Vous êtes sur la page 1sur 296

JACQUES HOEFFLER

Substitut de l'auditeur général près le Conseil d'Etat

Traité de

L'INSTRUCTION
PREPARATOIRE
en matière pénale

Préface de
M. CHARLES VAN REEPINGHEN
Bâtonnier de !'Ordre des avocats près la
Cour d'appel de Bruxelles

- 1956 -

LES llDITIONS ADMINISTRATIVES UGA,


COURTRAI
PREFACE

Peu de domaines juridiques intéressent autant la personne et la


société que le droit pénal. On y reconnaît les témoignages de la cons-
cience individuelle et de l'évolution sociale. Rareme,nt autant qu'au-
jourd'hui les sociologues et les juristes se sont penchés ~r eux. Leurs
études et leurs congrès, dans le temps même où s'étendaient prodigieu-
sem,en:t les applications de la technique. ont contredit le pessimisme des
philosophes qui. selon l'expression de M. Re.né Sédillot. dans un
ouvrage récent ( 1) j,ugent qu'au cours de douze mille années révolues,
l'homme a sans doute appris à mieux vivre, mais aussi à mieux tuer,
à beaucoup découvrir du monde et si peu de lui-même. Car le fonde-
ment du droit pénal n'est point se:ulement l' org,anisation du châtiment
que nécessite ce qu'Ortolan appelait « la bonne administration du
pays», mais aussi la répression, selon le mot de Carrard. de faits
« moralement reprochables». M. le procureur général Bekaert l'a mis
en lumière savamment dans une de ses mercuriales (2).
Ces réfl,exions nous ont précisément conduits par d'insensibles
étapes à des scrupules que les classiques eussent trouvés dangereux
sinon dérisoires. Un essayiste. M. Emmanuel Berl, n'a-t-il pas
écrit ( 3) que l'on « a troublé le juge » parce qu'à la tranquillité de sa
conscience sur le rapport du droit et de la morale, on a opposé qu'il
n'était pas certain que l'accusé fût coupable dès lors qu'il aurait contre-
ven,u à la loi pénale ? Il y a donc une recherche de plus en plus
informée de la responsabilité de l'homme et a:u dessus de ces démarches,
un respect affirmé de la personne humaine. Ces préoccupations se
traduisent dans la loi. dans les décisions de justice, dans l'expiation
des peines.
Mais le droit pénal ,ne serait qu'une proclamation doctrinale si la
procédure n'assurait ses applications.
Cette procédure n'est pas un règlement ordinaire. Elle pénètre
profondément le droit lui-même : c'est selon ses normes que la vérité
fera son chemin. Bien plus, elle fixera des limites a:ux recherches qu'im-
pose la poursuite des infractions dans « la ,noble crainte qu'éprouve une

(1) Survol de l'histoire du monde (Edit, Fayard, Paris, 1953) p. 202.


(2) Ordre social et structure conventionnelle. Journal des Tribunaux. 19i7, 457.
(3) De l'innocence, Edit. Gilliard, Paris, 1917.

I
société évoluée d'abuser de sa propre force » ( 1). Le propos de
Théophile Huc qui voit dans la procédure « la reproduction la plus
fi-dèle de la physionomie du· peuple » prend ici tout son sens.
M. Jacques Hoefller a entrepris l'exposé de ces règles. Il y a
apporté une compétence que plusieurs articles parus dans le Journal des
Tribunaux avaient déjà révélée aux lecteurs belges et où les familiers
du Conseil d'Etat reconnaissent son information étendue et son libre
jugement.
L'auteur a le mérite de repenser dans l'introduction de son ouvrage
le sujet qu'il expose. Ainsi le livre dépasse les bornes d'un vade mecum
où le praticien trouverait seulement un commentaire averti du code
d'instruction criminelle. Au moment où l'opinion publique est ressaisie
des méthodes de notre système d'instruction, M. Jacques Hoef[ler
énonce derechef les données du problème qui oppose à notre système
inquisitorial la procédure accusatrice des institutions britanniques. Il
relève, dans l'appareil même de la procédure inquisitoriale des vices
fondamentaux.
La n:écessité de découvrir les charges a manifestement le pas,
selon lui, sur l'appréciation objective de celles-ci; l'intuition du chas-
seur l'emporte sur le scepticisme serein de l'homme de loi. La formule
est imagée et M. Hoefller reconnaîtrait le premier qu'elle ne doit pas
être prise à la lettre puisqu'il admet que l'urgence à démasquer l'auteur
d'une infraction a normalement pour rançon que les gardiens de l'ordre
ne peuvent lui faire une guerre en dentelles. On ne saurait oµ.blier
néanmoins, au risque d'énoncer un truisme, que le coupable étant incon-
nu, sa découverte ne va point sans risq,u·es d'erreurs et qu' ainsi tout
intéressé a le droit d'être protégé.
Cette protection réside dans un exame,n et un contrôle contra-
dictoires des charges. Aussi bien M. Hoefller porte le débat sur le
plan de la technique. Son argument est que lïnformiation de police
judiciaire et l' examen juridictionnel des preuves sont partiellement
confondus alors que leurs exigences sont diverses, sinon opposées. Les
éléments d'appréciation recueillis au cours de l'information et de l'ins-
truction ne reçoivent qu'a posteriori le contrôle nécessaire de la con-
tradiction et il est bien vrai que le rédacteur du procès-verbal assume
a,uparavant une responsabilité redoutable où, q.uel que soit son scrupule,
par omissions, redites ou nuances, le témoignage qu'il recueille pèsera
lourdeme,nt sur le cours et le dénouement de l'instruction. La pratique
nous révèle quotidiennement l'importance des observations des parties
dans les enquêtes civiles : leur interpellation pertinente aboutit plus
d'une fois à atténuer, sinon à ruiner la portée d'une déposition. Encore
le procès-verbal est-il l' œuvre d'un magistrat dant la consciencieuse
vigilance éclaire une objectivité naturelle. Mais dans le procès pénal,
la police judiciaire occupe aujourd'hui par délégation un étage du palais
( 1) Em. Berl, !oc. cil.

II
de justice : elle rend, sans doute, d'inappréciables services auxquels sont
liés la sécurité de l'honneur et des biens des citoyens. Sa promotion a
été néanmoins de pair aussi avec une diminution des garanties qui sont
dues à l'inculpé ou au témoin.
M. Jacques Hoefller ne balance pas à penser que le respect des
principes de la contradiction dans l'examen des témoignages ne peut
se concilier avec l'instruction préparatoire du type inquisitorial. Je
voudrais me garder, sur le plan des possibilités constructives, d'une
conclusion aussi radicale. On ne peut croire en effet à ,une transposition
aisée des deux systèmes. MM. Jean Duhamel et J. Dili Smith, dans
J'ouvrage qu'ils ont consacré aux institutions judiciaires britanni~
ques ( 1) ont souligné ces difficultés d'adaptation encore qu'au fond des
choses notre souci de l'habeas corpus se confonde et que nous réprou-
vions pareillement toute violence qui serait exercée contre un inculpé
pour qu'il signât des aveux. C'est qu'une longue tradition fondée sur
l'habitude, les coutumes, l'expérience et le climat ne s'acquiert point
par la volonté des législateu.rs. Mais celui-ci peut y trouver matière à
orientation. S'il est vrai, comme M. Jacques Hoefller l'écrit justement,
que le cloisonnement établi par nos amis anglais entre l'information et
l'instruction judiciaires. évite de déplorables abus. nous pouvons nous
en inspirer pour revoir les règles qui .nous régissent et dont l'application
a d'ailleurs, dans la profusion des causes, aggravé les défauts.
Peut-on se défendre d'y faire allusion de nouveau à la détention
préventive qui ne peut être une peine et qui, par un glissement inavoué
de l'institution, prend, très souvent, en c/Jépit des avertissements les
plus qualifiés, les aspects d'une répression voire d'une intimidation
aussi contraires à la lettre et à l'esprit de la loi pénale qu'aux fonde-
ments du droit actuel? Comme l'a écrit M. Robert Vouin, professeur
à la Faculté de Droit de Bordeaux. « la détention préventive est un
mal nécessaire, mais d'abord un mal». Qu'elle offre à l'instruction de
la cause des facilités, on le sait bien. Que des innocents subissent ainsi
l'humiliation d'un riégime, pire dans le fait que celui de l'expiation, on
,ne peut l'admettre. Et le principe de la présomption d'innocence reçoit,
en l'espèce, bien des fois, à l'échelon des réalités, un cruel démenti.
Je me garde d'épiloguer sur ce sujet davantage. La préface d'un
livre ne peut trahir le dessein de l'auteur qui n'est point de polémique
mais de scrupuleuse analyse. Ce dessein, on le verra, a été pleinement
rempli et selon un plan judicieux. On trouvera dans son développement
des définitions sûres et des explications sans défaut, un rapport exact
des principes et des règles à tout le champ de la pratique avec les réfé-
rences essentielles à la vérification des sources et des applications. Je
l'écris ici avec amitié mais l'hommage lui sera bientôt rendu par de
nombreux lecteurs qui feront à cette œuvre probe, documentée et
réfléchie, le succès qu'elle mérite.

