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DROIT JUDICIAIRE 2021

Table des matières


Partie I LA COMPÉTENCE DES COURS ET TRIBUNAUX ..........................................................................3
Chap. 1 : notions et dispositions générales ......................................................................................3
Sect. I : définition de la compétence ............................................................................................3
Sect. II : règles et principes qui régissent la compétence d’attribution/matérielle........................8
Sect. III : règles et principes régissant la compétence territoriale............................................... 24
Sect. IV : quelques adaptations et correctifs = exceptions et tempéraments .............................. 31
Chap. 2 : règlement des conflits de compétence ........................................................................... 43
Sect. I : le régime des déclinatoires............................................................................................ 43
Sect. II : le règlement des déclinatoires de compétence............................................................. 48
Sect. III : le règlement des attributions au sein d’une même juridiction ..................................... 52
Sect. IV : le règlement des juges ................................................................................................ 54
Chap. 3 : la compétence du Trib. de première instance ................................................................. 54
Sect. I : la compétence ordinaire du Trib. de 1ère instance .......................................................... 54
Sect. II : les compétences spécifiques (des divisions et sections du) Trib. de 1ère instance .......... 54
Chap. 4 : les compétences des juridictions d’exception ................................................................. 55
Sect. I : le juge de paix ............................................................................................................... 55
Sect. II : le Trib. de police ........................................................................................................... 57
Sect. III : le Trib. de l’entreprise ................................................................................................. 58
Sect. IV : le Trib. du travail ......................................................................................................... 61
Chap. 5 : les compétences présidentielles et les référés ................................................................ 63
Sect. I : compétence présidentielle exercée au provisoire .......................................................... 63
Sect. II : compétences présidentielles au fond ........................................................................... 70
Sect. III : le référé familial .......................................................................................................... 72
Chap. 6 : Compétences des juridictions d’appel ............................................................................. 73
Sect. I : double degré de juridiction ........................................................................................... 73
Sect. II : considérations liminaires sur les compétences respectives des juridictions d’appel ...... 74
Sect. III : principes et règlement des conflits sur la compétence des juridictions d’appel ........... 75
(Sect. IV : conditions rendant appelable une décision (ressort) .................................................. 77
(Chap. 7 : compétences de la Cour de cassation ............................................................................ 77
PARTIE II LA PROCÉDURE CIVILE ........................................................................................................ 78
Chap. 1 : l’action et la demande .................................................................................................... 78
Sect. I : le droit d’action ............................................................................................................. 78
Sect. II : la demande .................................................................................................................. 90

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Sect. III : les défenses .............................................................................................................. 116
Chap. 2 : les actes et les délais .................................................................................................... 120
Sect. I : les actes de procédure ................................................................................................ 120
Sect. II : les délais de procédure .............................................................................................. 127
Chap. 3 : l’instance et le jugement............................................................................................... 133
Sect. I : principes généraux gouvernant l’instance ................................................................... 133
Sect. 2 : les modes alternatifs de règlements des litiges........................................................... 138
Sect. 3 : Le déroulement de l’instance ..................................................................................... 138
Sect. 3 : le jugement (ou décision de justice en matière civile plutôt) ...................................... 152
Chap. 4 : les incidents de l’instance et la preuve .......................................................................... 161
Chap. 5 : les voies de recours ...................................................................................................... 161
Sect. 1 : notions générales....................................................................................................... 161
Sect. 2 : les voies de recours ordinaires ................................................................................... 164

1er cours1

1
Dans son introduction, le prof dit qu’il nous ‘parlera’ dans trois différents sens du terme. Il dit qu’il veut faire
de nous non des procéduriers, mais des processualistes (= néologisme). Il veut nous faire respecter le droit
judiciaire pour ce qu’il est : une discipline processuelle, qui permet par processus de porter de grandes valeurs
et d’accompagner la résolution méthodique de droit et non pas une discipline qui joue avec des règles, sans
respecter leur finalité.
‘Erreur de casting’ selon le prof : dans la mythologie, on représente la justice par Thémis, qui tient un glaive et
qui porte un bandeau. Il trouve que la procédure devrait être incarnée par Thémis, certes, mais elle ne devrait
pas porter un glaive ; elle devrait porter un bouclier. La procédure que le prof veut nous enseigner n’est pas une
discipline de points faits pour massacrer l’adversaire, la justice, le procès… Non, la justice et les règles de
procédure sont là pour protéger, pour colmater, pour garantir le respect des droits humains qui se jouent dans
les prétoires (1e sens du terme)
De plus, le prof nous parlera non seulement des règles classiques, mais aussi des réformes. Le Code date de 1967,
en vigueur le 1er janvier 1970. Depuis 4 ou 5 ans, le C.Jud. est traversé par des réformes (non) ambitieuses. Il y a
un renouvellement complet des règles, du système de règles et même peut-être des principes qui se jouent. Il
s’agit des réformes potpourri (sous Koen Geens). Il nous parlera donc d’un contenu assez neuf. Le C.Jud. dont on
doit se munir lors de l’examen, doit être parfaitement à jour (on peut se munir de n’importe quel Code), car la
matière judiciaire est comme du lait sur le feu (!!) (2e sens du terme).
Enfin, il nous parlera dans le sens plus figuratif du terme : la discipline doit nous parler, nous dire. Pourquoi ? On
a longtemps dit que la matière était décalée de la pratique, du quotidien. Le prof veut assumer un exercice
d’équilibriste entre l’apprentissage des règles de bases, porteuses de valeurs fondamentales – certes techniques
– et le décalage entre la règle et son application pratique ou, au contraire, la cohérence entre la règle et le
problème technique qui s’est posé. Il ‘incarnera’ la discipline qu’il nous enseigne (3e sens du terme). La procédure
civile est le second violon du concerto du droit. Sans elle, la pièce ne peut pas se jouer. En revanche, le second
violon n’est jamais en solo : c’est cela, le C.Jud. Il est partout, il accompagne la réalisation de tous les droits, mais
ce n’est pas une discipline, une fin en soi.
Concernant l’examen : 1 cas pratique, comme vu en TP, et des vrai/faux justifiés (sans retrait de points (-)).
REMARQUE : le prof organise un test, et les participants sont tirés au sort. On est dispensé de la matière vue par
nous-mêmes. Si les étudiants tirés au sort réussissent le ‘test dispensatoire solidaire’ (obtiennent une moyenne
de 10/20)  toute la promotion est dispensée de cette matière à l’examen. Si ces étudiants tirés au sort, font

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Partie I LA COMPÉTENCE DES COURS ET TRIBUNAUX
Plan de Partie I

Chap. 1 : notions et dispositions générales

Chap. 2 : règlement et conflit de compétence

Chap. 3 – 7 : compétences de chacune des juridictions qui forment la pyramide judiciaire (juge de paix
 Cour de cassation)

Chap. 1 : notions et dispositions générales


Sect. I : définition de la compétence
« Une fois n’est pas coutume » : le C.Jud. comporte en son art. 8 une définition de la compétence.
Pourquoi le prof dit cela ? Parce que le Code de 1967, n’est pas un code de théoriciens : il n’est pas
très riche et généreux en définitions. Historiquement, il est l’œuvre d’un grand professeur judiciaire –
Charles Van Repingen – qui était bâtonnier de Bruxelles. Il était avocat avant tout, mû par des
préoccupations de praticien. Van Repingen dit, dans son rapport au Roi Baudoin (qui avait commandé
ce Code et qui l’avait désigné comme commissaire de ce projet) : « C’est un Code de praticiens. Il sera
vécu et il vivra à travers les applications que la doctrine et la jurisprudence lui ordonneront ».

 Sobriété en termes de définitions !

C’est édifiant, car à la même époque – fin des années 1960 – la France réécrit aussi son Code de
procédure civile ((!!) jusqu’en 1967, nous avions le même Code que la France en Belgique)  toute
autre tendance : un groupe de professeurs, de théoriciens, se réunit pour rédiger un nouveau Code,
emmenés par Gérard Cornu (il a fait le célèbre « Dictionnaire du vocabulaire juridique »), accompagné
d’Henri Motulsky (grand penseur de procédure civile) et de Jean Foyer (Ministre de la justice de
l’époque). Leur Code commence par des articles préliminaires, riches en définitions et principes
généraux, très proches de ceux que nous vivons ! Toutefois, chez nous, ils ne sont pas écrits  ils sont
vécus par la jurisprudence. Voilà la fibre de notre C.Jud. au regard d’un autre Code.

Retour à « une fois n’est pas coutume » et l’art. 8 C.Jud. (« La compétence est le pouvoir du juge de
connaître d'une demande portée devant lui. »).

 On se posera deux questions dans cette section :


1. Qu’est-ce le pouvoir du juge ?
2. Qu’est-ce une demande portée devant lui ?

§1 Les pouvoirs du juge


A Distinction entre « compétences » et « attributions » du juge
Quand on parle des pouvoirs des juges belges, il faut distinguer les compétences de tout juge belge
des attributions du juge et du pouvoir judiciaire dans son ensemble. L’ordre judiciaire (qui est un des
pouvoirs constitués (les deux autres étant le législatif et l’exécutif) reçoit de la Constitution des
attributions (art. 144 et 145 Const.). À l’intérieur de cet ordre judicaire qui reçoit des attributions, il y

mieux que réussir (12/20)  TOUT l’auditoire est dispensé de cette matière au mois de juin, ET tout l’auditoire
reçoit UN point en plus (bonus d’un point).

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a des juridictions qui viennent grapiller dans les attributions de cet ensemble. Au sein de ces
attributions que reçoit dans son ensemble l’ordre judiciaire, chaque juge reçoit des compétences.

 On distingue donc :
 Les attributions du pouvoir judiciaire dans son ensemble (= les droits et les prérogatives
propres au pouvoir judiciaire belge)
 Les compétences qu’exercent tel ou tel juge à l’intérieur du pouvoir judiciaire.

Le C.Jud. regorge des articles qui font la différence entre ces attributions et les compétences
singulières de chacune des juridictions (p.ex. : art. 556 C.Jud.).

B Intérêt de la distinction
Quel est l’intérêt de cette distinction ? Il y a un intérêt très concret et technique = l’enjeu déclinatoire.
C’est un mot très fréquent en droit judiciaire technique. Le substantif né du verbe « décliner », est « le
déclinatoire ». Lorsqu’un juge est saisi en Belgique et qu’il est invité à statuer sur un litige, mais qu’il
s’aperçoit qu’il fait partie d’un pouvoir judiciaire qui n’a pas les attributions de statuer sur ce litige, il y
a un premier type de déclinatoire.  Lorsqu’il s’aperçoit que, certes, le litige fait partie des attributions
du pouvoir judiciaire, mais pas des compétences qui lui sont propres, il y a aussi déclinatoire.

 Il y a deux déclinatoires :

Le déclinatoire de juridiction [1] = il est soulevé lorsque le juge saisi d’un litige s’aperçoit que l’objet de
la demande ne rentre dans aucune des attributions du pouvoir judiciaire. La Constitution prive le
pouvoir judiciaire dans son ensemble, et a fortiori ce juge saisi, de se saisir de ce litige.

Quelles sont les hypothèses de déclinatoire de juridiction ?

Le juge ou le défendeur s’aperçoit que le litige relève de l’attribution d’un autre pouvoir constitué
belge. Le cas typique : lorsque le litige ressortit à la gabelle du Conseil d’État. Art. 144 et 145 Const. 
il apparait que l’enjeu du litige est redevable de la juridiction des attributions d’un autre pouvoir. Ici,
du Conseil d’État ( pouvoir exécutif).

Deux exemples typiques : le contentieux des étrangers (l’enjeu véritable est un droit politique = l’accès
au territoire) et l’attribution d’un marché public (acte administratif ?  Conseil d’État  contentieux
sur un droit civil, subjectif  juge judiciaire). Trois ‘familles’ :

(1) Le litige appelle un juge du pouvoir législatif, par exemple le contentieux des élections. Les
assemblées parlementaires disposent dans des cas précis d’un pouvoir juridictionnel.

(2) D’autre part, dans bon nombre de cas, la loi belge offre aux parties la possibilité de faire trancher
leur litige ailleurs que devant les cours et tribunaux  on confie l’affaire à un arbitre (= juriste
qualifié, choisi par les parties). C’est un processus contractuel. Les parties décident, soit par
avant (= clause d’arbitrage), soit au moment où le litige naît (= compromis arbitrage), de régler les
conflits par le biais de l’arbitrage. Il s’agit d’un cas clair de déclinatoire de juridiction : le juge
judiciaire s’aperçoit qu’il est saisi en violation, au mépris d’une clause d’arbitrage/d’un compromis
arbitrage.
On retrouve la trace de ce déclinatoire de juridiction dans le C.Jud., aux artt. 1682, 568, 590.

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(3) Troisième et dernière famille de déclinatoire de juridiction : certes, le litige relève d’un pouvoir
judiciaire, mais pas d’un pouvoir judiciaire belge ! Pourquoi ? Le litige recèle un élément
d’extranéité  il y a un élément, qui le rattache d’un point de vue international, à un autre juge
judiciaire que le juge judiciaire belge.
Il y a des instruments de droit international, de droit européen, qui justifient que le juge belge
constate qu’il est sans attribution pour connaître du litige. Retenons deux instruments de droit
judiciaire international/européen :
1. Le Code de droit international privé de 2004 ( d’application lorsqu’aucun instrument
international ne s’applique),
2. Règlement Bruxelles 1bis (= Règlement 1215/2012 qui régit les attributions en matière civile et
commerciale au sein des 27 de l’espace judiciaire européen)
3. Règlement Bruxelles 2bis ( compétences en matière familiale).
Si le juge belge est saisi, alors qu’un de ces instruments attribue l’affaire à un autre pouvoir
judiciaire étranger, fini : pas d’attribution belge.

Quelle est la portée/la nature du déclinatoire de juridiction ?

REMARQUE : en droit judiciaire, les règles (d’organisation, de compétence, de procédure…) sont


divisées en deux grandes familles : les règles d’ordre public et les règles qui ne le sont pas (il y a là une
dichotomie). Le prof appelle les règles qui ne le sont pas « les règles d’ordre privé » (cette qualification
n’est pas vraiment correcte, mais on l’utilise quand même pour faciliter les choses). On se pose la
question « de quelle nature sont les trois déclinatoires de juridiction (les trois familles mentionnées ci-
dessus) ? ». Cette question n’est pas sans conséquences. Les enjeux sont les suivants :

1- Qui peut soulever le déclinatoire ? S’il est d’ordre public, il sera soulevé par le défendeur. Mais,
il est du devoir du juge de le faire, si le défendeur ne le fait pas.

2- De plus, dans les cas où le juge statue par défaut (en l’absence du défendeur, art. 806 C.Jud.),
le juge ne peut soulever que des moyens et des défenses d’ordre public ! Par conséquent, si le
défendeur fait défaut, mais qu’il y a des moyens d’ordre public, le juge les soulève ; il est obligé
de le faire.

3- À quel moment du procès, le déclinatoire est il soulevé (soit par le défendeur, soit par le juge
d’office) ? La règle est forte logique : comme la règle est grave – car elle relève de l’ordre public
– le juge a, sous la réserve de l’abus de droit, le loisir de le soulever à tout moment du procès
(à la fin de l’instance, pour la première fois en appel ou même en cassation).
A contrario, si le déclinatoire était d’ordre privé, seul le défendeur pourrait le soulever  par
défaut le juge doit se taire. Il ne peut alors le faire que dans ses première conclusions (en Latin
« in limine litis »).

Mais lesquels vu ci-dessus sont d’ordre public/privé ?

(1) Les déclinatoires qui dénoncent la violation des attributions d’un autre pouvoir constitué belge
(le CE, une juridiction du Sénat…  art. 144-145 Const.) = toujours d’ordre public !

(2) Le déclinatoire justifié par l’existence d’arbitrage (art. 1682 C.Jud., complété/répliqué par les
artt. 590 et 568 C.Jud  ces dispositions disent que le défendeur et lui seul peut le soulever).

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En conséquence, le déclinatoire issu d’une convention d’arbitrage est toujours d’ordre privé
(avec les conséquences qui en découlent, voy. 1- à 3-).

(3) Le déclinatoire de juridiction issu de la violation d’un texte international (= catégorie plus
hybride)  la tendance est au déclinatoire d’ordre privé (Cass., CJUE et règlements
européens).
Mais attention, ce n’est qu’une tendance (!!), qui connaît des exceptions. Notamment, en cas
de défaut ( art. 806 C.Jud. en droit belge), le juge doit vérifier d’office s’il n’y a pas matière
à déclinatoire de juridiction internationale. De même, certaines compétences/attributions
internationales sont d’ordre public (en matière d’assurances, d’enfants, de crédit à la
consommation…). Il y a donc beaucoup d’entorses à la tendance ordre privé.

Qui du règlement du déclinatoire de juridiction ? Qui juge de ce déclinatoire ? Qui tranche pour voir si
le déclinatoire de juridiction est fondé ou pas ? À cet égard, il faut faire mention de trois choses :

1. Règle absolue : le juge saisi et lui seul a le pouvoir de trancher les trois types de déclinatoires
de juridiction. Art. 639, al. 5 C.Jud.  nous sommes dans l’hypothèse de l’intervention du
Tribunal d’arrondissement (il est compétent pour trancher les déclinatoires de COMPÉTENCE
dans certains cas (voy. P. 62 et S. SYLLA)). Ici, rien de tout cela : art. 639, al. 5 : le Tribunal
d’arrondissement n’est pas là pour trancher des déclinatoires de juridiction. Il n’intervient pas
pour trancher les conflits avec le CE, les conflits d’arbitrage, les conflits avec les juges d’autres
pays, etc. Les trois familles sont jugées par le juge lui-même. Donc il n’y a PAS d’intervention
du Tribunal d’arrondissement !

2. La décision que le juge belge rend sur le déclinatoire de juridiction est susceptible d’être
frappée d’appel immédiatement (art. 1050 C.Jud. : parle d’un retardement de l’appel contre
les jugements sur la compétence). A contrario, les jugements rendus sur un déclinatoire de
juridiction, ne sont pas soumis à l’art. 1050 C.Jud. (voy. P. 371 SYLLA).
Retenons donc que le juge lui-même, rend sur un déclinatoire de juridiction, une décision
immédiatement susceptible d’appel  pas d’application de l’art. 1050 C.Jud. (la Cour de cass.
l’a rappelé en 2017).

3. Qu’arrive-t-il en cas de conflit suprême et bloquant, en termes de juridiction. Si le justiciable


porte deux fers au feu (il introduit au CE un recours en suspension/annulation, mais aussi une
action devant le Tribunal de première instance de Bruxelles)  plusieurs hypothèses ;
 Le conflit positif : le CE et le Trib. de 1ère instance s’estiment tous les deux compétents.
 Le conflit négatif : les deux disent qu’ils n’ont pas d’attribution in casu. Le justiciable se
retrouve sans solution juridictionnelle à son litige.

4. Qui tranche les conflits positifs et négatifs : art. 158 Const.  la Cour de cass. dit qui se voit
attribuer le litige (nous sommes un Etat de droit, donc chacun a le droit de voir trancher ses
litiges). ( En France, le CE tranche les conflits d’attribution).

‘CONLUSION’ : premier élément important en ce qui concerne ce qu’il faut entendre par « pouvoir » :
il faut distinguer les attributions, traduites par des déclinatoires de juridiction  des compétences,
qui donnent lieu à des déclinatoires de compétence.

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Le déclinatoire de compétence [2] = il est soulevé lorsque le juge constate que la demande qui lui est
soumise, rentre dans les attributions du pouvoir judiciaire, mais pas dans ses compétences à lui.

§2 La demande
Art. 8 C.Jud.  « connaître d’une demande » : qu’est-ce qu’une demande, qui est le canal de la
compétence ?

A Première distinction : demande et recours


Ici, il faut être technique ; on distingue :

 La demande et le recours.
Il ne faut pas confondre une demande en justice, qui est l’acte introductif primaire du
justiciable, du recours, qui est l’action en justice, certes, mais qui critique une décision déjà
rendu sur une demande.
Dans le cadre de ce cours, on parle de la demande : l’acte introductif primal, qui saisit pour
la première fois le pouvoir judiciaire.

B Deuxième distinction : demande et question


 La demande et la question.
Une fois que le C.Jud. dit : « pour connaître de telle demande, tel juge est compétent », et
que le juge est saisi d’une demande pour laquelle il est compétent, la question se pose qui
connaîtra de toutes les questions litigeuses (= les questions qui se posent dans le cadre de
cette demande). Est-ce que le juge compétent pour la demande, est – par voie
d’accessoire, ou par voie d’absorption – aussi compétent pour connaître des questions
litigeuses qui se posent pour instruire cette demande ? Le C.Jud. de 1967 a décidé que oui.

La règle de base = le juge compétent pour connaître de la demande, est par voie d’accessoire
compétent de connaître de la question litigeuse qui se pose.

EXEMPLE : le Trib. du travail est compétent pour connaître d’une demande relative à
l’exécution/résiliation de tel contrat de travail  si une question quasi-délictuelle se pose durant le
procès (p.ex. : un travailleur a commis une faute selon l’art. 1382 C.Civ., un employeur a licencié
abusivement…), la question reste dans la gabelle du Trib. de travail !

Il n’y a donc plus, comme avant dans le C.Civ. ancien, le processus de question préjudicielle posée à la
juridiction civile. L’exemple typique : l’incident de faux (= une partie dit qu’une pièce est
inauthentique)  on pose une question préjudicielle à la juridiction civile.

 Aujourd’hui, le Code Van Repingen a fait le choix de regroupement des questions litigeuses
nécessitées par le jugement d’une demande.

5. Le canal vers la compétence du juge est donc la demande !

(!!) Attention, ce choix général est assorti d’exceptions (P. 9-10 SYLLA) :

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 Art. 331, §2 C.Civ (= la filiation). Si n’importe quel juge se pose une question relative à la
filiation (à son établissement ou à sa négation), il doit exceptionnellement avoir recours à
la question préjudicielle (au Trib. de famille dans ce cas-ci).
o Imaginons un litige devant le Trib. de travail, en matière d’allocation familiale (~
rapport de filiation parent-enfant, allocataire-bénéficiaire). Mais, si la filiation est
douteuse, ou est mise en contestation  le Trib. de travail doit sursoir à statuer
(!!) et poser, à titre préjudicielle, la question relative à la filiation au Trib. de la
famille.
 Art. 16 et 17 Titre prélim du CICR : il peut arriver (dans des cas très rares) qu’une juridiction
pénale, doive à titre préjudiciel, interroger une juridiction civile, en matière de droit des
biens par exemple.
 Dans l’espace européen, il y a la technique de la question préjudicielle, réglée par le TEU
(art. 35).
 Il existe aussi un autre mécanisme préjudiciel international = la question préjudicielle à la
Cour de justice Benelux, qui siège à Bruxelles. Lorsqu’il s’agit d’interpréter un instrument
Benelux (comme la législation sur les brevets, la législation sur l’astreinte…) et qu’un
problème d’interprétation se pose  le juge belge pose une question préjudicielle à la
Cour de justice Benelux.
 La question préjudicielle posée à la Cour constitutionnelle (art. 26 et s. LS sur la CC).

Sect. II : règles et principes qui régissent la compétence d’attribution/matérielle


Sous-sect. 1 : Notions
De quoi s’agit-il ? Nous sommes dans l’ensemble de la ‘bulle’ des attributions du pouvoir judiciaire (art.
144 et 145 Const.). À l’intérieur de cette bulle, il y a toutes les juridictions (Cour de cass.  juge de
paix). À l’intérieur des attributions, quelles sont les attributions que se partagent les juges ? On appelle
ça « la compétence d’attribution ». Pour éviter toute confusion, le prof propose un synonyme :
« compétence matérielle ».

Le mot « matériel » permet de bien discerner la ligne de démarcation de la matière. On voit que ‘l’ADN
des juges du pouvoir judiciaire belge’ est double :

1- La compétence matérielle : que fait-il au sein des attributions du pouvoir judiciaire ?


2- La compétence territoriale : où exerce-t-il sa compétence matérielle ?

Art. 9 C.Jud. : « La compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction déterminé en raison de l'objet,
de la valeur et, le cas échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des parties. Elle ne peut être
étendue, sauf si la loi en dispose autrement. »

Réflexion de secours/règle d’or à connaître : TOUT ce qui concerne la compétence matérielle = d’ordre
public !! Ils en découlent des conséquences, mais aussi des nuances.

 Conséquences : si la compétence matérielle est d’ordre public, il n’est pas question de


conclure des contrats qui dérogent à celle-ci.
De plus, toute violation d’une règle de compétence matérielle, ou plutôt, tout déclinatoire
de compétence matérielle, est d’ordre public. Cela signifie que :
1- Celui qui le soulève = le défendeur/le juge du procès,
2- À quel moment du procès ? = à tout moment,

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3- Par défaut ? = oui, car c’est d’ordre public.

 Nuance : 2 seules exceptions 


1- Art. 568 C.Jud.
2- Art. 592 C.Jud.

= les nuances légales, prévues par le Code même.

Autre nuance : il y a une théorie, née de l’abus de droit, en vertu de laquelle on ne peut –
à un stade tardif du litige (= devant la Cour de cass.) – soulever un déclinatoire d’orde
public lorsque ce déclinatoire est contraire à ce qu’on a soutenu précédemment. La
loyauté procédurale empêche ce genre de comportement.
6. Dans 98% des cas, la compétence matérielle est d’ordre public.

Deuxième règle d’or : ce que le prof appelle « la règle du rétroviseur »  au regard du C.Jud. et de la
jurisprudence constante de la Cour de cass., le juge – pour apprécier sa compétence – doit se placer
non pas au moment où il statue, mais il doit regarder qui était compétent au jour de sa saisine.

Attention, exception à la règle du rétroviseur, voulue par la Cour de cass. : sur la qualité de l’entreprise,
devant le tribunal de l’entreprise (art. 573 C.Jud.)  pour la qualité de l’entreprise, ce n’est pas le jour
de la saisine qu’on regarde, mais le jour où l’acte litigieux a été accompli.

Sous-sect. 2 : critères de détermination de la compétence d’attribution


Les quatre critères régissant la compétence matérielle (art. 9 C.Jud.) : l’objet, la valeur, la qualité des
parties et l’urgence.

§1 L’objet
A Définition du critère
L’objet : c’est une notion fondamentale en droit judiciaire. Nous la rencontrerons deux fois en droit
judiciaire (la première fois : dans ce contexte-ci = le premier critère servant à fixer la compétence
matérielle des juridictions judiciaires, la deuxième fois : entre la P. 190 et 198 SYLLA  l’objet est une
notion fondamentale touchante à la définition de la demande en justice). Nous faisons un lien entre la
P. 11 et la P. 190 SYLLA.

Qu’est-ce l’objet ? Il est dépourvu de définition. C’est ce que réclame le demandeur en justice, c’est ce
qu’il postule. On l’appelle aussi le petitum = le résultat qu’il poursuit. Il est le critère principal de
détermination de la compétence matérielle/d’attribution.

B Portée du critère
Qu’en est-il de sa portée ? Il est le seul des quatre critères ayant une portée absolument générale.
Toute règle de compétence matérielle obéit en partie ou totalement à la notion d’objet (elles ont
toutes au moins un emprunt à la notion d’objet). Les trois autres notions ne se retrouvent que dans
certains cas.

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Cela étant dit, ce critère n’est pas omnipotent (sinon les trois autres critères n’existeraient pas) ! Dans
certains cas, l’objet se suffit à lui-même. Ces cas sont majoritaires. Les listes de compétence matérielle
dans le C.Jud. sont absolument interminables, ce sont des pages entières. Dans ces listes, on voit que
l’objet est omniprésent et se suffit à lui-même. Un exemple : en matière de bail  le juge de paix est
compétent en vertu de l’art. 591 C.Jud. ; l’objet de ma demande = le bail. Quel que soit le bail, quelle
que soit la portée de la demande/la valeur du bail  le bail est l’objet de la compétence du juge de
paix.

Dans d’autres cas, le critère de l’objet omniprésent, doit être complété par un autre critère. P.ex. :
l’urgence – qui est la clé du référé – il faut parfois la combiner avec l’objet. En matière sociale, lorsque
la cause est urgente, il y a deux critères = 1. Le social, 2. L’urgence.

 L’objet est donc un critère général, qui se suffit souvent à lui-même, mais parfois il réclame
la combinaison avec un des trois autres critères.

C Application du critère
Vu qu’il n’y a pas de définition, il y a parfois controverse. On l’appréhende deux fois, cette controverse
et il faut l’appréhender ensemble.

Ici, on l’appréhende pour la première fois  l’art. 9 dit : « la compétence est fonction de l’objet ».
Posons la controverse : ce résultat qu’on postule, est-ce un résultat économique, brute, concret,
factuel ? Ou bien, est-ce le résultat tel qu’on l’a qualifié en droit, tel qu’on l’a libellé juridiquement.
Pourquoi le prof nous dit-il ça ? Car les choses peuvent varier  si l’on dit : l’objet, c’est l’emballage
juridique de la prétention, et que, par ailleurs, on dit que le juge ne peut modifier l’objet de la
prétention  alors l’équation amène au résultat suivant : le juge est lié sur la façon dont les choses lui
sont présentées.

 Si, au contraire, on dit que l’objet qui fixe la compétence et qui détermine la demande, c’est le
résultat brut et nu, indépendant de sa qualification juridique  alors cela voudrait dire que le juge
puisse, en appréciant sa compétence, d’abord voir si la qualification juridique est justifiée.

Prenons un exemple pour saisir la controverse : une personne se prétend employée par une autre
personne – qu’elle qualifie d’employeur – et elle prétend que cet employeur ne lui a pas versé ses
indemnités de préavis/un arriéré salarial. Quel est l’objet de la demande ? Des arriérés salariaux, une
indemnité compensatoire de préavis, due en vertu d’un contrat de travail. Qui dit contrat de travail,
qui dit arriéré de rémunération, dit compétence matérielle du Trib. de travail (art. 578 C.Jud.). On
arrive devant ce tribunal et le défendeur dit que la relation contractuelle n’a rien à voir avec un contrat
de travail : selon lui, il y a complète indépendance, sans aucune subordination, d’après ses propres
libertés. Par conséquent, selon lui, le Trib. de travail n’est pas compétent. Il y a là deux options :

 Soit on dit que le Trib. du travail est lié par cette qualification juridique, parce qu’on
considère que cette qualification s’incorpore à l’objet, auquel cas le Trib. du travail, la mort
dans l’âme, constatant que le demandeur qualifie sa prétention de contrat de travail, n’a
pas d’autre choix que de se déclarer compétent. Quitte, des mois plus tard, de constater
sur le fond de la demande qu’il s’agit en réalité d’un contrat d’entreprise/d’indépendant
et de devoir, contre nature, statuer sur la base de règles commerciales ou de règles civiles.

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 Soit (et c’est une thèse plus réaliste) le juge constate que la qualification juridique est
inadaptée  il disqualifie la prétention et constate qu’il n’est pas compétent (s’agissant
d’un contrat d’entreprise, par exemple, seul le Trib. d’entreprise est compétent).

- Il y a deux thèses : une thèse alimente une conception juridique de l’objet : l’objet intangible,
non modifiable = la prétention telle que le demandeur l’a juridiquement emballée  le juge
est lié par cette qualification, même si elle est contestable (quitte sur le fond, évidemment, à
décider autre chose) [1]  dès que le juge apprécie sa compétence, il peut déballer la
qualification juridique, quitte à se déclarer, très vite, incompétent.

- La Cour de cassation, dès 1978, s’est ralliée à la conception juridique de l’objet  lorsque le
juge est saisi sur la base d’un objet juridiquement emballé, il n’a pas d’autre choix que de
constater sa compétence : il est lié. Le défendeur a beau soulever le déclinatoire. Rien n’y fera.
Il s’agit d’une thèse constante, qui prévoit encore aujourd’hui.
Cette thèse fait la majorité doctrinale (et peut-être même des juridictions de fond) contre elle.
Selon une majorité des auteurs de doctrine néerlandophones et francophones, et selon
certaines cours de travail et cours d’appel, selon cette tendance dissidente, le juge n’est PAS
lié par la qualification juridique de l’objet. Selon cette thèse dissidente, l’objet, c’est la
prétention brute, le résultat factuel, indépendant de sa qualification juridique. Il y a trois
arguments, donnés par cette doctrine et jurisprudence :
1) Un argument de texte et de bon sens : pourquoi la Cour de cass. considère que, sur l’objet,
le juge est lié par la qualification, même de mauvaise foi du demandeur, alors que,
concernant les trois autres critères, le juge n’est PAS lié par l’habillage du demandeur (là
on dit que c’est d’ordre public : le juge du fond n’est pas lié).
2) Art. 660, al. 2 C.Jud. (examen!!)  c’est l’article qui fixe le sort d’un déclinatoire de
compétence. Lorsqu’un juge statue sur un déclinatoire de compétence, soit il rejette le
déclinatoire et garde l’affaire, soit il accueille le déclinatoire et renvoie l’affaire vers son
collègue réellement compétent. Le juge de renvoi (qui reçoit l’affaire, car il est
compétent) : est lié sur sa compétence. Il n’y a pas de ‘ping pong intrajudicaire’. Mais, l’art.
660, al. 2 C.Jud. rajoute : « tout droit sauf sur le fond », ‘sauf’ est, dans cette phrase, un
adjectif au masculin pluriel. Tous les droits d’appréciation, sauf ceux préservés sur le fond
du litige  le juge qui se voit renvoyer le dossier par un collègue qui se déclare
incompétent, est lié sur sa compétence, mais tel est la seule autorité de la chose jugée 
sur le reste, le juge indiqué n’est pas lié par les considérations, avancés sur le motif, etc.
du premier juge).

Que dit la doctrine là-dessus ? Si la Cour de cass. a raison, alors l’art. 660, al. 2 C.Jud. ne
sert à rien. Or, un texte doit toujours servir à quelque chose (= le postulat d’utilité de la
loi : une loi doit avoir un but, doit servir à quelque chose). L’argument de la doctrine est
que, si le juge ne peut pas s’aventurer sur le fond et ne peut donc rien dire sur l’objet, alors
l’art. 660, al. 2 C.Jud. ne sert à rien  tout ce qui est dit là, ne lie pas le juge de renvoi. À
quoi ça sert d’avoir un texte qui limite la chose jugée si le risque craint, ne se réalise pas.

i. La Cour de cass. se trompe donc selon la doctrine, car elle prive cet article
d’utilité (postulat d’utilité de la loi) !

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3) Cet argument est le plus fort aujourd’hui, P. 190 et s. SYLLA  nous verrons plus loin que
cette même question, se reposera, à l’identique, plus tard : il ne s’agira plus du stade de la
compétence, mais du stade où le juge ouvre le dossier sur le fond et statue sur le fond de
la demande : la même question se repose alors, dans les mêmes termes et avec les mêmes
enjeux. Il est interdit au juge de modifier sur le fond l’objet de la prétention (art. 1138
C.jud., complété par un PGD qu’on appelle le principe dispositif).

Que veut dire « l’objet » ? S’agit-il de l’objet brut, factuel, dépouillé de sa qualification, ou s’agit-il de
l’objet emballé juridiquement qu’il est interdit au juge de modifier ? Même notion (l’objet), même
controverse : le juge peut-il ou non modifier la qualification juridique de l’objet ? Même réponse, au
départ, de la Cour de cass. : au début elle disait qu’il était interdit au juge, non plus en matière de
compétence, mais sur le fond, de corriger la qualification juridique de l’objet. Point de vue sévère,
certes, mais cohérent.

Plus tard, nous verrons que, par un arrêt fondamental du 23 octobre 2006, la Cour de cass. opère un
revirement de sa jurisprudence. Elle dit, s’agissant du fond, que le juge a l’obligation de statuer sur la
qualification juridique correcte. Si la qualification juridique n’est pas correcte, il est obligé de la
changer, il doit déjouer la qualification juridique inappropriée proposée par le demandeur.

La doctrine dit que la Cour de cass. doit être cohérente  elle ne peut pas dire tout et son contraire.
Après le revirement de sa jurisprudence sur le fond, elle est priée de revirer sa jurisprudence sur la
compétence (car même question, mêmes enjeux, même notion).

C’est là que, malgré le revirement, la Cour de cass. persiste en matière de compétence. EXEMPLE :
arrêt du 5 nov. 2012  la Cour, en matière de compétence persiste à considérer que le juge est lié
par la qualification juridique de l’objet. La Cour est-elle schizophrénique… ? Le décalage est très
surprenant  elle dit deux choses différentes, sur une même question. C’est critiquable, mais on peut
nuancer ce point : il faut être de bon ton. Il y a peut-être une explication pour ce décalage ; une
explication prosaïque, toute simple. Selon le prof, la Cour veut éviter que le justiciable et le juge
perdent leur temps trop tôt sur la question de la qualification juridique de l’objet. Il croit que la Cour
de cass. veut que le débat que cette question produit, ait lieu plus tard, qu’il n’ai lieu que sur le fond.
Elle veut éviter que ce débat – qui coûte de l’argent et du temps – ait déjà lieu au stade de la
compétence, et donc trop tôt.

Il reste que la jurisprudence de la Cour de cass. sur la compétence est critiquée (par la doctrine et la
jurisprudence de fond) et fragile.

Ce n’est pas logique ; c’est contre-nature (voy. exemple ci-dessus : si on arrive devant le Trib. de travail,
en lui soutenant qu’il s’agit d’un contrat de travail, en vertu duquel des arriérés de rémunération sont
dus, le Trib. de travail doit – contre toute évidence – se déclarer compétent, pour considérer quelques
semaines/jours plus tard (alors qu’il le savait déjà) que le contrat est, en réalité, un contrat d’entreprise
et non pas de travail. Il doit donc statuer contre-nature, sur la base du droit commercial/sur la base du
Code Civil.

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§2 La valeur
A Définition du critère
Le deuxième critère = la valeur. La valeur est également un critère annoncé par l’art. 9 C.Jud.  elle
renvoie à l’importance pécuniaire qu’une demande pécuniaire a (ou n’a pas). On verra différentes
hypothèses.

B Portée du critère
Le critère de la valeur est quant à lui, non pas général, mais doublement relatif. D’abord, il est
important : il est fréquent d’application. Pourquoi ? On retrouve ce critère trois fois en droit judiciaire.

 La première occurrence (= celle qu’on voit aujourd’hui) = lorsqu’il est un des critères servant à
déterminer la compétence matérielle (on verra les deux autres applications plus tard dans le
cours). De façon plus précise, la valeur de la demande, on la retrouve lorsqu’il est question de
la compétence générale du juge de paix (P. 97 SYLLA), art. 590 C.Jud.  le juge de paix est le
juge normal/a une compétence générale, pour connaître des petits litiges, dont le montant est
inférieur à 5000 EUR (= première occurrence).

 La seconde occurrence : P. 160 SYLLA  il s’agit de déterminer le ressort du juge de paix = le


seuil en-dessous/au-dessus duquel l’appel n’est pas possible.
 Il y a un tri pécunier des affaires en droit judiciaire : certaines d’entre elle sont jugées en
dernier ressort, car la valeur pécuniaire est basse, par exemple.

 La troisième occurrence : lorsque nous parlerons des dépens (= les frais de justice). De façon
précise, le critère de la valeur de la demande reprend une troisième fois du service (P. 325
SYLLA)  la valeur sert, dans ce dernier cas, à déterminer l’importance d’un des frais de
justice, notamment de celui qu’on appelle l’indemnité de procédure.

Doublement relatif, pourquoi ? (= Motifs de relativisation du critère de la valeur)

1. La valeur de la demande ne sert jamais seule : elle opère toujours avec un autre critère
(celui de l’objet).

2. Parfois, et même le plus souvent, le critère de la valeur n’a aucun intérêt : le critère de
l’objet fait tout le job et est le seul critère utile dans ces cas.
Exemple : le critère du bail (art. 591, primo, C.Jud.)  la valeur n’est pas importante ;
c’est toujours le juge de paix qui est compétent.

C Application du critère
Comment applique-t-on le critère de la valeur, lorsqu’on doit s’en servir ? Comment déterminer la
valeur de la demande ?

D’abord, il faut faire une (grande) division :

1. Dans certains cas, la valeur de la demande est déterminée, déterminable, quantifiable. Dans
ces cas-là, on a recours aux articles 557-562 C.Jud. (REMARQUE : on s’en sert trois fois : une

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fois pour la compétence, une fois pour le ressort, une fois pour l’indemnité de procédure 
raisonnement logique : on parle de valeur trois fois, donc on parle aussi de l’utilisation de ces
articles trois fois !).
Ces articles servent à calculer – de façon précise – le montant pécuniairement identifiable
d’une demande.

Art. 557 C.Jud. : « Lorsque le montant de la demande détermine la compétence d'attribution,


il s'entend du montant réclamé dans l'acte introductif à l'exclusion des intérêts judiciaires et de
tous dépens (,ainsi que les astreintes.) »
Quand on dit « le juge de paix est compétent pour toute demande dont l’objet est le suivant
et dont le montant ne dépasse pas 5000 EUR » (art. 590 C.Jud.), qu’est-ce qui ne doit pas
dépasser 5000 EUR  voy. art. 557 : le montant demandé dans l’acte introductif d’instance (=
la citation, = la requête, = l’acte qui saisit le juge, = le montant qui est réclamé), sans toutefois
compter :
[1] les intérêts judiciaires
Il ne faut pas confondre les intérêts judiciaires et les autres.
Les intérêts judiciaires : ils augmentent le capital demandé, à partir de la saisine (= de
l’acte introductif). On ne les compte pas, parce qu’ils ne sont pas encore échus.
Par contre, on peut compter les intérêts moratoires (= après la mise en demeure) 
lorsqu’on a mis en demeure le cocontractant, qu’il ne s’exécute pas, qu’on a lancé une
citation en justice contre lui, on compte l’import de la créance + les intérêts moratoires
qui ont couru depuis la mise en demeure.
[2] les dépens et
[3] les astreintes (= une amende pécuniaire qui frappe le non-respect d’une décision
de justice ; elle complète souvent les obligations de faire et de ne pas faire, pour
dissuader les mauvais coucheurs (= ceux qui n’exécutent pas les décisions de justice)).
On ne compte donc pas l’astreinte parmi les montants de la condamnation principale,
comme les dépens.

Qu’est-ce qu’on compte alors au final (?):

[1] Le montant nominalement demandé


[2] Les intérêts moratoires (éventuellement).
( !! ) Dans l’art. 557, on parle du montant demandé dans l’acte introductif d’instance.
Il y a là une illustration pure et simple de la règle du rétroviseur. Pourquoi ? On parle
du montant demandé dans l’acte introductif d’instance. Dans cet acte introductif
d’instance, on introduit par exemple le paiement d’une facture que notre voisin, à qui
on a vendu notre mobilier de jardin (pour 1000 EUR), n’a jamais payé. On demande
donc 1000 EUR devant le juge de paix. Puis, en cours de procédure, on demande non
seulement les 1000 EUR (pour le mobilier de jardin), mais aussi la somme de 10 000
EUR, car il a endommagé mon gazon avec son bulldozer. Quel est alors le montant de
la demande ? 1000 ou 11 000. Si c’est 11 000 EUR, le juge de paix perd sa compétence.
Mais non  l’article 557 C.Jud. dit : règle du rétroviseur  on regarde le jour de la
SAISINE !!

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Art. 558 C.Jud. : « Si la demande a plusieurs chefs, on les cumule pour déterminer la
compétence. »
Que signifie « chefs de demande » (?) : s’il y a plusieurs objets, on les cumule.
P.ex. : en matière quasi-délictuelle ; je demande du responsable ou de son assureur un
dommage corporel de … EUR, un dommage moral de … EUR. On additionne ces montants et
on regarde si on dépasse ou non le seuil de 5000 EUR, règle pour la compétence du juge de
paix.

Art. 560 C.Jud. : « Lorsqu'un ou plusieurs demandeurs agissent contre un ou plusieurs


défendeurs, la somme totale réclamée fixe la compétence, sans égard à la part de chacun d'eux
dans cette somme. »
Il peut arriver qu’il y ait plusieurs demandeurs/défendeurs. Que fait-on alors ? On cumule les
montants demandés entre toutes les parties et on regarde si on atteint les seuils.

Art. 559 C.Jud. (hypothèse très rare !) : « Lorsque la somme réclamée fait partie d'une créance
plus forte qui est contestée, le montant repris au titre ou le cas échéant du reliquat de ladite
créance, détermine la compétence même si la somme demandée est moins élevée. »
= Application de la théorie de l’enjeu véritable. Le juge doit tenir compte de la réalité, de l’enjeu
véritable !
Voilà pour la situation pour laquelle l’objet est pécuniairement quantifiable. Mais, tel n’est pas
toujours le cas !

2.  Il y a de nombreuses demandes où la valeur est indéterminable pécuniairement. Que fait-


on alors ?
Un article est prévu pour ce cas : l’art. 592 C.Jud. En résumé, il dit que : lorsqu’une demande
(dare, facere ou non facere) est introduite en justice, et qu’elle n’a pas d’enjeu pécunier, le
demandeur a le choix  il peut saisir soit le juge de paix, soit le Trib. de 1ère instance. Ce choix
n’est pas neutre (en termes de proximité et de rapidité). Ce choix est-il absolu/souverain ?
Non : le défendeur dispose – à la marge ( !! ) – d’un déclinatoire de compétence, d’une critique
(art. 592 C.Jud.)  à la marge, car, lorsqu’il apparaît que le choix, effectué par le demandeur,
est manifestement sur-/sous-évalué, le défendeur peut, in limine litis ( !! ), soulever un
déclinatoire pour dénoncer cette erreur d’appréciation manifeste. Le juge apprécie alors si oui
ou non, le déclinatoire est inexact. Soit il conserve l’affaire, soit il la renvoie vers le juge
compétent.
REMARQUE : ce mécanisme est porteur de conséquences importantes.
1° Le choix du demandeur n’est pas souverain  le défendeur peut soulever un
déclinatoire. Le défendeur, in limine litis, peut soulever ce déclinatoire marginal pour
erreur grossière. Nous sommes en matière de compétence matérielle ; la compétence
matérielle est, dans 98% des cas d’ordre public (dans deux cas, elle ne donne lieu qu’à
un déclinatoire d’ordre ‘privé’) !). Ici, on est dans UN DE CES DEUX CAS  le cas précis
de la sur-/sous-évaluation manifeste d’une demande d’un demandeur d’argent,
donne lieu à un déclinatoire d’ordre privé, que SEUL le défendeur peut soulever (le
juge n’a rien à dire). Il ne peut le faire qu’in limine litis. Sinon, son déclinatoire est
irrecevable.
 Le déclinatoire est d’ordre PRIVÉ, donc le juge ne peut le soulever !

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2° Le Tribunal d’arrondissement n’interviendra jamais pour trancher le cas du
déclinatoire visé par l’art. 592 C.Jud. (car c’est une pure question de FAIT, comptable).

2e cours

§3 L’urgence
Le troisième critère : l’urgence (P. 16 et 17 SYLLA). L’urgence est un critère de compétence matérielle
qu’on ne retrouve qu’en matière de compétence du juge de référé (au bénéfice de l’urgence). L’art. 9
C.Jud. annonce ce critère et on le retrouve à l’art. 584 C.Jud. (P. 129 et s. SYLLA  la compétence et
la juridiction du pouvoir en référé).

L’urgence est une des deux clés pour pouvoir plaider en référé. C’est une juridiction d’exception ! (La
seconde clé est celle du provisoire). À stade, une question a – jadis – fait controverse : en absence
d’urgence, lorsque le demandeur se rend en référé sans pouvoir démontrer l’urgence, quelle est la
sanction ? Plusieurs thèses s’articulaient :

1- À défaut d’urgence, le juge de référé doit se déclarer incompétent. (Ce n’est pas étonnant : l’art.
9 C.Jud. annonce l’urgence comme critère attributif de compétence.)

2- L’urgence n’est qu’une condition de recevabilité de la demande et non pas une condition de
compétence. La demande n’est pas renvoyée à un autre juge, mais elle est tout simplement rejeté
( le demandeur est débouté de sa demande en référé).

3- L’absence d’urgence vaut au demandeur de s’entendre dire que sa demande est non fondée. La
différence avec la deuxième thèse est faible, car le demandeur est également débouté de sa
demande  doit aller vers une autre juridiction.
Cette controverse a été tranchée par deux arrêts de la Cour de cass (tous les deux du 11/05/1990).
Ces deux arrêts traitent deux hypothèses différentes :
o 1er arrêt (= un cas d’école) : le demandeur en référé ‘parvient à réaliser l’exploit’ de saisir le
juge de référé, sans même dire un mot de l’urgence de la situation dont il se prévoit.
Qu’advient-il dans ce cas-là ? La Cour de cass. dit que la traduction du problème est la
compétence. Lorsque l’urgence n’est même pas invoquée, le juge de référé doit se déclarer
incompétent.
o 2e arrêt : le cas infiniment le plus fréquent = le juge constate que l’urgence est présente, mais
le demandeur échoue à rapporter la preuve de la situation d’urgence dont il se prévaut. Que
se passe-t-il alors ? L’action n’est pas fondée ; le demandeur est débouté de sa demande (
ce n’est pas un problème de compétence). Il faut introduire une autre demande, devant le
juge du fond.
o La controverse est donc parfaitement tranchée, via deux hypothèses clairement distinctes.
 ( !! ) Attention, en matière de référé familial (= en droit des personnes et de la famille ;
P. 143 et s. SYLLA)  dans le C.Jud. il y a l’art. 1253ter/4, §1er C.Jud. Que nous dit cet
article ?
 ‘Cadeau au justiciable’ : si le justiciable, qui se pourvoie en référé familial, échoue à
démontrer l’urgence de la situation, sa demande n’est pas rejetée  elle est renvoyée
à une audience ordinaire du Trib. de la famille.
o L’action est réorientée vers l’audience ad hoc pour le fond. On reste dans le ‘circuit du Trib. de
la famille’.

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§4 La qualité des parties
(Attention à cette terminologie technique et porteuse de confusion). On appréhende la qualité de deux
façons :

o Au sens de la compétence (artt. 9 et 573 C.Jud.).


Il s’agit de savoir quelle est la qualité entreprise/non-entreprise d’une personne juridique, qu’elle
soit physique/morale. On cherche à savoir qui a, ou non, qualité d’entreprise (P. 116 SYLLA).
S’il y a qualité d’entreprise, alors la personne est justiciable du Trib. de l’entreprise (art. 573
C.Jud.).
S’il n’y a pas qualité d’entreprise, la personne ne peut pas être jugée devant et par le Tribunal de
l’entreprise (avec nuance !!).
Attention, il ne faut pas confondre avec la qualité au sens de condition de recevabilité de l’action
en matière de procédure (artt. 17 et 18 C.Jud.) (deuxième point ci-dessous). Là, il s’agit de savoir
qui a qualité pour agir : qui est habilité à agir en justice. P.ex. : qui peut agir pour un mineur en
justice ? Le père, la mère, le tuteur.

o Au sens de la procédure, et plus particulièrement au sens de condition de recevabilité de la


demande (P. 179 SYLLA).

Ici, on ne parlera que de la qualité d’entreprise/de non-entreprise d’un sujet de droit.

REMARQUE : une des premières choses à retenir = la règle du rétroviseur (= le juge regarde sa
compétence au moment rétroactif dans le temps ; au moment de sa saisine). Cette règle ne comporte
qu’une seule exception. La Cour de cass. considère que la qualité d’entreprise doit être acquise,
mesurée, non pas au jour où le Trib. de l’entreprise est saisi, mais au jour où fût accompli le fait/l’acte
juridique en litige. « Qui étiez-vous au moment de conclusion du contrat/au moment des faits… ? »

Sous-sect. 3 : compétence ordinaire, compétences spéciales et exclusives


§1 Notions
Triptyque :

1) Les compétences spéciales,


2) La compétence ordinaire,
3) Les compétences exclusives.

Attention, cette articulation ne figure pas comme telle dans le C.Jud. ! Il s’agit donc d’une construction
pédagogique, voulue par la Cour de cass. et la doctrine en matière de compétence matérielle.

De quoi s’agit-il ? Les compétences spéciales d’abord. Dans le Code Judiciaire, aux articles 569 à 601ter,
on trouve des listes absolument interminables d’énumérations de compétences revenant à chacune
des juridictions de premier ressort.

Ces listes interminables 

 On ne doit pas les étudier par cœur (de plus, elles changent +/- tous les mois).
 Il faut pouvoir les localiser (569 et s. : Tribunal de première instance ; 573 et s. : Tribunal
de l’entreprise, etc.).
 Il faut retenir que, dans l’architecture de ses listes, on retrouve les compétences spéciales
 le législateur a voulu les confier spécialement à telle ou telle juridiction (juge de paix
en matière de bail ; Trib. de travail = compétent en matière de contrats de travail…).

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( !! ) Au cœur du triptyque, il faut faire attention au Trib. de 1ère instance. Il jouit quant à lui (outre ses
compétences spéciales énumérées aux artt. 569 à 572bis C.Jud.) d’une compétence qu’on appelle
ordinaire. C’est un tribunal ordinaire : il est « LA juridiction ordinaire » ! À ce titre, il exerce la
compétence qu’on qualifie d’ordinaire. Van Repingen, quand il préparait sa réforme, comptait faire –
du Trib. de 1ère instance – le cœur/l’artisan unique du paysage judiciaire de première instance, au sein
d’un grand tribunal d’arrondissement. Il y avait une prépondérance significative pour le Trib. de 1ère
instance, au sein duquel il voulait instaurer différentes chambres.

Le Sénat a retoqué cet aspect-là de la réforme  aujourd’hui on voit coexister le Trib. de 1ère instance,
le juge de paix, le Trib. de l’entreprise, le Trib. de travail et la section civile du Trib. de police. Mais, il
reste tout de même un reliquat important de la préférence du législateur par rapport au Trib. de 1 ère
instance. On entend par là un traitement particulier, voire privilégié  le concept de compétence
ordinaire traduit cette préférence. Le Trib. de 1 ère instance jouit d’une compétence ordinaire, décrite
à l’art. 568 C.Jud. On dit de ce Tribunal qu’il est la juridiction ordinaire, grâce à l’art. 568 C.Jud.  les
autres tribunaux sont les juridictions d’exception (= l’antonyme/le contraire de la notion de juridiction
ordinaire). Ces juridictions d’exception ont de nombreuses compétences spéciales.

§2 Le principe de la compétence ordinaire du Trib. de 1ère instance


Qu’est-ce une compétence ordinaire ? La compétence ordinaire du Trib. de 1 ère instance = connaître
de ses propres compétences spéciales + connaître des compétences spéciales des juridictions
d’exception (voy. plus tard).

Quid des compétences exclusives ? Tous ces concepts sont doctrinaux ( !! ) Quand le prof parle de
« compétences exclusives », il s’agit d’une création doctrinale et de la Cour de cassation (depuis
environs 50 années). Mais, on voit apparaître l’adjectif ‘exclusif’ dans le Code Judiciaire  il faut faire
attention aux faux amis. Lorsque le Code utilise cet adjectif, il désigne en réalité le concept de ‘spécial’ !

 Quand le prof/la Cour de cass./la doctrine parle de compétence exclusive, on parle d’exclusif au
sens (très) fort du terme  = plus que spécial.

Compétences exclusives, quid ? Ce sont des compétences qui – parmi les compétences spéciales des
juridictions d’exception – sont à ce point spéciales, à ce point propre au corps de la juridiction
d’exception, qu’il n’est pas question que le Trib. de 1ère instance vienne les usurper.

Tout ceci réclame des explications :

A Portée du principe
Le TPI (Trib. de 1ère instance) et sa compétence ordinaire (art. 568 C.Jud.). (C’est une disposition tout
à fait centrale !!). Art. 568 C.Jud. : « Le tribunal de première instance connaît de toutes demandes
hormis celles qui sont directement dévolues à la cour d'appel et la Cour de cassation. Si le défendeur
conteste la compétence du tribunal de première instance, le demandeur peut, avant la clôture des
débats, requérir le renvoi de la cause devant le tribunal d'arrondissement qui statuera comme il est dit
aux articles 641 et 642. Lorsque le défendeur décline la juridiction du tribunal de première instance en
vertu de l'attribution du litige à des arbitres, le tribunal se dessaisit s'il y a lieu. » Quelle est la portée
du principe de la compétence ordinaire, créée par cet article ?

a. Le TPI est la juridiction ordinaire des litiges qui ne font l’objet d’aucune attribution spéciale quelle
qu’elle soit. Métaphore : le TPI est comme une voiture balai lors d’une course (l’idée = la

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subsidiarité). Le TPI est la juridiction subsidiaire  il peut arriver que quelque chose ne soit pas
inscrit dans le Code (le législateur n’y a pas songé/a fait exprès de ne pas en tenir compte).
EXEMPLE : le contentieux quasi-délictuel (art. 1382 C.Civ.) = l’objet d’aucune disposition de
contentieux. Si ce n’est prévu spécialement au profit de personne, c’est pour le TPI !
EXEMPLE 2 : vente d’une maison ; un litige survient. Rien dans le C.Jud. dit quelque chose en
matière de vente de particulier à particulier  le TPI est compétent.
= Le premier volet de la notion de compétence ordinaire.

b. Deuxième volet de la compétence ordinaire = le TPI est le Tribunal qui a la possibilité de connaître
des demandes relevant des compétences spéciales des autres (= des compétences spéciales des
juridictions d’exception). Autre allégorie : le TPI est un coucou. Le coucou est un oiseau qui niche
dans le nid des autres. Le TPI est, dans cette seconde acception de sa compétence ordinaire,
comme un coucou  il peut ‘nicher dans le nid des autres tribunaux’ (Trib. d’entreprise, juge de
paix…). Il prend alors une de leurs compétences spéciales (p.ex. : en matière de bail, de contrat de
travail…).

B Limites du principe
Limites de cette compétence ordinaire ?

Les limites découlent toutes de l’art. 568 C.Jud. !!


D’abord, la compétence ordinaire ne s’applique qu’aux demandes en premier ressort (= un concept
technique ; il s’agit des actes qui introduisent un litige en première instance  donc pas pour les
recours d’appel).
A contrario, on ne parle pas de juridiction ordinaire en degré d’appel. En degré d’appel (P. 156 et s.
SYLLA), il n’y a pas de juridiction ordinaire  c’est chacun chez soi. En d’autres termes, le TPI – qui est
juge d’appel du juge de paix et du Trib. de police – n’a pas de juridiction ordinaire en appel (ce n’est
QU’en première instance) (= première limite).

L’art. 568 C.Jud. dit qu’il n’y a pas que les recours qui sont exclus de la juridiction ordinaire  il y a
aussi les demandes – qui de façon exceptionnelle – sont portées en premier et dernier ressort/degré
devant les cours d’appel/la Cour de cass. Dans des cas exceptionnels, les 5 cours d’appel et la Cour de
cass. sont compétents pour connaître, en premier degré, de demandes de genre très particulier. Il est
hors de question de dire que le Trib. de 1 ère instance, dans sa compétence ordinaire, pourrait ‘venir
manger de cette assiette-là’.

EXEMPLE : les cours d’appel d’abord. Art. 604 à 606 C.Jud. : demandes portées pour la première et
dernière fois en degré d’appel. La Cour de cass. connaît de demandes d’un genre très particulier (art.
613 C.Jud. : la demande en dessaisissement et en règlement de juge (voy. supra)) (= deuxième limite).

Ensuite, (le jeu du coucou ou) de la compétence ordinaire, ne vaut que pour les demandes relevant du
pouvoir judiciaire. C’est un terrain déjà connu  art. 568, al. 3 : « Lorsque le défendeur décline la
juridiction du tribunal de première instance en vertu de l'attribution du litige à des arbitres, le tribunal
se dessaisit s'il y a lieu. » On ne peut parler de la compétence ordinaire qu’à l’intérieur de la bulle de
l’ordre judiciaire. C’est une grave erreur de dire que le TPI peut – au nom de sa compétence ordinaire
– connaître d’un litige qui relève de l’attribution d’un autre pouvoir (= troisième limite).

a. Clause d’arbitrage  pas de compétence ordinaire  déclinatoire de juridiction.

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b. Conseil d’État (p.ex. : réfugiés, étrangers, marchés publics)  TPI non compétent  déclinatoire
d’ordre public de juridiction.
c. Si la demande relève des attributions d’un pouvoir judiciaire étranger, pas question de venir parler
de la compétence ordinaire.
 On reste dans la bulle du judiciaire pour parler du pouvoir ordinaire !

Finalement, il y a une limite qui était flottante, mais qui ne l’est (pratiquement) plus. Quelle était cette
question flottante quant aux limites. La question était la suivante : « à qui, au sein du TPI profite cette
compétence ordinaire de l’art. 568 C.Jud. ? » L’art. 76 C.Jud. (qui trace l’organisation/l’architecture à
l’intérieur du TPI) prévoit plusieurs sections/entités à l’intérieur du TPI : les chambres civiles (= il est
claire que cet article a été écrit pour ces chambres civiles), les chambres de la jeunesse, les chambres
de la famille ( ensemble, ces deux chambres forment le Trib. de la famille et de la jeunesse), le juge
des saisies (= magistrature personnelle et unique ; compétente pour connaître des difficultés
d’exécution, des saisies, des voies conservatoires), le juge des référés… ? (= quatrième limite).

Est-ce que ces entités bénéficient de la compétence ordinaire ? Dans un premier temps, la question
fût controversée. Le cas controversé : le Trib. de la jeunesse (entité au sein du TPI), jouit-il ou non de
cette prorogation (= de la technique d’extension de la compétence par voie de compétence ordinaire,
art. 568 C.Jud.) ? Il y avait controverse, parce que le Trib. de la jeunesse était compétent pour connaître
de tout ce qui touchait à la personne de l’enfant, à l’hébergement de l’enfant, à la garde de l’enfant
 en matière d’aliment (avant ou après divorce) : tâche du juge de paix ? Alors, est-ce que le Trib. de
la jeunesse peut, par voie de compétence ordinaire, connaître d’un petit complément de compétence
(et venir manger dans la gamelle du juge de paix (= ‘le coucou’). Au départ la Cour de cass. avait dit
oui. Aujourd’hui, cette question est désuète, car depuis 2013, (art. 572bis C.Jud.) c’est le Trib. de la
famille qui connaît de (pratiquement) toutes les questions touchant à l’enfant (= compétence spéciale).

Quid du juge des saisies ? Il faut retenir ce message, dispensée par une majorité de la doctrine et de la
jurisprudence : le juge des saisies jouit, par voie de contamination/d’extension, de la compétence
ordinaire qui revient au départ aux chambres civiles du TPI. C’est une situation non souhaitable, mais
admise.

Quid du juge des référés ? Il fait l’objet d’une disposition tellement spécifique, notamment de l’art.
584 C.Jud. (P. 129 et s. SYLLA), qu’on ne parle plus de compétence ordinaire ( c’est un tout autre
discours, qu’on verra plus tard).
Par contre, ce qui reste d’application actuelle, ce sont les exceptions à ce jeu du coucou, à ce jeu de
l’usurpation des compétences spéciales, par le TPI (au nom de l’art. 568 C.Jud.), décrites ci-dessous.

§3 Les exceptions au principe de la compétence ordinaire du Trib. de 1ère instance


A L’exception légalement formulée : le déclinatoire d’ordre privé du défendeur déduit d’une
compétence spéciale
(P. 22 à 24 SYLLA)

Art. 568, al. 2 C.Jud. : si le défendeur soulève le déclinatoire de compétence en motivant ce


déclinatoire par l’existence de la compétence spéciale d’un juge d’exception, alors la compétence
ordinaire est tenue en échec. Le coucou s’arrête et ne peut nicher dans un nid qui n’est le sien. Encore
faut-il voir de quoi il s’agit. L’hypothèse est la suivante (exemple) : je suis demandeur (en cas de bail),
et je saisie le Trib. de 1ère instance  j’invite le TPI à usurper une compétence réservée au juge de paix

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(art. 591 C.Jud.). Le défendeur locataire est là et dit : « art. 568, al. 2 C.Jud.  le TPI n’est pas
compétent (sauf en vertu de sa compétence ordinaire), mais moi, défendeur, je dis que ce litige relève
de la compétence spéciale du juge de paix. Je veux que le litige soit renvoyé au juge de paix ».
Décortiquons ce déclinatoire : le déclinatoire que le défendeur peut soulever pour tenir en échec la
compétence ordinaire/le coucou est un déclinatoire d’ordre privé (= indice infaillible de la
caractéristique de la nature de ce déclinatoire). Il s’agit du second et dernier cas dans lequel le
déclinatoire de compétence matériel est d’ordre privé (le premier étant l’art. 592 C.Jud., voy. supra).

Il en résulte que ce déclinatoire ne peut être soulevé que par le défendeur in limine litis (art. 854
C.Jud.). De plus, lorsque le défendeur soulève un déclinatoire – ici, déclinatoire d’ordre privé anti-
coucou – il doit être CONSTRUCTIF : il doit indiquer, dans son déclinatoire, qui est selon lui compétent
(in casu = le juge de paix) (art. 855 C.Jud.).

7. Que se passe-t-il lorsque le juge est saisi d’un déclinatoire d’ordre privé, soulevé in limine litis ?
Deux options :
1) Art. 639 C.Jud. : face à ce déclinatoire soulevé par le défendeur, le demandeur choisit une
solution expéditive/facile et dire : « Madame/Monsieur le juge du TPI, veuillez statuer
vous-même sur ce déclinatoire et dire si oui ou non, ce déclinatoire et fondé et dire si oui
ou non, il y a lieu de décliner votre compétence et de renvoyer à Madame/Monsieur le
juge de paix (dans cet exemple) ».

2) Deuxième option possible pour le juge du TPI : le demandeur constate un déclinatoire


soulevé par son adversaire et en fait une affaire de principe et demande (il peut le faire
jusqu’à la clôture des débats) : « Renvoyez le déclinatoire de compétence d’ordre privé,
soulevé par le défendeur, devant le Trib. d’arrondissement. C’est lui qui dira si oui ou non
le déclinatoire était justifié ».

B L’exception déduite de l’enseignement doctrinal et jurisprudentiel : le déclinatoire d’ordre public lié


au respect des compétences exclusives
REMARQUE : la deuxième exception au jeu du coucou = les compétences exclusives au sens fort du
terme. Le concept de compétence exclusive n’est pas connu du C.Jud. (= notion prétorienne).

Les compétences exclusives sont des compétences identifiées par la Cour de cass./par la doctrine, qui
sont à ce point spéciales/attachées à leur titulaire, que le jeu du coucou n’est pas admissible, c’est-à-
dire des cas dans lesquels la compétence est tellement spéciale que le Trib. de 1 ère instance devra
D’OFFICE décliner sa compétence. Le déclinatoire redevient ici un déclinatoire d’ordre public. On
n’attend pas le déclinatoire d’ordre privé que pourrait (ou ne pourrait pas) soulever le défendeur in
limine litis. C’est le TPI lui-même, qui, constatant la violation d’une compétence exclusive, va devoir
soulever (si cela n’a pas encore été fait par le défendeur) ce déclinatoire d’ordre public. Comme il est
d’ordre public, il peut le faire à tout moment.

Quelles sont ces compétences ? Il faut retenir par cœur cette liste (évolutive !) :

 La plus ancienne = la compétence des Trib. de l’entreprise en matière de contentieux de


l’insolvabilité (le Livre XX du Code de droit éco)  la faillite et la réorganisation judiciaire,
le transfert de l’entreprise en difficulté, etc. Ce Livre XX fait écho à l’art. 574 C.Jud. en
droit judiciaire (P. 120 SYLLA). Tout ce qui touche au contentieux de l’insolvabilité est
compétence exclusive du Trib. de l’entreprise. Pourquoi ? Dès les années 1970, la Cour de
cass. a constaté que, au sein du Trib. de l’entreprise, il y un organe technique, d’un genre

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particulier, notamment les services d’enquête commerciale. Ce sont les détecteurs des
signes avant-coureurs de l’insolvabilité. On ne le trouve nulle part ailleurs. C’est pour cette
raison que nul autre ne peut exercer cette compétence !

 Quid des Trib. du travail ? Eux aussi endossent une compétence exclusive. Dans quelle(s)
matière(s) ? Dans toutes les matières touchant la sécurité sociale. Schématiquement : le
droit du travail est une des deux branches du droit social. L’autre branche du droit social
= le droit de la sécurité sociale (= les bienfaits prodigués, depuis l’après-guerre aux
individus, à tous les moments et pour toutes les circonstances de la vie (de la naissance,
jusqu’au décès)). Tous les contentieux de la sécurité sociale, relèvent de la compétence
non pas seulement spéciale, mais bien exclusive des Trib. du travail (art. 581 et s. C.Jud.).
Pourquoi ? Auprès des juridictions du travail (= Trib. du travail + Cours du travail) figurent
des magistrats du Ministère public : l’auditorat du travail. Il reçoit dans le C.Jud. (art.
138bis et ter C.Jud.) une compétence particulière = le rôle de courroi/de transmission
entre les organismes de sécurité sociale et les Trib. du travail. Les auditeurs du travail ont
le pouvoir de réquisitionner tel ou tel organisme de sécurité sociale et de requérir de ces
organismes tel ou tel document (de façon forcée). Qui d’autre peut faire cela ? Personne !
Voilà pourquoi les litiges en matière sociale sont de la compétence exclusive des Trib. du
travail.

 Pour les juges de paix  il y a une compétence exclusive en matière d’apposition de scellés
et en matière d’inventaires.
Pourquoi y a-t-il une compétence exclusive ? Raison très prosaïque : il y a là un enjeu de
grande proximité, c’est-à-dire que le juge de paix (et son greffier) sont les plus proches des
endroits litigieux concernés.

 Quant au Trib. de police (art. 601bis C.Jud.) : il dispose d’une compétence spéciale pour
connaître des actions nées des accidents de la circulation. Très tôt après la promulgation
de ce texte (en 1995), la Cour de cass. s’est demandée si elle était en présence d’une
compétence exclusive. Réponse ? Oui : par un arrêt de février 1997, la Cour de cass.
tranche une fois pour toute la question (« c’est une compétence exclusive et non pas
seulement une compétence spéciale au profit du Trib. de police  exit le coucou »).
Raison ? Il s’agit d’honorer la volonté du législateur de soulager les autres juridictions : seul
le Trib. de police est compétent.

 Les compétences que les présidents des tribunaux exercent comme en référé (P. 144 et s.
SYLLA). Ce sont les procédures en cessation : on fait cesser telle ou telle pratique jugée
illégale (en matière de concurrence, de vie privée…). C’est une compétence tellement
particulière, que le jeu du coucou n’entre pas en jeu.

En bref : ce sont des compétences exclusives  si par malheur le TPI serait saisi d’une demande
relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction, il ne peut pas attendre le déclinatoire du
défendeur. Il s’agit d’un déclinatoire d’ordre public, que le défendeur peut soulever lui-même, mais
que le TPI doit soulever d’office, si le défendeur ne le fait pas !

 ( !! ) Il faut retenir que, si le défendeur soulève le déclinatoire d’ordre public, il peut le


soulever à TOUT moment. Si le défendeur soulève le déclinatoire  art. 639 C.Jud. :
a. Soit le déclinatoire est tranché par le juge lui-même,

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b. Soit le déclinatoire est transporté vers le Trib. d’arrondissement, puisque tel est le vœu
du demandeur.
 Par contre, si c’est le TPI qui soulève ce déclinatoire d’office, il n’y a pas de choix : art. 640
C.Jud.  le TPI doit soumettre le déclinatoire au Trib. d’arrondissement !

P. 23-24 SYLLA : concernant un petit doute qu’un jour, certains ont eu, à la lecture d’un arrêt de la
Cour de cass du 23 décembre 1988. Il s’agissait d’une demande particulière (= une demande à tiroir) :
à titre principal, un demandeur sollicitait la condamnation de son défendeur à lui payer une facture
impayée. À titre subsidiaire (= en cas de non-paiement de la facture), il sollicitait la mise en faillite de
son défendeur. La Cour de cass. dit que le TPI demeure compétent au regard de sa compétence
ordinaire.

