dépôt de la demande conjointe de fixation elles sont écartées des débats.
1 : l’accord expres de toutes les parties ( principe dispositif). Mais il faut l’accord unanime
des autres parties !
2 : le cas de demande visé à l’art. 808 (tableau de demandes incidentes) en cas de demande
additionnelle, on peut toujours (même jusqu’à la veille de l’audience) prendre un petit bout
de conclusion (≠ des conclusions de synthèse), pour rajouter une demande additionnelle. C’est
une simple actualisation (donc pas une demande nouvelle).
Les délais ne sont pas contraignants (c’est comme pour les gentlemens’ agreements).
[2] Il y a la mise en état conventionnelle judiciarisée (= la voie royale selon le prof) (§1),
combiné avec l’art. 748. Elle cumule la souplesse de la mise en état consensuelle et la fermeté
de la mise en état purement judiciaire. Explication : art. 747, §1 soit, dans l’acte de
postulation écrit des avocats d’emblée, soit à l’audience d’introduction si on vient
physiquement, soit à n’importe quelle audience (par écrit/à l’oral), on se met d’accord entre
parties : « je te réponds pour le 15 juin, tu me réponds pour le 15 juillet… ». Les parties se
mettent donc d’accord sur des échéances communes, qui correspondent aux disponibilités des
parties, des avocats, etc.
L’accord amiable est alors entériné par le juge. Le juge et son greffier prennent acte de l’accord.
Le calendrier en fait du hard law on passe de soft law à hard law et le juge fixe une audience.
Donc on a la feuille de route, le juge en prend acte, tout est claire, mais les délais sont-ils
contraignants ? Oui (car ils ont été entérinés), car l’art. 747, §1, combiné avec l’art. 748 nous
dit que les conclusions prises en dehors du délai sont écartées des débats. Y a-t-il des
exceptions à cet écartement ? Oui : les trois mêmes que dans le [1].
[3] La mise en état purement judiciaire (§2), combiné avec l’art. 748.
Petite remarque à propos de la mise en état judiciaire. Pour les parties, le délai est d’un
mois pour les observations ; pour les juges, il est de 6 semaines, à partir de l’audience
d’introduction (en total il a deux semaines entre les observations des parties et l’ordonnance).
Les délais sont raccourcis devant le juge des référés, le juge des saisies, le juge de la famille.
Devant eux, les délais sont ramenés à 5 jours pour les parties et à 8 jours pour les juges.
Existe-t-il des recours contre l’ordonnance de mise en état judiciaire ? Non ! Selon l’art.
747, il s’agit de mesures d’ordre, non susceptibles de recours. La seule possibilité est de faire
rectifier une erreur matérielle.
Points communs :
Art. 756ter : le juge peut proposer aux parties de remplacer les débats classiques par des débats
interactifs. Si les parties acceptent, il y aura un débat interactif. Si les parties refusent, le juge peut
quand même l’imposer. Qu’est-ce que ça signifie : le juge peut sortir de sa réserve (et il gagne du
temps) il dit sur quoi exactement il veut entendre les parties. De plus, de cette façon, il anticipe la
réouverture des débats ( ainsi, pas de surprises !).
Classiquement le juge, ayant la police de l’audience, est le seul à ordonner la clôture des débats (art.
769 C.Jud.) (on dit clore les débats, pas clôturer ( !! ). Puis, le juge rentre dans son délibéré.
L’art. 756 dit que les parties doivent déposer leur dossier de pièce au greffe 15 jours avant l’audience
au moins. Les conclusions y sont déjà !! Pour quoi faire ? Pour permettre au juge de préparer le dossier
et éventuellement d’organiser un débat interactif. C’est un simple délai d’ordre, donc en cas de non-
respect, il n’y a pas de sanctions. Un juge qui ne peut préparer son dossier ne peut être un bon juge à
la cause.
12e cours
La décision de clôture des débats et une pure mesure d’ordre. Il se peut que dans le secret du délibéré,
les juges éprouvent la nécessité de réouverture des débats qui viennent d’être clos (art. 772 à 776
C.Jud.). La réouverture est de deux types et de deux causes. Elle mène à l’application d’une seule et
même procédure. Pourquoi deux causes ? Car peut être à l’initiative de la réouverture des débats soit
une partie, soit le juge lui-même.
- Qu’advient-il si le juge rouvre les débats ? Art. 774 C.Jud. on passe à l’art. 775. En principe,
il y a une procédure écrite en cas de réouverture des débats (le but = gagner du temps). Jadis,
le juge devait fixer une nouvelle audience ; ça prenait trop de temps. Aujourd’hui, tout se fait
par écrit. Le juge fixe un délai de conclusions s’appliquant à tout le monde. Il ne tient plus
audience (en principe à titre d’exception, il peut quand même le faire, s’il en éprouve le
besoin).
- Lorsque le juge rouvre d’office les débats, la Cour de cass. considère que sa décision est
susceptible de recours. L’art. 776 C.Jud. ne s’applique pas.
La réouverture des débats peut être provoquée à l’initiative d’une des parties (artt. 772 et
773). Lorsqu’une des parties veut se prévaloir d’un fait nouveau et capital (~ en cours de mise
en état : art. 748, §2 C.Jud.), qui a une incidence à l’estime de la partie adverse, la partie
adverse peut rédiger une requête en réouverture des débats/peut décrire le fait nouveau et
capital, tout en décrivant l’incidence qu’il aura sur la décision du juge. La requête est déposée
au greffe et notifiée aux autres parties (art. 773). Les parties peuvent, dans les jours qui
suivent, faire valoir des observations. Le juge prend ses responsabilités et soit il rouvre les
débats (application de l’art. 775 C.Jud.), soit il dit qu’il n’y a pas de quoi perturber son délibéré
et il rejette la requête. Art. 776 la décision que le juge prend sur la requête de réouverture
des débats n’est PAS susceptible de recours.
F Affaires communicables
Cette matière fait écho au rôle réel du Parquet en procédure civile. Le Procureur du Roi et son Parquet
son présent à trois moments, schématiquement présentés, dans la procédure civile.
2- Rôle d’instruction de litige dans certains cas (p.ex. : art. 872 C.Jud., art. 138bis),
3- L’avis le rôle d’avis du Ministère public est réel, mais tout à fait aminci (Pot-Pourri). L’idée
était la suivante : sacrifions des excès de certaines figures du procès civil (au même titre que
la collégialité du siège : de 3 on passe à 1 juge) on a sacrifié un autre bijou de famille
également, notamment l’avis du Ministère public. Il ne faut pas se laisser tromper par les
apparences, car en lisant les textes, on a l’impression que le rôle d’avis est toujours très dense.
En réalité, pas du tout : il se trouve que, si on prend les articles 764 à 767, on voit une liste
immense dans laquelle il est dit : « à peine de nullité, les affaires suivantes sont communiquées
Dernière remarque par rapport à cette liste : cette liste énumérant les affaires communicables ne vaut
pas pour les juges des référés, SAUF le juge de référé familial ! Deuxième acteur épargné par
l’obligation de remettre le dossier pour avis : le juge des saisies ça doit aller vite. Troisième acteur
qui, pendant des décennies, ne figurait pas sur la liste, puis y figurait pendant deux ans, et qui
maintenant est à nouveau retiré : le juge de paix, dont on sait qu’il conserve quelques compétences
résiduaires en droit de la famille (la tutelle, les malades mentaux…). Attention, si avis il y a, encore
faut-il que la procédure de récolte de l’avis soit respectueuse des droits de la défense. C’est l’objet des
articles 766, 767 et 768. Jadis, il y avait non seulement une pratique, mais une règle constante selon
laquelle le Procureur du Roi qui émettait son avis (au TPI, Cour de cass…), avait le dernier mot. Le
Procureur du Roi et le Procureur fédéral participaient même aux débats, devant la Cour de cass. par
exemple.
Toutes ses pratiques ont été dézinguées à Strasbourg aujourd’hui, au nom du contradictoire et des
apparences, les parties doivent pouvoir répliquer à l’avis du Ministère Public, que ce soit oral ou écrit,
et le Parquet ne participe plus jamais au délibéré pour préserver les apparences.