( 1) De quelques piliers des institutions britanniques. Edit. La Vie judiciaire, Paris, 195-t.

Ill
A écrire pour les praticiens de lïnstruction criminelle. M. Jacques
Hoe{fler, j'en suis convaincu, a dû ressentir un salutaire optimisme.
C'est qu'il est peu de pays pareils au nôtre où les hommes apportent
autant de conscience à frayer les voies de la justice. Il nous est bien
permis de les trouver parfois rebutantes ou vieillies. Mais au siège, au
parquet, à la barre, le souffle du devoir n'a jamais cessé d'inspirer les
actes et d'éveiller les ferve,urs. Au delà même de la pratique quotidien-
ne où l'habitude n'a point corrodé l'idéal, les efforts se conjuguent en
des commissions studieuses, telle la. commission de réforme du droit
pénal sous la présidence de notre maître affectionné, M. le procureur
général honoraire Léon Cornil, pour préparf:r l'instruction criminelle
à mieux répondre aux exigences de ce temps et à la protection des
hommes. « C'est un devoir pour le jurisconsulte, de préparer des pro-
grès, a écrit F. Laurent, afin que la loi devienne l'expression du droit
éternel» (1). Et Montesquieu: « Une chose n'est pas juste parce
qu'elle est loi. Mais elle doit être loi parce qu'elle est juste (2).
Je pense faire honneur à l' œuvre que M. Jacques Hoe{fler vient
d'accomplir en y proposant cette double épigraphe.

Charles VAN REEPINGHEN

( 1) Proc. Dr. civ. t. 1 n° 2.


(2) Cahiers. n• 125.

IV
AVANT-PROPOS

Le système d'instruction préparatoire en usage dans notre pays


provient des racines mêmes de l'histoire de l'Europe occidentale. Si sa
forme actuelle découle directement du code d'instruction criminelle de
1808, ni celui-ci, ni d'ailleurs l'ordonnance de 1670 qui l'a précédé
n'en ont véritablement fixé les contours: par delà les textes, les bases
essentielles du système procèdent d'une coutume séculaire.
Ce système présente de graves défauts : nous ne manquerons pas
de les mettre en lumière, d'analyser les lacunes, voire les contradictions
profondes qui s'y attachent.
Quoi qu'il en soit, le mérite essentiel de tous ceux qui ont contri-
bué à l'élaboration de l'instruction préparatoire moderne dans notre
pays est d'avoir tiré le meilleur parti de l'instrument mis à leur dispo~
sition, d'avoir, par l'adaptation constante des méthodes traditionnelles
aux besoins de la vie contemporaine, forgé une procédure satisfaisant,
dans toute la mesure permise par le système lui-même, aux deux exi-
gences éternelles de l'instruction préparatoire : l'application efficace de
la loi pénale et la sauvegarde des droits essentiels de la défense.
Cet immense travail de mise en concordance des institutions avec
les besoins de la société nouvelle, le législateur y a, certes, apporté une
contribution dont l'importance ne peut être sous-estimée.
L'apport des praticiens est néanmoins, dans ce domaine, immense
et multiforme: œuvre continue d'organisation et de perfectionnement
réalisée par les parquets, souci incessant témoigné par le Barreau au
respect et au développement des garanties du justiciable, contribution
doctrinale des commentateurs, et, enfin, cette admirable jurisprudence
qui, à bien des égards, non seulement précise, flxe et définit, mais
aussi élabore les règles de droit.
L'instruction préparatoire est, en 1955, bien drff•érente du tableau
qu'en donne le code d'instruction criminelle. Le but de cet ouvrage est
d'en présenter une description actuelle, telle qu'elle apparaît au prati-
cien dans la réalité quotidienne, dérivant de la loi, certes, mais aussi
de la pratique consacrée par la jurisprudence.
Notre exposé apparaîtra de ce fait, à bien des égards, comme la
détermination et l'analyse de règles coutumières, méthode qui nous a
V
paru s'imposer pour l'étude d'une branche de notre droit devenue -
en fait - dans une large mesure coutumière.
Cette situation peut sembler surprenante dans un pays de droit
écrit. Elle présente, en réalité, des inconvénients sérieux dont tous les
praticiens ont pleine conscience. Aussi, de nombreux juristes se sont-
ils attachés à « rendre à l'instruction préparatoire, en matière pénale,
le caractère légal qu'elle a perdu » ainsi que le réclamait si éloquem-
ment M. le Procureur général Cornil dans sa mercuriale du 15
septembre 1931 ( 1 ). Nous nous sommes elfforcé d'apporter notre
contribution à cette œuvre en soumettant à l'appréciation et à la discus-
sion des spécialistes, comme conclusion à notre étude, les éléments
d'un système légal nouveau d'instruction préparatoire.
* * ...
M. le Bâtonnier Van Reepinghen a bien voulu rédiger la préface
de ce livre. Je lui suis infiniment reconnaissant de l'amitié qu'il me
témoigne et de l'intérêt qu'il manifeste à l'égard de mon travail. L'hon-
neur qu'a bien voulu me faire ce grand juriste, maître dans la science
aussi bien que dans la pratique du droit, en acceptant de présenter
mon ouvrage aux lecteurs, est pour moi une source d'encouragement
dont j'apprécie pleinement la valeur.

J.H.

( l) Revue de droit pénal. 19,1. 809.

VI
INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER

LE SYSTEME INQUISITORIAL
D'INSTRUCTION PREPARATOIRE

1. - DEFINITION ET CARACTERISTIQUES ESSEN-


TIELLES DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE. - L'instruc-
tion préparatoire, en matière pénale, est la procédure ayant pour ob-
jet d'identifier l'auteur d'UJtle infraction, de rechercher. de recueillir
et die rassembler les preuves de sa culpabilité et enfin de prendre les
premières mesutts judiciaitts destinées à permettre et préparer l'ap-
plication de la sanction pénale.
L'instruction préparatoire pénale occupe une place particulière
qui ne connait aucun équivalent dans les autres branches où s'exerce
la justice, que ce soit en matière civile, commerciale ou administrative.
Sa caractéristique fondamentale est la réunion au sein d'une
même procédure judiciaire et entre les mains d'un même magistrat,
Je JUGE D'INSTRUCTION, de tâches, d'attribution et de fonctions
qui relèvent, dans les autres procédures, tantôt des parties et particu-
lièrement de la parties demanderesse, tantôt du juge lui-même.
Le processus habituel de toute action en justice comporte nor-
malement trois étapes.
1° La réunion par le demandeur des éléments de nature à étayer
son action, c'est-à-dire la recherche des preuves, .documents ou té-
moignages, susceptibles d'en démontrer le bien fondé.
2° L'intentement du procès, c'est-à-dire le déclenchement par le
demandeur de l'action elle-même.
3° L'examen .des prétentions des parties et des preuves produites,
en vue d'aboutir au jugement tranchant le litige.
Ces trois étapes se retrouvent dans le jugement de l'action publi-
que en matière pénale, mais les rôles respectifs des parties et du juge,
d'une part, la succession des opérations de la procédure, d'autre part,
sont profondément modi!Ûés au sein de l'instruction préparatoire.
Le demandeur à l'action, c'est-à-dire le Ministère public déclen-
che l'action et intente la procédure comme toute partie demanderesse.
Mais il n'est nullement nécessaire, pour qu'il saisisse la justice, qu'il
5
soit en possession d'un dossier complet lui permettant d'administrer la
preuve de la culpabilité du prévenu, ni même que celui-ci ait été iden-
ti!fié: il suffit qu'un délit ou un crime ait été porté à sa connaissance.
La mission de rechercher les preuves sur lesquelles pourrait s'ap-
puyer l'accusation n'incombe pas à la partie qui soutient celle-ci,
au Ministère public, mais bien au juge d'instruction ( 1).
Cependant, le magistrat instructeur, outre sa mission de police
judiciaire, participe à la mission juridictionnelle en ce qu'il examine et
recueille les preuves judiciaires et notamment les témoignages, en ce
qu'il statue sur pied de sa propre instruction pour rendre des déci-
sions à caractère juridictionnel telles que le mandat d'arrêt et aussi
en ce qu'il constitue le dossier judiciaire qui servira de base aux
décisions des juridictions d'instruction et de jugement.