Ça voudrait, selon certains, dire que la compétence exclusive n’a plus lieu d’être (?). Pas du tout  le
demandeur demande – à titre principal – le paiement d’une facture. À titre subsidiaire, il demande la
faillite. La Cour de cass. dit qu’un juge doit déterminer sa compétence eu regard à l’objet ! Que faire
lorsque l’objet est à tiroir (demande principale, suivi d’une demande subsidiaire)  la Cour de cass.
raisonne avec bon sens : on regarde l’objet principal. Pour l’objet principal ( compétence ordinaire),
le TPI était compétent (peu importe la demande subsidiaire).

 Depuis un arrêt du 11 janvier 2018 Cour de cass., les choses sont redevenues absolument
claires : une compétence exclusive tient en échec la compétence du TPI !

C L’exception jadis controversée : le défaut du défendeur


C’est un cas particulier (examen !!). La question est la suivante : quel est le rôle du juge lorsque le
défendeur fait défaut (= le défendeur ne comparait pas). Cette question a longtemps agité la doctrine
et la jurisprudence en droit judiciaire privé. Aujourd’hui, cette discussion a pris fin, grâce à la Loi Pot-
Pourri I, corrigée par les Lois Pot-Pourri V et VI (art. 806 C.Jud. : disposition importante et récurrente !
 examen !!).

L’art. 806 C.Jud. : « Dans le jugement par défaut, le juge fait droit aux demandes ou moyens de défense
de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou moyens sont contraires
à l'ordre public, y compris les règles de droit que le juge peut, en vertu de la loi, appliquer d'office. » En
résumé : le législateur dit « Madame/Monsieur le juge, lorsque tu statues par défaut, tu ne peux rien
soulever d’autre que des moyens de défense qui sont d’ordre public. Tu ne peut rien relever sauf les
moyens et les défenses d’ordre public, que tu dois même relever d’office ».

Comment cet article est-il mangé à la sauce de la compétence ordinaire. C’est logique :

- Art. 568 C.Jud. ; je me trouve devant le TPI et le défendeur fait défaut. Moi, demandeur, je
saisie le TPI d’une demande qui, normalement, relève de la compétence spéciale d’une
juridiction d’exception (le bail, par exemple). Que doit/peut faire le TPI ?
Art. 568 + art. 806 C.Jud.  le déclinatoire n’est pas d’ordre public ; il s’agit d’une compétence
simplement spéciale ; le juge ne peut rien faire ! Il ne peut soulever ce déclinatoire d’office,
car il est d’ordre privé.

- Deuxième scénario : je vais devant le TPI et je réclame la condamnation de mon défendeur à


me payer les suites quasi-délictuelles d’un accident de circulation, par exemple. Art. 610
C.Jud. : le Trib. de 1ère instance se trouve peut-être face à un défendeur qui fait défaut, mais il
se trouve aussi face à une règle de compétence matérielle d’ordre public. Que faire ? Le

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déclinatoire étant d’ordre public (art. 806 C.Jud.), le Code Judiciaire oblige le juge à soulever
d’office le moyen d’ordre public. Ce déclinatoire est à renvoyer auprès du Trib.
d’arrondissement (art. 640 C.Jud.).

Au passage à travers cet exemple – non choisi par hasard – le prof tord le cou à une histoire urbaine =
le bail n’est PAS une compétence exclusive du juge de paix !! Rien n’est plus inexact : c’est une
compétence simplement spéciale.

Sect. III : règles et principes régissant la compétence territoriale


(P. 25 et s. SYLLA)

Nous sommes dans le giron de l’ordre judiciaire ; nous sommes dans les attributions que reçoit
l’ordre judiciaire (par rapport aux autres pouvoirs constitués, par rapport aux arbitres, par rapport
aux pouvoirs judiciaires étrangers/supranationaux). À l’intérieur de la bulle judiciaire, chaque
juridiction est dotée d’un ADN double :

1) Un hémisphère compétence matérielle,


2) Un hémisphère territorial.

Sous-sect. 1 : la compétence internationale du juge belge


( Rudiments relatifs aux litiges dans lesquels on trouve un/des élément(s) d’extranéité).

Extranéité = les litiges dans lesquels un élément (matériel/personnel) est localisé l’étranger.

Qui, du juge belge/étranger, est compétent à juridiction pour connaître de ce litige. Dans la famille
des déclinatoires de juridictions, on a vu celui de juridiction internationale plus haut (= se présente
lorsque le litige est porté devant le juge belge, qui est amené à constater (d’office/à la demande du
défendeur) qu’il est sans juridiction pour connaître du litige  il devrait être porté devant un autre
juge, étranger).

§1 Les dispositions de droit interne


Dans les dispositions de droit interne (P. 26 et s. SYLLA), deux choses doivent être mentionnées : la
caution et les textes de droit belge applicables en présence d’un élément d’extranéité, qui
n’obéissent à aucun traité international.

A La cautio iudicatum solvi


La caution du demandeur étranger = « cautio iudicatum solvi »  art. 851 et s. C.Jud. (popularité
lamentable). Pourquoi ces articles ne sont-ils pas populaires ? Il s’agit de cette situation : le demandeur
non-résident en Belgique (domicilié/ayant sa résidence à l’étranger) introduit une procédure contre :

- Un autre étranger,
- Un ressortissant belge.

Le problème est que les art. 851 et s. autorisent au défendeur, placé dans cette circonstance, à
solliciter du juge qu’il suspende la procédure (sursoir à statuer), jusqu’à ce que le demandeur ait fourni
une caution (pécuniaire), destinée à couvrir les frais de justice auxquels ce défendeur serait condamné
en cas de défaite de son action.

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C’est clairement une mesure de méfiance ! Le défendeur demande de fixer une caution, qui est censée
couvrir les frais de justice (= les dépens), qui seraient mis à charge de ce demandeur étranger (qui fait
procès à une ressortissant belge), et puis, qui s’en irait, après avoir perdu en Belgique, contre un Belge.
Le mécanisme est le suivant : le défendeur, confronté à cette situation, soulève l’exception de caution.
Le juge n’a pas beaucoup de choix : il est (quasi) obligé de l’accueillir et de suspendre/de sursoir à la
procédure jusqu’à ce que le demandeur fournisse cette caution. C’est une entrave à l’action en justice
introduite par le demandeur étranger. Cette institution n’a guère bonne presse 

1- Cette caution est la première chose que les états parties à une convention internationale/à un
traité bi-/multilatéral, s’empressent d’abroger. Par exemple : la première chose qu’a fait le
Règlement Bruxelles I (et même avant, dans la Convention Bruxelles) = supprimer ce
mécanisme défensif et discriminatoire. C’est la première chose qu’on fait (dans la plupart des
cas  on ne le trouve plus beaucoup).

2- Il arrive même que nos Cours d’appel (quoi qu’on soit dans l’application des artt. 851 et s.
C.Jud.) renoncent/rejettent l’application de cette caution, car ces Cours d’appel considèrent
que ce mécanisme est attentatoire au droit fondamental d’accès à la justice, garanti par l’art.
6 Conv. sauvegarde des libertés fondamentales.
Le crépuscule de cette caution est arrivé avec un arrêt de la Cour const., 11 octobre 2018 (sur question
préjudicielle). Cet arrêt constate une différence de traitement très nette selon que le demandeur est
belge/non et aboutit au constat qu’une discrimination.

 Autorité +/- hybride d’un arrêt de la Cour const.  les heures de cette caution sont
comptées. Elle existe encore, mais elle a été décrétée inconstitutionnelle par la Cour const.
(question d’examen de l’année passée !!).

B Les textes applicables en toute situation d’extranéité non régie par traité
En réalité, il s’agit du Code de droit international privé (2004). Il trouve à s’appliquer lorsque le juge
belge constate que la situation d’extranéité n’est régie par aucun instrument international/aucun
instrument européen…
Art. 5 et s. Code DIP = règles de compétence. Il faut surtout retenir l’existence de ce code, mais le prof
ne nous posera pas de questions plus spécifiques à ce sujet.

§2 Les dispositions issues du droit international (traités + droit européen)


Ils existent des instruments de droit international liant la Belgique, régissant la compétence des juges
belges et étrangers en présence de situations avec éléments d’extranéité. Il faut juste retenir
l’existence de deux règlements européens fondamentaux :

- Le Règlement Bruxelles 1bis (= Règlement n° 1212/2012) : concerne la compétence judiciaire,


la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale,

- Le Règlement Bruxelles 2bis (= Règlement n° 2201/2003) : concerne la compétence, la


reconnaissance et l’exécution de décisions en matière matrimoniale et de responsabilité
parentale.

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Sous-sect. 2 : la compétence territoriale dans l’ordre interne
Au sein de la bulle de l’ordre judiciaire, où puis-je, en tant que juge matériellement compétent, exercer
cette compétence matérielle (P. 32 et s. SYLLA) ?

On distingue :

- la Cour de cassation (compétente pour tout le Royaume) ;


- 5 ressorts de Cour d’appel (car il y a 5 Cours d’appel) ;
- en leur sein, il y a des arrondissements judiciaires (~ provinces)
L’idée = une restructuration des arrondissements judiciaires  désormais ils sont moins
nombreux (avant, il y en avait +/- 40), mais ils sont en périmètre plus étendu, car ils sont à
l’échelle des provinces ; ainsi, les arrondissements sont plus vastes  il y en a 11 ;
- on divise les arrondissements en subdivisions successorales (par exemple : l’arrondissement
du Hainaut recouvre désormais la division Mons, la division Tournai et la division Charleroi) ;
- à l’intérieur des 11 et vastes arrondissements, il y a l’ultime circonscription judiciaire, qu’on
appelle les cantons, au sein desquels siègent les juges de paix ( juridiction cantonale/juge
cantonale = référence au juge de paix)
- enfin, il y a les périmètres territoriaux des Trib. de police.

Le siège de la matière des règles de compétence territoriale = artt. 622 à 633decies C.Jud. Ces règles
se présentent comme des listes interminables, à ne pas étudier par cœur. À côté de ces articles, il faut
signaler l’art. 186 C.Jud.  lorsqu’il y a eu la réforme, cet article a pris le relai de cette réforme. À
l’intérieur d’un arrondissement judiciaire, il faut opérer un sous-découpage territorial. Comment ? La
réponse se trouve à l’art. 186 : cet article s’adresse au Roi et dit que « pour faire le règlement de
répartition, vous pouvez vous y prendre par arrêté royal : soit, vous faites un copier-coller des règles
du C.Jud. (artt. 622-633decies) et vous l’appliquez en petit, au sein des différentes divisions de
l’arrondissement ; soit, vous décidez de spécialiser telle ou telle division au sein de l’arrondissement,
pour lui confier exclusivement la compétence territoriale au sein de cet arrondissement-là (l’idée =
spécialiser/rationnaliser la compétence du juge).

Le Gouvernement fédéral peut parfaitement combiner les deux tactiques (examen !!). La tendance
actuelle est plutôt le copier-coller à l’intérieur de l’arrondissement. Ceci étant dit, on voit de plus en
plus poindre des actes un peu plus audacieux, qui spécialisent telle ou telle division, à l’intérieur de tel
ou tel arrondissement. Attention, ces innovations sont d’audace limitée : le Roi ne peut pas spécialiser
telle ou telle division dans des contentieux de grande proximité/nécessité (par exemple (art. 186
C.Jud.) : il est exclu dans le Hainaut que le Roi dise que le Trib. de la famille de Mons est seul compétent
pour connaître des divorces dans le Hainaut.

Tout comme la compétence matérielle, la compétence territoriale peut s’articuler autour d’un
triptyque : 1. Compétences supplétives, 2. Compétences impératives, 3. Compétences d’ordre public.

- Les compétences supplétives = la règle/le système de base, préférentiel (artt. 622 à 624
C.Jud.). la caractéristique de ce système est que cette règle est d’ordre privé.

- Concernant les compétences territoriales impératives, on passe du côté de l’exception (artt.


627 à 629quater C.Jud.). caractéristique = ces compétences restent d’ordre PRIVÉ !

- À titre tout à fait exceptionnel, il y a matière à compétence territoriale d’ordre public (artt.
631 à 633decies C.Jud.).

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 Règle d’or : en général, les règles légales qui régissent la compétence territoriale sont
d’ordre privé ( compétence matérielle, où tout est d’ordre public, SAUF deux exceptions
(artt. 592 et 568 C.Jud.) !

§1 Règle générale : l’option ouverte au demandeur


A Contenu de l’option
Un texte fondateur = l’art. 624 C.Jud. « Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge
compétent pour connaître de la demande, celle-ci peut, aux choix du demandeur, être portée :

1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs ;

2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel
elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;

3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte ;

4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni, le cas
échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger. »

Analysons :
- Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge compétent pour connaître de la
demande  art. 627 et s. C.Jud. = hormis les cas de compétence territoriale impérative + art.
631 et s. C.Jud. = cas de compétence territoriale d’ordre public.
- celle-ci peut, aux choix du demandeur, être portée  sauf dans les cas de compétence spéciale
et d’ordre public, la demande est portée au choix du demandeur devant une palette de juges
qui sont alternatifs les uns aux autres. En quoi consiste ce choix ? Voy. le prochain tiret.
- 1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs ;
2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans
lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;
3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte ;
4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni,
le cas échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger.

EXEMPLE D’UNE SITUATION : je suis consultée par un justiciable (X), dans un litige contre une personne
B  je dis « ça relève de la compétence matérielle de ce juge-là ». On regarde d’abord dans quelle
matière on est : compétence spéciale (art. 627 et s. C.Jud.) ? Non. Compétence d’ordre public (art. 631
et s. C.Jud.) ? Non. Que fais-je ? Je me tourne vers 624 et je me trouve face à un choix, entre 4 juges.

B Régime juridique de l’option


De quoi est faite cette palette ?

1- Le choix du lieu du domicile (= le for du domicile)  on peut toujours citer le défendeur devant
le juge matériellement compétent du lieu de son domicile. C’est une règle élémentaire.
Qu’entend-on par domicile en droit judiciaire ? (En droit, c’est une notion polysémique : il y a
le domicile civile, fiscal, judiciaire). En droit judiciaire, il faut aller voir l’art. 32, point 3 C.Jud.
Qu’arrive-t-il dans la situation où je suis demandeur et je me trouve face à plusieurs
défendeurs (= litige multipartite). L’art. 624 ne fait pas mystère  je peux porter mon litige

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devant le juge du domicile d’un d’entre eux. C’est un premier élément de ce qu’on appelle la
connexité ; c’est une ancienne règle : on peut citer devant le for d’un des défendeurs.
( !! ) Attention, il y a la Loi sur l’emploi des langues en matière judiciaire (1935) dont il faut
tenir compte.

2- Dans certains cas, je peux également citer devant le juge du lieu où l’obligation en litige est
née/devant le juge du lieu où l’obligation du litige doit être exécutée.
REMARQUE : par rapport au domicile, s’agissant d’une personne morale : le domicile = le lieu
du siège social !
REMARQUE : concernant la théorie du contrat à distance  on voit l’importance de la
détermination du moment auquel le contrat se noue : ce moment dit quel est le lieu où le
contrat s’est noué.
EXEMPLES : lorsqu’on est face à une dette pécuniaire, où peut-on citer ? Devant le juge du lieu
du domicile du défendeur (art. 624, °1)/devant le juge du lieu où le contrat a été noué
(°2)/devant le juge du lieu où le contrat doit être exécuté (art. 1136 C.Civ. : les dettes
pécuniaires ne sont pas portables  retour au domicile du débiteur) ;
en matière quasi-délictuelle  lieu du domicile du défendeur en responsabilité/lieu du siège
sociale de l’assurance qui assure la responsabilité du défendeur/lieu où la faute a été commise
(« forum in loco commissi delicti »)/devant le juge du lieu où l’obligation doit être réparée (=
lieu où le dommage est subi)…

3- Art. 624, °3 : devant le juge du lieu du domicile élu par le défendeur. Qu’est-ce un domicile élu
(art. 39 C.Jud. = définition) (P. 227 et s. SYLLA). L’élection de domicile est un mécanisme
conventionnel/unilatéral  quelqu’un fait élection d’un domicile entre les mains d’un tiers,
des fins de procédure. L’idée = un justiciable décide de faire une élection (= une fiction) de
domicile judiciaire, ailleurs que son vrai domicile. Dans la partie procédure de ce cours, on
verra les conséquences que cet acte a, en termes de procédure : il faut faire notifier et signifier
les actes non pas au vrai domicile, mais à l’endroit du domicile du mandataire élu (avocat,
huissier…).
Il y a également des conséquences en matière de compétence : en plus de tous les choix
mentionnés ci-dessus, je peux – si le cas se présente – convoquer devant le juge du domicile
élu par mon adversaire.

4- Le lieu de la signification = excessivement rare, donc on ne doit pas en savoir plus.

 Dans ces cas, il n’y a pas de règles d’ordre public ! Le choix est souverain, discrétionnaire.

En plus de ces quatre options, le C.Jud. admet, comme la règle est supplétive, que les parties puissent
conventionnellement déroger à ce catalogue ! Les parties peuvent – par convention
antérieure/conclue au moment du litige – choisir un 5e, 6e lieu. Ces clauses dérogatoires sont
parfaitement licites.

Ces clauses dérogatoires figurent de façon récurrente/générale dans des conditions générales. Par
contre, il faut faire attention à la problématique de l’opposabilité des conditions générales  attention
à leur opposabilité, leur lisibilité ; sont-elles entrées dans le champ contractuel ?

De plus, il faut faire attention aux listes noires (voy. cours d’obligation) : Code de droit économique
 art. XI.83, 23° + art. XIV.50, 23° : dans les litiges de consommation, ces clauses dérogatoires sont
nulles.

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 Attention à la protection renforcée du consommateur !!

Quid si une compétence territoriale supplétive est violée ? La situation est la suivante : on est devant
le juge matériellement compétent ; le litige est porté devant un juge territorialement incompétent (il
n’est compétent au regard d’aucun des 4 choix de l’art. 624/d’aucune clause du contrat (ou le contrat
comporte une clause illégale)  le régime est celui de la violation d’une règle d’ordre privé qui est
violée. ( !! ) Donc, seul le défendeur peut soulever le déclinatoire (art. 854 C.Jud.), dans ses premières
conclusions, à condition (art. 855 C.Jud.) qu’il se montre constructif ! Une fois que ce déclinatoire est
soulevé – s’il l’est – l’art. 639 C.Jud. s’applique.

- Première hypothèse : le demandeur dit que le juge initial statue sur le déclinatoire soulevé par
l’adversaire.

- Deuxième hypothèse : le demandeur demande de transférer le déclinatoire vers le Trib.


d’arrondissement.

Finalement, quid en cas de défaut ? Art. 806 C.Jud. : le juge confronté au défaut du défendeur, ne
peut soulever que des moyens + défenses d’ordre public.  Toutefois ici, le déclinatoire est d’ordre
PRIVÉ lorsqu’est violé l’art. 624 C.Jud./une convention dérogatoire à cet article !

§2 Exceptions : le choix imposé par la loi

A Le choix imposé par des règles impératives


Ici, le litige rentre dans la compétence matérielle d’un juge spécialement (= compétence territoriale
impérative) désigné.

Où trouve-t-on ces compétences territoriales impératives (artt. 627 à 629quater C.Jud.).

1. L’art. 627 C.Jud. (qui est extrêmement long) a un fil conducteur = ce sont les règles de
compétence territoriale impératives, qui, souvent, découlent de la survenance d’un
évènement.

2. L’art 628 C.Jud., quant à lui, s’agit plutôt du lieu de localisation d’un sujet de droit.

3. Et enfin, l’art. 629 C.Jud. concerne plutôt le lieu du bien concerné. P.ex. : 629 primo  en
matière de droits réels immobilier et de demandes en matière de bail, c’est le lieu de
compétence impérative de là où se trouve l’immeuble litigieux, soumis à droit réel/à bail.
Compétence spéciale matérielle du juge de paix (art. 591) + compétence impérative
territoriale du juge de paix (art. 629, °1).

Un petit mot sur l’art. 629bis C.Jud.  c’est une disposition assez récente, issue de la Loi de 2013, qui
a créé le Trib. de la famille. En matière de droit des personnes et de la famille, cet article crée une
cascade de compétences territoriales impératives. Il faut faire attention au premier cas d’attribution
de règles de compétence territoriale dans cet article. §1 : une règle plutôt spécifique, sur la
compétence territoriale du ‘Tribunal de la famille historique’ (notion du prof). Si un dossier familial a
déjà été introduit pour telle ou telle raison, pour telle famille/tel duo enfants-parents, ce Tribunal de
la famille historiquement premier, sera ( !! ) toujours ( !! ) compétent.

 « Un juge, une famille, un dossier ».

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Il y a là une ‘erreur de casting’  cette règle du Trib. de la famille historique, est reprise dans les règles
de la compétence territoriale impérative, mais pourtant, il y a une petite attrape : art. 629bis, §8 C.Jud.
 les parties à un litige familial peuvent déroger aux règles de compétence territoriale impérative,
SAUF impossibilité de déroger à la compétence du Trib. de la famille historique.

A. La règle du Trib. de la famille historique est donc une règle d’ordre public MAL LOGÉE !! Elle est
logée dans les compétences territoriales impératives, mais pourtant, l’art. 629bis, §8 dit qu’on la
considère comme une compétence territoriale d’ordre PUBLIC.

Quel est le régime juridique des règles de compétence territoriale impératives. Puis-je faire une
convention contraire à ces règles de compétence territoriale impératives ? Art. 630 C.Jud. : oui, mais
à condition que cette convention soit postérieure à la survenance du litige. A contrario est nulle une
clause de for, dérogatoire, antérieure au litige.

B. Une convention contractuelle qui comporterait une clause disant que « en cas de litige relatif à la
validité, l’exécution… du présent contrat, les parties doivent aller devant un autre juge que le juge
des art. 627-629 C.Jud. …», est nulle. Une fois le litige né et que les parties sont en pleine
connaissance de leur droit, elles peuvent y renoncer librement. Examen !! : question qui amène à
montrer qu’on a compris cela. P.ex. : peut-on conclure une convention de juridiction dérogatoire
dans un bail ? La réponse est doublement non 
1- On ne peut déroger à la compétence matérielle, car elle est d’ordre public.
2- On ne peut déroger à la compétence territoriale de l’art. 629/1, car cette clause est
antérieure au litige.
Pas valable. Mais, une fois le litige né, on a pleine possession de ces droits.
( !! ) Attention : une exception à ce régime  il est interdit – même après survenance du litige – de
conclure une convention dérogatoire à la compétence territoriale du Trib. de la famille HISTORIQUE !!

Qu’arrive-t-il si je vais devant un juge qui n’est pas celui auquel la loi réserve impérativement la
compétence ? De quel nature est le déclinatoire ? Il RESTE d’ordre privé ! En d’autres termes, si le juge
constate que le défendeur ne dit rien, le juge est compétent. Il ne peut pas soulever le déclinatoire à
sa place  seul le défendeur peut – in limine litis – soulever ce déclinatoire d’ordre privé, en indiquant
(art. 855) qui selon lui (dans les art. 627 et s.) est bien compétent.

C. Dernière question : quid en cas de défaut ? Art. 630 C.Jud. : en cas de défaut, le défendeur est
présumé décliner la compétence territoriale incorrecte du juge  si on est juge, que le défendeur
fait défaut, qu’on constate qu’on est devant nous par erreur, il y a déclinatoire de compétence
présume (= c’est comme si le défendeur prenait la parole et disait « vous êtes incompétentes ») :
on fait comme si le défendeur avait parlé !
 On applique l’art. 639 C.Jud. : le demandeur, constatant ce déclinatoire présumé, dit au
juge « faites le vous-mêmes » OU « renvoyez l’affaire devant le Trib. d’arrondissement ».

B Le choix imposé par des règles d’ordre public


La règle de base est l’ordre privé, mais il y a quelques cas où la compétence territoriale est d’ordre
public. Où trouve-t-on ces règles d’ordre public ? Code de droit économique (Livre XX) et artt. 632 à
633quinquies à decies C.Jud.

Quid ? Où trouve-t-on la première compétence territoriale d’ordre public ? À l’art. XX.12 Code droit
éco. : « Dans les procédures d’insolvabilité est seul compétent le Trib. de l’entreprise dans le ressort
duquel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur au jour de la saisine du Trib. »

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Le Trib. de l’entreprise jouit d’une compétence matérielle exclusive (Cour de cass. depuis les années
1970) en matière de procédures d’insolvabilité  sur le plan territorial, on voit donc la même intensité
dans cet article du Code de droit éco. C’est une règle de compétence territoriale d’ordre public.

Autre règle : art. 632 C.Jud. (en matière fiscale) : « les contestations relatives aux lois d’impôts sont de
la compétence du juge qui siège au siège de la Cour d’appel dans le ressort duquel est situé le bureau
de perception où est faite la cotisation. » En d’autres termes, est exclusivement compétent – en termes
territoriaux – le Trib. de 1ère instance de l’endroit où se trouve le bureau de perception. (On n’analyse
pas tous les articles, il faut juste pouvoir les localiser et les comprendre.)

Les conséquences :

1) Aucune convention contraire – quel que soit le moment – n’est licite. C’est d’ordre public, donc
pas possible.

2) Le défaut n’a aucune particularité. Vu que c’est d’ordre public, le juge doit soulever le
déclinatoire.

3) Qui soulève (par défaut/contradictoire) ? Tout le monde ! Le défendeur soulève évidemment,


mais s’il ne le fait pas (parce qu’il ne veut/ne voit pas), le juge prend le relai.

4) Quid du déclinatoire :
a. Si le défendeur soulève : le demandeur a le choix : transfert au Trib.
d’arrondissement/le juge statue lui-même.
b. Si le juge soulève d’office (parce qu’il le doit)  application de l’art. 640 : le
déclinatoire est renvoyé ipso facto devant le Trib. d’arrondissement.

3e cours

Sect. IV : quelques adaptations et correctifs = exceptions et tempéraments


(SYLLA P. 42 et s.)

Dans cette section, on verra des correctifs et adaptations aux règles qu’on a vu les deux premiers cours.
Il y a trois risques majeurs, qui sont de nature à perturber le cours de la justice. Si nous respections à
la lettre les règles de compétence (territoriale et matérielle) qu’on a vues, nous aurions d’abord un
problème au niveau de l’économie de procédure, au niveau de la bonne administration de la justice.
Si – pour un litige qui a des ramifications complexes, des sous-dossiers (par exemple un chantier 
relation avec un architecte + relation avec un entrepreneur) – il faut faire des procès séparés avec
l’architecte et l’entrepreneur, il y aurait beaucoup de désordre, des pertes de temps, des contrariétés
de décisions. Parfois, il y a des risques de contrariété de décision à éviter. Si nous respections à la lettre
les règles, au final, on pourrait avoir des décisions judiciaires non compatibles ! De plus, il y a des règles
d’ordre public qui amènent à détricoter les règles classiques que nous avons vues.

8. Il faut donc un peu de souplesse. Plusieurs techniques dérogent aux règles de compétences
matérielles et territoriales. On les analyse ci-dessous.

Sous-sect. 1 : la technique de prorogation


(SYLLA P. 42 et. S.)

L’idée : proroger = prolonger = compléter.

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Lorsque nous avons vu le premier volet de la compétence territoriale dans le cours précédent, nous
avons vu les compétences dites supplétives ( palette à l’art. 624 C.Jud.). une des conséquences était
la licéité de conclure des conventions contraires à cette palette. La volonté des parties est une des
possibilités de proroger la compétence d’un juge.

Il y a deux autres techniques de prorogation  un juge qui, normalement, est incompétent


matériellement ou territorialement, voit sa compétence élargie, prorogée, pour de bonnes causes. Des
techniques de prorogation, on en voit deux.

§1 La prorogation sur demande reconventionnelle


La demande reconventionnelle, nous allons la revoir dans la partie procédure, aux pages 203 et s.
SYLLA (examen !!).

Art. 14 C.Jud. : c’est une demande incidente, après la demande originaire. Elle émane du défendeur.
Sa nature = une demande par laquelle le défendeur contre-attaque (donc non pas seulement se
défend) pour solliciter à son tour la condamnation reconventionnelle de son demandeur. Si chacun
perd, il pourrait y avoir une compensation judiciaire.

Ce serait contraire au bon sens s’il y avait deux procès distincts, devant deux juges séparés, pour mener
la demande principale d’un côté, et la demande reconventionnelle de l’autre, alors qu’il s’agit des
mêmes protagonistes. Si cette technique de demande reconventionnelle n’existait pas, il se pourrait
qu’il y ait deux procès distincts. C’est pour ça qu’on a décidé de regrouper tout ça.

L’art. 563 C.Jud. (très important)  il s’exprime en tiroirs. Il y a deux sous-hypothèses dans cet article.

1- Al. 1 : nous sommes devant le TPI.


2- Al. 2 et 3 : nous sommes devant une juridiction d’exception (c’est-à-dire toutes les autres
juridictions).
 Le TPI bénéficie d’un traitement ‘chouchouté’.
A La demande reconventionnelle devant le Trib. de 1ère instance
L’alinéa premier de 563 C.Jud. nous dit : « Le tribunal de première instance connaît des demandes
reconventionnelles quels qu'en soient la nature et le montant. »

L’article s’exprime de façon absolue ! On ne peut plus large. L’idée = lorsque le TPI est saisi d’une
demande principale (parce qu’il est doublement compétent : matériellement d’une part (compétence
ordinaire/spéciale), territorialement d’autre part), sa compétence est blindée. L’alinéa 1 dit que, si le
défendeur s’avise d’introduire à son tour une demande reconventionnelle, quelle qu’en soit la nature,
quel qu’en soit le montant, le TPI reste compétent. Il faut faire attention à l’augmentation d’intensité
que nous avons par rapport à l’art. 568 C.Jud.

- D’un côté, il y a la demande principale  art. 568 C.Jud. : compétence ordinaire. Comme limite
principale à cette compétence, nous avons vu la possibilité pour le défendeur de soulever un
déclinatoire de compétence d’ordre privé. La compétence ordinaire est alors tenue en échec.

- D’un autre, il y a l’art. 563 C.Jud.  je suis devant le même TPI, mais ici, je lui demande de se
déclarer compétent pour une demande reconventionnelle. La loi va donc encore plus loin : il
n’y a pas de déclinatoire possible. Non seulement le TPI vient ‘nicher dans le nid des autres’,
mais aussi il n’est pas possible de tenir en échec sa prorogation de compétence, par le jeu d’un
déclinatoire.

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Mais, est-ce pour autant que cette prorogation est absolue ? Peut-on parler de compétence
universelle ? Pas tout à fait… :
1) (Le Code ne connaît pas cette notion !) Le jeu des compétences exclusives au sens fort du
terme. Il est logique qu’ici, elles trouvent à s’appliquer. Aussi bien elles tenaient en échec
la prorogation de compétence ordinaire pour la demande principale, aussi bien il est
logique que ses mêmes compétences exclusives tiennent en échec le jeu de la prorogation
de l’art. 563 C.Jud.
REMARQUE : ces compétences exclusives sont des notions jurisprudentielles, doctrinales ;
elles sont en petit nombre. P.ex. : l’insolvabilité, la sécurité sociale, les accidents de
circulation, les scellés, l’inventaire, les actions en cessation. Pas question de venir assoir le
coucou dans une compétence exclusive !
EXEMPLE : je cite une entreprise devant le TPI, en tant que consommateur. Il n’est pas
question qu’une demande reconventionnelle, touchant à l’insolvabilité puisse être
soumise, par voie de demande reconventionnelle, devant le TPI.
EXEMPLE 2 : je suis devant le TPI dans un litige entre un assureur et un assuré (assurance
automobile). Je ne paie pas ma prime depuis quelques années. L’assureur m’assigne et,
compte tenu de la gravité des manquements, je me retrouve devant le TPI. Je veux
introduire une demande reconventionnelle, car j’ai eu un petit crash en voiture et je veux
que ma voiture soit réparée. J’introduis la demande reconventionnelle pour demander
l’indemnisation de mon préjudice dû à un accident de circulation. Ça ne marchera pas ! 
La demande reconventionnelle induit la compétence exclusive du Trib. de police.
 Pas de possibilité pour les demandes qui dérivent d’une compétence exclusive d’être
l’objet d’une demande reconventionnelle.

2) Deuxièmement, à qui profite la prorogation sur demande reconventionnelle au sein du TPI


(art. 76 C.Jud. : au sein du TPI, il y a le Trib. de la famille, Trib. de la jeunesse, le juge des
saisies…) ? C’est un copier-coller de ce qu’on a vu à propos du coucou (= à propos du TPI
saisi d’une demande principale). Même controverse, même réponse, même fin de
controverse.
a. Ça profite pour les chambres civiles du TPI.
b. Quid du juge des saisies ? Une doctrine et jurisprudence majoritaire lui font ‘ce
cadeau’. Oui, la prorogation peut fonctionner au profit du juge des saisies, en tant
qu’entité du TPI.
c. Quid du Trib. de la famille ? La question ne se pose plus, car le Trib. de la famille
concentre toutes les compétences familiales et personnelles.
d. Pour le juge des référés  ATTENTION : le mécanisme de la demande
reconventionnelle ne profite pas au juge des référés. La porte est très étroite
devant le juge de référé (urgence !).

3) Dernièrement, une remarque à mi-chemin entre compétence et procédure (P. 43 et P. 203


SYLLA). La question qui s’est posée : ‘faut-il, pour que le mécanisme de la prorogation
fonctionne, qu’il y ait un lien d’apparentement entre la demande principale du demandeur
et la demande reconventionnelle du défendeur/peut on accepter que la demande
reconventionnelle n’ait rien à voir avec la demande principale ?’. Cette question a été
tranché par la Cour constitutionnelle (2007), à deux reprises. Elle a dit : « il n’est pas exigé
que la demande reconventionnelle soit liée par un lien d’intimité avec la demande
principale ! Il peut donc s’agir de quelque chose tout à fait étranger de la part du

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défendeur. » ( En pratique, c’est rare qu’une demande reconventionnelle n’ait rien à
voir avec la demande principale.)

B La demande reconventionnelle devant les juridictions d’exception : art. 563. 2e et 3e alinéa C.Jud.
La même question se pose : je suis compétent matériellement et territorialement. Je suis saisi d’une
demande reconventionnelle. Suis-je, juge d’exception, compétent sur prorogation. La réponse est plus
nuancée.

L’art. 563, al. 2 : « Le tribunal du travail, le tribunal de l'entreprise et le juge de paix connaissent des
demandes reconventionnelles qui, quel que soit leur montant, entrent dans leur compétence
d'attribution ou dérivent soit du contrat, soit du fait qui sert de fondement à la demande originaire. »

Deux hypothèses restrictives sont admises, pour qu’il y ait prorogation au profit de la juridiction
d’exception :

1) Une demande reconventionnelle, qui, par son objet, reste de la compétence du juge
d’exception, mais qui, par son montant, ne le serait pas. À vrai dire, cette hypothèse n’existe
plus : elle est frappée de désuétude. Cette hypothèse était antérieure à 2014  le juge de paix
et le Trib. de l’entreprise se partageaient le contentieux des créances commerciales (1. Juge
de paix : petites créances, de moins de 2500 EUR, 2. Trib. de commerce : créances au-delà des
2500 EUR). L’idée était que, le juge de paix saisi d’une petite demande de facture, pouvait
connaître d’une demande reconventionnelle sur une plus grosse facture, de la part du
défendeur.
 Aujourd’hui, avec le nouvel art. 573 C.Jud., le Trib. de l’entreprise connaît de TOUTES les
créances commerciales.
2) En revanche, la seconde hypothèse, c’est ‘du solide’  on est devant une juridiction
d’exception, qui est compétente (ratione materiae et loci). Se pointe une demande
reconventionnelle, basée sur le même contrat/fait.
EXEMPLE : nous sommes devant le Trib. du travail car le travailleur a assigné l’employeur pour
lui payer des arriérés de rémunération + un complément d’indemnité compensatoire de
préavis (art. 578 C.Jud. : compétence spéciale Trib. du travail). Il se fait que ce travailleur était
aussi uni par un contrat accessoire de bail avec son employeur. La demande reconventionnelle
– si elle devait être portée séparément – se ferait devant le juge de paix. C’est du gâchis  la
prorogation fonctionne au profit du Trib. du travail.

3) À côté de ce cas 2), le prof mentionne (pour l’exhaustivité), un ultime cas, mentionné à l’alinéa
3. « Les demandes reconventionnelles fondées sur le caractère vexatoire ou téméraire d'une
demande sont portées devant le juge qui a été saisi de cette demande. » (Lien entre le cas 3)
et la partie procédure, SYLLA P. 174). L’idée = une demande en justice peut, comme n’importe
quel droit subjectif, être soumise à la théorie de l’abus de droit. Un justiciable déloyal peut
abuser de son droit d’agir en justice. Son action en justice est alors déboutée, mais aussi
téméraire et vexatoire (= elle est fautive, abusive). Aujourd’hui, il faut retenir que cet abus de
droit est sanctionné. Comment ? Le défendeur qui soutient que la demande principale est
abusée, gagnera d’une part, car la demande est abusive et donc déboutée, mais d’autre part,
il pourra dire ce que cette demande lui a coûté (art. 1382 C.Civ.)  le demandeur doit
l’indemniser en justice. Comment ça se passe ? Le défendeur introduit une demande
reconventionnelle, contre le demandeur, en demandant au juge de constater le caractère
abusif + condamner le demandeur à payer le dommage réclamé. Ce serait idiot de faire un

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second procès là-dessus. Donc, tout juge saisi d’une demande principale téméraire et
vexatoire est compétent pour connaître de la demande reconventionnelle, qui dénonce ce
caractère téméraire et vexatoire (MÊME en référé !!).

§2 La prorogation sur demande en intervention


(Lien entre P. 47 SYLLA et P. 205 et s.)

Les demandes en intervention sont, tout comme la demande reconventionnelle, des demandes
incidentes : elles arrivent incidemment  elles se greffent sur une demande principale. Que font-
elles ? Elles ont pour objectif de faire arriver au procès un tiers (qui n’était pas encore partie à la cause
jusque-là). Ce tiers devient véritablement partie en cours de route (de manière forcée/volontaire). (Les
définitions des demandes en intervention se trouvent aux artt. 15 et 16 C.Jud.)

Imaginons qu’il faille traiter les demandes en intervention distinctement, dans le respect pur et stricte
des règles de compétences  on ne serait pas souvent devant le même juge. Il y aurait alors un procès
principal et un procès de côté, avec le tiers. Ce serait ‘catastrophique’.

 Il fallait donc un texte pour remédier à ce problème. Désormais, le juge principal connaît
aussi des demandes en intervention.
Si bien qu’on a un beau texte à ce sujet dans le C.Jud. : l’art. 564 (c’est une règle de bon sens, a priori
sans exceptions). « Le tribunal saisi d'une demande est compétent pour connaître de la demande en
intervention. » Décortiquons  il y a ici, de la part du législateur, une présomption : « l’intervention
du tiers est forcément liée à la demande principale ».
Attention ( !! ) : il se peut qu’on rencontre des cas (super rares) dans lesquels cette demande n’a
strictement rien à voir avec la demande principale. Deuxièmement, pas question que la demande en
intervention déroge aux compétences exclusives au sens fort ! (Finalement, en ce qui concerne la
compétence prorogée de 564 C.Jud. : si on conclut une convention d’arbitrage, ce n’est pas possible
de faire appeler l’adversaire devant une juridiction de l’ordre judiciaire. Le prof n’en dit pas plus à ce
sujet.)

Si on est dans une demande en intervention qui est liée à la demande principale (1), si on évite le cas
de la clause d’arbitrage (2), si on évite le cas d’une compétence exclusive (3), l’art. 564 C.Jud. joue de
manière pleine et entière.
 En bref : la prorogation vise à éviter l’accumulation de procès + la contrariété de décisions !

Sous-sect. 2 : la technique de la jonction


Pour les mêmes raisons que celles mentionnées ci-dessus et pour des raisons de sécurité juridique et
d’économie, le Code Judiciaire nous fournit également des techniques de jonction. L’idée = on joint
devant un seul et même juge des demandes qui gagnent à être traitées ensemble, pour des raisons
d’économie et de sécurité. Ainsi, on proroge sa compétence au-delà de ce qu’elle est. Des techniques
de jonction, on en voit deux.

§1 Règlement de litispendance
(P. 48 et s. SYLLA)

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La seule différence entre la litispendance et la connexité est une question d’intensité. Il y a un
phénomène de grande intensité (litispendance) et un phénomène plus fréquent, mais moins intense
(connexité).

A Notion de litispendance
Qu’est-ce la litispendance ? Dans l’art. 29 C.Jud., on trouve une définition. « Il y a litispendance toutes
les fois que des demandes sont formées sur le même objet et pour la même cause, entre les mêmes
parties agissant en même qualité, devant plusieurs tribunaux différents compétents pour en connaître
et appelés à statuer au premier degré de juridiction. »

L’hypothèse qu’on traite ici, est ultra rare. La litispendance du droit belge est très restrictive : il doit
s’agir de deux affaires ABSOLUMENT identiques (même objet + même cause (= même fondement) +
même parties (( !! ) la notion de parties englobe également la notion de successeur (= les ayants droit,
par héritage/via la subrogation)), en même qualité).

il doit s’agir de deux tribunaux différents. S’il s’agit de deux divisions du même tribunal, ce n’est pas
un cas de litispendance par exemple.

Dernièrement, il faut qu’il y ait le même degré de juridiction. Il n’y a pas de litispendance entre un juge
du 1er degré et le juge d’appel par exemple.

Condition rajoutée au texte par la Cour de cass. : il n’y a pas de litispendance entre une juridiction qui
statue du fond et une juridiction qui statue en référé.

Quel exemple peut-on alors imaginer ? Je suis un bailleur. Je loue des kots à des étudiants. Je suis en
litige avec un étudiant qui ne paie pas son loyer  j’assigne le juge de paix du lieu où se trouve le kot
et je réclame quelques mois d’arriéré de loyer. Entre temps, je décède. Je n’ai jamais parlé à mes
héritiers à ce propose. Ceux-ci retrouvent mes dossiers, peu à jour, mais ils trouvent mes extraits de
compte. Ils ignorent l’existence de ma demande en justice à Etterbeek  ils se disent : on fait un
procès contre l’étudiant, devant le TPI de Bruxelles, car le TPI a une compétence ordinaire, pour
connaître les compétences spéciales.

 Mêmes parties, même objet, deux juridictions différentes, toutes les deux compétentes
en 1er degré.

La litispendance est rarissime en droit belge, mais en droit européen, elle est plus fréquente. Cela pour
deux raisons :

1) D’abord elle fonctionne entre des juges de degrés différents.


2) La Cour de Justice de l’UE apprécie de façon beaucoup plus souple l’identité.

B Régime juridique de la litispendance


Lequel empoche la mise dans le casus expliqué ci-dessus ? Il faut un ordre de préférence, un ordre
protocolaire : qui est préféré à qui ? C’est l’objet de l’art. 565 C.Jud. Il faut se méfier de cet article !
Quand on ne retient pas ce qui suit, on se plante : l’article comporte deux PIÈGES :

1) Il faut le lire à l’envers : d’abord les alinéas 3 et 4, puis les alinéas 1 et 2.


Al. 3 : « Toutefois lorsque l'une des demandes relève de la compétence exclusive d'un tribunal,
seul ce tribunal est compétent pour connaître de l'ensemble des demandes. ». Qu’est-ce qu’on
vise ici ? L’hypothèse où il s’agit de dégommer le coucou. Lorsque les deux juridictions sont
compétentes (et elles doivent l’être) ; l’une au titre d’une compétence spéciale, et l’autre à
titre de compétence ordinaire, le titulaire de la compétence spéciale rafle la mise.

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Dans le casus, ce serait le juge de paix d’Etterbeek.
Un arrêt de la Cour de cass. du 11 janvier 2018 nous dit que, a fortiori il en va de même,
lorsqu’une des compétences en jeu est exclusive. Dans ce cas-là, la jonction ne perd qu’au
profit de la juridiction titulaire une compétence exclusive.
Al. 4 : « Lorsque deux ou plusieurs demandes relèvent de la compétence exclusive de deux
tribunaux distincts, le renvoi peut avoir lieu conformément à l'ordre de préférence déterminé
ci-dessus. » Le message est le suivant : on est dans un cas (complètement tiré par les cheveux)
où on se trouve devant deux juges qui l’un et l’autre ont une même compétence spéciale pour
connaître d’une même demande. Dans ce cas-là, l’alinéa 4 renvoie aux alinéas 1 et 2.
Imaginons qu’un gigantesque entrepôt, construit à la lisière de deux cantons différents, deux
juges de paix sont matériellement compétents, territorialement aussi (les deux  compétence
spéciale)  on renvoie aux al. 1 et 2.
 DONC : lorsqu’on n’est pas dans l’hypothèse de l’al. 3 ; lorsqu’on est éventuellement dans
l’hypothèse de l’al. 4, il faut aller voir les alinéas 1 et 2.

2) Le mot « exclusif » dans le C.Jud. ≠ « l’exclusif » que nous avons appris, figurant dans la
jurisprudence de la Cour de cass. quand le C.Jud dit « exclusif », il veut dire SPÉCIAL. La loi ne
connaît pas la notion de compétence exclusive au sens fort.
Art. 565 C.Jud. : « En cas de litispendance les demandes en justice sont jointes, soit d'office, soit à la
demande de l'une des parties. Le renvoi a lieu suivant l'ordre de préférence ci-après2:

1° le tribunal de la famille [visé à l'article 629bis, § 1er] est toujours préféré ;

2° le juge de paix [visé aux articles 628, 3°, et 629quater] est toujours préféré ;

3° le tribunal qui a rendu sur l'affaire un jugement autre qu'une disposition d'ordre intérieur est toujours
préféré ;

4° le tribunal de première instance est préféré aux autres tribunaux ;

5° le tribunal du travail est préféré au tribunal de l'entreprise ;

6° le tribunal du travail et le tribunal de l'entreprise sont préférés au juge de paix ;

7° le juge de paix est préféré au tribunal de police ;

8° le tribunal le premier saisi est préféré à celui qui a été saisi ultérieurement.

Toutefois lorsque l'une des demandes relève de la compétence exclusive d'un tribunal, seul ce
tribunal est compétent pour connaître de l'ensemble des demandes.

Lorsque deux ou plusieurs demandes relèvent de la compétence exclusive de deux tribunaux


distincts, le renvoi peut avoir lieu conformément à l'ordre de préférence déterminé ci-dessus.

Les dispositions des articles 661 et 662 sont applicables en cas de renvoi du chef de
litispendance. »

Comment la jonction opère-t-elle : comment se soulève l’incident ? On parle d’exception de


litispendance.

2
Si on n’est pas dans le cas 1°, on va au cas 2° et ainsi de suite (car ordre de préférence).

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Premièrement, l’art. 856 C.Jud. dit : « En cas de litispendance ou de connexité, la demande de renvoi
doit être formée conformément aux règles énoncées aux articles 854 et 855.
Si les causes connexes sont pendantes devant le même juge, elles peuvent être jointes, même
d'office. » Que signifie cet article : 854 et 855 = deux articles qui s’appliquent au déclinatoire de
compétence.

- Art. 856 ~ art. 854. Lorsque la compétence n’est pas d’ordre public (= d’ordre privé dans ‘notre
langage’), un déclinatoire est soulevé in limine litis  s’il est d’ordre public, il peut être soulevé
à tout instant. La litispendance est ici assimilée à un déclinatoire d’ordre privé. En d’autres
termes, il faut soulever l’exception de litispendance dans les premières conclusions, devant le
juge qui – en premier – reçoit tes conclusions

- Art. 856 ~ art. 855. Que dit 855 ? C’est comme pour le déclinatoire : il faut se montrer
constructif ! Si je soulève une exception de litispendance, je dois indiquer qui – selon moi – est
compétent pour empocher la mise, pour bénéficier de la jonction ( lire l’ordre de
préférence)

REMARQUE : on est face à un cas hybride. L’exception de litispendance est comme un déclinatoire
d’ordre privé. On s’attend à ce qu’il n’y ait qu’UNE seule partie qui puisse soulever l’exception. Dans
un texte un peu hybride (art. 565 al. 1), on voit que l’exception de litispendance peut être soulevée
d’office par le juge ! Pourquoi est-ce hybride : on a à voir avec une règle d’ordre privé, mais le juge
peut soulever d’office. L’idée = il s’agit de préserver un intérêt d’ordre privé, mais aussi de préserver
l’autorité de la chose jugée (éviter l’insécurité juridique). Le juge peut soulever l’exception de
litispendance, s’il constate qu’il y a une trace de la même demande, devant un autre juge. Que fait-on
donc : le juge/une des parties soulève d’un côté ou de l’autre  l’exception de litispendance ne peut
être tranchée que par le juge lui-même (le juge X ou Y, car il y a deux juges en cause). Le premier saisi
de l’exception tranche. Ce juge dit : « aux vues de l’ordre de préférence, c’est moi qui suis compétent :
je suis préféré à l’autre ». ce juge ordonne la jonction des deux demandes devant lui. Un second
scénario possible : je ne suis pas le juge de préférence, donc j’ordonne la jonction devant l’autre juge
en cause et je me ‘débarrasse’ de ce second dossier.

( !! ) Un grand absent à ce stade : le Trib. d’arrondissement n’intervient PAS pour trancher le bien- ou
mal fondé de l’exception de litispendance. Art. 644 C.Jud. : le Trib. d’arrondissement ne peut intervenir
que dans un second temps.

§2 Règlement de la connexité
La connexité est beaucoup plus fréquente que la litispendance. Deux bases légales à avoir en vue :
l’article 30 C.Jud. pour la définition et l’art. 566 C.Jud. pour l’ordre de préférence.

A Notion de connexité
Art. 30 : « Des demandes en justice peuvent être traitées comme connexes lorsqu'elles sont liées entre
elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des
solutions qui seraient susceptibles d'être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. » La
figure est du même genre, mais avec une intensité amoindrie. Il faut des demandes entre lesquels il y
a un lien étroit : les demandes sont connexes  il y a un intérêt à les traiter ensemble.

La connexité peut être matérielle ou personnelle.

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Exemple (matériel) = je suis en litige avec mon assureur parce que je ne paye pas mes primes. Je suis
devant le TPI (juge ordinaire en cas de conflits sur plus de 5000 EUR en matière d’assurance). Je suis
également, en face du même assureur, devant un Trib. de police, parce qu’il y a eu un accident de
circulation. Il y a un apparentement entre les deux dossiers : si le contrat n’existe plus, il n’y a plus de
couverture d’assurant. Les mêmes personnes ont deux litiges différents, mais apparentés l’un à l’autre,
matériellement.

Exemple (matériel) = je fais ériger une maison. Je fais appel à un architecte et à un entrepreneur. J’ai
une action en justice contre l’architecte, devant le Trib. d’entreprise à Liège. Par contre,
l’entrepreneur, quant à lui, je l’assigne devant le lieu de l’endroit où devait être exécuté le contrat : le
Trib. de l’entreprise de Bruxelles. Manifestement il y a une connexité ! Solution ? Reprenons la
définition de l’art. 30  la connexité n’existe qu’entre des juridictions du même rang (premier degré
de juridiction (≠ entre premier instance – appel en droit belge)). Il n’y a pas non plus connexité entre
une juridiction de référé et de fond. Ni entre des arbitres et une juridiction de l’ordre judiciaire. Par
ailleurs, il y a des cas de connexité internationale, mais on ne les traite pas. On se borne aux cas prévus
dans le Code Judiciaire belge.

B Régime juridique de la connexité


Quand et comment soulève-t-on l’exception de connexité ? Elle présente trois mécanismes de jonction
pour cause de connexité. Ces mécanismes jouent selon le moment/lieu où on se trouve.

(1) La jonction sur renvoi


L’hypothèse est celle à laquelle on s’attend : deux juges sont déjà saisis (le mal est donc déjà
fait), alors qu’il y a connexité (matérielle/personnelle). Que fait-on ? Il faut suivre un ordre de
préférence  on renvoie au juge préféré, à la lumière d’un ordre de préférence (art. 566
C.Jud.). cet article est moins vicieux, mais il faut quand même bien le générer.
Art. 566 C.Jud. : « Diverses demandes en justice ou divers chefs de demande entre deux ou
plusieurs parties, qui présentés isolément devraient être portés devant des tribunaux différents,
peuvent, s'ils sont connexes, être réunis devant le même tribunal en observant l'ordre de
préférence indiqué à l'article 565, alinéa 2, 1° et 2° et 4° à 8°.
Toutefois si les parties ne sont pas les mêmes dans toutes les demandes et si l'un des tribunaux
a rendu un jugement qui n'a pas pour effet de soustraire le litige à sa connaissance, le renvoi à
ce tribunal ne peut être prononcé si ceux qui n'ont pas été partie à ce jugement s'y opposent.
Les dispositions des articles 661 et 662 sont applicables en cas de renvoi du chef de
connexité. »
Les mots les plus importants dans cet article sont les renvois d’article à article. C’est là que la
difficulté se présente ! Il y a donc quelques difficultés :
Premièrement, l’article 566 ne fait PAS renvoi aux alinéas 3 et 4 (= cas par lesquels il faut
commencer).  Quid ? La Cour de cass., 11 janvier 2018 (à la suite d’un revirement de
jurisprudence) nous dit que les alinéas 3 et 4, quoique non mentionnés, s’appliquent en
matière de connexité ! (Attention : dans le Code, l’arrêt est mentionné en bas de l’article, sous
l’arrêt 565.)

 On applique l’al. 3 et 4 de l’art. 565 en cas de connexité !


Deuxièmement, pourquoi l’article 566 ne fait, dans l’alinéa 2 de l’art 565, qu’un renvoi
partiel ? D’abord, que dit le °3 (qui ne s’applique pas en matière de connexité) : « le tribunal
qui a rendu sur l'affaire un jugement autre qu'une disposition d'ordre intérieur est toujours
préféré »  pour expliquer cela, on utilise un casus. Je suis maître de l’ouvrage ; je fais ériger
une maison qui écroule ; je fais assigner mon architecte et l’entrepreneur. Comme je suis un

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particulier, j’ai assigné mon architecte devant le Trib. de première instance de Bruxelles, parce
qu’il a son siège social sur Bxl. Mon entrepreneur, je l’assigne devant le Trib. de l’entreprise de
Liège, car son siège social est là-bas. Devant le TPI de Bruxelles, on a agi plus vite et le TPI a
désigné un expert judiciaire, pour investiguer les causes des malfaçons et les dommages. Mon
architecte et moi nous rendons devant l’expert judiciaire. Imaginons que nous sommes devant
deux juges spécialement compétent (le TPI = compétent pour connaître des litiges concernant
des chantiers entre un non-entrepreneur et un entrepreneur + le Trib. de l’entreprise = aussi
spécialement compétent).

 L’al. 3 ne servira pas ; l’arrêt de Cass. de 2018 non plus  je me dirige donc vers l’ordre
de préférence. Que vois-je ? Le °1 = pas pertinent, le °2 non plus, mais le °3 si … (?) ! Dans
ce casus, il faudrait préférer le TPI de Bruxelles, car il a rendu un jugement d’expertise. ( !!
) Mais HALT : le °3 est gravement attentatoire à la protection des droits de la défense (voy.
aussi arrêt du 15 février 1991 : on tient échec à l’autorité erga omnes de la décision sur
l’action publique, lorsque le ‘malheureux’ est un tiers, qui n’a pas pu se défendre).

 Il n’est PAS ADMISSIBLE que le tiers – ici l’entrepreneur à Liège, dans un procès qu’il a suivi
– doive tout d’un coup débouler dans un procès où il n’a pas participé à l’expertise (il n’a
pas pu faire valoir son avis technique, n’a pas pu choisir l’expert, etc.).
(REMARQUE : la protection des droits de la défense = tâche des parties  ce sont elles qui
doivent dénoncer au juge le manque de protection, donc ce n’est PAS la responsabilité du
JUGE.)
Ce n’est pas tout : 566 précise, dans l’al. 2 : « Toutefois si les parties ne sont pas les mêmes
dans toutes les demandes et si l'un des tribunaux a rendu un jugement qui n'a pas pour
effet de soustraire le litige à sa connaissance, le renvoi à ce tribunal ne peut être prononcé
si ceux qui n'ont pas été partie à ce jugement s'y opposent. » Si la jonction devait opérer
au profit d’un juge qui a déjà rendu une décision, alors la jonction est tenue en échec si les
personnes, qui n’ont pas été partie, s’y opposent.

 On voit que le Code Judiciaire éliminer deux fois le MÊME problème (protection des droits
de la défense). Revenons-en au casus expliqué ci-dessus. On a neutralisé le °3 
l’entrepreneur est safe : ses droits de la défense ne sont pas violés. Mais, °4 : le problème
revient. Il faut porter un second coup (fatal !!) sur le Tribunal de l’entreprise de Bxl.
Comment ? L’art. 566 donne le mode d’emploi. « Monsieur l’entrepreneur, voici la
situation : si vous vous opposez à la jonction, devant le TPI à Bxl, alors il n’y aura pas de
jonction  vous restez à Liège. » Ou bien l’entrepreneur dit : « je n’ai pas de raison de
m’opposer à l’expertise. Je me laisse faire  la jonction opère à Bruxelles ». Donc
l’exclusion du °3 et l’ajout de l’alinéa 2 procèdent d’une même idée = la protection des
droits de la défense du tiers qui n’était pas impliqué dans le procès déjà trop engagé. Ainsi
qu’on l’a vu, les droits de la défense sont D’ORDRE PRIVÉ : si l’avocat estime ne pas devoir
les soulever, la jonction opère quand même.
Comment se traite l’exception de connexité (de façon similaire à l’exception de
litispendance). Art. 856 C.Jud. = mode d’emploi. L’exception de connexité, tout comme
l’exception de litispendance, est assimilée à un déclinatoire d’ordre privé. Résultat = seule
une des parties peut la soulever in limine litis à condition d’indiquer qui est compétent
dans l’ordre de préférence (mais attention aux neutralisations  respect des droits de la
défense).

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Qui tranche l’exception de connexité ? Celui des deux juges à qui est soumise l’exception
de connexité (art. 30 C.Jud.). Questions :
o Y a-t-il connexité ? (= question de faits)
o Soulevé à temps ? (= in limine litis)
o L’ordre de préférence me donne-t-il jonction ? ( je garde ou je renvois (= jonction
sur renvoi)
o Y a-t-il matière de droits de la défense à protéger ?
o Quelqu’un m’a-t-il fait valoir une opposition ?

(2) La jonction directe (= plus facile et plus fréquente)


Art. 701 C.Jud. combiné avec les artt. 30 et 566 C.Jud.
L’idée est la suivante : je suis avocate, par exemple. Ça ne sert à rien de saisir un juge à Liège
d’une part, et à Bruxelles d’autre part. solution ? J’anticipe la jonction et l’art. 701 du Code
Judiciaire me permet cette anticipation.
Art. 701 C.Jud. : « Diverses demandes entre deux ou plusieurs parties peuvent, si elles sont
connexes, être introduites par le même acte. »  Plutôt que de faire deux actes distincts
(ratione materiae/personae) je fais moi-même, comme avocat/huissier, une jonction directe,
une seule citation/une seule requête. J’assigne tout ce qui doit être assigné au motif de la
connexité, en un seul et même acte de procédure. Attention, c’est à moi de bien discerner –
dans l’ordre de préférence – qui est le bénéficiaire de la jonction (al. 3, al. 4, al. 2 (en sautant
le petit 3). Que peut-il arriver ?
a. Que le juge doive constater que la connexité invoquée par le demandeur n’existe pas
( il n’y a pas de lien). Là, la Cour de cass. est très claire : en 2008, elle a rendu un
arrêt (le 24 novembre 2008)  l’absence de connexité = un problème d’ordre privé,
donc le juge ne peut pas soulever d’office l’absence de connexité. Seul l’adversaire
peut le faire !
b. Comment se cas se traite-t-il ? Que fait le juge quand il constate qu’il n’y a pas
connexité ? La doctrine était (aujourd’hui plus tellement) divisée sur la question :
citation nulle, irrecevable… Toutefois, en réalité, il n’y a pas de nullité sans texte légal.
La solution la plus fréquemment admise dans la pratique = une solution modérée = la
disjonction : moi juge, à l’invitation du demandeur, je vais disjoindre, c’est-à-dire que
je garde le segment de l’affaire pour lequel je suis compétent ; quant aux autres
demandes non-connexes, je les disjoint : je les renvoie vers les autres juges.
c. Une jonction directe peut également échouer pour un autre motif, notamment
lorsque le demandeur veut faire une jonction directe, mais se trompe au niveau de
l’ordre de préférence. Dans ce cas-là, la solution est simple : déclinatoire de
compétence, car le demandeur n’est pas devant le bon juge.

(3) La jonction d’office


Un siège légal : art. 856, al. 2 C.Jud. : « Si les causes connexes sont pendantes devant le même
juge, elles peuvent être jointes, même d'office. » L’hypothèse est celle où le juge se retrouve
face à un même litige (potentiellement avec un autre débiteur/défendeur, mais les affaires
sont manifestement connexes). Le juge saisi des deux affaires joint les deux affaires pendantes
devant lui. Ce n’est que du bon sens. Deux remarques :
a. Il s’agit d’un second cas (un peu) hybride : le juge peut soulever ‘la bestiole’ d’office
(même si l’exception de connexité est d’ordre privé). Ainsi, on veut protéger la sécurité
juridique.

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b. (Anticipation sur l’art. 1042 C.Jud. = il est à la charnière entre les règles juridiques qui
régissent la première instance et les règles qui régissent les voies de recours, et
notamment l’appel). Si une question de procédure se pose à l’occasion d’une voie de
recours,
i. Soit cette question de procédure fait l’objet d’une disposition particulière ;

ii. Soit il n’y a pas de réponse  on pratique l’analogie/le copier-coller : une


question de procédure est traitée en degré d’appel comme elle est traitée en
première instance.
i. 1042 : les Cours d’appel admettent que (art. 856 al. 2) la jonction d’office (et
d’ailleurs aussi que la jonction directe (art. 701)) puisse s’appliquer grâce à
1042 en appel. Une cour d’appel qui constaterait qu’un même jugement est
frappé d’appel par deux actes d’appel différent  peut joindre (art. 856, al.
2). De même, si on souhaite, face à un même adversaire, faire appel
concernant deux jugements successifs : on ne fait pas deux appels différents,
on attaque les deux jugements ensemble, grâce à 1042. Attention ( !! ) : c’est
un mécanisme qui s’applique en degré d’appel, lorsqu’on y est TOTALEMENT
(pas de connexité entre deux affaires pendantes à des degrés différents !!).

Sous-sect. 3 : le dessaisissement
(SYLLA P. 54 et 55)

Siège du dessaisissement : art. 648 et s. C.Jud.  la Cour de cass, dans des cas exceptionnels, dessaisit
une juridiction (civile/pénale) qui pourtant est compétente (matériellement et territorialement). 4
raisons sont énumérées à l’article 648 C.Jud. : « Le dessaisissement du juge peut être demandé:

1° du chef de parenté ou d'alliance ;

2° pour cause de suspicion légitime ;

3° pour cause de sûreté publique ;

4° lorsque le juge néglige (pendant plus de six mois) de juger la cause qu'il a prise en délibéré. »

Le °4 = une hypothèse de déni de justice. La juridiction compétente retient l’affaire en délibéré pendant
plus de dix mois (art. 770 : normalement, le délai est d’un mois maximum).

REMARQUES : il s’agit de causes qui sont collectives, c’est-à-dire qu’elles contaminent l’ensemble de
la juridiction. Le prof songe en particulier à la parenté/l’alliance  le juge de paix n’a qu’un suppléant.
Une cause de parenté/d’alliance l’affecte lui et son suppléant, le cas échéant de façon fatale, il faut
aller devant un autre juge de paix. Ce qu’il peut arriver = une appréciation plus subjective. Par exemple,
un procès retentissant est fait à un membre d’une juridiction  il est bon ton alors de renvoyer l’affaire
vers un autre tribunal. Idem en cas de suspicion légitime. Mais attention, ne confondons pas avec le
cas où il s’agit d’un magistrat personnellement (= l’incident de récusation ; voy. SYLLA P. 328). Ici, on
parle d’une même cause (parenté/alliance) ou d’une même perte d’impartialité qui a eu comme
conséquence la contamination de l’ensemble de la juridiction.

Qui peut agir en dessaisissement : il y a un partage entre les parties et le Procureur du Roi. La parenté,
l’alliance et la suspicion légitime ne peuvent être invoqués que par les parties. Certaines causes ne
peuvent être invoquées que par le Ministère Public, notamment la sécurité et la sûreté publique.

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Il y a une cause où il y a partage d’initiative : la quatrième cause = le juge qui attend plus de 6 mois
pour rendre juridiction.
La requête en dessaisissement est portée devant la Cour de cass. Que fait-elle ? Elle apprécie s’il y a
matière à dessaisir ou pas. Si elle dessaisit, le dessaisissement exproprie la juridiction (pour une des 4
causes) et la Cour de cass. saisit une juridiction du même rang et de même nature que celle qu’elle a
dessaisie.

Chap. 2 : règlement des conflits de compétence


(SYLLA P. 57 et s.)

Sect. I : le régime des déclinatoires


§1 Les déclinatoires de juridiction
Il y a trois espèces dans le genre ‘déclinatoire de juridiction’. On doit toujours se demander quelle est
la nature.

(1) Une demande qui ressortit à un autre pouvoir constitué belge. Le plus fréquent = le cas où une
demande ressortit des attributions du Conseil d’État (= au cœur du pouvoir exécutif).
 Toujours d’ordre public.

(2) Une demande qui relève d’un autre pouvoir judiciaire, géographiquement parlant, que le
pouvoir judiciaire belge. Dans ce cas-là : déclinatoire de juridiction.
La tendance à la grosse louche = d’ordre privé. Toutefois, dans certains cas, c’est d’ordre
public.

(3) Les clauses/conventions d’arbitrage/compromis arbitrales  art. 1682 C.Jud.


 TOUJOURS d’ordre privé.
(Examen : vrai ou faux : « condamné par défaut, je peux, pour la 1ère fois dans mon acte
d’appel, invoquer l’existence d’une clause d’arbitrage ». Vrai = je peux soulever pour la
première fois ce déclinatoire de juridiction d’ordre privé dans mon acte d’appel, car je suis
toujours in limine litis. (J’ai été condamné par défaut, donc je n’ai jamais pris la moindre
conclusion.) (À propos des arrêts de la Cour de cass. de 2020  examen : le prof interroge
souvent sur des notions et des questions qui ont été mises à l’honneur récemment par la Cour
de cass.) Attention, ici, le premier écrit de procédure = en degré d’appel.

Si les déclinatoires de juridiction sont d’ordre public, ils peuvent être soulevés à tout moment. Si, au
contraire, le déclinatoire de juridiction est d’ordre privé, il ne peut être soulevé qu’in limine litis. Que
veut dire in limine litis = dans mon premier écrit de procédure. Si le déclinatoire est d’ordre public,
tout le monde peut – voire tout le monde doit – le soulever à tout moment. S’il ne le fait pas, l’art. 806
C.Jud. dit que le juge doit le soulever d’office. Si le déclinatoire est d’ordre privé, seul le défendeur
peut le soulever. Le juge ne peut PAS le soulever d’office, même pas si le juge statue par défaut.

Qui tranche les déclinatoires de juridiction ? Art. 639, al. 5 : le Trib. d’arrondissement n’est PAS
compétent pour trancher des déclinatoires de juridiction. Seul le juge belge lui-même, saisi d’un
déclinatoire de juridiction, tranche ce déclinatoire de juridiction. Puis, scénario binaire :

- soit le juge accueille ;


- soit le juge rejette le déclinatoire de juridiction.

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Ultime point à voir à propos des déclinatoires de juridiction (SYLLA P. 371) : art. 1050, al. 2 C.Jud.
(examen !!)  sur un jugement relatif à la compétence, je ne peux faire appel tout de suite. Quid ? Le
juge lui-même rend un jugement, non pas sur un déclinatoire de compétence, mais sur un déclinatoire
de juridiction. Puis-je faire appel tout de suite ? Oui : en 2017, la Cour de cass. a précisé ce qui va de
soi = contre un jugement sur un déclinatoire de juridiction (accueil/rejet), je peux faire un appel
immédiat, contrairement à l’art. 1050, al. 2 qui parle de la compétence.

§2 Les déclinatoires de compétence


Les déclinatoires de compétence se divisent en deux grandes familles. C’est une matière très binaire :
ordre public ou pas ordre public.

A Le déclinatoire est d’ordre public


Quels sont les déclinatoires d’ordre public ? Les déclinatoires d’ordre public, on peut les résumer en 4
‘bullet points’ :

1- Les compétences spéciales et a fortiori exclusives des juridictions d’exception entre elle. Je suis
devant un juge d’exception (TPI, Trib. du travail, police) ; toutes les règles de compétence
matérielle sont d’ordre public. Tout déclinatoire devant une juridiction d’exception est d’ordre
public (SAUF l’art. 592 C.Jud. : la demande non évaluable en argent).
 Je suis donc devant un juge d’exception ; il y a violation d’une règle de compétence
matérielle  déclinatoire d’ordre public.

2- Au regard de la compétence ordinaire du TPI (art. 568 C.Jud.) : les compétences exclusives des
juridictions d’exception sont d’ordre public. Je suis devant le TPI ; le coucou de l’art. 568 C.Jud. 
la compétence ordinaire. Sont d’ordre public rien mais tous les cas de compétence exclusive :
insolvabilité, sécurité sociale, accident de la circulation, action en cessation, scellée. Dans ces cas-
là de compétence exclusive, le déclinatoire devant le TPI = d’ordre public.

3- Les compétences matérielles des juges d’appel et de cassation  tout ce qui relève de la
compétence (matérielle, territoriale, au premier, second degré…) des cours = d’ordre public. Sans
exceptions !!

4- Les compétences territoriales d’ordre public donnent lieu à un déclinatoire de compétence d’ordre
public (SYLLA P. 40 et 41) (art. XX.12 Code de dr. éco et artt. 632 à 633decies C.Jud.)

‘À quelle sauce les mange-t-on, ces déclinatoires d’ordre public ?’ (P. 59 SYLLA). Quelles sont les
caractéristiques ?

1- Qui ? Les parties en tout état de cause (art. 854 a contrario C.Jud.), à condition d’être constructif
et d’indiquer le juge compétent (art. 855 C.Jud.).
REMARQUE : le plus souvent, c’est le défendeur.
NUANCE : un déclinatoire de juridiction d’ordre public peut être soulevé par les parties, en tout
état de cause, mais bémol  selon la jurisprudence de la Cour de cass., il y a l’idée/le principe de
loyauté procédurale.

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EXPLICATION via CASUS (1995) : le premier janvier 1995 entrait en vigueur l’art. 601bis C.Jud. (=
compétence du Trib. de police, relative aux accidents de la circulation). Un avocat de la victime
avait agi devant le Trib. de 1ère instance pour un accident de la circulation survenu à Bruxelles. Le
Trib. de 1ère instance lui non plus ne voit pas la faute  tout se passe devant un tribunal
parfaitement incompétent, au regard d’une règle EXCLUSIVE (quelques années plus tard, la Cour
de cass. dit que c’est une compétence exclusive). La victime perd sur le fond  elle fait appel,
devant un autre juge incompétent : la Cour d’appel, alors que le nouveau juge d’appel = le Trib. de
1ère instance (= juge d’appel du Trib. de police). Les victimes reperdent sur le fond et le jugement
est confirmé (une fois de plus, personne ne s’aperçoit de la faute). La victime consulte alors une
avocate à la Cour de cass. Ce n’est qu’en 2002 qu’une avocate voit le poteau rose  vous avez cité
devant des juges incompétents, mais : bonne nouvelle, c’est une règle d’ordre public, donc vous
pouvez agir devant la Cour de cass.
 La Cour de cass., par un arrêt du 10 octobre 2002, dit que ça ne va pas du tout : ça a beau
être d’ordre public, mais vous (elle s’adresse à la victime) n’avez aucun intérêt au sens
technique du terme à venir dénier et renier vos propres choix de première instance. En
termes de loyauté, c’est un arrêt important : on ne peut manger sa parole, au prétexte
d’une règle de compétence d’ordre public. La Cour de cass. fait donc prévaloir la loyauté
sur une règle de compétence d’ordre public.
 (Réponse à une question posée par une étudiante : « par rapport à la loyauté : si le
défendeur avait soulevé le déclinatoire de compétence en cassation, il aurait pu (1)? Et si
c’était le demandeur en appel, il aurait pu (2)? »
a. si c’est le défendeur qui se réveille en cassation  pas de problème de loyauté. On
peut éventuellement lui faire des reproches de procrastination, mais en soi, il n’y a pas
de problème d’admissibilité, puisque, dans son chef, il n’y a pas de déloyauté.
b. Le demandeur qui a perdu sur le fond, et qui se rend compte qu’il s’est trompé par la
suite, en appel = cas qui n’a pas encore été tranché. Toutefois, selon le prof, la
jurisprudence déloyauté devrait s’appliquer.)