G Délibéré et jugement
( !! ) Le délibéré est secret. Artt. 778 et 777 le délibéré est secret. Le juge ne peut parler de son
délibéré à personne (il est lié par le secret professionnel). Si les juges sont à plusieurs, il y a interdiction
de dire qui a décidé quoi pendant l’audience.
Rappel : en droit belge, il n’y a pas la pratique des dissenting opinons. Le délibéré est secret chez nous :
les juges doivent se soumettre.
Quid du timing du délibéré ? La règle = art. 770 C.Jud. : le temps du délibéré est d’un mois. Petite
échappatoire : le temps du délibéré est prolongé jusqu’au 15 septembre lorsqu’il est en vacances
judiciaires. C’est normal que le juge dépasse ce délai de temps en temps. Existe-t-il une sanction
(1) Le scénario du défaut pris à l’audience d’introduction le demandeur n’a pas encore eu de
nouvelles de l’adversaire (ni en personne, ni via son avocat + pas reçu d’acte de postulation
rédigé par l’adversaire) avant l’audience d’introduction. Il prend ses avantages (art. 802 : le
demandeur requiert le bénéfice d’un jugement par défaut).
b. Le juge éprouve un doute plus ou moins intense sur le respect des droits de la défense
du défendeur défaillant. Le doute augmente à la vue d’une nullité, qui affecterait la
citation ou la requête. Là, le doute devient presque de la perplexité on ne peut pas
soulever de nullité. Pourquoi ? On le verra : parce que plus aucune nullité n’est d’ordre
public. Seules les nullités linguistiques le sont.
Question d’examen : le juge statuant par défaut est-il pour autant condamné à
condamner un défendeur irrégulièrement convoqué ? NON il ne peut pas soulever
l’exception de nullité, mais que peut-il faire ? Il peut soulever l’art. 803 C.Jud. : le juge
qui éprouve un doute ou qui n’a pas le temps, peut ordonner la reconvocation du
défendeur défaillant, à une prochaine audience, dans le respect d’un nouveau délai de
citation. Il dispose de deux outils : un outil soft (art. 803, al. 1er) et un outil plus ‘hard’.
i. L’outil soft : le juge peut faire reconvoquer sous pli judiciaire le défendeur
défaillant. Depuis les Lois Pot-Pourri, il y a un second alinéa :
ii. L’outil hard : le juge qui a un doute fondamental peut ordonner la
reconvocation du défendeur par exploit d’huissier aux frais du demandeur.
Si l’intéressé n’est toujours pas là, le juge doit prendre ses responsabilités et prendre
l’affaire en délibéré, par défaut.
(3) Art. 804 : nous sommes dans l’hypothèse où le défendeur a comparu à l’audience
d’introduction. Pour une raison qu’on n’explique pas, il y a défaut par la suite. L’article dit
Par contre, il y a aussi l’article 806 C.Jud. (examen !!) c’est l’article qui a suscité des passions (Lois
Pot-Pourri par exemple) et de nombreuses controverses. Aujourd’hui, tout s’est apaisé. Ce qu’il dit
revient à ceci : le juge, statuant par défaut, ne peut soulever que des moyens d’ordre public. A
contrario, il lui est interdit de soulever des moyens qui ne sont pas d’ordre public si le justiciable ne
vient pas. Pourquoi cette réforme a eu lieu ? C’est mieux, plus vite, moins cher.
Est-ce pour autant que le législateur a été cruel ? Non, pas si on complète ce texte d’autres textes
s’agissant des droits de la défense (art. 803 C.Jud.), les juges veillent au grain s’il y a un problème : le
juge ne dit rien mais peut reconvoquer le justiciable défaillant.
Quid des moyens de fond ? Il y a pas mal de matière qui est d’ordre public (beaucoup de droit familial,
beaucoup de droit fiscal, social…). Il reste toujours un petit pincement les juges voient souvent
arriver (exemple) des cas dans lesquels une créancière/un créancier alimentaire, spéculant sur le
défaut de son ex, réclament des pensions alimentaires tout à fait colossales. C’est difficile pour le juge,
car l’aliment n’est PAS d’ordre public. En matière quasi-délictuelle aussi, par exemple : une victime,
confrontée à un automobiliste irresponsable, se trouve face à un adversaire qui fait défaut. La victime
demande une énorme somme.
La Cour de cass. a rendu un bel arrêt du 13 décembre 2016 : certes l’art. 1382 C.Civ. n’est pas d’ordre
public, mais spéculer sur le défaut de son adversaire en justice, c’est contraire à l’ordre moral, à l’ordre
éthique de l’état de droit, et ça, c’est contraire à l’ordre public !! (Parallèle avec ce qu’on a vu en droit
pénal par rapport à la clause pénale, dans les années 1960 : avant la Loi de 1998, la Cour de cass. avait
dit que la clause pénale était nulle, car elle était contraire à l’ordre moral on ne spécule pas sur
l’inexécution de son adversaire ; 40 ans plus tard, la Cour de cass. a donc recopier son idée pour la
§3 La procédure en référé
On parle de la procédure introductive d’un référé aux sens strict, c’est-à-dire une procédure d’urgence,
contradictoire. Aux procédures en référé d’urgence, on assimile les procédures que la loi nomme
« comme en référé », elles se déroulent comme en référé (l’action en cessation par exemple).
A Introduction de la demande
Le délai de citation est raccourci par la loi (de 8 à 2 jours). Le délai est-il susceptible d’être augmenté
par la distance du défendeur ? Oui art. 1035 (renvoi à l’art. 55). Existe-t-il la possibilité de raccourcir
le délai de référé ? Oui art. 1036 : le référé d’hôtel (de 82 jours, on peut passer à 5 par exemple, de
2 jours à quelques heures, etc.).
Sous quelle forme puis-je introduire un référé ? Rendez-vous en droit commun quand la loi ne dit rien
citation par exploit d’huissier. Existe-t-il des cas exceptionnels, où la loi, expressément, autorise
l’introduction de référé par requête ? On peut les compter sur les doigts d’une main, mais on ne doit
en retenir qu’un = le référé familial offre au justiciable une jolie palette (art. 1253ter/4 C.Jud.) par
requête, par citation…
Pour le reste, l’immense majorité des cas de référé se font par citation.
De plus, théoriquement, la possibilité existe de comparaître conjointement en référé. Pourquoi
théoriquement ? On s’imagine bien que, s’il y a urgence, ça ne marche pas vraiment bien (ça ne va pas
assez vite).
Le juge des référés peut-il ordonner une mesure d’instruction ? Oui le juge des référés peut
ordonner une expertise, descente sur les lieux… D’ailleurs, bon nombre des référés sont des référés
de mesures d’instruction.
Plus intéressant est quid des demandes incidentes en référé ? Peut-on faire une demande
reconventionnelle/nouvelle/en intervention devant le juge des référés ? Oui à la condition sine qua
non que cette demande soit elle-même sous-tendue par l’urgence ET par le provisoire ! Par contre,
rien n’empêche de dégêner une demande en intervention forcée contre l’assureur qui doit d’urgence
participer à l’expertise, par exemple.
- Une ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée. Ce n’est pas une décision
définitive : elle peut être remodelée et contredite elle ne vaut qu’à titre précaire,
provisoire.
- S’agissant de la force exécutoire, une ordonnance de référé est toujours exécutoire de plein
droit/par provision. Aussitôt qu’est prononcée une ordonnance de référé, on peut, si on
obtient la mesure demandée, la faire exécutée par la contrainte à l’encontre du défendeur,
quand bien même interjetterait-il appel artt. 1039 et 1397, al. 3 : une ordonnance de référé
est un véritable bulldozer exécutoire ; rien ne peut suspendre son exécution. C’est logique à
cause de l’urgence attendre n’aurait pas de sens.