2. - L'INSTRUCTION PREPARATOIRE ET LA SEPA-


RATION DES POUVOIRS. ·- L'interpénétration des attributions
de la partie demanderesse et du juge au sein de l'instruction prépara-
toire provient, à n'en pas douter, du fait que les deux rôles sont assu-
més simultanément par l'autorité publique. C'est aux pouvoirs publics
qu'i_l incombe, en premier lieu, de rechercher et identi:fier les coupa-
bles, en second lieu, de leur infliger la peine adéquate.
Une telle situation se rencontre néanmoins fréquemment en d'au-
tres domaines que la procédure pénale : l'Etat est couramment impli-
qué dans des conflits qui l'opposent à des personnes privées, conflits
qui ne peuvent être tranchés que par les juges institués par l'autorité
publique elle-même. ·
Or, que ce soit en matière civile, fiscale ou de contentieux ad-
ministratif. l'Etat plaideur ne se confond jamais avec l'Etat juge.
Il ne se concevrait d'ailleurs pas qu'il pût en être autrement, car ce
n'est là qu'une application du principe élémentaire que nul n'est sans
inconvénient juge et partie en sa propre cause.
L'Etat partie en justice et l'Etat juge sont dès lors représentés
par deux organes entièrement indépendants l'un de l'autre. De plus,
le représentant de la partie publique est placé exactement dans la
même situation que tout autre plaideur.
Sur le plan doctrinal. cette solution est une des manifestations de
la règle de la séparation des pouvoirs : en elffet, le soin de défendre
les intérêts de l'Etat devant les tribunaux et celui de trancher les
procès où l'Etat intervient constituent des attributs respectifs des
fonctions exécutive et judiciaire.

( l) Ces considérations ne sont valables de manière absolue que dans le système de l'instruction pre ..
paratoire à l'état pur. Ce système est, en fait, 1argement battu en brèche, en Belgique·, par" la
pratique coutumière de l'information du parquet .

.6
Certes, la pro.cédure d'instruction préparatoire ne méconnait pas
entièrement ce principe : la puissance publique intervient dans son
déroulement par l'organe de deux magistrats qui représentent l'un le
pouvoir exécutif et l'autre le pouvoir judiciaire.
Mais toutes les règles qui ont pour e!ffet soit d'attribuer au juge
la mission de police judiciaire incombant à la partie demanderesse, soit
de conférer à l'organe de cette dernière un droit de contrôle sur l'ac~
tivité du juge, représentent autant de dérogations au principe lui~
même, en ce qu'elles s'écartent de la répartition naturelle des compé-
tences entre les représentants des deux pouvoirs souverains en cause
et en ce qu'elles portent atteinte à l'indépendance de l'un vis-à-vis de
l'autr.e.
Signalons tout de suite que la dérogation qu'apporte l'instruction
préparatoire aux règles de séparation des pouvoirs habituellement ad-
mises dans toute procédure où l'Etat intervient comme partie, ne
s'explique que par des circonstances historiques qu'il convient d'évo-
quer brièvement.
3. - ORIGINE HISTORIQUES DE L'INSTRUCTION PREPARATOI-
RE. - LE SYSTEME INQUISITORIAL. - Les origines lointaines de la procédure
pénale remontent aux premières formes d'arbitrage qui mettaient un terme aux ven-
geances privées entre tribus primitives. La situation respective des parties - com-
munautés familiales rivales - et du juge - arbitre indépendant - donnait logique-
mènt à ces procédures embryonnaires le caractère d'un débat contradictoire opposant
des adversaires de force et d'autorité égales en présence d'un médiateur appelé à
dégager des conclusions du litige et à trancher cèlui-ci. Lorsque l'arbitrage est
devenu obligatoire, c'est-à-dire est passé du stade conventionnel ou semi-conventionnel
au stade judiciaire, les formes en usage ont subsisté et se sont incorporées à la procé-
dure. Le procès pénal ne se dilfférenciait pas, à cette époque, du procès civil. Le
plaignant devait soutenir seul l'accusation et la puissance publique encore embryon-
naire n'assurait aucun sevice de police répressive:
Le système en usage, si l'on peut parler de système en l'espèce, était donc
purement accusatoire. c'est-à-dire qu'il excluait l'intervention du juge dans les:
opérations de recherche et de poursuite. Les premières manifestations juridiques· du
système accusatoire, n'ont, d'alleurs, qu'une valeur d'équité très relative, en raison
de la bizarrerie des coutumes, imprégnées d'un formalisme superstieux. A la libre
appréciation du juge-arbitre se substituent souvent des traditions absurdes ou
iniques, telles que la cojuration - faux témoignage légal - ou les ordalies, le duel
judiciaire - raison du plus fort.
La procédure accusatoire fut observée en Europe, sous w1e forme plus ou
moins primitive, pendant tout le Haut Moyen-Age et survécut, selon les régions,
jusqu'aux XIII•, XIV• et même XV• siècles.
Le développement de l'autorité publique amena cependant celle-ci, peu à peu,
à se préoccuper du problème de la lutte contre la criminalité, problème intimement lié
à celui de la sécurité publique elle-même. L'insuffisance avérée des moyens dont
disposait la victime pour découvrir et démasquer son agresseur incita les autorités
à se substituer aux particuliers dans l'accomplissement de cette tâche. C'est alors que,
graduellement, le juge fut amené à abandonner le rôle d'arbitre passif pour se
saisir lui-même sur simple plainte de la victime ou dénonciation d'un tiers, rechercher
les coupables, les arrêter et les interroger, rassembler les preuves de leur culpabilité,
constituer le dossier destiné à les confondre.
Dans cette forme de procédure, comme sous le nom de système inquisitorial, le
magistrat instructeur cumule dès lors les attributions de la partie publique et celles
7
du juge, l'autorité exerce son rôle tutélaire en recherchant les Infractions, en iden-
tifiant leurs auteurs et en assurant la punition de ceux-cl.
Les premières manifestations de la procédure inquisitoriale remontent au
Bas-Empire. C'est toutefois l'Eglise qui l'introduisit dans les institutions du Haut
Moyen-Age en l'adoptant au sein de ses juridictions (Concile de Latran, 1215) ()).
La justice royale y eut recours à son tour, en France et elle se développa en
même temps que la compétence des tribunaux royaux augmentait du XIII• au
XIV• siècle. Ses caractéristiques furent consacrées par la « grande ordonnance sur
la procédure criminelle» de 1670, dont s'inspire directement le code d'instruction
criminelle.
La procédure inquisitoriale fut Introduite dans les juridictions séculières des
Pays-Bas à l'époque des ducs de Bourgogne.
Les ordonnances des 5 et 9 juillet 1570 (2) marquèrent la consécration officielle
détflnitive des nouvelles méthodes de procédure.
Il est Intéressant de noter que le système inquisitorial ne comportait pas, à l'ori-
gine, d'organe du ministère public. C'est le juge lui-même qui en remplissait les
fonctions, aussi bien en ce qui concernait la mise en mouvement de l'action publique
qu'en ce qui avait trait à l'information (3).
La fonction d'officier du ministère public n'est apparue que postérieurement
(à partir du XV• siècle en France), sans que le jÙge perde d'ailleurs le droit
de se saisir lui-même. Ce privilège du juge a subsisté jusqu'à la lfln de l'Ancien
Régime (4) et n'a d'ailleurs pas disparu complètement dans le système du code
d'instruction criminelle, en matière de flagrant délit, notamment (cf. infra n" 117).
Il apparait d'ailleurs que l'institution du ministère public n'a pas eu pour but
d'introduire un élément de séparation des pouvoirs dans une procédure où cette no-
tion était inconnue et à une époque où le principe de l'absolutisme tendait à s'affirmer
déjà, mais bien de renforcer l'efficacité de la répression en plaçant auprès du juge
un officier public chargé de le surveiller et de provoquer son action en cas d'absten•
tion de sa part. Ces caractéristiques expliquent la répartition des attributions entre le
ministère public et le juge d'instruction, répartition qui s'est paradoxalement main-
tenue dans l'instruction préparatoire moderne, au sein d'un droit public inspiré de
principes philosophiques entièrement opposés à ceux qui avaient cours sous l'Ancien
Régime.
La révolution de 1789 entraina l'abandon total de la procédure inquisitoriale en
usage jusqu'alors. Le système accusatoire fut réintroduit, en Europe continentale,
sous sa forme moderne, par la législation révolutionnaire française de 1791 (Loi sur
la police de sûreté, la justice criminelle et l'établissement des jurés des 16-29 sep•
tembre 1791). Celle-ci constituait une réforme radicale, motivée par les abus de la
justice criminelle de l'Ancien Régime, lesquels avaient été dénoncés avec vigueur
par les juristes et philosophes du XVIII• siècle, et notamment par Voltaire (aiffaires
Calas, Sirven et de la Barre) et par Beccaria ( Dei delitti e delle pene) . Cette réor-
ganisation de la justice pénale, Inspirée de l'Angleterre, n'eut, toutefois, qu'une durée
éphémère ; les nouvelles institutions judiciaires, sans traditions, sans racines profon-
des, sans personnel expérimenté ne purent assurer l"ordre dans une période troublée.
Le code français d'instruction criminelle de 1808 porte témoignage de la faillite
des institutions révolutionnaires et il représente un incontestable retour au passé,
la résurrection du système inquisitorial amendé toutefois par le maintien de certains