2- Le juge (comme il s’agit d’un déclinatoire d’ordre public), en cas de silence des parties, doit
soulever le déclinatoire d’ordre public, puisqu’il est d’ordre public. Quid si le défendeur fait défaut
(art. 806 C.Jud.) ? « Juge, tu ne peux soulever, mais tu DOIS soulever tout moyen d’ordre public 
tu dois le faire d’office ». Si le juge soulève un déclinatoire d’ordre public, il doit renvoyer le
déclinatoire d’ordre public, qu’il a soulevé lui-même, devant le Trib. d’arrondissement.
( !! ) En de nombreuses matières, le Ministère Public peut encore émettre des avis, en matière
civile (en matière familiale par exemple). Le Ministère Public peut donc souffler à l’oreille du juge
qu’il est face à un problème d’ordre public de compétence.

4e cours

B Le déclinatoire n’est pas d’ordre public


Il y a trois catégories.

1- Rappel : devant le TPI, au nom de sa compétence ordinaire (art. 568 : coucou qui niche dans
le nid des autres), est confronté à une compétence simplement spéciale (≠ exclusive  =
d’ordre public) (type bail, contrat de travail…), alors le déclinatoire offert au défendeur, n’est
que d’ordre privé.

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2- Deuxième famille (nous passons du côté territorial  l’ordre privé est la tendance) : les règles
de compétence territoriale supplétive (art. 624 C.Jud.) = déclinatoire d’ordre privé si ces règles
sont méconnues. Les règles de compétence territoriale impératives, que l’on retrouve aux artt.
627 à 629quater sont toutes d’ordre privé ( que des déclinatoires d’ordre privé, à
l’exception de l’art. 629bis : tribunal de la famille historique = d’ordre public (voy. supra)).

3- Art. 592 C.Jud. (= compétence matérielle) = article relatif à l’hypothèse de sous-/surévaluation


manifeste d’une demande non-pécuniaire par le demandeur.

Régime juridique du déclinatoire d’ordre privé (SYLLA P. 60 et 61) ? 4 points (base du propos = art. 854
et 855 C.Jud.) :

1- Le déclinatoire d’ordre privé ne peut être soulevé que par le défendeur. C’est une interdiction
faite au juge.  S’il le faisait, il violerait la loi. L’art. 854 C.Jud., a contrario : le déclinatoire ne
peut être soulevé que par le défendeur. Quand ? In limine litis (dans les premiers écrits de
conclusion  après = trop tard).

2- Ce trait est le seul qui est commun avec le régime d’ordre public : art. 855  tout déclinatoire,
soulevé par le défendeur (d’ordre public/privé) doit être constructif  dans son relevé de
déclinatoire, le défendeur doit indiquer qui – selon lui – est compétent à la bonne lecture du
C.Jud. Sinon le déclinatoire est irrecevable.

3- Quid du défaut ? Dans ce cas-là, art. 806 C.Jud. : il n’y a là, depuis 2015, aucune hésitation.
Comme le déclinatoire n’est pas d’ordre privé, le juge doit se TAIRE.
CAS PARTICULIER (on l’a vu dans les compétences territoriales impératives) : art. 630 C.Jud. 
si le juge, statuant par défaut, constate que fût violé une règle de compétence territoriale
impérative, alors il doit faire application d’une présomption. Le déclinatoire est présumé être
soulevé par le défendeur. C’est une fiction pour protéger le défendeur défaillant.

4- Lorsque le déclinatoire d’ordre privé est soulevé par le défendeur in limine litis (art. 639
C.Jud.), le demandeur a un choix :
a. « Juge, tranchez vous-mêmes le déclinatoire soulevé par le défendeur. »
b. « Juge, j’en fais une question de principe. Je voudrais que ce déclinatoire soit tranché
par le Trib. d’arrondissement, auquel je vous demande de renvoyer le déclinatoire. »

§3 L’exception de connexité/de litispendance


A L’exception de litispendance/de connexité
Base légale = art. 856 C.Jud. L’art. 856 nous dit que, s’agissant de leur relevé/de leur régime, les
exceptions de litispendance et de connexité obéissent aux règles des déclinatoires d’ordre privé (=
artt. 854 et 855 C.Jud.  assimilation). MAIS :

1. L’exception de litispendance présente une certaine forme d’hybridité : elle est d’ordre privé,
mais, tout en restant d’ordre privé, le juge peut la soulever d’office (art. 565, al. 1 C.Jud.).

2. S’agissant de l’exception de connexité (qui peut se décliner en trois scénarios : 1. Renvoi, 2.


Direct, 3. D’office) le « 3. D’office » nous intéresse particulièrement ici. L’exception de
connexité est et reste d’ordre privé (avec toutes les conséquences qu’on a vu). Toutefois, la

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jonction d’office peut, tout en étant d’ordre privé, être opéré d’office (art. 856, al. 2 C.Jud.)
par le juge lui-même.

3. L’assimilation des exceptions de litispendance et de connexité au déclinatoire d’ordre privé


ne vaut QUE pour le relevé des exceptions de litispendance et de connexité. Pourquoi le prof
dit-il ça ? Car une fois que les exceptions de litispendance/de connexité sont soulevées, il n’y
a pas d’alternative « tribunal d’arrondissement/juge lui-même »  le juge saisi de
l’exception fait le boulot et statue sur l’exception (l’accueille/la rejette). Si le juge estime qu’il
y a litispendance/connexité :
a. Il y a jonction devant lui, ou
b. Il y a jonction devant l’autre juge (préféré par l’ordre de préférence).
Si c’est devant lui, le procès va jusqu’au bout devant lui. En cas de renvoi, une nouvelle
difficulté surgit (SYLLA P. 62). Art. 644 C.Jud. : nous nous retrouvons devant le juge de renvoi
après jonction. Ce juge hérite de deux causes fusionnées, parce que le juge (son collègue),
qui a statué sur la connexité/litispendance a estimé que c’était lui qui était compétent, en
vertu de l’ordre de préférence.
Devant ce juge de préférence, on se rend compte que l’ordre de préférence a été violé (c’est
le cas de l’art. 644). Dans ce cas-là, il y a un déclinatoire : on est devant un juge incompétent,
au regard de l’ordre de préférence. Cet ordre de préférence = d’ordre public. Donc, il est
soulevé :
a. Soit par le juge d’office,
b. Soit par une des parties, qui a remarqué le problème, à tout moment.

B Le déclinatoire devant le juge de renvoi


Il y a deux acteurs possibles pour trancher le déclinatoire de compétence.

1. Le Trib. d’arrondissement.
Dans le projet initial de Charles van Repingen, le Trib. d’arrondissement était une sorte de
‘mammouth judicaire’ au sein duquel allait siéger le TPI, le Trib. de commerce, de travail…
Toutefois, ce projet a été détricoté au Parlement, si bien que, aujourd’hui, mais ce n’est plus
qu’un tout petit croupion, dont le rôle est tout à fait particulier : le rôle consiste à trancher des
litiges de déclinatoire de compétence. De qui est-il composé ? Des chefs de corps de première
instance du siège, c’est-à-dire le président du TPI de l’arrondissement, le président du Trib. de
l’entreprise de l’arrondissement, le président du Trib. de travail et le président des juges de
paix et de police.
C’est assez curieux de voir une juridiction qui siège à quatre. À tour de rôle la présidence du
Trib. d’arrondissement est assurée par un des quatre présidents et sa voie est prépondérante
(elle compte double). Le Procureur du Roi remet un avis à ses collègues présidents, sur tous
les litiges soumis au Trib. d’arrondissement.

2. Le juge devant qui est soulevé le déclinatoire.

Il y a deux portes d’entrée vers le Trib. d’arrondissement. Il peut intervenir de façon optionnelle, ou de
façon obligatoire.

- Intervention facultative/optionnelle : art. 639 C.Jud.


Le déclinatoire est soulevé par le défendeur, qui fait le job correctement (art. 855 C.Jud.) : il
indique le juge qui, selon lui, serait compétent. ( !! ) Il s’agit, dans cette hypothèse de TOUT

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déclinatoire soulevé par le défendeur (d’ordre public/privé). L’art. 639 s’applique dans toutes
les hypothèses où le défendeur soulève un déclinatoire.
Que se passe-t-il quand il soulève le déclinatoire ? La balle passe dans le camp du demandeur,
qui a un choix (jusqu’à la clôture des débats !) :
o Soit il dit : « Madame/Monsieur le juge, tranchez ce déclinatoire vous-mêmes ».
o Soit il dit : « Veuillez envoyez ce déclinatoire devant le Tribunal d’arrondissement ».
D’où la notion « optionnelle » : le demandeur a un choix !

( !! ) Question d’examen : l’art. 639 C.Jud. ne trouve à s’appliquer qu’à des déclinatoires
d’ordre privé ; vrai ou faux ? RÉPONSE : FAUX  tout déclinatoire soulevé par le défendeur,
obéit à l’art. 639 C.Jud., quel que soit sa nature. Le seul petit piège possible = l’art. 630 C.Jud. :
quid lorsqu’on est dans un cas de déclinatoire présumé (= lorsque le défendeur fait défaut
d’une règle territoriale impérative). Dans ce cas-là, le déclinatoire reste d’ordre privé ; il est
présumé être soulevé par le défendeur.

- (Cas plus fréquent) Art. 640 C.Jud. : lorsque le déclinatoire est soulevé d’office par le juge, ce
juge n’a pas le choix  il doit renvoyer le déclinatoire vers le Trib. d’arrondissement.
( !! ) Question d’examen : le Trib. d’arrondissement ne peut connaître que des cas de
déclinatoires d’ordre public ; vrai/faux ? RÉPONSE : FAUX  le Trib. d’arrondissement
intervient de façon optionnelle dans 639 (et il se peut que, dans certains cas, il s’agissent d’un
déclinatoire d’ordre privé) et de façon obligatoire dans 640.
Question d’examen 2 : l’art. 640 ne concerne que les déclinatoires d’ordre public ; vrai/faux ?
RÉPONSE : VRAI  à l’art. 640 il est dit : « Lorsqu'il appartient au juge de soulever d'office un
moyen déduit de son incompétence, il ordonne le renvoi de la cause devant le tribunal
d'arrondissement afin qu'il soit statué sur le moyen. » Or, le juge ne peut soulever d’OFFICE un
déclinatoire que s’il est d’ordre PUBLIC.

Sect. II : le règlement des déclinatoires de compétence

§1 Le règlement des déclinatoires de compétence par le Trib. d’arrondissement


A Historique et composition du Trib. d’arrondissement
Le Trib. d’arrondissement ne sert pas à départager les juges d’appel entre eux (l’art. 639, al. 4 est
caduc : il parlait d’un conflit entre le Trib. d’entreprise et le TPI en tant que juge d’appel  toutefois,
aujourd’hui, en vertu de l’art. 577, le Trib. de 1ère instance est le seul juge d’appel des juges de police
et de paix).

B Principes d’intervention du Trib. d’arrondissement & C Conflits soustraits au Trib. d’arrondissement


SYLLA P. 64 et 65 : cas non soumis au Trib. d’arrondissement/soumis au Trib. d’arrondissement de
façon spéciale :

(1) Le Trib. d’arrondissement n’intervient jamais (art. 639, al. 5) pour statuer sur des déclinatoires
de juridiction (le juge fait le boulot lui-même).

(2) Selon une doctrine et jurisprudence majoritaire, le Trib. d’arrondissement n’intervient pas
dans le cas de l’art. 592 C.Jud. : le fameux d déclinatoire d’ordre privé, soulevé par le

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défendeur en cas d’évaluation manifestement erronée de l’importance de la demande. C’est
une pure question de faits, donc il est inutile de déranger le Trib. d’arrondissement pour une
question pareille.

(3) Concernant l’exception de litispendance et de connexité  il y a deux moments distincts :


a. Le moment du relevé des exceptions : pas d’intervention possible du Trib.
d’arrondissement.
b. Devant le juge de renvoi/de jonction (art. 644 C.Jud) : si le juge qui a joint les deux
affaires, s’est planté dans l’ordre de préférence, il y a là un déclinatoire d’ordre public,
donc on peut appliquer l’art. 639 (en cas de déclinatoire soulevé par le défendeur) ou
l’art. 640 (en cas de déclinatoire soulevé par le juge de renvoi d’office).

(4) Quid du juge des référés ?


a. S’agissant de ses compétences matérielles et territoriales, c’est un juge comme un
autre. Il se peut donc qu’il y ait méconnaissance des règles de compétence, menant
au juge des référés. On applique les artt. 639 et 640., avec possible renvoi au Trib.
d’arrondissement. C’est une question délicate, car le détour par le Trib.
d’arrondissement, prend du temps. Qui dit rallongement de la procédure, dit
incompatibilité avec la procédure en référé. Comment résout-on ces crispations ?
Quoi qu’il en coûte, tant pis pour le demandeur : il n’avait qu’à réfléchir plus
subtilement  on applique les artt. 639 et 640 en référé, SAUF s’il s’agit d’un référé
d’extrême urgence !! (= art. 584, al. 3 C.Jud. : il s’agit d’une requête unilatérale, voy.
infra et supra  dans ces cas-là, il est disproportionnel de renvoyer au Trib.
d’arrondissement : le juge des référés tranche lui-même !)
b. Quid s’il n’y a pas urgence : le sésame de l’urgence fait défaut. Deux hypothèses
i. L’urgence n’est même pas alléguée. Si ça arrive, la Cour de cass. dit qu’il y a là
un problème de compétence. Dans ce cas-là, on applique les mécanismes de
compétences.
ii. Hypothèse plus fréquente, mentionnée dans un arrêt de la Cour de cass. (11
mai 1990) : l’urgence est belle et bien invoquée, mais pas démontrée de façon
correcte/convaincante. Ce n’est alors pas un souci de compétence, mais un
problème de non-fondement : la demande est rejetée.

(5) Qu’en est-il des demandes reconventionnelles ? Art. 563 C.Jud. :


a. Existent-ils des déclinatoires possibles en cas de demande reconventionnelle ?
Commençons par le coucou  TPI ; art. 563, al. 1 : oui, il y a des cas de déclinatoire,
notamment les compétences exclusives. Le déclinatoire est d’ordre public ! On
applique l’art. 639 si le demandeur relève le déclinatoire (demandeur, car il s’agit
d’une demande reconventionnelle  on inverse les casquettes !!!) ou l’art. 640, si
c’est le TPI qui soulève le déclinatoire d’office.
b. Art. 563, al. 2 : quid s’il y a une demande reconventionnelle qui ne rentre pas dans la
case prévue par l’al. 2 ? Le juge d’exception est sans compétence. La demande
reconventionnelle n’est pas liée à la demande principale  il y a un déclinatoire : on
est devant un juge d’exception  devant un juge d’exception, le déclinatoire est
toujours d’ordre public (application des artt. 639 (s’il est relevé par le demandeur (=
qui est le défendeur sur la demande reconventionnelle)) et 640 (si le déclinatoire est
soulevé par le juge d’exception lui-même)).

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D L’action du Trib. d’arrondissement
Nous voici devant le Trib. d’arrondissement (de façon facultative/obligatoire).

- D’abord, il y a la mesure qui amène le dossier au Trib. d’arrondissement.


Il faut nous fonder sur les artt. 641 et 642 C.Jud.
Quid de la décision de renvoi au Trib. d’arrondissement ? Le juge entend, de la bouche du
demandeur, que le dossier doit être renvoyé au Trib. d’arrondissement, parce que c’est son
vœu (art. 639)/le juge relève le déclinatoire d’office : il obéit aveuglement l’art. 640 C.Jud. 
il constate qu’il doit y avoir renvoi au Trib. d’arrondissement. C’est (= la deuxième option, art.
640 C.Jud.) une pure mesure d’ordre. Qu’est-ce une mesure d’ordre ? C’est une pseudo-
décision = une mesure d’ordre intérieur  il n’y a aucune incidence décisionnelle : le juge ne
tranche rien ; il ne fait qu’appliquer la règle de façon mécanique (voy. SYLLA P. 371 : mesures
d’ordre intérieur  elles ne peuvent faire l’objet d’aucun recours, car ce sont des décision
mécaniques).
Le dossier va au Trib. d’arrondissement, où les 4 juges + le Procureur du Roi se penchent sur
le dossier.
Le juge qui a pris la mesure d’ordre, est en ‘stand by’  il n’est pas dessaisit de la procédure.
Il attend la décision du Trib. d’arrondissement. La procédure devant lui est donc ‘suspendue’.
Soit la décision ramène le dossier devant lui (‘comme un boomerang’), soit le dossier est
transféré vers une autre juridiction.

- Que se passe-t-il devant le Trib. d’arrondissement ?


Art. 641 C.Jud.  une mini-procédure s’engage devant les 4 juges + Procureur (= très rapide ;
délais courts). Les parties peuvent déposer des petits écrits, plaider éventuellement. Le
Ministère Public rend un avis (oral/écrit). Le Trib. d’arrondissement délibère (avec
prépondérance de la voie du président).

- Que décide-t-il ?
Artt. 641 et 642 : deux choix :
o Le juge initial = compétent (déclinatoire mal soulevé, juge s’est dessaisit
fautivement…) ;
o Le Trib. d’arrondissement accueille le déclinatoire et envoie le dossier au jugement
réellement compétent.

Quid de l’autorité de ses décisions ? Art. 660 C.Jud.  cet article dit deux choses :

(1) Toute décision sur la compétence lie le juge à qui la cause est renvoyée. Il n’y a pas un ‘ping
pong’ sans arrêt intra-judiciaire !
(2) L’alinéa 2 ajoute, que, toutefois, il n’est lié que sur le principe du renvoi (pas sur le fond  ces
aspects n’ont pas d’autorité de la chose jugée).

Y a-t-il des recours possibles contre les décisions du Trib. d’arrondissement ? Oui : art. 642 C.Jud. :
« Même rendues par défaut, les décisions du tribunal d'arrondissement sur la compétence ne sont
susceptibles d'aucun recours, sauf celui du procureur général près la cour d'appel.
Ce recours est formé par requête remise au greffe de la Cour de cassation dans les quinze jours de la
prononciation du jugement; copie en est adressée sous pli judiciaire au juge saisi et aux parties par le
greffier de la cour. Le recours suspend la procédure devant le juge saisi.
Les parties disposent d'un délai de huit jours à dater de la notification de la copie du recours pour

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envoyer à la Cour de cassation leurs observations en forme de mémoire, sans qu'il y ait lieu ni à
constitution d'avocat à la Cour de cassation ni à débats à l'audience.
Copie de l'arrêt est envoyée par le greffier de la cour au président du tribunal d'arrondissement, au
juge saisi et aux parties. »

9. Il n’y a pas de recours possible de la part des parties (il n’y a pas de raison spécifique). Qui peut
alors faire un recours (c’est rare) : le Procureur général de la Cour d’appel concernée, peut
exercer un recours (assez hybride) contre la décision du Trib. d’arrondissement. Il le fait devant
la Cour de cass. Dans ce cas-là, la Cour de cass. tranche de façon suprême. Selon l’art. 1109/1
C.Jud., la Cour de cass. renvoie directement le dossier devant le juge qu’elle estime compétent.

§2 Le règlement des déclinatoires de compétence par le juge du fond


A Hypothèses
Nous sommes devant le juge du fond ; second et dernier acteur compétent pour trancher un
déclinatoire de compétence. Hypothèse : si le Trib. d’arrondissement n’intervient pas, c’est le juge du
fond qui intervient (c’est binaire). Quand est-ce que le Trib. d’arrondissement n’intervient pas ? (SYLLA
P. 65 à 67) Il y a des cas dans lesquels la loi/la jurisprudence écarte le Trib. d’arrondissement  le juge
du fond fait le boulot lui-même. De plus, il y a l’hypothèse optionnelle de l’art. 639 C.Jud. Le
déclinatoire, quelle que soit sa nature (ordre privé/public), est soulevé par le défendeur  le
demandeur a la parole, jusqu’à la clôture des débats et décide que le juge statuera lui-même.

B Solutions ?
Comment statue-t-il ?
I. On fait ce que la loi demande au juge de faire : le juge se prononce  il rend un jugement.

II. Concernant l’économie de procédure : la loi prévoit un traitement accéléré pour juger du
déclinatoire de compétence, car il s’agit d’un cas d’application de l’art. 735, §2 C.Jud. (on
reparlera de cet art. à la P. 286 SYLLA  lorsqu’un déclinatoire de compétence est soulevé par
le défendeur et que le demandeur demande au juge de faire le boulot lui-même, le juge le fait
dès l’audience d’introduction, ou en tout cas en débat succinct à très bref délai.

III. Le juge fait le boulot assez vite lorsqu’il rend son jugement sur la compétence. De deux choses
l’une : soit il rejette le déclinatoire (non fondé, mal ficelé…), soit il renvoie le dossier à un de
ses collègues compétents. La décision de renvoi lie le juge à qui l’affaire est renvoyé (art. 660)
 ce second juge a tout droit d’appréciation sur le fond.

IV. (= Anticipation de l’art. 1050, al. 2 C.Jud. (on en reparlera à la P. 371 SYLLA) Contre une
décision rendue par le juge lui-même sur sa compétence, un appel est possible. Un appel,
certes, mais il s’agit d’un appel retardé. Jusque quand est-il retardé ? ( Art. 1050, al. 2) « Tu
peux faire appel de cette décision sur la compétence, mais qu’en même temps que le jugement
définitif (= en même temps que le jugement qui sera rendu sur le fond). » On veut éviter de
perdre du temps à un stade précoce du litige.
a. Premier scénario : le juge s’est déclaré compétent. Il garde le dossier. Quelques mois
plus tard, il rend son jugement sur le fond. À ce moment-là seulement, devant le juge
d’appel, un double appel pourra être formé (« pourra », car l’appelant peut choisir s’il

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le fait ou non)  contre le jugement définitif + éventuellement contre le jugement sur
la compétence.

b. Deuxième scénario (via un exemple) : le TPI est saisi d’une action banale. Le défendeur
soulève un déclinatoire de compétence (« il s’agit d’un contrat de travail »). Le
demandeur dit que le juge du TPI peut statuer lui-même sur le déclinatoire. Le TPI
statue et accueille le déclinatoire. « En effet, il s’agit bien d’une demande concernant
un contrat de travail »  renvoi au Trib. du travail. Puis-je (en tant que demandeur
initial) faire appel immédiatement là-dessus ? Non, je dois attendre que le Trib. du
travail rende sa décision sur le fond. Si, le jour où le Trib. du travail statue, j’ai toujours
envie/un intérêt de faire appel contre le jugement sur la compétence, je fais appel
devant la Cour du travail, puisque la Cour du travail est le juge d’appel compétent pour
connaître d’un appel contre une décision définitive du Trib. du travail. (Le jugement
définitif émane du Trib. du travail, tandis que le jugement sur la compétence émane
du TPI  il faut bien choisir un des deux juges. Le juge choisi = celui de la décision
définitive sur le fond).

Sect. III : le règlement des attributions au sein d’une même juridiction


Avec la réforme du paysage en 2014, où le législateur a réduit fortement le nombre d’arrondissements,
les cas de problèmes de répartition interne sont devenus plus nombreux. À l’inverse, les mécanismes
de déclinatoires entre juridictions, se sont rarifiés, car depuis, il y a moins de juridictions.

§1 Règles générales régissant la répartition des affaires


(= À l’interne des juridictions) (Inutile d’étudier ces articles par cœur)

a) Art. 186 C.Jud. : lorsqu’il s’agit de répartir les affaires à l’intérieur d’une entité, entre les
divisions territoriales d’une juridiction  le Roi/Gouvernement fédéral doit, chaque année,
écrire un règlement de répartition (= un arrêté royal). Il peut se laisser guider par deux
critères :
a. Solution classique : le Gouvernement applique – mutatis mutandis – les règles (qu’on
a vu ensemble) de compétence territoriale en petit (supplétive/impérative/d’ordre
public).
b. Ou bien : solution plus originale  spécialiser au sein des juridictions, telle ou telle
division territoriale. Attention, cette solution n’est pas possible pour des contentieux
de grande proximité (il y a donc toute une série de matière à l’art. 186 qui doit suivre
la première solution).

b) Deuxième outil de répartition interne = art. 88, §1er C.Jud.  idée : le président d’un tel
tribunal, dans le respect :
a. de la Const.
b. du C.Jud.
c. du règlement de répartition
doit, en outre, faire un règlement particulier.

c) Art. 726 C.Jud. et art. 90 C.Jud.  « Monsieur/Madame le/la président(e)/chef de corps, dans
le respect des trois outils mentionnés ci-dessus (a. à c.), tu peux effectuer la distribution

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concrète des dossiers au sein des chambres et des magistrats. L’art. 90 C.Jud.  Le/La
président(e)/chef de corps peut, déroger à son règlement de répartition interne (un magistrat
est malade, une Cour d’assise retient certains juges…).

(On ne voit pas l’art. 81, al. 4 (P. 75 SYLLA).)

§2 Règles particulières
Il y a les artt. 76, 91 et 92  au TPI, l’organisation judiciaire est un peu plus étoffée.

- Art. 76 : au sein de chaque division territoriale de chaque TPI, on trouve un tas de monde :
chambres civiles, correctionnelles, de la famille…  il faut respecter l’architecture interne de
cette énumération.

- Artt. 91 et 92 C.Jud. : ils organisent l’unicité/la collégialité des chambres. Jusqu’en 2015, la
règle/tendance était la collégialité, c’est-à-dire que les chambres de TPI étaient composées de
trois juges. Les lois Pot-Pourri sont passées par-là  la collégialité, pour de bonnes raisons, a
été supprimée. Aujourd’hui, on parle de la solitude du juge. Le principe est que le juge siège
seul (art. 91). Ce n’est qu’à titre exceptionnel que sont organisées des chambres à 3 juges (art.
92 C.Jud.). P.ex. : l’affaire Delphine Boël = soumise à trois juges.
Il faut demander de comparer devant une chambre à trois juges, mais le juge peut te le refuser
(= une mesure d’ordre).

§3 Solution : l’incident de répartition (art. 88, §2 C.Jud.)


( !! ) Les erreurs d’aiguillage sont possibles à l’intérieur d’une juridiction. De quel outil se sert-on alors ?
(P. 77 SYLLA) On parle de l’incident de répartition. Ici, c’est « one way » : tous les conflits de répartition
interne, sont régis par un seul et même article, notamment l’art. 88, §2 C.Jud.

L’incident de répartition est soulevé soit par les parties, soit par le juge (= hybride, ce n’est ni d’ordre
privé, ni d’ordre public), avant tout autre moyen (= in limine litis). Si l’incident n’est pas soulevé, la
juridiction incompétente statuera malgré elle.  Si l’incident de répartition est soulevé (in limine litis)
que fait-on ? L’incident de répartition est soumis au chef de corps/président. Il fait un job juridictionnel
tout seul. Que dit ce paragraphe 2 ? Le président organise une ‘mini-procédure’ ; les parties peuvent
déposer des petits écrits, le Procureur du Roi (ou son substitut) donnent un avis, le président rend sa
décision (l’incident est accueilli/rejeté (en cas de rejet, on revient devant l’entité initiale  en cas
d’acceptation, le président renvoie directement à la bonne division/entité/chambre)). En ce qui
concerne l’autorité de la décision du Président : copier-coller des artt. 642 et 660. La décision du chef
de corps (art. 88, §2), lie l’entité de renvoi sur sa compétence (pas sur le fond). Y a-t-il des recours ?
Oui, mais qu’un seul : le Procureur général peut introduire un recours devant la Cour de cassation.

§4 Extension de l’art. 88 §2 au niveau des cours d’appel (art. 109 C.Jud.)


L’incident de répartition s’applique en copier-coller en degré d’appel (= devant les Cours d’appel et
Cours du travail). Si des problèmes de répartition se posent en degré d’appel (par exemple : on se
trouve devant les chambres fiscales alors qu’il s’agit d’un problème de droit médical  violation du
règlement de répartition), tout ce qu’on a vu dans le « §3 Solution : l’incident de répartition »,
s’applique à l’identique en degré d’appel. Il ne faut que remplacer « président du Trib. » par
« premier président de la Cour d’appel ».

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Sect. IV : le règlement des juges
= l’ultime remède. Artt. 645 à 647 C.Jud.

Nous sommes confrontés à deux décisions passées en force de chose jugée. L’appel n’est donc plus
possible. Quel est le souci ? Elles sont inconciliables. Elles concernent des demandes identiques. Elles
sont inconciliables soit sur la compétence, soit sur le fond.

 Problème : contrariété de décisions passées en force de chose jugée.

Comment est-ce possible qu’on ‘foire’ à ce point ? Personne n’a rien vu (personne n’a soulevé
l’exception de connexité/litispendance), on n’a pas voulu soulever les exceptions, les exceptions ont
été soulevées, mais rejetées à tort…

Il faut régler le problème, mais comment ? Il faut introduire une demande en règlement de juge. Qui
le fait ? Soit les parties, soit le Procureur du Roi, devant la Cour de cass. (= l’organe d’ordonnancement
suprême de ce genre de problèmes). Que fait la Cour de cass. ? Elle « règle les juges ».

- Soit la Cour de cass. dit qu’il n’y a pas de problème de contrariété  « il y a moyen d’exécuter
l’un et l’autre ».

- Soit la Cour de cass. accueille le règlement de juge. Dans ce cas, elle peut faire ce qu’elle veut :
régler le problème définitivement, renvoyer devant une autre juridiction, etc ( elle a carte
blanche !).

Chap. 3 : la compétence du Trib. de première instance


Sect. I : la compétence ordinaire du Trib. de 1ère instance
Le TPI a deux compétences : d’une part, il a la compétence du coucou (art. 568 C.Jud. : compétence
ordinaire (voy. supra (donc on ne revient pas là-dessus ici)) et il a d’autre part, des compétences
spéciales.

Sect. II : les compétences spécifiques (des divisions et sections du) Trib. de 1ère instance
Où les trouvent-on : artt. 569 à 572bis C.Jud.

On s’articule sur trois paquets de compétences :


A. Ce qui relève du contentieux du droit des personnes et des familles.
Siège de la matière : art. 572bis C.Jud. Depuis 2013 (entré en vigueur en 2014), les chambres de la
famille du TPI (qu’on appelle Trib. de la famille (chaque division de TPI en a un)) sont compétentes
pour connaître d’à peu près toutes les demandes qui relèvent du contentieux des personnes et des
familles. « À peu près toutes », car le juge de paix garde quelques reliquats dans le domaine de la
personne et de la famille (= dans ses compétences spéciales).
(SYLLA P. 84 à 87 + 87 à 90 + 90-91 = pas vu en cours  on ne doit retenir que ce que le prof a dit ici.)

B. Le contentieux de l’exécution des jugements et des arrêts.


Il faut retenir quelques bases légales :
1. Art. 569, °5 C.Jud.
2. Art. 79 C.Jud.
3. Art. 80 C.Jud.
4. Art. 1395 C.Jud.
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Les chambres civiles du TPI sont compétentes pour connaître de l’exécution des jugements et arrêts,
ainsi que de l’exécution des jugements et arrêts étrangers, ainsi que des sentences arbitrales.
« Les chambres civiles du TPI sont compétentes pour connaître de l’exécution des jugements et
arrêts »  les chambres civiles connaissent des difficultés lorsqu’il y a un problème dans l’exécution
d’obligation, de faire et de ne pas faire (décider par justice) ; lorsqu’il y a un problème d’exécution d’un
acte notarié qui est exécutoire  rendez-vous devant les chambres civiles.

« ainsi que de l’exécution des jugements et arrêts étrangers, ainsi que des sentences arbitrales »  il
y a une figure juridique qu’on appelle « l’exequatur ». C’est la décision par laquelle un juge accorde la
force exécutoire ; c’est une sorte de visa à une autre décision.

En vertu de l’art. 569, °5, les chambres civiles du TPI sont compétentes pour accorder l’exequatur aux
jugements et arrêts étrangers, qui sont à exécuter en Belgique.

Ce sont aussi les chambres civiles du TPI qui sont compétentes pour accorder l’exequatur aux
sentences arbitrales (belges/étrangers). Il faut passer par l’exequatur : une phase de contrôle (~ ordre
public ?).

Les trois autres articles, sont les trois articles qui nous parlent du juge des saisies. Le juge des saisies
est une entité individuelle du TPI. Ces articles disent que le juge des saisies est la pour connaître des
difficultés d’exécution, mais uniquement des difficultés d’exécution en matière de saisie (les saisies 
uniquement en cas de contentieux d’exécution pécuniaire !).

 Lorsque les saisies posent des problèmes de légalité, on va devant le juge des saisies.

C. Le contentieux fiscal.

Art. 569, °32 C.Jud.  les chambres civiles du TPI sont compétentes pour connaître du contentieux
fiscal.

Chap. 4 : les compétences des juridictions d’exception


Sect. I : le juge de paix
Il a d’abord une compétence générale, puis une compétence spéciale, voire exclusive.

A. Compétence générale (SYLLA P. 97 à 99)

Une base légale : art. 590 C.Jud. Origine historique  le juge de paix est calqué sur le modèle Anglo-
Saxon de la « justice of peace », juge de proximité, des petits litiges (« small claims »). C’est la
substance que constitue la compétence générale.

Art. 590 C.Jud. : « Le juge de paix connaît de toutes demandes dont le montant n'excède pas 5.000
euros, hormis celles qui sont soustraites par la loi à sa juridiction, notamment des demandes prévues
aux articles 569 à 571, 572bis, 573, 574 et 578 à 583. (…) »

 Le juge de paix connaît de toute demande, dont le montant n’excède pas € 5000. « Toute
demande » paraît énorme  attention : ‘la vague se retire en plusieurs mouvements’ :
a. Il faut que la demande relève des attributions du pouvoir judicaire. Hors de question
de lui soumettre quelque chose qui relève du CE, d’une juridiction étrangère, de la
compétence des arbitres.

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b. Mais encore, il y a le « HORMIS » ( !! ) : en réalité, la compétence générale du juge de
paix est exclue devant les compétence spéciales de tout le monde. (On ne va pas
devant le juge de paix, concernant un job étudiant de 2000 EUR (= Trib. du travail). On
ne peut pas aller devant lui non plus pour un crash avec un parechoc à 800 EUR (= Trib.
de police), etc.)
 Au final, le coucou du TPI joue dans deux directions (voiture balai + coucou)  parallèle
avec la compétence générale du juge de paix : sa compétence générale vient empiéter sur
le premier volait de la compétence ordinaire, pour tous les cas où il n’y a pas de
compétence spéciale, il y a deux acteurs possibles : le TPI (coucou/voiture balai), et le juge
de paix (compétent si la demande n’excède pas les € 5000).

Décortiquons via des exemples :

(1) Demande qui n’est l’objet d’aucune compétence spéciale ; prenons l’art. 1382 C.Civ. (=
indemnisation d’un dommage). Mon claim = € 10 000. Je ne peux aller que devant le TPI (art.
568 C.Jud. : le montant de ma demande > € 5 000).
(2) Imaginons : victime avec dommage corporel de € 10 000  va devant le juge de paix. Que se
passe-t-il alors ? Déclinatoire de compétence, d’ordre public (car déclinatoire d’ordre
matériel).
(3) J’ai (art. 1382, pas de compétence spéciale) un litige : je vends ma table de jardin à € 300 à
mon voisin. Mais, il ne me paye pas. Je vais devant le TPI du Brabant-Wallon. Que se passe-t-
il ? Il y a un déclinatoire, mais pas d’ordre public. Nous sommes devant le TPI ; au nom de sa
compétence ordinaire (art. 568, al. 2 C.Jud.) le coucou vient siéger dans le nid du juge de paix
 déclinatoire d’ordre privé.
 En présence d’un montant demandé, qui rentrerait dans la compétence générale, mais qui
serait porté devant le TPI, le coucou fonctionne normalement (déclinatoire d’ordre privé :
seulement par le défendeur in limine litis).
(4) Je fais un job étudiant pendant l’été (Quick de Bruxelles). L’employeur ne me paye pas le mois
d’août. Il me doit 900 euros. J’agis devant le juge de paix de Bruxelles. Que se passe-t-il ?
Déclinatoire d’ordre public (j’aurais dû aller devant le Trib. de travail). Si Quick soulève le
déclinatoire  il peut le faire à tout moment. Que se passe-t-il alors ? Art. 639 C.Jud.  je
peux choisir : juge de paix, tranchez vous-même/Trib. d’arrondissement. Si le juge de paix
soulève d’office  art. 640 C.Jud.

B. Les compétences spéciales (dont certaines sont exclusives)

Premièrement, le juge de paix est compétent pour connaitre du contentieux locatif (les baux) (art. 591,
primo C.Jud.). Le bail est une compétence spéciale du juge de paix ( !! ), non PAS exclusive.

REMARQUE : il s’agit de tout type de baux ((im)meubles) (de droit commun, de résidence principale,
affermes, à vie, commerciaux…). Tous les baux, même les baux commerciaux entre entreprise, sont de
la compétence spéciale du juge de paix.

Casus : je suis une grosse boîte commerciale à Bruxelles, qui loue un immeuble à une autre grosse
boîte commerciale. Je vais devant le Trib. de l’entreprise. Quid ? Nous sommes devant le Trib. de
l’entreprise, qui n’est PAS compétent (art. 591 C.Jud. dit : « pour tout type de baux  juge de paix »).
Le déclinatoire est d’ordre public. Pourquoi ? (Voy. P. 58 SYLLA) Lorsqu’on est devant un juge
d’exception – ici le TPI – saisi en violation de règles de compétence matérielle : on est toujours face à
un déclinatoire d’ordre public !!

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Variante du casus : avec ce bail commercial, je vais devant le TPI (alors que le juge de paix = compétent
en matière de baux)  le coucou : déclinatoire d’ordre privé. Pourquoi ? Application du coucou (art.
568 C.Jud.), car la compétence n’est PAS exclusive !

REMARQUE : en degré d’appel en matière locative du juge de paix (art. 577 C.Jud.), un seul juge est
compétent, notamment le TPI.

Il y a aussi le contentieux en rapport avec le régime foncier et la copropriété (artt. 591 °2, °2bis, °3, °4
et °5). Toute forme de copropriété (art. 577 C.Civ.) = matière du juge de paix. Il y a également le
contentieux des servitudes = aussi matière du juge de paix (= ce sont des compétences spéciales, non-
exclusives).

Concernant le contentieux des actions possessoires (art. 591 °5 C.Jud.) (complaintes, réintégrandes,
dénonciations de nouvelle œuvre…) : il s’agit d’actions qui tendent à protéger la possession paisible
du possesseur de bonne foi = matière du juge de paix.

REMARQUE : à côté de la compétence générale, qui concerne des litiges qui ne font l’objet d’aucune
compétence spéciale (mais qui sont de moins 5 000 EUR), il y a, comme pour n’importe quel autre juge,
des listes très longues de compétences spéciales (et là, on ne regarde pas le montant ! (€ 5 000 ou
pas !!)).

SYLLA P. 104 : un reliquat en matière d’état des personnes  depuis 2013, il y a le Trib. de la famille
(art. 572bis). Ce Trib. de la famille ratisse 95% du contentieux de la famille et de la personne. 5% se
trouve dans la gamelle du juge de paix. Il faut retenir l’art. 594, °16 : le juge de paix reste le juge des
incapacités (de mineurs : tutelle + cotutelle et des majeurs).

Le juge de paix conserve également (P. 106 SYLLA) quelques compléments en matière de droit de la
famille et de la personne : il est compétent pour tout ce qui concerne l’absence et les contentieux des
funérailles et des sépultures.

(À ne pas connaître dans le SYLLA P. 106 et P. 111 : la procédure sommaire d’injonction de payer +
octroi de facilité de paiement.)
Art. 597 C.Jud. : le juge de paix est compétent pour placer des scellées sur des biens qui relèvent d’une
indivision et qui sont menacés de perte de détournement. Ici, il est titulaire d’une compétence
EXCLUSIVE. Dans cet article, on dit aussi qu’il est compétent pour désigner un séquestre. Quid ? En
plus des matières qui relèvent de ses compétences spéciales (servitude, copropriété, incapacité…), le
juge de paix a une compétence pour désigner un séquestre. Qu’est-ce ? C’est un mandataire judiciaire,
qui est désigné pour conserver une chose faisant l’objet d’un litige (valeur mobilière, peinture, pièce
d’or…).

Dernièrement, à l’art. 591, °25 C.Jud. : depuis peu, le juge de paix est spécialement compétent pour
connaître des demandes à l’encontre de personnes physiques consommatrices  tout ce qui concerne
la fourniture d’énergie + télécommunication.

5e cours

Sect. II : le Trib. de police


(P. 113 SYLLA) Art. 601bis C.Jud. : en vertu de ce texte, la section civile du Trib. de police est
compétente pour statuer en matière d’accidents de la circulation (= le roulage (= belgicisme)/accident
de la circulation). C’est un contentieux très fréquent.

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Comment faut-il entendre la notion d’accident de la circulation ? Elle doit s’entendre de la même façon
que la notion d’accident de la circulation au sens de l’art. 29bis de la Loi sur le contrat d’assurance
automobile (= il y a la protection des usagers faibles : ils font l’objet d’une indemnisation automatique
sans faute). La Cour de cass. et le législateur sont ici très cohérents, c’est-à-dire que la notion d’accident
de la circulation au sens de l’art. 29bis Loi contrat d’assurance automobile et celle de l’art. 601bis
C.Jud. est la même. Arrêt de cassation important du 5 juin 2020  il dit une bonne fois pour toute
que la notion est identique.

(Examen : il faut soigner tout ce qui est récent de la Cour de cassation.)

Qu’en est-il du droit récursoire en droit des assurances ? Qu’est-ce une action récursoire ? = Après
l’indemnisation de la victime, l’assureur se retourne vers son assuré pour récupérer tout/partie du
décaissement, en raison d’un élément lié au contrat d’assurance (par exemple : la faute grave,
conduite sous influence alcoolique…). Qui est compétent ? Le Trib. de police est compétent – au sens
de l’art. 601bis – pour connaître de l’action récursoire.

Il s’agit d’une compétence SPÉCIALE et EXCLUSIVE au sens fort, dixit la Cour de cass. dès 1997. Au
nombre des compétences exclusives, il y a donc celle-ci, les compétences qui en découlent inclues
(compétence exclusive  déclinatoire d’ordre public, tenant en échec le coucou (art. 568), tenant en
échec la prorogation sur demande reconventionnelle (art. 563), le juge titulaire d’une compétence
exclusive empoche la compétence en cas de litispendance et connexité, etc.).

REMARQUE : art. 601bis dit clairement ‘quel que soit le montant’ !!

Devant qui est porté l’appel d’une décision du Trib. de police ? Il n’y a qu’un seul juge d’appel
compétent (art. 577 C.Jud.), notamment le TPI (les chambres civiles du TPI).

Sect. III : le Trib. de l’entreprise


(SYLLA P. 115) Jusqu’il y a peu, on parlait du Trib. de commerce. La transformation de nom n’est pas
simplement académique : la notion « d’entreprise » = plus vaste que la notion de « commerce ».

Quelques mots de rappel (hors matière) :

- C’est une juridiction d’exception.


- Il y a en a un dans chaque arrondissement (coïncident avec les provinces, avec quelques
exceptions).
- Les chambres du Trib. de l’entreprise sont des chambres collégiales.
- La règle = l’échevinage. Autour du ou de la président(e), il y a ce qu’on appelle les deux juges
consulaires. Ils ne sont pas forcément juriste/magistrat nommé à vie. Ce sont des personnes
issues du milieu d’affaire, qui assistent et jugent avec le ou la président(e).
- Il y a un Ministère Public (procureur du Roi + substituts).

En termes de compétences, il a des compétences qui se situent aux artt. 573 et s. C.Jud. Les textes
s’articulent autour de trois familles.

i. La compétence subjectivée (= en raison du sujet « dis-moi qui tu es  je te dirai devant quel


juge tu dois aller »).
= le cas de l’art. 573 C.Jud. Les Trib. d’entreprise sont compétents lorsque le litige concerne
des entreprises.
Art. 573 : « Le tribunal de l'entreprise connaît en premier ressort des contestations entre
entreprises visées à l'article I.1, 1°, du Code de droit économique, qui ne relèvent pas de la

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compétence spéciale d'autres juridictions et qui, en ce qui concerne les personnes physiques,
ont trait à un acte qui n'est manifestement pas étranger à l'entreprise.
La demande dirigée contre une entreprise peut également être portée, aux conditions visées
à l'alinéa 1er, devant le tribunal de l'entreprise, même si le demandeur n'est pas une entreprise.
Est, à cet égard, nulle, toute clause attributive de compétence antérieure à la naissance du
litige. »
 Que veut dire ce texte ? Il faut que trois éléments soient rassemblés pour qu’il y ait cette
compétence subjectivée.
1) La situation implique des entreprises.
La réponse est simple : la qualité d’entreprise est décrite à l’art. I.1, °1 Code de droit éco.
Aujourd’hui, cette notion s’entend de façon beaucoup plus large que la notion de
commerçant.
EXEMPLE : l’avocat, jusqu’en 2014, n’était pas commerçant. Aujourd’hui, il n’est plus
discutable que l’avocat/la société d’avocats = des entreprises. Pourquoi ? Ce sont soit des
personnes morales/des personnes poursuivant des finalités économiques !
Est-ce que l’administrateur/le gérant d’une société commerciale est lui-même – par le fait
qu’il est administrateur – une entreprise ? Cette question a un double enjeu (judiciaire [en
cas de citation en justice, est-il une entreprise ?] et commercial [un administrateur de
société peut faire l’objet des mesures d’insolvabilité, de réorganisation judiciaire et de
faillite]). L’affaire est soumise à la Cour de cass.  elle n’a pas encore tranché cette
controverse.

2) La contestation entre entreprises concerne un acte non manifestement étranger à


l’entreprise.
CONTRE EXEMPLE : un avocat a un conflit de divorce avec son épouse. Elle est elle-même
avocate. Le divorce n’a rien à voir avec leurs entreprises.
EXEMPLE : je suis un tiers (entreprise ou pas) et je fais un procès contre une entreprise
pour une raison extracontractuelle (art. 1382 C.Civ.). Quid ? La faute quasi-délictuelle
qu’une entreprise peut commettre face à un tiers rentre (normalement) dans une activité
d’entreprise ! Une entreprise qui, en raison d’une publicité trompeuse, commet un acte
d’entreprise, même s’il s’agit d’une faute quasi-délictuelle.
Limites (au nombre de deux) ?
a. Art. 573 = les compétences spéciales des juges. Il n’est pas question pour cette
juridiction d’exception de venir manger dans la gamelle des autres (ce n’est pas le
TPI, dès lors il n’a rien à faire dans les compétences spéciales des autres
juridictions, QUAND BIEN MÊME le litige implique deux entreprises).
CONTRE EXEMPLE : juge de paix ; compétence spéciale = bail ; cas fréquent d’un
bail commercial, unifiant deux entreprises (une boîte loue un entrepôt à une autre
boîte). Est-ce un litige entre entreprises ? Oui. Mais : compétence spéciale du juge
de paix !
Al. 2 de l’article 573 : il veut dire que, lorsqu’on est une personne
physique/morale, qui n’est pas une entreprise, on a le choix (lorsqu’on est
confronté à un défendeur qui EST une entreprise) de citer devant le Trib. de
l’entreprise/un autre juge. Cet autre juge, selon le montant, est le Trib. de 1 ère
instance/le juge de paix.
Est-ce que ce choix est neutre ? Non  il y a des enjeux tactiques :
i. Il y a tout d’abord la personnalité du magistrat (choix non neutre, mais cet
argument n’est pas très juridique).

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ii. La rapidité de telle ou telle juridiction.
iii. Les règles de preuve. S’agissant de la preuve : en droit de l’entreprise, elle
est libre  en droit privé, elle est beaucoup plus contrainte.
iv. Les règles de solidarité.
v. Les règles de l’appel.
vi. …
i. Il y a de nombreux enjeux qui guident le choix : ce juge-là ou ce juge-ci ?

b. En raison de l’objet du litige, le Trib. de l’entreprise est compétent, que vous soyez
ou non une entreprise (art. 574 C.Jud.). Qu’est-ce qu’on retrouve à cet article ?
i. Le droit cambiaire.
ii. Le contentieux pour raison d’association/fondation/société ( !! )  quelle
que soit la qualité, si le litige concerne la création, la validité, la gestion, la
liquidation, le fonctionnement… d’une société/d’une fondation, le Trib. de
l’entreprise est spécialement compétent.
Attention, il ne vient pas manger dans les compétences spéciales des
autres.
EXEMPLE : un organe de la société est par ailleurs lié par un contrat de
travail. Si le litige concerne l’exécution du contrat de travail de cette
personne, son licenciement, il n’y a évidemment pas ici un contentieux lié
au fonctionnement de la société  c’est un litige lié au contrat de travail,
liant la société et la personne physique.

3) La contestation ne relève pas de la compétence spéciale d’une autre juridiction.


Le contentieux de l’insolvabilité (qui va de la réorganisation judiciaire jusqu’à la faillite) des
entreprises  la Trib. de l’entreprise est compétent, en vertu de l’art. 574,
deuxièmement, C.Jud.
Il s’agit d’une compétence exclusive au sens fort ! Autant la compétence subjectivée n’est
pas une compétence exclusive (art. 573), autant la compétence objectivée n’est pas une
compétence exclusive, autant la compétence du contentieux de l’insolvabilité l’EST !
Pourquoi la Cour de cass. a-t-elle décidé cela très tôt ? Car, au sein du Trib. de l’entreprise
et nulle part ailleurs, il existe un organe/une figure qu’on appelle le Service d’enquête
commercial. C’est l’organe de détection/de monitoring de l’insolvabilité. Il y a un certain
savoir-faire !
RAPPEL : en matière de compétence territoriale, le Trib. de l’entreprise jouit aussi d’une
compétence d’ordre public (art. XX.12 Code de droit éco) : est exclusivement compétent
– sur le plan matériel – le Trib. de l’entreprise du lieu du siège de l’entreprise.
Jusqu’où va cette compétence exclusive ? L’art. 574, deuxièmement et la Cour de cass.
sont extrêmement claires à ce sujet :
a. « Découle directement de l’insolvabilité » = soit la conséquence de la situation
d’insolvabilité.

b. Le litige trouve son siège juridique dans le droit matériel de l’insolvabilité.

 La compétence est exclusive, certes, mais elle est (très) restrictive, en raison de cette
double condition.

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CONTRE EXEMPLE : due à la situation d’insolvabilité d’une entreprise, il faut procéder au
licenciement de toute partie du personnel. La première condition est indiscutable : le
licenciement collectif est bel est bien la conséquence de l’état d’insolvabilité de l’employeur.
Est-ce que la solution est trouvable dans le droit de l’insolvabilité ? Non : on la trouve dans le
droit du travail ! En conséquence, le Trib. de l’entreprise n’est PAS compétent dans cette
situation.

i. Les tribunaux d’entreprise sont compétents de façon objectivée  quel que soit la partie, en
raison de l’objet du litige, le Trib. de l’entreprise est compétent.

ii. Une compétence exclusive lui est déférée : le contentieux de la solvabilité.

Sect. IV : le Trib. du travail


- Il y a autant de Trib. du travail qu’il y a d’arrondissements (+ les particularités de la carte
judiciaire).
- Le Trib. du travail se compose de chambres qui sont elles-mêmes échevinales. Aux côtés du
magistrat de profession, siègent des juges sociaux (l’un issu du milieu syndical, l’autre issu du
milieu des employeurs/patronal).
- Le Trib. du travail a son Ministère Public a lui = l’auditorat du travail + les substituts.

Quand on parle de ses compétences, comment peut-on les ranger ? Sièges de la matière ? Artt. 578 à
583 C.Jud.

Il faut les ranger en trois paquets :

1. Les contentieux des relations de travail (art. 578 C.Jud.)


Cet article annonce deux choses :
i. Le Trib. du travail connaît des contestations relatives
1. Aux contrats de travail
(Art. 578, premièrement) Le Trib. du travail connaît de TOUTE contestation relative au
contrat de travail. C’est une compétence spéciale (non exclusive !).
Contrat de travail, quid ? = Contrats d’emploi, de représentation commerciale,
d’étudiants, litiges relatifs à la discrimination…
BÉMOL (= problème de lege ferenda) : les Trib. du travail sont compétents pour tous les
litiges de travail CONVENTIONNELS (= lorsqu’il y a contrat d’emploi)  il n’est pas
compétent quand la relation de travail est basée sur un statut ( TPI/Conseil d’État) :
les compétences sont un peu surréalistes/idiotes.
2. Aux conflits d’ordre individuel nés d’une convention collective du travail.
En matière de droit du travail  ( ! ) Loi du 5 décembre 1968 sur les conventions
collectives de travail = une norme (d’un genre particulier) négociée de façon paritaire,
dans des commissions paritaires, entre représentants des travailleurs et représentants
des employeurs. Le but est de faire norme collective, s’appliquant à telle ou telle gamme
de travail. Ces normes peuvent être rendues obligatoires par arrêté royal.
En matière judiciaire : le Trib. du travail est aussi compétent pour connaître des cas
individuels d’application d’une convention collective de travail. Si un travailleur, relevant
de tel ou tel secteur, se plaint au sujet de telle ou telle convention collective de travail
rendue obligatoire, il se rend devant le Trib. du travail, contre son employeur.

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Mais… il y a controverse  la notion de litige collectif pose problème. C’est une grève.
Question à la fois juridique et constitutionnelle, philosophique. Le Trib. du travail est-il
compétent pour connaître d’un litige collectif du travail ? En d’autres mots : est-ce que
le Trib. du travail est compétent pour connaître d’une demande qui voudrait faire
interdire telle ou telle grève, par exemple ?
Le Code Judiciaire de 1967 ne traite que les litiges individuels, donc de base, il n’y a pas
d’intervention du Trib. de travail, pas même d’intervention judiciaire, au nom de la
liberté d’association/au nom d’un droit qu’on disait à l’époque absolu de faire grève.
Mais il y a différents types de grèves : certaines grèves posent de très sérieux préjudices.
Solution : dès le début des années 1970, la Cour de cass. assouplit la position absolutiste.
Elle dit : « il y a quand même la possibilité pour les juridictions de l’ordre judiciaire de
connaître d’un litige collectif du travail/le cas échéant de le faire cesser, si le litige
collectif porte atteinte, de manière périphérique, à des droits subjectifs (art. 144-145
Const.  une grève peut porter atteinte de manière périphérique au droit de
l’entreprise (si les grévistes incendient/endommagent… tout par exemple, il y a atteinte
à des droits subjectifs  dans ces cas-là, le pouvoir judiciaire doit pouvoir intervenir,
pour faire cesser la grève illégale (car attentatoire).
C’est un litige COLLECTIF ; ce n’est donc pas le Trib. du travail qui peut être compétent
(si on lit le Code Judiciaire). Solution ? Si personne n’est spécialement compétent, il reste
toujours le TPI. Donc la Cour de cass. dit que, pour connaître d’un litige portant atteinte
de façon grave et périphérique à des droits subjectifs  on va devant une juridiction
ordinaire. (Comme souvent, il y a urgence, ce sera le juge des référés du TPI qui sera
compétent.) Constitutionnellement et philosophiquement, cette question demeure très
délicate. Chaque année, il y a de la jurisprudence qui part dans tous les sens. (SYLLA :
Avis du Comité Européen des droits sociaux (2011) : la jurisprudence belge qui prévoit
la possibilité d’immixtion du pouvoir judiciaire dans un conflit collectif = attentatoire au
droit fondamental de faire grève. Toutefois, nos juges continuent à se déclarer
compétent pour les faire cesser, mais en étant très prudent).

2. Contentieux de la sécurité sociale.


Artt. 579 à 583 C.Jud. = base légale. Cette branche du droit est née après les crises de l’après-
guerre (chômage, maladie professionnelle, allocations familiales…). Elle est confiée aux Trib. du
travail.
Deux éléments importants touchent à la nature de cette branche du droit très particulière,
notamment :
1) C’est un contentieux très proche du contentieux objectif qu’on connaît au Conseil d’État. Il
s’agit de faire le procès à un acte, pris par un acteur de la sécurité sociale (un CPAS, une
caisse…), dont la légalité est critiquée. Un élément tout à fait subjectif intervient (~ devant le
Conseil d’État. Si le Trib. du travail réforme la décision prise par l’organisme de sécurité sociale,
il y substitue la sienne. C’est un contentieux subjectif, avec substitution de décision.

2) Caractère exclusif au sens fort ! Tout le contentieux de la sécurité sociale relève de la


compétence exclusive des Trib. du travail. Pourquoi ? Pour une raison très simple : la présence
et le rôle de l’auditorat du travail. L’art. 138bis C.Jud. : il a le pouvoir de requérir, de façon
forcée s’il le faut, des informations et des documents auprès des organismes de sécurité
sociale, pour pouvoir instruire le litige de sécurité sociale.
Ce pouvoir détenu par l’auditorat, nul autre acteur du pouvoir judiciaire le détient.
(SYLLA P. 126 : quelques éléments de procédure  ne pas connaître !)

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3. Règlement collectif de dettes.
Il s’agit du contentieux de ce qu’on a appelé la faillite civile. Jusqu’en 1998, il n’existait pas de
mécanisme permettant à des personnes non commerçantes/non entreprise de respirer un peu
face à l’oppression de leur créancier. Il n’y avait de mécanisme de concours, qui permettait de
faire face à un ensemble de créanciers, en conservant un minimum de dignité humaine (= pour
manger, éduquer les enfants, pour vivre…).
Depuis 1998, aux art. 1675/2 et s. C.Jud.  possibilité d’obtenir un règlement collectif de dettes,
c’est-à-dire une situation de concours entre créanciers, qui préserve la dignité humaine du
débiteur. À qui est confié ce contentieux ? Depuis 2005, c’est la mission du Trib. du travail (avant,
c’était le juge des saisies).
On peut considérer qu’il s’agit d’une compétence exclusive (même si ce n’est écrit nulle part).
(On ne doit pas connaître les particularités de procédure !)

Chap. 5 : les compétences présidentielles et les référés


Les présidents des tribunaux (TPI, entreprise et travail) ont des compétences disciplinaires, de
management (p.ex. : ils organisent le règlement particulier), mais ils ont aussi des compétences
juridictionnelles propres. Elles sont de deux types :

1) Les présidents des tribunaux statuent comme juge de référé, dans les matières de leur
propre tribunal.

2) Ils peuvent également, dans des cas très particuliers, statuer sur le fond de certaines
contestations.

Sect. I : compétence présidentielle exercée au provisoire


Art. 584 C.Jud. !!

Lorsqu’on aborde le référé et cet article, il faut (à nouveau) distinguer d’une part les règles générales,
s’appliquant à tout référé, et d’autre part les règles qui sont propres au président du Trib. de 1 ère
instance.

§1 Règles et principes d’application commune à l’exercice des compétences présidentielles au


provisoire
Art. 584 C.Jud. : « Le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont
il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.
Si l'affaire est de la compétence du tribunal de la famille, le président n'est saisi qu'en cas d'absolue
nécessité.
Le président du tribunal du travail et le président du [4 tribunal de l'entreprise- peuvent statuer au
provisoire dans les cas dont ils reconnaissent l'urgence, dans les matières qui sont respectivement de
la compétence de ces tribunaux.

Le président est saisi par voie de référé ou, en cas d'absolue nécessité, par requête.

Il peut notamment:

1° désigner des séquestres;

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2° prescrire à toutes fins des constats ou des expertises, même en y comprenant l'estimation du
dommage et la recherche de ses causes;
3° ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde des droits de ceux qui ne peuvent y pourvoir,
y compris la vente des meubles délaissés ou abandonnés;

4° ordonner l'audition d'un ou de plusieurs témoins lorsqu'une partie justifie d'un intérêt apparent,
même en vue d'une contestation future, s'il est constant que tout retard apporté à cette audition doit
faire craindre que le témoignage ne puisse plus être recueilli ultérieurement.

5° ordonner, dans le cas d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle visé a l'article 1369bis /1,
commise à l'échelle commerciale, et à la demande du titulaire de ce droit qui justifie de circonstances
susceptibles de compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la saisie à titre conservatoire
des biens mobiliers et immobiliers du contrefacteur supposé, et le cas échéant le blocage des comptes
bancaires et des autres avoirs de ce dernier. Le président, statuant sur cette demande, vérifie :
1) si le droit de propriété intellectuelle dont la protection est invoquée est, selon toutes apparences,
valable;
2) si l'atteinte au droit de propriété intellectuelle en cause ne peut être raisonnablement contestée;
3) si, après avoir fait une pondération des intérêts en présence, dont l'intérêt général, les faits et, le
cas échéant, les pièces sur lesquelles le demandeur se fonde sont de nature à justifier raisonnablement
la saisie tendant à la protection du droit de propriété intellectuelle invoqué;
6° ordonner, dans le cas d'une obtention, utilisation ou divulgation illicite d'un secret d'affaires visé à
l'article XI.332/4 du Code de droit économique, et à la demande du détenteur du secret d'affaires, la
saisie à titre conservatoire des biens en infraction, y compris de produits importés, ou la remise de ces
biens, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché;
7° ordonner, dans le cas de la diffusion non consensuelle d'images ou d'enregistrements visée aux
articles 371/1, § 1er, 2°, et 371/2 du Code pénal, et à la demande de la personne figurant sur les images
ou l'enregistrement, de son représentant légal ou de ses ayants droit, d'utiliser tous les moyens
appropriés pour les retirer immédiatement ou les rendre inaccessibles par le diffuseur ou tout
prestataire intermédiaire exerçant une activité telle que visée aux articles XII.17 ou XII.19 du Code de
droit économique, au plus tard dans les six heures de la signification de l'ordonnance.
Pour les demandes visées à l'alinéa 5, 7°, l'absolue nécessité est présumée et la diffusion est, sans
préjudice de l'article 371/1, § 4, du Code pénal, présumée non consensuelle jusqu'à preuve du
contraire. »

 Pour l’instant, on analyse surtout les alinéas 1 et 3. On retient les éléments communs.

Les trois présidents peuvent statuer en référé à la condition d’ouvrir une double serrure :

- L’urgence,
- Le provisoire.

A L’urgence
Les juges des référés ne peuvent que connaître des cas URGENTS ( s’il n’y a pas urgence : rendez-
vous devant les chambres de fond). Ce n’est qu’à titre d’exception que l’urgence est invoquée, dans le
but de permettre au justiciable d’obtenir l’intervention du pouvoir judiciaire, lorsque la procédure
ordinaire est impuissante/insuffisante/tardive… Quand on parle d’urgence, il faut s’interroger sur la
portée et le contenu de la notion.

Selon la Cour de cass – depuis deux arrêts du 11 mai 1990 – il y a deux situations :

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- L’urgence n’est pas invoquée par le demandeur. Il n’y songe même pas.
 Problème de compétence ! On joue alors avec l’art. 88, §2 C.Jud.

- J’invoque l’urgence, je tente de la démontrer, mais le juge des référés me donne tort : la
situation n’est pas urgente. Dans ce cas-là, l’action est déclarée non-fondée  c’est un rejet
pur et simple. Moi, en tant que demandeur, je dois alors songer à saisir le juge du fond.
Bémol : l’art. 1253ter/4, §1er : si j’échoue à démontrer l’urgence en référé familial, alors je ne
suis pas débouté, mais je suis renvoyé à une audience ordinaire (= c’est un petit cadeau au
demandeur).

Qu’est-ce une situation d’urgence ? C’est une pure situation de faits. Le Code Judiciaire ne tente pas à
définir dans quels cas il y a urgence. Quelques repères, issus de plusieurs décennies de pratique,
jurisprudence et doctrine :

1- État de nécessité : la crainte d’un mal sérieux  « si vous n’intervenez pas, nul autre ne sauras
le faire, Monsieur/madame le président et la crise va s’aggraver » (Toutefois, le mal ne doit
pas être irréparable ! Un mal sérieux ‘suffit’.)

2- L’urgence ne résulte pas de ta propre faute. Il y a donc une dimension pédagogique/vertueuse


à l’urgence. ( Sinon, tu es déboutée.) La Cour de cass. est même déjà allé jusqu’à reprocher
au demandeur de ne pas avoir utilisé les outils de la procédure ordinaire/normale, pour aller
plus vite.
La procédure ordinaire, devant les juges du fond, peut être lente, voir impuissante pour
remédier à une crise. Mais, malgré tout, des outils sont mis à la disposition des demandeurs,
permettant d’obtenir du juge du FOND la possibilité d’aller plus vite que d’habitude.
Ces outils, il faut les utiliser, pour tenter d’aller plus vite. S’ils ne sont pas invoqués, on ne peut
plus utiliser l’urgence. (On analysera les outils pendant les cours sur la procédure.) Ces outils
sont au nombre de 3 (et ils peuvent se cumuler !!) :
a. La possibilité d’obtenir du juge du fond une mesure avant dire droit (art. 19, al. 3
C.Jud.).
b. Il est possible – à certaines conditions – d’obtenir du juge du fond ce qu’on appelle des
débats succincts (art. 735, C.Jud.) (P. 286 et s. SYLLA).
c. L’abréviation du délai de citer (art. 708 C.Jud.) (SYLLA P. 209 et P. 246, par exemple).
Quid ? Il est possible, pour le demandeur, de demander au juge du fond, avant de le
saisir : « je voudrais réduire le délai de citation ». C’est le délai qui est normalement
donné au défendeur pour préparer sa défense et pour comparaître. On le demande
donc en amont !

= outils d’évitement du référé.

 Parfois, en pratique, l’occasion se présente – en utilisant ces outils – d’obtenir du juge du


FOND un jugement ! Le juge des référés dira alors que les outils n’ont pas été utilisés, alors
qu’ils auraient sans doute été utiles  privation des outils normaux dans ce cas-là (« il n’y
a pas urgence »).

Lorsque le juge des référés hésite entre rejeter et accueillir, il doit opérer une balance des intérêts,
pour apprécier l’urgence : « quel préjudice est le plus inacceptable ? » ( celui du demandeur
débouté, privé d’intervention du pouvoir judiciaire ou du défendeur, privé d’un procès normal).
Dernièrement, l’urgence, comme tout ce qui relève de la compétence matérielle, est d’ordre PUBLIC :
le juge doit d’office vérifier l’urgence !

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(SYLLA P. 132) Il faut envisager ce qu’on appelle le prolongement procédural de la notion d’urgence. À
vrai dire, l’urgence est graduelle (art. 584 C.Jud.). Premier stade : l’urgence sensu stricto/l’urgence tout
court (al. 1 pour le président du TPI et al. 3 pour les deux autres). C’est l’urgence qui permet d’aller
devant le juge des référés et d’assigner son adversaire dans une procédure urgente (= référé au sens
strict). Deuxième cran d’urgence : on pourrait dire : « je recours au référé d’hôtel ». Qu’est-ce ? Art.
1036 C.Jud.  le demandeur se trouve dans la situation suivante. Une situation particulièrement
urgente. Il faut une décision rapidement. Le délai de citation en référé (de 2jours) est aussi trop long.
Donc je demande à mon juge des référés, avant de le saisir, d’abréger mon délai de citation. Je vous
voir mon adversaire déjà demain par exemple. En cas d’acceptation d’abréger le délai de citation, le
juge donne une ordonnance au demandeur. L’huissier de justice doit alors convoquer le défendeur.
Pourquoi « d’hôtel » ? Car (dans le temps) il pouvait amener à plaider l’affaire à la résidence privée du
président. Ça pouvait tomber en-dehors des heures d’ouverture du palais de justice ! Troisièmement,
il y a encore plus urgent : même avec une abréviation du délai de citation, je suis en retard. Art. 584
C.Jud. précise, en son dernier alinéa, que s’il y a extrême urgence/absolue nécessité, alors le président
du Trib. peut être cité unilatéralement, à titre TOUT À FAIT EXCEPTIONNEL. Le magistrat statue ‘d’une
oreille’  les droits de la défense ne sont PAS respectés ! Le défendeur est (dans un premier temps)
condamné à son insu. Mais, la tierce opposition se présente à lui (= possibilité de recours, car les droits
de la défense ne sont pas respectés).

B Le provisoire
Le juge des référés ne peut statuer qu’au provisoire !

Il ne faut pas confondre le provisoire pour référé (art. 584 C.Jud.) et le provisoire devant le juge du
fond (art. 19, al. 3 C.Jud.). Cette nécessité se présente car dans certains cas, les deux pourraient
fonctionner. La Cour de cass. est d’opinion que, s’il existe une possibilité de recourir à l’article 19, al.
3, on ne peut pas aller en référé  dans ces cas, il n’y a pas urgence !

Art. 19, al. 3  le juge du fond (= juge normal) peut, avant dire droit, ordonner une mesure
d’instruction ou aménager provisoirement la situation des parties. Qu’est-ce que ça signifie ? Le juge
dessaisi, en raison des compétences territoriales et matérielles qui sont les siennes, peut
accessoirement, avant de dire le droit, ordonner une mesure d’instruction/une mesure qui aménage
provisoirement la situation des parties (p.ex. : désigner un séquestre, laisser quelqu’un rester dans le
bien litigeux…). Ce provisoire-là, n’a rien à voir avec le provisoire de l’art. 584. Non : le juge du fond,
dans l’attente du jugement, prend une mesure de façon provisoire (= mesure d’instruction ou
d’attente).

La notion de provisoire au sens de l’art. 584 n’est pas du tout la même. En effet, le provisoire en référé,
c’est une forme de précarité. Le juge des référés peut être sais en cas d’urgence, indépendamment de
tout litige sur le fond. Il ne statue pas avant de dire droit. Au contraire, il ne prononce pas une mesure
avant dire droit, mais plutôt ‘sans dire droit’.

 La mesure règle provisoirement la situation, sans la trancher.


 Un juge du référé pourrait, en réalité, faire ce que le juge du fond fait. MAIS le provisoire
devant le juge du fond : « dans l’attente de ce que je vais décider moi (par la suite)
j’ordonne cette mesure »  le provisoire devant le juge des référés : n’a rien à dire sur le
fond (il est coupé de tout procès sur le fond  il peut intervenir même s’il n’y a pas de
litige sur le fond ; il peut intervenir de façon autonome de toute procédure au fond !).

Cette autonomie a plusieurs conséquences.

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(1) Le juge des référés n’est pas lié par des potentielles causes de suspension.

(2) Imaginons un litige soumis à des arbitres ( il y aurait un déclinatoire de juridiction


normalement, devant le juge du fond. Mais, on est devant le juge des référés !). Le juge des
référés dit : « l’art. 1683 C.Jud./l’art. 1698 ; une clause d’arbitrage existe ? Ok, mais ça ne
m’empêche pas, en tant que juge des référés judiciaire, d’intervenir, s’il y a urgence ! »
 Il est donc complètement autonome.