À propos des voies de recours, il n’y a pas grand-chose de spécial : les règles d’appel qu’on a déjà vues
s’appliquent. Un petit détail : l’appel de référé se passe plus vite. De plus, à l’art. 1066 C.Jud., est dit
que les appels d’ordonnance de référé sont traités au bénéfice des débats courts et rapprochés en
degré d’appel. C’est logique, un appel de référé, on veut le traiter au plus vite. Pour le reste, voy. le
droit commun.
Qu’advient-il quand une requête unilatérale est affectée d’une nullité (on songe en particulier au cas
d’absence de signature d’avocat, prescrite à peine de nullité) ? Les nullités d’ordre privé nécessitent
un défendeur normalement on est donc face à une difficulté, car il n’y a pas de défendeur. Le juge
saisi d’une requête unilatérale nulle devra lui-même soulever cette nullité (jurisprudence de bon sens).
B Procédure
La requête unilatérale est soumise au greffe. Le président instruit cette requête unilatérale et statue
sur pièces (art. 1028 C.Jud.).
Quid de sa force exécutoire ? Art. 1029 (+/- le jumeau de l’art. 1039) une ordonnance sur requête
unilatérale est exécutoire de plein droit. Elle est notifiée sous pli judiciaire au requérant. Petite
particularité : art. 1032 C.Jud. ( !! ) = un recours propre aux ordonnances unilatérales, qu’on ne
retrouve nulle part ailleurs. Il permet au requérant initial de solliciter de la présidente la rétractation
(= « veuillez statuer autrement s.v.p., prolonger votre ordonnance, modifier… » c’est la preuve du
fait que l’ordonnance n’a pas d’autorité de chose jugée) de son ordonnance initiale. On appelle cela le
recours en rétractation.
Y a-t-il des voies de recours ? Oui il y a des voies de recours adaptées au caractère unilatéral de la
procédure. De deux choses l’une : soit comme requérant, on obtient la mesure, soit elle est refusée.
- Si on obtient la mesure, on ne va pas interjeter appel. Par contre, cette ordonnance a, le plus
souvent, vocation à ordonner à un tiers telle ou telle prestation. Ce tiers n’étant pas partie au
procès, ne jouit pas du droit d’appel. Mais alors, comment pourra-t-il exercer son droit de
recours ? La Cour EDH exige qu’on lui fournisse un recours efficace et accessible = la tierce
opposition (art. 1033 C.Jud. + art. 1122 et s. C.Jud. : un tiers peut attaquer une décision qui
lèse ses droits).
- Le requérant échoue ; sa requête est rejetée. Y a-t-il un droit de recours ? Oui : l’appel de droit
commun (Cour d’appel/Cour du travail).
Le jugement est le terme qui est désigné pour qualifier des décisions émanant de juridictions de
premiers ressorts.
L’arrêt est le terme utilisé pour désigner les décisions rendues par des cours (appel, travail, assise,
cassation, C.C., C.E., etc.).
Par contre, il faut faire attention à la distinction entre les décisions définitives et les décisions d’avant
dire droit !! On ne peut pas se tromper et on doit savoir à quoi ça sert. L’art. 19 C.Jud. comporte trois
alinéas, dont on retient le 1er et le 3e. La décision définitive, selon le Code, est la décision par laquelle
le juge épuise sur une question litigieuse sa juridiction. Attention, définitive ≠ finale, totale, irrévocable.
Non, définitive est un adjectif technique en droit judiciaire.
Attention à ne PAS SE MÉPRENDRE sur cette distinction. Les jugements définitifs ont autorité de chose
jugée, les jugements avant dire droit ne l’ont pas ! En termes de force exécutoire, ce n’est pas la même
chose non plus ; idem pour les appels ; en termes de dépens ce n’est pas la même chose non plus, et
ainsi de suite, au regard des règles de ressorts, la recevabilité des pourvois en cassation, etc.
De plus, une décision est soit contradictoire, soit elle est rendue par défaut. Enjeu ? Jadis, l’enjeu était
colossal : on pouvait faire opposition ou ne le pouvait pas. Aujourd’hui, l’opposition existe toujours,
mais elle ne tient plus qu’à un fil très fin, art. 1047 : l’opposition s’est rarifiée. La distinction entre le
défaut et le contradictoire a une importance énorme à propos de la force exécutoire des décisions (il
y a là une protection du défaillant) les décisions rendues par défaut ne sont pas aussi
systématiquement exécutoires que les décisions contradictoires.
Il faut retenir une dernière chose, que la Cour de cass. nous rappelle souvent : la vraie nature d’une
décision est celle qui résulte des règles. La nature d’une décision ne dépend pas de la façon dont son
auteur l’appelle !!
Commentaire : les art. 794/1 et s. viennent compléter ces voies de recours. La plupart des omissions
formelles qui entacheraient un jugement peuvent désormais faire l’objet d’une rectification par
l’auteur même de la décision.
À propos du prononcé, art. 149 Const. (cet article a été révisé récemment, sous l’influence de la
jurisprudence de la Cour EDH, ainsi que par la Cour de cass. assouplissement) : avant, on devait tout
prononcer à voix haute. Strasbourg a désormais décidé qu’on peut se contenter de la publicité des
jugements et arrêts de mesures alternatives (diffusion sur Internet). Une Loi du 7 mai 2019 est venue
fixer les modalités du prononcé : il suffit que la décision soit susceptible d’être mise en ligne.
L’écrit du jugement doit être signé par un tas de monde. Résumé des articles 785, 787 et 787. Le
jugement doit être signé par tous ces auteurs et par le greffier. Il existe toutefois des causes de
dispense, si un magistrat est en situation d’incapacité. Le chef de corps doit alors autoriser que le
jugement ne soit pas signé par cette personne. Ensuite, le greffier authentifie l’indisponibilité de
l’auteur. De plus, oublierait-on de signer un jugement, ce n’est plus bien grave : la rectification permet
de revenir devant le siège.
C Rectification et interprétation
Siège de la matière : art. 793 et s. C.Jud.
Parfois, des problèmes d’interprétation surviennent. On revient alors devant le juge lui-même, pour
qu’il s’explique, ou devant le juge des saisies. Pas question pour le juge d’étendre, de restreindre, etc.
la portée de sa décision !!
Pour la rectification il s’agit de rectifier une erreur matérielle (de calcule, le juge oublie dans le
dispositif d’indiquer qui il condamne, etc.). Depuis 2014, on assimile aux erreurs matérielles
rectifiables, les omissions de statuer. Le juge a l’obligation de statuer sur l’objet, à peine de déni de
justice, art. 1138, °3 C.Jud. le jugement est alors passible d’une voie de recours. Toutefois, depuis
2014, on épargne au juge un recours contre sa décision : il peut réparer lui-même son omission de
statuer (art. 794/1).
S’agissant des formes des demandes en interprétation, en rectification ou en omission de statuer, tout
est dit aux artt. 795 à 797. On ne doit pas connaître cela : ce ne sont que des détails.
§3 Communication du jugement
= Comment un jugement est-il porté à la connaissance de ses destinataires ?
- La décision doit pouvoir être exécutée, si elle est exécutoire (art. 1396 C.Jud.)
- Quid du point de départ du délai de recours contre cette décision ? En règle, le point de départ
est la signification. Ce choix pour la signification est un choix politique. C’est plus sûr.
Pour les délais de recours, c’est la règle également, mais il y a aussi des exceptions.
Attention, il y a des décisions de justice qui sont spontanément exécutées, sans qu’il n’y ait signification
(1). De plus, il y a des décisions qui ne sont jamais frappées de recours, parce qu’on acquiesce (2).
B Notification du jugement
Toute décision est notifiée sous pli simple aux parties, aux avocats. Ça ne produit jamais le moindre
effet juridique.
Quid des notifications sous pli judiciaire ? Il y a des cas dans lesquels une décision est notifiée sous pli
judiciaire. Exceptionnellement, le délai de recours commence à courir non pas au moment de la
signification, comme le veut le législateur, mais au moment de la signification sous pli judiciaire. Le
but ? Amoindrir le coup, on veut être plus prudent (c’est souvent le cas en droit social).