( 1) Donnedieu de Vabres. Droit criminel. n• 1032.


( 2) Ordonnance sur le laict de la Justice criminelle ès Pays-Bas et Ordonnance sur le fait du style
général qui se debvra doresenavant observer ès procédures des causes et matières criminelles. en
ses Pays-Pas ( Philippe Il).
(3) Donnedieu de Vabres. Droit criminel. n• 1033.
·(4) Comme l'~xj>rimait la maxime·« Tout jUge· est procunur général»-

8
emprunts à la procédure accusatoire, tels que le débat public à l'audience et le jury
en matière criminelle. Ce compromis est encore aujourd'hui à la base du système
de procédure pénale de la plupart des nations du Continent.

4. - INEXISTENCE DU SYSTEME INQUISITORIAL DANS LA PRO-


CEDURE ANGLO-SAXONNE. - LE SYSTEME ACCUSATOIRE MODER-
NE. - Le système inquisitorial dont découle l'instruction préparatoire est, dans une
large mesure, lié aux principes absolutistes qui gouvernaient les institutions de l'Eu-
rope continentale sous l'Ancien Régime. Il repose, en effet, sur la confusion des pou-
voirs, l'idée fondamentale du rôle tutélaire de l'Etat défenseur de la paix publique et
juge suprême. Le magistrat instructeur, officier public délégué par le prince, concen-
trait entre ses mains les divers pouvoirs nécessaires à la répression des infractions.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'apparition du système inquisitorial dans
la justice séculière du Haut Moyen-Age correspond dans le temps à la renaissance
des principes absolutistes hérités du droit romain et que le développement et la
consécration de ce système alla de pair avec le développement et la consécration de
la monarchie absolue ( 1) .
Il se conçoit dès lors qu'en Angleterre, où l'absolutisme n'eut jamais des racines
très profondes, jamais la justice royale ne put acquérir les pouvoirs qu'elle détenait
sur le continent. Aussi, le système inquisitorial ne s'y est-il jamais implanté.
Au demeurant, et ceci prouve bien la parenté entre ce système de procédure
pénale et la monarchie absolue, y eut-il sous les Stuart, c'est-à-dire au moment où
l'absolutisme tenta de s'établir Outre-Manche certaines tentatives pour acclimater
les méthodes inquisitoriales. Mais ces tentatives furent sans lendemain (2).
Dès lors, la procédure pénale anglaise a subi une évolution radicalement
opposée à celle du continent: le point de départ, c'est-à-dire, la procédure accusa-
toire des communautés primitives, est le même, mais ce système n'a jamais été
abandonné: il a évolué, a donné naissance à l'institution du jury, s'est modernisé,
mais a gardé ses caractéristiques essentielles qui !'apparentent à la procédure civile:
débat contradictoire devant un juge arbitre, entre deux parties placées sur un pied
d'absolue égalité; obligation pour l'accusation de rapporter la preuve de la culpabi-
lité, non sur la base de dossiers constitués unilatérale.ment, mais par la production de
témoins entendus contradictoirement.
Le système accusatoire primitif étant, comme nous l'avons vu (supra n• 3)
à base de poursuites privées, exercées en ordre principal par la victime, cette
caractéristique s'est maintenue très longtemps dans la procédure anglaise et sub-
siste encore à l'heure actuelle, en principe tout au moins.
L'insuffisance flagrante des moyens dont dispose un particulier pour mettre la
main sur un coupable et obtenir sa condamnation a cependant soulevé en Angleterre
les mêmes problèmes de sécurité publique que sur le Continent. Mais la solution
qui y fut apportée est restée dans la ligne des traditions anglo-saxonnes de justice
pénale. Elle fut d'ailleurs facilitée par le fait que si l'initiative des poursuites appar-
tient aux particuliers, toute personne, et pas seulement la victime, peut exercer l'ac-
tion publique.
Le remède fut recherché d'abord dans l'association libre de particuliers se
chargeant d'intenter et de soutenir les poursuites. Mais la véritable solution
n'intervint qu"avec la création de la police moderne, et notamment l'institution de la
police métropolitaine de Londres (Scotland Yard) : en l'absence de ministère public
organisé, la police, dont la mission était de rechercher les criminels, assuma tout
naturellement en outre la charge de les poursuivre devant les tribunaux.

( 1) Cf. H. Buch : La réforme de l'instruction pénale, p.p. 22 à 25.


(2) Cf. J. Hoeffler: Prcx:édure pénale anglo-saxonne, n• 21.

9
Le rôle du particulier intentant les poursuites au nom de la Société .fut, dès lors,
_dans l'immense majorité. des cas, assumé par un policier, ou « constable ».
A l'heure actuelle, la police anglaise remplit l'essentiel des fonctions dévolues
chez nous au ministère public. Elle a recours à des avoués et des avocats qui la re-
présentent dans toutes les a1ffaires d'une certaine importance. S'il n'existe donc pas
d'organe du ministère public au sens où nous entendons ce mot, la fonction sociale
que représente le ministère public se trouve remplie, en Grande Bretagne, d'une
manière aussi complète que sur le Continent.
Au surplus, si l'Etat anglais n'a jamais jugé nécessaire de mettre sur pied une
institution comparable à notre ministère public, il ne s'est cependant jamais désinté,
ressé non plus de la répression des crimes les plus graves: !'Attorney General,
qui exerce les fonctions de conseiller juridique du gouvernement dont il est mem-
bre, intervient traditionnellement comme avocat général dans la poursuite des
crimes mettant le plus sérieusement en péril l'ordre social.
Il existe en outre actuellement un haut fonctionnaire, le Director of Public Pro-
secutions, placé sous le contrôle immédiat de !'Attorney General, dont 1;1 mission est
d'intenter, au nom de la Reine, des poursuites judiciaires à l'occasion de certains
crimes majeurs.
Aux Etats-Unis , la procédure accusatoire fondée sur la « Common Law » est
aussi traditionelle qu'en Angleterre d'où elle provient d'ailleurs. Cependant, un offi-
cier du ministère public a été institué auprès des tribunaux répressifs, le District
Attorney, qui est chargé de rechercher et poursuivre les infractions au nom de la
Société. Toutefois, ce magistrat, qui demeure d'ailleurs membre du barreau, est
soumis aux mêmes obligations que tout autre demandeur en justice, que ce soit au
civil ou au pénal.
L'institution, sous une forme ou sous une autre, d'une organe officiel du minis-
tère public, n'a néanmoins apporté aucune modification aux principes accusatoires
qui gouvernent la procédure. Les pouvoirs publics se sont, en pratique, substitués
aux particuliers dans la recherche des délinquants et des preuves de leur culpabilité,
et, à ce titre, ils remplissent les mêmes tâches que celles qui sont dévolues chez nous
à la police judiciaire : audition des témoins et des suspects, recherche des pièces à
conviction, etc. Mais le dossier d'enquête qu'ils constituent de ce chef ne peut avoir
aucune influence sur le déroulement des débats judiciaires.
De même que dans notre procédure civile, le demandeur doit rechercher les
preuves de ses prétentions, et, s'il s'agit de preuves par témoignages, doit faire toutes
diligences utiles pour trouver les témoins nécessaires mais ne peut utiliser comme
preuves, les attestations qu'il aurait obtenues unilatéralement de ces témoins, de
même en procédure pénale anglo-saxonne, le ministère public ou l'organe officiel
qui en tient lieu, doit rechercher les témoins susceptibles d'établir la culpabilité, mais
ne peut faire usage comme preuves des dépositions unilatérales qu'il a recueillieis:
dans les pays anglo-saxons au pénal, comme cela se pratique dans les pays euro-
péens au civil, le demandeur doit produire ses témoins devant le juge qui les entend
contradictoirement.
Le cloisonnement entre l'information et l'instruction judiciaire est tel que
le dossier d'information ne peut même pas être communiqué au juge à peine de nullité.
Les règles de procédure gouvernant l'exercice de la justice pénale anglo-saxonne
sont beaucoup moins formalistes que les nôtres. Elles se bornent à organiser l'examen
judiciaire contradictoire des témoins et autres preuves ; tout au plus prévoient-elles,
pour les affaires équivalant en importance à celles donnant lieu chez nous à
instruction judiciaire, deux débats successifs, l'un préalable à la mise en accusation,
l'autre préalable au jugement.
Mais tout le formalisme se concentre dans la détermination des règles d'adminis-
tration de la preuve; les « rules of evidence ». Celles-ci sont définies avec une