Autre exemple de l’autonomie : on connaît les règles de la compétence territoriale supplétive


(art. 622 C.Jud. : domicile du défendeur, lieu de naissance de l’obligation, etc.). Le référé,
quant à lui, est tellement autonome, que la Cour de cass. rajoute un critère enplus : le juge des
référés compétent sur les lieux où la mesure devrait être exécutée. Prenons un exemple : un
litige entre deux entreprise  on est devant le Trib. du commerce. Mais, il y a urgence 
président du Trib. de l’entreprise. On voit qu’il s’agit d’un contrat conclu à Liège. Les sièges
sociaux des deux entreprises sont aussi à Liège. Normalement, on va devant le juge des référés
de Liège. Toutefois, le chantier est exécuté à Bruxelles. La Cour de cass. dit que le provisoire,
le référé = autonome. Par conséquent, on peut saisir le juge de Bruxelles ! La Cour de cass. –
pour montrer cette autonomie du référé – est même allée jusqu’à considérer que le juge des
référés pourrait être saisi, alors que le juge du fond a dit le contraire.
EXEMPLE (tranché par l’arrêt du 24 juin 2013 – droit intellectuel) : deux parties se disputent
sur la validité du brevet de l’une d’elles. Le Trib. de l’entreprise essaie d’annuler le brevet du
défendeur. Normalement, il y a autorité de la chose jugée  ceci rend le brevet nul  la
partie dont le brevet a été annulé, n’a plus de droits intellectuels.
Cette partie fait appel, mais tant que la Cour d’appel n’a pas revu la décision, la partie est sans
droits (art. 26 C.Jud.). La Cour de cass. admet que, même si le premier juge a décidé que le
brevet était nul, au provisoire, on pourrait faire comme si le brevet existait toujours et
accorder une protection au défendeur, alors que pourtant, son brevet a été annulé (
autonomie du référé).

Quand est-ce que je démontre que c’est provisoire ou pas ? Réponse (P. 134 SYLLA) : est-ce que
provisoire veut dire temporaire ? La doctrine et la jurisprudence disent que NON. Certes, il y a des
décisions de référé pour lesquelles le président dit : « ma décision est limitée dans le temps », mais ce
n’est pas une règle ! La durée peut être illimitée.

Est-ce que provisoire veut dire : « vous ne pouvez pas ordonner des mesures irréversibles ? » Non : la
Cour de cass. dit que le juge des référés peut ordonner de faire ou de ne pas faire certaines choses,
même si les conséquences de cet acte sont irréversibles (p.ex. : un retrait, la destruction…).

Longtemps, pour la Cour de cass. provisoire voulait dire que le juge des référés ne pouvait pas préjuger
du fond (= job du juge de fond). C’était une forte restriction du pouvoir du juge des référés  il n’était
là que pour statuer sur des faits et sur des mesures d’instruction. Même ce verrou-là a sauté. Nous
sommes dans les années 1980. Devant la Cour de cass. on plaide que le juge des référés ne pourrait
pas intervenir car ça signifierai qu’on toucherait aux droits du litige. La Cour de cass., constatant déjà
à l’époque un arriéré judiciaire, s’est rendue compte que le juge du fond ne pouvait pas tout faire.
Solution ? On ouvre les vannes  lorsque les droits en litige/lorsque la situation en litige est évidente
(= l’apparence est manifeste/pas contestable), le juge des référés peut intervenir ! Il peut, dans cette
situation, donc également décider sur le fond.

 Au final, que veut dire alors « provisoire » ? Provisoire a un synonyme, à l’art. 1039 C.Jud. :
les ordonnances du référé ne portent pas préjudice au principal : une décision du juge des

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référés n’a pas autorité de la chose jugée. Le juge du fond, ultérieurement saisi, peut
revenir sur la décision sur les faits !
 Donc « provisoire » = ne lie pas le juge du fond. Mais alors : le juge du fond pourrait ‘un
beau jour’ se retrouver dans la situation où il doit revenir sur le fond et de dénier la
décision du juge des référés (prise au provisoire). Ne serait-ce pas dommage ? 
Cacophonie ?! Mais la solution est logique : si le juge des référés ne peut statuer en référé
que lorsque la situation est non contestable, le juge du fond jugera forcément de la même
façon. Il suivra le juge des référés  en cas d’évidence, il n’y a que peu de risque.

C L’ordonnance présidentielle
= la décision du juge des référés. Une décision rendue en référé, s’appelle une ordonnance.

Qu’en est-il de sa portée ?

1) Quid de son autorité de la chose jugée ? (anticipation de la P. 315 SYLLA  seules les décisions
définitives (= au fond) on l’autorité de la chose jugée, liant les parties et les juges saisies dans
le futur ; a contrario, une ordonnance de référé n’a pas l’autorité de chose jugée).
Bémol 1. On doit quand même y obéir ! On doit obéir à l’ordre de référé  il y a donc quand
même une autorité, mais pas une « autorité de chose jugée ».
Bémol 2. Quelle autorité ? Une autorité de chose décidée. On ne trouve pas cette notion dans
le Code : c’est une notion jurisprudentielle et doctrinale.
o On doit obéir ; ça a été décidé (= bémol 1).
o L’ordonnance de référé conserve son autorité, tout chose restant égale par ailleurs (=
rebus sic stantibus). On ne peut revenir devant le juge des référés que si les
circonstances ont substantiellement changées. Il peut alors rétracter sa décision.
 Il n’y a pas d’autorité de chose jugée liant légalement le juge du fond, mais il y a une
autorité de chose décidée : il faut obéir + l’autorité perdure si les circonstances ne
changent pas.

2) (Anticipation de la P. 321 SYLLA) Qu’en est-il de la force exécutoire ? Les choses sont
absolument certaines : pour le référé au sens strict et le référé d’hôtel  art. 1039 C.Jud. :
une ordonnance de référé est exécutoire de plein droit. Ça signifie que, dès que le juge des
référés a rendu son ordonnance, on peut la faire exécuter tout de suite (quand bien même il y
a une voie de recours par exemple). C’est normal : l’urgence justifie le fait que l’ordonnance
est exécutoire de plein droit.
Art. 1029 C.Jud. (à propos du référé d’extrême urgence/absolue nécessité) : cet article dit la
même chose que l’art. 1039  l’ordonnance de référé est exécutoire de plein droit
(nonobstant appel).

Concernant l’astreinte (art. 13985bis et s. C.Jud.) : c’est une amende, une somme d’argent qui vient
renforcer l’efficacité d’une décision de justice. Pourquoi on en parle ? Référé-astreinte = ‘un couple
glamour’. Le juge des référés accompagne souvent sa décision de faire ou de ne pas faire d’une
astreinte.

Qu’en est-il des recours ? (P. 137 SYLLA)

On distingue le référé contradictoire et le référé unilatéral.

- Sur le référé contradictoire : les recours sont les mêmes qu’en droit commun. Biensur, l’appel
de référé va plus vite, car c’est urgent. Toutefois, les règles, principes, etc. sont les mêmes.

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- Sur le référé sur requête unilatérale. Il n’y a pas d’adversaire, donc les recours changent. Art.
1031 et s. C.Jud. : l’appel est possible, de la part des seules parties au litiges (c’est-à-dire le
demandeur qui a perdu  il peut faire un appel unilatéral devant la Cour d’appel/du Travail,
selon le président qui a statué).
Concernant le tiers, condamné à faire telle ou telle chose, sur requête unilatérale : il dispose
aussi d’une voie de recours (la Cour Européenne des Droits de l’Homme l’exige !). Or, il ne
s’agira pas d’un appel (car il n’était pas parti au litige). L’art. 1033 du C.Jud. : il s’agit d’un
recours en tierce opposition (on en reparlera plus tard).

D Domaine ouvert à l’action présidentielle


Le juge des référés peut faire à peu près tout ce que peut faire le juge du fond, s’il y a urgence ! (SYLLA
P. 138 et s.). On peut partir de l’art. 584 C.Jud. : il donne quelques exemples. Mais cette liste n’est pas
exhaustive.

Premier paquet : un juge des référés peut ordonner une mesure d’instruction. (Voy. P. 340 et s. SYLLA).
Ici, il y a une concurrence entre le juge des référés et le juge du fond. Le juge du fond peut accorder
une mesure d’instruction sur base de l’art. 19, al. 3 C.Jud. Le juge des référés peut le faire aussi, à
condition qu’il y ait urgence. Attention : il n’y a PAS urgence si on peut concrètement démontrer que
la partie aurait pu l’obtenir du juge du fond. Admettons que je démontre l’urgence  dans ce cas-là,
l’art. 584 dit : « le juge des référés peut ordonner une pleine mesure d’expertise ».

Deuxième paquet : le juge des référés peut ordonner une mesure de sauvegarde des droits. C’est une
mesure pour préserver des situations problématique/litigeuses dans l’attente d’une décision sur le
fond. Qu’est-ce une situation d’attente/mesure de sauvegarde ? Désigner un séquestre, désigner un
administrateur ad hoc qui gère une boîte pendant un litige d’entreprise, une mesure d’arrêt
momentané de travaux, etc.

Troisième paquet : il peut y avoir la protection des droits non-douteux = référence à la jurisprudence
de la Cour de cass. des années 1980 : la Cour a levé la vanne  lorsqu’il y a des prétentions absolument
évidentes/non contestables (par exemple en matière contractuelle, en matière sociale…).

Quid du référé administratif ? La jurisprudence de la Cour de cassation des années 1980 (= ouverture
de la vanne)  il s’agissait de cas de référés administratifs. En effet, le défendeur en référé était
l’administration. À l’occasion de ces litiges-là, la Cour de cassation a dit : « si la prétention formulée à
l’encontre de l’administration est évidente, alors il y a matière à référé administratif  le juge des
référés s’invite et ordonne à la puissance publique de se comporter comme n’importe quel citoyen et
d’obéir ! ». Réaction du législateur, début des années 1990 : attention, le juge normal de
l’administration = le Conseil d’État ! Par conséquent, le législateur, en 1991, promulgue l’art. 17 LCCE
 lorsque le CE est compétent au fond (= pour l’annulation), à titre accessoire, il est aussi compétent
comme juge des référés administratifs (= besoin d’urgence ?  le CE statue sur des référés
administratifs !).

Le législateur pensait s’en être sorti ainsi. Mais rien de tout ça : il y a des cas dans lesquels le
comportement de la puissance publique porte atteinte à des droits subjectifs pour lesquels le pouvoir
judiciaire (le juge des référés judiciaires) a le monopole (artt. 144 et 145 Const.). Dans ces cas, ce n’est
pas clair. Quel est l’enjeu véritable du litige ? Un droit subjectif (juge des référés judicaires)/droit
politique (Conseil d’État).

Prenons deux exemples :

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(1) Le contentieux des étrangers : parfois, on saisit les deux (juge judiciaire et le Conseil d’État),
en cas d’hésitation.

(2) Le contentieux des marchés publics : il faut émettre une soumission en matière de marchés
publics. Je suis évincé ; le pouvoir adjudicateur ne me retient pas. Qui est compétent ? Le
Conseil d’État ou le juge des référés ?
 Toute cette matière reste délicate. La Loi de 1991 a pas mal éclaircie la matière, mais pas
totalement.

Quatrième paquet : le référé provision. C’est LE cas où se manifeste le mieux la jurisprudence de la


Cour de cass. à propos de l’évidence du droit, propos du pouvoir du juge des référés d’anticiper le fond
du litige. Nous sommes dans les années 1980. Déjà, des avocats spécialisés en droit des victimes, se
heurtent à la lenteur de la justice ordinaire (Trib. de police, correctionnel, TPI). N’y a-t-il pas évidence
de réparation ? Oui : la Cour de cass./les juridictions de fond admettent un référé provision. Le juge
des référés peut faire le job du juge de fond par anticipation. Il s’aventure sur le fond et dit « telle
prétention de telle victime est évidente ».

§2 Règles particulières propres à la compétence du président du Trib. de 1 ère instance statuant


au provisoire
Art. 584, al. 1 C.Jud. : « Le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas
dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire. »

 L’image qu’on doit retenir ici = le juge des référés est un super coucou ! Il est ‘omni
compétent’ en toute matière  il n’y aura pas de déclinatoire. Le juge des référés du TPI
peut par exemple connaître des référés relevant du Trib. d’entreprise.

LIMITES : pas de déclinatoire ? Nuance : art. 584, al. 1 dit « le super coucou ne s’applique pas pour des
prétentions qui échappent au Pouvoir Judiciaire dans son ensemble (idée de déclinatoire de
juridiction).

- Le président du TPI ne peut manger dans la gamelle du Conseil d’État. Cela dit, il y a des cas
limites : l’enjeu véritable, les étrangers, les marchés publics…

- Le président du TPI ne peut arbitrer (se substituer aux arbitres). Toutefois, s’il y a une mesure
provisoire à prendre, le président du TPI (artt. 1683 et 1698) pourrait ordonner une mesure
urgente (p.ex. : expertise).

Quid des compétences exclusives au sens fort ? Il est admis unanimement que la compétence
universelle du TPI l’emporte ! En référé TPI, s’il y a urgence et s’il y a provisoire, il est omni compétent,
même lorsque le fond du litige relèverait d’une juridiction dotée d’une compétence exclusive.

REMARQUE : le président du TPI ne pourrait pas venir s’immiscer dans un référé familial (voy. prochain
cours). Les chambres du Trib. de la famille font leur PROPRE référé ( si le TPI le fait quand même, il
y a un incident de répartition).

Sect. II : compétences présidentielles au fond


(SYLLA P. 144)

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Exceptionnellement, les présidents des tribunaux peuvent avoir des compétences au fond, comme les
autres juridictions. C’est assez extraordinaire : on a la vitesse du référé, mais on débouche sur une
décision de fond, ayant l’autorité de chose jugée, n’étant donc pas provisoire ( = autorité normale).

§2 Actions en cessation
A Champ d’application et B L’action en cessation
On ne voit que (parmi les exemples énumérés dans le SYLLA) les actions en cessation. Il s’agit d’actions
que le législateur, depuis le début des années 1970, confie aux présidents des tribunaux pour faire
cesser tel ou tel acte illégal. Depuis les années 1970, se multiplient ces législations, où le législateur
veut donner aux présidents des tribunaux le pouvoir d’aller très vite, pour faire cesser au fond, avec
autorité de chose jugée, un comportement illégal. Ça a commencé avec les pratiques commerciales
déloyales (aujourd’hui : les pratiques de marché). Puis, la protection de l’environnement a suivi (1993),
la protection des épargnants, des consommateurs, de la vie privée, en matière d’anti-discrimination,
etc.  ces matières font l’objet d’actions en cessation, confiées aux présidents des tribunaux.

Au sujet de ces actions en cessation, il faut faire quelques remarques.

- Quid de la nature de l’action en cessation ? Deux remarques :


A. Comme en matière de sécurité sociale, il s’agit d’un contentieux spécial, objectif. Le
président doit apprécier la légalité objective du comportement en question.

B. Il s’agit (dixit doctrine et Cass.) d’une compétence EXCLUSIVE. C’est exclusif et restrictif :
le président ne peut faire que ça : c’est binaire  soit le président rejette la cessation, soit
il y a cessation ! Rien d’autre (pas de contentieux en indemnisation, de contentieux
supplémentaire, etc.).

- Quid des titulaires ?


Double particularité :
A. Ce sont des actions attitrées à certains acteurs. Par exemple, en ce qui concerne l’action
en cessation en matière d’environnement, deux acteurs sont compétents, notamment 1.
Des associations de protection de l’environnement et 2. Le Procureur du Roi. Un citoyen
lambda peut agir en justice, mais que devant le TPI en tant que juridiction ordinaire (pas
en cessation).

B. Deuxièmement, ici, les acteurs collectifs, institutionnels (association de protection de


l’environnement, des consommateurs, des épargneurs…) peuvent avoir intérêt à agir en
cessation.  En droit commun, ce n’est pas si évident qu’un être collectif puisse agir en
justice.

Concernant la procédure, il est dit : le président un tel statue en cessation comme en référé. C’est donc
du ‘comme si’. L’action en cessation est du ‘comme en référé’ (mêmes délais, même vitesse, même
efficacité…), mais ce n’est pas une décision en référé, car elle débouchera sur le FOND, qui n’est pas
provisoire + qui a l’autorité de la chose jugée (« c’est le beurre + l’argent du beurre »).

Qu’en est-il du jugement ? De l’ordre de cessation ? C’est du comme en référé une fois de plus. Le
jugement est exécutoire de plein droit. Le jugement a autorité de la chose jugée. L’autorité est erga
omnes ! Elle lie non seulement les parties, mais toute personne (elle est même renforcée par rapport
au pénal ( !! )). Enfin, c’est une décision qui doit se restreindre à la cessation : cessation ou pas. Je peux

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demander des dommages et intérêts par exemple, mais à côté de la cessation, via une action sur le
côté (juge de paix, si moins de 5 000 EUR, TPI si plus, Trib. de l’entreprise en cas d’entreprises en
présence).

6e cours

Sect. III : le référé familial


Quelques éléments propres au référé familial. Depuis une Loi de 2013, qui a créé le Trib. de la famille,
le référé familial s’est vraiment singularisé. Il a pris des caractéristiques tellement propres, qu’une
section spécifique est dédiée à ce sujet dans le syllabus.

§1 Particularités de compétence
(SYLLA P. 148 à 151) Quelques particularités de compétence :

1) Le Trib. de la famille est son propre juge des référés. Dans les autres matières, (on l’a vu) le
président du tribunal (TPI, travail, entreprise) est le juge des référés de son tribunal, tandis que
dans le cas du référé familial (artt. 90 et 584, al. 2 C.Jud.), les chambres de la famille (= le Trib.
de la famille) sont non seulement les juges du fond des litiges familiaux mais aussi leurs propres
juges des référés. Pourquoi cette particularité, cette fusion de casquette ? Un juge, une famille,
un dossier  on voulait éviter le morcellement des conflits familiaux. On voulait la
concentration entre les mains d’un seul magistrat, y compris en référé.
NUANCE (art. 584) : en cas d’extrême urgence ou d’absolue nécessité, le Trib. de la famille
passe la main au Président du TPI.

2) Art. 1253ter/4, §2 C.Jud. ( !! ) : cet article énonce 7 compétences particulières. Ces 7


compétences sont les plus importantes (l’autorisation de résider séparément, l’autorité
parentale, l’hébergement des mineurs et des relations personnelles, les obligations
alimentaires, les enlèvements internationaux d’enfants, les autorisations de mariage et refus
de cohabitation légale). C’est le domaine de tout ce qui concerne les mesures provisoires du
contentieux conjugal. Ces mesures-là sont ‘des chouchoutes’  elles jouissent de plusieurs
facilités procédurales, c’est-à-dire que l’urgence est présumée dans ces contentieux-là, il ne
faut pas la démontrer. Ce sont des contentieux de fond, mais qui sont traités à la vitesse du
référé (comme les actions en cessation).  Dans les autres contentieux familiaux, qui ne sont
pas les chouchous, il faut continuer à démontrer l’urgence.

§2 Particularités de procédure
(Voy. SYLLA)

(Art. 1253ter et s.) Une première particularité : à côté du dossier de la procédure, il y a le dossier
familial. Tout ce qui concerne une même famille fait partie d’un dossier compact, notamment le
dossier familial.

Deuxième particularité : pour les 7 mesures chouchoutés, il y a d’autres particularités, propres à celles-
ci. Non seulement il y a l’urgence présumée, mais aussi, il y a d’autres particularités :

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A. Dans ces 7 contentieux, les parties ont l’obligation de comparaître personnellement (donc pas
par avocat), à l’audience d’introduction et à toute audience où sera traité la question de
l’hébergement et de l’entretien des enfants.
a. Il s’agit de conscientiser les parents quand il s’agit de leurs enfants.
b. Il s’agit de faire une sensibilisation des justiciables aux modes alternatifs de règlement
de conflits (médiation, conciliation…). Il ne faut pas convaincre les avocats, mais il faut
convaincre les parents.

B. Une action en justice s’introduit soit par citation, soit par requête. Ici, le mode le plus souple
s’applique : on peut choisir si on introduit par citation ou par requête. L’enjeu ? La citation est
plus rapide (la convocation est dans les 2 jours)  le requête, quant à elle, convoque le
défendeur dans les 15 jours. L’enjeu est donc la proximité plus ou moins intense de l’audience.

C. Les chouchoutes sont traitées comme en référé  cela débouche sur des décisions de fond,
mais à la vitesse du référé. L’urgence est présumée, mais elle est aussi réelle.

D. L’avis du Ministère Public est toujours requis lorsque le procès concerne des enfants.

E. Lorsqu’on parle des délais de conclusion, on voit que les délais sont raccourcis devant le Trib.
de la famille.

F. Le Trib. de la famille, en vertu de l’art. 1253ter/6 a des pouvoirs d’investigation renforcés.

G. Art. 1253ter/7 C.Jud. : la saisine permanente  dans les 7 contentieux privilégiés, une fois
que le Trib. de la famille rend sa décision, il peut faire le service après jugement. Lorsque les
parties se prévalent d’un élément nouveau, on peut facilement revenir devant le Trib. pour
revoir le jugement.

H. Art. 1398/1 C.Jud. ( !! ) : les décisions du Trib. de la famille jouissent d’une force exécutoire
renforcée. (Presque) toutes les décisions du Trib. de la famille sont exécutoires de plein droit.
Il y a là un renforcement de leur efficacité (SYLLA P. 321).

Chap. 6 : Compétences des juridictions d’appel


(Pour tout ce qui concerne la procédure d’appel : P. 369 et s. SYLLA)

Sect. I : double degré de juridiction


Contrairement à ce qu’on penserait intuitivement, le double degré de juridiction n’est pas un principe
général de droit/absolu : ni la CEDH, ni notre CE, ni notre CC, ni notre Cour de cass. n’érige ce principe
en une garantie absolue du justiciable. La Belgique a, par exemple, émis une réserve en signant le Pacte
ONU (de New York) sur les libertés et les droits fondamentaux (art. 14)  en matière civile, en
Belgique, nous dérogeons au droit à l’appel. Le droit à la seconde chance n’existe pas en droit judiciaire.

Malgré tout, le droit belge est généreux en matière de recours. Toutefois, ça demeure un droit non
absolu !

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Sect. II : considérations liminaires sur les compétences respectives des juridictions d’appel
§1 Compétence d’attribution
Tout ce qui concerne les compétences du juge d’appel est d’ordre PUBLIC. Que cela touche à leur
compétence matérielle, territoriale…

Quid des compétences matérielles des juges d’appel ? Siège du propos : artt. 602 à 607 C.Jud. (Idée :
« dis-moi qui est le juge en première instance, je te dirais qui est ton juge d’appel »).

- TPI (et toutes ses sections) + président du TPI  Cour d’appel.


- Trib. de l’entreprise + président  Cour d’appel.
- Trib. du travail  Cour du travail.
- Juge de police + juge de paix  TPI ( !! ). Selon l’art. 577, le TPI est, depuis 2014, le seul juge
d’appel possible pour le Trib. de police et le juge de paix (même en cas de bail commercial par
exemple).

Il y a une jurisprudence importante de la Cour de cass. qui, pendant un petit temps, a été troublée,
mais qui est aujourd’hui totalement stabilisée. Il y a eu un trouble en 2002 : la Cour de cass. a, en 2002,
obligé le juge d’appel à vérifier d’office si le juge de premier ressort était ou non matériellement
compétent, alors que personne n’avait pourtant contesté sa compétence. Cet arrêt a fait l’objet de
multiples critiques.
- Il y a une profonde atteinte à l’autorité de la chose jugée.
- Il y a une atteinte au principe dispositif : le juge d’appel soulèverait une contestation que
personne n’a jamais soulevée.

En 2008 et en 2013, des rectifications ont eu lieu  si la compétence du premier juge n’a pas été
remise en cause devant le premier juge, en degré d’appel, on ne peut pas soulever le déclinatoire.

§2 Compétence ratione loci


Quid de la compétence ratione loci : « dis-moi d’où vient la décision, je te dirai ou l’appel doit avoir
lieu » (p.ex. : un litige tranché en 1ère instance à Charleroi va à Mons en appel).

§3 Compétences spécifiques des Cours d’appel


Il s’agit ici de quelques compétences dont bénéficient les Cours d’appel, à côté de leurs compétences
classiques. Les Cours d’appel reçoivent des compétences spécifiques, qu’on retrouve aux artt. 603 à
606 C.Jud. :

A. Une juridiction de premier ressort de connaître des demandes concernant la déchéance de


nationalité, la réhabilitation du failli…

B. Une compétence très particulière : connaître des recours contre les décisions qui émanent
d’autres organes que les juridictions de l’ordre judiciaire (p.ex. : contre les décisions des
gouverneurs de province en matière de calamité naturelle).

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Sect. III : principes et règlement des conflits sur la compétence des juridictions d’appel
§1 Absence de juridiction connaissant de tout appel
Il n’y a pas – en degré d’appel – de juridiction ordinaire dite coucou  c’est du chacun chez soi en
degré d’appel. Tout est réglé par la loi (matérielle/territoriale) et tout est parfaitement étanche. Toutes
ces règles sont d’ordre public.

§2 Inapplicabilité au niveau d’appel des dessaisissements avec renvoi pour cause de connexité
ou de litispendance
En degré d’appel, il n’y a pas d’application pleine et entière des mécanismes de litispendance et de
connexité. Il n’y a JAMAIS possibilité de jonction d’une affaire pendante en degré d’appel avec une
affaire pendante en première instance. Il n’y a pas de mécanismes de renvoi pour connexité d’un juge
d’appel à un autre.

Toutefois, deux précisions :

- Nous avons vu l’hypothèse d’une jonction directe pour cause de connexité. De quoi s’agit-il ?
De l’art. 701 C.Jud. : le demandeur estime en amont que deux demandes sont connexes. Plutôt
que de les porter devant deux juges différents, je ‘fais le boulot moi-même’ et je joins les deux
demandes dans un seul et même acte. Je choisis le bon juge, dans l’ordre de préférence.

- Nous avons vu la possibilité d’une jonction d’office pour cause de connexité. De quoi s’agit-il ?
De l’art. 856, al. 2 C.Jud. : le juge constate que deux affaires connexes sont pendantes devant
lui. Que fait-il ? Il peut joindre les deux causes connexes d’office.
 On peut appliquer ces deux mécanismes en degré d’appel, grâce à une disposition fort
importante, notamment l’art. 1042 C.Jud. Il est à la charnière entre la première instance
et les voies de recours. L’article dit que, si une question technique de procédure se pose à
l’occasion d’une voie de recours :
a. Soit elle reçoit une réponse particulière, dans les dispositions relatives à cette voie de
recours,

b. Soit, s’il n’y a pas de réponse particulière, on fait du copier-coller  on prend les
dispositions applicables en première instance et on les applique en degré d’appel.
Ici, la jonction directe et la jonction d’office s’appliquent en degré d’appel.
Deux exemples :
 Je souhaite interjeter appel de deux décisions rendues dans un même
contexte, entre les mêmes parties (le juge a rendu un premier jugement,
partiel [on appelle ça un jugement interlocutoire], puis un jugement final).
Pourquoi faire deux requêtes d’appel, si on peut le faire en une fois !

 Je suis Cour d’appel et, dans un litige multipartite, je vois arriver deux requêtes
d’appel, alors qu’il s’agit d’un même jugement  je joins d’office (art. 1056
C.Jud.) les deux requêtes d’appel (via l’art. 1042 C.Jud.).
Par ailleurs, tout ce qu’on a appris concernant le dessaisissement (art. 648
C.Jud.) s’applique de façon identique au juge d’appel ( !! ).

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§3 Déclinatoires de compétence
(Dans ce paragraphe, on ne revient plus sur les incidents de répartition interne (Cour d’appel/Cour du
travail). Les incidents de répartition (art. 88, §2) qu’on a étudié précédemment s’appliquent à
l’identique en degré d’appel (artt. 109 et 109bis C.Jud.)).

Quid des déclinatoires de compétence en degré d’appel, c’est-à-dire des conflits entre différents juges
d’appel. Il n’y a qu’une base légale  l’art. 643 C.Jud. : « Dans les cas où le juge d'appel peut être saisi
d'un déclinatoire de compétence, il statue sur le moyen et renvoie la cause, s'il y a lieu, devant le juge
(d'appel) compétent. » La lecture de ce texte nous donne une conséquence fondamentale : il y a là la
règle selon laquelle un déclinatoire de compétence, en degré d’appel, est toujours tranché par le juge
d’appel lui-même  il n’y a pas d’intervention par un autre organe. Le juge d’appel fait le job s’il y a
matière de déclinatoire de compétence. Rappel : ce déclinatoire est d’ordre public !

Après, il faut voir que l’art. 643 recouvre deux hypothèses différentes : une hypothèse simple et une
hypothèse plus compliquée.

A) Hypothèse la plus simple  le déclinatoire de compétence ne concerne que le juge d’appel


lui-même.
EXEMPLE : l’appelant s’est pris les pieds dans le tapis ; il devait aller à Mons, mais il est allé à
Liège (Cour d’appel). (C’est rare.) Il y a ici un déclinatoire qui porte EXCLUSIVEMENT sur le
choix/sur la détermination territoriale (ou matérielle = aussi possible). Qu’advient-il ? Il y a un
déclinatoire d’ordre public ; le juge d’appel statue lui-même (art. 643 C.Jud.). Que doit-il faire ?
Il doit statuer sur le moyen. S’il y a lieu, il renvoie la cause devant le juge d’appel compétent.
Quels sont les effets ? Art. 660 : le juge d’appel est lié !

B) La seconde hypothèse dans l’art. 640 est plus subtile : on ne la voit pas à première lecture.
C’est l’hypothèse où l’incompétence éventuelle du juge d’appel est la conséquence directe
d’un problème de compétence du premier juge. L’incompétence/la compétence du premier
juge rebondit en degré d’appel parce qu’il y a un appel formé contre une décision relative à la
compétence du juge d’appel.
Quel est le scénario ? Nous avons à faire à une décision rendue sur la compétence, frappée
d’appel. De quelle décision parle-t-on ? Peut-il s’agir d’une décision du Trib.
d’arrondissement ? NON  on a vu (art. 642 C.Jud.) que, contre une décision rendue par le
Trib. d’arrondissement, il n’y a pas d’appel possible. Le scénario est que le premier juge a fait
le boulot lui-même : il a statué sur le déclinatoire. C’est l’hypothèse de l’art. 639, où le
déclinatoire, quel que soit sa nature, est soulevé par le défendeur (ordre public  à tout
moment  ordre privé  in limine litis). Le demandeur fait le choix (art. 639 C.Jud.) de laisser
le juge statuer lui-même sur sa compétence. Là, il y a un appel. À quel moment cet appel est-
il possible ? (SYLLA P. 371  sur l’art. 1050, al. 2). Il n’est pas possible d’introduire un appel
immédiatement  le jugement ne peut être frappé d’appel que plus tard, en même temps
que l’appel contre le jugement définitif, sur le fond. Deux options (via des exemples) (SYLLA P.
157 et 158 (pour clarifier)) :
a. Le Trib. de première instance est saisi ; le défendeur soutient qu’il s’agit d’un litige
relevant de la compétence (spéciale ou exclusive, peu importe) du Trib. de
l’entreprise  déclinatoire = soulevé. Le demandeur dit : « TPI, statuez vous-
mêmes ».
Soit le TPI rejette le déclinatoire et se déclare compétent. Il statue au fond. Il donne
tort au défendeur  le défendeur a donc perdu sur toute la ligne :
i. Son déclinatoire = rejeté,

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ii. Il est condamné.

Que peut-il faire ? Il décide de faire appel du tout. Devant qui ? (Art. 602 C.Jud.)
Devant la Cour d’appel, car la Cour d’appel est compétente pour les décisions du TPI.
La Cour d’appel dit : « art. 643 ; je suis d’un appel sur un jugement rendu sur la
compétence »  de deux choses l’une :
i. Je (= la Cour d’appel) confirme la décision  le TPI était bien compétent (le
déclinatoire était foireux).
ii. Le déclinatoire était justifié, le défendeur avait raison. Le Trib. de l’entreprise
était compétent  je réforme la décision de compétence du TPI et je constate
que moi, Cour d’appel, je suis aussi le juge compétent (art. 643 C.Jud.  s’il y
a lieu, je renvoi devant le juge d’appel). Mais il n’y a pas lieu  je SUIS le bon
juge d’appel !

b. Autre exemple : on remplace le Trib. de l’entreprise par le Trib. du travail. Le TPI est
saisi et le défendeur soulève un déclinatoire de compétence. Il soutient que c’est le
Trib. de travail qui est compétent, car il s’agit d’un contrat de travail. Que fait le Trib.
de 1ère instance ? Le Trib. de 1ère instance statue et accueille le déclinatoire : « il s’agit
bien d’un litige qui relève du Trib. de travail ». Le Trib. de 1ère instance renvoie au Trib.
de travail. Un appel immédiat n’est pas possible (art. 1050)  le demandeur doit
attendre. Imaginons que le demandeur initial perd sur le fond, devant le Trib. de travail
(et donc perd sur toute la ligne) et qu’il décide d’envisager un appel. Il fait appel des
deux jugements, devant la Cour du travail (art. 603 C.Jud.). Le jugement définitif a été
rendu par le Trib. du travail  on voit que la Cour du travail est saisie d’un double
appel :
i. Un appel contre le jugement d’incompétence du TPI,
ii. Un appel contre le jugement définitif du Trib. de travail.

La Cour du travail a deux options :


i. C’est à juste titre que le TPI s’est déclaré incompétent + la Cour du travail
considère qu’elle est le bon juge  elle statue sur le fond.
ii. C’est à tort que le TPI s’est déclaré incompétent : il était compétent  je
réforme sa décision d’incompétence (art. 643)  je renvoie, s’il y a lieu, au
juge d’appel compétent. Dans ce cas-ci, il y a lieu ! Le juge d’appel
compétent = la Cour d’appel. Je renvoie sur le fond le dossier à la Cour
d’appel.
 Voilà les deux hypothèses de l’art. 643 C.Jud. !

(Sect. IV : conditions rendant appelable une décision (ressort)


(SYLLA P. 159 à 162)

On verra ces pages lorsqu’on abordera l’appel. On reviendra dessus lorsqu’on étudiera les « décisions
appelables » (P. 375 SYLLA).)

(Chap. 7 : compétences de la Cour de cassation


(P. 163 à 170 SYLLA) Idem : on verra (peut-être) ces pages plus tard, au mois de mai, si on a le temps.)

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PARTIE II LA PROCÉDURE CIVILE
Chap. 1 : l’action et la demande
(SYLLA P. 172 et s.)

L’action en justice est un droit subjectif fondamental, comme les autres, mais pas tout à fait comme
les autres. Nous verrons que « l’action en justice est le droit qui donne accès aux autres droits ». C’est
le droit subjectif qui permet de valoriser – en justice – les autres droits subjectifs. Il donne réalisation
concrète aux autres droits subjectif. Comme on le dit en droit romain : « ubi ius, ibi iudex »  là où il
y a le droit subjectif, il y a forcément un juge (Sect. I).

On va aussi tacher, dans le langage technique, de ne pas confondre action et demande. Il y a le droit
d’action, qui est le negotium, et la demande en justice, qui est l’acte qui l’exprime concrètement (Sect.
II).

Enfin, Sect. III : on va envisager la défense en justice, qui est l’expression du droit d’action, mais de la
part du défendeur cette fois-ci. Il a aussi un droit d’agir en justice, en se défendant d’une demande
portée contre lui.

Sect. I : le droit d’action


§1 Définition et caractères
A Définition
Le Code Judiciaire ne comporte pas de définition judiciaire du droit d’action en justice. (Charles Van
Repingen ne voulait pas écrire un code théorique.)  Penchons-nous sur le droit français, qui définit
le droit d’action comme le droit d’en appeler au juge, aux fins d’obtenir de lui qu’il se prononce, par
application des règles de droit, sur une prétention qui lui est soumise. Un petit élément qui nous parait
normal, mais qui n’est pas universel : l’idée que l’action en justice amène le juge à se prononcer
conformément au droit. Ce n’est PAS universel ! En effet, il existe une figure qu’on appelle l’amiable
composition (en droit français notamment). C’est la possibilité – offerte aux parties dans certains
litiges, étrangers à l’ordre public – de dire au juge qu’il peut statuer en équité pure, sans tenir compte
de la législation  le juge juge en pur bon sens. Parfois, en Belgique, le juge statue aussi ex aequo et
bono, mais ce n’est que lorsque la loi délègue au juge de statuer en équité. De plus, l’équité n’est pas
tout à fait étrangère au droit belge, car il existe en Belgique la figure de l’arbitre. On confie le pouvoir
de statuer à un arbitre.

B Caractères
Deux choses :

- Le droit d’action est un droit.


Comme on l’a dit ci-dessus (en droit Romain) : dès qu’il y a droit, il y a un juge. À chaque droit
subjectif doit correspondre un droit d’agir en justice. Dans l’histoire du droit et des institutions,
à partir du moment où on abandonnait le droit de se rendre justice à soi-même, il fallait
garantir aux sujets de droit le droit au juge, le droit d’accéder au juge. La Cour EDH s’évertue
à le faire depuis les années 1970. L’art. 6 de la CEDH énonce toute une série de garanties
(l’impartialité, l’indépendance du juge…). Toutefois, le droit au juge n’était pas inscrit dans
l’article en soi, car c’était tellement évident lorsqu’on l’a écrit. Il a fallu attendre jusqu’en 1971

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pour que la Cour de Strasbourg dise que c’est tellement évident que ce n’est pas écrit : c’est
un droit fondamental.
On pourrait même dire que c’est un droit ultra protégé. Certes, l’Etat n’a pas le monopole de
l’action en justice, mais il doit garantir à tout le monde le droit d’accéder au juge/à l’arbitre.
Même l’arbitrage est réglementé par des lois impératives.
 C’est un droit fondamental !!
Arrêt Anca : lorsque le service public de la justice dysfonctionne, en raison de retards
inadmissibles, en raison d’erreurs judiciaires graves  il est possible, depuis 1991, de retenir
la responsabilité de l’Etat, du fait du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire.
Depuis 2006, il est également possible de retenir la responsabilité de l’Etat législateur, pour
des insuffisances humaines et budgétaires de la justice.
 Le droit au juge est à ce point important et préservé, que l’Etat judiciaire (Anca) et
législateur (Ferrara) engage sa responsabilité. Mal protéger le droit d’agir en justice = une
responsabilité presque objective : une obligation de garantie.

- Le droit d’action est un droit autonome, distinct.


Il est doublement autonome :
o De la demande :
Il ne faut pas confondre droit d’action en justice et demande. Le droit d’agir en justice,
c’est le negotium. La demande, c’est le véhicule procédural, qui saisit le juge (= l’acte
de procédure = le papier).
Quelques items qui montrent la distinction :
Imaginons qu’un instrumentum est déclaré nul pour vice de forme. La demande est
déclarée nulle  elle est rejeté. Est-ce pour autant que l’affaire est foutue ? Non 
le demandeur pourrait réitérer proprement la demande, en exprimant le même droit
d’action. Il y a une demande nulle et une demande valable ! La demande valable
passe !
Deuxième illustration : je dépose une demande en justice, déboutée. Le juge l’a
rejetée. Est-ce pour autant que je suis privée de la possibilité de réessayer ? Oui et non
(SYLLA P. 316 sur l’autorité de la chose jugée) 
 Oui : rien n’empêche d’introduire une autre demande (avec un autre objet, un
autre fondement…) pour justifier de mon action en justice.
On pourrait parfaitement, si l’autorité de la chose jugée n’y fait pas obstacle,
si la prescription n’y fait pas obstacle, réintroduire autrement l’action, par le
biais d’une autre demande.

 Non : normalement, l’autorité de la chose jugée empêche de réitérer une


demande. Normalement, on n’a donc qu’une balle pour atteindre la cible.
Dernièrement : les incidents de désistement (SYLLA P. 334 et s.) (art. 820 et s. C.Jud.).
Le prof parle ‘DES’ désistements, car il y en a au moins deux (il y a en trois, mais on
n’en étudie que deux).
1. Le désistement d’instance (‘le petit désistement’) : se désister de son
instance = se désister de la demande introduite.
Est-ce pour autant que je renonce à tout jamais à mon action ? NON  je
pourrais réintroduire mon action, à travers une autre demande. Par
contre, il existe le désistement d’action.

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2. Le désistement d’action (‘le plus grand désistement’/’le plus solennel’) :
non seulement je me désiste de l’acte de procédure (qu’on appelle
demande), mais aussi je promets à mon adversaire qu’à tout jamais je
n’introduirai plus d’action.

o Du droit subjectif matériel revendiqué (= le droit subjectif matériel que je réclame en


justice : filiation, droit de créance, de propriété…) : l’action en justice ne se confond
pas avec le droit matériel qu’il réclame !
EXEMPLE : (droit administratif, rappel) il peut y avoir un droit d’action, sans droit
subjectif ! C’est ce qu’on appelle le contentieux objectif. Ce sont des droits autres que
des droits subjectifs qu’on revendique.
EXEMPLE : l’obligation naturelle (droit romain + droit des obligations)  j’ai un droit
d’agir en justice, et pourtant je n’ai pas de droit subjectif d’aliment vis-à-vis du
défendeur.
EXEMPLE (action en nullité) : l’action en annulation d’un contrat pour vice de
consentement/minorité du cocontractant (= incapacité)  les actions en annulation
pour vice de consentement/minorité se prescrivent en 10 ans. Si j’oublie d’agir en
annulation de tel ou tel contrat, je perds mon droit subjectif d’agir en justice par le fait
de la prescription. Imaginons que, trente ans plus tard, je suis défendeur à une action
en justice, fondée sur ce contrat. Est-ce que je peux encore me prévaloir du droit
subjectif de la nullité ? Oui, par voie d’exception. J’ai perdu mon droit d’action par
prescription, mais je garde mon droit subjectif à me défendre au motif de
l’invalidité/de nullité qui affecte l’acte juridique.
Plus fondamentalement : j’agis en justice, au nom de mon client ; je perds. Quelle est
la teneur de ce verdict ? On me dit que j’ai le droit d’agir en justice (droit garanti par
la Cour EDH), mais le droit subjectif que je revendique n’existe simplement pas.
Cela étant dit : le droit d’agir en justice est-il absolu ? Est-il à ce point magnifique qu’il
est épargné de la théorie de l’abus de droit ? NON  il y a ce qu’on appelle en droit
judiciaire l’abus procédural ! La théorie s’applique avec des RÉSERVES.
Depuis 2003, la Cour de cass. est très claire à ce sujet : elle dit qu’il y a abus procédural,
lorsque :
 J’introduis mon action en justice avec une intention dolosive (c’est-à-dire
méchante, dilatoire, perverse)  non seulement je perds, mais aussi je
commets un abus de droit.

 Je commets une erreur manifeste ( !! ) d’appréciation de fait ou de droit (il


faut commettre une erreur grossière !

 Dans ces cas-là, je suis sanctionnée pour abus du droit d’agir en justice.
Quelles sont les sanctions ? Elles sont triples : 1. Je perds, 2. Je suis
sanctionnée pécuniairement, par les dommages et intérêts ( je commets
une faute, laquelle m’oblige à réparer le dommage moral/matériel non déjà
couvert par les frais de justice) + comment puis-je, en tant que défendeur
réclamer l’indemnisation de cet abus de droit ? Via l’art. 563, al. 3 (demande
reconventionnelle)  tout juge est compétent pour juger de la demande
reconventionnelle basée sur l’abus de droit, commis par le demandeur ; et 3.
Dans le Code Judiciaire, en cas d’abus, je peux être amenée à indemniser mon
adversaire, mais je peux aussi faire l’objet d’une amende civile (art. 780bis).

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Le juge peut m’infliger une amende pour atteinte au service public de la
justice, à cause de mon comportement abusif. (Les Canadiens appellent les
gens qui abusent de ce droit des kirilans = un plaideur fou, abusif, qui commet
des erreurs manifestes.)

§2 Conditions de l’action
Les conditions sont cumulatives, au nombre de trois : la capacité, la qualité, l’intérêt. Deux des trois
sont explicitement prévues par la loi (la qualité et l’intérêt (artt. 17 et 18 C.Jud.)). La troisième
condition est venue se rajouter aux deux autres, par l’impulsion de la jurisprudence de la Cour de
cassation et la doctrine.

A La condition de capacité
Pour être titulaire et pour exercer une action en justice, il faut, comme pour n’importe quel autre droit,
jouir de la capacité de jouissance et de la capacité d’exercice.

Voyons la capacité comme condition d’existence du droit (SYLLA P. 175). Pour être titulaire du droit
d’agir en justice, il faut être né vivant et viable. Ça vaut pour les personnes physiques et morales. Pour
les personnes physiques, il faut être né vivant et viable pour être titulaire, au sens de la capacité de
jouissance, d’un droit d’agir en justice. P.ex. : le cas de l’affaire Péruche (France)  a donné lieu à un
célèbre arrêt de la Cour de cass. Une réforme législative a suivi. L’affaire parlait du wrongful birth. In
casu, ce n’était pas la maman qui se plaignait, mais l’enfant lui-même, Nicolas Péruche : il se plaignait
du fait de sa naissance. Le cas a donné suite à des débats politiques, philosophiques… Des philosophes,
des procéduriers… ont été entendus. Les procéduriers ont dit qu’il y avait un souci : Nicolas Péruche a
une action en justice, parce qu’il est né. Quel est l’objet de son action ? Se plaindre du fait de sa
naissance  l’action tourne à l’absurde : il nie la condition de son existence-même. Le droit à la dignité
humaine est évidemment passé au-dessus. La Cour de cass. a fait droit à cette action et le législateur
français a voté un article pour condamner le principe : « nul ne peut se plaindre du fait de sa
naissance ». C’est aussi la position récente, depuis 2017, de la Cour de cass. de Belgique.

Revenons aux personnes morales. En tant que personne morale, il faut exister. Pour exister, il faut soit
être créé par loi, soit rencontrer les formes prévues par la loi (unions professionnelles, ASBL…). Est-ce
à dire que, lorsqu’un groupement de personnes physiques, ne jouit pas de la capacité (= de la
personnalité juridique), ce groupement n’a pas de droit d’agir en justice ? La réponse est
radicale/crue : en droit belge, si tu n’existe pas en tant que groupement, tu n’as pas de droit d’agir en
justice. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de culture de ce qu’on appelle les plaignants idéologiques. Si on
veut faire une action en justice en tant que groupement, il faut créer une ASBL, par exemple. Il y a UNE
exception notable, notamment le syndicalisme ! La Loi de 1968 sur les conventions collectives de
travail confère aux syndicats le droit d’agir en justice, alors que le syndicat n’a pas la personnalité
juridique. C’est un cadeau, une protection. Ne pas avoir la personnalité juridique est une protection.
Ça permet d’être immunisé contre toute forme d’action en justice (de saisi, de reproche…). Non
seulement le syndicat est immunisé par son incapacité, mais en outre, il reçoit le droit d’agir en justice,
pour faire protéger les droits collectifs des travailleurs. La Cour de cassation dit qu’il faut interpréter
cette exception de façon restrictive.

Si je forme un groupement de fait (« les amies du retour en présentiel », par exemple), non constitué
sous forme d’ASBL  je ne peux pas agir en justice pour obtenir un cours à l’Ommegang. Que pourrais-

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je faire ? Tous nos membres peuvent agir en justice/on pourrait charger une personne d’agir en notre
nom et pour notre compte (= mandataire).
Attention au faux-semblant, à l’art. 703, §2 C.Jud. Il s’agit d’une réforme législative assez récente. Cet
article nous dit : « si vous êtes un regroupement de fait (« les amies du retour en présentiel », par
exemple) ; si votre association de fait se fait immatriculer à la Banque carrefour des entreprises (ce qui
est possible), alors il y a une facilité qui vous est procuré par cet article »  toute action en justice qui
serait faite pour vous (les membres de l’association) peut se contenter de la dénomination « les amies
du retour en présentiel ». Toutefois, ça ne signifie pas que les amies du retour en présentiel sont la
demanderesse en justice. La demanderesse = les étudiants membres de cette association, pour le
meilleur ou pour le pire  ce n’est pas l’association qui gagne ou qui perd, mais les membres pris
individuellement. Ce n’est qu’une facilité de présentation.

De même, l’art. 703 C.Jud. précise que si une association de fait désigne un mandataire, le mandataire
peut représenter le groupe en justice, mais si le groupe perd/gagne, ça reste la victoire/défaite des
membres représentés. Il ne s’agit pas d’une reconnaissance du droit d’agir en justice d’un groupement
de fait !!

Qu’arrive-t-il lorsque (et ce n’est pas si rare) une association de fait ou une entité qui n’existe pas/une
entité non ou plus valablement constituée introduit une action ? Quelle est la sanction ? La réponse
de la Cour de cass. : « l’action en justice introduite par une entité inexistante est irrecevable ! ». Quel
est le statut de cette ‘bestiole’ ? Aussi curieux que ça puisse paraître, ce n’est pas d’ordre public. Seul
le défendeur peut soulever l’irrecevabilité. On appelle cela une fin de non-recevoir. La Cour de
cassation se montre intransigeante : une fois que c’est soulevé et que le juge constate l’irrecevabilité,
il n’y a plus de réparation possible !

En ce qui concerne la capacité comme condition d’exercice (P. 178 SYLLA). Une fois que je jouis de la
capacité de jouissance, faut-il encore que je puisse exercer mon action en justice : c’est la capacité
d’exercice.
Si je suis une personne physique, soit je suis parfaitement capable pour agir moi-même en justice, soit
je suis une personne physique affectée d’une cause d’incapacité d’exercice (je suis mineur ou majeur,
mais placée sous un statut de protection). Dans ce cas-là, la capacité d’exercice doit être confiée à
quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre, qu’on appelle le représentant légal, reçoit la capacité
d’exercer mon action, en mon nom et pour mon compte. Elle a la qualité pour agir à ma place.

Petit ajustement : il y a des cas dans lesquels, exceptionnellement, la loi/la jurisprudence autorise à
l’incapable d’agir en justice (art. 1253ter/8 C.Jud.). Dans cet article on retrouve les cas dans lesquels
le mineur peut agir en justice. La Cour de cass. y ajoute des cas dans lesquels le mineur peut agir lui-
même, à titre exceptionnel.

Quid si je suis une personne morale ? Une personne morale ne comparait pas personnellement. Des
organes, ayant qualité, s’en chargent. Concernant la capacité d’exercice des personnes morales : une
personne morale doit respecter un principe de spécialité. Elle ne peut agir en justice que dans les
limites de son objet social.

B La condition de qualité
(Art. 17 C.Jud.) La personne qui agit doit avoir qualité pour agir. Qu’est-ce que cela signifie ? « Le
pouvoir en vertu duquel une personne exerce l’action en justice » (SYLLA P. 180).

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Le plus souvent, la qualité est présentée comme un complément de la capacité d’exercice. Lorsque je
suis incapable d’exercer l’action dont je suis titulaire (parce que je suis un enfant, parce que je suis
malade mentalement, parce que je suis une société…). Quelqu’un agit à ma place, qui a la qualité. Mais
ce n’est pas tout : il y a des cas dans lesquels la qualité pour agir (= le titre que l’on reçoit) est plus
qu’une condition d’exercice  c’est alors une condition d’existence de l’action. Mais, le plus souvent,
la qualité est avant tout une condition d’exercice.

- Parfois, la qualité est une condition d’existence de l’action en justice  normalement, si je


suis née vivante, viable et que j’ai un intérêt, je peux exercer toute action en justice. Toutefois,
dans certains cas particuliers, la loi veut réserver/attitrer l’existence/la titularité d’une action
à certaines personnes privilégiées. Il ne suffit pas d’être existant et d’avoir un intérêt : il faut
aussi être désigné par la loi. L’action banale (= l’action normale), le législateur oppose des
actions réservées.
Quelques exemples :
o Le droit de la filiation. Les actions en contestation ou en recherche d’état sont attitrées
(l’enfant, le père, la mère, le père présumé). Les grands-parents par exemple n’ont pas
qualité pour agir : ils n’ont pas d’action en justice.

o Les actions en cessation. Bon nombre, voire la plupart, des actions en cessation sont
attitrées. Un exemple : la Loi du 12 janvier 1993 (en matière de protection de
l’environnement) réserve les actions en cessation au Procureur du Roi (très rare) et
aux associations de protection de l’environnement. En d’autres termes, les personnes
physiques (scientifique, riverain…) ne peuvent agir !

- Dans d’autres cas, la qualité est une condition d’exercice de l’action. Nous revenons à l’idée
de capacité. Si j’ai la capacité de jouissance, mais pas la capacité d’exercice, quelqu’un d’autre
doit exercer mon action à ma place. Elle reçoit la qualité pour agir à ma place. Quelques
remarques :
o Ne confondons pas qualité pour agir en justice avec la mention de la qualité. Voy. P.
215 et s. SYLLA p.ex. : la demande doit mentionner la qualité en laquelle on agit 
p.ex. : je suis le père d’un enfant mineur, qui a subi un dommage corporel  qui a
qualité – au sens de l’art. 17 C.Jud. – pour agir en justice ? La mère et moi  on agit
qualitate qua, en qualité de représentants légaux de notre enfant. Ça, c’est la
condition de fond, qui touche à la recevabilité de l’action.  Autre chose est de
l’indiquer dans la citation : « Monsieur et Madame Van Droogenbroeck, en leur qualité
de parents de l’enfant X ». Ça, c’est une mention de forme.

o Ne confondons pas non plus qualité pour agir au nom de quelqu’un comme
représentant légal avec assistance d’un avocat. Reprenons le même exemple. Ma
femme et moi avons qualité pour agir en qualité de représentants légaux de notre
enfant. On l’indique dans notre citation. Par ailleurs, nous pouvons consulter un
avocat, pour nous représenter en justice.

Comment cela se traduit ? Quid si des justiciables se pointent en justice et on s’aperçoit qu’ils n’ont
pas qualité pour agir en justice ? Réponse de la Cour de cass. : « c’est une fin de non-recevoir, ce défaut
de qualité ». La matière n’est pas d’ordre public  seul le défendeur peut soulever l’absence de
qualité.

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Qui décide de qui a qualité ? Il y a plusieurs sources possibles pour recevoir qualité d’exercer l’action
au nom d’autre : la loi, les statuts, le contrat.
- Pour tout ce qui est incapacité  Code Civil (= loi),

- Pour la plupart des personnes morales de droit public  Code Civil également,

- Pour les personnes morales de droit privé  les statuts,


Dans les statuts, on voit qui peut agir, en qualité d’organe, pour exercer l’action de la personne
morale de droit privé.

- Par contrat, on peut confier à quelqu’un d’autre le soin d’exercer notre action en justice. La
Cour de cass. admet la licéité de cette convention, par laquelle je donne mandat à quelqu’un
d’exercer mon action en justice, à CONDITION que cette convention ne porte pas fraude aux
droits des tiers.
EXEMPLE de contrat : le prêt de nom procédural. Je roule en auto ; l’auto est assurée auprès
d’une compagnie d’assurance ; garantie omnium. Un crash a lieu, l’autre est en tort. Comme
je suis assurée en omnium, je suis indemnisée par mon assurance. La compagnie d’assurance
retient souvent une franchise, qui reste à la charge de l’assuré. L’assureur, subrogé dans mes
droits, et moi-même pourrions agir en justice. Que peut-il se passer ? Je pourrais charger ma
compagnie d’assurance par un prêt de nom d’agir pour le tout.
 S’il n’y a pas qualité : fin de non-recevoir, d’ordre privé (soulevable que par le demandeur).
Si c’est soulevé et que le juge constate l’irrecevabilité, celle-ci est irrémédiable ( on ne
peut pas réparer). Pour y remédier, on devrait réintroduire, ab initio, une nouvelle action
en justice  on ne peut pas réparer ça en cours de route.

Trois précisions au niveau de la qualité comme condition d’exercice :

a) Il ne faut pas confondre la qualité en tant que mécanisme de représentation d’autrui en justice
avec l’action oblique (art. 1166 C.Civ.). Là (en cas d’action oblique), on n’agit pas en justice au
nom d’autrui (= au nom du débiteur)  dans l’action oblique, on exerce pour soi-même
l’action de son débiteur. Le titulaire de l’action oblique, c’est moi : le créancier.

b) L’exigence de qualité comme condition d’exercice, on la retrouve pour le demandeur ET pour


le défendeur. Elle s’applique de façon symétrique.
EXEMPLE : je conduis mon enfant à une fête d’anniversaire. Il joue au fut et pulvérise la fenêtre
de la maison où la fête a lieu. Ces gens pourraient agir en justice contre l’enfant, mais comme
il n’a que neuf ans, c’est en qualité que les parents seront assignés comme défendeurs
(qualitate qua (= en qualité) de représentant). (Les artt. 1382 et 1384 C.Civ. entrent en jeu in
casu.)

c) Concernant les personnes morales confrontées à la difficulté suivante : une action en justice
est introduite au nom d’une personne morale  cette personne doit dument être représentée
par l’organe, ayant qualité. Cet organe doit être habilité. Habilité, souvent, par une
délibération (l’assemblée générale autorise tel ou tel administrateur à agir en justice). Parfois,
il apparaît que l’organe qui agit en justice n’a pas été dument habilité  il ne jouit pas d’une
délibération convenable en amont. Au départ, dans ce cas-là, il y avait irrémédiable fin de non-
recevoir. Or, depuis 2014, la Cour de cass. a ‘redécouvert’ le Code Civil, et plus précisément, a
redécouvert l’art. 1998 = le mandat. Il est possible de ratifier a posteriori l’initiative de

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l’organe, du mandataire. Concrètement, avant la fin du procès, l’organe prend une
délibération pour ratifier par après la décision prise par l’organe. Ainsi, on sauve la recevabilité
de l’action.

C La condition d’intérêt
L’intérêt est le troisième et dernier pilier attendu par le Code Judiciaire pour valider l’introduction
d’une action en justice. Dans les travaux préparatoires du Code Judiciaire, Van Repingen donne une
définition de l’intérêt. Il dit : « l’intérêt au sens des artt. 17 et 18 du Code = tout avantage
matériel/moral, effectif, mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande, au
moment où il la forme. La reconnaissance du droit n’est établie ou non établie qu’à la prononciation
du jugement ».

Commentaire sur la définition :

- L’avantage est matériel ou moral.


- L’avantage est effectif et non théorique.
- L’avantage peut être retiré par le demandeur au moment de la demande. Voy. règle du
rétroviseur pour le déclinatoire  ici, c’est la même chose pour l’intérêt  le juge, saisi de
l’action soumise un 10 mars 2021, a beau se placer en février 2022 ou 2023, lorsqu’il aura à
statuer sur l’action  c’est bien au 10 mars 2021 que le juge devra statuer si oui ou non il y
avait un intérêt à agir (= rétroviseur !).
Donc, si on agit de manière précipitée/prématurée et que l’intérêt ne devient que plus
consistent en cours de procès, on est foutu. On a agi trop tôt : le juge doit se placer au moment
de la saisine.
À l’inverse, il se peut qu’on agisse au jour où on a un intérêt, mais que, le jour où le juge statue
enfin, l’intérêt n’existe plus. La Cour de cass. dit alors que l’action est recevable. Mais, comme
il n’y a plus d’intérêt à cause de l’évolution des faits, la demande est non fondée ; il n’y a pas
d’objet.
 L’intérêt s’apprécie au jour où le juge est saisi !

L’intérêt requis pour agir en justice, doit présenter trois caractéristiques (artt. 17 et 18 C.Jud.) :
A. Direct et personnel,
B. Né et actuel,
C. Légitime.

Ces trois conditions sont cumulatives. Si le demandeur ne parvient pas à justifier de cet intérêt aux
triples caractéristiques, que se passe-t-il ? Il y a à nouveau une fin de non-recevoir : l’action est
déclarée irrecevable.

Le statut de la fin de non-recevoir fait l’objet d’une jurisprudence fluctuante, de la part de la Cour de
cass. La seule chose qui est constante, c’est que le défaut d’intérêt ne peut jamais être soulevé pour la
première fois en cassation. Pour le reste, la Cour de cassation a longtemps oscillé. Pendant longtemps,
elle a considéré que la fin de non-recevoir était d’ordre public. Ainsi, le juge pouvait la soulever d’office.
Puis, certains arrêts ont dit que l’intérêt n’était plus d’ordre public, comme la qualité. Ensuite, elle a
redit que c’était d’ordre public. Finalement, dans deux arrêts (de 2017 et de 2014), la Cour de cass. a
soutenu que la fin de non-recevoir n’est pas d’ordre public !

Une chose est constante : on ne peut pas ‘se réveiller et dire en cassation « on n’avait pas d’intérêt’.
Toutefois, le prof se pose des questions sur la relégation de l’intérêt dans l’ordre privé : est-ce qu’on

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peut vraiment dire aujourd’hui – face à l’administration de la justice – que tout ceci n’intéresse pas les
cours et tribunaux ? P.ex. (expérience personnelle du prof pour expliquer que, à son sens, la Cour de
cass. devrait revenir à sa jurisprudence ordre public, pour permettre au juge de le soulever d’office) :
dans un dossier pro deo, le prof était volontaire comme avocat d’une dame, qui voulait le consulter
pour des difficultés conjugales. À l’époque, il fallait introduire cette action devant le juge de paix. Le
prof était intrigué, car la femme se présentait au Palais de justice avec son mari… Le couple avait l’air
serein. Tellement serein que Monsieur expliquait les problèmes de Madame. Le prof a dit qu’il ne
pouvait être que l’avocat de Madame  conflit d’intérêt si Monsieur explique les problèmes entre eux
au prof. Madame persiste. Elle prend rendez-vous chez le prof, pour rédiger sa requête. Elle retourne
avec son mari. Monsieur devait sortir et consulter un autre avocat, car Madame allait rédiger une
requête à son encontre. Le prof fait notifier la requête et accompagne Madame devant le juge de paix
de Schaerbeek. La juge l’interpelle et demande de voir le prof dans la chambre de conseil. La juge dit
« maître, vous savez de quoi vous êtes complices pour l’instant ? ». Le prof dit qu’il n’est pas complice.
La juge explique qu’elle rejettera sa requête, pour défaut d’intérêt légitime.

10. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Le couple voulait une ordonnance du juge de paix pour décréter
les domiciles séparés, pour toucher deux fois le taux isolé au chômage.
11. C’était une action collusoire : deux acteurs judiciaires voulaient simuler un procès, de parfaite
mauvaise foi. C’est pour cette raison que le prof restaurerait la fin de non-recevoir en ordre
public.

7e cours
(SYLLA P. 183-188) Qu’en est-il des caractères de l’intérêt. L’intérêt requis par les artt. 17 et 18 C.Jud.
doit revêtir trois qualités cumulatives (issues de la jurisprudence et de la doctrine) :

A. L’intérêt doit être direct et personnel  l’idée = le Code Judiciaire veut éviter les actions
populaires, c’est-à-dire les chevaliers blancs, qui, au prétexte d’un intérêt général, agiraient
devant les cours et tribunaux. La gardienne de l’intérêt général, c’est le Procureur du Roi, et
pas un citoyen lambda. Il faut un intérêt propre : un droit subjectif appartenant à l’acteur en
justice.
Cela étant dit, plusieurs brèches viennent entailler cette règle classique. Elles sont récentes et
intéressantes. Elles sont au nombre de deux :
a. Il y a l’action d’intérêt collectif. Il s’agit d’une vieille question, très actuelle
aujourd’hui : « est-ce qu’un groupement, doté de la personnalité juridique, peut ou
non agir en justice pour promouvoir un objectif noble/altruiste d’intérêt public, qu’il
promeut ? ». La Cour de cass. a toujours répondu par la négative : se faisant, vous
promouvez un intérêt collectif général, mais ce n’est pas un intérêt direct et personnel.
Seule la personne concernée bénéficie d’un intérêt direct et personnel. Deux autres
cours suprêmes raisonnent différemment (le CE et la CC  elles sont plus modernes) :
la CC a toujours accueilli, avec beaucoup plus de souplesse, des actions d’intérêt
collectif, conduites par des groupements, par exemple.
Quid de la Cour EDH ? Étonnement, elle n’accueille pas ces actions à bras ouvert. Dans
le syllabus, le prof cite un arrêt (parmi d’autres) qui s’appelle Barreau de Monaco
contre Principauté de Monaco. La question se posait de savoir si le Barreau de
Monaco, chargé de promouvoir les intérêts de ses membres, au sens de l’art. 34 de la
Convention de Sauvegarde, est un plaignant/une victime. La réponse = non. Un
groupement d’intérêt collectif n’est pas une victime.

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Les cours suprêmes ont été dépassées par le législateur. Le législateur belge a créé les
actions en cessation. Il a attitré l’exercice des actions en cessation à certaines
personnes ( qualité) et ces personnes sont le plus souvent des groupements, des
associations d’intérêt collectif.
i. Tout s’oppose dans le point a. (les jurisprudences suprêmes divergent, le
législateur s’oppose à la Cour de cass. et la Cour EDH…).

Un beau jour, la CC est saisie d’une double question préjudicielle :


i. « Votre jurisprudence ouverte ne constitue-t-elle pas une différence de
traitement avec les justiciables devant la Cour de cass. ? » La CC reste
prudente et ne s’aventure pas dans la guerre des juges. Elle dit que oui, il y a
une différence de traitement, mais « eux, c’est eux, moi c’est moi  il y a deux
contentieux différents, donc pas de problème ».

ii. « N’y a-t-il pas une différence de traitement entre les chouchoutés, aux
termes desquels les associations ont le droit d’action, et toutes les situations
de droit commun, où les associations sont privées de l’action pour un intérêt
collectif ? ». Là, la CC dit que oui, il y a une différence de traitement. Mais
(arrêt de 2017) elle rend ce qu’on appelle un arrêt lacune. Elle constate qu’il
y a une différence de traitement, mais en creux, c’est-à-dire qu’il manque une
loi pour rétablir l’égalité. En d’autres termes, la balle passe dans le camp du
législateur. Quelques mois plus tard, au Moniteur Belge, on voit apparaître
une modification de l’art. 17 C.Jud.  on a rajouté un troisième alinéa. Il
s’agit d’une consécration prudente de l’action d’intérêt collectif.
Art. 17, al. 3 : « L'action d'une personne morale, visant à protéger des droits de
l'homme ou des libertés fondamentales reconnus dans la Constitution et dans
les instruments internationaux qui lient la Belgique, est également recevable
aux conditions suivantes :
1° l'objet social de la personne morale est d'une nature particulière, distincte
de la poursuite de l'intérêt général ;
2° la personne morale poursuit cet objet social de manière durable et effective
;
3° la personne morale agit en justice dans le cadre de cet objet social, en vue
d'assurer la défense d'un intérêt en rapport avec cet objet ;
4° seul un intérêt collectif est poursuivi par la personne morale à travers son
action. ».
ii. En termes plus clairs : quel juge oserait encore dire que tel objet altruiste ne
relève pas des droits de l’homme et des libertés fondamentales… ?

b. Il y a l’action en réparation collective (= class action en Anglais). Il ne s’agit pas d’un


plaignant idéologique, qui collectivise un intérêt  non : il s’agit d’une personne qui,
sur elle, agrège une addition d’intérêts individuels (= pour simplifier la procédure et
son déroulement et pour valoriser la protection des consommateurs que nous
sommes). La personne n’a pas elle-même un intérêt individuel.
(Chouettes films à ce sujet : Erin Brockovich et Class Action.)
On ne trouve pas la class action dans le Code Judiciaire, mais dans le Code de droit
économique (aux art. XVII.35 et s.).

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Quelques traits de cette action en réparation collective :
i. Elle est offerte à des consommateurs (= des personnes physiques, privées (≠
des professionnels)). L’étendue, c’est « Consumer to Business ». Des
consommateurs se voient offrir une action en réparation collective, contre
une entreprise. Toutefois, désormais, les petites entreprises peuvent en jouir
également, contre des grosses entreprises.

ii. Cette réparation collective n’est possible que dans certaines matières : il faut
qu’il y ait un ‘lien’ avec la consommation (tout registre de la consommation,
défini par l’art. XVII.37 Code de droit éco  la concurrence, la protection des
consommateurs, la propriété intellectuelle, les assurances).

iii. En ce qui concerne les bénéficiaires : ils ne peuvent être représentés que par
un représentant de groupe, spécialement agréé à cette fin (p.ex. : Test Achat).

iv. L’action est territorialement réservée aux juridictions bruxelloises (Trib. de


l’entreprise en 1ère instance ; Cour d’appel en degré d’appel). C’est une
compétence territoriale d’ordre public (art. 633ter C.Jud.).

v. Déroulement ? Le représentant du groupe identifie un évènement type


dommage de masse (p.ex. : toute une série de voyageurs a subi une grève). Le
représentant introduit sa class action devant le Trib. de l’entreprise de
Bruxelles, avec une proposition (après avoir décrit le préjudice de masse). Le
Trib. fait alors le choix entre un opt-in ou un opt-out.
1. Opt-in : moi, en tant que représentant de groupe, je vous, personnes
qui ont subi un dommage, propose de venir se rallier à ma position
(via le MB, via les journaux…). Les personnes qui se rallient font partie
du groupe pour le meilleur ou pour le pire. Elles renoncent à une
action d’intérêt individuel.

2. Opt-out : c’est le contraire  l’action vous profitera de l’argent, sauf


si vous vous en désolidariser. Ça fout la trouille aux entreprises : le
groupe est totalement imprévisible. On ne sait pas s’ils seront
nombreux.
Le législateur belge n’a pas préféré l’opt-in à l’opt-out. Le
représentant du groupe fait sa proposition et le Tribunal fait le choix :
in ou out. L’opt-in n’est obligatoire QUE s’il y a dommage corporel/une
potentielle victime à l’étranger ( !! ). Le juge apprécie si l’action est
recevable. Puis il y a 6 mois de négociation obligatoire. Si ça marche,
l’accord est homologué par le Trib. de l’entreprise  le curateur
distribue à chaque victime le bon montant, selon la méthode choisie
(in ou out)  chacun reçoit donc sa part de dommage.
Si le bras de fer se poursuit, au contraire, le Trib. tranche le montant
et la faute. Se montant est réparti par un liquidateur, qui, sur base des
pièces fournies, donne les montants respectifs aux victimes.
Elles (a. et b.) ont un point COMMUN : elles portent dérogation à l’exigence de l’intérêt direct
et personnel.

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REMARQUE : en Belgique, on n’a pas ce qu’on appelle le punitive damage. Chez nous, il y a la
règle de la réparation intégrale.
REMARQUE 2 : en Belgique, on n’a pas de jury pour ce genre d’affaires (aux États-Unis, c’est le
cas).
REMARQUE 3 : en Belgique, il n’y a pas ce qu’il y a aux États-Unis : le cabinet s’y engage sans
honoraires, sans être payé. Si ça foire, ils boivent le bouillon. Pourquoi ? Les cabinets d’avocats
prennent 40% du tas. (Remarque supplémentaire : les avocats américains peuvent faire de la
publicité comme les avocats belges ne peuvent pas le faire.)

B. L’intérêt doit être né et actuel  l’idée : on ne peut pas agir en justice pour obtenir une
consultation abstraite (= un ruling). On ne peut saisir le juge que si le ‘feu a déjà pris’. On ne
peut agir pour un préjudice/pour un risque futur/hypothétique.
 Il n’y a pas d’action ad futurum.
Toutefois, deux nuances doivent être apportées : il n’est pas exigé que le préjudice soit
entièrement, définitivement consommé. Le second bémol est issu de l’art. 18, al. 2 C.Jud. 
l’idée = le législateur belge réserve prudemment une action, non pas ad futurum, mais
déclaratoire.
Art. 18, al. 2 : « L'action peut être admise lorsqu'elle a été intentée, même à titre déclaratoire,
en vue de prévenir la violation d'un droit gravement menacé. »  Le droit n’est pas encore
menacé, mais il y a péril en la demeure.
EXEMPLES dans le Code Judiciaire : (droit des biens) les actions possessoires  le possesseur
de bonne foi fait protéger sa possession à fin d’usucaper ; l’action en dénonciation de nouvelle
œuvre  il s’agit, pour le possesseur, de faire prévenir une menace pour la possession  je
sens qu’il y a une menace.

C. L’intérêt doit être légitime  dans la légitimité, il y a (art. 2, nouveau C.Civ.) respect de l’ordre
public et des bonnes mœurs. L’action en justice doit être respectueuse de l’ordre public et des
bonnes mœurs du moment.
Cela confère une bonne part de subjectivité, de moralisation (parfois dérangeante, voy. infra).
La légitimité de l’intérêt évolue avec le temps. La Cour de cass. dit : « l’intérêt n’est illégitime
que si mon action vise à maintenir une situation illicite ». Typiquement, je réclame
l’indemnisation d’une perte de revenue en black  par contre, ce n’est pas parce que mon
contrat est annulé pour une violation de l’ordre public (par exemple : (Loi Breyne) pas eu
recours à un architecte  le contrat est annulé, mais la restitution des prestations doit
toujours avoir lieu !), qu’il n’y a plus restitution des prestations.