Depuis une vingtaine d’années, la Cour de cass. développe une jurisprudence assez PERFIDE, selon
laquelle, à côté des cas expressément prévus par la loi, il y a des cas où, de l’ensemble des dispositions
applicables, il résulte que les délais de recours partent à compter de la notification sous pli judiciaire
(c’est un peu perturbant : le justiciable ‘n’avait qu’à le savoir, en s’informant’).
Une intervention du législateur est fondamentale (selon le prof). Strasbourg est intervenu et elle a bien
raison : un jour ou l’autre, la Belgique sera condamnée en matière civile. Pourquoi ? Parce que les plis
judiciaires (et ce n’est pas le cas qu’en Belgique) sont entourés d’insuffisance et d’insécurité juridique.
Les plis judiciaires devraient comporter de façon claire, concrète et précise l’existence des voies de
recours, les délais, le lieu, l’exercice, etc. Chez nous, la matière est flottante.
(Remarque : l’art. 46bis Const. n’a jamais été publié au Moniteur Belge un groupe de travail a été
constitué pour indiquer ce qu’un bon pli judiciaire devrait indiquer. Ce groupe de travail ne s’est jamais
mis d’accord, car ça sent la responsabilité de l’État. Un pli judiciaire mal foutu est susceptible d’engager
la responsabilité de l’État l’art. 46bis reste un texte non publié ! = petite question potentielle
d’examen.)
§4 Effets du jugement
A L’autorité de la chose jugée
Siège de la matière : artt. 19 à 28 C.Jud.
- Il y a ce qu’on appelle la valeur décisoire (aspect négatif) le juge ne peut revenir sur ce qu’il
a décidé. Il est interdit de réitérer une prétention.
Lorsque le juge a statué sur une prétention, il lui est interdit de revenir sur ce qu’il a déjà jugé.
Si un juge, dans un premier jugement qu’on appelle interlocutoire, tranche une question
o Les parties,
o L’objet,
o La cause. Jusqu’il y a peu (en 2015, Pot-Pourri), la cause au niveau de la chose jugée (=
les faits tels que le juge les avait juridiquement tranchés jusqu’en 2015) ≠ la cause au
niveau du rôle du juge.
Aujourd’hui, l’art. 23 ajoute : identité des parties et de cause, MÊME quand les
fondements juridiques sont différents.
Est-ce injuste ? Le prof ne pense pas : le plus souvent, le justiciable sera protégé par
un juge actif. Ce texte qui parait sévère n’est que peu applicable, car il y a des juges
bien formés en droit.
La Cour de cass. est allée encore un peu plus loin, en 2007-2008 : il y a interdiction de revenir
sur ce qui a été dit, même si l’objet est différent la Cour neutralise donc un des trois
éléments d’identité. Il suffit qu’il y ait les mêmes parties + la même question litigieuse.
À quelles décisions s’applique cette autorité de chose jugée, facette négative ? À toutes, mais
uniquement aux décisions DÉFINITIVES. A contrario, une décision non définitive n’a pas
autorité de la chose jugée (toutes les décisions d’avant dire droit, ordonnances de référé…).
Est-ce pour autant que ces décisions-là n’ont aucune autorité ? Non une telle décision a
l’autorité de la chose décidée : on ne peut revenir en référé qu’en démontrant un changement
substantiel de circonstances. Une décision en référé vaut rebus sic stantibus = c’est une
décision qui vaut, toute chose restant identique par ailleurs. Si les circonstances changent, on
peut revenir en référé.
Devant le même juge, il est impossible de revenir sur une question litigieuse déjà tranchée.
C’est d’ordre public (exception de dessaisissement). Quid lorsqu’on est devant un autre juge ?
Art. 27 C.Jud. : l’exception de chose jugée ne peut être soulevée d’office par le juge, aussi
étonnant que ça ne puisse paraître. Il est possible que cette règle disparaisse un jour. La Cour
de cass. ne cesse de slalomer autour de ce texte.
- La valeur probatoire, facette positive ce que le juge a jugé vaut preuve au titre de
présomption légale (art. 1350 C.Jud.).
À quoi s’applique cette force probante ? À ce qui a été jugé, en cas de triple identité +
extension de la Cour de cass. ( !! ) aux questions litigieuses déjà tranchées.
À qui s’oppose/à qui profite cette chose jugée ? ( une règle + des exceptions).
o La règle : l’autorité de la chose jugée est relative. Ça signifie qu’en principe elle ne
profite qu’aux seules parties, n’est opposable qu’aux seules parties.
o Exceptions et bémols :
En matière civile, elle vaut ERGA OMNES !! Il faut retenir les cas suivants :
À quoi s’attache la force de chose jugée ? Au dispositif et au motif, qui constitue le soutien
nécessaire pour justifier le dispositif. On les appelle les motifs décisoires. Néanmoins, la Cour
de cass. dit qu’un dispositif/les motifs n’ont autorité de chose jugée que s’ils ont pu être
débattus par les parties. En d’autres termes : pas d’autorité de chose jugée à l’insu de votre
plein gré, sauf en cas de fondements juridiques NOUVEAUX ! Par contre, tout ce qui relève du
fait, et que le juge dit dans sa décision, il faut que les parties aient pu en débattre.
Enfin, la chose jugée s’applique à tout ce qui a pu être implicitement, mais nécessairement
jugé. Exemple : un juge saisi pour un problème de responsabilité. Dans son premier jugement
il dit que le défendeur a commis une faute + il ordonne une expertise pour évaluer le
dommage. Le défendeur a changé d’avocat entre le premier jugement et le second jugement
(après l’expertise). L’avocat dit : « mais enfin, le premier juge était incompétent » ils sont
devant le mauvais tribunal (= moyen d’ordre public déclinatoire d’ordre public). Non, ce
n’est pas possible !! Le juge a implicitement, mais nécessairement considéré qu’il était
compétent. Pourquoi ? Un juge qui tranche sur le fond, pense nécessairement, mais
implicitement qu’il est compétent pour juger !
À quelles décisions cette facette positive s’applique-t-elle ? L’autorité de la chose jugée, que
ce soit son effet positif ou négatif, ne s’applique qu’aux décisions définitives (art. 19, al. 1er).
Pour toutes les décisions qui ne le sont pas, ça ne s’applique pas.
L’idée = une décision de justice a vocation à être exécutée, si elle ne l’est pas spontanément. Art. 40
Const. : l’exécution des décisions de justice a lieu au nom et par le Roi (pouvoir exécutif). Dans les
jugements, les « nous » quand on parle d’exécution visent les acteurs exécutifs. Toute décisions est
Les règles à ce sujet-ci sont très récentes. Aujourd’hui, depuis 5 ans (Pot-Pourri), la règle est
l’IMMÉDIATETÉ EXÉCUTOIRE. La règle est que les décisions de première instance ont vocation à être
exécutoires. Cette règle est assortie d’exceptions et de nuances.
A) Commençons par le jugement définitif au sein des décisions définitives, voyons d’abord les
jugements rendus par défaut. Après, on verra les décisions contradictoires par défaut.
a. Jugement définitif par défaut ; quel est le système ? Art. 1397 C.Jud. : l’appel ou
l’opposition (quand elle existe encore) fait ou faite par le défaillant contre un jugement
définitif par défaut est en principe suspensif de la force exécutoire du jugement par
défaut. Il y a là une petite protection supplémentaire du défaillant : il n’est pas
complètement mis à mal par les Lois Pot-Pourri. En principe le défaillant qui intente
un recours jouira de la suspension de la force exécutoire.