10
minutie extrème : ·en ce qui concerne plus particulièrement les témoignages, elles
exigent non seulement que tout témoin soit entendu contradictoirement par le juge,
mais en plus elles précisent de manière rigoureure le mode d'examen des témoins :
interrogatoire par les parties, interdiction de poser des questions impliquant une
réponse déterminée (leading questions) lors de l'interrogatoire au principal, etc.
En:Hn, elles délimitent strictement la notion même de témoignage en justice : interdic-
tion de relater les faits irrelevants à la cause, les simples opinions ; proscription du
témoignage indirect (Hearsay evidence).
L'examen contradictoire des témoins est, dans les pays anglo-saxons, in~niment
plus que l'information, travail préliminaire sans portée judiciaire, bien plus que le
réquisitoire et la plaidoirie, beaucoup moins développés en fait que chez nous, la
substance même de toute la procédure pénale, le champ clos où s'affrontent l'accu-
sation et la· défense, la source essentielle de la conviction du juge ( 1).

CHAPITRE II

CRITIQUE nu SYSTEME INQUISITORIAL D'INSTRUCTION


PREPARATOIRE.

5. - POSITION DU PROBLEME. - La règle de la séparation


des pouvoirs a été conçue en vue de protéger les individus contre l' ar-
bitraire étatique et il est évident que dans la mesure où elle empêche
le même représentant de l'autorité publique d'être juge de la cause
où il est partie, elle constitue une admirable méthode de sauvegarde
des droits et libertés individuels.
Le système inquisitorial enfreignant dans une large mesure les
impératifs découlant de cette règle, on pourrait croire que c'est dans
le domaine de la protection de l'individu contre l'arbitraire du pou-
voir que se manifestent les vices les plus graves de l'instruction pré•
paratoire. Or, il n'en est rien, et cela pour une raison fort simple: les
intérêts de l'Etat partie, en procédure pénale, de même que la mission
de juger, sont conlfiés à un corps de magistrats indépendants dont
l'action est entièrement dirigée vers l'exercice d'une justice pénale
équitable et objective : l'indépendance du ministère public et de la
magistrature d'instruction, corrigent dans une large mesure le défaut
de garanties qui entache les formes de procédure.
Ceci ne signifie toutefois pas que la procédure d'instruction soit
exempte de critiques extrêmement sérieuses et motivées. Mais, et c'est
là un point qui mérite à notre sens d'être souligné, il y a lieu de placer
ces critiques sur le plan de la technique juridique beaucoup plus que
sur celui de la protection des droits constitutionnels.
Une procédure judiciaire bien conçue doit tendre d'une part à sa-
tisfaire le plus rapidement et le plus efficacement possible toute de-

( 1) Cf, sur cette m:atiè:re·, · J, Hoeffler. Procédure pénale anglo.-saxonne.

11
mande légitime et d'autre part à assurer le maximum de garanties de
nature à protéger la défense contre toute demande non fondée, Cet
idéal ne peut être atteint que si la procédure est simple et pratique en
ses formes, rigoureuse et inébranlable sur le chapitre de l'administra-
tion de la preuve.
Or, la procédure inquisitoriale est exactement à l'opposé de cet
idéal : elle est lourde, complexe, inextricable dans ses formes, som-
maire et dépourvue de garanties .dans le choix et l'utilisation des
éléments de preuve.
Pourquoi en est-il ainsi et ces défauts sont-ils irrémédiables ?

6. - LES EXIGENCES DE L'INFORMATION DE POLICE


JUDICIAIRE. - L'information, c'est-à-dire la recherche des maté-
riaux permettant de bâtir une accusation, est nécessairement dominée
par le souci d'identifier le coupable, de le saisir et de le confondre. Il
s'agit d'un combat où il importe de forcer l'anonymat d'un criminel,
de déjouer ses manœuvres, de dérouter sa défense, de suivre des
pistes, recueillir des indices, obtenir le concours de témoins souvent
réticents ou de mauvaise foi.
La nécessité de découvrir les charges a manifestement le pas sur
l'appréciation objective de la valeur de celles-ci, l'intuition du chas-
seur l'emporte sur le scepticisme serein de l'homme de loi.
On doit certes à tout prix exiger que la police judiciaire respecte
les règles du jeu, qu'elle ne viole aucun droit individuel garanti par la
loi, mais on ne peut manifestement pas lui demander, alors qu'elle
doit avant tout protéger les intérêts de la Société contre les entre-
prises criminelles, au cours d'une lutte acharnée contre les ennemis de
cette Société, qu'elle pèse les preuves de culpabilité avec la sereine
objectivité du juge.
De plus, comme l'information est un combat dangereux contre un
ennemi susceptible de rendre coup pour coup, on ne peut raisonnable-
ment exiger que ce combat soit livré visière levée, que le coupable soit
obligeamment tenu au courant des progrès de l'information et des in-
tentions de ses poursuivants.
L'information est dès lors, de par sa nature même, guidée par les
besoins de la répression, par les nécessités de l'accusation.
Quatre conditions forment les indispensables fondations de son
succès: l'officier de police judiciaire doit jouir d'une grande liberté
d'action pour rechercher les preuves là où elles se trouvent sans
être entravé par des limites territoriales trop étroites : il doit agir
rapidement pour empêcher le coupable de brouiller les traces de son
crime : il doit laisser l'intéressé dans l'ignorance la plus complète pos-
sible des résultats qu'il a obtenus dans son enquête comme des mesures
qu'il se prépare à prendre; il doit enfin accueillir tous les renseigne-
12
ments susceptibles de lui être utiles, quelle que soit leur valeur ou leur
portée réelle.
Toutes ces conditions soulignent le caractère nécessairement
unilatéral et dépourvu de formalisme de l'information. Celle-ci re-
présente l'ensemble des moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics
agissant en tant que partie demanderesse au procès pénal, en vue .de
déférer à la justice le criminel, défendeur à ce procès. L'information
n'appartient à la procédure judiciaire ni par son objet, ni par ses
méthodes. Elle est, de par sa nature, une opération administrative, re-
levant comme telle de l'exécutif, destinée à préparer la procédure judi-
ciaire pénale, par la réunion des matériaux nécessaires à l'exercice de
l'action publiqµe.

7. - LES EXIGENCES DE LA JUSTICE PENALE. - Lors-


que le policier a identifié celui qu'il croit être le coupable et a réuni
contre lui le maximum possible de charges, qu'il a constitué un dossier
complet d'accusation, son rôle est terminé et celui du juge commence.
A ce moment débute aussi la procédure judiciaire véritable. L'objet
des poursuites change en même temps radicalement de nature.
Il ne s'agit plus d'identifier et de confondre un dangereux coupable
en liberté, mais bien d'apprécier en toute objectivité la valeur des
charges rassemblées contre un prévenu, n'ayant plus pour assurer sa
défense et échapper éventuellement au châtiment, que les garanties
que la loi met à sa disposition.
Pour que ce nouvel objectif soit atteint de manière satisfaisante,
il faut que les charges préalablement réunies soient produites et exami-
nées au grand jour, soumises à la discussion de tous les intéressés,
analysées scrupuleusement et sans idée préconçue, pesées et mesurées
quant à leur pertinence et leur valeur probante, tant juridique que
concrète.
Toutes ces exigences ne peuvent être réalisées qu'au sein d'une
procédure judiciaire rigoureusement contradictoire, au cours de la-
quelle les pièces à conviction et les témoins sont examinés en vue non
plus de recueillir tous les indices possibles de culpabilité mais bien
d'apprécier dans quelle mesure ils constituent la preuve valable et
indubitable de cette culpabilité.