EXEMPLE d’évolution : il a fallu attendre 1967 pour que la Cour de cass. admette que en cas
de concubine – car à l’époque, on appelait ça la concubine – une personne victime d’une faute
puisse demander l’indemnisation de son dommage. Avant 1967 on ne pouvait demander
l’indemnisation du préjudice matériel/moral. Pourquoi ? Le concubinage était laid, vilain. En
1989, la Cour de cass. est saisi de cette question : « je suis célibataire, je partage ma vie avec
un homme/une femme marié(e). Cette personne décède tragiquement. Moi, qui suis
célibataire, je sollicite l’indemnisation de mon préjudice. » La Cour de cass. disait non  vous
étiez le compagnon d’une personne qui commettait une faute grave. (Aujourd’hui, ce n’est
plus le cas). Parfois, on est donc un peu dérangé par la notion d’intérêt légitime  on a
l’impression que ça permet au juge de se débarrasser de certaines actions pour des motifs
moraux, éthiques. Il faut donc faire attention aux convictions personnelles et aux leçons de
morale.

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Dans le syllabus, on retrouve une décision fiscale, du Trib. de 1ère instance de Namur (2014) :
il était question d’une action fiscale, qui voulait contester une taxe communale. Plutôt que de
regarder le fond de la taxe, le Trib. dit : « La requérante, en demandant l’annulation de la
décision du collège provincial ayant rejeté sa réclamation relative à la perception de la taxe
litigieuse pour le motif que ce dernier ne l’a pas valablement motivée, et, partant, l’annulation
de la taxe litigieuse, considère qu’elle dispose d’un intérêt légitime pour agir, puisque la
reconnaissance de l’inapplicabilité de la taxe constitue un moyen de favoriser financièrement
ses actionnaires et, en conséquence, lui permet d’accomplir son objet social. En vendant du
tabac, produit reconnu officiellement comme nuisible à la santé des citoyens, la requérante
considère qu’elle ne fait qu’user de la liberté de commerce protégée tant par le droit positif
belge que par le droit européen. Le tribunal considère au contraire que la liberté de commerce
invoquée par la requérante ne peut se confondre avec l’interdiction de nuire consacrée par de
nombreuses dispositions du droit constitutionnel belge et du droit conventionnel européen ou
international. En vendant des produits nuisibles à la santé, et cela même en conformité avec
son objet social, la requérante contribue à préserver l’existence de tels produits et se rend
complice des effets néfastes qui en résultent pour la santé des citoyens. En conséquence, la
requête est dénuée d’intérêt légitime. »
 Vous vendez ‘la mort’ : votre action est illégitime ! L’élément moralisateur n’aurait pas dû
entrer en jeu.

Dernièrement, concernant la règle du rétroviseur, il y a deux exceptions (on a vu la première


au début du cours = en matière de compétence, liée à la qualité : à quel moment doit-on se
placer pour voir si je suis une entreprise ? Le rétroviseur voudrait que ce soit au moment de la
saisine du Trib. de l’entreprise  la Cour de cass. a décidé autre chose : il faut voir qui l’acteur
était au moment où il a commis l’acte litigieux). À propos de l’intérêt légitime, c’est la même
chose (deuxième exception)  la condition de légitimité s’apprécie au moment de
l’accomplissement du fait litigieux !

Sect. II : la demande
Techniquement, la demande se distingue de l’action, parce que c’est l’acte de procédure qui véhicule
l’action ; c’est l’instrumentum, qui exprime l’action ! (Il ne faut pas confondre action et demande !) De
plus, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à la demande : on peut introduire une autre demande,
pour véhicule l’action. On peut aussi se désister d’une demande, sans se désister de l’action-même.

§1 Définition et portée
A Définition
La demande = l’instrumentum qui exprime l’action. Elle véhicule l’action.

B Eléments constitutifs de la demande


L’action se concrétise dans une demande, qui doit (outre l’intérêt, la qualité et la capacité) à son tour
réunir – cumulativement – trois éléments constitutifs.

- Il faut des parties.


Il faut un demandeur et un défendeur, pour qu’il y ait procès (= ‘égalité des armes’). Tout ceci
se décline au singulier : UN demandeur, UN défendeur ; ou au pluriel : DES défendeurs et DES

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demandeurs (= litige multipartite, lorsqu’il y a au moins TROIS parties). L’immense majorité
des litiges (or les litiges conjugaux) est tripartite.
Est-ce que le caractère multipartite modifie les règles de compétence et de procédure civile ?
Compétence ?  NON  toutefois, concernant la procédure civile : il y a une règle et un solide
TEMPÉRAMENT.
La règle : le caractère multipartite d’un litige ne change rien à l’application des règles de
procédure civile.
Le tempérament : lorsque le litige multipartite est, en outre, indivisible !
DÉFINITION DE L’INDIVISIBILITÉ : art. 31 C.Jud. : « Le litige n'est indivisible, au sens des articles
(735, § 5, 747, § 2, alinéa 7), 1053, 1084 et 1135, que lorsque l'exécution conjointe des décisions
distinctes auxquelles il donnerait lieu, serait matériellement impossible. »
La définition s’annonce comme étant restrictive. Les cas sont limités, rarifiés. La Cour de cass.
est ‘chiche d’eux’. Le Code Judiciaire est ‘assez sympathique’, puisque l’art. 31 annonce quand
et où il va servir ! Il y a cinq occurrences. Le reste du temps, l’article ne ‘sert à rien’.
Un litige est indivisible si les deux décisions auxquelles il pourrait mener, pourraient déboucher
sur une impossibilité d’exécution conjointe  il serait matériellement impossible d’exécuter
les deux décisions.

Contre-exemple : (arrêt de 1983 (Cass.), sur un litige de dette de somme) nous sommes devant
un Trib. de police ; je suis demandeur victime ; en face de moi il y a le défendeur + l’assureur.
En première instance, j’assigne le défendeur et je perd mon procès (le Trib. de police considère
qu’aucune faute n’a été commise). Mon avocat veut faire appel. Mais à quoi ça sert d’avoir
deux adversaires ?  On multiplie les coûts ! Je ne fais appel que contre l’assureur, devant le
TPI. La Chambre civile du TPI réforme la décision du Trib. de police. Le Trib. de 1 ère instance se
prononce dans un jugement de réformation : l’automobiliste est responsable de l’accident 
l’assureur est amené à payer. On a à faire à deux jugements totalement incompatibles :
l’automobiliste n’est pas responsable VS l’automobiliste est responsable. Est-ce indivisible ? La
Cour de cass. dit que non  pourquoi ? L’exécution conjointe (= les exécuter en même temps)
des deux décisions reste matériellement possible : faire exécuter une décision de mise hors
cause, c’est facile (« tu me dois €0 ») + faire exécuter à l’encontre de l’assureur un paiement,
c’est possible (« tu me dois €100 000 »). Juridiquement, c’est incompatible, mais
matériellement, c’est possible !

Exemple : les actions d’état, en matière d’filiation. Imaginons qu’on fasse deux procès
distincts : un contre la mère, un contre le père ; que le Trib. de la famille dise « l’enfant X est
bien l’enfant d’A et de B, et que, en degré d’appel – alors que B n’est pas là – le juge dise « B
n’est pas le père ». L’état d’une personne est INDIVISIBLE ! (Pour d’autres exemples : voy. le
sylla). Autre exemple : en matière de revendication  je suis créancier ; j’ai une créance vis-à-
vis de quelqu’un ; je saisie la voiture dont je pense qu’elle est à mon débiteur, mais je me
trompe : c’est la voiture de son partenaire. Le partenaire est capable de prouver son achat, via
un bon d’achat (art. 1514 C.Jud.). Imaginons mener ce procès de façon fragmentée : tel juge
dessaisi dirait « la voiture est bien au débiteur », un autre dit « la voiture est au partenaire ».
On ne peut pas exécuter matériellement les deux décisions ! Dernier exemple : en matière de
successions  les héritiers se disputent ; on ne peut pas avoir un juge qui dit que l’immeuble
est au fils, et un autre juge qui dit que l’immeuble est à la fille. En conséquence, un litige
successoral est indivisible.

Question d’examen de LLN ( !! ) : l’art. 31 annonce la couleur ; il n’y a indivisibilité qu’au sens
des articles mentionnés à cet article. Cet article ne s’applique que qu’une fois le procès intenté,

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notamment au moment où on peut faire des voies de recours. « Existe-t-il, en 1ère instance,
quand on introduit le procès, une règle particulière d’indivisibilité ? » Reprenons l’exemple de
la succession, qui est indivisible : serais-je sanctionné si j’introduisais mon litige contre
seulement certains de mes frères et sœurs ? Suis-je passible d’une sanction, vu que le litige est
indivisible ? Il a fallu attendre 2020, pour que la Cour de cass. se penche sur cette question.
Dans un arrêt important, du 4 juin 2020 (rôle général : n° C.18.0345.N. ; citation : « Uit het
geheel van deze wetsbepalingen volgt dat de rechter in eerste aanleg de partijen niet kan
verplichten een derde in het geding te betrekken op grond van de regels van de
onsplitsbaarheid van het geschil ».) la Cour dit « il n’existe pas, dans le C.Jud., de règle qui
impose d’agir en 1ère instance contre toutes les parties au litige indivisible ». En d’autres
termes, il y a là une lacune dans le Code Judiciaire : l’art. 31 C.Jud. ne sanctionne pas le non-
respect de l’indivisibilité en première instance. De lege feranda, il faudrait une règle qui impose
d’introduire une action contre TOUS les indivisaires.

 Avec cette lacune, un procès mal-foutu s’enclenche.

Dans certains cas, le Code Judiciaire et la Cour de cass. dérogent à l’idée selon laquelle le/les
défendeur(s) est/sont présent(s) à la cause, par souci d’égalité des armes. En d’autres termes :
le litige est unilatéral. En droit Anglo-Saxon, on dit ‘ex parte’.  À titre TOUT À FAIT
exceptionnel, de façon restrictive, le Code Judiciaire et la Cour de cass. dérogent à l’exigence
fondamentale de l’égalité des armes et des droits de la défense (un minimum, c’est que le
défendeur soit convoqué). Dans ces cas-là, le demandeur agit SEUL, sur requête unilatérale. (~
le super-référé : art. 584, dernier alinéa). Révisons la matière de cet article  dans des cas
exceptionnels, la Cour/le Code admettent l’introduction du litige par requête unilatérale.
Quels sont les cas ?

A) L’extrême urgence/l’absolue nécessité. Le délai de référé de deux jours est trop long. Même
le référé d’hôtel est trop lent. ‘Il y a le feu’ : il faut agit vite ! C’est donc le cas de requête
unilatérale d’absolue nécessité/d’extrême urgence.

B) Les procédures gracieuses. Là où le juge intervient, non pas pour trancher un litige, mais pour
homologuer. P.ex. : renouvellement du bail commercial devant le juge de paix.

C) Le Code Judiciaire veut ménager un effet de surprise au demandeur et lui offre une requête
unilatérale. P.ex. : le cas du juge des saisies  il y a ce qu’on appelle la saisie conservatoire,
c’est-à-dire le juge autorise au créancier à saisir conservatoirement un élément du patrimoine
du débiteur, sans passer à l’exécution. Imaginons qu’on doive introduire contradictoirement
cette procédure « cher débiteur, je t’assigne pour obtenir l’autorisation de saisir ta voiture,
ton mobilier… ». Le débiteur, aussitôt que l’huissier de justice sera parti, va cacher ses biens.

D) (Ajouté par la Cour de cass.) Dans le contentieux des litiges collectifs de travail (= grève). On
s’est posé la question plus haut : « y a-t-il une compétence dans l’ordre judiciaire pour faire
lever un piquet de grève ? Oui, la Cour de cass. l’admet. Elle admet une compétence du juge
des référés du TPI (volet compétence) ! S’agissant du volet de procédure, il y a aussi une
particularité : parfois, il y a absolue nécessité/extrême urgence, mais parfois, il y a aussi
impossibilité de toute bonne foi d’identifier qui seront les grévistes qui seront là. Dans ce cas-
là, la Cour de cass. (depuis 1999, arrêt Delhaize) admet qu’une requête unilatérale soit
introduite.

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 Dans ces 4 cas, la requête unilatérale est tolérée.  Dans tous les autres cas, où on élude
le défendeur et où le contradictoire n’est pas respecté, il faut le rétablir le plus vite
possible. C’est une exigence de la Cour EDH  elle accepte la possibilité de requête
unilatérale, à la condition que la contradiction/l’égalité des armes soit restaurée le plus
vite possible. Comment s’appelle ce recours, offert au malheureux tiers éludé ? La tierce
opposition (SYLLA P. 395). C’est le recours formé par un tiers contre les décisions qui le
condamnent unilatéralement.
Partie VS tiers ? Si je ne suis pas partie, je suis un tiers  je ne suis pas concernée par le
procès. Ça veut dire que la décision rendue ne m’est pas opposable ; elle n’a pas autorité
de la chose jugée à mon égard (P. 315 et s. SYLLA). En matière civile, on dit que l’autorité
de chose jugée est relative (opposable qu’aux parties  tandis qu’en matière pénale :
l’autorité de chose jugée est erga omnes). Il y a des exceptions, en matière de filiation par
exemple, mais en général, c’est relatif. Il est important de faire la différence entre parties
et tiers pour l’autorité de la chose jugée. (On verra en P. 315 SYLLA que la Cour de cass. dit
que la décision n’a pas autorité de chose jugée envers les tiers, mais qu’elle a tout de
même une certaine force probante à leur égard.) Est-on, pour la vie, partie ou tiers ? Non :
il y a la possibilité pour un tiers de devenir partie = les interventions (= 2e cas de
prorogation de compétence sur demande en intervention, (art. 564 C.Jud.)).

- Il faut un objet.
L’objet n’est pas défini par le Code Judiciaire. Il faut regarder ce que la doctrine et la Cour de
cass. disent. Aujourd’hui (depuis 2017 (arrêt du 14 décembre 2017)), la Cour de cass. définit
l’objet comme étant le résultat factuel, postulé par le demandeur  « quel est le résultat
concret/factuel qu’il demande (la somme, propriété, faire/pas faire…) ? ». La notion d’objet
est importante car notre droit judiciaire interdit au juge de s’écarter de l’objet. Nous verrons
ensemble un principe qui s’appelle le principe dispositif (P. 256 SYLLA) (≠ « le principe DU
dispositif »  dispositif est un adjectif !). En vertu de ce principe, qui trouve sa traduction dans
l’art. 1138, °2 C.Jud. : interdiction faite au juge de modifier l’objet de la prétention. Dans notre
droit judiciaire moderne, les parties ont la libre disposition de leur droit. Le juge, dans une
approche néolibérale qui est la nôtre (celle du Code Civile) a l’interdiction de s’ériger en État
providence ; de s’ériger en pourvoyeur de bien-être  il est lié par la prétention du
demandeur. C’est ainsi que le juge ne peut pas statuer ultra petita (= au-delà des objets). Le
juge ne peut pas statuer extra petita non plus, et accorder autre chose que ce qui est
demandé ! Statuer infra petita n’est pas possible non plus. Un exemple : le cas de litige
alimentaire. Un créancier alimentaire sollicite la condamnation du débiteur alimentaire, à
verser une contribution alimentaire de €500 par mois. Le débiteur se reconnaît redevable que
de €350. Le juge fait tourner la méthode Renard (c’est une méthode logicielle) et tombe sur
€300. Il obéit et n’accorde que €300  le créancier va en cassation, car le juge a statué ultra
petita. Le défendeur se reconnaissait redevable de €350  pas question pour le créancier de
taper en-dessous de la fourchette !
Nuance, avant de rentrer en controverse : dans certains cas, le juge peut sortir de cette réserve
(pas d’extra-, ultra-, infra petita)  typiquement : en matière d’accidents du travail (Loi d’avril
1971). Là, l’art. 5 de cette Loi prévoit, à titre exceptionnel, que le Trib. du travail a l’obligation
d’accorder à la victime toutes les indemnités lui revenant, au regard de la loi, quand bien
même la victime demanderait moins (Trib. du travail, compétence exclusive) ! L’autre cas
typique, c’est le cas de l’astreinte. Le juge ne peut pas d’office assortir sa décision d’astreinte
(il faut le lui demander). Quant au montant par contre, si le juge estime qu’il n’est pas assez
dissuasif, il peut l’augmenter. Exemple : conflit de voisinage  on demande au voisin de tailler

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ces hais, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard. Le juge estime ce montant
trop bas : ça doit être €500 par jour, pour être dissuasif.
En droit de la famille, le législateur ne déroge pas au principe dispositif, mais le module. En
matière d’hébergement de l’enfant, la notion de l’intérêt de l’enfant est aussi souple
qu’importante  il y a certaines formes de souplesse dans le chef du Trib. de la famille. P.ex. :
si un des parents demande l’hébergement exclusif, l’autre l’hébergement égalitaire, le juge
peut accorder un 9/5, ou un 12/2  il y a une certaine marge de manœuvre. Mais, malgré
tout, le principe dispositif demeure aussi en droit de la famille.
La Cour de cass. (en 2001) nous a aussi dit que, même en matière d’ordre public, le juge ne
peut PAS modifier l’objet qu’on lui postule ! EXEMPLE : un mariage gris ; après ce mariage, les
époux se présentent devant le Trib. de la famille, pour solliciter un divorce par consentement
mutuel. Les papiers sont en ordre, régularisés. Un jour, un juge ‘pète un câble’ et annule ce
mariage, au motif qu’il n’y a pas de projet matrimonial sincère. La différence entre le divorce
par consentement mutuel, postulé par les parties, et l’annulation = de taille : l’annulation
opère AVEC effet rétroactif, contrairement au divorce par consentement mutuel. Les parties
vont en cassation. On a beau être au sommet de l’ordre public, mais la Cour de cass. a décidé
que le juge ne pouvait pas annuler d’office le mariage. Il fallait que le Procureur du Roi,
disposant d’une action en annulation du mariage, saisisse le Trib. de la famille. Mais le juge ne
pouvait pas annuler d’office !

EXEMPLE 2 : contrat de promotion immobilière. Des gens achètent un appartement sur plan.
La Loi Breyne 1971 dit qu’un contrat d’achat sur plans suppose nécessairement l'assistance
d’un architecte. Un litige survient entre un couple de retraités acheteurs et l’entreprise. Un
procès s’engage. Il y a une action en exécution forcée, et l’autre agit reconventionnellement
en malfaçon. Le juge dit : « mais enfin, ce contrat a été passé et exécuté sans architecte. Ce
contrat était affecté d’une cause de nullité. C’est d’ordre public  je vais l’annuler. Les parties
disent – d’un commun accord - : « juge tais-toi, nul ne t’a demandé d’annuler le contrat. On
est en dispute sur l’exécution, personne ne veut annuler ce contrat. » Le juge pète un câble 
il annule d’office le contrat et pour être bien sûr, la Cour d’appel de Gand ordonne à un huissier
de justice d’aller transcrire son arrêt à la conservation des hypothèques. Comme ça, il y a
publicité foncière. Idée : « moi juge, je suis gardien de l’ordre public ». La C. cass. casse
néanmoins cette décision, au motif qu’on a beau être au sommet de l’ordre public  mais le
juge ne peut pas annuler un contrat quand on ne le lui a pas demandé (Cass., 28 septembre
2012). Un juge ne peut pas annuler d’office un contrat, quand bien même il est contraire à
l’ordre public. Qu’aurait-il dû faire ? Le juge devait repousser les deux demandes et dire
qu’elles avaient un intérêt illégitime (in pari causa + nemo auditur), mais il ne pouvait pas
annuler d’office. Ça, c’était jusqu’il y a peu. Récemment, la Cour de cass. a rédigé un arrêt du
4 septembre 2020. C’est un arrêt très surprenant : la Cour dit dans cet arrêt que : « confronté
à un contrat affecté d’une violation de l’ordre public, le juge peut annuler ce contrat, quand
bien même ça ne lui est pas demandé, par qui que ce soit »  revirement complet !! On doit
retenir cet arrêt, qui rompt avec une tendance constante.

Un autre élément concernant l’objet, c’est que le juge doit repousser une demande dont
l’objet est contraire à l’ordre public : postuler un objet contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre
public, c’est faire défaut à l’intérêt légitime.

Là où il y eu controverse intéressante, mais tranchée, c’est à propos de la définition-même de


l’objet. À travers la controverse de l’objet, se joue une transformation profonde de l’image et
du travail du juge. Avant, on considérait le juge comme la bouche de la loi (Montesquieu).

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Aujourd’hui, depuis une quinzaine d’années, le juge se voit conférer un rôle (pro)actif par la
Cour de cass. Selon le prof, aujourd’hui, dans la magistrature, on peut sortir un peu de sa
réserve. Pour l’évolution de la définition, en tout cas, une chose était certaine : le principe
dispositif ; le juge ne peut modifier l’objet de la prétention. Mais que voulait dire l’objet ? Était-
ce le résultat factuel, brut, nu, dépouillé de toute qualification juridique ? Ou était-ce le
résultat tel qu’emballé/que qualifier juridiquement par le demandeur ?

Si vous disiez que l’objet, c’était le résultat tel qu’emballé par le demandeur (= conception
juridique de l’objet), le rôle d’office du juge est assez limité : il ne peut requalifier une
qualification maladroite. Si par contre, vous développiez une conception plus factuelle de
l’objet, c’est-à-dire l’objet que je ne peux pas modifier moi juge, c’est le résultat concret,
qu’importe sa qualification juridique  là, le juge a un rôle plus actif.

Pendant des années, les deux conceptions se sont employées ; c’était la controverse la plus
grande en droit judiciaire. On voit deux visages différents de la fonction de juger (une
conception plus humaine VS une conception plutôt étroite, très ‘Montesquieu’). Longtemps,
la Cour de cass. se ralliait à la conception juridique, Montesquieu.

DEUX EXEMPLES :

o Arrêt du 8 février 2001 : c’est l’histoire d’un détaillant qui achète à un grossiste du
beurre. La livraison s’avère catastrophique. Le beurre menace de péremption quasi
immédiate. Il ne peut pas vendre la marchandise. Il agit à Liège et il dit qu’il y a eu vice
de consentement (= dol). En termes probatoires, le dol est difficile à prouver. Son
procès échoue sur le plan probatoire. Le juge liégeois écoute son bon cœur et
requalifie la vente : non-conformité de la chose vendue. Le juge liégeois résout la
vente pour inexécution fautive grave. En termes de résultat économique, c’est
rigoureusement la même chose que le dol : le contrat est par terre, anéanti, avec effet
rétroactif. Le juge n’accorde pas plus que ce que le détaillant avait demandé. Pourtant,
la décision du juge de Liège se voit cassé. La Cour d’appel de Liège a modifié l’objet !
Cette conception devenait intenable et injuste, dans le sens le plus noble du mot
« justice ». Le sens de la justice, n’est-il pas de rendre la justice ? N’est-ce pas exagéré
que le justiciable soit puni, pour erreur de qualification ? Oui : c’est intolérable. La
doctrine et la jurisprudence de fond ont protesté contre cette jurisprudence formaliste
de la Cour de cass. ( !! ) Par un arrêt du 23 octobre 2006, la Cour de cassation, en
audience plénéaire, a fait un revirement de jurisprudence. Il s’agissait d’un cas de
contrat de travail. Typiquement, qu’est-ce qu’il se passait jusqu’en 2006 ? Le
malheureux travailleur agissait contre l’employeur pour demander de lui payer des
arriérés de rémunération (= indemnité compensatoire de préavis). Or, il apparaissait
souvent que la prescription avait faite son temps. Le délai est d’un an (art. 15 de la Loi
de 1978 sur le travail). Souvent, ces personnes se faisaient gruger. N’écoutant que
leur bon cœur et leur esprit de juriste, qu’avaient fait de nombreuses Cours du travail ?
Elles avaient dit : « on débaptise ce problème et on le dénomme dommage et intérêt,
né en vertu de l’infraction de non-paiement de la rémunération ». Ne pas payer son
dû à son travailleur, est une infraction pénale. Cette infraction ne se prescrit qu’en 5
ans ! La Cour de cassation a dit que cette modification d’objet était non seulement
possible, mais aussi obligatoire  le juge doit dire le droit et substituer le fondement
juridique approprié, pourvu qu’il ne touche pas au résultat factuel (= la somme : il ne
peut accorder 70 000 euros, si la victime demande 60 000 par exemple).

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o Arrêt de 2017 : (responsabilité civile) c’est l’histoire d’une victime qui réclame un
dommage certain, de 1000 euros. Le juge dit que ce n’est pas un dommage certain,
mais une perte de chance. Il accorde les 1000 euros pour perte de chance. Est-ce un
changement de l’objet ? NON : on reste dans la fourchette financière sollicitée par la
victime ; il n’y avait qu’un problème de qualification juridique.
iii. On voit donc que le juge joue un rôle actif. Par contre, attention de ne pas aller
trop loin ! P.ex. : je sollicite l’exécution forcée d’un contrat synallagmatique.
Le juge qui prononcerait la résolution judiciaire, modifie l’objet ! Le résultat
factuel n’est pas le même du tout  dans un cas, le contrat subsiste, dans
l’autre, il disparaît. Là, on va trop loin ! Par contre, tout ce qui relève de la
qualification juridique, SANS modifier le résultat factuel = possible et MÊME
OBLIGATOIRE dit la Cour de cass.
Petite anomalie pour terminer ce tiret : dans la partie compétence (P. 15 SYLLA), on a vu la
même question, la même controverse. On s’est demandé : « quel est le pouvoir du juge – (à
un stade beaucoup plus précoce du procès et) lorsqu’il apprécie sa compétence – lorsqu’il
s’aperçoit que l’objet est mal qualifié juridiquement ? ». À ce moment du cours, on n’analysait
pas le fond, mais la compétence, mais la controverse est la même ! Le juge peut-il ou doit-il
modifier la qualification juridique de l’objet ? La Cour de cass. considère que, au stade de sa
compétence, le juge ne peut PAS modifier la qualification juridique de la demande (arrêt
constant depuis 1978) ! En 2016, les juristes se sont dit : la Cour alignera sa jurisprudence, mais
PAS DU TOUT. La Cour a maintenu sa jurisprudence contraire (en 2012, en 2015, puis après)
au stade de la compétence. Ça a eu pour conséquence quelques critiques. Par exemple :
certaines résistances de la part de quelques juges du fond, comme le juge Pierre-Emile Van
Meerbeek  en sa qualité de juge, il diverge de la jurisprudence de la Cour de cass.
La Cour de cass. est-elle alors schizophrénique ? Non  au sens du prof, cette divergence
malheureuse de jurisprudence peut s’expliquer (même si la Cour-même ne s’explique pas).
Elle préfère reporter le problème de la requalification juridique (+ le débat que ça cause par la
suite). Le débat sur la requalification ne peut exploser à un stade trop précoce du procès : il y
a déjà ‘une bombe qui explose’, alors qu’on n’a même pas encore touché au fond. Certes, cette
jurisprudence n’est pas très cohérente, mais elle le fait donc (probablement) pour de bonnes
raisons.

8e cours

- Il faut une cause.


La cause n’est pas définie dans le Code Judiciaire. Généralement, on la définie comme le
fondement, la justification que le demandeur assigne à l’appui de de sa prétention, à l’appui
de son objet. La justification de l’objet, c’est la cause.
Controverse qui surgissait : la cause était-elle le fondement juridique, avancé par le
demandeur ? Ou bien s’agissait-il du fondement factuel ? Même enjeu que pour l’objet, c’est-
à-dire que, si on adoptait la conception juridique de la cause, ça signifiait que le rôle du juge
était sensiblement amoindri, voire même neutralisé. Pourquoi ? Le principe dispositif interdit
au juge de modifier l’objet, mais aussi la cause. Si on dit que la cause est le fondement
juridique, et que l’on imagine un demandeur qui engage mal sa prétention, tant pis pour lui ?
Le juge ne pourrait voler à son secours, puisqu’il lui est interdit de modifier la cause. Résultat
navrant  le justiciable échoue, parce qu’il n’a pas avancé le bon sésame juridique.
Toutefois, dans une thèse où on rend le juge un peu plus actif, la cause = le fondement factuel ;
le complexe des faits que le demandeur avance. Le juge ne peut y toucher. Par contre, le juge

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est doté du devoir/pouvoir de qualifier juridiquement les choses de manière correcte, quitte
à s’écarter de la base légale proposée par le demandeur. Pendant longtemps, jusqu’en 2005,
la conception juridique a prévalue. Depuis 2005, la conception factuelle a triomphé. Depuis
lors, elle ne cesse de prospérer.
Prenons le point de départ : nous sommes dans les années 1980. Pour illustrer la position de
la Cour de cassation dans cette période, prenons un arrêt de 1982  on voit une dame chuter
sur le sol d’un supermarché (défenderesse). Elle fait procès au supermarché : elle s’est
fracturée sur une feuille de salade. Elle fait procès à la société de supermarchés, sur le
fondement de l’art. 1382 C.Civ. Elle s’est clairement trompée de fondement. Le juge écoute
son bon cœur : il ne faut pas se fonder sur cet article  il faut invoquer l’art. 1384, al. 1 C.Civ. :
le juge requalifie, sans toucher au litige même. L’affaire arrive en cassation. Pourquoi ? Le juge
a, selon la Cour de cass., modifié la cause et violé le principe dispositif. Comment ? Il a substitué
la base légale. Cette dame ne pouvait donc que recommencer son procès s’il elle voulait que
son dommage soit indemnisé.
Autre exemple : affaire à Dinant (citadelle de Dinant). Des garçons dans un téléphérique
faisaient chuter des pierres sur les toits des riverains. Les riverains font procès à la société
d’exploitation téléphérique, pour indemniser leur préjudice. Ils engagent le procès sur l’article
1384, al. 1 (vice de la chose). Les juridictions liégeoises disent que ce n’est pas un vice de la
chose, mais un trouble de voisinage (art. 544 C.Civ.). En cassation, on dit que le juge a modifié
la cause, tout comme il a modifié le fondement juridique.
Tout ceci était relativement injuste, au sens de non-conformité à l’idée de justice : les victimes
ont tort parce qu’ils n’ont pas donné le bon sésame juridique. Les juges ne peuvent rien
changer à leur situation. On propose un service public (les cours et tribunaux), mais en réalité,
il n’a pas d’utilité…  critique doctrinale, venue du barreau, des universités… Il est temps
qu’un revirement intervient. Le revirement a eu lieu dans un arrêt du 14 avril 2005, affaire
Spinois. C’est un arrêt très célèbre ! Un garagiste dinantais décide d’étendre ces activités. Il
devient concessionnaire d’une grande marque de voitures japonaises. Il décide de faire ériger
un showroom à côté de son garage. Il s’adresse à un entrepreneur général, pour faire ériger
son showroom. Cet entrepreneur fait appel à deux sous-traitants : l’un pour des poutrelles en
acier, l’autre pour tout le reste. L’exécution du contrat dégénère : Spinois ne paye plus ; il ne
paye plus pour la bonne et simple raison que la moitié du toit s’est effondrée sur son stock =
exception d’inexécution. Un procès s’engage. Une expertise est ordonnée par le juge. L’expert
pointe un problème de portance des poutrelles. Les sous-traitants ne sont quant à eux pas
parties au litige. Seuls Spinois (demandeur) et son entrepreneur général sont à la cause.
L’avocat de Spinois s’est dit : on va retenir la responsabilité des sous-traitants sur base de l’art.
1382 C.Civ. = grosse faute de droit. Que fallait-il faire ? Il fallait invoquer l’art. 1797 C.Civ. 
l’entrepreneur général répond du fait de ses sous-traitants, point barre. Les juridictions
liégeoises voient arriver le dossier et disent : « désolé, la jurisprudence de la Cour de cass. est
très ferme  art. 1382 = une faute de l’avocat de l’invoquer. Il aurait fallu invoquer 1797 C.Civ.
 Spinois, débrouillez-vous et faites procès à votre avocat pour sa faute ». Ce dossier révèle
que la jurisprudence de la Cour de cass. avait atteint le sommet de son cynisme. Le temp d’un
revirement de jurisprudence était venu, ce qui était le cas avec l’arrêt du 14 avril 2005. Il a
énoncé une formule importante, qui ne cesse de s’affiner : « le juge DOIT appliquer la solution
juridique commandée par les faits spécialement invoqués ». Il appartient donc au juge de
qualifier correctement la demande, voire de requalifier correctement la demande, en
appliquant la base légale dictée par les faits spécialement invoqués. La Cour poursuit dans ses
arrêts ultérieurs et précise que le juge a la faculté d’appliquer la solution juridique appropriée,
sur la base des faits non pas spécialement invoqués, mais qui sont allégués !!

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EXEMPLE : imaginons que nous sommes juges. Nous sommes saisis d’un dossier, et nous nous
imaginons ce dossier comme une corbeille de fruits. Ces fruits sont les seuls auxquels nous
pouvons toucher (~ le juge ne peut toucher à d’autres faits que ceux invoqués par les parties).
Dans une corbeille de fruits, il y a le dessus et le dessous. Le juge, nous dit la Cour de cass., a
l’obligation d’appliquer la solution juridique commandée par les faits spécialement invoqués,
c’est-à-dire – en métaphore – aux pommes du dessus : aux faits qui sont visibles, mis en avant.
Ce sont les faits que les parties ont invoqués pour déduire des moyens pas très pertinents.
Attention, et ce, quelle que soit la nature de cette règle juridique. Il n’est pas question de faire
une distinction entre ordre public, droit supplétif, impératif… ( !! ). Dans l’affaire Spinois, par
exemple, il s’agit d’une base légale supplétive (l’art. 1797 est de nature supplétive). Ça brouille
avec le courant selon lequel le juge doit appliquer d’office le droit d’ordre public. Ici, rien de
ça : le juge DOIT APPLIQUER LE DROIT, quel que soit ce droit, aux faits spécialement invoqués.
Et puis, il y a les fruits du dessous ; on pourrait les appeler les faits non spécialement invoqués
 ils sont simplement allégués. Ce sont les faits qu’il faut aller gratter. Là, le juge peut s’en
emparer. Il ne doit pas les analyser  s’il ne le fait pas, on ne peut rien lui reprocher devant
la Cour de cass. (il s’agit d’un simple pouvoir du juge et non pas d’un devoir, comme chez les
pommes du dessus)  s’il le fait, tant mieux pour le justiciable.
 Au sujet des faits spécialement mis en avant par les parties, le juge DOIT dire le droit 
aux faits simplement allégués, le juge peut dire le droit, quel que soit ce droit (supplétif,
impératif, d’ordre public).
 Les Français ont un joli mot pour désigner cela (faits adventices). Le prof nous a déjà parler
d’Henri Modulski. C’est un peu le Van Repingen français. Il écrivait le Code de Procédure
Civile français ; chargé par le Général de Gaulle, avec Jean Foyer et Cornu. Modulski a écrit
sa thèse dans un camp de concentration (il était Juif). Il est le père de tout ce que le prof
nous apprend. Il disait que « les faits spécialement invoqués s’opposent aux faits
adventices ». Une feuille adventice = quelque chose qui pousse sur le côté, de façon un
peu erratique.

Est-ce pour autant que ce pouvoir ( fait adventice)/devoir ( fait spécialement invoqué) est sans
limites ? Non  il y a des balises, qu’on peut diviser en trois branches :

a) Le principe dispositif lui-même : le juge ne peut faire n’importe quoi. Il doit, malgré tout, rester
dans la corbeille des faits. Il ne peut aller piocher les faits ailleurs quand dans les dossiers des
parties. Il est lié par les faits que les parties lui apportent + les mesures d’instruction lui
apportent (il peut faire désigner un expert, faire une descente sur les lieux…).  Si le juge le
faisais, il violerait gravement le principe dispositif. Quelques exemples :
a. (Cas célèbre) : infanticide, jugé par la Cour militaire. L’affaire est ensuite arrivée devant
la Cour de cass. Un militaire fût accusé d’avoir empoisonné ses deux enfants. Les juges
avaient tenu un délibéré au cours duquel ils étaient allés sur Internet. Ils avaient fait
des recherches sur la toxicité du produit retrouvé dans les cannettes de Fanta des
petits enfants. Ils avaient rajouté leurs recherches personnelles dans leur arrêt. La
Cour de cass. casse la décision, pour violation du principe dispositif, violation de la
cause, parce que nul n’avait mis dans le débat (donc ni la partie civile, ni le Procureur
du Roi) ces faits-là. Biensur, les juges font leurs propres recherches, dans la solitude
de leur délibéré. Personne ne les empêche de faire cela. Mais, les juges doivent veiller
à ne pas mélanger les propres recherches avec les faits du dossier. Ils ne peuvent
inventer/piocher d’autres faits. C’est une violation du principe dispositif  le
jugement se fera casser.

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b. Accident de circulation, plaidé devant le Trib. de police de Bruxelles. À un moment
donné, le juge dit : « je connais cet endroit, j’y habite ; les feux y sont clignotants ». les
parties ont dit au juge de s’arrêter là : ce fait n’était pas dans le dossier (expérience
personnelle du prof).
( !! ) Attention, il y a une exception, notamment le « fait notoire ». Exceptionnellement, le juge
peut s’aventurer au-delà de la corbeille, si le fait sur lequel il se fond est notoire ou
d’expérience commune, c’est-à-dire le juge peut fonder sa décision sur un fait absolument
évident.

b) Les droits de la défense + le principe du contradictoire  c’est un principe fondamental. Aussi


bien la Cour de Strasbourg, que le Code Judiciaire, que l’art. 6 CEDH… érigent le contradictoire
en principe fondamental. L’idée de surprise est absolument intolérable en justice. Le juge a le
pouvoir de dire le droit, à la condition qu’il respecte les droits de la défense ! Le juge doit
provoquer des nouvelles discussions. Le nouveau débat peut prendre différentes formes : une
nouvelle interpellation à l’audience, une réouverture des débats, etc. L’idée est
fondamentale : le juge ne peut exercer son pouvoir que dans le respect du contradictoire 
les parties doivent pouvoir contredire. Le contradictoire est fondamental, mais aussi très
coûteux. C’est pour cela que, dans les nouveaux systèmes, on tente de faire des économies de
temps et de coûts, tout en respectant le principe.

c) Les parties peuvent, par un accord procédural, neutraliser les pouvoirs et les devoirs du juge.
Conscientes que le juge peut ‘dire ceci, et dire cela’, les parties peuvent dire : « pour telle ou
telle raison, nous concluons un pacte, au terme duquel nous allons interdire au juge de
soulever un certain fondement ». C’est rare, mais possible. La Cour de cass. met en avant le
principe et dit qu’un accord procédural lie les parties et le juge. Toutefois, elle fournit aussi
deux précisions :
a. Les accords procéduraux doivent être explicites. Exemple d’un cas, en 2008-2009, à
Liège. Deux jeunes avocats interviennent. Les deux avocats fût interpellés par des
magistrates : « depuis le début de la matinée, vous plaidez sur un contrat de vente et
votre adversaire aussi. Avez-vous envisagé une autre qualification juridique, comme
un contrat d’entreprise, de vente… ? ». Les avocats répondent : « non, nous n’avons
jamais plaidé la qualification contrat d’entreprise. » Le siège prend l’affaire en délibéré
et dit que, attendu que les parties ont invoqué exclusivement le contrat de vente et
non d’autres qualifications juridiques, le bref délai est expiré et l’action est irrecevable.
Heureusement, l’arrêt est cassé en 2009  la Cour de cass. dit : « attention, il n’y a
pas d’accord explicite entre parties ». Les avocats + parties n’y avaient simplement pas
songé jusque-là. Ce n’est pas pour autant qu’elles y ont explicitement et
définitivement renoncé. Il faut donc bien un accord explicite, c’est-à-dire non
équivoque, réfléchi.

b. Il est interdit de conclure un accord procédurale contraire à l’ordre public. Le prof a


connu un cas : un de ses amis pratique le droit familial. Il a appelé le prof et a dit qu’il
avait une affaire devant le Trib. de 1ère instance (à l’époque). L’adversaire propose un
accord procédural à son ex-femme, au terme duquel il renonce à tout jamais à toute
relation personnelle avec l’enfant. En échange, la cliente de l’amie du prof doit
renoncer à toute prétention alimentaire. Il est évident qu’un semblable accord n’a pas
la moindre chance devant le Trib. La Cour de cass. tient le même langage. Dans un

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arrêt de 2012, elle dit que les parties ne peuvent, entre elles, conclure un accord qui
nierait l’application de la Loi Breyne, par exemple.

c. Les parties, confrontées à une règle d’ordre public d’un genre particulier, pourraient
conclure un accord. Il s’agit de la renonciation à une règle d’ordre public de droit
judiciaire. On a vu un arrêt du 10 octobre 2002, où le prof nous a parlé de victimes,
qui avaient perdu et reperdu devant des juges incompétents (compétence exclusive
d’ordre public). Un jour, elles se sont pointées devant la Cour de cass. pour dire que
les juges étaient incompétents. La Cour rejette leur moyen pour déloyauté. Revenons
sur ce terrain-là, et prenons un autre exemple. Un autre arrêt, du 1 er mars 2012 
une partie, absolument sure de son fait, prétend à la condamnation de son adversaire :
il doit lui verser une indemnité de procédure colossale = l’indemnité de procédure
maximale. Cette partie perd. La Cour d’appel dit : « l’indemnité de procédure que tu
réclamais de ton adversaire, tu devras la payer toi ». Le boomerang retourne. Cette
partie va en Cassation. L’indemnité de procédure ne s’applique pas, elle dit. Le
juge répond : « la règle a beau être d’ordre public, mais vous avez conclu un accord
dans lequel vous dites que ces règles s’appliquent et que l’indemnité est évaluée à
autant ». Il est donc possible de conclure un accord procédural, contraire à des règles
d’ordre public de PROCÉDURE ( !! ) (= de droit judiciaire). Attention, l’accord contraire
à l’ordre public matériel, quant à lui, n’est jamais possible !

Une dernière remarque au sujet de « l’ordre public » : il a perdu de sa spécificité. Ce


qui compte, c’est la place du fait, et pas la nature du droit. La seule spécificité dont il
bénéficie encore vraiment aujourd’hui : on ne peut déroger à une règle d’ordre public
matériel. Le rôle du juge est actif et il dépend des faits !

C Portée et effets de la demande


(SYLLA P. 198) Les effets sont triples :
- La demande créer un lien d’instance,
Aussitôt qu’on introduit une demande contre un défendeur, un lien d’instance surgit. C’est
une relation juridique qui charrie une série de droits et d’obligations (le respect du
contradictoire, envoyer les pièces et conclusions, si je veux me désister, une fois le lien né, j’ai
besoin de l’accord de l’autre partie, l’un de nous paiera les dépens à l’autre, etc.). Cette notion
de lien d’instance, on la retrouvera quand on se posera une question technique particulière
(SYLLA P. 370). Nous parlerons de l’appel. Le prof nous posera la question : « contre qui est-ce
que je peux faire appel ». Avant, la Cour de cass. disait : « pour faire appel contre ‘secundus’,
il faut qu’il y ait eu un lien d’instance entre toi et lui  pas question de faire appel contre
quelqu’un vis-à-vis duquel il n’y avait pas de lien d’instance ». Toutefois, la Cour de cass. a
assoupli cela : un lien d’adversité suffit aujourd’hui. On peut donc être adversaires, sans qu’il
n’y ait un lien d’instance !
Une petite illustration : prenons un litige tripartite ; il y a deux liens d’instance, entre Primus
et Secundus (1e) et entre Secundus et Tertius (2 e). Entre Primus et Tertius, il n’y a pas de lien
d’instance. Ils deviennent quand-même adversaires (c’est possible depuis 2001) (voy. supra).

- La demande produit des effets juridiques envers le juge,


Une fois la demande introduite, elle produit des effets sur l’action du juge. Les effets :
o Le juge est obligé de statuer sur toute demande qui lui est soumise ( déni de justice).

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o Le juge doit statuer dans un délai raisonnable (selon la Cour EDH). Le juge n’est pas
seul coupable d’un arriéré judiciaire  l’Etat peut l’être aussi, mais le juge doit
collaborer à la vitesse du traitement de l’affaire.

o Le juge ne peut pas omettre de statuer sur une demande (art. 1138, °3 C.Jud.). Selon
cet article, le juge encourt le recours s’il omet (= il oublie) de statuer sur une demande.
(REMARQUE : dans un cas avec beaucoup de postes, ça peut arriver à chaque juge
d’oublier de statuer. Pourtant, s’il oublie de statuer sur un des postes, il y a omission
de statuer…). Pour ce motif, l’arrêt pourrait encourir un appel/une cassation.
‘Remède’ : depuis 2014, le Code Judiciaire comporte une nouvelle disposition
pratique : l’art. 794/1 C.Jud. L’art. 794/1 permet au juge de réparer une omission de
statuer (il alloue les intérêts qu’il a oublié, il accorde les dommages qu’il a oublié, et
ainsi de suite).
= les effets POSITIFS.
 Il y a aussi des effets NÉGATIFS :
o Art. 1138, °2 C.Jud.  le juge ne peut pas méconnaître l’objet, ni la cause de la
demande : il est limité par l’objet et la cause qui lui sont présentés. Mais depuis 2005-
2006, la Cour de cass. réserve quelques pouvoirs (voire des obligations) au juge : le
juge est cantonné par l’objet, mais l’objet = le résultat factuel. Certes, il est cantonné
par la cause, mais la cause = le fondement factuel. Il a le pouvoir de dire le droit
correctement.

- La demande produit des effets juridiques sur le droit en cause lui-même.


o L’introduction d’une demande en justice interrompt la prescription du droit invoqué
(art. 2244 C.Civ. sur la prescription). ( !! ) La demande en justice n’est pas le seul acte
interruptif  il y a le commandement préalable à la saisie, la saisie elle-même, il y a
l’acte de juriste (l’avocat fait un recommandé interruptif d’un an par exemple), il y a la
reconnaissance… De plus, ce fût une belle victoire pour le barreau (et l’assureur) : en
2013, la Cour de cass. a supprimé un petit bout de phrase dans l’art. 2247 C.Civ. : selon
ce bout de phrase, si la demande en justice, introduite pour interrompre la
prescription, est déclarée nulle, alors c’est comme si l’effet interruptif ne s’est jamais
produit. C’était une disposition horrible pour les avocats ! Ils introduisaient une
demande pour le client, ils étaient ‘cool’ car il y avait interruption, puis, des années
plus tard, le juge dit : « sorry, mais ta demande est entachée d’un vice de nullité » 
l’effet interruptif disparaît et donc l’action est PRESCRITE !! Depuis 2013, ce bout de
phrase n’existe plus. Aujourd’hui, quand bien même la demande en justice est annulée
par le juge – ce qui, au passage, est de plus en plus rare – le Code Civil maintien l’effet
interruptif !
Pour qu’il y ait effet interruptif, la Cour de cass. considère qu’une demande en référé
n’interrompt pas le délai de prescription. Pourquoi ? Parce qu’elle ne demande rien
sur le fond ! On pourrait répondre quid du référé provision alors (?) : celui-là,
exceptionnellement ( !! ) interrompt la prescription, car on manifeste une prétention
sur le fond.

o L’introduction d’une action en justice a des effets en termes d’intérêts : elle fait courir
les intérêts judiciaires. Ils succèdent aux intérêts moratoires, eux dû en raison de la
‘mora’ = la mise en demeure.

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o Artt. 1699 et 1700 C.Civ. sur la cession de créance  aussitôt qu’une demande en
justice est formée, le droit devient litigieux, puisqu’il est en litige  le Code Civile
comporte des dispositions particulières concernant la cession du droit litigieux (le prof
ne nous embête pas avec cette matière).

§2 Classification des demandes


A Demande introductive
Art. 12 C.Jud. : la demande principale est celle qui ouvre le procès. C’est au regard de la demande
principale que les règles de compétence sont définies.

B Les demandes incidentes


Sur cette demande principale, peuvent venir se greffer des demandes incidentes  incidemment, elles
viennent se greffer sur la demande principale. Ces demandes incidentes sont régies par les artt. 13 à
16 du C.Jud. (+ toute une série d’articles dans le Code Judiciaire).

Il y a plusieurs types de demandes incidentes.

Tout d’abord, il y a la demande additionnelle. Il y a aussi la demande nouvelle. Troisièmement, il y a la


demande reconventionnelle (on en a déjà parle en termes de compétences). Dans le 4 e type, il y a
plusieurs sous-types ; ce sont les demandes en intervention, qui ont pour caractéristique d’amener un
tiers au procès (qui jusqu’ici, c’était développer entre un demandeur et un défendeur). Pour chacune
des demandes incidentes, nous allons nous poser les même questions (astuce étude : pratique d’en
faire un tableau récapitulatif).

LA DEMANDE ADDITIONNELLE & LA DEMANDE NOUVELLE [1] et [2]

(Définitions aux artt. 12 à 16 C.Jud.)

En ce qui concerne les conditions procédurales, nous avons en vu deux articles du Code Judiciaire,
notamment l’art. 808 (pour la demande additionnelle) et l’art. 807 (pour la demande nouvelle).

La demande additionnelle [1]

- Qu’est-ce ? Art. 808 C.Jud. : « En tout état de cause, même par défaut, les parties peuvent
réclamer les intérêts, arrérages, loyers et tous accessoires dus ou échus depuis l'introduction
de la demande, et même les augmentations ou dommages-intérêts ultérieurement justifiés,
sans préjudice des sommes dues en compensation. » (C’est un article très important !!) Il s’agit
de la demande par laquelle une des parties (le demandeur principal, sur ça demande
introductive OU le défendeur, qui introduit une demande reconventionnelle) peut faire une
demande additionnelle  par cette demande, se demande un accessoire prévisible du
montant réclamé initialement (p.ex. : les intérêts judiciaires (ceux qui sont échus depuis la
demande principale)).

- Qu’en est-il de la forme ? Dans l’art. 808, on parle de conclusions. L’art. 809 rajoute : « Entre
parties en cause, les demandes incidentes sont formées par conclusions, déposées au greffe, et
[1 envoyées]1 aux autres parties, ainsi qu'il est dit aux articles 742 à 746. »

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 ‘Résultat des courses’ = qu’il s’agisse d’une demande additionnelle ou d’une demande
nouvelle : une simple conclusion suffit. C’est normal : on est déjà au procès donc des
simples conclusions suffisent.

- Quid de la recevabilité ? Les conditions sont plus souples que celle de la demande nouvelle.
L’art. 808 nous dit qu’à TOUT moment du procès (et même par défaut), on peut faire une
demande additionnelle. C’est un régime très souple. On peut le faire jusqu’à la veille de
l’audience et même par défaut.

- Quid de la recevabilité d’introduire une demande additionnelle/nouvelle en degré d’appel,


pour la première fois ? Le double degré de juridiction n’est pas un droit fondamental en droit
belge ; il n’est pas garanti par nous cours suprêmes. La Cour de cassation admet la possibilité
de former pour la première fois, en degré d’appel, une demande additionnelle/une demande
nouvelle. On dit que l’appel est une voie d’achèvement.
Pour la demande additionnelle, l’art. 808 est très simple  on passe par l’art. 1042 ; article à
mi-chemin entre la première instance et les voies de recours. L’art. 1042 nous dit que,
lorsqu’une question de procédure se pose en degré d’appel, de deux choses l’une : soit la
question fait l’objet d’une disposition spécifique, soit il n’y a pas de disposition spécifique.
Dans ce deuxième cas : rendez-vous sur les solutions juridiques de l’instance. L’art. 1042 invite
à copier-coller l’art. 808, en degré d’appel.

- En ce qui concerne la matière de compétence  rappel : la demande additionnelle ne change


rien à la compétence du juge saisi de la demande principale. Pourquoi ? Règle du rétroviseur.
On se moque de savoir s’il y a une demande additionnelle/nouvelle, car ce qui compte c’est la
demande telle qu’elle est initialement formée.

La demande nouvelle [2]


- Qu’est-ce ? (Art. 807 C.Jud.) Elle est réservée au demandeur originaire/principal. La
modification qu’il fait de sa demande principale, est plus substantielle qu’en cas de demande
additionnelle. Il s’agit d’un changement, d’une mutation profonde de la demande. Elle peut
avoir lieu soit par un changement d’objet, soit par un changement de cause (et/ou  ça peut
être les deux).

- (IDEM que pour la demande additionnelle) Qu’en est-il de la forme ? Qu’il s’agisse d’une
demande additionnelle ou d’une demande nouvelle : une simple conclusion suffit.
C’est normal : on est déjà au procès donc des simples conclusions suffisent.

- Quid de la recevabilité ? Le Code Judiciaire corse un peu le régime ici, car le changement est
plus intense. Art. 807 C.Jud. : « La demande dont le juge est saisi peut être étendue ou
modifiée, si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un
acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente.» Commençons
par la fin de l’article. « Même si leur qualification juridique est différente », c’est-à-dire que
quand, en tant qu’avocat, on se contente de changer le fondement juridique, il n’y a pas de
demande nouvelle. Ce n’est qu’une rectification de dire juridique. L’art. 807 nous dit que, pour
faire une demande nouvelle (changement d’objet ou changement de cause), il faut respecter
deux conditions :

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o Une condition de forme = il faut des conclusions contradictoirement prises. L’adverbe
est important : le Code Judiciaire a fait un choix politique, en disant « pas question de
faire une demande nouvelle contre un défendeur qui fait défaut ». Une demande
nouvelle comme telle n’est donc pas possible vis-à-vis d’un défendeur qui fait défaut.
Par contre, c’est embêtant pour le demandeur (ce n’est pas de sa faute que le
défendeur a fait défaut). Si ce demandeur souhaite quand-même introduire une
demande nouvelle, il doit contourner l’article 807 et faire une nouvelle demande
principale. Qu’est-ce qu’il arrivera de cette deuxième demande principale ? Les deux
demandes seront jointes pour cause de connexité ! C’est une solution très simple,
(mais certains auteurs et certains juges ne respectent pas le principe de la deuxième
demande principale).
o Une condition de fond = il faut que la demande nouvelle soit fondée sur un acte
invoqué dans la citation, c’est-à-dire que le Code Judiciaire exige, malgré tout, un petit
lien d’apparentement. On ne peut passer du noir au blanc, du tout au rien. Il doit s’agir
du même contrat problématique, du même context familial… Remarque : la Cour de
cass. interprète cette exigence de façon très souple.

- (IDEM que pour la demande additionnelle) Quid de la recevabilité d’introduire une demande
additionnelle/nouvelle en degré d’appel, pour la première fois ? Le double degré de juridiction
n’est pas un droit fondamental en droit belge ; il n’est pas garanti par nous cours suprêmes. La
Cour de cassation admet la possibilité de former pour la première fois, en degré d’appel, une
demande additionnelle/une demande nouvelle. On dit que l’appel est une voie d’achèvement.
La réponse est la même que pour la demande additionnelle  il n’y a rien dans le Code
Judiciaire qui est spécifique à la demande nouvelle, formée pour la première fois en degré
d’appel. Par conséquent, la réponse est oui, c’est recevable : l’art. 1042 invite à copier-coller
l’art. 807, en degré d’appel. Ça signifie que le demandeur originaire peut parfaitement, pour
la première fois en degré d’appel, former une demande nouvelle. À quelles conditions ? Voy.
les conditions de l’art. 807 ! Il faut respecter le contenu de l’art. 807 (la condition de fond + la
condition de forme).

- (IDEM que pour la demande additionnelle, mais avec une petite réserve) En ce qui concerne la
matière de compétence  rappel : la demande additionnelle ne change rien à la compétence
du juge saisi de la demande principale. Pourquoi ? Règle du rétroviseur. On se moque de savoir
s’il y a une demande additionnelle/nouvelle, car ce qui compte c’est la demande telle qu’elle
est initialement formée.

Réserve : si tout d’un coup, on avise au titre de demande nouvelle, de tomber dans une
compétence exclusive, il y aura un déclinatoire d’ordre public. Toutefois, le cas est très rare :
la règle du rétroviseur fait que la demande additionnelle/nouvelle indiffère.

(Le tiret du ressort, on le ‘met au frigo’. On doit simplement connaître la base légale, art. 618 C.Jud.)

P. 201 SYLLA : demande d’un genre particulier, la demande pour obtenir du juge une mesure avant
dire droit. Ce n’est pas une demande principale, ce n’est pas une demande incidente  c’est un cas
particulier. Le fondement légal est l’art. 19, al. 3 C.Jud. On verra les conditions plus tard.

On a aussi vu la procédure en référé familial. Un élément doit être rajouté ici : l’art. 1253ter/7 prévoit
un mécanisme particulier, propre au Trib. de la famille, notamment la saisine permanente. On peut

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toujours retourner devant le Trib. de la famille pour qu’il modifie la demande en cas d’éléments
nouveaux. Ce n’est pas une demande principale, ni une demande incidente.

LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE [3]

- Qu’est-ce ? Art. 563 C.Jud. (voy. supra)  on a déjà vu ce qu’est une demande
reconventionnelle. On l’a vu dans la partie des compétences. L’art. 14 du Code Judiciaire : la
demande reconventionnelle est la demande qui émane du défendeur qui, non seulement se
défend de la demande principale, mais aussi qui contre-attaque (il forme une demande à
l’encontre de son demandeur).

- Qu’en est-il de la forme ? La base légale de l’art. 809 nous dit que, entre parties déjà à la cause,
la demande se forme par simple conclusion.

- Quelles sont les conditions de recevabilité d’une demande reconventionnelle en première


instance ? Tout d’abord, c’est une action, donc il faut qu’il y ait la capacité, l’intérêt et la
qualité. De plus, c’est une demande (objet, cause, adversaire, etc.). Mais y a-t-il quelque chose
en plus ? Faut-il que le défendeur justifie d’un lien de connexité avec la demande principale ?
C’est une question très théorique : dans 99 cas sur 100, la demande reconventionnelle a un
lien avec la demande principale. La Cour constitutionnelle a quand-même répondu à la
question  non : le lien d’apparentement n’est PAS requis. Le défendeur peut donc fonder sa
demande reconventionnelle sur un tout autre contexte.
REMARQUE : art. 810 C.Jud.  si la demande reconventionnelle est de nature à faire subir un
retard au jugement de la demande, alors les deux demandes sont jugées séparément. C’est
l’histoire d’un défendeur qui tarde. On joint la demande principale et la demande
reconventionnelle. Cette disjonction s’appliquera si elle est matériellement possible.

- Puis-je moi, en tant que défendeur originaire, pour la première fois en appel, former une
demande reconventionnelle contre mon demandeur originaire ? Deux remarques d’abord
(une de principe et une de ‘casting’) :
o De principe  on s’attend à une réponse positive de la Cour de cass.
o De casting  on parle du DÉFENDEUR ORIGINAIRE qui introduit une demande
reconventionnelle en appel. On ne parle pas des notions d’appelant et d’intimé.
On s’attendrai à une réponse du type 1042 C.Jud. On croirait donc qu’un copier-coller suffit.
Toutefois, depuis 40 ans, la Cour de cass., suivie par la Cour const. ne dit pas ça : le défendeur
originaire peut le faire, MAIS pour ce faire, il doit respecter les conditions de l’art. 807 (= les
conditions de la demande nouvelle !). La demande reconventionnelle doit donc se fonder sur
un fait/un acte que le demandeur originaire avait invoqué lui (ce qui n’est PAS exigé en
première instance). Au départ, certains ont dit qu’il y avait dans cette décision une violation
de la loi. L’art. 1042 n’impose pas de conditions ! À première vue, c’est vrai. Cependant, la
réponse est justifiée au regard de la règle de l’égalité des justiciables devant la loi. Les cours
suprêmes veulent mettre les deux parties sur un même pied d’égalité, face à l’absence du
double degré de juridiction !

- Quid de l’incidence de la demande reconventionnelle sur la compétence du juge saisi en


première instance ? Art. 563 C.Jud. = le premier cas de prorogation de compétence (voy.
supra). Al. 1 : nous sommes devant une juridiction d’exception ; al. 2 : il faut alors que, pour

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que la prorogation joue au profit du juge d’exception, la demande reconventionnelle dérive
du même fait/même acte que la demande principale  il faut l’attachement.

- (Au mois de mai, on verra l’art. 620 C.Jud.)

LES DEMANDES EN INTERVENTION [4]

- Qu’est-ce ? Artt. 15 et 16 C.Jud.  ces articles plantent le décor. Il y a quatre types.

Art. 15 : « L'intervention est une procédure par laquelle un tiers devient partie à la cause.
Elle tend, soit à la sauvegarde des intérêts de l'intervenant ou de l'une des parties en cause,
soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie. »

Dans l’al. 2, on fait une première distinction :

- il y a la demande en intervention conservatoire ( sauvegarde des intérêts : le tiers


ne demande à son profit aucune condamnation et aucune condamnation n’est
demandée à charge du tiers  il s’agit purement et simplement que le tiers participe
au procès pour que le procès à venir n’ait à son égard ni plus, ni moins que l’autorité
de la chose jugée (attention, il n’y a pas de condamnation  le tiers arrive
volontairement ou de façon forcée au procès, mais on ne demande rien contre lui et il
ne demande rien contre quelqu’un ! il n’y a pas d’agression)).
- la demande en intervention agressive (là, il est demandée une condamnation par le
tiers/à l’encontre du tiers).

Art. 16 : « L'intervention est volontaire lorsque le tiers se présente afin de défendre ses intérêts.
Elle est forcée lorsque le tiers est cité au cours d'une procédure par une ou plusieurs parties. »

L’art. 16 y (à l’art. 15) superpose une deuxième distinction : l’intervenant intervient


volontairement ou le tiers arrive de manière forcée.

Petit casus pour illustrer : une intervention forcée conservatoire ; nous sommes parties à un
procès (Primus et Secundus) ; Secundus soulève un problème de nullité de la citation (de la
recevabilité pour un problème (défaut d’intérêt, défaut de qualité…)) ; Primus fait citer en
intervention forcée conservatoire son huissier et son avocat. L’idée = « Monsieur l’avocat et
Mme l’huissier, si jamais Secundus a raison et que le juge vient à dire que la citation que vous
avez rédigée est nulle/irrecevable, vous devrez mettre le chapeau ».

 Intervention forcée agressive ; procès en responsabilité ; le maître de l’ouvrage voit sa


maison affectée de malfaçon ; procès contre l’architecte ; l’architecte vient porter le chapeau
direct à mes côtés, contre son assureur et contre l’entrepreneur. C’est agressif : « je demande
que tu sois condamné à me garantir de la condamnation qui serait portée à ma charge, je
demande à ce que tu viennes supporter la condamnation solidairement/in solidum à mes
côtés » = forcé et agressif.

- Qu’en est-il de la forme ? Art. 813 C.Jud. : il est un peu plus subtil que l’art. 809 ! Attention, le
Code Judiciaire parle de L’intervention judiciaire, mais il y en a deux : il devrait parler DES
interventions judiciaires.
Art. 813 : « L'intervention volontaire est formée par requête, qui contient, à peine de nullité,
les moyens et conclusions.

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L'intervention forcée est formée par citation. Entre parties en cause, elle peut avoir lieu par
simples conclusions. »
L’al. 1  l’intervenant volontaire s’invite volontairement au procès. Il dépose une requête (=
un acte formel, déposé au greffe) en intervention volontaire. L’al. 2  la citation = l’autre
forme de demande. C’est une forme plus contraignante, plus solennelle, mais aussi plus sure.
Comment est-ce qu’une demande en intervention forcée peut avoir lieu entre les parties en
cause ? Explication : nous avons affaire à un litige multipartite (au moins tripartite). Casus pour
illustrer  je suis maître de l’ouvrage ; ma maison est affectée de malfaçon ; je fais une
demande principale introductive d’instance, par citation, à l’encontre de mon architecte.
Disons que je choisis le Trib. de l’entreprise. L’architecte dit : « pas question que j’endosse la
responsabilité totale ». Il décide de faire une intervention, forcée et agressive contre
l’entrepreneur. Art. 813  intervention forcée, par voie de citation (l’architecte lance donc
une citation contre l’entrepreneur). Ils sont maintenant à trois à la cause. Mais combien de
liens d’instance y a-t-il ? Deux ! Maître de l’ouvrage – architecte et architecte – entrepreneur.
La première chose à faire, c’est étendre la demande et créer un troisième lien d’instance avec
l’entrepreneur. Il faut donc veiller à former une intervention forcée, agressive, contre
l’entrepreneur qui est là par le fait de l’architecte. Il est déjà partie à la cause par le fait de la
citation agressive et forcée faite par l’architecte. Pour ce faire, une simple conclusion suffit
(donc pas besoin de lui envoyer des citations, des requêtes, etc.).

- Quid de la recevabilité ? Quelles sont les conditions des 4 demandes en intervention ? La base
= capacité, intérêt, qualité : il les faut toujours. Un élément de VARIATION/de NUANCE s’y
ajoute, car la Cour de cass. considère que l’intérêt à démontrer pour des interventions
conservatoires volontaires s’apprécie plus souplement !
De plus, faut-il qu’il y ait entre la demande principale et les demandes en intervention un lien
de connexité ? Oui !! Les juridictions sont fermes là-dessus : pas question de faire débouler un
tiers au procès qui n’a rien à voir avec la demande principale. Il faut véritablement un lien de
rattachement.
En troisième lieu, le Code Judiciaire ajoute d’autres conditions de recevabilité en première
instance pour les demandes en intervention.
La première condition est issue de l’art. 812, al. 1er C.Jud. : « L'intervention peut avoir lieu
devant toutes les juridictions, quelle que soit la forme de la procédure, sans néanmoins que des
actes d'instruction déjà ordonnés puissent nuire aux droits de la défense. »
L’idée = vous êtes tiers et vous êtes appelés à prendre le train en marche. Les droits de la
défense du tiers ne peuvent être violés par une mesure d’instruction déjà ordonnée. L’art. 812,
al. 1er ne pose pas de problème pour les deux types de demande en intervention volontaire !
Le tiers qui intervient volontairement (après avoir appris qu’un procès a lieu) le fait en pleine
connaissance de cause. S’il estimait que ses droits à la défense sont violés, il n’interviendrait
pas.
En ce qui concerne les interventions forcées au contraire la jurisprudence de fond et la
jurisprudence de la Cour de cass. se montrent très laxistes (selon le prof même trop) vis-à-vis
des intervenants forcés conservatoires. Selon ces jurisprudences, le tiers peut intervenir à un
moment tardif du procès, alors que l’expertise est déjà en route, puisqu’il n’y a pas vraiment
de condamnation à sa charge. Après le moment où le jugement a été rendu, la question se
pose : est-ce que ce jugement est opposable aux tiers ?
 Les droits de la défense sont quand même menacés. Il faudrait donc être souples, certes,
mais ne pas exagérer.

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Même controverse en cas de tiers intervenant forcé agressif (= c’est l’homme/la femme
protégé(e) par l’art. 812, al. 1.  formalisme VS pragmatisme. Le formalisme : il suffit qu’une
mesure d’instruction ait déjà été ordonnée, peu importe où elle en est  le tiers intervenant
forcé agressif pourra réclamer sa mise en cause/l’irrecevabilité de l’intervention.
Typiquement : en litige en responsabilité ; on veut faire venir un entrepreneur/assureur. Une
expertise a été ordonnée, mais elle n’a jamais débouté. Dans les années 1970-1980, on disait :
« l’expertise a été ordonnée, donc le tiers peut remettre en cause/réclamer l’irrecevabilité ».
L’optique pragmatique promeut une approche plus concrète. Il faut démontrer concrètement
comment l’état d’avancement de la mesure d’instruction est au désavantage du tiers
(« concrètement, comment est-il préjudicié ? »). Il ne doit pas démontrer un préjudice
irrémédiable. Il doit démontrer que ses droits de la défense ne sont pas respectés. Le juge
décide si c’est recevable ou pas. Si ce n’est pas irrecevable, le tiers participe, il prend le train
en marche. Si c’est irrecevable, tant mieux pour lui, soit on renonce, soit on recommence un
procès principal avec lui.
Les avocats et les juges étaient en débat constant à ce sujet. Le législateur de 2007, croyant
bien faire, a modifié l’art. 981 C.Jud. Art. 981 : « L'expertise est inopposable à la partie appelée
en intervention forcée après l'envoi de l'avis provisoire de l'expert, sauf si cette partie renonce
au moyen de l'inopposabilité.
Le tiers intervenant ne peut pas exiger que des travaux déjà réalisés soient recommencés en sa
présence, à moins qu'il ne justifie de son intérêt à leur égard. »
Cet article contient une des dix mesures d’instruction listées dans le Code Judiciaire. Quid
d’une expertise qui est en route, quid des droits de la défense concrètement préservés au
tiers. Le législateur de 2009 a eu une bonne idée : il a décidé de dire lui-même ce qui est
tardif/ce qui est correct. Lorsque l’expert a rédigé son avis provisoire, il est trop tard.
L’intervention formée contre le tiers est irrecevable. La Cour de cass. a rendu un arrêt le 30
juin 2015  c’est un arrêt très compliqué, qui dit que ce n’est pas parce que l’avis provisoire
n’est pas pris que pour autant, l’intervention forcée serait recevable + ce n’est pas parce que
l’avis serait pris que l’intervention provisoire serait irrecevable. La Cour dit donc exactement
le contraire de ce que dit l’article. (Le prof ne comprend pas cet arrêt, donc il ne nous
interrogera pas là-dessus.)

 Il faut retenir une interprétation pragmatique : si la mesure d’instruction est de nature à


léser les droits de la défense du tiers de façon concrète, le tiers est mis hors cause. Si ce
n’est pas le cas, il doit participer (art. 812, al. 1).

Autre condition : art. 814. Selon cet article, l’intervention ne peut retarder le jugement de la
cause principale. C’est le ‘frère’ de l’art. 810 C.Jud. Toutefois, cet article est plus court : il
n’ordonne aucune sanction. La jurisprudence a donc comblé cette lacune  qu’arrive-t-il
lorsque le tiers (volontaire/forcée) est tardif (= la formulation de la demande en intervention
est tardive) ? De deux choses l’une : soit l’intervention dénote par sa tardivité de la
déloyauté/de l’abus de droit/de la négligence…  dans ce cas-là, la Cour de cass. dit que c’est
irrecevable. La punition est donc l’irrecevabilité. Soit l’intervention est arrivée en retard, mais
l’intervenant n’y est pour rien (problème de responsabilité médicale, par exemple, où on a
fallu faire une expertise très fine  on s’est aperçu que le problème n’était pas d’ordre
chirurgique ; c’était un problème d’anesthésie). Dans les cas où il n’y a donc pas eu de
problème de négligence (par exemple), la Cour de cassation préconise ce qu’on appelle la
disjonction  on traite d’abord la demande principale (pour qu’elle ne soit pas retardé), puis
la demande en intervention.

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Remarque : récemment, le législateur est venu introduire dans le Code Judiciaire un art.
1385septiesdecies, pour dire que, lorsqu’on est dans une responsabilité non-faute, le Code
Judiciaire privilégie les droits de la victime (il y a toujours ( !! ) disjonction, sans pouvoir
d’appréciation).

- (Examen !!) Quid d’une demande en intervention formée pour la 1ère fois en degré d’appel. Il
s’agit de juger pour la première et dernière fois un tiers où de juger de l’action formée par un
tiers en degré d’appel. Ce tiers n’était PAS là en première instance. La porte n’est pas
totalement verrouillée !! Art. 812, al. 2 C.Jud. : « L'intervention tendant à obtenir une
condamnation ne peut s'exercer pour la première fois en degré d'appel. » Les deux
interventions agressives (volontaire/forcée) sont exclues. On irait trop loin, dit la loi ! Ce serait
trop préjudiciable. A contrario, la Cour de cass. dit : « il reste les demandes en intervention
conservatoires ! » Donc une intervention conservatoire (volontaire/forcée) est RECEVABLE en
degré d’appel. La Cour de cass. l’a toujours dit. Or, certaines cours du travail et cours d’appel
et certains auteurs disent : « attention à l’abus de droit !! ». Souvent, dans ce genre de
situations, les droits de la défense du tiers ne sont PAS respectés. Sur ce, la Cour de cass. a
rendu un arrêt du 28 juin 2020 (n° de rôle : C.18.0287.N). Elle dit que toute demande en
intervention forcée conservatoire en degré d’appel est recevable, point. Pas d’appréciation de
tardivité, d’abus de droit, etc. Le prof trouve que c’est très menaçant pour le tiers de dernière
minute !
Dernièrement, est-ce que je pourrais faire venir en intervention, en degré d’appel, un pseudo-
tiers (= quelqu’un qui était partie en première instance) ? En 2015, la Cour de cass. a répondu
à cette question (arrêts du 9 et du 15 octobre). Non, ne peuvent intervenir en degré d’appel,
à titre conservatoire, que des VRAIS tiers !
(Remarque (voy. infra) : nous verrons qu’il y a des possibilités de reconstituer le casting en
degré d’appel, mais ce n’est pas via une intervention (on appelle cela l’appel provoqué  il
permet de reconstituer le litige).)