Cela étant dit, il y a une SOUPAPE art. 1397 : le juge prononçant son jugement par
défaut peut, soit d’office, soit à la demande du demandeur, accorder l’exécution
provisoire de sa décision. Toutefois, l’art. 1398 nous dit que ça se passe aux risques et
périls de ce demandeur. C’est-à-dire que si la Cour d’appel vient réformer le jugement
rendu par défaut, le demandeur devra tout restituer. De plus, il peut y avoir un cas de
responsabilité exécutive, sans faute, nous dit l’art. 1398. Le demandeur va devoir
réparer.
b. Toujours à propos des jugements définitifs par défaut, il y a une règle légale
particulière : art. 1398/1 C.Jud. : les décisions définitives par défaut du Trib. de la
famille sont toujours exécutoires de plein droit ; on a renforcé l’efficacité de
l’exécution des décisions du Trib. de la famille. Il ne faut rien demander : on y a droit
d’office. De plus, le Trib. de la famille statuant par défaut peut d’office ou à la demande
du demandeur accorder un effet suspensif au futur appel (il fait une ultime fleur au
défaillant).
c. Art. 1399 (pour mémoire) : il y a des décisions du Trib. de la famille qui ne sont jamais
exécutoires de plein droit. Lesquelles ? Célébration des mariages – état des personnes.
Pourquoi ? On veut éviter la bigamie. Imaginons qu’un Trib. prononce le divorce/la
validité d’un mariage et qu’on puisse consommer immédiatement cette décision
(c’est-à-dire renouer un mariage), on pourrait se marier deux fois.
Qu’en est-il des décisions contradictoires définitives ? Les choses se simplifient : art. 1397
une décision contradictoire définitive est toujours exécutoire de plein droit, par qui qu’elle soit
prononcée. Le juge peut TOUTEFOIS d’office, ou à la demande des parties (après avoir
spécialement motivé) accorder un effet suspensif au futur appel ! À nouveau il y a le
tempérament vu ci-dessus pour les décisions du Trib. de la famille : les décisions concernant
l’état des personnes du Trib. de la famille ne sont jamais exécutoires de plein droit, pour les
raisons vues ci-dessus.
B) Ensuite, il y a les avant dire droit (des deux types = instruction + aménagement) et les référés
(de tout type), requête unilatérale de tout type quid de tout ça ? Il y a une réponse
générique : art. 1397, al. 3 (qui suffit largement à l’examen) toutes ces décisions sont
exécutoires de plein droit, sans la possibilité d’y déroger (mesure d’instruction, ordonnance
de référé… = « bulldozers exécutoires »).
Qu’en est-il de l’effet de la force exécutoire des décisions de justice pour les voies de recours
extraordinaires (pourvoir en cassation, la tierce opposition, la requête civile, etc.) une voie de
recours extraordinaire n’a PAS d’effet suspensif !! Art. 28 C.Jud. : toute décision qui n’est plus
susceptible de recours ordinaire (= appel/opposition), passe en force de chose jugée (= exécutoire).
Attention aux exceptions : l’état des personnes + la question des brevets (droit intellectuel).
13e cours
C La condamnation aux dépens
(P. 325 SYLLA) La décision de justice est censée liquider les dépens (1017 et s. C.Jud.), c’est à dire les
frais de justice.
Le principe se trouve à l’art. 1017 C.Jud. : « tout jugement définitif condamne d'office la partie
succombante aux dépens ». Un jugement d’avant dire droit (par exemple) réserve donc les dépens
(c’est logique, car on ne sait pas à ce stade qui va perdre et gagner). Il s’agit ici d’une exception à la
nécessité pour le demandeur de postuler un objet.
Lorsqu’il s’agit de frais inutiles, il est normal que le gagnant ne les recouvre pas (= impenses
somptuaires en droit des biens : c’est quelque chose de frustratoire, de somptuaire, qui n’avait pas à
être dépensé), dans la mesure de leur caractère fautif. Dans ce dernier cas, l’article 1017, al. 1er dispose
que « [...] les frais inutiles, y compris l’indemnité de procédure visée à l’article 1022, sont mis à charge,
même d’office, de la partie qui les a causés fautivement »
On a vu un exemple ensemble : lorsqu'on est autorisé expressément par la loi à former une action en
justice par une requête contradictoire (p.ex. : le bail) et que je fais une citation, quand bien même je
gagne, ce frais est somptuaire, la différence entre la citation et la requête reste à ma charge.
Deuxième exemple : une partie à l’expertise et collabore mal ou peu et gagne malgré tout son litige :
le juge pourra être tenté de laisser les frais d’expertises au gagnant.
Par ailleurs, dans les matières de la sécurité sociale, l’assujetti, même s’il perd, remporte les dépens,
SAUF si l’action de l’assujetti est téméraire et vexatoire ! En outre, le Code Judiciaire prévoit que le
juge puisse répartir/ventiler les dépens en fonction des cas d’espèces.
4° les frais de toutes mesures d'instruction, notamment la taxe des témoins et des experts;
5° les frais de déplacement et de séjour des magistrats, des greffiers et des parties, lorsque leur
déplacement a été ordonné par le juge, et les frais d'actes, lorsqu'ils ont été faits dans la seule vue du
procès;
6° (l'indemnité de procédure visée à l'article 1022;) [Qu’est-ce ? C’est une somme de procédure qui
compense/répare les honoraires d’avocats de la partie gagnante. Jusqu’en 2004, on avait beau gagner
le procès, on supportait malgré tous les honoraires de l’avocat ayant mené à la victoire. La Cour de
cassation en 2004, suivi par le législateur en 2006-2007 a ajouté l’indemnité de procédure dans les
dépens, étant une somme qui compense les honoraires de l’avocat de la partie triomphante.]
7° (les honoraires, les émoluments et les frais du médiateur désigné conformément à l'article 1734;)
[8° la contribution visée à l'article 4, § 2, de la loi du 19 mars 2017 instituant un fonds budgétaire relatif
à l'aide juridique de deuxième ligne.] (La conversion en (euros) des sommes servant de base de calcul
des dépens vises à l'alinéa 1er s'opère le jour où est prononcé le jugement ou l'arrêt de condamnation
aux dépens.) »
- Pour les affaires non-évaluables en argent : on trouve dans le Code Judiciaire un tableau à une
entrée avec :
o Montant de base,
o Montant minimal,
o Montant maximal.
(Les critères d’évaluations précités s’appliquent.)
- La correction formelle des irrégularités formelles des décisions de justice (« à peine de nullité
» qui nous induisent en erreur, qui, en réalité, veulent dire à peine de recours ces nullités
ne sont PAS des nullités au sens de la théorie des nullités, qui ne concerne QUE les actes de
procédure).
Ces nullités sont passibles de rectification (794/1 C.Jud.) et d’exercice d’une voie de recours
(20 C.Jud.).
On pense notamment au défaut de motivation.
- L’idée d’une deuxième chance : c’est l’idée faire rejuger, en fait et en droit, ce qu’on estime
avoir été mal jugé, parce qu’on on s’estime perdant (de plus ou moins bonne foi).
Là, toutes les voies de recours ne sont pas sur pied d’égalité on vise l’appel et l’opposition
(pas le pourvoi, car il ne vérifie que le droit pur).
- L’idée d’achèvement du litige. C’est une idée très belgo-belge, car le droit belge développe de
façon très marquée que l’appel achève le litige. On ne redescendra jamais en première
instance. En effet, en droit belge il est fréquent, pour ne pas dire systématique, que le litige
commence et s’achève, pour la première et dernière fois, en degré d’appel. Deux illustrations
peuvent en témoigner :
o Quid de la recevabilité des demandes incidentes pour la première fois en degré
d’appel ? Il est le plus souvent possible pour la première fois, d’injecter une demande
nouvelle/reconventionnelle en degré d’appel, alors qu’on n’a jamais parlé de cela en
première instance.
o De plus, il y a ce qu’on appelle l’effet dévolutif de l’appel, inscrit à l’art 1068 C.Jud.
On distinguait également les voies de réformation où il s’agissait de ramener le litige devant un juge
d’une juridiction supérieure. La seule forme est l’appel. Cette distinction n’a que peu d’enjeu.
L’enjeu « se rouille » avant, on disait que les voies de recours ordinaires suspendaient la force
exécutoire.
Aujourd’hui, plus rien de cela ne tient la route ! On en est même presque à un renversement de
cette règle en règle, les voies de recours ordinaire n’ont pas plus d’effet suspensif que les voies de
recours extraordinaires.