8. - IMPOSSIBILITE DE CONCILIER LES EXIGENCES


CONTRADICTOIRES DE LA POLICE JUDICIAIRE ET DE
LA JUSTICE PENALE AU SEIN D'UNE MEME PROCEDURE.
- L'information de police judiciaire et l'examen juridictionnel des
preuves sont donc deux opérations dont les exigences sont radicale-
ment opposées. L'une est fondée sur l'esprit d'initiative et la célérité,
l'autre sur le scepticisme critique et l'analyse sereine; la première est
par nature unilatérale et secrète, la seconde contradictoire ; la pre-
13
mière est étrangère à la procédure judiciaire, la seconde en constitue la
base fondamentale.
La réunion de ces deux opérations au sein d'une même procédure
judiciaire gouvernée nécessairement par des -règles uniformes pose dès
lors le redoutable problème de la conciliation de leurs exigences res-
pectives.
Cette conciliation étant manifestement irréalisable dans le respect
des unes et des aùtres, elle ne peut être que le résultat d'un compromis
qui sacrifie certaines caractéristiques fondamentales de chacune des
deux opérations en cause.
Ce compromis réside dans l'enquête wnilatérale effectuée par le
magistrat instructeur ou sous sa direction, suivie de la discussion con-
tradictoire du dossier d'instruction par les parties.
Ce système présente un double inconvénient : d'un côté il subor-
donne l'information de police au tiormalisme de 1a procédure judi-
ciaire; de l'autre côté il exclut l'examen judiciaire contradictoire des
témoignages.
Nous allons examiner ci-après quelques unes des conséquences
de la situation ainsi décrite.

9. - PERTURBATIONS APPORTEES PAR LE SYSTEME


INQUISITORIAL DANS LE DEROULEMENT NORMAL DE
L'INFORMATION DE POLICE JUDICIAIRE. - L'incorporation
de l'information de police à la procédure judiciaire d'instruction su-
bordonne l'exercice de la police judiciaire à certaines règles rigoureu-
ses de forme et de procédure propres à l'administration de la justice,
lesquelles ne s'imposent pas sur le plan strict de la recherche des
infractions et de leurs auteurs ( 1) ; elle entraîne, d'autre part, divers
inconvénients dans l'organisation administrative de celle-ci.
Nous en citerons deux exemples.
1° La nécessité cl' accomplir des actes de pure recherche, des
perquisitions, par exemple, impose parfois la mise en mouvement pré-
maturée de l'action publique, le déclenchement de l'appareil judiciaire,
alors qu'aucun prévenu n'a encore été identifié (cf. infra n° 90).
ze Certaines exigences de la procédure judiciaire amènent des
perturbations dans le développement régulier de l'information : il
sulffit de mentionner les interruptions que subit celle-ci parce que
le juge d'instruction doit se dessaissir de son dossier pour la con-
firmation mensuelle du mandat d'arrêt (2).
( 1) Nous faisons évidemment allusion ici aux formes inhérentes à l'exercice de la justice et non aux
dispositions protectrices des droits individuels, telles que l'autorisation de justice préalable à une
perquisition, lesquel1es peuvent d'ailleurs être instituées, comme en droit anglo-saxon, san_,5 incorpora-
tion de l'information de police à une procédure judiciaire (cf. infra n° 90).
(2) Cf. H. Buch. La 'réforme de l'instruction pénale, p. 41.

14
La complexité de la procédure de type inquisitorial ·contribue
enfin, certainement, à ralentir l'instruction des affaires pénales : la
,célérité remarquable des poursuites dans les pays où règnent les
formes plus simples de la procédure accusatoire apporte, eri tout cas,
un sérieux argument à l'appui de cette opinion ( 1). · ·

10. - ATTEINTES PORTEES PAR LE SYSTEME INQUI-


SITORIAL AU PRINCIPE DE L'EXAMEN CONTRADICTOIRE
DES PREUVES. - Le maintien du système inquisitorial issu du
code d'instruction criminelle a pour inconvénient majeur l'exclusion
de tout examen contradictoire des témoins au cours, de l'instruction
préparatoire.
La base de la conviction des juridictions d'instruction réside dans
le dossier d'information ou d'instruction, c'est-à-dire dans un recueil
de documents écrits relatant les déclarations faites unilatéralement par
les témoins à la police ou au juge d'instruction.
Les prérogatives de la défense, en ce qui concerne la discussion
des preuves, se trouvent dès lors réduites à la faculté de prèndre con-
naissance des procès-verbaux de l'enquête réaHsée en dehors d'elle et
d'en tirer le meilleur parti possible en plaidoirie.
Or, la discussion du dossier, à laquelle se limite le droit à la
contradiction reconnu au prévenu, ne peut être considérée comme
garantissant le principe de l'examen contradictoire des preuves : la
déposition écrite d'un témoin recueillie unilatéralement, même soumise
après coup à la critique de la défense, n'en reste pas moins un simple
commencement de preuve de valeur très discutable : la preuve réside
dans le témoignage lui-même, c'est-à-dire dans la reproduction ver-
bale par -Je témoin de ses souvenirs et non dans la cristallisation d'une
partie de ceux-ci sous une forme écrite plus ou moins fidèle : la pro-
cédure civile rejette les attestations, tenues à bon droit pour suspectes
et exige une enquête contradictoire : comment peut on admettre en
matière pénale un mode de preuve si dangereusemént incertain qu'il
est rejeté en matière civile ? Une attestation, même recueillie .dans un
procès-verbal ne peut être considérée comme une relation exacte ni
surtout comme une reproduction complète du témoignage : aucun
témoin n'est capable d'évoquer spontanément tous ses souvenirs rela-
tifs à une affaire et de faire un exposé reproduisant fidèlement tout
ce qu'il sait à ce propos; les question posées, en attirant son attention
sur tel ou tel point déterminé ont une influence essentielle sur l'orien-

( l) En Angleterre, un délit mineur est dans la grosse, majorité des cas, jugé dans les vingt--quatre
heures qui suivent sa constatation et les affaires d'assises ne requihent, sauf cas exceptionnels.
guère plus de quatre mois entre la date de l'inculpation et celJe de l'arrêt (cf. J. Hoeffler, Procé•
dure pénale anglo-saxonne, n° 48).

15
tation et la portée de ses déclaration: il peut se tromper, mentir, défor-
mer les faits, commettre des confusions: l'enquêteur, préoccupé à
juste titre de confondre l'inculpé, aura toujours tendance, en toute
bonne foi, à ne faire appel qu'à la partie des souvenirs du témoin
susceptible de servir l'accusation. Il assume, en outre, la responsabilité
de rédiger le compte rendu des déclarations obtenues, de les résumer,
de faire un choix entre ce qui est essentiel et ce qui lui semble irre-
levant : il possède de ce fait un pouvoir redoutable ; comment pourrait-
on être certain, à la simple lecture du procès-verbal. que rien n'a été
omis, rien oublié, qu'aucune erreur d'interprétation ou de rédaction n'a
été commise 1
Si une juridiction doit former son opinion sur les énonciations d'un
simple procès-verbal de déposition écrite, cela signifie que la loi délè-
gue au rédacteur de ce document, une part essentielle de la mission
juridictionnelle: le droit d'examiner une preuve sous tous ses aspects et
d'en retirer tous les éléments de conviction qu'elle peut receler; cela
implique que l'enquêteur se substitue à cette juridiction dans le con-
trôle des questions à poser au témoin, dans l'interprétation de ses ré-
ponses, voire même dans l'appréciation de la portée et de l'importance
relative de celles-ci : or, le rédacteur du procès-verbal entend le
témoin unilatéralement et en dehors de tout contrôle de la défense ;
le prévenu se trouve, dès lors, empêché d'exercer son droit à la contra-
diction lors de l'examen véritable des preuves invoquées qui servent de
base aux décisions juridictionnelles rendues à sa charge.
L'instruction préparatoire en sa forme originelle assurait encore
au prévenu, à défaut de l'examen contradictoire des témoignages, la
garantie que constitue l'audition des témoins par un juge et dans des
formes judiciaires : selon la lettre du code d'instruction criminelle ( 1)
l'enquête devait être entièrement effectuée par le juge d'instruction
en personne, assisté de son greffier ; il devait entendre tous les témoins
sous serment; il ne pouvait déléguer, et encore dans certains cas
seulement, qu'un autre magistrat de l'ordre judiciaire pour accomplir
cette mission.
Mais l'impossibilité pour le magistrat instructeur d'accomplir seul
la tâche d'information est apparue tellement évidente que la jurispru-
dence a dû sanctionner une pratique coutumière : les réquisitions aux
fins d'enquête adressée par le juge d'instruction aux officiers de police
judiciaire auxiliaires du procureur du Roi, et la loi (2), a finalement
consacré cette pratique ( voy. infra n°" 86 et ss.).
Les exigences de l'information ont, de ce fait, provoqué l'éclate-
ment du cadre formaliste qui paralysait l'exercice de la police judiciai-
re, mais elles ont détruit en même temps certaines des plus précieuses
garanties judiciaires qui entouraient l'instruction préparatoire.