- Quid de l’incidence des quatre demandes en intervention sur la compétence du premier juge ?
Art. 564 C.Jud. : le juge compétent connaît de la demande principale et de la demande en
intervention. Il y a donc toujours prorogation de compétence. Par contre, attention aux
compétences exclusives !!

- (Incidence d’une demande en intervention sur le ressort ?  voy. infra (mai) artt. 620 et 621
C.Jud.)

9e cours

§3 Formes de la demande introductive


(SYLLA P. 208)

Pourquoi ce paragraphe parle-t-il de « demande introductive » ? Toutes les demandes – qu’elles soient
principales/introductives ou incidentes – finissent par emprunter toutes les mêmes formes. Soit
certaines demandes incidentes s’introduisent par voie de conclusion, soit les demandes
(principales/incidentes) s’introduisent selon 4 modes introductifs.

A Divers modes d’introduction de l’instance


Il y a 4 modes introductifs d’instance dans le Code Judiciaire (prévus aux art. 700 et s.). Il y a :

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1- La citation par exploit d’huissier
2- La requête conjointe (= la comparution volontaire)
3- La requête contradictoire (= la requête bilatérale)
4- La requête unilatérale

LA CITATION (1-). Pourquoi le Code Judiciaire privilégie-t-il la citation, comme on le voit à l’art. 700
C.Jud. ? Art. 700 : « À peine de nullité, les demandes principales sont portées devant le juge au moyen
d'une citation, sans préjudice des règles particulières applicables aux comparutions volontaires et aux
procédures sur requête. Les actes déclarés nuls pour contravention à la présente disposition
interrompent la prescription ainsi que les délais de procédure impartis à peine de déchéance. » « À
peine de nullité » ( théorie de nullité, on l’étudiera plus tard). Pour l’instant, ce qui importe, c’est le
choix du législateur. Il a une préférence pour la citation. Cette préférence se manifeste ainsi : « si la loi
ne précise rien, il faut utiliser la citation, à peine de nullité  tu ne peux recourir aux autres modes
introductifs que quand c’est prévu par la loi ». Pourquoi ? Car la citation, qui est un exploit d’huissier
(= acte solennel, accompli avec beaucoup de précision) est formé en tout soin, un max de précision,
etc. Tout est fait pour que le défendeur prenne connaissance de l’acte qui le convoque au Trib. Les
autres modes sont moins certains en termes de sécurité juridique/judiciaire. Alors pourquoi y a-t-il
d’autres modes ? Parce que la citation est le mode le plus cher ! Cette sécurité judiciaire a donc un
prix ! Il FAUT passer par l’huissier de justice. C’est pour cette raison que, dans certains cas – où on veut
surtout protéger d’autres intérêts économiques plus sensibles – le législateur lâche un peu de laisse et
autorise d’autres modes.

Deux scénarios :

a) Le législateur fait un choix et autorise d’introduire le litige par requête bilatérale (moyen moins
sûr, mais moins cher). Le législateur prévoit la requête de plus en plus d’ailleurs. Or, même si
j’ai le droit d’utiliser la requête, j’utilise plutôt la citation. Qu’advient-il ? Suis-je sanctionné ?
Non, pas tout de suite : qui peut le moins, peut le plus. J’ai le droit d’utiliser le mode le plus
sûr. Mais alors, quid des frais ? Art. 1017 C.Jud. : il prévoit que les frais somptuaires (= ceux
qui sont exposés en faute de celui qui les commet) restent à charge de celui qui les expose. Le
demandeur garde donc, à sa charge, la différence de coûts entre la citation en justice et la
requête bilatérale. Cela étant dit, ce n’est pas toujours une faute de recourir à la citation. Il y
a des cas limites où je ne peux pas prouver l’adresse de mon défendeur, par exemple (car il est
inscrit nulle part). dans ce cas, la demande n’est pas sanctionnée.
b) Autre cas plus vache : je ne suis pas autorisée à utiliser une requête contradictoire. Je suis
distrait et j’introduis une requête alors que je n’ai pas le droit. Art. 700  je suis coupable
d’un choix sanctionné d’une nullité. Toutefois, ce n’est pas ‘un drame’ : les cas de nullité sont
de plus en plus bénins, couverts, réparés (voy. P. 235 et s. SYLLA). De plus, même si la requête
est déclarée nulle en raison de la violation de l’art. 700, elle aura quand-même un effet
interruptif de prescription ! Certes, le litige doit être réintroduit proprement, mais l’effet
interruptif joue bel et bien.

Rappel : il y a des cas rares, dont on doit en retenir un = l’art. 1253ter/4 C.Jud. : dans ce cas-là (devant
le Trib. de la famille, confronté aux cas chouchous), par faveur du législateur, la loi m’offre une
véritable palette de choix (citation/requête  il n’y a pas de podium de préférence).

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B Analyse du procédé normal d’introduction : la citation
Deux bases légales : artt. 43 et 702 C.Jud. L’art. 43 énonce toutes les mentions que, à peine de nullité,
un exploit d’huissier doit nécessairement comporter. Par ailleurs, l’art. 702 complète l’art. 43. Il dit
quelles mentions l’exploit doit comporter, et ce, aussi à peine de nullité.

 Il y a donc deux checklists à respecter.

L’huissier de justice reçoit du justiciable/de son avocat un projet de citation, où les prétentions sont
articulées. L’huissier met cela en belle forme. Ensuite, il signifie cette citation. Pour ce faire, il a une
feuille de rôle ( il va chercher les destinataires de la citation). Il ne fait cela qu’après avoir ajouté la
date à laquelle le ou les défendeurs seront convoqués en justice sur la citation. On appelle ça la date
de l’introduction. Jusque-là, la juridiction d’introduction n’est pas encore saisie. L’huissier doit donc
inscrire la citation au rôle général de la juridiction compétente/saisie (inscription au rôle : artt. 711 à
717 C.Jud.). L’inscription au rôle, quid ? On se rend au greffe de la juridiction compétente et on y inscrit
administrativement la citation. La citation reçoit un numéro de rôle général. Il faut procéder (nous
disent les artt. 716 et 717) au plus tard la veille de cette audience d’introduction. Sauf exemption
légale, chaque inscription de citation/de requête appelle le paiement d’un impôt indirect qu’on appelle
le droit de greffe/de rôle. Jusqu’il y a peu, il fallait que le justiciable demandeur acquitte ces droits de
rôle, qui – en cas de victoire – étaient récupérés après coup.  Aujourd’hui, il y a une mesure fiscale
favorable pour favoriser l’accès du justiciable au Trib. : art. 269 exposant 2 du Code des droits
d’enregistrement et de droits de greffe  le droit de greffe n’est payé qu’à la fin du procès par la/les
personne(s) que le juge désignera (par le gagnant, moitié-moitié…). Finalement, il n’y a plus qu’à
attendre le procès. L’huissier a fait son job.

LA REQUÊTE CONJOINTE (2-). Il y a aussi la requête conjointe/la comparution volontaire (siège du


propos : art. 706 C.Jud.). Il s’agit d’un ‘numéro 1bis’ sur le ‘podium de préférence du législateur’. La
requête conjointe est presque sur pied d’égalité avec la citation.
Art. 706 C.Jud. : « Devant le tribunal de première instance, le tribunal du travail, le tribunal de
l'entreprise, le juge de paix et le tribunal de police, la demande peut être introduite par une requête
conjointe des parties, signée et datée par elles à peine de nullité.

La requête est déposée ou adressée au greffe par lettre recommandée.

Le dépôt de la requête au greffe ou l'envoi recommandé vaut signification.

La requête est inscrite au rôle.

Si les parties ou l'une d'elles le demandent dans la requête, ou si le juge l'estime nécessaire, ce dernier
fixe une audience dans les quinze jours du dépôt de la requête. Les parties et, le cas échéant, leur conseil
sont alors convoquées par le greffier à comparaître à l'audience fixée par le juge par simple lettre. »

Il s’agit pour les parties de comparaître volontairement : l’acte introductif est introduit conjointement.
Par exemple : nous sommes en dispute, mon adversaire et moi ; nous ne parvenons pas à nous
entendre ; nous décidons de comparaître devant un certain juge, volontairement. Comme ça se
passe ? Les parties (ou leur avocat) peuvent rédiger conjointement (elles s’échangent un document)
un document dans lequel elles échangent leurs thèses de défense (objet, cause, défense, demande
reconventionnelle tant qu’on y est). On date, on signe et on dépose sa requête conjointe au bon greffe
et on procède à l’inscription au rôle (physiquement/par recommandé/peut-être un jour
électroniquement). On évite tout un tas de formalisme et la sécurité est maximale : on est d’accord de

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comparaître. Toutefois, en quoi n’est-ce pas la médaille d’or (contrairement à la citation) ? Car
premièrement, les parties ne sont pas toujours d’accord. De plus, la comparution volontaire n’est pas
offerte au degré des cours ! Là, il faut obéir aux règles du Code Judiciaire. A contrario, devant les Trib.
(en 1er degré), il est parfaitement possible de faire une opposition par voie de requête conjointe. Par
ailleurs, dans certains cas, le recours à la requête conjointe est interdit (mais on ne doit pas connaître
cette matière-là).

LA REQUÊTE BILATÉRALE (= contradictoire) (3-). Dans certains cas, le Code Judiciaire peut abandonner
l’exigence de sécurité maximale, au motif du coût du procès qui sera plus réduit. On préfère l’économie
à la sécurité dans ces hypothèses. Attention, le législateur doit le prévoir de façon explicite. Tout se
fait à distance (de façon postale). Personne ne bouge pour aller trouver le défendeur. Comment ça se
passe ? Le justiciable/son avocat/le juriste d’entreprise rédige un projet de requête. Ensuite, il veille à
respecter un formalisme minimal, qui se trouve aux art. 1034bis et s. (ce n’est donc pas forcément un
spécialiste qui s’en occupe). Une fois le document rédigé, on le dépose au greffe de la juridiction (qu’on
croit) compétente/on le fait via la poste. Le greffier notifie (attention, notifier ≠ signifier (~ huissier)) =
envoie sous pli postal, la requête au(x) défendeur(s), selon le caractère multipartite ou non. Problème :
les aléas postaux : p.ex. lorsque la requête envoyée sous pli postale (= le pli judiciaire) arrive au
domicile (qui parfois n’est pas le bon domicile) quand le défendeur n’est pas là  le pli traine au
bureau postal. C’est pour cette raison qu’on préfère la citation.

Nous devons retenir quelques cas :

- Art. 704 C.Jud. : toutes les demandes soumises aux Trib. du travail peuvent être introduites
par requête bilatérale. Pourquoi ? Le législateur présume – à juste titre – que les demandeurs
sont généralement plus précaires que les défendeurs (= David contre Goliath).

- Art. 1344bis C.Jud., en matière de baux (tous les baux) : le demande principale peut être
introduite par requête bilatérale.

- Art. 1253ter/4 C.Jud. sur les chouchous.

- Etc. (mais on ne doit retenir que les trois premiers).

Comment s’y prend-on ? Artt. 1034bis à 1034sexies C.Jud. = la matrice de toute bonne requête
bilatérale. Normalement, je dois suivre la checklist dans ces articles. Pourquoi le prof dit-il
« normalement » ? Le législateur peut prévoir une double dérogation  non seulement le justiciable
peut utiliser la requête bilatérale, mais aussi elle est déformalisée davantage. Par un texte particulier,
le formalisme est rendu moins envahissant que celui des art. 1034bis et s.

Exemple à retenir : art. 704, §2 C.Jud.  devant le Trib. du travail, tout litige peut être introduit par
requête contradictoire. Le paragraphe 2 dit que, dans la plupart des litiges de la sécurité sociale (=
compétence exclusive du Trib. du travail) non seulement l’assujetti social peut intenter une requête
contradictoire, mais aussi cette requête contradictoire est épargnée du formalisme des art. 1034bis et
s. Il y a là une protection du justiciable plus précaire.

Qu’est-ce qu’une bonne requête contradictoire doit comporter ? Voy. la série d’articles ultra
complets  art. 1034bis et s. Cet article dit qu’à peine de nullité, normalement toute action doit être
introduite par citation, SAUF si la loi autorise expressément à former une requête bilatérale  voy.
alors les art. 1034ter et s. Que dit cet article ? Il dit que, à peine de nullité, une requête contradictoire

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doit comporter les six mentions énumérées dans cet article (identité du requérant, date de la requête,
numéro de registre national du requérant/un numéro d’entreprise, l’identité du défendeur à
convoquer, l’objet de la requête, l’exposé des moyens, l’indication du juge compétent, la signature du
requérant/de son avocat).

Qu’en est-il de l’art. 1034quater ? À peine de nullité, doit être joint à la requête soit un certificat de
domicile du/des défendeurs à convoquer (un certificat de domicile se délivre à l’administration
communale du défendeur), soit il y a une alternative : on peut y joindre un extrait de registre national
(RN : c’est le numéro de citoyen ; sous le RN on trouve l’identité, la composition du ménage, la
profession, le domicile judiciaire (art. 32 C.Jud. sur le domicile judiciaire)). Remarque : depuis quelques
années, les avocats ont accès au registre national pour quelques euros. Ces documents ne peuvent
être plus vieux que 15 jours. Pourquoi faut-il joindre ces documents ‘frais’ ? C’est pour permettre la
convocation la plus sure du défendeur. Il faut des adresses récentes, plausibles à donner au greffier.
Lorsque le greffier a le moindre doute, il doit consulter le RN, pour voir s’il n’y a pas eu un
déménagement.

Parenthèse avec un cas pratique : lorsqu’on doit convoquer des gens non domiciliés en
Belgique/lorsqu’on doit convoquer 20-30 personnes, on fait une citation ! En cas de citation dans un
de ces cas – où la requête bilatérale était prescrite dans la loi – il n’y a pas de faute ; c’est autorisé !

La requête, accompagnée des certificats, en autant d’exemplaires qu’il y a à convoquer (+ 1 exemplaire


supplémentaire pour le juge) = déposée au greffe, physiquement ou par la poste (= par courrier
recommandé) de la juridiction présumée compétente.

Qu’est-ce qui se passe ensuite ? Artt. 1034quinquies et sexies : le greffier qui reçoit ses documents
fait deux choses : il notifie la requête au défendeur (= une lettre recommandée, qu’on appelle pli
judiciaire) et il procède à – comme pour la citation – l’inscription de l’affaire au rôle général de la
juridiction saisie. Puis on attend que les parties comparaissent à l’audience d’introduction.

LA REQUÊTE UNILATÉRALE (4-). Les autorisations doivent être restrictivement interprétées. Art. 1025
et s. C.Jud.  lorsque je suis exceptionnellement autorisée, une requête unilatérale doit être rédigée
(voy. art. 1026 et s.). Rappel : quels sont ces cas restrictifs ? Voy. les familles supra :

- le super référé (= l’extrême urgence, l’absolue nécessité = art. 584, dernier alinéa),
- les cas où le Code Judiciaire prévoit une procédure gracieuse, non contentieuse (il n’y a pas
d’adversaire à convoquer  la requête unilatérale s’impose (p.ex. : le renouvellement d’un
bail commercial)),
- les cas où un effet de surprise doit être ménagé au demandeur en justice (p.ex. : le créancier
qui veut pratiquer saisie conservatoire de certains biens de son débiteur) (art. 1414 C.Jud.)),
- le dernier cas est un cas jurisprudentiel : tous les cas où j’ai potentiellement/certainement des
adversaires, mais je ne sais pas encore qui (c’est typiquement le cas pour les grèves !).
 Dans ces cas, restrictivement interprétés, la requête unilatérale est autorisée. Que fais-
je ? Je vais à l’art. 1026 (= mode d’emploi)  à peine de nullité, la requête contient 5
mentions, prévues expressément par la loi (date, objet, cause… voy. l’art.). Le prof veut
qu’on retienne le °5  la requête doit contenir la signature de l’avocat (sauf quand on y
déroge) ! Le justiciable/le juriste d’entreprise, etc. ne peuvent signer la requête
unilatérale. Pourquoi y a-t-il se monopole de l’avocat ? La requête unilatérale porte
gravement atteinte au fonctionnement normal de la justice (on désorganise la journée du
magistrat par exemple, en cas de requête unilatérale pour extrême urgence).

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Quelques mots supplémentaires sur la CITATION (1-). Artt. 43 (mentions obligatoires d’un exploit
d’huissier) et 702 (application à la citation) C.Jud.  il y a plusieurs familles de mentions.
- Tout d’abord, il y a l’identification des parties (demanderesse et défenderesse)
o Pour le demandeur  nom et prénom, domicile judiciaire (art. 32 C.Jud.)/siège social,
numéro de registre/numéro d’entreprise (art. III.26 Code de droit éco), en cas
d’entreprise qui est une personne morale, il faut indiquer la dénomination + la nature
juridique (art. 703 C.Jud.) ( lien avec l’exigence de capacité (voy. supra) : art. 703,
§2  lorsqu’il s’agit d’une entité de faits, qui n’a pas la personnalité juridique, cette
entité peut utiliser sa dénomination et même se faire représenter par un mandataire
( !! ) : attention, ça ne déroge PAS aux exigences de capacité ! Cette entité n’a pas la
capacité ; ce sont tous les membres de l’association de faits qui sont les parties au
procès (pour le meilleur et pour le pire)). Il faut aussi invoquer la qualité en laquelle
on agit (représentant d’un enfant/d’un incapable majeur, organe d’une entreprise… =
exigence de forme).

o Pour le défendeur  idem, mais une petite règle particulière s’y ajoute : art. 705
C.Jud.  lorsqu’il s’agit pour un demandeur en justice d’assigner l’Etat belge
(fédéral !!), qui est un tout indivisible, ce demandeur doit assigner l’Etat belge via la
personne du Ministre compétent pour l’objet du litige. Parfois, on se trompe de
Ministre. Si le Ministre, en qualité d’organe de l’Etat, conteste qu’il s’agisse de son
département, l’art. 705 dit que ce Ministre doit – in limine litis – se substituer au
Ministre compétent. Ce Ministre reprend le procès (sur son budget et son
administration). Si ce Ministre n’agit pas à temps, il agira en tant que défendeur dans
un procès où il n’a pas grand-chose à voir…

- L’indication de l’objet de la demande et l’exposé des moyens  art. 702, °3 C.Jud. (il s’agit de
la même exigence pour la requête bilatérale (art. 1034ter C.Jud.) et pour la requête conjointe
(art. 706 C.Jud.) et pour la requête unilatérale (art. 1026 C.Jud.).
o L’objet = le résultat factuel que je postule (telle somme, telle restitution…).

o Les moyens  il faut en fournir un exposé sommaire. Qu’est-ce ? Les moyens


juridiques (= les bases légales) ou l’exposé factuel des prétentions du demandeur ?
Dès 1978 (bien avant le dénouement des controverses Spinois (2005)), la Cour de cass.
est confrontée à un cas très particulier : un demandeur rédige une citation tout à fait
compréhensible, mais sans faire mention de la moindre base légale. Le défendeur
décide de soulever l’exception de nullité. Selon le défendeur, les moyens = les bases
légales. L’exception de nullité qu’on soulève, lorsqu’on estime que son adversaire n’a
pas correctement fourni un exposé sommaire des moyens, s’appelle l’exception
obscursi libelli (ce n’est pas très effectif selon le prof de la soulever). On soulève cette
exception, en raison de l’absence de base légale, de qualification juridique. La Cour de
cass. dit : « l’exposé sommaire = les moyens de faits, donc pas les bases légales ! ».
Dès 1978, la Cour de cass. dit donc que les parties doivent résumer les faits et que c’est
au juge de dire le droit ! Dans une citation introductive, on peut donc se contenter de
ne décrire que les faits (on peut qualifier, mais on ne le doit pas).
En matière de compétences, nous avons vu la jonction pour cause de connexité (renvoi,
d’office, direct). Rappelons-nous la jonction pour connexité directe : art. 701 C.Jud.  le
demandeur en justice peut dans son acte introductif – à ses risques et périls – joindre

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directement deux, trois, quatre, cinq objets, qui, normalement, devraient être partagés entre
plusieurs juges compétents.

- La citation doit indiquer le juge compétent et l’audience d’introduction à laquelle le/les


défendeur(s) sont invité(s) à comparaître. Ne confondons pas la règle de compétence in se
avec la règle de forme de l’indication du juge compétent. L’art. 702 exige une mention
formelle : il faut indiquer le juge qu’on saisit. Ici, on est donc bien dans la forme !
Il faut également déterminer la date de l’audience d’introduction. À ce stade, décrivons le
mécanisme : art. 707 C.Jud.  il faut laisser au défendeur, entre le moment de la signification
de la citation/la notification de la requête et l’audience introductive, un délai. Le Code
Judiciaire ménage au défendeur un délai d’attente, un délai de citation. L’art. 707, rendu
applicable par l’art. 710 à la requête, dit que ce délai est de 8 jours (= délai de base). Nous
verrons plus tard (SYLLA P. 246 et s.) comment on compte ce délai standard de 8 jours. Ce délai
peut être rallongé ou raccourci. Il peut même y avoir un délai accordéon (= rallongé et
raccourci).
o Le délai de 8 jours peut être rallongé. Art. 55 C.Jud. : lorsque la loi prévoit l’application
de façon expresse de l’art. 55, alors l’art. 55 s’applique. Ici, on a l’art. 709, qui dit que
le délai de citation et de requête est augmenté (= rallongement) lorsque, en vertu de
l’art. 55 le ou les défendeurs sont domicilié(s) à l’étranger. L’art. 709 prévoit donc
l’application de l’art. 55. L’art. 55 (écrit dans les années 1960), s’y prend par cercles
concentriques (on utilisait des bateaux, les trains…  mais il est toujours en vigueur) :
au plus le défendeur est loin, au plus le délai est long.
Art. 55 C.Jud. : « Lorsque la loi prévoit qu'à l'égard de la partie qui n'a ni domicile, ni
résidence, ni domicile élu en Belgique, il y a lieu d'augmenter les délais qui lui sont
impartis, cette augmentation est:
1° de quinze jours, lorsque la partie réside dans un pays limitrophe ou dans le Royaume-
Uni de Grande-Bretagne;
2° de trente jours, lorsqu'elle réside dans un autre pays d'Europe;
3° de quatre-vingts jours, lorsqu'elle réside dans une autre partie du monde. »

o Les délais peuvent être raccourci (on parle des délais de 8 jours, mais aussi de 15, de
30…), dans des cas légaux et des judiciaires. Il y a d’abord le référé contradictoire, avec
citation. Il est dit que, dans le cas du référé (art. 1035 C.Jud.), le délai du référé est de
deux jours. Ce délai est augmenté avec la distance (« dans une autre partie du
monde »  2 + 80). D’où des possibilités judiciaires de réduire tous les délais, via les
artt. 708 et 1036. À l’art. 708, on a affaire au délai de 8 jours. Ce délai peut être
abrégé : 8, c’est trop, 23, c’est trop, et ainsi de suite. Mais je ne veux pas pour autant
citer en référé. La Cour de cass. demande qu’on évite la situation du référé. Elle définit
l’urgence comme une situation où on ‘n’est pas coupable’ : il faut utiliser les outils mis
à disposition du demandeur. Parmi les outils, il y a l’art. 708 ! Je peux demander
l’abréviation du délai de 8 jours pour citer au fond ; je peux demander l’abbréviation
du délai de 23 jours, etc. Comment je m’y prends ? J’introduis une requête unilatérale
(effet de surprise) devant mon futur juge, pour abréger le délai de citation de 8 (à 6)
jours par exemple, de 23 (à 12). Si le juge fait droit à ma prétention, parce qu’il y a
célérité, j’obtiens une ordonnance abréviative du délai de citer et je vais vers mon
huissier de justice. Quid si je suis en référé, parce que ces délais sont toujours trop
longs (2 jours pour un belge, 17 jours pour un Français, etc.), je peux faire exactement

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la même chose et faire une requête abréviative de mon délai de citation en référé (art.
1036 (= le référé d’hôtel !)).

DEUX REMARQUES sur les délais de citation :


o Art. 710 C.Jud. : tout ce qu’on vient de voir sur les délais de citation vaut aussi pour
les requêtes bilatérales.

o Si on ne respecte pas les règles relatives au délai (on convoque trop tôt le défendeur),
on s’expose à une nullité de la citation/de la requête (voy. P. 249-250 SYLLA).

Une fois la citation faite correctement, on procède à la signification de la citation (voy. infra).

Sect. III : les défenses


Il y a trois types de défenses qu’un défendeur peut opposer à son demandeur (on parle aussi du
défendeur sur reconvention) : 1. Les défenses au fond, 2. Les exceptions, 3. Les fins de non-recevoir.
Au même titre qu’un demandeur en justice doit éviter de commettre un abus de droit procédural, il
en va de même du défendeur en justice ( dommages et intérêts + amende civile).

§1 Les défenses au fond


Une défense au fond = le défendeur engage le combat sur le terrain du fond (j’ai payé la créance, la
créance n’existe pas, la faute qu’on me reproche n’en est pas une…). Quel est le régime juridique ? Il
faut éviter de commettre un abus de droit. Jusqu’à quel moment peut-on soulever une défense au
fond ? À tout moment non pas de l’instance, mais du procès (dans les premières conclusions, en
cassation…). Concernant la cause, on a vu que le juge devait parfois (faits spécialement invoqués, faits
adventices ou allégués) soulever d’office une défense au fond. Cela signifie que le défendeur initial,
comme le demandeur initial, peut dans certains cas, pour la première fois en cassation dire : « telle
défense au fond, je la soulève maintenant, parce que le juge avait l’obligation de la soulever, mais il ne
l’a pas fait », quelle que soit la base légale (même si elle n’est pas d’ordre public (SAUF l’abus de droit)).
Il peut le faire à tout moment du procès et si la défense au fond repose sur des faits spécialement
invoqués, ça peut même être en cassation, même quand ce n’est pas d’ordre public !

 Tout dépend donc de la place des faits dans le débat !!

§2 Les exceptions
Il s’agit ici d’un tout autre registre. Le défendeur n’engage pas (ou pas encore) le débat sur le fond : il
émet des protestations, des obstacles à la procédure. Il soulève, à cet égard, des exceptions qui
dénoncent une irrégularité procédurale. Certaines exceptions sont péremptoires (= mettent un terme
au procès), d’autres sont dilatoires (= elles retardent le cours de la procédure, qui doit être remis sur
les rails après avoir réparé l’exception).

Siège de la matière : art. 851 et s. C.Jud.

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A Classification des exceptions
Tout d’abord, il y a les exceptions dilatoires, qui s’opposent aux exceptions péremptoires, qu’on
assimile à des moyens de fond. Deuxièmement, nous reparlerons des déclinatoires de compétence.
Finalement, nous étudierons l’exception de nullité.

L’exception dilatoire = des moyens de fond de procédure qui, lorsqu’ils sont soulevés, ont pour
conséquence – s’ils sont accueillis – de retarder le cours du procès. Lesquels y a-t-il ?

(1) L’exception de demandeur étranger artt. 851 et 852 C.Jud.  ces articles ont été ringuardisés
par la Cour const. qui les a déclarés discriminatoires en 2018. C’est une exception dilatoire :
lorsqu’elle est soulevée et accueillie, le procès se suspend, jusqu’à ce que le demandeur
constitue sa caution bancaire.

(2) L’exception pour faire inventaire et délibérer art. 853 C.Jud. Qu’est-ce ? Lorsqu’on est héritier,
on a une triple option : accepter la succession purement et simplement, la refuser purement
et simplement ou l’accepter sous bénéfice d’inventaire. Lorsqu’on est héritier et lorsqu’on est
cité en justice, pour reprendre le procès au nom du decuius, on peut dire : « je n’ai pas encore
pris attitude, je n’ai pas encore fait d’inventaire… »  en tant qu’héritier, on peut alors faire
une exception pour faire inventaire et délibérer ; le procès se suspend jusqu’à ce que l’héritier
prenne attitude.

(3) L’exception d’appel en garantie art. 857 C.Jud. = je suis défendeur principal, cité par un
demandeur principal. Je n’entends pas porter du tout/pas seul le chapeau. Je souhaite faire
intervenir de façon forcée et agressive un tiers au procès. Ce tiers, on l’appelle le tiers garant.
Il garantit le défendeur principal. Il se fait que je suis assignée en première ; je veux assigner
un défendeur en garantie et je veux éviter que le train parte sans lui (car je ne veux pas porter
le chapeau seul) et je veux éviter de léser ses droits de la défense. Que fais-je ? Exception
dilatoire : « Madame la Présidente, je vous demande un délai pour pouvoir citer en
intervention forcée et garantir tel tiers. Je demande 10-20-15-40 jours… ».

(4) L’exception d’incapacité : le demandeur est un incapable (= problème de recevabilité). Quelle


est la défense envisagée ? Une simple exception dilatoire  le défendeur en justice,
constatant que son demandeur est incapable, soulève une exception dilatoire ; le procès se
suspend jusqu’à ce que le représentant légalement habilité reprenne le procès à son compte.

(5) Art. 1725 C.Jud. : l’exception de médiation. Un contrat comporte une clause en vertu de
laquelle les parties s’engagent à tenter d’abord de se concilier par une médiation. Si une des
parties va direct devant le juge, l’autre partie peut dire : « le procès se suspend : le demandeur
n’a pas tenté la médiation au préalable ». Ce procès se suspend aussi longtemps que se sera
tentée la médiation.

(6) La surséance à statuer accordée au juge. En vertu de l’art. 730 C.Jud. le juge peut sursoir à
statuer = il suspend le procès et suggère aux parties de tenter un mode amiable de règlement
des litiges.

(7) L’envoi en médiation. Le juge n’envoie pas en conciliation, mais il envoie d’office (art. 1734, al.
2 C.Jud.) – à des conditions particulières – les parties tenter une médiation. Si elle ne réussit
pas, les parties peuvent revenir devant lui.

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(8) Art. III.26 Code de droit éco : le défendeur constate que la requête/citation n’indique pas le
numéro d’immatriculation du demandeur entreprise. Sanction ? Exception dilatoire. Le procès
se suspend jusqu’à ce que le demandeur prouve son numéro d’immatriculation à la Banque
Carrefour des Entreprises.

(9) Dans certains cas, le Code Judiciaire impose la comparution personnelle des justiciables
(papa/maman en particulier)  exception dilatoire : « je, en tant que juge, soulève d’office les
artt. 1253ter/2 et /3 C.Jud. jusqu’à ce que les parents comparaissent en personne. »

(10) Art. 1703, al. 4 : une personne morale (entreprise + personne morale) agit au procès et elle
ne prouve pas l’habilitation de ses organes. Exception dilatoire : le défendeur dit : « le procès
est suspendu jusqu’à ce que le demandeur prouve qu’il ait été valablement habilité à agir ».

(11) Le cas où – à l’audience d’introduction – le juge constate que l’affaire n’a toujours pas été
inscrite au rôle, alors qu’il faut le faire au plus tard la veille  exception dilatoire : suspension
jusqu’à ce que la mise au rôle soit intervenue.

Deuxième famille : les déclinatoires de compétence. On y assimile l’exception de connexité et


l’exception de litispendance. On les apparente à des exceptions dilatoires, car elles retardent le procès,
mais ne l’arrêtent pas. Les exceptions de connexité et de litispendance et les déclinatoires de
compétence sont très comparables aux exceptions dilatoires. Par contre, a contrario, reprenons les
trois cas de déclinatoires de juridiction. Ces trois cas sont des véritables exceptions péremptoires. Si le
déclinatoire de juridiction est accueilli, il arrête le procès.

Troisième famille : les exceptions de nullité. Toutes les hypothèses de nullité correspondent à des
exceptions de nullité. Nous les traiterons en P. 235 et s. SYLLA.

B Régime procédural des exceptions


Artt. 854 à 869 C.Jud.
Résumé de ces articles  le C.Jud. a une tendance à purger le procès le plus rapidement possible de
ces exceptions. Que fait-il à cet effet ? Il dit que :

- Les exceptions doivent être soulevées le plus tôt possible (in limine litis : dans les 1e
conclusions), SAUF exceptions prévues par la loi.
- Comme ces exceptions ne touchent pas les intérêts essentiels de l’Etat, seul le défendeur peut
les soulever.

Un cas typique : le déclinatoire d’ordre privé = ne peuvent être soulevés que par le défendeur et ce in
limine litis (art. 854 C.Jud.).

Les exceptions de nullité (petite anticipation), sauf un cas où l’ordre public est en jeu (c’est un cas
linguistique), doivent toujours être soulevées in limine litis, par le défendeur ! Ce n’est qu’à titre
exceptionnel que le juge le fera d’office, possiblement plus tard qu’in limine litis.

 Dans ces cas-là, l’exception peut donc être soulevée plus tard et par le juge. Cas typique :
le déclinatoire d’ordre public. L’ordre public est exceptionnellement en jeu  le
déclinatoire peut être soulevé plus tard et le juge doit le faire si le défendeur ne le fait pas.
Toutefois, ce n’est pas la tendance (= in limine litis par le défendeur).

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Que se passe-t-il quand une telle exception est soulevée ? Le juge a le choix entre deux voies :

1- Il peut joindre l’incident au fond (= il joint l’exception au fond). Il traitera tout ça avec les
moyens de fond. « Plaidez au bout, faites des conclusions sur le tout ». Cela est au risque de
s’entendre dire plus tard « c’était une exception dilatoire qui devait être accueillie ».
2- Le juge peut traiter l’exception avant toute chose : il disjoint l’exception et la traite en
première.

§3 Les fins de non-recevoir


Ici, nous touchons à l’existence des conditions du droit d’agir en justice du demandeur. Un résumé :

- Intérêt
- Qualité
- La prescription de l’action (= fin de non-recevoir classique)
- L’autorité de la chose jugée

Qui soulève cela et quand ? Les réponses sont variables et pas toujours solides.

[1] FIN DE NON-RECEVOIR DÉDUITE DE L’INTÉRÊT (qui doit être direct, personnel, légitime…)

Au sein même de la jurisprudence de la Cour de cass., il y a une montagne russe : tantôt elle considère
que c’est d’ordre public, tantôt elle considère que c’est étranger à l’ordre public. Ce qu’on doit surtout
retenir c’est que, en tout cas, la fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt peut être soulevée à tout
moment du procès, par le défendeur (in limine litis/dans ses conclusions suivantes/même en appel).
De plus il n’est pas possible de soulever pour la première fois le défaut d’intérêt en cassation (la
jurisprudence a toujours été constante à ce sujet). Là où il y a variation : le juge peut-il ou non soulever
d’office la fin de non-recevoir ? Le prof trouve que oui : la Cour de cass. est très réservée et sa
jurisprudence est très fluctuante.

[2] FIN DE NON-RECEVOIR DÉDUITE DU DÉFAUT DE QUALITÉ (art. 17 C.Jud.)

Voy. supra : le défaut de qualité n’est pas d’ordre public. Seul le défendeur peut le soulever, à tout
moment du procès (attention à l’abus de droit). On ne peut jamais soulever la qualité pour la première
fois en cassation.

[3] FIN DE NON-RECEVOIR DÉDUITE DE LA PRESCRIPTION

Art. 2223 C.Civ. : ce texte est très discutable, et pourtant non susceptible de révision pour l’instant
dans les projets de Code Civil. Que dit-il ? Il dit que le juge ne peut pas soulever d’office la fin de non-
recevoir déduite de la prescription. Cette règle a toujours embêté les praticiens : ils voient arriver des
demandes manifestement prescrites, où le juge devrait se taire. C’est surtout insupportable lorsque le
demandeur n’est pas assisté par une femme/un homme de loi et ne sait pas ce qu’est la prescription.
C’est choquant et on ne cesse de se heurter à ce texte. Ce texte a été rédigé dans l’optique : les parties
ont la libre disposition de leurs droits. Mais on n’est plus dans ces circonstances-là. La Cour de cass.
tente elle-même de créer des brèches. Deux cas :

- Elle considère que, lorsque la matière est d’ordre public, la prescription inhérente à cette
matière devient elle-même d’ordre public. P.ex. : en droit fiscal  le juge devrait soulever
d’office la fin de non-recevoir, alors qu’en réalité, c’est contra legem (et c’est très bien comme
ça selon le prof). En sécurité sociale c’est aussi le cas. En droit de la famille le juge doit soulever
d’office la prescription de l’action en filiation.

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- Lorsqu’il s’agit de la prescription de l’action civile née d’une infraction (art. 26 TP Cicr)  la
Cour de cass. dit que ça s’apparente à l’ordre public, donc le juge doit soulever d’office.
12. La jurisprudence ne cesse de créer des trous dans ce gruyère.

[4] FIN DE NON-RECEVOIR DÉDUITE DE L’AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

Art. 27 C.Jud. : il dit que le juge ne peut soulever d’office la fin de non-recevoir déduite de l’autorité
de la chose jugée. Même critique que pour le [3] : lorsqu’un juge se trouve face à une prétention qui a
déjà été jugée, il doit se taire. Il doit gaspiller le temps de la justice. Même type de fissuration, générée
par la jurisprudence  on ne cesse de créer des exceptions à ce texte. P.ex. : sur l’autorité de la chose
jugée en matière familiale = autorité de chose jugée d’ordre public ; les actions en cessation = autorité
absolue de la chose jugée.

On a affaire à des textes qui sont vieillis, remplis de trous, mais régulièrement ‘troués’.

Chap. 2 : les actes et les délais


(P. 225 SYLLA)

Dans ce chapitre nous allons découvrir les actes et délais de procédure (formalistes, très
procéduriers…). Le Code Judiciaire belge organise un parfait équilibre forme-finalisme (= il sert des fins
dignes). Le C.Jud. réalise une belle alchimie entre un formalisme qui protège et un formalisme
desséchant, inutile. Un juriste connu, Rudolf Von Jehring disait : « la forme est la sœur jumelle de la
liberté ». Le prof ajoute qu’il ne faut pas que la forme devienne la cousine de la mesquinerie. Le C.Jud.,
selon lui, a trouvé un bon équilibre. Les formes sont vraiment là pour protéger des valeurs
fondamentales.

Sect. I : les actes de procédure


§1 Notion et classification des actes de procédure
Un acte de procédure, quid ? Le Code Judiciaire ne définit pas la notion. Il faut se tourner vers la
jurisprudence et vers la doctrine. Un acte de procédure = un acte juridique, accompli dans le cadre
d’une procédure judiciaire, qui vise à réaliser une voie d’exécution. C’est donc un acte juridique qui
s’inscrit dans une procédure judiciaire ou dans une saisie. La typologie est très variée  qui peut en
accomplir un ? Le justiciable lui-même, un mandataire ad litem (avocat, huissier de justice…), des
officiers ministériels (l’huissier, le notaire, le collaborateur du notaire…), des auxiliaires du juge
(l’expert désigné par le Trib., qui fait un rapport d’expertise ; un témoin…).

Quelle est la tendance en droit belge (écrite/orale) ? La tendance en Belgique est le formalisme écrit.
La plupart de ces actes obéissent à un formalisme écrit (l’audition d’un témoin ne l’est pas, par
exemple, mais c’est rare).

En ce qui concerne la définition et des contre-exemples. Prenons l’exemple d’un avocat. Il passe ses
journées à faire des consultations. Est-ce qu’une consultation est un acte de procédure ? Non, car ce
n’est pas accompli dans le cadre d’un procès. C’est accompli indépendamment du procès.

Autre contre-exemple : un contrat de transaction avec l’adversaire. Il met fin au procès. C’est un acte
juridique, certes, mais ce n’est pas un acte du procès. Les actes de procédure ont un régime propre,
avec des règles de représentation, de validité, etc.

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 C’est très important de faire la distinction entre ce qui est et ce qui n’est pas un acte de
procédure.
Un immense absent dans la définition des actes de procédure : une définition judiciaire (les jugements,
les arrêts, les ordonnances) n’est pas un acte de procédure. La décision que rend le juge/la cour n’est
pas un acte de procédure. Ça a une importance fondamentale, pourquoi ? Parce que, en termes de
formalisme, la sanction ne sera pas la même. La sanction des actes de procédure irrégulier = la théorie
des nullités  une décision judiciaire n’est PAS un acte de procédure. Le Code Judiciaire le dit lui-
même, en son art. 20 : « les voies de nullité n’ont point lieu contre les jugements ». Traduction : la
théorie des nullités ne s’applique aux jugements et aux arrêts. Oui, il y a un formalisme pour les
jugements et arrêts (voy. art. 779 et s. (SYLLA P. 309 et s.)) (attention  le langage est très piégé : les
articles commencent par « à peine de nullité »).

Pour faire rectifier des défauts de formalisme de décisions judiciaires, on n’applique pas la théorie des
nullités : il y a d’autres modes de réparation, notamment les voies de recours (art. 20 C.Jud., art. 608
C.Jud.)  ils permettent de réparer les vices de forme des jugements et arrêts. Dernièrement, l’art.
794/1 C.Jud. permet de réparer le vice de procédure qui affecte un jugement. On ne veut pas embêter
les juridictions de recours avec cela.

 On doit retenir qu’une décision judiciaire n’est pas un acte de procédure  pas
d’application de la théorie des nullités !!

§2 Communication des actes de procédure


Art. 32 et s. C.Jud.  le C.Jud. parle, en ces articles, des façons dont peuvent se communiquer les
actes de procédure ainsi que les décisions judiciaires. Il y a deux façons :

- La signification,
- La notification.

Le législateur, pour la communication des actes de procédure, préfère la signification (coûteux, mais
le plus sur = l’exploit d’huissier). Voilà pourquoi le législateur prévoit que, normalement, un acte de
procédure ne produit ses effets juridiques et judiciaires que lorsqu’il est signifié. Ce n’est qu’à titre
d’exception qu’il les produit le jour de sa signification.

A La signification
Art. 32, °1 C.Jud. : définition = « " signification " : " la remise d'un original ou d'une copie de l'acte; elle
a lieu par exploit d'huissier de justice ou, dans les cas prévus par la loi, selon les formes que celle-ci
prescrit " ».

 La signification est un mode généralise, privilégié, sauf dans les cas d’exception. La
signification est également le mode utilisé pour acheminer une décision judiciaire. Elle est
également applicable pour pratiquer une saisie.
Comment ça marche ? Comment l’huissier s’y prend-il ? (Voy. P. 228 et s.) Le C.Jud. impose une
véritable feuille de route à l’huissier. Pourquoi est-ce si favorable au justiciable ? L’huissier doit
déployer ses meilleurs efforts pour que l’acte soit porté à la connaissance de son destinataire. Cette
feuille de route, on la trouve aux l’art. 33 et s. C.Jud. Il faut s’imaginer cela comme une feuille de route,
dans la forme d’une cascade.

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1° Tout huissier doit d’abord essayer la signification à la personne : il remet la signification entre les
mains du destinataire, où qu’il se trouve (artt. 33 et 34).
2° Si l’huissier n’a pas trouvé le destinataire  art. 35, il doit se présenter au domicile/à la résidence/au
siège social du destinataire pour procéder à la signification à domicile.

( !! ) « À domicile » = si on ne trouve pas le destinataire, on peut le donner à un parent, un allié, un


préposé ou un serviteur du destinataire. On trouve donc quelqu’un qui est proche du destinataire.
Cette personne signe pour réception et remet l’exploit au destinataire.

3° Si 1° et 2° ne marchent pas  l’huissier doit (art. 38) procéder à la signification par dépôt. Elle
signifie que l’huissier dépose la copie de l’acte de procédure signifié dans la boîte aux lettres du
destinataire. Mais, il y a une mesure de sécurité supplémentaire : dans les 24 heures qui suivent, il
écrit une lettre au destinataire, pour dire qu’un autre exemplaire attend le destinataire au bureau de
l’huissier dans les 3 mois.

4° Art. 38, §2  l’huissier constate qu’il est matériellement impossible de faire ce qui est décrit au 3°
(par dépôt) (p.ex. : les lieux sont désertés de façon manifeste et il n’y a pas de trace de domicile).
L’huissier se tourne alors vers le Parquet. C’est là qu’intervient le Procureur du Roi et ses substituts 
ils reçoivent les significations impossibles à délivrer au destinataire.

Il y a le cas de la signification postale. Il s’agit de cas dans lesquels le destinataire n’a pas de domicile
en Belgique (au sens de l’art. 32), ni de résidence en Belgique, ni de siège social. Toutefois, on connaît
son domicile/siège social/sa résidence à l’étranger  il y a là une signification transfrontalière. Soit un
instrument de droit international s’applique (c’est de plus en plus le cas (de plus, il y a un règlement
européen important : le Règlement 1393.2007, qui prévoit la façon dont, entre membres de l’UE, on
signifie des choses) + lorsque ce Règlement ne s’applique pas, il y a une Convention de l’AE, de 1965),
soit l’art. 40 C.Jud. s’applique  la signification a lieu par voie postale. On connait donc l’endroit où
le destinataire se trouve à l’étranger.

Si tout ce qui est écrit ci-dessus foire : on ne connaît vraiment rien sur le lieu où la personne se trouve
 on applique encore l’art. 40 : retour entre les mains du Procureur du Roi.

10e cours

(Petit retour en arrière) Question d’examen potentielle : la case la plus sensible de toutes celles qu’on
a vu ci-dessus est la suivante : peut-on, pour la première fois en degré d’appel, introduire une demande
reconventionnelle en tant que défendeur originaire ? L’art. 1042 C.Jud. = le point de départ = le copier-
coller de l’instance sur l’appel. Si on devait appliquer cet article mécaniquement, on devrait
répondre que, dans le Code Judiciaire, il n’y a rien de spécial dans le Code Judiciaire relatif à la demande
reconventionnelle en degré d’appel, donc copions-collons la case de première instance sur la case en
appel, c’est-à-dire rien de plus et rien de moins que : capacité, intérêt, qualité… Le prof nous a dit que
la Cour de cass., dès le début du Code Judiciaire (années 1970), nous impose de respecter l’art. 807
C.Jud. quand on introduit une demande reconventionnelle pour la première fois en degré d’appel.
Mais c’est contra legem (violation de l’art. 1042) ? Puis, le prof nous a dit que la Cour constitutionnelle
a pris le relais de cette jurisprudence de la Cour de cass., pour venir à son secours et pour dire que la
solution de la Cour de cass. est justifiée par l’idée d’égalité (artt. 10 et 11 Const.) des armes au procès
(art. 6 CEDH), entre les deux parties, face au juge d’appel et face à l’entorse faite au double degré de
juridiction. Les deux cours suprêmes estiment donc – à juste titre selon le prof – que les deux parties
doivent être mises sur un plein pied d’égalité devant le juge d’appel. Chacun peut former une

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demande, l’une nouvelle, l’autre reconventionnelle pour la première fois en degré d’appel, mais il faut
qu’il y ait un fait/un acte invoqué dans la demande originaire, il faut un lien entre la demande originaire
et la demande reconventionnelle.

Quid du soutient que la Cour const. lui a apporté ? La Cour de cass. a abandonné toute référence à
l’art. 807 du Code Judiciaire. Il n’y a plus la référence à cet article  désormais, c’est l’égalité des
armes + l’obligation de loyauté qui requiert que la demande reconventionnelle formulée pour la
première fois en degré d’appel doive présenter un lien factuel avec la demande principale originaire.
Cass. 19 mars 2021, nr. C.200330.N : la Cour de cass. confirme sa jurisprudence, c’est-à-dire le
défendeur originaire qui forme pour la première fois en degré d’appel une demande reconventionnelle
ne peut le faire qu’à la condition d’un lien factuel avec la demande originaire. Mais, que fais la Cour de
cass. ? Elle change la BASE légale de sa solution : elle abandonne l’art. 807 et elle prend l’égalité des
armes + la loyauté à la place.

B La notification
La notification est définie par l’art. 32, °2 C.Jud. : « l'envoi d'un acte de procédure en original ou en
copie; elle a lieu par les services postaux ou par courrier électronique à l'adresse judiciaire électronique,
ou, dans les cas prévus par la loi, par télécopie ou selon les formes que la loi prescrit. » La notification
= l’envoi postal. On voit la logique du C.Jud. (qui est la même que celle qui prévalait dans le choix
citation/requête)  la notification d’un acte de procédure n’a lieu que dans les cas spécifiquement
prévus par la loi  la loi préfère le mode le plus sur qui est la signification (~ la loi préfère la citation).

Parfois, dans le Code Judiciaire, on voit qu’une notification est prévue sous pli simple (= comme une
lettre). Elle n’est JAMAIS porteuse d’effets juridiques (ne fait pas courir un délai). Il n’empêche qu’elle
apparait plusieurs fois dans le Code Judiciaire, à titre de simple information. Prenons un exemple :
l’art. 792  cet article prévoit que les décisions de justice sont notifiées sous pli simple aux parties/à
leurs avocats (aujourd’hui, c’est par voie électronique d’ailleurs ; l’art. a été complété). Cette
notification est utile, mais elle ne fait pas courir les délais !!

L’art. 46/1 C.Jud. prévoit qu’on doit informer le greffe de son adresse de cabinet d’avocat, parce que
toutes les notifications sous pli simple arrivent chez l’avocat et non chez le client. Autre exemple de pli
simple : dans un des prochains cours, on verra les règles de la mise en état de la cause  tout ça se
fait par pli simple.

Parfois, la notification a lieu selon des formes particulières, notamment la notification sous pli
judiciaire. Le pli judiciaire est décrit à l’art. 46 C.Jud. : c’est un super recommandé  on gagne un peu
en sécurité. Pourquoi ? Le greffier confie à la poste le pli judiciaire, qui va ensuite vers les destinataires
de l’acte notifié, après consultation du registre national de la population. On la retrouve plusieurs fois
dans le cours. Elle peut produire des effets judiciaires important. P.ex. : il fait courir le délai de
comparution (8 jours/23 jours, etc.). De plus, de temps en temps, la notification sous ce pli judiciaire
marque le point de départ de certaines voies de recours (appel ou cassation par exemple).

Jadis, la notification posait une controverse : « quelle est la date ? ». C’est important de connaître la
date, car elle détermine le début de certains délais (de comparution, de cassation…). Pour la
signification, c’est facile : c’est le jour où l’huissier fait son exploit. En cas de notification, il a plusieurs
étapes : je dépose ma lettre à la poste, la poste met son cachet, distribue les lettres, la lettre attend
d’être lue, etc. Les cours suprêmes se sont disputées là-dessus. La Cour de cass., étant très sévère, a
décidé que la date de la notification, c’est l’envoi du pli. Ce n’est pas très sympathique vis-à-vis du
défendeur, car il est alors possible qu’un délai court à son insu. La Cour d’arbitrage a alors réagi : c’est

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la date de la réception qui compte ! En 2005, le législateur est intervenu : il a introduit un art. 53bis
dans le Code Judiciaire. Cet article a suivi la Cour d’arbitrage. L’informatique passe par là. Depuis
quelques années, l’art. 32ter C.Jud. dit qu’entre ‘gens de justice’ les notifications peuvent être
effectuées par voie judiciaire (ebox, edeposit, etc.). Les notifications peuvent avoir lieu par cette voie-
là. Toutefois, ce n’est pas (encore) une obligation. De plus, il y a l’art. 52, al. 2 à 4 C.Jud. : quid lorsque
le système informatique de notification est déficient ? Dans ce cas-là, il y a une procédure de sauvetage
(petit détail pas très important).

Quid si une faute est commise (un pli judiciaire ne reprend pas les bonnes mentions, un pli judiciaire
est envoyé à la mauvaise adresse, etc.) : art. 47bis C.Jud.  tout comme pour la signification, la
notification irrégulière est frappée de nullité ! Attention, dernière remarque : tout comme pour la
signification, la notion d’adresse est fondamentale en matière de notification  avoir un bon domicile
judiciaire, c’est s’assurer que le pli va arriver. La Cour de cass. retient la théorie de la permanence du
domicile judiciaire. Qu’est-ce ? Si vous, justiciables/futurs avocats de justiciables, dans un acte de
procédure, indiquez comme domicile judiciaire tel ou tel endroit, le greffe peut se fier à cette mention
et pratiquer la notification à cet endroit signalé. Quid en cas de mention inexacte, caduque… ?
Problème pour le client = problème de responsabilité de l’avocat !

§3 La nullité des actes de procédure


C’est la sanction de l’irrégularité des actes de procédure. C’est ici qu’on remarquera l’équilibre –
vraiment parfait selon le prof – que fait le C.Jud. entre un formalisme utile (qui protège les droits des
justiciables, l’équité…) et des peaux de banane inutiles. La théorie des nullités en est une parfaite
illustration.
Artt. 860 à 866 C.Jud. = des articles très importants, qu’on verra deux fois. Ils interviennent quand on
parle de sanctions de nullité de forme et ils interviennent lorsqu’on parle du respect des délais de
procédure. Les mêmes articles prennent service deux fois.

A Les cas de nullité


Le principe ? Art. 860 C.Jud. : « Quelle que soit la formalité omise ou irrégulièrement accomplie, aucun
acte de procédure ne peut être déclaré nul, aucune violation d'un délai prescrit à peine de nullité ne
peut être sanctionnée, si la sanction n'est pas formellement prononcée par la loi.

Les délais prévus pour former un recours sont prescrits à peine de déchéance.

Les autres délais ne sont établis à peine de déchéance que si la loi le prévoit. »

 Adage à retenir : pas de nullité sans texte ! C’est une exigence de sécurité juridique.

Champ d’application de ce principe « pas de nullité sans texte » ? Dans la définition donnée par la Cour
de cass. d’acte de procédure, il y avait un grand absent, on l’a vu : le jugement. Cette exclusion est
fondamentale, parce que la théorie de nullité s’applique UNIQUEMENT aux actes de procédure
(jugement, arrêt, ordonnance d’un juge ≠ des actes de procédure). (Il faut être attentif, car parfois, le
C.Jud. nous met sur des mauvaises pistes ! Les art. 780 et s. C.Jud. commencent par les mots « à peine
de nullité, les jugements comportent… »  les nullités/irrégularités qui affectent les décisions
judiciaires, reçoivent des sanctions. Lesquelles ? Artt. 20 et 608 C.Jud. : les voies de nullité n’ont point
lieu contre les jugements = la théorie des nullités ne s’applique pas aux jugements. Comment agir ?
Via les voies de recours ! Une autre sanction pour les irrégularités qui affectent les décisions

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judiciaires : art. 794/1 C.Jud.  la plupart des irrégularités de forme qui affectent les décisions
judiciaires peuvent être dénoncées par un recours, mais peuvent aussi être réparées par l’auteur
même de la décision.

Quand on est en présence d’un acte de procédure, encore faut-il que la nullité soit expressément
prévue par la loi ! Certains regrettent que la théorie des nullités n’ait pas un champ d’application plus
large, plus universel. La nullité est tout sauf sévère : elle est réparatrice. Certains regrettent que la
théorie de nullité ne sorte pas cette vertu réparatrice dans tous les cas de sanction. Par exemple : les
cas d’irrecevabilité à défaut d’intérêt/de capacité. EXEMPLE : le malheureux mineur qui agit via son
père. On oublie de mentionner la mère dans la citation (art. 18 C.Jud. : impose cette mention)  fin
de non-recevoir  irrecevabilité ! On a envie de dire : « pourquoi n’y a-t-il pas une application plus
étendue de la théorie des sanctions ? ». Ce sont des idées politiques, de lege ferenda.

Ceci dit, il y a quand même des petites pointes de tentation. La Cour de cass. n’hésite pas à appliquer
la réparation de la théorie des nullités à des cas où la nullité n’est pas expressément prévue. C’est
bien, mais en réalité, ce n’est pas (encore) inscrit dans la loi.

B Conditions de la nullité : le grief (art. 861 C.Jud.)


L’article compte deux alinéas. Il prévoit deux options de réparation.
Al. 1 : « Le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure ou sanctionner le non-respect d'un délai
prescrit à peine de nullité que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui
invoque l'exception. » Adage à retenir : pas de nullité sans grief !

Al. 2 (récent, Pot-Pourri) : « Lorsqu'il constate que le grief établi peut être réparé, le juge subordonne,
aux frais de l'auteur de l'acte irrégulier, le rejet de l'exception de nullité à l'accomplissement de mesures
dont il détermine le contenu et le délai au-delà duquel la nullité sera acquise. »

 Exemple de jurisprudence de la Cour de cass. : une citation est livrée à Tintin, par un
huissier de justice, au 24, Rue du Labrador. Toute le monde sait que Tintin vit au numéro
26, Rue du Labrador. Il rentre chez lui le soir. La concierge du 24 frappe chez lui et dit :
« c’est pour toi ». Tintin, qui est un peu formaliste, soulève l’exception de nullité à
l’audience à laquelle il comparaît.
La Cour de cass. dit alors : « Tintin, où est votre grief procédural et précis ? ». L’acte est
QUAND MÊME valable  pas de grief.

 Tout est fait pour protéger une conception saine du formalisme : pas de nullité sans grief
irréparable ! (Exemples dans le syllabus.)

Toutefois, il reste un cas où la nullité d’un acte de procédure n’obéit pas à cette soupape de grief.
Toutes les autres nullités du Code Judiciaire sont aujourd’hui passibles d’une couverture de grief.
Toutes sauf une : une nullité reste d’ordre public, notamment la nullité linguistique (Loi sur l’emploi
des langues en matière judiciaire de 1935). Son art. 40 dit qu’un acte de procédure rédigé dans la
mauvaise langue, est nul. la Cour constitutionnelle a, par un arrêt très long, du 19 septembre 2019,
annulé la loi qui voulait aller à l’encontre de ce principe. Résultat des courses : si à l’examen, on nous
pose la question « existe-t-il encore une nullité d’ordre public dans le C.Jud. ? ». Oui, une, en raison
d’un arrêt de la CC du 19 septembre 2019. Cette nullité-là est prononcée d’office, aveuglement, même
sans que celui qui la soulève doive démontrer un grief ! Pour le reste, vive la règle du grief, qui a le don
de couvrir pas mal de nullités inutiles.

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C Mise en œuvre de l’exception de nullité
Qui peut soulever l’exception de nullité ? Et quand ? On voit revenir la ligne rouge ordre public-privé.
Toutes les exceptions de nullité ne peuvent être soulevées que par la partie qui s’en prévaut = la partie
qui s’estime préjudiciée par la nullité. C’est d’ordre privé : le juge ne peut pas soulever d’office une
quelconque nullité ! Seul le justiciable peut se prévaloir de la nullité prévue par le texte. Le juge ne
peut le faire d’office.

Trois petites remarques :

a. Existe-t-il une exception à cet arrimage à l’ordre privé ? Oui : l’art 40 de la Loi de 1935 a été
réintégrée par la Cour const. dans l’ordre public. En d’autres termes, si le défendeur ne dit
rien, le juge devrait soulever d’office la nullité d’un acte de procédure qui comporterait des
mentions dans une autre langue que celle de la procédure.

b. Qui du défaut ? Un acte de procédure arrive devant le juge, qui comporte une/plusieurs
irrégularités qui crèvent les yeux. Reflex : la nullité reste d’ordre privé. Deuxième reflex : art.
806 C.Jud. : statuant par défaut, le juge ne peut soulever que des moyens et exceptions d’ordre
public. Résultat : le juge statuant par défaut constate que l’acte introductif est affecté de
nullités  il DOIT se TAIRE. Pourquoi ? Parce que l’art. 803 C.Jud. prévoit que le juge peut 1.
reconvoquer le défendeur défaillant par pli judiciaire ; 2. Si le juge a un énorme doute : il est
convaincu que les droits de la défense du défendeur ont été lésés  le juge peut sortir la
grosse artillerie et imposer au demandeur de signifier par exploit d’huissier l’acte introductif,
aux frais du demandeur, dans le respect du délai.

c. Sur la requête unilatérale : il faut du bon sens. Si le juge, saisi d’une requête unilatérale,
constate que la requête est nulle, affectée d’une nullité prévue par la loi, qui soulève alors
l’exception de nullité, puisqu’il n’y a pas de défendeur ? Dans ce cas-là, la doctrine et la
jurisprudence admettent que le juge, saisi d’une requête unilatérale soulève l’exception de
nullité.

Quand ? Art. 864 C.Jud. : « La nullité qui entacherait un acte de procédure ou le non-respect d'un délai
prescrit à peine de nullité sont couverts s'ils ne sont pas proposés simultanément et avant tout autre
moyen. » Si tu trouves un texte (art. 860), si tu estimes pouvoir prouver un grief irréparable (art. 861),
si c’est de toi qu’il s’agit, défendeur, alors ton exception de nullité et l’invocation/démonstration de
ton grief, doit être faite dans tes premières conclusions. Inutile de le faire dans des conclusions
ultérieures : c’est trop tard ! Tu l’invoques maintenant, ou tu te tais à jamais. Si tu ne l’a pas invoquée
plus tôt, c’est que ça ne te poses pas réellement grief. Une exception (regrettable) la nullité linguistique
d’ordre public, résucitée par la Cour const., peut être soulevée à tout moment du procès.

Enfin, petit complément, à l’art. 863 C.Jud. : « Dans tous les cas où la signature est nécessaire pour
qu'un acte de procédure soit valable, l'absence de signature peut être régularisée à l'audience ou dans
un délai fixé par le juge. » L’idée : la loi exige une signature. Toutefois, l’acte n’est pas signé. Le juge
peut faire régulariser l’acte ! Deux remarques :

- L’article n’est pas fondamentalement utile : c’est un cas d’application parmi d’autres de l’art.
861 (= la réparation d’un grief).
- Sauf qu’il peut être utile, car l’art. 863 ne parle pas de la nullité : il parle de tous les cas où la
signature est requise, de manière générale. L’art est donc transversal à tous les cas de
signature.

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Sect. II : les délais de procédure
Le C.Jud. appréhende des délais en termes de respect des droits fondamentaux. Tout est fait pour en
rester à une conception finaliste.

§1 Notion et classification
A Notion
/

B Classification
Dans le C.Jud. on retrouve plusieurs types de délais, qu’on peut classifier en deux grandes familles.
Toutefois, le C.Jud. n’identifie pas ces familles comme telles. Il y a les délais d’accélération et ceux
qu’on appelle délais d’attente.

Commençons par les délais d’accélération, car ils sont les plus nombreux. De plus, tous les délais sont
‘un peu’ des délais d’accélération. On veut que les procès soient tenus dans des délais raisonnables
(délais de recours, pour appeler en garantie…). Dans le Code Judiciaire, on trouve également les délais
d’attente. Ils ont un côté accélération, mais ils ont aussi un côté attente, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas
uniquement conçus pour cadencer le procès : ils sont aussi là pour ménager un temps raisonnable au
justiciable. Deux cas de délais d’attente, qu’on doit bien connaître.

- Le délai de citation (voy. supra). C’est typiquement un délai d’attente.


- Le délai de comparution en degré d’appel (art. 1062 C.Jud.). Ce délai est de 15 jours (+
prolongations éventuelles).

Cette distinction n’est pas uniquement académique. En effet, ils sont aussi importants au niveau des
sanctions. D’une part, il y a la nullité. D’autre part, il y a la déchéance. La déchéance s’applique
généralement aux délais d’accélération  tandis que la nullité frappe la violation des délais d’attente.

§2 Fixation des délais


A La règle
La règle = artt. 48 et 49 C.Jud.  c’est la règle de la légalité : tout ce qui concerne les délais de
procédure est régi par la loi (législateur fédéral). L’objectif est la prévisibilité, la transparence, etc.

B Les exceptions
- Parfois le juge est souverain pour déterminer des délais.
Dans ces cas-là, la loi délègue au juge le soin de fixer les délais. Trois exemples :
o Le délai d’appel en garantie (voy. supra).
o Art. 173 C.Jud.  cet article émane de l’expertise judiciaire. Il prévoit le délai donné
à l’expert pour déposer son rapport au greffe. Un délai n’est pas l’autre  ça dépend
de l’expertise à exécuter.
o Les délais de la mise en état judiciaire (SYLLA P. 295-298). C’est une mise en état dont
les délais sont fixés à la carte par le juge.

- Parfois les parties peuvent fixer les délais.

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Les parties peuvent s’entendre entre elles, amiablement, sur le délai.
Un cas d’exemple : de nouveau la mise en état, mais cette fois-ci, on parle de la mise en état
consensuelle (rendez-vous P. 295-298 SYLLA).

- Les juges peuvent modifier les délais dans certains cas.


Les juges peuvent modifier/abréger des délais légaux, art. 51 C.Jud. (sauf les délais prescrits à
peine de déchéance).
Exemple d’abrogation dont on a déjà parlé : la requête abréviative du délai de citation (art.
708 C.Jud.) : il y a célérité, mais pas vraiment urgence. Un autre exemple qu’on a vu : art. 1036
(référé d’hôtel).
§4, art. 51 C.Jud.  on en parlera plus tard, mais ce §4 est à la base d’une petite controverse
(voy. infra !).

§3 Computation des délais


Siège de la matière : artt. 52 à 57 C.Jud.

A Mode de calcul des délais


Art. 52 : « Le délai se compte de minuit à minuit. Il est calculé depuis le lendemain du jour de l'acte ou
de l'événement qui y donne cours et comprend tous les jours, même le samedi, le dimanche et les jours
fériés légaux.

A moins qu'il ne soit effectué par voie électronique, un acte ne peut être valablement accompli au greffe
qu'aux jours et heures pendant lesquels ce greffe doit être accessible au public.

Si un acte n'a pu être accompli au greffe dans les délais, même prescrits à peine de nullité ou de
déchéance, en raison d'un dysfonctionnement du système informatique de la Justice visé à l'article
32ter ou en raison d'un dysfonctionnement du système informatique connecté au système informatique
de la Justice et utilisé pour poser l'acte juridique, celui-ci doit être accompli au plus tard le premier jour
ouvrable suivant le dernier jour du délai, soit en format papier, soit par voie électronique, si le système
informatique peut de nouveau être utilisé.
La prolongation de délai visée à l'alinéa 3 s'applique en tout état de cause si le dysfonctionnement
intervient le dernier jour du délai. »
1. « Le délai se compte de minuit à minuit. » Ça signifie que, quand un délai est prévu, on ne
s’amuse pas à regarder l’heure a laquelle la signification a été faite. On ne compte pas les
heures !
2. « Il est calculé depuis le lendemain du jour de l'acte ou de l'événement qui y donne cours et
comprend tous les jours, même le samedi, le dimanche et les jours fériés légaux. »  Adage :
« dies a quo non computatur ». Remarque + précision : imaginons que le délai de citation est
de 8 jours. L’huissier passe le mercredi 21 avril. Le premier jour du délai de 8 jours est le 22
avril. Variante : on reçoit un jugement qui donne gain de cause. Il est signifié le vendredi 23
avril. Le premier jour du délai d’un mois pour faire appel, c’est le samedi 24. Il y a un cas dans
lequel l’art. 52 ne s’applique pas, notamment le cas de l’art. 53bis : la règle du lendemain est
déjà prévue par cet article ! Quid lorsqu’un acte de procédure est accompli électroniquement
 rendez-vous aux artt. 32ter et 52 (on y voit quand le délai prend cours).

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Art. 54 : « Le délai établi en mois ou en années se compte de quantième à veille de quantième. » Cet
article ne s’applique que pour les délais libellés en mois/en années. Attention ( !! ) un délai de 30 jours
≠ un mois. Dans cet article, on oublie les délais en jours. Petit casus : le mercredi 21 avril la signification
d’un jugement du TPI de Bruxelles a lieu  peut être frappé d’appel pendant un mois. Quel est le
dernier jour utile pour interjeter appel ? Art. 52 : le jour de la signification n’est pas compté/de l’acte
déclencheur  c’est donc le jour d’après (jeudi 22 avril). Le délai cours du quantième (22 avril) à veille
de quantième (21 mai). (La fermeture des greffes : à 15h00 !)

Art. 53 C.Jud. : « Le jour de l'échéance est compris dans le délai. (= Tu as jusqu’au dernier jour du délai
pour avoir la réaction attendue.) Toutefois lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié
légal, le jour de l'échéance est reporté au plus prochain jour ouvrable. » (Adage : dies ad quem
computatur  j’ai jusqu’au dernier jour du délai pour attendre la réaction. Mais si ce jour est un
samedi, dimanche ou un jour férié  il faut attendre le prochain jour ouvrable.)

Art. 57 C.Jud. : « A moins que la loi n'en ait disposé autrement, le délai d'opposition, d'appel et de
pourvoi en cassation court à partir de la signification de la décision à personne, ou à domicile, ou, le
cas échéant, de la remise ou du dépôt de la copie ainsi qu'il est dit aux articles 38 et 40 ou de la
signification par voie électronique.

A l'égard des personnes qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu et à qui la
signification n'est pas faite à personne, le délai court à partir de la remise d'une copie de l'exploit à la
poste ou de la signification par le ministère public au ministère public. La remise d'une copie de l'exploit
au procureur du Roi peut être faite à un secrétaire ou à un juriste de parquet.

Contre les incapables le délai ne court qu'à partir de la signification de la décision à leur représentant
légal. »

3. En règle, le point de départ d’un délai de recours est la signification. Ce n’est que par voie
exceptionnelle que la notification fait courir un délai.

Dernièrement, il y a un petit ajout de la Cour de cassation, à propos du cas suivant (sur les délais
d’attente  délai de citation en première instance (art. 707 pour la citation et 710 pour la requête) et
délai de comparution en appel (art. 1062)). La loi prévoit un délai de 8 jours/de 2 jours en référé/…
(voy. supra sur les délais). Un beau jour, la Cour de cass. devait trancher le cas suivant : « quel est le
premier jour utile pour convoquer le défendeur ? ». La Cour de cass. a répondu « c’est un délai
d’attente, protecteur des droits de la défense de l’intéressé  il faut laisser le justiciable bénéficier
pleinement de ses droits de la défense. » C’est bien le 9e/le 3e/… jour au plus tôt qu’on peut donc être
convoqué. Petit casus : signification d’une citation à comparaître devant le Trib. de 1e instance
francophone de Bruxelles le mercredi 21 avril. Quelle est la première audience utile ? Pour résoudre
ce casus : voy. artt. 52, 53 et l’ajout de la Cour de cass. On commence à compter dès le jour qui suit,
donc dès le jeudi 22 avril. Le 22 est le jour 1. Le 23 est le jour 2 et ainsi de suite (les sam, dim et jours
fériés inclus). Il faut comparaître le vendredi 30 avril. Imaginons qu’on décale tout d’un jour 
signification le jeudi 22 avril. Le jour de l’échéance tombe le samedi 1 mai  art. 53 : la première
audience utile n’est que le lundi 3 mai !

B Adaptation légales de la détermination des délais


1- Il ne faut jamais oublier l’art. 55 C.Jud.  il nous dit que, lorsque la loi le prévoit expressément,
le délai de procédure est prorogé d’autant. Casus : on cite un français de Paris à comparaître
à Bruxelles. La signification arrive chez lui le mercredi 21 avril. Dies a quo non computatur 

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le premier jour pour le Parisien est le jeudi 22 avril. Il peut être convoqué au plus tôt le 24e jour
(Cassation). Le 15 mai est le 24e jour. C’est un samedi  art. 53, al. 2 : on le reporte au lundi
17 mai. L’avocat du Belge trouve que le 17 mai, c’est trop tard. Que peut-il faire ? Art. 708 :
requête abrogative du délai de citer.