On trouve d’autres cas de dérogations, en matière civile : un délai de recours qui démarre à partir du
( !!) La Cour de cassation rappelle que tant que le point de départ d’un délai de recours n’est pas
survenu, le droit de recours est imprescriptible ! Il n’y a pas une sorte de prescription du droit d’appel,
il est imprescriptible !! Il est d’un mois, oui, mais que pour autant que le délai court.
Quelle est la sanction en cas de non-respect des délais de recours ? Selon l’article 860, al. 2 C.Jud. : le
manquement d’un délai de recours est frappé d’une déchéance très sévère (c’est même la sanction la
plus sévère qu’on a vue cette année), qui est d’ordre public (art. 865 C.Jud.). On peut donc la soulever
à tout moment et elle peut même être soulevée par le juge lui-même sans qu’on ait besoin d’avoir a
démontré un quelconque grief.
Les délais de recours sont les plus rigoureux parmi ceux figurant au Code Judiciaire. Par conséquent, la
question de la soupape se pose. Y en a-t-il une ? Oui (la Cour de cass. l’affirme et le réaffirme): la force
majeur, mais la porte est étroite pour la démontrer concrètement. Un cas important : quid lorsque le
dépassement, la violation, la méconnaissance d’un délai de recours est la résultante de la faute d’un
professionnel du droit ? La Cour de cass. considère, depuis 2009 (arrêt en séance plénière), que,
lorsque le professionnel du droit a agi dans le cadre d’un monopole et qu’il s’est loupé, c’est constitutif
d’un cas de force majeur dans le chef de son client.
A contrario, les avocats de fonds, lorsqu’ils sont en retard, ne pourront pas faire bénéficier à leur client
du cas de force majeur.
Cass., arrêt du 19 mars 2021 : cet arrêt maintient l’idée que la Cour de cass. reçoit la demande
reconventionnelle pour la première fois en degré d’appel à condition que cette demande se base sur
un fait allégué par la demande originaire. ‘Ce qu’il y a de beau dans cet arrêt’ selon le prof, c’est que
la Cour de cass. abandonne toute référence à l’art. 807 C.Jud. et elle justifie cela par l’égalité des
armes. Donc l’art. 1042 C.Jud. n’est plus violé du tout (examen !!).
On a aussi vu cet article par rapport au délai de comparution en degré d’appel (quid si on viole le délai
de comparution de l’article 1062 C.Jud. ?) on cherche une sanction, mais on n’en trouve pas.
Résultat : la Cour de cassation dit que la sanction de nullité va se retrouver dans l’article 710 C.Jud.
(via l’art. 1042). La sanction = frappé de nullité.
L’acquiescement = une partie acquisse à une décision rendue et renonce par conséquent aux voies
de recours qui lui sont pourtant offertes.
L'acquiescement exprès, qui est beaucoup plus fréquent, est fait par le justiciable/son mandataire,
expressément ou par écrit. Il faut rapprocher les artt. 850 et 1045 C.Jud., pour éviter toute ambiguïté
(mettre tout par écrit) en tant qu’avocat quand on reçoit la tâche d’acquiescer. Le Code Judiciaire exige
que le mandataire soit porteur d’une procuration écrite de son client.
Attention, lorsqu’on acquiesce, la question des dépens n’est pas pour autant réglée.
B Modalités
- Il peut être pur et simple, et par conséquent, irrévocable (acte réceptice) ;
- Il peut être conditionnel j’acquiesce à la condition que ton client acquiesce à son tour.
C Champ d’application
Théoriquement, je ne peux pas acquiescer en toute matière : je ne peux pas le faire dans les matières
où je n’ai pas la libre disposition de mes droits, c’est-à-dire (en termes juridiques) que
l’acquiescement dans les matières d’ordre public est nul (p.ex. : sécurité sociale, filiation, divorce…).
Dans ces cas-là, seul l’écoulement de la voie de recours mettra un terme au litige d’ordre
public.
D Effets
Lorsque j’acquiesce, je renonce aux voies de recours qui m’étaient offertes par la loi.
Cela étant dit, retenons que cette renonciation aux voies de recours souffre d’une exception,
totalement logique, notamment l’appel incident (art. 1054 C.Jud. c’est l’appel par lequel l’intimé
réagit à l’appel principal dirigé contre lui).
EXEMPLE : une victime réclame la condamnation de l’automobiliste a lui payer une certaine somme.
Le tribunal ne lui alloue qu’une partie du montant demandé. Les deux parties ont donc intérêt à faire
appel. Dans ce cas précis, quand bien même aurais-je acquiescé, cela veut dire que je renonce à faire
appel principal. Art. 1054 : l’acquiescement ne me prive pas, en cas d’appel principal de l’autre
partie, de faire appel incident.
REMARQUE : désormais, le principe largement répandu est le caractère exécutoire des décisions de
première instance, afin de les revaloriser on voit que la tendance s’inverse un peu.
Que faut-il ? Il faut la capacité, la qualité et l’intérêt. Concernant l’intérêt : que signifie avoir intérêt à
faire appel ? Il suffit que la décision que j’attaque, me pose un préjudice quelconque, si minime soit-
il ! (Il n’y a donc pas l’idée de droit romain d’un préjudice minimum.)
La décision doit nous infliger grief, c’est-à-dire qu’on n’a pas obtenu ce qu’on avait demandé (si on a
demandé 100 000 et qu’on les reçoit on ne peut pas aller en appel demander 150 000). Remarque :
parfois, il suffit que le motif d’une décision soit préjudiciable pour introduire un appel.
Contre qui puis-je faire appel ? Jusqu’en 2000, je ne pouvais le faire que contre une partie avec laquelle
j’avais une instance liée, devant le juge de première instance. Avant, on devait avoir un lien
d’instance pour interjeter appel.
En 2001, la Cour de cassation a dit que, désormais, il faut et il suffit que les parties à l’appel aient
conclu, l’une contre l’autre, devant le premier juge il faut donc avoir un lien d’adversité. Que signifie
« conclure » ? Voy. l’exemple pour comprendre : je suis maître de l’ouvrage et ma maison est affectée
de malfaçon. Je cite l’architecte à qui je reproche un vice de plan, qui a, à son tour, rédige une
intervention forcée contre l’entrepreneur. On a donc deux liens d’instance ! En tant qu’avocat du
maître de l’ouvrage, je saute sur l’entrepreneur, pour faire contre lui une demande en intervention
(art. 813, al. 2 (tableau) : entre parties déjà à la cause, des simples conclusions suffisent)).
Si l’avocat ne songe pas à créer ce troisième lien d’instance, l’avocat de l’entrepreneur a intérêt à faire
tomber la demande principale du procès, car si elle est irrecevable, il est quitte aussi par défaut d’objet.
Le maître de l’ouvrage perd sur toute la ligne qui peut-il intimer ? Depuis 2001, les deux autres :
l’un grâce au lien d’instance et l’autre parce qu’il a conclu contre lui. Cela suffit pour pouvoir interjeter
appel l’un contre l’autre.
L’appel est la voie de réformation offerte en principe à tout justiciable perdant en première instance.
Attention, art. 1047 C.Jud. il traite de l’opposition : contre un jugement par défaut, l’opposition
n’est ouverte que si l’appel n’est PAS ouvert ! C’est une toute nouvelle règle dans le Code (avant, le
justiciable pouvait donc faire les deux). Aujourd’hui, l’appel est une voie pleine et entière. L’opposition
ne subsiste que dans des cas rares.
Règle (assortie d’exceptions et de nuance) : artt. 616 et 1050 C.Jud. en règle, toute décision est
susceptible d’appel, dès son prononcé. Le législateur peut créer, quand bon lui parait, des trous dans
le gruyère, c’est-à-dire déroger à la règle.
b. Art. 642 C.Jud. : les décisions du Tribunal d’arrondissement ne sont pas susceptibles
d’appel, sauf le recours du procureur général d’appel devant la Cour de cass.
c. Art. 1050, al 2 C.Jud. les décisions définitives par lesquelles le juge tranche lui-
même un déclinatoire de compétence. Flashback sur le scénario : j’ai affaire à un
déclinatoire soulevé par le défendeur. Le demandeur pour faire bref procès, sollicite
du juge que celui-ci tranche lui-même l’incident de déclinatoire. Question : ce
déclinatoire-là est-il réservé aux déclinatoires d’ordre privé ? (Examen !!) Non : tout
déclinatoire soulevé par le défendeur se prête à l’art. 639 et à ce choix pour le
demandeur.