( 1) lnstr. 71 et ••·
(2) L. T avril 1919 (officiers et agents judiciaires près les parquets) art. 10.

16
Dans le but de remédier à cette situation préjudiciable, il a été
proposé d'introduire la règle de la contradiction au sein de l'instruction
préparatoire : Le législateur français s'est partiellement engagé dans
cette voie par la loi du 8 décembre 1897 qui assure à l'inculpé l'as-
sistance de son conseil lors des interrogatoires et des confrontations ( 1 ) ,
Cette solution est certes susceptible de sauvegarder le droit légi-
time du prévenu à la contradiction, méconnu par le système d'instruc-
tion traditionnel; mais au prix d'une immixion de la défense dans les
opérations d'information, intimement mêlées, au sein de l'instruction,
à l'exercice de la fonction juridictionnelle : Dès lors, le système de
l'instruction contradictoire risque d'entraver l'exercice de la police
judiciaire par l'atteinte qu'il porte au secret légitime des investigations.
Ce danger est si manifeste qu'il a, de notoriété publique, entrainé
en France un développement considérable de l'enquête de police, au
cours de laquelle les prévenus peuvent être interrogés hors de la pré-
sence de leur avocat, au détriment du recours à l'instruction judiciaire
proprement dite, devenue contradictoire (cf. M. Magno]. l'aveu dans
la procédure pénale; Rev. dr. pén. 1950-1951. p. 247 et 248).
Cette pratique est dénoncée comme un abus, mais il est permis de
se demander, comme le signale d'ailleurs M. Magno]. si cet abus n'était
pas inévitable, n'est pas imposé par les nécessités inéluctables de l'in-
formation.
Sur le plan concret, il apparait donc que le respect réel des prin-
cipes de la contradiction dans l'examen des témoignages ne peut se
concilier avec l'instruction préparatoire de type inquisitorial. C'est là,
nous semble-t-il, le grief le plus essentiel que l'on puisse faire valoir
à l'encontre du maintien du système inquisitorial dans notre procédure
pénale.

11. - LE SYSTEME INQUISITORIAL ET LE PRINCIPE


DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DU PREVENU. -
A la base de notre droit pénal se trouve inscrit le principe de la pré-
somption d'innocence du prévenu. C'est au ministère public, partie
demanderesse, qu'il incombe d'apporter la preuve de la culpabilité de
l'inculpé ( 2).
« Cette règle n'est, à vrai dire, nullement particulière à la procé-
dure pénale; elle n'est qu'une application logique du principe tradition-
nel. exprimé par la maxime « actori incubit probatio » : c'est au de-
mandeur qu'incombe le fardeau de la preuve.
Chose curieuse, ce principe indiscutable n'est exprimé ni par la
Constitution, ni par aucune de nos lois pénales; c'est dans le Code civil

( J) Voy. Donnedieu de Vabres. Droit criminel. n°i:1 1286 et ss.


(2) Cass. 23 avril 1951 ; Pas. 1. 581.

17
que nous devons en rechercher la trace, et encore n'y apparait-il que
dans une branche tout à fait particulière, celle des obligations; c'est
l'article 1315 du code civil qui le formule : « Celui qui réclame l'exé-
cution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui que se
prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinc-
tion de son obligation. >
Il est admis que cette disposition s'applique, d'une manière géné-
rale, à tous les domaines du droit ( 1 ) .

Cependant, de nombreux juristes anglo-saxons soutiennent au contraire que


l'instruction préparatoire, telle qu'elle fonctionne dans les pays du continent, repose
sur le principe d'une présomption de culpabilité à charge du prévenu.
A première vue, pareille opinion semble attribuable à un défaut de documentation,
à une analyse insuffisamment fouillée du fonctionnement de nos institutions répres-
sives.
Il est en effet clair qu'aussi bien sur le Continent que dans les pays anglo•
saxons, aucun prévenu n'est inculpé sans que des charges sérieuses pèsent sur lui
et aucun accusé n'est condamné sans que la preuve de sa culpabilité ne soit rap-
portée.
Cette opinion s'explique cependant si l'on analyse la portée qu'il convient
d'attribuer au principe de la présomption d'innocence et les interprétations respec-
tives qui lui sont données en Grande-Bretagne sur le Continent.
A nos yeux, il est satisfait aux exigences du principe de la présomption d'inno-
cence lorsqu'une condamnation n'intervient que si le ministère public, avec l'aide
du juge d'instruction, a réuni un dossier contenant des charges suffisantes et a réussi
à démontrer, sur base de ce dossier, le bien fondé de l'accusation. Il ne serait
porté atteinte à ce principe que si un suspect se trouvait inculpé sans charges
sérieuses, à partir d'un simple soupçon, et devait, pour se disculper, démontrer maté-
riellement son innocence.
Ainsi conçu, le principe de la présomption d'innocence s'identifie somme toute
au respect élémentaire des droits de l'homme tels qu'ils sont garantis dans toutes les
nations civilisées. Toute sanction pénale est, en effet, une atteinte à l'intégrité de la
personne de celui qui la subit et il est évident que pareille atteinte ne peut être tolérée
que s'il est démontré, au préalable, que l'intéressé a commis les actes que la loi
réprime de cette manière.
Le droit anglo-saxon conçoit le principe de la présomption d'innocence d'une
manière infiniment plus sévère: Il estime que ce principe n'est respecté que si la
preuve de la culpabilité a été rapportée conformément aux « Rules of evidence » (2).
Nous ne pouvons envisager, dans le cadre de cet ouvrage, de donner un exposé
même succint, des règles extrêmement complexes qui gouvernent l'administration
de la preuve en droit anglo-saxon. Signalons cependant que ces règles, tout en étant
fondées, comme les nôtres, sur le principe de !'«intime conviction» du juge, défi-
nissent de manière très stricte les preuves admissibles, les seules auxquelles le juge
peut avoir égard pour former sa conviction.
La preuve par témoignages, notamment, essentielle en matière pénale, ne peut
être administrée que par l'audition contradictoire des témoins en justice.

(1) Voy. DE PAGE. Traité élémentaire de droit civil belge, III, 710 et 726.
(2) Règles d"administration de la preuve.