2- Artt. 1048 et 1051 C.Jud. : attention ( !! en combinaison avec l’art. 50 C.Jud.)  ces délais
d’appel et d’opposition-là ont une règle particulière. Lorsque ces délais d’appel commencent
et expirent durant les vacances judiciaires, c’est délais-là sont prorogés jusqu’au 15e jours de
l’année judiciaire nouvelle. (Commencent + se terminent !!  condition cumulative !!) Ce
n’est pas parce que les magistrats ne travaillent pas en été ! C’est simplement parce que
pendant les vacations, la justice s’organise autrement. Les uns remplacent les autres (pour
qu’ils puissent partir en vacances).

3- Art. 56 C.Jud. : si le destinataire d’une signification décède pendant le délai, alors le délai est
interrompu.

§4 Sanctions de l’inobservation des délais


Qu’arrive-t-il en cas de violation d’un délai ? Quand on parle de délais, il y a trois familles, qu’on analyse
ci-dessous.

A Les délais légalement prescrits à peine de nullité/de déchéance


(Art. 860 et s. C.Jud.) Art. 860, al. 1  pas de nullité sans texte pour les délais (voy. supra pour
l’article). On a vu qu’il n’y a pas que des délais de nullité ! Il y a aussi des délais de déchéance  art.
860, al. 2 + al. 3. L’al. 2 est fondamental. Une bonne fois pour toutes, cet alinéa dit que tous les délais,
de toutes les voies de recours, sont prescrits à peine de déchéance ( !! ). Al. 3 : « ah, il ne s’agit pas
d’un délai d’attente, prescrit à peine de nullité ; ah, ce n’est pas un délai de recours »  dans ces cas-
là, pas de déchéance sans texte ! (Exemples de déchéance dans le SYLLA). Deux exemples parmi ceux
cités dans le syllabus :

- Art. 834 C.Jud.  pour la récusation du juge, on a un délai de 8 jours, à partir du moment où
apparaît le vice, à peine de déchéance.

- Art. 1334  lorsque je veux demander des termes et délais pour acquitter ma dette, parce
que je fais l’objet d’une saisie, j’ai 15 jours, à peine de déchéance.
 UNE faveur : art. 860, al. 2  ce texte pour les délais existe une bonne fois pour toute !

Art. 861 C.Jud.  ici, l’article prévoit que tout non-respect d’un délai prescrit à peine de nullité est
subordonné à la règle du grief, c’est-à-dire la nullité qui frapperait le non-respect d’un délai prescrit à
peine de nullité sera réparée en l’absence de grief. Il faut donc d’abord trouver des délais prescrits à
peine de nullité, pour l’application de cet article. P.ex. : délai de citation de 8 jours (délai pour interjeter
appel : art. 1062 C.Jud.) ; il y a un non-respect du délai (par une mauvaise computation par exemple) ;
l’intéressé soulève l’exception de nullité. Pas de nullité s’il n’y a pas de grief !

 Il faut donc absolument démontrer un grief subi !!

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Par contre, cette règle du grief ne s’applique à aucun délai prescrit à peine de déchéance (art. 865
C.Jud.). L’article nous dit que la règle du grief ne s’applique pas aux délais de recours. Si l’appelant se
trompe d’un jour pour son délai d’appel par exemple, on ne s’intéresse même pas à ce fameux grief.

Les délais prescrits à peine de nullité sont soumis à l’art. 861. C’est d’ordre privé. Seul le justiciable
protégé peut soulever la nullité, in limine litis. Il doit aussi tenter de démontrer un grief. Après, c’est
trop tard ! S’il fait défaut : art. 806 C.Jud.  le juge statuant par défaut ne peut soulever que des
moyens et des exceptions d’ordre public. Les nullités de délai sont toutes d’ordre PRIVÉ. Le juge
statuant par défaut doit donc se taire. Toutefois, si le juge a un doute raisonnable (= le délai est
scandaleusement court selon lui) (art. 803 C.Jud.), le juge peut déployer une grande protection, décrite
à l’al. 2 de cet article  possibilité de reconvocation par exploit d’huissier correctement. Ça, c’est pour
la nullité… Qu’en est-il de la déchéance ? Les déchéances sont soulevables par le justiciable ET par le
juge d’office, à tout moment. Art. 865 C.Jud. : cet article dit que les artt. 861 et 864 C.Jud. ne
s’appliquent PAS aux délais de recours et la lecture de 861 a contrario nous dit que l’art. 864 ne
s’applique qu’aux cas de nullité. Les déchéances sont donc traitées comme étant d’ordre publique,
ayant pour double conséquence qu’elles peuvent être soulevées d’office par le magistrat, à tout
moment du procès.

Que peut-on conclure ? Cette histoire de délais prescrits à peine de nullité, bénéficie d’une couverture
qui est le plus souvent acquise. Il y aura toujours bien réparation et un grief. Néanmoins, il y a un effet
qu’on maintient au bénéfice d’un acte de procédure nulle : l’interruption de la prescription. Depuis
2013, à la suite d’une modification de l’art. 2247 C.Civ. un acte de procédure, quoique déclaré nul,
garde son effet interruptif.

On voit aussi que la déchéance est beaucoup plus radicale : tous peuvent la soulever et à tout moment
du procès. La déchéance = +/- on est déchu du bénéfice de son acte. (( !! ) Attention, les régimes
juridiques sont forts différents (déchéance – peine de nullité).)

Existe-t-il une soupape ? La théorie civiliste, mais universelle, de la force majeure. Si le justiciable,
assujetti à un délai prescrit à peine de déchéance, est victime d’un cas de force majeure, alors il est
sauvé  réparation en nature. Aussitôt la force majeure levée, on considère qu’il peut agir. C’est
super, mais uniquement sur papier. En effet, la jurisprudence, même celle de la Cour de cass. se montre
assez chiche dans l’admission des cas de force majeure pour les délais de procédure de déchéance
(grève, maladie de l’avocat, changement d’avocat… ≠ acceptés).

Un cas spécial de force majeur s’est posé, qui concerne tous les juristes : le cas où la tardiveté d’un
recours est le résultat d’une faute commise par un professionnel du droit. L’avocat dépose sa requête
d’appel en retard. L’avocat dépose son pourvoi en retard. Le justiciable paie celui qui commet la faute.
Ce n’est pas la faute du justiciable. Est-ce que la faute du mandataire ad litem est un cas de force
majeure ? Longtemps, la Cour de cass. a raisonné en pur civiliste : artt. 1994 et 1998 C.Civ.  les fautes
commises par le mandataire engagent le demandeur. Ce n’est pas de la force majeure. Puis, la Cour
EDH s’est mêlée. Ce n’est pas la faute du malheureux. C’est injuste et inéquitable : c’est une atteinte
au droit d’accès au tribunal. Résultat des courses : réception plus ou moins forcée de la jurisprudence
de la Cour EDH par la Cour de cass. (voy. quelques arrêts à ce sujet dans le SYLLA). On ne doit retenir
que l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cass., en audience plénéaire = arrêt du 18 novembre
2019 : lorsque la tardiveté du recours résulte de la faute d’un professionnel du droit agissant en vertu
d’un monopole, il y a force majeure dans le chef du justiciable. Deux exemples :

- Un huissier de justice doit faire signifier une opposition d’un jugement par défaut (art. 1047
C.Jud.). L’huissier foire son coup. La Cour de cass. dit que c’est un cas de force majeure pour
le justiciable.

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- L’huissier et l’avocat, devant la Cour de cass., foirent : ils sont un mois en retard pour
l’introduction d’un pourvoi en cassation. La Cour de cass. considère que le justiciable peut se
prévaloir de la force majeure.
 Dans ces deux exemples, l’huissier de justice et l’avocat ont un monopole prévu par la loi.
Seuls les huissiers et les huissières peuvent se charger des exploits de signification !! Le
justiciable ne peut le faire lui-même.

-  Contre-exemple, que la Cour de cass. a tranché encore avant 2019 : je charge mon avocat
de faire une requête d’appel. Je ne me soucie plus de rien. Mais il est un jour en retard. Au
stade actuel, la Cour de cass. considère qu’il ne s’agit pas d’un cas de force majeure, car
l’avocat n’a pas le monopole ( examen ( !! )).

B Les délais légalement prescrits à peine d’une sanction spécifique


Ce sont des délais qui ne sont prescrits ni à peine de nullité, ni à peine de déchéance. Toutefois, la loi
prévoit une sanction spécifique. Deux exemples, tirés de la même matière : la mise en état de l’affaire :

- Art. 740 C.Jud.  toutes les pièces à conviction doivent être envoyées à l’adversaire, au plus
tard en même temps que les conclusions. Les pièces déposées au-delà de ce délai sont écartées
d’office du débat.

- (Voy. P. 295 et s. SYLLA) Il est prévu que des conclusions tardives sont (artt. 747 et 748 C.Jud.)
écartées des débats (elles ne sont donc pas nulles, ni déchues). En ne les prend pas en
considération.

C Les délais d’ordre


Ces délais ne sont pas prévus expressément à peine de quoi que ce soit (ni nullité, ni déchéance, ni
écartement…). C’est un peu une catégorie fourretout. On les appelle les délais d’ordre. La logique
qu’on a tendance à suivre est celle de la légalité : pas de sanction dans le texte, alors pas de sanction
tout court. Mais ce serait trop beau pour être vrai, donc rien de tout ça. Deux commentaires :

- Ce n’est pas parce que la loi ne prévoit rien expressément, qu’il n’y a pas d’incitant à respecter
les délais d’ordre. Deux exemples :
o L’expert judiciaire (art. 973 C.Jud.) reçoit du juge un délai pour déposer son rapport
au greffe. Quid si l’expert ne le fait pas dans le bon délai ? On n’applique pas « pas de
sanction, car pas de texte » (et heureusement). Il y a des incitants puissants, mais
indirects dans le Code Judiciaire (art. 974 C.Jud.) : lorsque le juge (d’initiative/à l’alerte
d’une des parties) constate la tardiveté, il peut convoquer l’expert (pour demander où
il en est). On appelle ce système la surveillance des expertises, qui permet aux
magistrats de les contrôler. L’ultime sanction en cas de procrastination (à plusieurs
reprises devant le même tribunal), par exemple = l’expert ne sera plus désigné par ce
tribunal-là.
o Art. 770 C.Jud. (voy. P. 309 SYLLA)  le juge doit rendre son jugement dans le mois
de la clôture des débats. Ce délai n’est pas puni par la loi. Ce serait absurde de tout
recommencer en raison d’un jour de retard du juge. Est-ce pour autant que le juge
peut s’assoir sur les dossiers ? Non. Voy. l’article : quand le juge dépasse le délai d’un
mois, il doit notifier les motifs de son retard à la feuille d’audience. Le greffier porte

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toujours les feuilles d’audience au président. Le président peut se faire produire les
feuilles d’audience pour voir le problème. Au bout de trois mois, le juge DOIT même
aller s’expliquer auprès de son chef de corps. L’article prévoit que des incidents de
retard non justifiés, répétés, etc. peuvent donner lieu à des sanctions disciplinaires.
L’ultime sanction = le dessaisissement (art. 648 et s. C.Jud.).

- Controverse : art. 51 C.Jud.  cet article dit que les délais de procédure (sauf les délais
prescrits à peine de déchéance) peuvent être abrégés/prorogés par le juge, à une double
condition :
o Il faut être avant l’échéance du délai. Le délai ne peut déjà être prescrit.
o Il faut une demande d’une partie.
À l’occasion de l’application de l’art. 921 C.Jud., la Cour de cass. a dû connaître du cas suivant.
Dans son al. 3, l’article prévoit un délai de 30 jours pour le justiciable, pour demander l’enquête
contraire. Comment ça se passe ? Des témoins sont entendus par le juge, le greffier dresse
procès-verbal d’audition des témoins, ces pv sont notifiés, etc. On a trente jours pour
demander l’enquête contraire (= demander la convocation d’autres témoins/poser d’autres
question aux témoins déjà questionnés). Un jour, quelqu’un explose son délai de 30 jours et la
Cour de cass. dit : « votre demande de contre-enquête tardive est irrecevable ». Elle n’a pas
dit qu’il y avait nullité (pas de nullité sans texte), ni qu’il y avait déchéance. C’est tout
simplement irrecevable. Qu’en penser ? Le prof est contre. Argumentation :
o L’ADN du Code Judiciaire, selon lui, est la légalité : pas de sanction SANS TEXTE. Si le
législateur souverain n’a pas puni, c’est parce qu’il n’a pas voulu punir ! Il y a une
exigence de sécurité juridique (point de vue du prof).
o  D’autres diront qu’il y a une bonne explication/raison pour ce raisonnement,
notamment l’art. 51 C.Jud. « Juge, tu peux proroger un délai, quand on te le
demande ». Dans ce cas-là, la Cour de cass. dit « à quoi sert l’art. 51 si on peut s’assoir
complètement sur un délai ? ».

Chap. 3 : l’instance et le jugement


Sect. I : principes généraux gouvernant l’instance
On retrouve ces principes dans TOUT procès. Le droit judiciaire et le père et la mère de tout procès.

§1 Le principe dispositif
L’idée : « dispositivo » en Italien  les parties disposent de leurs droits. Le procès est la chose des
parties. Le juge n’est pas le maître du procès ; les parties le sont. Elles initient le procès, l’arrêtent et
le cadencent. À quelques très rares exceptions près, le procès n’est engagé qu’à la demande d’une
partie. Les cas où le juge peut s’autosaisir, on peut les compter sur les doigts d’une main (en matière
d’incapacité par exemple). De même que les parties, toujours au nom de cette idée d’initiative, ont le
monopole de la fin du procès. Le juge qui a préparé son dossier n’a rien à dire si finalement, les parties
décident d’arrêter leur procès.
Cela étant dit, ce principe s’affirme, mais il est également tempéré, avec l’apparition de deux acteurs
au pouvoir rénové. Ces deux acteurs sont le parquet et le juge en matière civile.

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A Affirmation du principe dispositif
Le juge ne peut statuer que s’il est saisi d’une demande. Une fois saisi d’une demande, il DOIT statuer
sur la demande, à peine de déni de justice (art. 5). Si le juge oublie de statuer sur un chef de demande
(art. 138, °3), il y a omission de statuer. Art. 138, °2 : le juge est lié par les prétentions des parties (=
l’objet). Le juge ne peut statuer ultra, infra ou extra petita.

Autre manifestation de ce principe (= ce que le prof appelle le casting du procès) : qui décide qui est
mon défendeur ? Moi, demandeur. Le juge ne peut mettre à la cause d’office un tiers (art. 811 C.Jud.).
Même si ça lui brûle les doigts !

B Atténuation du principe dispositif


Nuance : dans certains cas que le C.Jud. prévoit, le juge peut rajouter à la cause un cas (mais c’est très
rare). Art. 1514 C.Jud. (voy. matière master 2), en droit des saisies  lorsqu’un tiers revendique un
bien, saisi, via le service de greffe, le juge des saisies doit mettre TOUS les créanciers à la cause ! En
droit de la filiation, en droit français  le juge qui constate qu’il manque un protagoniste (papa,
maman, etc.), peut convoquer cette personne à la cause.

- Le juge  jusqu’au début des années 2000, le juge avait une fonction très passive. Les parties
étaient maître du procès. Aucune initiative quelle qu’elle soit.
L’office du juge actif est ensuite passé par là. La Cour de cass. et la doctrine ont ressenti le
besoin d’un service public actif.
Il y a désormais toute une série d’entorses au principe dispositif.
o Tout ce qui est d’ordre public, le juge doit le soulever d’office !
o S’agissant de l’instruction, certes, on peut demander au juge d’ordonner une
expertise, mais le juge peut TOUJOURS ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il
est insatisfait par les preuves fournies.
o Les condamnations des Etats à Strasbourg en raison des lenteurs de justice. De plus en
plus, la Cour EDH distingue le procès (= l’affaire du service public qui engage l’Etat 
tout ce qui concerne le procès doit être cadencé par le juge (p.ex. : le juge peut poser
des questions ‘agressives’ au parties))  du litige (= le negotium : le principe dispositif
demeure plein et entier). Renvoi à l’objet et la cause (voy. supra)  depuis 2005, ce
sont des notions factuelles : l’objet = le résultat factuel que je demande et la cause =
les faits que je raconte en tant que partie. Le juge peut, et souvent doit, changer les
qualifications/modifier les bases légales ( ça touche au principe dispositif, pour un
service meilleur de la justice).

- Le Ministère Public  il n’est pas seulement compétent en matière pénal : il l’est aussi en
matière civile, et ce à trois égards :
o Dans le droit de la famille, il jouit d’un droit d’action (opposition à un mariage par
exemple, intérêt des enfants…), même ‘quand on n’a pas sonné’.
o Un rôle d’instruction dans un litige civil :
 Art. 138bis C.Jud.  l’auditorat du travail en matière de sécurité sociale =
compétence exclusive du Trib. du travail. Pourquoi ? Parce que l’auditorat du
travail jouit en monopole d’un rôle d’instruction en matière de sécurité sociale
(voy. supra). Il peut interpeler des organismes de société sociale, qui doivent
lui obéir.

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 Art. 172 C.Jud.  le Trib. de la famille peut demander au(x) (substituts du)
Procureur du Roi d’instruire un complément du dossier (enquête médico-
/psychosociale d’un membre de la famille) et même d’office.
 (SYLLA P. 300) Art. 764 et s. C.Jud.  bon nombre d’affaires civiles sont
communicables au Parquet (action, instruction, avis). (Toutefois, il donne très
peu d’avis.)

11e cours

§2 Le principe du contradictoire et du respect des droits de la défense


La dignité de l’homme et de la femme en procès, c’est bien les droits de la défense. On retrouve le
principe dispositif partout (en administratif, en pénal, en civil, etc.). C’est l’idée de la Cour EDH qu’il ne
peut y avoir aucune pièce, aucune plaidoirie, aucun élément qui frappe l’oreille du juge sans que, à
égalité d’armes et de manière effective, cet élément n’ait pu être soumis à la contradiction (= ait pu
être contredit par l’autre partie). L’idée de surprise est donc absolument prohibée par ce droit naturel
qu’on appelle le principe du contradictoire. Ce principe concerne le juge et les parties. Les parties, une
fois l’instance née, se doivent le respect des droits de la défense. Par exemple : elles doivent s’échanger
leurs conclusions dans un certain délai. Pourquoi ? Principe du contradictoire. Les parties doivent
participer à l’expertise. Pourquoi ? Principe du contradictoire, etc.

Biensur, le contradictoire est la règle, mais parfois il faut – à titre exceptionnel – sacrifier ce droit
naturel : en cas de requête unilatérale. Certes, la nécessité oblige, mais il faut pouvoir ménager au
justiciable qui n’a pas pu participer au procès, parce que c’était extrêmement urgent, parce que c’était
absolument nécessaire, un recours de pleine juridiction devant le même juge (la Cour EDH le dit). Ce
recours s’appelle la tierce opposition. Le juge doit d’abord faire respecter le contradictoire : il est
gardien des bonnes manières. Il devra donc veiller à ce que les parties le respectent entre elles. Il
pourra par exemple écarter des conclusions tardives des débats, écarter des pièces qui n’ont été
communiquées à l’adversaire (renvoi aux règles de la mise en état  voy. plus tard (artt. 740, 747 et
748 C.Jud.).

 Le juge est gardien du respect du principe du contradictoire.

Il est lui-même un acteur du contradictoire : il doit aussi le respecter. Il ne peut jamais surprendre le
justiciable, quand bien même il est parfois placé dans cette position de créer un effet de surprise.

Premier texte pour illustrer cela : l’art. 774 C.Jud.  il parle de la réouverture des débats (voy. aussi
P. 299 SYLLA = toutes les situations où le juge peut le faire). À l’alinéa 2, on lit que, lorsque le juge
soulève d’office une exception qui est de nature à reconduire au rejet de la demande, il doit rouvrir les
débats, pour permettre à la partie surprise de s’expliquer. Le juge est ici débiteur du contradictoire.
Très vite, la Cour de cass. a étendu cette règle à toute situation où le juge soulève d’office, que ce soit
une exception de procédure, un moyen de fait/de droit/de fond…, et que ce soit au rejet de la demande
ou au contraire, pour accueillir la demande !

Par ailleurs, ce n’est pas surprenant : nous avons déjà vu cette règle lorsqu’on étudiait la cause. Le juge
peut (fait adventice)/le juge doit (fait invoqué) soulever d’office tel ou tel moyen. Toutefois, à ce
pouvoir, il y a des balises : l’accord des parties (1) ; le juge doit se limiter aux faits du dossier (2) ; le
juge qui soulève d’office un moyen de droit/une qualification inédite, doit respecter le contradictoire
et rouvrir les débats (3).

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On retrouve également ce principe en matière de litispendance (art. 566, alinéa 2) : la jonction n’a pas
lieu si une des parties qui n’était pas partie à la cause devant le juge – bénéficiaire de la jonction – s’y
oppose. On a également vu l’art. 812 C.Jud.  lorsqu’une mesure d’instruction a déjà été ordonnée,
le tiers intervenant forcé peut refuser le débat. Pourquoi ? Principe du contradictoire !

Nous reverrons l’autorité de la chose jugée à la P. 315 SYLLA  il y a autorité de la chose jugée entre
les parties. Mais à quelles conditions ? La Cour de cass. dit que ce n’est le cas que quand les parties ont
pu débattre  ‘le juge ne peut sortir de son chapeau un lapin que personne n’a vu venir’. Il n’y a pas
de chose jugée quand le juge s’exporte des débats.

REMARQUE : rouvrir les débats coûte cher  il faut un jugement à concevoir par le siège, à mettre en
musique par le greffe ; ça suppose un nouveau débat… N’entre-t-on pas en conflit avec un autre droit
de l’homme, notamment celui d’être jugé dans un délai raisonnable ? Solution : la doctrine, la Cour de
cass. et même le législateur ont essayé de respecter le principe du contradictoire, tout en faisant des
efforts pour économiser. On veut épargner au justiciable des coûts et des longueurs parfois excessives.
Quelles sont ces idées ?

- La réouverture des débats : art. 775 C.Jud.  en principe, elle a lieu par écrit. Personne n’a
dit qu’il fallait respecter le principe contradictoire oralement ! L’écrit est un parfait canal pour
le respect des droits de la défense.

- L’audience interactive : art. 756ter C.Jud.  le juge peut proposer un débat interactif aux
parties. C’est alors le juge qui pose les questions. On gagne du temps et le juge peut anticiper
en disant : « là, je compte soulever tel moyen et j’aimerais vous entendre là-dessus », plutôt
que d’attendre un arrêt, qui doit être notifié.

- Jurisprudence de la Cour de cassation de 2007-2008 : le juge, quand il se trouve face à un


justiciable qui a développé ces prétentions uniquement en fait, sans aucune référence au droit
(quand on a vu la citation et la requête (Cass. 1978), on a vu que c’est possible), doit dire le
droit, mais il n’a pas à provoquer des débats que les parties n’ont-elles-mêmes pas demandés.
En Latin, on dit « iura vigilantibus sed non dormientibus » = le droit est fait pour les vigilants
et pas pour les dormeurs.
Autre jurisprudence de la Cour de cass. (2011) : le juge ne doit pas respecter le contradictoire
lorsque le moyen qu’il relève d’office était imminemment prévisible au regard du débat des
parties.
Exemple : les parties, à longueur de conclusions et de plaidoiries, se chamaillent sur la faute et
sur le dommage. Typiquement, un automobiliste qui déclenche un accident, face à un autre
automobiliste qui ne portait pas la ceinture de sécurité. Le juge lit le rapport d’expertise et
constate que le port de la ceinture n’aurait rien changer dans ce cas précis. Que fait-il ? Il dit
que le port de la ceinture n’aurait rien changé aux lésions de la victime  il rejette la thèse de
la faute de la victime (faute de lien causal). Est-ce une surprise faite par le juge ? Non, dit la
Cour de cass.  ce point était absolument évident au regard des débats des parties.

§3 Publicité des audiences et des jugements (en bref)


Art. 148 Const. + art. 757 C.Jud. (+ art. 149 Const. (pour faire bonne mesure)) :

1- Les audiences sont publiques (art. 148 Const. et art. 6 Conv. de sauvegarde des droits de
l’homme), sauf exceptions (huis clos, bonnes mœurs, ordre public, etc. (voy. la Constitution,
la CEDH, les droits de la presse…)).

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2- Sur le prononcé des décisions en audience publique (art. 149 Const.) : il y a beaucoup
d’inconvénients logistiques. L’économie de procédure dans tout ça, est difficile à repérer.
La Cour EDH et la Cour de cass. se contentent de mesures commodes : elles ne lisent que le
dispositif à voix haute. Par ailleurs, la décision est disponible online tout de suite. Ça, c’est « la
publicité 2.0 ».
REMARQUE : révision de l’art. 149 Const. il y a deux ans  désormais, les jugements sont
prononcés dans les formes prévues par la loi ! Il suffit de lire le dispositif, voire de mettre en
ligne la décision le jour du prononcé et c’est bon : la publicité est assurée.

§4 Principes de l’oralité et de la procédure écrite


Le droit belge accuse une nette propension pour l’écrit (par exemple : 757 C.Jud. : la réouverture des
débats = écrite aujourd’hui). L’écrit prend de plus en plus de terrain. Pourquoi ? Pour des raisons
d’efficacité et pour éviter des arriérés judiciaires.

Ceci dit, l’oral ne disparait pas : l’audience de plaidoirie demeure le principe. Au bout des écritures, il
y a donc la plaidoirie. (Toutefois (pas matière d’examen), il y a la possibilité à l’article 757 C.Jud. d’avoir
une procédure exclusivement écrite, de l’accord des parties (pendant la première vague COVID-19,
c’est la procédure qui fût imposée)).

De plus, il reste toujours l’enquête par témoin. Il y a aussi l’art. 556bis C.Jud. : lorsque les parties n’ont
pas conclu, par écrit, ou ont conclu en retard, et que donc leurs conclusions sont écartés, cette partie
jouit encore du droit de plaider la cause. Attention, ce n’est pas une parfaite seconde session 
l’oralité n’est pas une session de repêchage parfaite. Il y a deux grandes différences entre l’oralité et
l’écrit (= deux avantages qu’on ne peut rattraper oralement) :
- Introduire une demande incidente = quasiment impossible (art. 809 C.Jud.).
- Obligation de motivation du juge (art. 149 Const. + art. 780 C.Jud.)  le juge ne doit répondre
qu’aux conclusions !

§5 Principe de la loyauté procédurale


De plus en plus, dans la jurisprudence (de la Cour de cass. notamment), dans la doctrine et dans la loi,
apparaît l’idée de loyauté procédurale que se doivent les acteurs au procès. En réalité, c’est la
transposition du principe général d’exécution de bonne foi. Illustration :

- Une citation/signification qui, quoique facialement correcte, dénote une déloyauté  on a vu


le cas d’une personne qui fait signifier un arrêt judiciaire au domicile judiciaire de son ex, alors
qu’il savait qu’elle résidait à l’étranger  signification déloyale.

- Si l’action en justice et téméraire et vexatoire (elle est gravement négligente, manifestement


erronée), une condamnation aux dommages et intérêts en est la conséquence (+
éventuellement une amende civile (art. 780bis C.Jud.).
- Je fais une élection de domicile. Puis, à un moment donné, je gagne mon procès. On est 2000
personnes à faire fortis. Que fait-on pour embêter le monde ? On révoque l’élection de
domicile. L’adversaire est alors obligé de faire signifier l’arrêt 2000 fois. La Cour de cass. dit
que la révocation d’élection de domicile est certes, légale, mais elle est déloyale, abusive.

- En matière de compétence, déclinatoire d’ordre public  je ne le soulève jamais en tant que


demandeur. Je me suis trompée, puis, un beau jour, je constate que j’ai tout perdu sur le fond,

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et une avocate à la Cour de cass. dit que la compétence n’était pas correcte et que c’est d’ordre
public. La Cour de cass., depuis 2002, dit qu’on ne peut le soulever, alors qu’on a soutenu le
contraire tout au long du procès. Tu manges ta parole, tu es déloyale (equitable estoppel en
Anglais : je ne peux soutenir déloyalement le contraire de ce que disais avant).

- Art. 972bis : les parties doivent collaborer loyalement avec les experts. Par contre ( !! ), la Cour
de cass., par des arrêts du 13 décembre 2019 (arrêt Boël) et du 31 janvier 2020 (et encore une
babiole en 2021), a décidé – alors qu’en 2014, elle avait rédigé un bel arrêt de principe de droit
de la loyauté – que la loyauté procédurale n’est PAS un principe général de droit ! Elle a revu
le statut normatif du principe. La Cour de cass. considère qua la loyauté procédure a bel et
bien des effets juridiques, mais qu’elle n’est plus un principe général du droit : elle fait d’abord
connaître du succès à la loyauté, puis elle la dégrade d’un rang (2014  2019 et s.).

Sect. 2 : les modes alternatifs de règlements des litiges


/ (Vu pour le test dispensatoire).

Sect. 3 : Le déroulement de l’instance


§1 La procédure contradictoire de droit commun
A Audience d’introduction et comparution des parties
À cette audience, souvent il ne se passe pas grand-chose. Ce n’est qu’un démarrage.
Il est question de comparaître. Qui peut comparaître (= ‘débouler’ en salle d’audience et plaider) ? Art.
728 C.Jud.  cet article commence par poser une équation de base : tout justiciable peut plaider sa
cause en personne ou se faire représenter par un avocat.

(1) Sur le droit de comparaître soi-même.


Exception numéro 1 : art. 758 C.Jud.  le juge peut, constatant l’inexpérience/la passion
excessive d’un justiciable, dire au justiciable : « je t’ordonne, dans ton intérêt, de revenir avec
un avocat ».
Exception numéro 2 : certains actes ne peuvent être exécutés par le justiciable lui-même. Par
exemple : la requête unilatérale (art. 1026) ; un pourvoi en cassation ; une requête civile ; etc.

(2) On peut toujours ne pas venir et se faire représenter par un avocat. Toutefois, il y a quelques
exceptions à ce principe.
a. Le Trib. de la famille (art. 1253ter/2 et 3 C.Jud.) : à l’audience d’introduction/à chaque
audience où les intérêts d’enfants mineurs sont en jeu, les parents (+ leurs avocats,
éventuellement) doivent être là. Ratio legis ? On veut sensibiliser les gens et on veut
permettre aux juges de promouvoir les modes alternatifs de résolution des conflits.
b. La mesure d’instruction inscrite à l’art. 996 C.Jud.  le juge peut ordonner la
comparution personnelle des parties.

(3) Par ailleurs, là où avant, l’avocat avait le monopole de la plaidoirie, aujourd’hui ce monopole
s’est effrité. Les 25 dernières années, la loi a modifié le monopole de représentation de
l’avocat. Mais, retour à l’art. 728  devant certains juges (juge de paix, juge de police, Trib.
de l’entreprise), on peut comparaître par parent/allié.
Devant les Trib. du travail il y a quelque chose de remarquable : qui peut plaider (enplus des
personnes habituelles) ? Les délégués syndicaux peuvent agir en lieu et place des avocats.

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(4) Dans les litiges fiscaux (TPI), le fisc peut se faire représenter par ses fonctionnaires. Du coup,
le contribuable peut quant à lui se faire assister par un expert du chiffre (expert
fiscal/comptable).

Que se passe-t-il à l’audience d’introduction ?

- Art. 802 C.Jud. : quand le justiciable n’est pas là  l’affaire est prise en délibéré par défaut.
- Variante : le défendeur fait défaut, mais le doute s’instille dans la tête du juge, qui, par manque
de temps/par doute, veut reconvoquer le défendeur défaillant (art. 803 C.Jud.) 
reconvocation du défendeur sous pli judiciaire (1) ou reconvocation par exploit d’huissier (on
arrive à une ‘audience d’introduction bis’) (2). Qu’arrive-t-il alors ?
o De nouveau défaut ? Le défaut est alors pris, acté, jugé.
o Il ne se passe presque rien et personne ne vient… Art. 729 C.Jud.  lorsque les parties
sont assistées d’avocats, ils peuvent remplacer leur présence à l’audience
d’introduction par un acte de postulation (= un acte écrit). Dans cet acte on peut même
faire des propositions constructives pour la mise en état (attention aux exceptions/cas
spéciaux analysé ci-dessus ( défaut)). Cette facilité est réservée aux avocats.
o Les débats succincts : pour des affaires succinctes, brèves, on n’attend pas longtemps :
le législateur permet de retenir l’affaire dès l’audience d’introduction (art. 735 C.Jud.).
o Les parties/leurs avocats peuvent physiquement comparaître à l’audience
d’introduction pour tout de suite faire état de propositions sur la mise en état. Les
avocats peuvent donc le faire par écrit (art. 729)/ils peuvent le faire oralement.

B Mise en état des affaires en débats succincts


Un siège : l’art. 735 C.Jud.

L’idée est la suivante : « luttons contre l’arriéré judiciaire et pour les affaires simples, faisons tout pour
‘garder les petits poissons dans les filets des audiences d’introduction’ ». L’article fait en sorte que des
affaires simples, susceptibles d’être plaidées brièvement, soient retenues à l’audience d’introduction,
ou, à brève échéance (c’est-à-dire si le magistrat n’a même pas 3-4-5 minutes à consacrer aux parties,
accorder le bénéfice des débats succincts et reporter l’affaire à un moment postérieur).

L’article se décompose en deux volets.

- Paragraphe 1 : il s’agit des débats succincts proprement dits. Il faut les demander et les
obtenir.
Qui peut les demander ? Tout le monde (le demandeur  dans son acte introductif  le
défendeur  à l’audience d’introduction).
Comment s’y prendre et quand ?
Chaque avocat a tendance à penser que son dossier est ‘le plus facile du monde’ et que la
contrepartie est un clown, que le client a évidemment raison. Non : il faut réserver cette option
à des cas DIGNEMENT simples (par exemples des cas où il y a eu peu de protestation ; le cas
absolument évident, etc.). Il faut également motiver pourquoi le cas est simple. Mais
attention : au plus on doit motiver qu’un cas est simple, au moins il l’est réellement ! Le
‘gardien de l’horloge’, c’est le juge : c’est lui qu’il faut convaincre de la simplicité du cas. Le
juge accorde/n’accorde pas les débats succincts.

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Parfois, c’est tellement difficile à savoir si le cas est vraiment simple, que le législateur a prévu
des cas où c’est présumé qu’il s’agit de cas susceptibles d’être traités via cette procédure. Voy.
le paragraphe 2.

- Paragraphe 2 (plus neuf) : ce sont les débats succincts présumés. On offre au justiciable
(spécialement au demandeur) le bénéfice irréfragable de débats succincts.
On peut valoriser ce droit accordé ou y renoncer.
Il y a quelques cas :
o Les cas où les parties sont d’accord. En théorie, le juge est lié par cet accord.
 En pratique, le juge refuse souvent (ils se protègent contre des abus).

o Le recouvrement des créances incontestées.

o Les changements de langue. On peut solliciter un changement de langue.

o Les déclinatoires de compétence, s’ils sont soulevés in limine litis. On ne va pas


attendre pendant longtemps, pour s’entendre dire que le juge est/n’est compétent.

o Les demandes de délai de grâce. Par exemple : on assigne en paiement d’une créance
un débiteur. Le débiteur ne conteste pas. Il demande juste un délai de grâce. On
n’attend pas des années pour plaider ça.

o Art. 19, al. 3 (examen) : la demande d’un jugement avant dire droit (soit une mesure
d’instruction, soit une décision qui aménage provisoirement la situation des parties).
Je demande un jugement avant dire droit dans ma citation. Je ne vais pas attendre 5
ans pour plaider un jugement avant dire droit (on le fait dès l’audience
d’introduction/à très brève remise).

Par rapport aux débats succincts, qu’ils soient sensu stricto ou présumés, voici quelques règles
communes. Ce n’est pas parce qu’on est en débats succincts qu’on saccage le contradictoire. Le
principe du contradictoire s’applique avec des formes aménagées :

- Les pièces peuvent être communiquées jusqu’à l’audience même ( en même temps que les
conclusions).

- Il est possible d’échanger des conclusions en débats succincts, mais ce n’est pas l’usage. L’idéal,
c’est de le faire à l’oral. Mais rien n’empêche qu’on le fasse à l’écrit. Toutefois, il faut veiller à
ce que ça ne devienne pas trop long !

Par rapport à l’indivisibilité des litiges : art. 31 C.Jud.  art. 735, §5 nous dit : « le litige est indivisible,
ce n’est pas grave ! L’art. 735 continue quand-même à s’appliquer. » Par contre, si le litige est
indivisible et il y a des parties défaillantes, il faut les reconvoquer par pli judiciaire.

Art. 735, §6 : les décisions relatives à l’application d’une présente partie ne sont susceptibles d’aucun
recours. Il y a là l’illustration d’une catégorie qu’on appelle les mesures d’ordre (voy. P. 371 SYLLA). On
verra l’art. 1046, qui parle de la mesure d’ordre intérieure : elle n’est susceptible d’aucun recours, car
elle ne tranche rien ! Elle ne pose pas préjudice. Lorsque le juge applique l’art. 735 ou refuse de
l’appliquer, il rend une pure mesure d’ordre.

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Petit tuyau : bien distinguer l’art. 735  l’art. 1066 C.Jud. (P. 384 SYLLA). Il parle des débats succincts,
en DEGRÉ D’APPEL !!

C Mise en état des affaires qui ne peuvent être traités en débats succincts
Deuxième scénario : les affaires non succinctes  elles sont traitées ‘par circuit long’ ( débats
succincts : circuit court).

Siège de la matière : art. 740 et s. C.Jud. À l’audience d’introduction, pas grand-chose ne se passe.
L’affaire est distribuée par le chef de corps (art. 726 C.Jud.) : il a le pouvoir de dispatcher en fonction
du règlement particulier. Au lieu de renvoi, l’affaire est mise en état. Il y a plusieurs types de mise en
état. Schématiquement, elle appelle deux types de formalités :

1- Se communiquer les pièces à conviction.


2- Échanger les conclusions (= les écrits argumentaires des parties).
4. Voy. artt. 736, 737 et 740 C.Jud.

Art. 740 C.Jud. : les pièces d’une partie doivent être communiquées à l’autre partie au plus tard en
même temps que ses conclusions. Les délais pour conclure sont les même que ceux pour communiquer
les conclusions. Sanction ? Les pièces communiquées au-delà de ce délai sont écartées des débats
(poubelle !). Comment fait-on pour communiquer les conclusions ? Voy. le C.Jud. (art. 737) et la
pratique. On peut communiquer les pièces de deux façons :

- Soit par le dépôt au greffe, auquel cas l’adversaire pourra venir les consulter sans déplacement
(il ne peut les bouger, mais il peut demander des copies/en prendre des photos),

- Soit à l’amiable (par la poste, via mail…).


 Le code de déontologie impose que la loi autorise la confraternité entre avocats !

Les pièces doivent être accompagnées d’un inventaire. L’inventaire est exigé par la Cour de cass. à des
fins probatoires. Sans inventaire, il faut administrer la preuve de l’envoi.
Quid des conclusions ? Ce sont des actes de procédure, nécessairement écrits. La Cour de cass. exige
l’écrit (par exemple : art. 809  pour faire une demande incidente, il faut des conclusions). Dans les
conclusions on met les moyens de défense, les exceptions, les demandes incidentes… Qui peut les
faire ? Copier-coller de l’art. 728 C.Jud. et ce qu’on a vu là.

Il faut éviter quelques pièges lorsqu’on rédige une conclusion :

- Le fouillis,
- Les longueurs excessives,
- Les propos ad nominem,
 Le juge doit avoir envie de faire du copier-coller. Il faut arriver à ce point-là de neutralité,
tout en étant convaincant.

L’art. 743 dit qu’il faut indiquer le nom, prénom, le domicile, l’adresse électronique… il n’y a pas de
sanction (pas de nullité sans texte). L’inventaire est également obligatoire (même s’il n’y a pas de
sanction prévue).

Quel est le contenu des conclusions ? Depuis 2007 et depuis Pot-Pourri (2015 – 2018), il y a quelques
guidelines pour éviter du grand n’importe quoi dans les conclusions et pour faciliter la tâche du juge.

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Le Code Judiciaire a articulé les choses. Où ça ? À l’article 744. En résumé : les conclusions doivent
comporter successivement et expressément :
- L’exposition des faits pertinents,
- Les prétentions du concluant,
- Quels sont les moyens (de fait et de droit)  il faut les invoquer de façon numérotée et en
ordre de subsidiarité croissante.
o À titre principal, je soutiens que… (moyen numéro 1) ;
o À titre subsidiaire, je soutiens que… (moyen numéro 2) ;
o À titre encore plus subsidiaire (moyen numéro 3)…
- La demande quant au dispositif du jugement : c’est le dispositif  qu’est-ce qui est demandé
maintenant ?

L’art. 744 y ajoute une règle productive. « Vous ne pouvez pas, dans des conclusions, procéder à des
renvois à d’autres conclusions ». Quelle est la sanction du non-respect de ce formalisme ? Ce n’est pas
la nullité des conclusions ! Ce n’est pas l’écartement non-plus. Non : c’est une sanction plus soft, qu’on
retrouve à l’art. 780, °3 : « à peine de nullité… » (mais attention, ce n’est pas une ‘vraie nullité), c’est-
à-dire à peine de recours, une décision judiciaire comporte la réponse aux conclusions des parties,
conforme à l’art. 744. Ça signifie que si les conclusions sont mal fichues, le juge n’a pas l’obligation d’y
répondre. Au passage, retour à l’art. 744, qui dit qu’on doit indiquer les moyens. Ce sont les moyens
de fait et de droit ! Petite comparaison : on a vu que, concernant l’acte introductif, un arrêt de la Cour
de cass. de 1978 disait qu’une citation pouvait ne pas comporter ces moyens de droit.

Est-ce que je suis liée par mes moyens de droit ? Non (Cour de cass. depuis 2005) : si les moyens de
droit ne sont pas les bons, le juge peut et souvent il doit changer les moyens. On ne perd rien via le
juge actif.

Qu’arrive-t-il si les conclusions ne comportent pas les moyens de droit ?

- S’il n’y a pas de moyens, le juge ne va pas répondre.

- Si on n’invoque pas les moyens de droit, la Cour de cass. considère depuis quelques années
que le juge va faire le boulot, au profit/au détriment d’une partie ou de l’autre, car le juge n’a
pas à respecter le contradictoire ici ! On a donc tout intérêt, en tant qu’avocat à collaborer au
droit.

D Notions communes aux trois modes de mise en état


(P. 290 SYLLA)

« Concentration des écritures », qu’est-ce que ça signifie ? Art. 744, al. 2 : je ne peux faire des
conclusions par renvoi  le juge ne sera obligé d’y répondre. Je dois concentrer mes moyens dans
mes conclusions. Ça n’est pas tout : le Code Judiciaire rajoute une autre règle, à l’art. 748bis C.Jud. Cet
article a été modifié plusieurs fois (Pot-Pourri). Les dernières conclusions d’une partie prennent la
forme de conclusions de synthèse. L’article continue : pour l’application de l’art. 780, al. 1er, °3, les
conclusions de synthèse remplacent toutes les autres conclusions antérieures et le cas échéant, l’acte
introductif d’instance de la partie qui dépose les conclusions de synthèse. En d’autres termes :
lorsqu’on a plusieurs occasions de conclure (et c’est souvent le cas), la dernière échéance est celle pour
laquelle il faut nécessairement faire des conclusions de synthèse. il faut reprendre tout mais rien que
l’argumentation la plus à jour.

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 L’article est clair (même s’il y a des sanctions cachées). Le juge ne doit répondre qu’aux
conclusions de synthèse. Il peut jeter tout le reste ! La Cour de cass. va jusqu’à considérer
que non seulement le juge ne doit répondre qu’aux conclusions de synthèse, mais en
outre, le juge ne PEUT PAS se prononcer sur une demande qui ne figure plus dans les
conclusions de synthèse. Il faut donc un soin (presque obsessionnel) lorsqu’on rédige une
conclusion de synthèse, car le juge ne peut lire que cela.

Vient la question des délais… voy. art. 747 C.Jud. ! C’est l’article contenant les délais contraignants.
Les délais pour conclure font l’objet de dispositions qui s’articulent en trois méthodes dans le Code. Il
y a trois alternatives ; on ne cumule pas.

[1] Il y a d’abord la mise en état, qui est purement consensuelle (§1), combiné avec les artt.
748 et 750.

Résumé : on n’est pas en défaut ; on n’est pas en débats succincts. Les parties ne s’entendent
pas, mais une chose est sure : elle ne veulent pas ne rien faire  elle ne veulent pas
s’astreindre au respect de délais contraignants. (C’est peut-être une ‘fausse bonne idée’. Par
exemple : l’adversaire dit « ouioui, je vais conclure assez vite, ne vous inquiétez pas… Tu as ça
pour après l’été » etc. S’il n’y a pas moyen de le contraindre, vous êtes foutus.) Comment ça
se passe : à l’audience d’introduction, de deux choses l’une :

- Soit on est avocat et on fait un acte de postulation écrite (art. 729). Les deux parties sont
d’accord – unanimement – de ne pas recevoir de délai. Les parties sont, en d’autres mots,
d’accord que l’affaire soit renvoyée au rôle général.

- Soit on ne passe pas par l’art. 729  on vient à l’audience d’introduction et on dit au
magistrat : « on veut UNANIMEMENT un renvoi au rôle général ». (S’il n’y a pas d’accord
unanime  [2].)

Que se passe-t-il ? L’affaire peut remonter dans les 2, 5, 20, etc. ans. Les parties sont en état.
Il ne reste qu’à plaider ; à obtenir ce qu’on appelle une fixation à l’audience. Comme l’obtient-
on ? Art. 750.  on poursuit la voie consensuelle : il faut unanimement remplir ce qu’on
appelle une demande conjointe de fixation. On la dépose au greffe et on attend de recevoir la
fixation.

Existe-t-il des sanctions ? Non et oui  on ne peut contraindre son adversaire à conclure en
cours de mise en état, car on a renoncé à toute forme de contrainte ! À un moment donné, il
y a quand même une forme de contrainte : au moment même où on dépose au greffe la
demande conjointe de fixation, là c’est fini (art. 748 C.Jud.), SAUF pour les conclusions prises
après dépôt de la demande conjointe de fixation  elles sont écartées des débats.

À l’art. 748, on retrouve trois exceptions à la sanction de l’écartement de conclusions tardives.

1 : l’accord expres de toutes les parties ( principe dispositif). Mais il faut l’accord unanime
des autres parties !

2 : le cas de demande visé à l’art. 808 (tableau de demandes incidentes)  en cas de demande
additionnelle, on peut toujours (même jusqu’à la veille de l’audience) prendre un petit bout
de conclusion (≠ des conclusions de synthèse), pour rajouter une demande additionnelle. C’est
une simple actualisation (donc pas une demande nouvelle).

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3 : art. 748, §2  si entre le moment de dépôt de la demande conjointe et le moment de
l’audience survient un fait nouveau et pertinent, que fait-on ? On fait une requête, où on
expose la pièce nouvelle. On la dépose au greffe, au plus tard 30 jours avant l’audience, sauf
en cas de force majeure. Le greffier doit le notifier aux autres parties. Les parties ont 15 jours
pour réagir. Le juge récolte tout ça et rend une ordonnance : « oui c’est pertinent/pas
pertinent, (rendez-vous ce jour-là) ».

 Les délais ne sont pas contraignants (c’est comme pour les gentlemens’ agreements).

[2] Il y a la mise en état conventionnelle judiciarisée (= la voie royale selon le prof) (§1),
combiné avec l’art. 748. Elle cumule la souplesse de la mise en état consensuelle et la fermeté
de la mise en état purement judiciaire. Explication : art. 747, §1  soit, dans l’acte de
postulation écrit des avocats d’emblée, soit à l’audience d’introduction si on vient
physiquement, soit à n’importe quelle audience (par écrit/à l’oral), on se met d’accord entre
parties : « je te réponds pour le 15 juin, tu me réponds pour le 15 juillet… ». Les parties se
mettent donc d’accord sur des échéances communes, qui correspondent aux disponibilités des
parties, des avocats, etc.

L’accord amiable est alors entériné par le juge. Le juge et son greffier prennent acte de l’accord.
Le calendrier en fait du hard law  on passe de soft law à hard law et le juge fixe une audience.

Donc on a la feuille de route, le juge en prend acte, tout est claire, mais les délais sont-ils
contraignants ? Oui (car ils ont été entérinés), car l’art. 747, §1, combiné avec l’art. 748 nous
dit que les conclusions prises en dehors du délai sont écartées des débats. Y a-t-il des
exceptions à cet écartement ? Oui : les trois mêmes que dans le [1].

[3] La mise en état purement judiciaire (§2), combiné avec l’art. 748.

On est à l’audience d’introduction. Tout le monde comparaît (physiquement/par acte d’avocat,


donc il n’y a pas de défaut). Ce n’est pas un débat succinct. On n’est pas d’accord sur un renvoi
au rôle général, donc on n’est pas dans la situation [1]. On n’est pas d’accord sur le [2] non
plus. Qu’advient-il ? Dès l’acte de postulation, l’avocat peut aussi faire unilatéralement une
proposition. Le §2 nous dit qu’on peut faire ce type de souhait, qu’on appelle une observation
(« je veux fixer à cette date-là »), jusqu’un mois après l’audience d’introduction. La même
chose vaut pour l’adversaire. Au bout d’un mois, le juge prend le dossier, et prend
connaissance des souhaits et assigne des délais (avec autorité de chose jugée). Au final, il fixe
la date d’audience, selon son estimation. Les parties reçoivent l’ordonnance de mise en état
judiciaire. Cette ordonnance est, par hypothèse, contraignante. Les délais sont contraignants.
Toute conclusion que ne la respecte pas est écartée des débats. Y a-t-il des exceptions ? Oui :
les trois vues au [1].

Petite remarque à propos de la mise en état judiciaire. Pour les parties, le délai est d’un
mois pour les observations ; pour les juges, il est de 6 semaines, à partir de l’audience
d’introduction (en total il a deux semaines entre les observations des parties et l’ordonnance).
Les délais sont raccourcis devant le juge des référés, le juge des saisies, le juge de la famille.
Devant eux, les délais sont ramenés à 5 jours pour les parties et à 8 jours pour les juges.

Existe-t-il des recours contre l’ordonnance de mise en état judiciaire ? Non !  Selon l’art.
747, il s’agit de mesures d’ordre, non susceptibles de recours. La seule possibilité est de faire
rectifier une erreur matérielle.

Points communs :

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- Si une mise en état purement consensuelle dégénère (il n’y a pas de délai fixe et on perd
patience), que fait-on ? Retour à la case de mise en état judiciaire. On doit faire une requête,
mise en état, observations, etc.  on perd donc du temps.
- Des conclusions prises à temps sont régulières  des conclusions prises en retard sont
écartées des débats. Le verbe « prendre » est utilisé, car il est vague. L’art. 742 C.Jud., combiné
avec l’art. 745 dit que les conclusions du justiciable font l’objet de deux actes procéduraux
cumulatifs. Il faut :
o Que les conclusions soient envoyées à l’adversaire. Ratio legis : le contradictoire.
o Que les conclusions soient remises au greffe.
Les sanctions s’appliquent aussitôt qu’une des deux démarches n’est effectuée à temps et
correctement. Attention, c’est l’envoi et non pas la réception qui compte ! Les conditions sont
cumulatives et exigeantes. Les deux formalités conditionnent le respect des règles.
- Qu’arrive-t-il quand on n’a pas pris de conclusions/je l’ai fait mais en retard (je suis nue de mes
écrits) ? Puis-je plaider ? Oui  les droits de l’homme sont saufs (art. 756bis C.Jud.). La partie
peut au moins plaider la cause. La partie adverse peut le faire également, mais elle ne découvre
que le dossier au jour même  effet de surprise ! Toutefois, le droit de plaider n’est pas une
garantie et ne vaut plus autant. On ne peut plus introduire de demande incidente et le juge
n’est pas obligé de répondre à la plaidoirie orale.
- Art. 52 et s.  les règles de computation des délais (voy. supra) s’appliquent aux délais de
conclusion.

E Débats et clôture des débats


Artt. 757, 756ter, 756 et 769 C.Jud.

En principe, l’audience est orale et publique (mais voy. supra).

Art. 756ter : le juge peut proposer aux parties de remplacer les débats classiques par des débats
interactifs. Si les parties acceptent, il y aura un débat interactif. Si les parties refusent, le juge peut
quand même l’imposer. Qu’est-ce que ça signifie : le juge peut sortir de sa réserve (et il gagne du
temps)  il dit sur quoi exactement il veut entendre les parties. De plus, de cette façon, il anticipe la
réouverture des débats ( ainsi, pas de surprises !).

Classiquement le juge, ayant la police de l’audience, est le seul à ordonner la clôture des débats (art.
769 C.Jud.) (on dit clore les débats, pas clôturer ( !! ). Puis, le juge rentre dans son délibéré.

L’art. 756 dit que les parties doivent déposer leur dossier de pièce au greffe 15 jours avant l’audience
au moins. Les conclusions y sont déjà !! Pour quoi faire ? Pour permettre au juge de préparer le dossier
et éventuellement d’organiser un débat interactif. C’est un simple délai d’ordre, donc en cas de non-
respect, il n’y a pas de sanctions. Un juge qui ne peut préparer son dossier ne peut être un bon juge à
la cause.

12e cours

La décision de clôture des débats et une pure mesure d’ordre. Il se peut que dans le secret du délibéré,
les juges éprouvent la nécessité de réouverture des débats qui viennent d’être clos (art. 772 à 776
C.Jud.). La réouverture est de deux types et de deux causes. Elle mène à l’application d’une seule et
même procédure. Pourquoi deux causes ? Car peut être à l’initiative de la réouverture des débats soit
une partie, soit le juge lui-même.

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- Par le juge lui-même (art. 774 C.Jud.) : on l’a vu la semaine dernière, lorsqu’il fût question du
principe du contradictoire. Le juge qui est en situation de surprendre les parties essaie d’éviter
de surprendre les parties en rendant son jugement. Le juge doit respecter le principe du
contradictoire lorsqu’il soulève des moyens et relève telle pièce. Une des techniques
maîtresses pour respecter ce principe, c’est bien la réouverture des débats. Lorsque le juge
soulève une exception, conduisant au rejet de la demande et que les parties n’avaient pas
soulevée devant lui, il doit rouvrir les débats.
La Cour de cass., depuis presque 50 ans, a étendu le champ d’application de cette disposition,
pour dire que le juge doit rouvrir les débats dès qu’il soulève un moyen quel qu’en soit la
nature et que ce moyen conduit soit à l’accueil de la demande, soit à son rejet (il faut bien
respecter l’égalité des armes). (Voy. le cours précédent pour les pistes servant à économiser
en cas de réouverture des débats.)

- Qu’advient-il si le juge rouvre les débats ? Art. 774 C.Jud.  on passe à l’art. 775. En principe,
il y a une procédure écrite en cas de réouverture des débats (le but = gagner du temps). Jadis,
le juge devait fixer une nouvelle audience ; ça prenait trop de temps. Aujourd’hui, tout se fait
par écrit. Le juge fixe un délai de conclusions s’appliquant à tout le monde. Il ne tient plus
audience (en principe  à titre d’exception, il peut quand même le faire, s’il en éprouve le
besoin).

- Lorsque le juge rouvre d’office les débats, la Cour de cass. considère que sa décision est
susceptible de recours. L’art. 776 C.Jud. ne s’applique pas.
La réouverture des débats peut être provoquée à l’initiative d’une des parties (artt. 772 et
773). Lorsqu’une des parties veut se prévaloir d’un fait nouveau et capital (~ en cours de mise
en état : art. 748, §2 C.Jud.), qui a une incidence à l’estime de la partie adverse, la partie
adverse peut rédiger une requête en réouverture des débats/peut décrire le fait nouveau et
capital, tout en décrivant l’incidence qu’il aura sur la décision du juge. La requête est déposée
au greffe et notifiée aux autres parties (art. 773). Les parties peuvent, dans les jours qui
suivent, faire valoir des observations. Le juge prend ses responsabilités et soit il rouvre les
débats (application de l’art. 775 C.Jud.), soit il dit qu’il n’y a pas de quoi perturber son délibéré
et il rejette la requête. Art. 776  la décision que le juge prend sur la requête de réouverture
des débats n’est PAS susceptible de recours.

F Affaires communicables
Cette matière fait écho au rôle réel du Parquet en procédure civile. Le Procureur du Roi et son Parquet
son présent à trois moments, schématiquement présentés, dans la procédure civile.

1- Droit de la famille (certaines actions en cessation),

2- Rôle d’instruction de litige dans certains cas (p.ex. : art. 872 C.Jud., art. 138bis),

3- L’avis  le rôle d’avis du Ministère public est réel, mais tout à fait aminci (Pot-Pourri). L’idée
était la suivante : sacrifions des excès de certaines figures du procès civil (au même titre que
la collégialité du siège : de 3 on passe à 1 juge)  on a sacrifié un autre bijou de famille
également, notamment l’avis du Ministère public. Il ne faut pas se laisser tromper par les
apparences, car en lisant les textes, on a l’impression que le rôle d’avis est toujours très dense.
En réalité, pas du tout : il se trouve que, si on prend les articles 764 à 767, on voit une liste
immense dans laquelle il est dit : « à peine de nullité, les affaires suivantes sont communiquées

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pour avis au Ministère public ». ( !! ) Attention, « à peine de nullité » ne signifie pas
l’application de la théorie des nullités  c’est à peine d’un recours qui pourrait être interjeté
contre la décision qui mépriserait la communication du dossier au Parquet. Vu qu’on a cette
liste, où se trouve alors le sacrifice ? Depuis 2015, la Loi Pot-Pourri I, le Parquet n’a plus
l’obligation de remettre un avis lorsqu’un dossier lui est communiqué. Jadis, il y avait une
obligation.  Désormais, la balle est souverainement dans le camp du Parquet. Les artt. 764
et 765 disent : « le Parquet n’emmétra avis que s’il le juge convenable ». Et lorsque le Parquet
estime que c’est convenable, il a une deuxième faculté souveraine : la forme de l’avis. Le
Parquet peut décider s’il émet un avis écrit/oral.
À cette souveraineté, il y a des exceptions. Dans certains cas, le Parquet DOT émettre un
avis (art. 764 et 765/1) :
a. Dans les affaires relevant du contentieux de la sécurité sociale, le dossier est transmis
pour avis à l’auditeur du travail. Si le Trib. du travail requiert ensuite expressément un
avis, l’auditeur n’a pas le choix, il doit rendre un avis.
b. Dans les affaires impliquant des enfants mineurs, si le Trib. de la famille en fait la
demande au Procureur du Roi, celui-ci doit rendre un avis (dont il peut choisir la
forme).
c. (Exception fourre-tout : le Collège des Procureurs généraux, qui rend des directives
fréquemment, peut, dans une directe, ajouter des cas aux deux premiers. Ce n’est pas
prévu dans le Code.)

Dernière remarque par rapport à cette liste : cette liste énumérant les affaires communicables ne vaut
pas pour les juges des référés, SAUF le juge de référé familial ! Deuxième acteur épargné par
l’obligation de remettre le dossier pour avis : le juge des saisies  ça doit aller vite. Troisième acteur
qui, pendant des décennies, ne figurait pas sur la liste, puis y figurait pendant deux ans, et qui
maintenant est à nouveau retiré : le juge de paix, dont on sait qu’il conserve quelques compétences
résiduaires en droit de la famille (la tutelle, les malades mentaux…). Attention, si avis il y a, encore
faut-il que la procédure de récolte de l’avis soit respectueuse des droits de la défense. C’est l’objet des
articles 766, 767 et 768.  Jadis, il y avait non seulement une pratique, mais une règle constante selon
laquelle le Procureur du Roi qui émettait son avis (au TPI, Cour de cass…), avait le dernier mot. Le
Procureur du Roi et le Procureur fédéral participaient même aux débats, devant la Cour de cass. par
exemple.

Toutes ses pratiques ont été dézinguées à Strasbourg  aujourd’hui, au nom du contradictoire et des
apparences, les parties doivent pouvoir répliquer à l’avis du Ministère Public, que ce soit oral ou écrit,
et le Parquet ne participe plus jamais au délibéré pour préserver les apparences.

G Délibéré et jugement
( !! ) Le délibéré est secret. Artt. 778 et 777  le délibéré est secret. Le juge ne peut parler de son
délibéré à personne (il est lié par le secret professionnel). Si les juges sont à plusieurs, il y a interdiction
de dire qui a décidé quoi pendant l’audience.

Rappel : en droit belge, il n’y a pas la pratique des dissenting opinons. Le délibéré est secret chez nous :
les juges doivent se soumettre.

Quid du timing du délibéré ? La règle = art. 770 C.Jud. : le temps du délibéré est d’un mois. Petite
échappatoire : le temps du délibéré est prolongé jusqu’au 15 septembre lorsqu’il est en vacances
judiciaires. C’est normal que le juge dépasse ce délai de temps en temps. Existe-t-il une sanction

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spéciale ? Théorie des délais de procédure : il ne s’agit ‘que’ d’un délai d’ordre, prescrit ni à peine de
nullité, ni à peine de déchéance, ni à peine de quoi que ce soit. Ce serait malhonnête pour le justiciable.
(Voy. art. 770 pour les dépassements de 3 mois et plus de 6 mois (dessaisissement éventuel)  cet
article comporte une gradation de mesures qui l’incitent au respect de ces délais (passer devant son
chef de corps ; il est passible d’une sanction disciplinaire ; il est passible d’un dessaisissement 
mauvaise réputation = le danger pour le juge))

§2 La procédure par défaut


A Défaut à l’audience d’introduction
Pour tout ce qui n’est pas dit dans ce paragraphe, il faut aller voir ce qu’on a vu pour la procédure
contradictoire.

On peut résumer les spécificités de cette procédure en 4 points :

(1) Le scénario du défaut pris à l’audience d’introduction  le demandeur n’a pas encore eu de
nouvelles de l’adversaire (ni en personne, ni via son avocat + pas reçu d’acte de postulation
rédigé par l’adversaire) avant l’audience d’introduction. Il prend ses avantages (art. 802 : le
demandeur requiert le bénéfice d’un jugement par défaut).

B Défaut aux audiences ultérieures


(2) Il se peut que défaut soit pris aux audiences ultérieures. Il se peut que les avantages soient
alors également pris aux audiences ultérieures. Deux sous-scénarios :
a. La seconde audience est déjà là. Seconde audience à laquelle le défendeur fait défaut.
Le juge, à l’audience d’introduction, n’est PAS obligé d’accorder un jugement par
défaut. Il n’y a pas de droit absolu d’obtention des avantages pour le demandeur.

b. Le juge éprouve un doute plus ou moins intense sur le respect des droits de la défense
du défendeur défaillant. Le doute augmente à la vue d’une nullité, qui affecterait la
citation ou la requête. Là, le doute devient presque de la perplexité  on ne peut pas
soulever de nullité. Pourquoi ? On le verra : parce que plus aucune nullité n’est d’ordre
public. Seules les nullités linguistiques le sont.
Question d’examen : le juge statuant par défaut est-il pour autant condamné à
condamner un défendeur irrégulièrement convoqué ? NON  il ne peut pas soulever
l’exception de nullité, mais que peut-il faire ? Il peut soulever l’art. 803 C.Jud. : le juge
qui éprouve un doute ou qui n’a pas le temps, peut ordonner la reconvocation du
défendeur défaillant, à une prochaine audience, dans le respect d’un nouveau délai de
citation. Il dispose de deux outils : un outil soft (art. 803, al. 1er) et un outil plus ‘hard’.
i. L’outil soft : le juge peut faire reconvoquer sous pli judiciaire le défendeur
défaillant. Depuis les Lois Pot-Pourri, il y a un second alinéa :
ii. L’outil hard : le juge qui a un doute fondamental peut ordonner la
reconvocation du défendeur par exploit d’huissier aux frais du demandeur.
Si l’intéressé n’est toujours pas là, le juge doit prendre ses responsabilités et prendre
l’affaire en délibéré, par défaut.

(3) Art. 804 : nous sommes dans l’hypothèse où le défendeur a comparu à l’audience
d’introduction. Pour une raison qu’on n’explique pas, il y a défaut par la suite. L’article dit

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qu’on n’a pas d’états d’âme dans ce cas-là, car le justiciable est au courant du fait qu’un procès
a lieu. Le défaut peut alors être pris à tout moment, vis-à-vis de la personne qui a fait défaut
après comparution à l’audience d’introduction. Si ce justiciable, qui a comparu, puis, qui tout
d’un coup est devenu un fantôme, a pris des conclusions, le juge doit prendre en considération
ses conclusions, comme si le justiciable était là.

C Conditions et effets du défaut


Nous sommes dans un litige indivisible (art. 31 C.Jud.). est-ce que le défaut d’une des parties à un litige
indivisible change quoi que ce soit ? Non (art. 735 C.Jud., art. 747, §2)  la circonstance qu’une des
parties fasse défaut ne change rien au jeu de ces dispositions. La seule chose, c’est que ces deux articles
prévoient une mesure de sécurisation supplémentaire pour le défaillant, l’idée étant toujours de le
ramener dans le wagon du procès, mais son défaut ne bloque donc plus le procès.

D Particularité en cas de litige indivisible


Petite particularité dans le Code Judiciaire (très rare que ça arrive) : art. 805, le rabat  les parties
peuvent conjointement rabattre le défaut. L’hypothèse est la suivante : le demandeur se pointe à
l’audience, sans nouvelles du défendeur. Il y a ce qu’on appelle l’appel du rôle : la présidente appelle
les affaires au rôle. L’heure passe et le défendeur n’est toujours pas là  application de l’art. 802/803,
en fonction de la situation. Un peu plus tard, le défendeur arrive quand même. L’article 805 dit
alors que les parties peuvent, d’un commun accord, rabattre le défaut. On demande plus ou moins que
l’affaire parte en circuit contradictoire (court ou long) au président.

Par contre, il y a aussi l’article 806 C.Jud. (examen !!)  c’est l’article qui a suscité des passions (Lois
Pot-Pourri par exemple) et de nombreuses controverses. Aujourd’hui, tout s’est apaisé. Ce qu’il dit
revient à ceci : le juge, statuant par défaut, ne peut soulever que des moyens d’ordre public. A
contrario, il lui est interdit de soulever des moyens qui ne sont pas d’ordre public si le justiciable ne
vient pas. Pourquoi cette réforme a eu lieu ? C’est mieux, plus vite, moins cher.

Est-ce pour autant que le législateur a été cruel ? Non, pas si on complète ce texte d’autres textes 
s’agissant des droits de la défense (art. 803 C.Jud.), les juges veillent au grain s’il y a un problème : le
juge ne dit rien mais peut reconvoquer le justiciable défaillant.

Quid des moyens de fond ? Il y a pas mal de matière qui est d’ordre public (beaucoup de droit familial,
beaucoup de droit fiscal, social…). Il reste toujours un petit pincement  les juges voient souvent
arriver (exemple) des cas dans lesquels une créancière/un créancier alimentaire, spéculant sur le
défaut de son ex, réclament des pensions alimentaires tout à fait colossales. C’est difficile pour le juge,
car l’aliment n’est PAS d’ordre public. En matière quasi-délictuelle aussi, par exemple : une victime,
confrontée à un automobiliste irresponsable, se trouve face à un adversaire qui fait défaut. La victime
demande une énorme somme.

La Cour de cass. a rendu un bel arrêt du 13 décembre 2016 : certes l’art. 1382 C.Civ. n’est pas d’ordre
public, mais spéculer sur le défaut de son adversaire en justice, c’est contraire à l’ordre moral, à l’ordre
éthique de l’état de droit, et ça, c’est contraire à l’ordre public !! (Parallèle avec ce qu’on a vu en droit
pénal par rapport à la clause pénale, dans les années 1960 : avant la Loi de 1998, la Cour de cass. avait
dit que la clause pénale était nulle, car elle était contraire à l’ordre moral  on ne spécule pas sur
l’inexécution de son adversaire ; 40 ans plus tard, la Cour de cass. a donc recopier son idée pour la

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spéculation sur le défaut de son adversaire. La Cour constitutionnelle a trouvé l’idée merveilleuse : il y
a eu des arrêts disant que l’art. 806 ne viole PAS l’égalité des justiciables devant la loi.)

§3 La procédure en référé
On parle de la procédure introductive d’un référé aux sens strict, c’est-à-dire une procédure d’urgence,
contradictoire. Aux procédures en référé d’urgence, on assimile les procédures que la loi nomme
« comme en référé », elles se déroulent comme en référé (l’action en cessation par exemple).

A Introduction de la demande
Le délai de citation est raccourci par la loi (de 8 à 2 jours). Le délai est-il susceptible d’être augmenté
par la distance du défendeur ? Oui  art. 1035 (renvoi à l’art. 55). Existe-t-il la possibilité de raccourcir
le délai de référé ? Oui  art. 1036 : le référé d’hôtel (de 82 jours, on peut passer à 5 par exemple, de
2 jours à quelques heures, etc.).

Sous quelle forme puis-je introduire un référé ? Rendez-vous en droit commun quand la loi ne dit rien
 citation par exploit d’huissier. Existe-t-il des cas exceptionnels, où la loi, expressément, autorise
l’introduction de référé par requête ? On peut les compter sur les doigts d’une main, mais on ne doit
en retenir qu’un = le référé familial offre au justiciable une jolie palette (art. 1253ter/4 C.Jud.)  par
requête, par citation…

Pour le reste, l’immense majorité des cas de référé se font par citation.
De plus, théoriquement, la possibilité existe de comparaître conjointement en référé. Pourquoi
théoriquement ? On s’imagine bien que, s’il y a urgence, ça ne marche pas vraiment bien (ça ne va pas
assez vite).

Rappel : les règles de compétence, matérielles/territoriales, s’appliquent ici. Deuxième rappel :


l’urgence  elle est d’ordre public.

B Instruction de la demande et procédure


Il y a quelques spécificités de procédure. Elles ont toute la même caractéristique : elles résultent du
caractère urgent de la procédure. Les choses vont plus vite en termes de mise en état et de fixation de
l’audience, évidemment. Il reste que toutes ces règles s’appliquent en accéléré (art. 747 C.Jud.) : les
délais sont plus courts.

Le juge des référés peut-il ordonner une mesure d’instruction ? Oui  le juge des référés peut
ordonner une expertise, descente sur les lieux… D’ailleurs, bon nombre des référés sont des référés
de mesures d’instruction.

Plus intéressant est quid des demandes incidentes en référé ? Peut-on faire une demande
reconventionnelle/nouvelle/en intervention devant le juge des référés ? Oui  à la condition sine qua
non que cette demande soit elle-même sous-tendue par l’urgence ET par le provisoire ! Par contre,
rien n’empêche de dégêner une demande en intervention forcée contre l’assureur qui doit d’urgence
participer à l’expertise, par exemple.

Remarque : pas d’avis du Ministère public devant le juge des référés !

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C Ordonnance et voies de recours
Là où rien n’est dit à ce sujet, on doit aller voir le droit commun habituel.
D’abord les décisions des juges de référés, on ne les appelle pas des jugements, mais des ordonnances.
Quid des effets des ordonnances ? Elles ont deux effets très spécifiques :

- Une ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée. Ce n’est pas une décision
définitive : elle peut être remodelée et contredite  elle ne vaut qu’à titre précaire,
provisoire.

- S’agissant de la force exécutoire, une ordonnance de référé est toujours exécutoire de plein
droit/par provision. Aussitôt qu’est prononcée une ordonnance de référé, on peut, si on
obtient la mesure demandée, la faire exécutée par la contrainte à l’encontre du défendeur,
quand bien même interjetterait-il appel  artt. 1039 et 1397, al. 3 : une ordonnance de référé
est un véritable bulldozer exécutoire ; rien ne peut suspendre son exécution. C’est logique à
cause de l’urgence  attendre n’aurait pas de sens.

À propos des voies de recours, il n’y a pas grand-chose de spécial : les règles d’appel qu’on a déjà vues
s’appliquent. Un petit détail : l’appel de référé se passe plus vite. De plus, à l’art. 1066 C.Jud., est dit
que les appels d’ordonnance de référé sont traités au bénéfice des débats courts et rapprochés en
degré d’appel. C’est logique, un appel de référé, on veut le traiter au plus vite. Pour le reste, voy. le
droit commun.

D Référé et « quasi-référé » familial


Voy. supra.