Puis-je faire appel immédiat de cette décision sur la compétence par le juge lui-
même ? Non art. 1050, al. 2 je ne peux faire appel que plus tard, en même temps
que contre le jugement définitif. Le jour où le juge de renvoi, s’il y a eu renvoi, ou moi-
même, si j’ai soulevé le déclinatoire, d’un appel deux coups je peux faire appel sur
la compétence et sur le jugement définitif, le but étant de raréfier l’appel et de le
retarder pour désengorger les cours et tribunaux !!
Cet article s’applique-t ’il sur un jugement rendu sur un déclinatoire de juridiction ?
NON (examen !!) la Cassation, à deux reprises en 2017, a bien précisé que cet article
ne s’applique pas aux jugements rendus sur un déclinatoire de juridiction qui est donc
immédiatement susceptible d’appel !
b. Quand puis-je faire appel ? Art. 1050, al. 2 C.Jud. vient dire que le jugement avant dire
droit, susceptible d’appel, ne peut être frappé d’appel qu’en même temps que l’appel
sur le jugement définitif, sauf si le juge autorise l’appel immédiat (« Toutefois, lorsque
l'appel n'est dirigé que contre certaines parties, celles-ci disposent d'un nouveau délai
de même durée pour interjeter appel contre les autres parties. Ce nouveau délai court
du jour de la signification ou, selon le cas, de la notification du premier acte d’appel.]
Lorsqu'une des parties à qui le jugement est signifié ou à la requête de laquelle il a été
signifié n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu, le délai d'appel est
augmenté conformément à l'article 55. »)
L’idée est qu’on dissuade le justiciable de faire appel trop tôt dans le procès. L’idée est
donc « wait and see ». On attend le jugement définitif pour voir si notre intérêt à
l’appel est demeuré intact.
En d’autres mots, l’appel est retardé.
Cependant, ce n’est pas aussi radical que pour les jugements de/d’(in)compétences,
car la loi laisse ici une soupape l’article dit que le juge peut « déverrouiller » l’appel.
normalement l’appel immédiat est verrouillé, mais ici, il peut le déverrouiller. On doit,
en tant qu’avocat, le demander au juge.
Sans ce déverrouillage l’appel est retardé.
Commentaire : quel que soit le moment auquel l’appel est fait contre un jugement
avant dire droit – immédiat (parce que le juge a déverrouillé) ou retardé –, l’appel n’est
jamais suspensif de la force exécutoire (art. 1397 al. 3 C.Jud.), au risque de voir un jour
la Cour d’appel jeter à la poubelle ce qui a été exécuté.
Si on reçoit la possibilité de faire appel immédiat et qu’on interjette appel, art. 1066
al. 2, °2 C.Jud., au sujet des débats succincts en degré d’appel : l’article offre une
faveur au justiciable on peut traiter de cela dès l’audience d’introduction.
Arrive une figure juridique qu’on n’a pas encore vue, c’est le jugement mixte : c’est un
jugement qui tout à la fois est définitif sur un point, et avant dire droit sur un autre
(notamment les jugements en matière de responsabilité, où le juge retient le principe
de responsabilité du défendeur (définitif), mais s’agissant de l’évaluation du dommage
subi par une victime, ordonne une expertise (avant dire droit)).
Face à un jugement mixte, quid ? Suit-on le règle du retardement ou peut-on introduire un
appel immédiat ? La jurisprudence de la Cour de cass., estime, dans son arrêt du 12 février
2021, que le régime définitif l’emporte !
Donc l’appel immédiat est accepté.
Il existe, une jurisprudence de la cour de cassation, la plus chahutée de son histoire (excursus
mais examen !! ) : la controverse est la suivante (grosse tension) : un juge est saisi d’une
demande d’expertise et le défendeur se bat sur tout, notamment l’expertise, s’engage une ou
des contestations de la part du défendeur sur le principe même de la mesure d’avant dire droit
C Décisions appelables
Si ma décision est susceptible d’appel, il faut encore qu’elle soit appelable. Le législateur met une
seconde barrière pour trier les appels : c’est le critère de l’enjeu financier (remarque : le seuil est assez
bas) (renvoi à SYLLA P. 159-162).
La règle de base est que le législateur relève d’année en année le seuil, pour raréfier les appels (tout
en respectant le principe de la légalité).
- Les jugements du TPI, du Trib. de l’entreprise, qui statuent sur une demande qui ne dépasse
pas 2500€ sont rendus en dernier ressort ( pas d’appel), sauf si ce sont des jugements rendus
par défauts (art. 1047 C.Jud.) .
- Cette règle s’applique également aux jugements du juge de paix, mais là le montant est fixé à
2000 EUR.
- Pour le tribunal de police (voy. art. 601bis C.Jud.), le montant est de 2000 EUR.
C’est quoi « le montant de la demande » ? Il faut appliquer les articles 557 et s. C.Jud. (voy. aussi art.
618 C.Jud., qui fait un renvoi à cet article).
Par contre, pour l’appel, il est fort normal qu’on tienne compte du montant dernièrement demandé.
Si le demandeur, par le biais de demande additionnelles ou nouvelles (voy. respectivement les artt.
807 et 808 C.Jud.) a augmenté le montant demandé, c’est ce montant là – final – qu’on va regarder (le
dernier montant demandé dans les conclusions de synthèse).
On trouve des précisions aux artt. 620 et 621 C.Jud. quid du jugement rendu sur une demanede
reconventionnelle ? L’art. 620 C.Jud. me dit ce qui suit : si la demande reconventionnelle dérive du
même fait ou du même acte que la demande principale (= il y a un lien fort de connexité), alors les
montants des deux demandes sont cumulés pour savoir si le seuil du ressort est atteint. Si on est
en cas d’une demande reconventionnelle non liée, elle doit atteindre le ressort par elle-même.
Quid pour les demandes en intervention agressives (i.e. celles qui postulent un montant) ? S’il y a un
lien fort de connexité il y a cumul si pas, décumul !
Attention à l’art. 621 C.Jud. (le prof nous prévient pour cet article, il est malaimé par les étudiants)
il nous dit que l’exception des décisions rendues sur les demandes reconventionnelles ou de demandes
en intervention, les jugements rendus sur incidents (= jugements qui statuent sur de multiples petits
incidents, comme sur une exception de nullité, déclinatoire de compétence, fin de non-recevoir,
exception dilatoire…) et les jugements d’instruction (attention, certains d’entre eux sont susceptibles
d’appel ( !! )) suivent le sort de la demande principale. Pour le jugement rendu sur la demande en
intervention conservatoire, non destiné à condamner et les deux autres jugements mentionnés, il y a
un problème ces jugements n’ont pas de montant, n’ont pas de valeur pécuniaire. Que fait-on de
tous ces cas ? L’art. 621 nous dit que la recevabilité de l’appel suit celle de la demande principale
l’accessoire suit le principal. Si la demande principale est appelable, alors les jugements rendus sur
demande reconventionnelle, etc. sont appelables par CONTAMINATION.
Question potentielle d’examen : puis-je faire appel de tout jugement d’expertise ? Non je ne peux
en faire qu’aux conditions de l’article 621 certains jugements susceptibles d’appel ne sont pas
appelables (attention à ne pas mélanger les deux notions), car la demande principale sur laquelle ils
se greffent ne le sont pas.
1- Art. 619 C.Jud. : les jugements rendus sur des demande non évaluables en argent sont
toujours appelables (c’est une faveur faite au justiciable), p.ex : Trib. de la famille.
2- Art. 617 C.Jud. : toutes les décisions du tribunal du travail, quel que soit l’enjeu, sont
appelables. De plus, toutes les décisions en matière d’impôt sont susceptibles d’appel.