§4 La procédure sur requête unilatérale


A Introduction de la demande
En très bref, car tout est déjà vu :

- Voy. commentaire des articles 1025 et 1026 C.Jud.


- Voy. l’extrême urgence et l’absolue nécessité, art. 584.
- Voy. les procédures gracieuses et les procédures avec effets de surprise.
- Voy. les cas où les destinataires de la mesure ne sont pas identifiables (procédures de levé de
piquet de grève par exemple).

Qu’advient-il quand une requête unilatérale est affectée d’une nullité (on songe en particulier au cas
d’absence de signature d’avocat, prescrite à peine de nullité) ? Les nullités d’ordre privé nécessitent
un défendeur normalement  on est donc face à une difficulté, car il n’y a pas de défendeur. Le juge
saisi d’une requête unilatérale nulle devra lui-même soulever cette nullité (jurisprudence de bon sens).

B Procédure
La requête unilatérale est soumise au greffe. Le président instruit cette requête unilatérale et statue
sur pièces (art. 1028 C.Jud.).

Quant à l’audience, le président peut convoquer le requérant et solliciter quelques éléments


d’information complémentaire. (Aujourd’hui, ça se fait par gsm par exemple.)

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Est-il possible qu’un tiers intervienne dans une procédure sur requête unilatérale ? Oui  les artt.
1027 et 1028 en prévoient la possibilité. Toutefois, c’est rare, car ce genre de procédure se déroule
extrêmement vite normalement.

C Ordonnance et voies de recours


Il s’agit ici d’une ordonnance sur requête unilatérale. Elle est prononcée en chambre du conseil (artt.
1028 et 1029 (remarque : violation de la Constitution  l’art. 149 de la Const. ne fait aucune
dérogation à l’exigence de prononcement du jugement en audience publique)). Cette ordonnance
n’est pas, tout comme l’ordonnance de référé, revêtue d’autorité de la chose jugée.

Quid de sa force exécutoire ? Art. 1029 (+/- le jumeau de l’art. 1039)  une ordonnance sur requête
unilatérale est exécutoire de plein droit. Elle est notifiée sous pli judiciaire au requérant. Petite
particularité : art. 1032 C.Jud. ( !! ) = un recours propre aux ordonnances unilatérales, qu’on ne
retrouve nulle part ailleurs. Il permet au requérant initial de solliciter de la présidente la rétractation
(= « veuillez statuer autrement s.v.p., prolonger votre ordonnance, modifier… »  c’est la preuve du
fait que l’ordonnance n’a pas d’autorité de chose jugée) de son ordonnance initiale. On appelle cela le
recours en rétractation.

Y a-t-il des voies de recours ? Oui  il y a des voies de recours adaptées au caractère unilatéral de la
procédure. De deux choses l’une : soit comme requérant, on obtient la mesure, soit elle est refusée.

- Si on obtient la mesure, on ne va pas interjeter appel. Par contre, cette ordonnance a, le plus
souvent, vocation à ordonner à un tiers telle ou telle prestation. Ce tiers n’étant pas partie au
procès, ne jouit pas du droit d’appel. Mais alors, comment pourra-t-il exercer son droit de
recours ? La Cour EDH exige qu’on lui fournisse un recours efficace et accessible = la tierce
opposition (art. 1033 C.Jud. + art. 1122 et s. C.Jud. : un tiers peut attaquer une décision qui
lèse ses droits).

- Le requérant échoue ; sa requête est rejetée. Y a-t-il un droit de recours ? Oui : l’appel de droit
commun (Cour d’appel/Cour du travail).

Sect. 3 : le jugement (ou décision de justice en matière civile plutôt)


§1 Diversité des décisions de justice
Petit point sur le vocabulaire : on doit retenir que le terme « ordonnance » est utilisé pour indiquer
des décision précaires et provisoires.

Le jugement est le terme qui est désigné pour qualifier des décisions émanant de juridictions de
premiers ressorts.

L’arrêt est le terme utilisé pour désigner les décisions rendues par des cours (appel, travail, assise,
cassation, C.C., C.E., etc.).

Par contre, il faut faire attention à la distinction entre les décisions définitives et les décisions d’avant
dire droit !! On ne peut pas se tromper et on doit savoir à quoi ça sert. L’art. 19 C.Jud. comporte trois
alinéas, dont on retient le 1er et le 3e. La décision définitive, selon le Code, est la décision par laquelle
le juge épuise sur une question litigieuse sa juridiction. Attention, définitive ≠ finale, totale, irrévocable.
Non, définitive est un adjectif technique en droit judiciaire.

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À l’opposé, il y a son antonyme (art. 19, al. 3). Les jugements avant dire droit (ils sont prononcés avant
de dire le droit, le définitif) sont de deux types :
- Soit il y a les jugements qui instruisent le litige (= mesures d’instruction),
- Soit il y a les décisions qui aménagent provisoirement la situation des parties, avant de dire le
droit de façon définitive.

Attention à ne PAS SE MÉPRENDRE sur cette distinction. Les jugements définitifs ont autorité de chose
jugée, les jugements avant dire droit ne l’ont pas ! En termes de force exécutoire, ce n’est pas la même
chose non plus ; idem pour les appels ; en termes de dépens ce n’est pas la même chose non plus, et
ainsi de suite, au regard des règles de ressorts, la recevabilité des pourvois en cassation, etc.

De plus, une décision est soit contradictoire, soit elle est rendue par défaut. Enjeu ? Jadis, l’enjeu était
colossal : on pouvait faire opposition ou ne le pouvait pas.  Aujourd’hui, l’opposition existe toujours,
mais elle ne tient plus qu’à un fil très fin, art. 1047 : l’opposition s’est rarifiée. La distinction entre le
défaut et le contradictoire a une importance énorme à propos de la force exécutoire des décisions (il
y a là une protection du défaillant)  les décisions rendues par défaut ne sont pas aussi
systématiquement exécutoires que les décisions contradictoires.

Il faut retenir une dernière chose, que la Cour de cass. nous rappelle souvent : la vraie nature d’une
décision est celle qui résulte des règles. La nature d’une décision ne dépend pas de la façon dont son
auteur l’appelle !!

§2 Conditions de validité formelle du jugement


A Par qui le jugement est-il à rendre ?
Art. 779 C.Jud.  la décision judiciaire doit être rendue par les magistrats qui ont siégés pendant
l’affaire. Ils doivent avoir siégés pendant TOUTES les audiences. Pas question qu’un juge prononce
quelque chose sans avoir siégé pendant toutes les audiences. C’est prévu « à peine de nullité », c’est-
à-dire à peine d’appel ou de pourvoi (pas d’application de la théorie des nullités).

B Comment le jugement est-il rendu ?


Art. 780 C.Jud.  le jugement prononcé fait l’objet d’un écrit (un instrumentum), qui doit contenir, à
peine de nullité, toute une série de mentions. Au °3 , on voit qu’il faut qu’y figure la réponse aux
conclusions prises conformément à 744 C.Jud.  c’est une illustration de la parfaite collaboration
entre barreau et magistrature. Si les conclusions sont conformes à 744, alors le juge doit répondre 
si ce n’est pas le cas, le juge ne doit pas répondre. Même chose pour les conclusions de synthèse, à
l’art. 748bis.

Commentaire : les art. 794/1 et s. viennent compléter ces voies de recours. La plupart des omissions
formelles qui entacheraient un jugement peuvent désormais faire l’objet d’une rectification par
l’auteur même de la décision.

À propos du prononcé, art. 149 Const. (cet article a été révisé récemment, sous l’influence de la
jurisprudence de la Cour EDH, ainsi que par la Cour de cass.  assouplissement) : avant, on devait tout
prononcer à voix haute. Strasbourg a désormais décidé qu’on peut se contenter de la publicité des
jugements et arrêts de mesures alternatives (diffusion sur Internet). Une Loi du 7 mai 2019 est venue
fixer les modalités du prononcé : il suffit que la décision soit susceptible d’être mise en ligne.

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Le jugement peut-il être prononcé avant d’être signé ? Normalement, non (art. 782 C.Jud.). Cela étant
dit, l’article nous dit également qu’à titre exceptionnel, le jugement peut être prononcé sur les bancs,
c’est-à-dire toute de suite, pour des raisons de facilité par exemple.

L’écrit du jugement doit être signé par un tas de monde. Résumé des articles 785, 787 et 787. Le
jugement doit être signé par tous ces auteurs et par le greffier. Il existe toutefois des causes de
dispense, si un magistrat est en situation d’incapacité. Le chef de corps doit alors autoriser que le
jugement ne soit pas signé par cette personne. Ensuite, le greffier authentifie l’indisponibilité de
l’auteur. De plus, oublierait-on de signer un jugement, ce n’est plus bien grave : la rectification permet
de revenir devant le siège.

Quand on parle d’instrumentum d’un jugement, trois documents viennent à l’esprit :

1- La minute du jugement, c’est l’original. Ce document s’incorpore à la feuille d’audience. Si le


dossier est frappé d’appel, la cour se retrouve avec un dossier avec la minute dedans.

2- L’expédition, c’est la copie conforme de la minute, également revêtue des signatures


nécessaires. Elle est aussi revêtue d’une formule qu’on appelle la formule exécutoire,
conforme à l’art. 40 Const. Elle atteste du fait que la décision est exécutoire. Les huissiers et
les policiers doivent donc collaborer à l’exécution de la décision.
Parfois, l’expédition a un synonyme : la grosse (notarié/d’un jugement), c’est la copie
conforme de la formule exécutoire. Pourquoi appelle-t-on ça comme ça ? À l’époque, quand
un notaire devait rédiger un acte notarié, l’originale était rédigée à la grosse plume noire  la
copie était rédigée à la fine plume noire.

3- La copie libre, elle n’a pas d’effets juridiques par elle-même.


La plupart des circularités formelles qu’on a vu à 780 et 782 et s. peuvent, depuis les lois Pot-Pourri,
faire l’objet d’une rectification matérielle, même pour violation de la Loi sur l’emploi des langues !

C Rectification et interprétation
Siège de la matière : art. 793 et s. C.Jud.

Parfois, des problèmes d’interprétation surviennent. On revient alors devant le juge lui-même, pour
qu’il s’explique, ou devant le juge des saisies. Pas question pour le juge d’étendre, de restreindre, etc.
la portée de sa décision !!

Pour la rectification  il s’agit de rectifier une erreur matérielle (de calcule, le juge oublie dans le
dispositif d’indiquer qui il condamne, etc.). Depuis 2014, on assimile aux erreurs matérielles
rectifiables, les omissions de statuer. Le juge a l’obligation de statuer sur l’objet, à peine de déni de
justice, art. 1138, °3 C.Jud.  le jugement est alors passible d’une voie de recours. Toutefois, depuis
2014, on épargne au juge un recours contre sa décision : il peut réparer lui-même son omission de
statuer (art. 794/1).

S’agissant des formes des demandes en interprétation, en rectification ou en omission de statuer, tout
est dit aux artt. 795 à 797. On ne doit pas connaître cela : ce ne sont que des détails.

§3 Communication du jugement
= Comment un jugement est-il porté à la connaissance de ses destinataires ?

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A Signification du jugement
Pour qu’une décision de justice produise ses effets juridiques, en règle, il faut qu’elle soit SIGNIFIÉE.
Quels sont les effets juridiques ?

- La décision doit pouvoir être exécutée, si elle est exécutoire (art. 1396 C.Jud.)
- Quid du point de départ du délai de recours contre cette décision ? En règle, le point de départ
est la signification. Ce choix pour la signification est un choix politique. C’est plus sûr.

Pour les délais de recours, c’est la règle également, mais il y a aussi des exceptions.

Attention, il y a des décisions de justice qui sont spontanément exécutées, sans qu’il n’y ait signification
(1). De plus, il y a des décisions qui ne sont jamais frappées de recours, parce qu’on acquiesce (2).

B Notification du jugement
Toute décision est notifiée sous pli simple aux parties, aux avocats. Ça ne produit jamais le moindre
effet juridique.

Quid des notifications sous pli judiciaire ? Il y a des cas dans lesquels une décision est notifiée sous pli
judiciaire. Exceptionnellement, le délai de recours commence à courir non pas au moment de la
signification, comme le veut le législateur, mais au moment de la signification sous pli judiciaire. Le
but ? Amoindrir le coup, on veut être plus prudent (c’est souvent le cas en droit social).

Depuis une vingtaine d’années, la Cour de cass. développe une jurisprudence assez PERFIDE, selon
laquelle, à côté des cas expressément prévus par la loi, il y a des cas où, de l’ensemble des dispositions
applicables, il résulte que les délais de recours partent à compter de la notification sous pli judiciaire
(c’est un peu perturbant : le justiciable ‘n’avait qu’à le savoir, en s’informant’).

Une intervention du législateur est fondamentale (selon le prof). Strasbourg est intervenu et elle a bien
raison : un jour ou l’autre, la Belgique sera condamnée en matière civile. Pourquoi ? Parce que les plis
judiciaires (et ce n’est pas le cas qu’en Belgique) sont entourés d’insuffisance et d’insécurité juridique.
Les plis judiciaires devraient comporter de façon claire, concrète et précise l’existence des voies de
recours, les délais, le lieu, l’exercice, etc. Chez nous, la matière est flottante.

(Remarque : l’art. 46bis Const. n’a jamais été publié au Moniteur Belge  un groupe de travail a été
constitué pour indiquer ce qu’un bon pli judiciaire devrait indiquer. Ce groupe de travail ne s’est jamais
mis d’accord, car ça sent la responsabilité de l’État. Un pli judiciaire mal foutu est susceptible d’engager
la responsabilité de l’État  l’art. 46bis reste un texte non publié ! = petite question potentielle
d’examen.)

§4 Effets du jugement
A L’autorité de la chose jugée
Siège de la matière : artt. 19 à 28 C.Jud.

Lorsqu’on parle de l’autorité de la chose jugée, on distingue deux effets :

- Il y a ce qu’on appelle la valeur décisoire (aspect négatif)  le juge ne peut revenir sur ce qu’il
a décidé. Il est interdit de réitérer une prétention.
Lorsque le juge a statué sur une prétention, il lui est interdit de revenir sur ce qu’il a déjà jugé.
Si un juge, dans un premier jugement qu’on appelle interlocutoire, tranche une question

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litigieuse, il ne peut plus revenir sur ce qu’il a dit/changer d’avis. Il a jugé, point barre. Il s’est
dessaisi de la question litigieuse. S’il revenait sur la question litigieuse, il violerait l’ordre
public ! Il doit soulever d’office la tentative de lui faire dire le contraire de ce qu’il a déjà dit. Il
est également interdit de revenir devant un autre juge que celui qui s’est prononcé (art. 25
C.Jud.) : on ne peut pas réitérer devant un autre juge plus ou moins compétent, du même
degré de juridiction. Pour que cette interdiction de réitérer sa prétention s’applique, il faut
que l’on procède à une comparaison qui doit vérifier une triple identité : il n’y a autorité de la
chose jugée qui interdit la réitération que si la triple identité est vérifiée entre :
o Identité de la demande précédemment jugée,
o De la demande nouvelle

Sur trois points :

o Les parties,
o L’objet,
o La cause. Jusqu’il y a peu (en 2015, Pot-Pourri), la cause au niveau de la chose jugée (=
les faits tels que le juge les avait juridiquement tranchés jusqu’en 2015) ≠ la cause au
niveau du rôle du juge.
 Aujourd’hui, l’art. 23 ajoute : identité des parties et de cause, MÊME quand les
fondements juridiques sont différents.
Est-ce injuste ? Le prof ne pense pas : le plus souvent, le justiciable sera protégé par
un juge actif. Ce texte qui parait sévère n’est que peu applicable, car il y a des juges
bien formés en droit.
La Cour de cass. est allée encore un peu plus loin, en 2007-2008 : il y a interdiction de revenir
sur ce qui a été dit, même si l’objet est différent  la Cour neutralise donc un des trois
éléments d’identité. Il suffit qu’il y ait les mêmes parties + la même question litigieuse.
À quelles décisions s’applique cette autorité de chose jugée, facette négative ? À toutes, mais
uniquement aux décisions DÉFINITIVES. A contrario, une décision non définitive n’a pas
autorité de la chose jugée (toutes les décisions d’avant dire droit, ordonnances de référé…).
Est-ce pour autant que ces décisions-là n’ont aucune autorité ? Non  une telle décision a
l’autorité de la chose décidée : on ne peut revenir en référé qu’en démontrant un changement
substantiel de circonstances. Une décision en référé vaut rebus sic stantibus = c’est une
décision qui vaut, toute chose restant identique par ailleurs. Si les circonstances changent, on
peut revenir en référé.
Devant le même juge, il est impossible de revenir sur une question litigieuse déjà tranchée.
C’est d’ordre public (exception de dessaisissement). Quid lorsqu’on est devant un autre juge ?
Art. 27 C.Jud. : l’exception de chose jugée ne peut être soulevée d’office par le juge, aussi
étonnant que ça ne puisse paraître. Il est possible que cette règle disparaisse un jour. La Cour
de cass. ne cesse de slalomer autour de ce texte.

- La valeur probatoire, facette positive  ce que le juge a jugé vaut preuve au titre de
présomption légale (art. 1350 C.Jud.).
À quoi s’applique cette force probante ? À ce qui a été jugé, en cas de triple identité +
extension de la Cour de cass. ( !! ) aux questions litigieuses déjà tranchées.
À qui s’oppose/à qui profite cette chose jugée ? ( une règle + des exceptions).
o La règle : l’autorité de la chose jugée est relative. Ça signifie qu’en principe elle ne
profite qu’aux seules parties, n’est opposable qu’aux seules parties.
o Exceptions et bémols :
 En matière civile, elle vaut ERGA OMNES !! Il faut retenir les cas suivants :

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 L’état des personnes (Trib. de la famille, Cour d’appel, Cass.) (on ne
peut contester l’état de quelqu’un après un procès),
 Les droits intellectuels (on ne peut contester (l’absence de) la
propriété intellectuelle.
 Les décisions en matière d’actions en cessation,
 Les tiers sont-ils totalement épargnés des effets des décisions rendues entre
parties en justice ? Non, pas tout à fait. La meilleure preuve : l’existence de la
possibilité de la tierce opposition.
La Cour de cassation dit, depuis 30 ans, que certes, une décisions de justice a
une autorité relative (elle est opposable aux parties), mais vis-à-vis des tiers,
elle a malgré tout aussi une certaine force PROBANTE (ce n’est pas la même
chose que l’autorité de chose jugée)  l’autorité de la chose jugée est une
présomption irréfragable (à moins d’un recours une partie ne peut plus
contester la décision)  le tiers, quant à lui, n’est pas dans la même situation :
il y a une INVERSION de la charge de la preuve  ce qui est jugé lui est
opposable. Il a beau être défendeur, mais le fardeau de la preuve passe dans
son sac  il peut démontrer le contraire : la présomption est
réfragable/simple. Telle est la jurisprudence de la Cour de cass.

À quoi s’attache la force de chose jugée ? Au dispositif et au motif, qui constitue le soutien
nécessaire pour justifier le dispositif. On les appelle les motifs décisoires. Néanmoins, la Cour
de cass. dit qu’un dispositif/les motifs n’ont autorité de chose jugée que s’ils ont pu être
débattus par les parties. En d’autres termes : pas d’autorité de chose jugée à l’insu de votre
plein gré, sauf en cas de fondements juridiques NOUVEAUX ! Par contre, tout ce qui relève du
fait, et que le juge dit dans sa décision, il faut que les parties aient pu en débattre.

Enfin, la chose jugée s’applique à tout ce qui a pu être implicitement, mais nécessairement
jugé. Exemple : un juge saisi pour un problème de responsabilité. Dans son premier jugement
il dit que le défendeur a commis une faute + il ordonne une expertise pour évaluer le
dommage. Le défendeur a changé d’avocat entre le premier jugement et le second jugement
(après l’expertise). L’avocat dit : « mais enfin, le premier juge était incompétent »  ils sont
devant le mauvais tribunal (= moyen d’ordre public  déclinatoire d’ordre public). Non, ce
n’est pas possible !! Le juge a implicitement, mais nécessairement considéré qu’il était
compétent. Pourquoi ? Un juge qui tranche sur le fond, pense nécessairement, mais
implicitement qu’il est compétent pour juger !

À quelles décisions cette facette positive s’applique-t-elle ? L’autorité de la chose jugée, que
ce soit son effet positif ou négatif, ne s’applique qu’aux décisions définitives (art. 19, al. 1er).
Pour toutes les décisions qui ne le sont pas, ça ne s’applique pas.

B La force de chose jugée (ou valeur exécutoire) du jugement


Le prof n’aime pas la notion de « force de chose jugée » : c’est un concept très précis et les étudiants
se trompent souvent entre la force de chose jugée et l’autorité de chose jugée. Il préfère donc la force
ou la valeur exécutoire.

L’idée = une décision de justice a vocation à être exécutée, si elle ne l’est pas spontanément. Art. 40
Const. : l’exécution des décisions de justice a lieu au nom et par le Roi (pouvoir exécutif). Dans les
jugements, les « nous » quand on parle d’exécution visent les acteurs exécutifs. Toute décisions est

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donc nécessairement revêtue de la force exécutoire. Cela étant dit, si la règle était aussi simple, on
vivrait dans un drôle d’Etat ; un Etat où les voies de recours seraient théoriques (si toutes les décisions
pouvaient être exécutées d’office et qu’on pourrait amener le perdant à la casserole immédiatement
et le tondre de sa condamnation, son appel serait très souvent théorique).

Les règles à ce sujet-ci sont très récentes. Aujourd’hui, depuis 5 ans (Pot-Pourri), la règle est
l’IMMÉDIATETÉ EXÉCUTOIRE. La règle est que les décisions de première instance ont vocation à être
exécutoires. Cette règle est assortie d’exceptions et de nuances.

Siège de la matière, outre l’art. 40 Const. : les articles 1397 et s. C.Jud.

A) Commençons par le jugement définitif  au sein des décisions définitives, voyons d’abord les
jugements rendus par défaut. Après, on verra les décisions contradictoires par défaut.
a. Jugement définitif par défaut ; quel est le système ? Art. 1397 C.Jud. : l’appel ou
l’opposition (quand elle existe encore) fait ou faite par le défaillant contre un jugement
définitif par défaut est en principe suspensif de la force exécutoire du jugement par
défaut. Il y a là une petite protection supplémentaire du défaillant : il n’est pas
complètement mis à mal par les Lois Pot-Pourri. En principe le défaillant qui intente
un recours jouira de la suspension de la force exécutoire.
Cela étant dit, il y a une SOUPAPE  art. 1397 : le juge prononçant son jugement par
défaut peut, soit d’office, soit à la demande du demandeur, accorder l’exécution
provisoire de sa décision. Toutefois, l’art. 1398 nous dit que ça se passe aux risques et
périls de ce demandeur. C’est-à-dire que si la Cour d’appel vient réformer le jugement
rendu par défaut, le demandeur devra tout restituer. De plus, il peut y avoir un cas de
responsabilité exécutive, sans faute, nous dit l’art. 1398. Le demandeur va devoir
réparer.

b. Toujours à propos des jugements définitifs par défaut, il y a une règle légale
particulière : art. 1398/1 C.Jud. : les décisions définitives par défaut du Trib. de la
famille sont toujours exécutoires de plein droit ; on a renforcé l’efficacité de
l’exécution des décisions du Trib. de la famille. Il ne faut rien demander : on y a droit
d’office. De plus, le Trib. de la famille statuant par défaut peut d’office ou à la demande
du demandeur accorder un effet suspensif au futur appel (il fait une ultime fleur au
défaillant).

c. Art. 1399 (pour mémoire) : il y a des décisions du Trib. de la famille qui ne sont jamais
exécutoires de plein droit. Lesquelles ? Célébration des mariages – état des personnes.
Pourquoi ? On veut éviter la bigamie. Imaginons qu’un Trib. prononce le divorce/la
validité d’un mariage et qu’on puisse consommer immédiatement cette décision
(c’est-à-dire renouer un mariage), on pourrait se marier deux fois.

Qu’en est-il des décisions contradictoires définitives ? Les choses se simplifient : art. 1397 
une décision contradictoire définitive est toujours exécutoire de plein droit, par qui qu’elle soit
prononcée. Le juge peut TOUTEFOIS d’office, ou à la demande des parties (après avoir
spécialement motivé) accorder un effet suspensif au futur appel ! À nouveau il y a le
tempérament vu ci-dessus pour les décisions du Trib. de la famille : les décisions concernant
l’état des personnes du Trib. de la famille ne sont jamais exécutoires de plein droit, pour les
raisons vues ci-dessus.

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Petite règle particulière : quid des condamnations de somme ? Tantôt c’est exécutoire de plein
droit, tantôt c’est suspendu parce que le juge accorde un effet suspensif. Quand on jouit
(exceptionnellement) de cet effet suspensif, à quoi s’attache cet effet suspensif pour une dette
pécuniaire ? Certainement au recours ; mais quid si mon créancier me talonne avant mon
appel et veut faire exécuter avant mon appel ? Art. 1495 C.Jud.  le délai est lui-même
suspensif lorsque le justiciable jouit de l’effet suspensif de son recours. Il est donc protégé
depuis le prononcé par cet effet suspensif, pour autant qu’il l’ait reçu.
Qu’en est-il des décisions non définitives… (voy. ci-dessous) ?

B) Ensuite, il y a les avant dire droit (des deux types = instruction + aménagement) et les référés
(de tout type), requête unilatérale de tout type  quid de tout ça ? Il y a une réponse
générique : art. 1397, al. 3 (qui suffit largement à l’examen)  toutes ces décisions sont
exécutoires de plein droit, sans la possibilité d’y déroger (mesure d’instruction, ordonnance
de référé… = « bulldozers exécutoires »).

Qu’en est-il de l’effet de la force exécutoire des décisions de justice pour les voies de recours
extraordinaires (pourvoir en cassation, la tierce opposition, la requête civile, etc.)  une voie de
recours extraordinaire n’a PAS d’effet suspensif !! Art. 28 C.Jud. : toute décision qui n’est plus
susceptible de recours ordinaire (= appel/opposition), passe en force de chose jugée (= exécutoire).
Attention aux exceptions : l’état des personnes + la question des brevets (droit intellectuel).

13e cours
C La condamnation aux dépens
(P. 325 SYLLA) La décision de justice est censée liquider les dépens (1017 et s. C.Jud.), c’est à dire les
frais de justice.

Le principe se trouve à l’art. 1017 C.Jud. : « tout jugement définitif condamne d'office la partie
succombante aux dépens ». Un jugement d’avant dire droit (par exemple) réserve donc les dépens
(c’est logique, car on ne sait pas à ce stade qui va perdre et gagner). Il s’agit ici d’une exception à la
nécessité pour le demandeur de postuler un objet.

Lorsqu’il s’agit de frais inutiles, il est normal que le gagnant ne les recouvre pas (= impenses
somptuaires en droit des biens : c’est quelque chose de frustratoire, de somptuaire, qui n’avait pas à
être dépensé), dans la mesure de leur caractère fautif. Dans ce dernier cas, l’article 1017, al. 1er dispose
que « [...] les frais inutiles, y compris l’indemnité de procédure visée à l’article 1022, sont mis à charge,
même d’office, de la partie qui les a causés fautivement »

On a vu un exemple ensemble : lorsqu'on est autorisé expressément par la loi à former une action en
justice par une requête contradictoire (p.ex. : le bail) et que je fais une citation, quand bien même je
gagne, ce frais est somptuaire, la différence entre la citation et la requête reste à ma charge.

Deuxième exemple : une partie à l’expertise et collabore mal ou peu et gagne malgré tout son litige :
le juge pourra être tenté de laisser les frais d’expertises au gagnant.

Par ailleurs, dans les matières de la sécurité sociale, l’assujetti, même s’il perd, remporte les dépens,
SAUF si l’action de l’assujetti est téméraire et vexatoire ! En outre, le Code Judiciaire prévoit que le
juge puisse répartir/ventiler les dépens en fonction des cas d’espèces.

L’art. 1018 C.Jud. liste les dépens : « Les dépens comprennent :

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1° (les droits divers, de greffe et d'enregistrement, ainsi que les droits de timbre qui ont été payés avant
l'abrogation du Code des droits de timbre);

2° le coût et les émoluments et salaires des actes judiciaires;

3° le coût de l'expédition du jugement;

4° les frais de toutes mesures d'instruction, notamment la taxe des témoins et des experts;

5° les frais de déplacement et de séjour des magistrats, des greffiers et des parties, lorsque leur
déplacement a été ordonné par le juge, et les frais d'actes, lorsqu'ils ont été faits dans la seule vue du
procès;

6° (l'indemnité de procédure visée à l'article 1022;) [Qu’est-ce ? C’est une somme de procédure qui
compense/répare les honoraires d’avocats de la partie gagnante. Jusqu’en 2004, on avait beau gagner
le procès, on supportait malgré tous les honoraires de l’avocat ayant mené à la victoire. La Cour de
cassation en 2004, suivi par le législateur en 2006-2007 a ajouté l’indemnité de procédure dans les
dépens, étant une somme qui compense les honoraires de l’avocat de la partie triomphante.]

7° (les honoraires, les émoluments et les frais du médiateur désigné conformément à l'article 1734;)

[8° la contribution visée à l'article 4, § 2, de la loi du 19 mars 2017 instituant un fonds budgétaire relatif
à l'aide juridique de deuxième ligne.] (La conversion en (euros) des sommes servant de base de calcul
des dépens vises à l'alinéa 1er s'opère le jour où est prononcé le jugement ou l'arrêt de condamnation
aux dépens.) »

Comment calcule-t-on l’indemnité de procédure  voy. un AR du 26 octobre 2007 :


- D’abord, on fait une différence entre les affaires évaluables en argent et celles qui ne le sont
pas. Pour les affaires évaluables en argent : on trouve un tableau dans le Code Judiciaire (plus
le montant de la demande est élevé, plus la tranche d’indemnité de procédure sera élevée).
o En face de chaque montant, on trouve 3 tranches :
 Montant de base
 Montant minimal
 Montant maximal.
o Les articles 1018 et 1022 C.Jud. fournissent des critères d’évaluation pour savoir quel
montant d’indemnité de procédure octroyer (la complexité de l’affaire, l’existence
d’un abus, le montant des indemnités contractuelles convenues pour la partie qui
obtient gain de cause, et le caractère manifestement déraisonnable de la situation).
Les critères modulateurs sont au nombre de 4.
o Comment calculer le montant de la demande (à gauche dans le tableau) ? Voy. artt.
557 à 562 C.Jud. (quand on a étudié le juge de paix, on les a utilisés pour calculer le
montant de la demande). On y trouve les tranches pécuniaires.

- Pour les affaires non-évaluables en argent : on trouve dans le Code Judiciaire un tableau à une
entrée avec :
o Montant de base,
o Montant minimal,
o Montant maximal.
(Les critères d’évaluations précités s’appliquent.)

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Toute clause contractuelle préalable au litige, qui prétendrait réguler l’indemnité de procédure et les
frais d’avocat, est radicalement nulle (car c’est contraire à l’ordre public ; l’accès à la justice est d’ordre
public.) Cependant, on PEUT, par transaction, renoncer aux dépens, mais on ne peut pas
préventivement glisser dans le contrat que les règles relatives aux dépens ne s’appliquent pas !

Chap. 4 : les incidents de l’instance et la preuve


/.

Chap. 5 : les voies de recours


Sect. 1 : notions générales
§1 Définition
Le droit au recours et spécialement le droit au double degré de juridiction n’est PAS un principe général
de droit. En droit Belge, c’est une liberté fondamentale largement répandue, mais ce n’est pas pour
autant un principe général de droit. La Cour EDH, la Cour de cass., le CE et la Cour const. crient à
l’absence de principe générale de droit, pour autant qu’on ait droit à une juridiction de pleine exercice
totalement respectueuse de toutes les garanties du procès équitable figurant à l’article 6 CEDH et
pourvu que le législateur respecte les valeurs fondamentales, notamment l’égalité des justiciables.

Les voies de recours peuvent embrasser trois fonctions de manière générale :

- La correction formelle des irrégularités formelles des décisions de justice (« à peine de nullité
» qui nous induisent en erreur, qui, en réalité, veulent dire à peine de recours  ces nullités
ne sont PAS des nullités au sens de la théorie des nullités, qui ne concerne QUE les actes de
procédure).
Ces nullités sont passibles de rectification (794/1 C.Jud.) et d’exercice d’une voie de recours
(20 C.Jud.).
On pense notamment au défaut de motivation.

- L’idée d’une deuxième chance : c’est l’idée faire rejuger, en fait et en droit, ce qu’on estime
avoir été mal jugé, parce qu’on on s’estime perdant (de plus ou moins bonne foi).
Là, toutes les voies de recours ne sont pas sur pied d’égalité  on vise l’appel et l’opposition
(pas le pourvoi, car il ne vérifie que le droit pur).

- L’idée d’achèvement du litige. C’est une idée très belgo-belge, car le droit belge développe de
façon très marquée que l’appel achève le litige. On ne redescendra jamais en première
instance. En effet, en droit belge il est fréquent, pour ne pas dire systématique, que le litige
commence et s’achève, pour la première et dernière fois, en degré d’appel. Deux illustrations
peuvent en témoigner :
o Quid de la recevabilité des demandes incidentes pour la première fois en degré
d’appel ? Il est le plus souvent possible pour la première fois, d’injecter une demande
nouvelle/reconventionnelle en degré d’appel, alors qu’on n’a jamais parlé de cela en
première instance.
o De plus, il y a ce qu’on appelle l’effet dévolutif de l’appel, inscrit à l’art 1068 C.Jud.

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§2 Classification
A Rétroaction et réformation
On distingue/distinguait les voies de rétractation des voies de recours. Quel est l’enjeu ? Une voie de
rétractation est une voie de recours qui a pour conséquence de ramener le litige devant le juge qui a
déjà connu de ce litige. Qu’avons-nous à l’esprit ? L’opposition, la tierce opposition, la requête civile
(qui est un recours en révision tout à fait exceptionnel : la décision revient devant son propre auteur).

On distinguait également les voies de réformation où il s’agissait de ramener le litige devant un juge
d’une juridiction supérieure. La seule forme est l’appel. Cette distinction n’a que peu d’enjeu.

B Voies de recours ordinaires et voies de recours extraordinaires


- Les voies de recours ordinaires = l’appel et l’opposition.
- Les voies de recours extraordinaires = toutes les autres voies de recours.

L’enjeu « se rouille »  avant, on disait que les voies de recours ordinaires suspendaient la force
exécutoire.

 Aujourd’hui, plus rien de cela ne tient la route ! On en est même presque à un renversement de
cette règle  en règle, les voies de recours ordinaire n’ont pas plus d’effet suspensif que les voies de
recours extraordinaires.

§3 Les délais des voies de recours


Le point de départ = art. 57 C.Jud.  en règle, les voies de recours ne débutent qu’à compter de la
signification de la décision sujette au recours. Le législateur privilégie la voie la plus sure. À cette règle
de principe, sont assorties toute une série d’exceptions. On a vu ensemble une exception, selon
laquelle la notification sous pli judiciaire de la décision attaquée fait courir le délai. Ces exceptions sont
expressément prévues par la loi. L’avocat doit faire attention. Cependant, la Cour decassation a cru
bon – au détriment de la sécurité juridique – de rajouter quelques autres possibilités ; des petits cas
de points de départ aux notifications judiciaires que la loi ne prévoit pas.

On trouve d’autres cas de dérogations, en matière civile : un délai de recours qui démarre à partir du

Prononcé. Deux cas à signaler :


- Le divorce par consentement mutuel (art. 302 C.Jud.),
- Le délai d’appel qui est offert au Ministère Public/au Procureur du Roi/au Procureur général,
lorsque le Parquet est parti  dans ce cas-là, on ne fait pas signifier le jugement au Parquet.
Pourquoi ? Parce que le délai court dès le moment du prononcé.

( !!) La Cour de cassation rappelle que tant que le point de départ d’un délai de recours n’est pas
survenu, le droit de recours est imprescriptible ! Il n’y a pas une sorte de prescription du droit d’appel,
il est imprescriptible !! Il est d’un mois, oui, mais que pour autant que le délai court.

Quelle est la sanction en cas de non-respect des délais de recours ? Selon l’article 860, al. 2 C.Jud. : le
manquement d’un délai de recours est frappé d’une déchéance très sévère (c’est même la sanction la
plus sévère qu’on a vue cette année), qui est d’ordre public (art. 865 C.Jud.). On peut donc la soulever
à tout moment et elle peut même être soulevée par le juge lui-même sans qu’on ait besoin d’avoir a
démontré un quelconque grief.

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Comment se comptent les délais de recours ? Art. 48 et s. C.Jud. (voy. exercices vus en TP).

Les délais de recours sont les plus rigoureux parmi ceux figurant au Code Judiciaire. Par conséquent, la
question de la soupape se pose. Y en a-t-il une ? Oui (la Cour de cass. l’affirme et le réaffirme): la force
majeur, mais la porte est étroite pour la démontrer concrètement. Un cas important : quid lorsque le
dépassement, la violation, la méconnaissance d’un délai de recours est la résultante de la faute d’un
professionnel du droit ? La Cour de cass. considère, depuis 2009 (arrêt en séance plénière), que,
lorsque le professionnel du droit a agi dans le cadre d’un monopole et qu’il s’est loupé, c’est constitutif
d’un cas de force majeur dans le chef de son client.

Il y a deux cas ici :

- L’huissier de justice (exploit (pour l’opposition, tierce opposition, pourvoi en cassation,


requête civile)),
- L’avocat à la Cour de cassation pour le pourvoi.

A contrario, les avocats de fonds, lorsqu’ils sont en retard, ne pourront pas faire bénéficier à leur client
du cas de force majeur.

§4 Règle générale de procédure


L’art. 1042 C.Jud. = ‘la charnière’ (déjà vu). C’est la disposition entre les dispositions d’instance et les
chapitres sur les voies de recours  toute question de procédure survenant à l’occasion d’une voie de
recours, trouve sa réponse :

- Soit dans une disposition adéquate,


- Soit s’il y n’y a rien, la réponse à la question de procédure est un copier-coller des dispositions
relative à l’instance.
Pour cette matière, on doit se souvenir des demandes incidentes (‘tableau’ supra)  attention, la case
sur la demande reconventionnelle  exigence de la Cour de cassation : il faut appliquer les règles de
l’article 807 C.Jud. (voy. supra : art. 1042 est-il violé ?).

Cass., arrêt du 19 mars 2021 : cet arrêt maintient l’idée que la Cour de cass. reçoit la demande
reconventionnelle pour la première fois en degré d’appel à condition que cette demande se base sur
un fait allégué par la demande originaire. ‘Ce qu’il y a de beau dans cet arrêt’ selon le prof, c’est que
la Cour de cass. abandonne toute référence à l’art. 807 C.Jud. et elle justifie cela par l’égalité des
armes. Donc l’art. 1042 C.Jud. n’est plus violé du tout (examen !!).

On a aussi vu cet article par rapport au délai de comparution en degré d’appel (quid si on viole le délai
de comparution de l’article 1062 C.Jud. ?)  on cherche une sanction, mais on n’en trouve pas.
Résultat : la Cour de cassation dit que la sanction de nullité va se retrouver dans l’article 710 C.Jud.
(via l’art. 1042). La sanction = frappé de nullité.

§5 La perte de chance du droit de former un recours : l’acquiescement


La racine du propos = le principe dispositif (principe général de droit : les parties ont l’initiative du
procès, du début à la fin). Art. 1044 et s. C.Jud. = articles importants.

L’acquiescement = une partie acquisse à une décision rendue et renonce par conséquent aux voies
de recours qui lui sont pourtant offertes.

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A Formes
Art. 1045 C.Jud.  l'acquiescement peut être exprès ou tacite (tacite = hypothèse très rare  c’est la
théorie des renonciations (voy. droit des obligations) : l’acte ne peut être susceptible d’AUCUNE autre
interprétation (+ attention : le silence ne vaut pas acquiescement)).

L'acquiescement exprès, qui est beaucoup plus fréquent, est fait par le justiciable/son mandataire,
expressément ou par écrit. Il faut rapprocher les artt. 850 et 1045 C.Jud., pour éviter toute ambiguïté
(mettre tout par écrit) en tant qu’avocat quand on reçoit la tâche d’acquiescer. Le Code Judiciaire exige
que le mandataire soit porteur d’une procuration écrite de son client.

Attention, lorsqu’on acquiesce, la question des dépens n’est pas pour autant réglée.

B Modalités
- Il peut être pur et simple, et par conséquent, irrévocable (acte réceptice) ;
- Il peut être conditionnel  j’acquiesce à la condition que ton client acquiesce à son tour.

C Champ d’application
Théoriquement, je ne peux pas acquiescer en toute matière : je ne peux pas le faire dans les matières
où je n’ai pas la libre disposition de mes droits, c’est-à-dire (en termes juridiques) que
l’acquiescement dans les matières d’ordre public est nul (p.ex. : sécurité sociale, filiation, divorce…).

 Dans ces cas-là, seul l’écoulement de la voie de recours mettra un terme au litige d’ordre
public.

D Effets
Lorsque j’acquiesce, je renonce aux voies de recours qui m’étaient offertes par la loi.

Cela étant dit, retenons que cette renonciation aux voies de recours souffre d’une exception,
totalement logique, notamment l’appel incident (art. 1054 C.Jud.  c’est l’appel par lequel l’intimé
réagit à l’appel principal dirigé contre lui).

EXEMPLE : une victime réclame la condamnation de l’automobiliste a lui payer une certaine somme.
Le tribunal ne lui alloue qu’une partie du montant demandé. Les deux parties ont donc intérêt à faire
appel. Dans ce cas précis, quand bien même aurais-je acquiescé, cela veut dire que je renonce à faire
appel principal. Art. 1054 : l’acquiescement ne me prive pas, en cas d’appel principal de l’autre
partie, de faire appel incident.

Sect. 2 : les voies de recours ordinaires


§2 L’appel
L’appel est une voie de correction formelle, de rejugement et d’achèvement (c’est très belgo-belge).

REMARQUE : désormais, le principe largement répandu est le caractère exécutoire des décisions de
première instance, afin de les revaloriser  on voit que la tendance s’inverse un peu.

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A Notion
Qui peut faire appel ? Seules les parties à la décision peuvent interjeter appel, ainsi que les ayants-
droit.

Que faut-il ? Il faut la capacité, la qualité et l’intérêt. Concernant l’intérêt : que signifie avoir intérêt à
faire appel ? Il suffit que la décision que j’attaque, me pose un préjudice quelconque, si minime soit-
il ! (Il n’y a donc pas l’idée de droit romain d’un préjudice minimum.)

La décision doit nous infliger grief, c’est-à-dire qu’on n’a pas obtenu ce qu’on avait demandé (si on a
demandé 100 000 et qu’on les reçoit on ne peut pas aller en appel demander 150 000). Remarque :
parfois, il suffit que le motif d’une décision soit préjudiciable pour introduire un appel.

Contre qui puis-je faire appel ? Jusqu’en 2000, je ne pouvais le faire que contre une partie avec laquelle
j’avais une instance liée, devant le juge de première instance.  Avant, on devait avoir un lien
d’instance pour interjeter appel.

 En 2001, la Cour de cassation a dit que, désormais, il faut et il suffit que les parties à l’appel aient
conclu, l’une contre l’autre, devant le premier juge  il faut donc avoir un lien d’adversité. Que signifie
« conclure » ? Voy. l’exemple pour comprendre : je suis maître de l’ouvrage et ma maison est affectée
de malfaçon. Je cite l’architecte à qui je reproche un vice de plan, qui a, à son tour, rédige une
intervention forcée contre l’entrepreneur. On a donc deux liens d’instance ! En tant qu’avocat du
maître de l’ouvrage, je saute sur l’entrepreneur, pour faire contre lui une demande en intervention
(art. 813, al. 2 (tableau) : entre parties déjà à la cause, des simples conclusions suffisent)).

Si l’avocat ne songe pas à créer ce troisième lien d’instance, l’avocat de l’entrepreneur a intérêt à faire
tomber la demande principale du procès, car si elle est irrecevable, il est quitte aussi par défaut d’objet.

Le maître de l’ouvrage perd sur toute la ligne  qui peut-il intimer ? Depuis 2001, les deux autres :
l’un grâce au lien d’instance et l’autre parce qu’il a conclu contre lui. Cela suffit pour pouvoir interjeter
appel l’un contre l’autre.

L’appel est la voie de réformation offerte en principe à tout justiciable perdant en première instance.
Attention, art. 1047 C.Jud.  il traite de l’opposition : contre un jugement par défaut, l’opposition
n’est ouverte que si l’appel n’est PAS ouvert ! C’est une toute nouvelle règle dans le Code (avant, le
justiciable pouvait donc faire les deux). Aujourd’hui, l’appel est une voie pleine et entière. L’opposition
ne subsiste que dans des cas rares.

B Décisions susceptibles d’appel


En point B et en point C, on utilise deux adjectifs différents : « susceptible d’appel » et « appelable ».
Pourquoi ? Car à la question : « puis-je faire appel de telle décision ? », une réponse en deux étapes
dois jaillir. La loi ouvre-t-elle, l’accès à l’appel contre telle ou telle décision ? Ou bien bloque-t-elle
l’accès à l’appel ? Si je franchis avec succès cette étape, je dois ensuite me demander si cette décision
est appelable (= si elle atteint le taux du ressort ?).

Règle (assortie d’exceptions et de nuance) : artt. 616 et 1050 C.Jud.  en règle, toute décision est
susceptible d’appel, dès son prononcé. Le législateur peut créer, quand bon lui parait, des trous dans
le gruyère, c’est-à-dire déroger à la règle.

Scrutons les familles de jugement qu’on connaît :

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(1) Les mesures d’ordre intérieur  art. 1046 C.Jud. : « Les décisions ou mesures d'ordre telles
que les fixations de cause, les remises, les omissions de rôle et les radiations, ainsi que les
jugements ordonnant une comparution personnelle des parties ne sont susceptibles ni
d'opposition, ni d’appel. » Ce n’est qu’un article exemplatif, pour définir ce que sont les
mesures d’ordre intérieur. La cassation a défini le terme comme « une décision ou mesure qui
ne tranche, ni n’instruit quoi que ce soit ». À ce titre, elle ne cause pas non plus de préjudice.
Une mesure d’ordre intérieur n’est pas constitutive de mesure d’instruction par exemple.

(2) Les jugements définitifs


Le jugement définitif (art. 19, al. 1 C.Jud.) est le jugement qui, sur une question litigieuse,
épuise la juridiction du juge.
Dans les décisions définitives, on applique l’équation des articles 616 et 1050 C.Jud. : en
principe, le jugement définitif est susceptible d’appel, sauf si – en cours de route, tu trouves
une disposition légale qui te barre la route. Quelques fondamentaux :
a. Art. 1043 C.Jud. : les jugements d’accord  lorsque les parties arrivent à se concilier,
lorsqu’elles vont homologuer un accord de médiation.

b. Art. 642 C.Jud. : les décisions du Tribunal d’arrondissement ne sont pas susceptibles
d’appel, sauf le recours du procureur général d’appel devant la Cour de cass.

c. Art. 1050, al 2 C.Jud.  les décisions définitives par lesquelles le juge tranche lui-
même un déclinatoire de compétence. Flashback sur le scénario : j’ai affaire à un
déclinatoire soulevé par le défendeur. Le demandeur pour faire bref procès, sollicite
du juge que celui-ci tranche lui-même l’incident de déclinatoire. Question : ce
déclinatoire-là est-il réservé aux déclinatoires d’ordre privé ? (Examen !!) Non : tout
déclinatoire soulevé par le défendeur se prête à l’art. 639 et à ce choix pour le
demandeur.
Puis-je faire appel immédiat de cette décision sur la compétence par le juge lui-
même ? Non  art. 1050, al. 2  je ne peux faire appel que plus tard, en même temps
que contre le jugement définitif. Le jour où le juge de renvoi, s’il y a eu renvoi, ou moi-
même, si j’ai soulevé le déclinatoire, d’un appel deux coups  je peux faire appel sur
la compétence et sur le jugement définitif, le but étant de raréfier l’appel et de le
retarder pour désengorger les cours et tribunaux !!
Cet article s’applique-t ’il sur un jugement rendu sur un déclinatoire de juridiction ?
NON (examen !!) la Cassation, à deux reprises en 2017, a bien précisé que cet article
ne s’applique pas aux jugements rendus sur un déclinatoire de juridiction qui est donc
immédiatement susceptible d’appel !

(3) Les jugements avant dire droit


Rappelons que les jugements avant dire droit sont définis par l’art. 19, al. 3. Il s’agit d’une
notion duale : il y a d’abord les jugements qui instruisent le litige et ceux qui aménagement
provisoirement la situation des parties.
Concernant l’appel, on doit se poser deux questions :
a. La loi m’offre telle ou me barre-t-elle l’accès à l’appel ? Depuis Pot-Pourri I, on doit se
poser une seconde question : quand puis-je faire appel si l’appel m’est encore offert ?
Concernant la première question  Artt. 616 et 1050 C.Jud. : la règle est que tout
jugement qui aménagent la situation des parties, même avant dire droit, peut être
frappé d’appel dès le prononcé.

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Il n’y a pas d’exceptions à ce stade-ci.
Pour les mesures d’instructions avant dire droit, certaines sont susceptibles d’appel,
car la loi ne dit rien (p.ex : l’expertise). Par contre, d’autres ne le sont pas, car la loi fait
barrage (comparution personnelle  art. 996 C.Jud. ; la descente sur les lieux, art.
1008, C.Jud. ; la production de documents, art. 880 C.Jud., cependant, si elle est
assortie d’une astreinte, on peut interjeter appel pour le point de l’astreinte ; lorsque
le juge du tribunal de la famille, art. 1004/1 §2 refuse l’audition d’un mineur de -12
ans).

b. Quand puis-je faire appel ? Art. 1050, al. 2 C.Jud. vient dire que le jugement avant dire
droit, susceptible d’appel, ne peut être frappé d’appel qu’en même temps que l’appel
sur le jugement définitif, sauf si le juge autorise l’appel immédiat (« Toutefois, lorsque
l'appel n'est dirigé que contre certaines parties, celles-ci disposent d'un nouveau délai
de même durée pour interjeter appel contre les autres parties. Ce nouveau délai court
du jour de la signification ou, selon le cas, de la notification du premier acte d’appel.]
Lorsqu'une des parties à qui le jugement est signifié ou à la requête de laquelle il a été
signifié n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu, le délai d'appel est
augmenté conformément à l'article 55. »)
L’idée est qu’on dissuade le justiciable de faire appel trop tôt dans le procès. L’idée est
donc « wait and see ». On attend le jugement définitif pour voir si notre intérêt à
l’appel est demeuré intact.
En d’autres mots, l’appel est retardé.
Cependant, ce n’est pas aussi radical que pour les jugements de/d’(in)compétences,
car la loi laisse ici une soupape  l’article dit que le juge peut « déverrouiller » l’appel.
normalement l’appel immédiat est verrouillé, mais ici, il peut le déverrouiller. On doit,
en tant qu’avocat, le demander au juge.
Sans ce déverrouillage l’appel est retardé.
Commentaire : quel que soit le moment auquel l’appel est fait contre un jugement
avant dire droit – immédiat (parce que le juge a déverrouillé) ou retardé –, l’appel n’est
jamais suspensif de la force exécutoire (art. 1397 al. 3 C.Jud.), au risque de voir un jour
la Cour d’appel jeter à la poubelle ce qui a été exécuté.
Si on reçoit la possibilité de faire appel immédiat et qu’on interjette appel, art. 1066
al. 2, °2 C.Jud., au sujet des débats succincts en degré d’appel : l’article offre une
faveur au justiciable  on peut traiter de cela dès l’audience d’introduction.

Arrive une figure juridique qu’on n’a pas encore vue, c’est le jugement mixte : c’est un
jugement qui tout à la fois est définitif sur un point, et avant dire droit sur un autre
(notamment les jugements en matière de responsabilité, où le juge retient le principe
de responsabilité du défendeur (définitif), mais s’agissant de l’évaluation du dommage
subi par une victime, ordonne une expertise (avant dire droit)).
Face à un jugement mixte, quid ? Suit-on le règle du retardement ou peut-on introduire un
appel immédiat ? La jurisprudence de la Cour de cass., estime, dans son arrêt du 12 février
2021, que le régime définitif l’emporte !
Donc l’appel immédiat est accepté.
Il existe, une jurisprudence de la cour de cassation, la plus chahutée de son histoire (excursus
mais examen !! ) : la controverse est la suivante (grosse tension) : un juge est saisi d’une
demande d’expertise et le défendeur se bat sur tout, notamment l’expertise, s’engage une ou
des contestations de la part du défendeur sur le principe même de la mesure d’avant dire droit

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réclamé par le demandeur. Le juge tranche la question et rend un jugement. La première
chambre – section française – de la Cour de cassation considère depuis 2013 (y compris par un
arrêt 3 décembre 2020) que, dès lors que le juge tranche ici une contestation, il s’agit d’un
jugement définitif ! Un jugement avant dire droit contesté devient un jugement définitif.
Cette JP a été critiquée par 17 professeurs de droit judiciaire (tous ceux du pays), qui, par une
note commune, publiée dans le Journal des Tribunaux, en début 2021, ont sévèrement critiqué
cet arrêt : un jugement avant dire droit RESTE un jugement avant dire droit selon eux.
Si on pousse cette logique jusqu’au bout, qu’est-ce que ça signifie en réalité ? Face à un
jugement d’expertise, a-t-on alors trois possibilités ?
o Si on est d’accord avec l’expertise  pas d’appel (art. 1043 C.Jud.),
o Si je conteste l’expertise : la première chambre française dit que ça devient un
jugement définitif, donc l’appel immédiat s’impose.
o Si je ne dis rien, on se retrouve face à ce qu’on appelle un référé à justice : on s’en
réfère à la sagesse du Tribunal. La Cour de cass. a dit que ce référé à justice est une
contestation et donc devient un jugement définitif.
 Résultat des courses : eu égard à la jurisprudence de la Cour de cassation, l’art. 1050, al. 2
ne sert à rien. Le principe de la rationalité de la loi n’importe-t-il donc pas… ?
Remarque : (‘surprise’) quelques jours après la note des profs, la première chambre
néerlandaise de la Cour de cassation, par un arrêt du 12 février 2021, a dit exactement le
contraire de ce que disait la chambre française : une expertise contestée reste un
jugement avant dire droit.
Conclusion : tout le monde appel à un arrêt en audience plénière (ce qui est très rare).

(4) Les ordonnances présidentielles


(On parle des ordonnances de référé ou sur requête unilatérale. Il n’y a pas grand-chose à dire
à ce sujet.)
Par principe, les ordonnances de référé ou sur requête unilatérale sont susceptible d’appel de
la part des parties : délais sont les mêmes et les règles de procédures sont les mêmes, mais
accélérées.

C Décisions appelables
Si ma décision est susceptible d’appel, il faut encore qu’elle soit appelable. Le législateur met une
seconde barrière pour trier les appels : c’est le critère de l’enjeu financier (remarque : le seuil est assez
bas) (renvoi à SYLLA P. 159-162).

Art. 617 et s. C.Jud. = siège du propos, matière qui ne cesse d’évoluer.

La règle de base est que le législateur relève d’année en année le seuil, pour raréfier les appels (tout
en respectant le principe de la légalité).

- Les jugements du TPI, du Trib. de l’entreprise, qui statuent sur une demande qui ne dépasse
pas 2500€ sont rendus en dernier ressort ( pas d’appel), sauf si ce sont des jugements rendus
par défauts (art. 1047 C.Jud.) .
- Cette règle s’applique également aux jugements du juge de paix, mais là le montant est fixé à
2000 EUR.
- Pour le tribunal de police (voy. art. 601bis C.Jud.), le montant est de 2000 EUR.

C’est quoi « le montant de la demande » ? Il faut appliquer les articles 557 et s. C.Jud. (voy. aussi art.
618 C.Jud., qui fait un renvoi à cet article).

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Toutefois, il existe une exception à l’art. 618, al. 2 : attention, c’est au regard des dernières conclusions
– et non pas au regard de l’acte introductif – que le juge d’appel doit se placer pour apprécier le
montant de la demande. C’est tout à fait logique, car pour la compétence, l’art. 557 C.Jud. est la règle ;
c’est celle du rétroviseur  on va voir le montant qu’était celui de la demande quand on a saisi le juge.

Par contre, pour l’appel, il est fort normal qu’on tienne compte du montant dernièrement demandé.
Si le demandeur, par le biais de demande additionnelles ou nouvelles (voy. respectivement les artt.
807 et 808 C.Jud.) a augmenté le montant demandé, c’est ce montant là – final – qu’on va regarder (le
dernier montant demandé dans les conclusions de synthèse).

On trouve des précisions aux artt. 620 et 621 C.Jud.  quid du jugement rendu sur une demanede
reconventionnelle ? L’art. 620 C.Jud. me dit ce qui suit : si la demande reconventionnelle dérive du
même fait ou du même acte que la demande principale (= il y a un lien fort de connexité), alors les
montants des deux demandes sont cumulés pour savoir si le seuil du ressort est atteint.  Si on est
en cas d’une demande reconventionnelle non liée, elle doit atteindre le ressort par elle-même.

Quid pour les demandes en intervention agressives (i.e. celles qui postulent un montant) ? S’il y a un
lien fort de connexité  il y a cumul  si pas, décumul !

Remarque : dans la grande majorité des cas, il y a cumul.

Attention à l’art. 621 C.Jud. (le prof nous prévient pour cet article, il est malaimé par les étudiants) 
il nous dit que l’exception des décisions rendues sur les demandes reconventionnelles ou de demandes
en intervention, les jugements rendus sur incidents (= jugements qui statuent sur de multiples petits
incidents, comme sur une exception de nullité, déclinatoire de compétence, fin de non-recevoir,
exception dilatoire…) et les jugements d’instruction (attention, certains d’entre eux sont susceptibles
d’appel ( !! )) suivent le sort de la demande principale. Pour le jugement rendu sur la demande en
intervention conservatoire, non destiné à condamner et les deux autres jugements mentionnés, il y a
un problème  ces jugements n’ont pas de montant, n’ont pas de valeur pécuniaire. Que fait-on de
tous ces cas ? L’art. 621 nous dit que la recevabilité de l’appel suit celle de la demande principale 
l’accessoire suit le principal. Si la demande principale est appelable, alors les jugements rendus sur
demande reconventionnelle, etc. sont appelables par CONTAMINATION.

Question potentielle d’examen : puis-je faire appel de tout jugement d’expertise ? Non  je ne peux
en faire qu’aux conditions de l’article 621  certains jugements susceptibles d’appel ne sont pas
appelables (attention à ne pas mélanger les deux notions), car la demande principale sur laquelle ils
se greffent ne le sont pas.

Il y a quelques exceptions à cette exigence de seuil :

1- Art. 619 C.Jud. : les jugements rendus sur des demande non évaluables en argent sont
toujours appelables (c’est une faveur faite au justiciable), p.ex : Trib. de la famille.

2- Art. 617 C.Jud. : toutes les décisions du tribunal du travail, quel que soit l’enjeu, sont
appelables. De plus, toutes les décisions en matière d’impôt sont susceptibles d’appel.

D Délai
Le délai d’appel, en droit commun, est d’un mois (art. 1051 C.Jud.). Ce mois court à partir de la
signification du jugement.

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Il y a évidemment des exceptions, p.ex. : certains délais commencent à courir à partir du pli judiciaire ;
les cas rarissimes où le délai court à partir du prononcé ; le délai d’appel de l’art. 1051 C.Jud. doit être
rallongé en application de l’art. 55 C.Jud. si le futur appelant est domicilié à l’étranger (15, 30, 80 jours
+ 1 mois) ; artt. 1048 et 1050 C.Jud. : le délai d’appel qui commence et expire durant les vacances
judiciaires est prorogé jusqu’au 15e jour ouvrable qui suit la fin des vacances judiciaires.

EXAMEN  art. 1055 C.Jud. : « même s’il a été exécuté sans réserve, tout jugement avant-dire droit
ou statuant sur la compétence peut être frappé d’appel avec le jugement définitif »

 L’art. 1050, al. 2 C.Jud. dit la même chose avec le mot « doit », donc qu’est-ce que ça
signifie ? Quand on a affaire à un jugement sur la compétence, c’est « doit »  le
retardement est obligatoire, et non facultatif (le texte est frappé, abrogé par désuétude).
Par contre, il y a un peu de sens à garde l’article, pour le jugement avant dire droit  un
jugement avant dire droit peut être frappé d’appel avec le jugement définitif. Pourquoi ?
L’art. 1055 C.Jud.  le juge qui rend un jugement avant dire droit peut déverrouiller
l’appel immédiat. Imaginons qu’on soit le bénéficiaire de cette faculté de déverrouillage,
doit-on saisir cette autorisation, ou peut-on s’en servir/la laisser de côté ? La réponse est :
art. 1055  quand bien même aurait-on été autorisé par le juge à faire un appel immédiat,
on n’est pas obligé de le faire. On peut laisser passer – avec le délai d’appel  jugement
avant dire droit et interjeter appel plus tard.

E Appel principal et appel incident


Commençons par expliquer une règle importante qu’on appelle l’effet limitatif, ou l’effet relatif de
l’appel  l’appelant peut limiter son appel en raison de l’application du principe dispositif. La
limitation peut se faire de deux manières :

- Ratione materiae : on peut limiter son appel à certains points tranchés par le premier juge. On
n’interjette pas appel de tous les dispositifs tranchés par le juge.
Face à la possibilité que l’appelant a de limiter ainsi son appel ratione materiae, il fallait laisser
à l’intimé la possibilité, d’à son tour, interjeter appel sur les points laissés en rade par l’appel
principal de l’appelant.
EXEMPLE : une victime frappe d’appel une décision du tribunal de police et limite son appel à
l’évaluation qu’elle estime insuffisante. La réaction de l’automobiliste intimé sera de faire
appel incident contre l’autre partie du jugement : c’est à tort que le premier juge l’a reconnu
responsable et l’a condamné au montant.
Ceci peut se faire par un appel incident. Pour la limitation ratione materiae, la loi offre à
l’intimé la possibilité de former un appel incident (art. 1054 C.Jud.) contre les décisions du
premier juge non déjà frappées d’appel par l’appel principal. On reconstitue ratione materiae
les décisions du premier juge.
Commentaire : art. 1054 C.Jud. est une voie offerte à l’imité de corriger l’effet limitatif de
l’appel. Attention, seul l’intimé peut former l’appel incident (intimé = la personne
défenderesse à l’appel principal). Cependant, un intimé peut être un intimé au carré…
Explication : je suis appelant principal et, ayant perdu sur la faute, le lien causal et la
prescription, mon avocat me conseille de ne faire appel que sur la faute. Mon adversaire
interjette appel incident sur un autre point (par exemple sur un dommage moral). Je suis donc
appelant ayant limité mon appel, mais à mon tour intimé. Comme je suis aussi intimé (je porte
une double casquette), je peux faire un appel incident au carré, en faisant appel sur la décision
sur la prescription.

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Contre qui puis-je faire un appel incident ? L’art. 1054 nous dit qu’on peut faire un appel
incident contre toute partie à la cause devant le juge d’appel. Attention, la Cour de cass., a
récemment précisé, en 2020-2021, ce qu’il faut entendre par « partie à la cause devant le juge
d’appel » au sens de l’art. 1054 (examen)  cela vise uniquement l’appelant (ou un autre
intimé dans le cadre d’un litige multipartite).
A contrario, les arrêts récents de la Cour de cass. nous disent que ne sont pas des parties à la
cause devant le juge d’appel des intervenants. C’est logique : on ne va pas demander une
réformation contre un tiers, qui n’était pas partie à la cause (art. 812, al. 2 C.Jud. : seule une
intervention conservatoire est possible contre un tiers).
Comment introduire un appel incident ? Un appel incident se forme par voie de conclusions :
art. 1054 C.Jud. (on est déjà à la cause).
Quand? Il faut former son appel incident dans ses premières conclusions d’intimé (on pourrait
dire in limine litis d’appel).

Attention, ne pas confondre la demande reconventionnelle formée pour la première fois en


degré d’appel et la demande incidente en appel. Le seul point commun, est qu’il y a une contre-
attaque.
La demande reconventionnelle formée pour la première fois en degré d’appel est inédite, le
juge n’a pas statué dessus. Elle émane du défendeur initial qui injecte une nouvelle prétention
devant la Cour d’appel. L’appel incident est quelque chose de totalement différent : il émane
de l’intimé et frappe une décision du juge.

Qu’en est-il des nécessités ? L’appel incident est un appel et il faut donc que les conditions de
qualité, capacité et d’intérêt soient réunies. De plus, l’appel incident est lui-même soumis à
l’éventuel effet limitatif  l’intimé n’est pas obligé de frapper d’appel tout ce avec quoi il n’est
pas d’accord).

- Ratione personae : on peut limiter son appel ratione personae. Il s’agit d’un droit quasi absolu.
On n’interjette appel que contre quelques adversaires, mais pas contre tous.
Deux précisions :
o L’appel incident ne permet PAS de corriger une limitation ratione personae  il ne
permet que de rectifier une limitation ratione materiae. En conséquence, il existe le
mécanisme qu’on appelle celui de l’appel provoqué. On le retrouve à l’art. 1051 C.Jud.
Il permet de recevoir un deuxième délai d’appel pour introduire un appel principal
contre quelqu’un qui n’a pas encore été intimé.
o L’art. 1053 C.Jud. dit que, en cas de litige indivisible (art. 31), l’appelant n’a pas le choix
 il doit intimer tous ses adversaires de première instance et doit appeler à la cause
d’appel toutes les autres parties avant la clôture des débats (= co-plaideurs), à peine
d’irrecevabilité !

F Formes
[1] L'acte d’appel  art. 1056 C.Jud. :

- L'appel peut être formé par exploit d’huissier (= rare).


- L’appel peut aussi être formé par requête déposée au greffe de la juridiction concernée (c’est
la voie préférée des avocats).

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- L’appel peut être formé par voie de recommandé dans les matières spécifiquement visées par
la loi.
- Entre parties à la cause, l’appel peut être formé par voies de conclusions (= l’hypothèse l’appel
incident). On pourrait également imaginer un appel principal formé par voie de conclusions
(art. 1056, al. 4 C.Jud.).

Exemple : on est face à un litige de responsabilité en première instance où le juge statue en


deux fois, en deux jugements définitifs : un premier jugement définitif interlocutoire (le
défendeur a commis une faute qui engage sa responsabilité) et plus tard, un deuxième
jugement définitif accordant au bénéfice de la chose jugée de son premier jugement dont il ne
pourrait se dessaisir, une somme valant dommages et intérêts au profit de la victime.
Là, la victime décide de faire appel principal contre le dommage qui n’est pas ce qu’elle avait
espéré et demandé.
En tant qu’avocat du défendeur, on ne doit pas commettre l’erreur de faire appel incident
contre le premier jugement. L’appel incident doit se faire contre les points D’UN même
jugement. Ici, on a affaire à jugement totalement différent. On doit donc faire un appel
principal contre le PREMIER jugement. Comme nous sommes déjà parties à la cause (en raison
d’un premier appel principal), on peut faire des conclusions. L’enjeu fondamental qui en
découle est le DÉLAI.
 Le délai d’appel n’est pas le même pour l’appel principal et pour l’appel incident. En effet,
l’appel principal devrait être formé dans les conclusions déposées au greffe maximum un
mois après la signification. Il faut espérer dans ce cas que le premier jugement n’ait jamais
été signifié, parce que c’est un délai extrêmement court.
 Par contre, s’il s’était agi d’un appel incident, il doit être interjeté in limine litis, dans
les premières conclusions  cela peut avoir lieu beaucoup plus tard.

[2] Mentions de l’acte d’appel  art. 1057 C.Jud. : « Hormis les cas où il est formé par conclusions,
l'acte d'appel contient, à peine de nullité :

1° l'indication des jour, mois et an;

2° les nom, prénom [ ...] et domicile de l'appelant [et, le cas échéant, son numéro de registre national
ou numéro d’entreprise] ;

3° les nom, prénom et domicile ou à défaut de domicile, la résidence de l'intimé;

4° la détermination de la décision dont appel;

5° l'indication du juge d'appel;

6° l'indication du lieu où l'intimé devra faire acter sa déclaration de comparution;

7° (l'énonciation des griefs;

8° l'indication des lieu, jour et heure de la comparution, à moins que l'appel n'ait été formé par lettre
recommandée [ou que, en dehors des cas visés à l'article 1066, alinéa 2, les droits de mise au rôle
relatifs à la décision entreprise et mis à charge de l'appelant n'aient pas été payés, auxquels] cas les
parties sont convoquées, par le greffier, à comparaître à l'audience fixée par le juge [après s'être assuré
du paiement des droits susmentionnés]) Le cas échéant l'acte d'appel contient aussi l'indication du nom
de l'avocat de l’appelant. »

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 À peine de nullité, sauf lorsqu'il est formé par conclusion, l’acte d’appel doit comporter
ces 8 mentions. On parle ici d’une nullité relative : on doit pouvoir soulever un grief et le
démontrer dans les premières conclusions.

[3] L’indivisibilité du litige  art. 1053 C.Jud.

G Procédure
[1] Introduction de l’appel

L’audience d'intro est fixée dans un délai de 15 jours à compter du moment où la requête a été notifiée
par le greffe de la Cour d’appel à l’intimé (art. 1062). Ce délai de comparution est un délai d’attente. Il
sert à protéger des droits de la défense.

En fonction de l’éloignement de l’intimé, les prorogations s’appliquent : art. 55 (15, 30 80 + 15). En cas
de non-respect de ces délais, la sanction est la nullité d’ordre privée (sauf en cas de non-respect d’une
règle sur l’emploi des langues). Via l’art. 1042 C.Jud., la sanction se trouve à l’art. 710 C.Jud : c’est une
nullité d’ordre privé (qui doit être soulevée in limine litis + à condition de démontrer un grief) (art. 864
C.Jud. et art. 861 C.Jud.))

Ce délai est susceptible d’être abrégé via l’art. 708 C.Jud. Exemple : le délai de comparution par une
requête introduite auprès du président de la Cour d’appel peut être abrégé.

[2] Mise en état des affaires en débats succincts

L’art. 1066 C.Jud. traite des débats succincts devant le juge d’appel – frère de l’article 735 (= débats
succincts de première instance  les articles se ressemblent, mais ne sont pas identiques). Tout
comme en première instance, on peut toujours demander le bénéfice des débats succincts, même s’ils
ne sont pas souvent accordés. La question est examinée à l’audience d’introduction. Parfois, le
bénéficie des débats succincts est accordé par la loi (présomption législative  il ne faut donc pas le
demander et ça nous est offert). Cet article liste les six cas dans lesquels la procédure accélérée est
rendue obligatoire, SAUF accord des parties. Cela vise notamment l’appel contre les ordonnances
présidentielles rendues au provisoire ou encore contre les décisions rendues en matière de saisies
conservatoires ou de saisie-exécution.

[3] Mise en état des affaires non traitées en débats succincts  l’art. 1042 C.Jud.

Ici, on fait un copié-collé des règles vues en première instance (application mutatis mutandis).

H Effets de l’appel
L’appel a trois effets : suspensif + relatif + dévolutif.

[1] Absence d’effet suspensif

L’appel n’a normalement pas d’effet suspensif  l’exercice des voies de recours ne suspend pas
l’exécution du jugement entrepris (art. 1397 al.1). Le juge peut, toutefois, par décision spécialement
motivée et le cas échéant d’office, exclure l’exécution provisoire de sa décision.

 L’appel n’est donc plus, par principe, suspensif. C’est devenu une exception : artt. 1397,
1398/1 et 1399 C.Jud.

[2] Effet relatif

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Ratione materiae, tout appelant (donc principal/intimé) peut limiter son appel à certaines décisions
prises par le premier juge. L’appel incident est donc ici une correction de l’appel principal, tout en
restant lui aussi soumis à la l’effet limitatif.

 L’appel incident est donc une tactique pour corriger l’effet limitatif, elle-même soumise à
la limitation possible. Ainsi, le défendeur, qui a perdu totalement sur des moyens de
procédure et encore sur la faute, peut décider de ne porter appel QUE sur la décision
portant sur la faute.

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