D Délai
Le délai d’appel, en droit commun, est d’un mois (art. 1051 C.Jud.). Ce mois court à partir de la
signification du jugement.
EXAMEN art. 1055 C.Jud. : « même s’il a été exécuté sans réserve, tout jugement avant-dire droit
ou statuant sur la compétence peut être frappé d’appel avec le jugement définitif »
L’art. 1050, al. 2 C.Jud. dit la même chose avec le mot « doit », donc qu’est-ce que ça
signifie ? Quand on a affaire à un jugement sur la compétence, c’est « doit » le
retardement est obligatoire, et non facultatif (le texte est frappé, abrogé par désuétude).
Par contre, il y a un peu de sens à garde l’article, pour le jugement avant dire droit un
jugement avant dire droit peut être frappé d’appel avec le jugement définitif. Pourquoi ?
L’art. 1055 C.Jud. le juge qui rend un jugement avant dire droit peut déverrouiller
l’appel immédiat. Imaginons qu’on soit le bénéficiaire de cette faculté de déverrouillage,
doit-on saisir cette autorisation, ou peut-on s’en servir/la laisser de côté ? La réponse est :
art. 1055 quand bien même aurait-on été autorisé par le juge à faire un appel immédiat,
on n’est pas obligé de le faire. On peut laisser passer – avec le délai d’appel jugement
avant dire droit et interjeter appel plus tard.
- Ratione materiae : on peut limiter son appel à certains points tranchés par le premier juge. On
n’interjette pas appel de tous les dispositifs tranchés par le juge.
Face à la possibilité que l’appelant a de limiter ainsi son appel ratione materiae, il fallait laisser
à l’intimé la possibilité, d’à son tour, interjeter appel sur les points laissés en rade par l’appel
principal de l’appelant.
EXEMPLE : une victime frappe d’appel une décision du tribunal de police et limite son appel à
l’évaluation qu’elle estime insuffisante. La réaction de l’automobiliste intimé sera de faire
appel incident contre l’autre partie du jugement : c’est à tort que le premier juge l’a reconnu
responsable et l’a condamné au montant.
Ceci peut se faire par un appel incident. Pour la limitation ratione materiae, la loi offre à
l’intimé la possibilité de former un appel incident (art. 1054 C.Jud.) contre les décisions du
premier juge non déjà frappées d’appel par l’appel principal. On reconstitue ratione materiae
les décisions du premier juge.
Commentaire : art. 1054 C.Jud. est une voie offerte à l’imité de corriger l’effet limitatif de
l’appel. Attention, seul l’intimé peut former l’appel incident (intimé = la personne
défenderesse à l’appel principal). Cependant, un intimé peut être un intimé au carré…
Explication : je suis appelant principal et, ayant perdu sur la faute, le lien causal et la
prescription, mon avocat me conseille de ne faire appel que sur la faute. Mon adversaire
interjette appel incident sur un autre point (par exemple sur un dommage moral). Je suis donc
appelant ayant limité mon appel, mais à mon tour intimé. Comme je suis aussi intimé (je porte
une double casquette), je peux faire un appel incident au carré, en faisant appel sur la décision
sur la prescription.
Qu’en est-il des nécessités ? L’appel incident est un appel et il faut donc que les conditions de
qualité, capacité et d’intérêt soient réunies. De plus, l’appel incident est lui-même soumis à
l’éventuel effet limitatif l’intimé n’est pas obligé de frapper d’appel tout ce avec quoi il n’est
pas d’accord).
- Ratione personae : on peut limiter son appel ratione personae. Il s’agit d’un droit quasi absolu.
On n’interjette appel que contre quelques adversaires, mais pas contre tous.
Deux précisions :
o L’appel incident ne permet PAS de corriger une limitation ratione personae il ne
permet que de rectifier une limitation ratione materiae. En conséquence, il existe le
mécanisme qu’on appelle celui de l’appel provoqué. On le retrouve à l’art. 1051 C.Jud.
Il permet de recevoir un deuxième délai d’appel pour introduire un appel principal
contre quelqu’un qui n’a pas encore été intimé.
o L’art. 1053 C.Jud. dit que, en cas de litige indivisible (art. 31), l’appelant n’a pas le choix
il doit intimer tous ses adversaires de première instance et doit appeler à la cause
d’appel toutes les autres parties avant la clôture des débats (= co-plaideurs), à peine
d’irrecevabilité !
F Formes
[1] L'acte d’appel art. 1056 C.Jud. :
[2] Mentions de l’acte d’appel art. 1057 C.Jud. : « Hormis les cas où il est formé par conclusions,
l'acte d'appel contient, à peine de nullité :
2° les nom, prénom [ ...] et domicile de l'appelant [et, le cas échéant, son numéro de registre national
ou numéro d’entreprise] ;
8° l'indication des lieu, jour et heure de la comparution, à moins que l'appel n'ait été formé par lettre
recommandée [ou que, en dehors des cas visés à l'article 1066, alinéa 2, les droits de mise au rôle
relatifs à la décision entreprise et mis à charge de l'appelant n'aient pas été payés, auxquels] cas les
parties sont convoquées, par le greffier, à comparaître à l'audience fixée par le juge [après s'être assuré
du paiement des droits susmentionnés]) Le cas échéant l'acte d'appel contient aussi l'indication du nom
de l'avocat de l’appelant. »
G Procédure
[1] Introduction de l’appel
L’audience d'intro est fixée dans un délai de 15 jours à compter du moment où la requête a été notifiée
par le greffe de la Cour d’appel à l’intimé (art. 1062). Ce délai de comparution est un délai d’attente. Il
sert à protéger des droits de la défense.
En fonction de l’éloignement de l’intimé, les prorogations s’appliquent : art. 55 (15, 30 80 + 15). En cas
de non-respect de ces délais, la sanction est la nullité d’ordre privée (sauf en cas de non-respect d’une
règle sur l’emploi des langues). Via l’art. 1042 C.Jud., la sanction se trouve à l’art. 710 C.Jud : c’est une
nullité d’ordre privé (qui doit être soulevée in limine litis + à condition de démontrer un grief) (art. 864
C.Jud. et art. 861 C.Jud.))
Ce délai est susceptible d’être abrégé via l’art. 708 C.Jud. Exemple : le délai de comparution par une
requête introduite auprès du président de la Cour d’appel peut être abrégé.
L’art. 1066 C.Jud. traite des débats succincts devant le juge d’appel – frère de l’article 735 (= débats
succincts de première instance les articles se ressemblent, mais ne sont pas identiques). Tout
comme en première instance, on peut toujours demander le bénéfice des débats succincts, même s’ils
ne sont pas souvent accordés. La question est examinée à l’audience d’introduction. Parfois, le
bénéficie des débats succincts est accordé par la loi (présomption législative il ne faut donc pas le
demander et ça nous est offert). Cet article liste les six cas dans lesquels la procédure accélérée est
rendue obligatoire, SAUF accord des parties. Cela vise notamment l’appel contre les ordonnances
présidentielles rendues au provisoire ou encore contre les décisions rendues en matière de saisies
conservatoires ou de saisie-exécution.
[3] Mise en état des affaires non traitées en débats succincts l’art. 1042 C.Jud.
Ici, on fait un copié-collé des règles vues en première instance (application mutatis mutandis).
H Effets de l’appel
L’appel a trois effets : suspensif + relatif + dévolutif.
L’appel n’a normalement pas d’effet suspensif l’exercice des voies de recours ne suspend pas
l’exécution du jugement entrepris (art. 1397 al.1). Le juge peut, toutefois, par décision spécialement
motivée et le cas échéant d’office, exclure l’exécution provisoire de sa décision.
L’appel n’est donc plus, par principe, suspensif. C’est devenu une exception : artt. 1397,
1398/1 et 1399 C.Jud.
L’appel incident est donc une tactique pour corriger l’effet limitatif, elle-même soumise à
la limitation possible. Ainsi, le défendeur, qui a perdu totalement sur des moyens de
procédure et encore sur la faute, peut décider de ne porter appel QUE sur la décision
portant sur la faute.