18
Le témoin lui-même ne peut relater que ce qu'il sait de science personnelle, à
l'exclusion de tout témoignage indirect ( « Hearsay evidence »). Enfin, tout procès--
verbal d'audition établi unilatéralement par l'accusation est rigoureusement écarté
des débats.
Les témoignages recueillis par écrit au cours de l'information de police ne sont,
de ce fait, pas considérés comme cks preuves ; ils n'ont juridiquement aucune valeur,
même à titre de simples présomptions. Il en serait rigoureusement de même d'un té-
moignage écrit acté par un juge sans que la défense ait pu contre-interroger le témoin.
Le dossier d'instruction tel que nous le concevons n'aurait aucune valeur probante
dans les pays de droit anglo-saxon ; il ne pourrait même pas en être fait état devant
un tribunal, à peine de nullité de la procédure.
Le point de vue des juristes anglo-saxons s'explique dès lors à la lumière des
règles qui gouvernent le droit d'Outre-Manche: Ils estiment qu'en se bornant à
produire, à charge de l'accusé, le dossier d'instruction, le ministère public des pays
continentaux ne rapporte pas la preuve de la culpabilité, au sens où ils conçoivent
la notion de « preuve » en matière pénale. Ils estiment dès lors que le prévenu, qui se
volt confronté, dès l'ouverture du procès, avec un faisceau de charges rassemblées
unilatéralement et sans possibilité de contradiction, charges pouvant entrainer sa
condamnation s'il ne parvient pas à se disculper, se voit sous le coup d'une pré-
somption de culpabilité, présomption qu'il ne peut renverser qu'en démontrant
l'inexactitude de ces charges ou en rapportant la preuve matérielle de son inno-
cence.
Somme toute, nous concevons le principe de la présomption d'innocence d'une
manière plus philosophique que juridique, plus théorique que positive. Nous en fai-
sons une règle de conduite doctrinale, mais non une exigence de procédure, sanction•
née par la loi. L'accent est mis sur la nécessité de réunir des charges suffisantes et
oon sur la manière dont ces charges sont établies et peuvent être discutées.
Les juristes anglo-saxons, au contraire, envisagent le principe de la présomption
d'innocence comme une règle de procédure concrète, mise en œuvre sur le plan positif
et pratique. Leurs préoccupations s'attachent essentiellement aux méthocks selon
lesquelles la preuve exigée doit être rapportée.
Dans ces conditions, il est évident que tout le monde a raison, chacun selon
son point de vue. Mais ces développements attirent à nouveau notre attention sur
la grave lacune de notre procédure pénale, que nous avons signalée (supra n° 10):
Notre système de procédure admet à titre de preuves des témoignages recueillis uni-
latéralement par une partie ( 1); il confère de ce fait à cette partie un avantage con-
sidérable dans l'administration de la preuve qu'elle doit rapporter. Cet avantage
équivaut en pratique à faire bénéficier cette partie d'une présomption en faveur de
sa thèse. Sur le plan du droit positif, de la stricte technique procédurale, il n'y a
donc rien d'anormal à soutenir que le système inquisitorial d'instruction préparatoire,
parce qu'il fait du dossier d'instruction un instrument de preuve, crée une présomption
favorable au bénéfice de l'accusation.

(1) Rappelons que le juge d'instruction, s'il ne s'identifie pas à la partie publique, accomplit sa mission
d'information sous la surveillance de celte-ci. Lorsqu'il informe. il n"agit pas comme Juge, mais
comme officier de police judkialre.

19
TITRE PREMIER

Les organes de l'instruction préparatoire

12. - GENERALITES. - Les organes de l'instruction prépara-


toire, ou, en d'autres termes, les officiers publics et les autorités judi-
ciaires intervenant dans le déroulement de cette procédure, sont essen-
tiellement :
1° Les officiers du ministère public c'est-à-dire le Procureur géné-
ral près la Cour d'appel et le Procureur du Roi.
2° Le juge d'instruction.
3° Les auxiliaires du ministère public en matière de police judi-
ciaire.
4° Les juridictions d'instruction, c'est-à-dire la chambre du conseil
et la chambre des mises en accusation.
Il convient de distinguer, parmi ces organes de l'instruction prépa-
ratoire, ceux qui assument un rôle actif et ceux qui exercent une
mission de contrôle.
a) Le juge d'instruction, le procureur du Roi et ses auxiliaires
de la police judiciaire contribuent directement à l'accomplissement de
l'instruction.
Le juge d'instruction est responsable de l'ensemble de l'instruc-
tion judiciaire proprement dite. Il partage en outre, avec le procureur
du Roi, la direction de l'information de police judiciaire. Les auxi-
liaires du procureur du Roi exécutent, sous la direction tantôt du juge
d'instruction, tantôt du procureur du Roi, la majeure partie des actes
d'information (auditions de témoins et de suspects, perquisitions, sai-
sies, etc.).
b) Le procureur général, le procureur du Roi, la chambre du
conseil et la chambre des mises en accusation participent tous, à divers
titres, au contrôle de l'instruction préparatoire.

13. - PLAN. - Il n'est pas aisé de décrire selon un plan soit peu
rationnel les divers organes de l'instruction préparatoire, compte tenu
de l'enchevêtrement de leurs compétences et de leurs attributions res-
pectives ainsi que des relations complexes existant entre les uns et les
autres: Ainsi, par exemple, il convient d'étudier globalement l'insti-
21
tution du ministère public et. par conséquent, d'analyser simultanément
les fonctions du procureur général et celles du procureur du Roi. Mais
si l'on désire avoir une vue d'ensemble de l'organisation de la police
judiciaire, il importe d'examiner dans une même étude les attributions
respectives du procureur du Roi, du juge d'instruction et des auxiliaires
du procureur du Roi en matière de police judiciaire. Enfin, la descrip-
tion de la juridiction d'instruction, dans son ensemble, devrait englober
celles de l'institution du juge d'instruction, de la chambre du conseil
et de la chambre des mises en accusation.
La réalisation simultanée de ces diverses synthèses apparaissant
impossible, nous nous sommes vus contraints d'adopter le plan ci-après,
malgré ses déficiences inévitables. Nous diviserons donc notre étude
en six parties :
I. Le ministère public.
II. Le juge d'instruction.
III. Le partage d'attributions et les rapports entre le juge d'ins-
truction et le ministère public.
IV. La compétence et le ressort territorial du procureur du Roi
et du juge d'instruction.
V. Les auxiliaires du ministère public en matière de police judi-
ciaire.
VI. Les juridictions d'instruction.

CHAPITRE PREMIER

LE MINISTERE PUBLIC

14. - NOTION. - Le ministère public, envisagé dans son


ensemble, est un corps de magistrats, hiérarchisé et dépendant du
pouvoir exécutif. Il est placé sous l'autorité et la surveillance du
Ministre de la Justice ( 1) lequel peut lui enjoindre d'exercer des pour-
suites (2) (3).
Le ministère public ne peut, cependant, être assimilé à une admi-
nistration de l'Etat. En vertu d'une tradition séculaire, il constitue un

(1) Loi du 18 juin 1869, art. 151. 15-t et 155.


(2) C. lnstr. crlm., art. 27-t.
(3) Mals il importe de souligner que le Minist.., de la Justice n'est pas lul•meme organe du mlnlathe
public: Si le procureur gtntral n'obtit pas à son injonction d'intenter des poursuites, il peut user
de aon pouvoir disciplinaire ( Constitution, 101 ) mals il ne peut pas se substituer au chef du parquet
gtntral dans l'exercice des poursuites. (Le seul exemple du conflit grave entre le Minlst,,. et le
procureur gtntral est celui du difft,,.nd ayant oppost, au sitcle dernier, le Ministre Bara au Procu•
reur gtntral de Bavay).

22
corps autonome, entièrement distinct de l'organisation administrative
et dont les membres sont des magistrats, jouissant, sauf en ce qut
concerne l'inamovibilité, le mode de nomination et le principe hiérar-
chique, d'un statut identique à celui des conseillers et juges des cours
et tribunaux.
Les organes du ministère public se voient accorder une très
large indépendance pratique dans l'accomplissement de leur mission:
ils tiennent leurs pouvoirs de leur fonction elle-même, en vertu d'une
délégation de la Nation et non d'une délégation ministérielle ( 1).
L'intervention du Ministre de la Justice dans l'exercice des pour-
suites est, en fait, assez rare. D'autre part, de nombreux auteurs s'ac-
cordent à dire que si le Ministre peut contraindre le ministère public
à intenter l'action publique, il ne peut intervenir pour arrêter ni inter-
rompre des poursuites ( 2).
Cette règle semble, cependant, contredite par diverses circulaires du Ministère
de la Justice (3) enjoignant aux officiers du ministère public de soumettre au référé
préalable du Ministre l'exercice des poursuites en matière d'infractions commises
par un Belge à l'étranger, de délits politiques et de presse. Il n'est cependant pas
douteux qu'une action intentée sans tenir compte de ces instructions serait parfaite-
ment valable, encore qu'une telle initiative pourrait entrainer des mesures discipli-
naires.
L'organisation du ministère public est établie en fonction de
celle des cours et tribunaux, chaque officier étant attaché, selon son
rang, à une juridiction déterminée auprès de laquelle il représente
son office (cf. toutefois infra n° 18).
Les officiers du ministère public sont subordonnés les uns aux
autres dans l'exercice de leurs fonctions ( 4); ce lien de subordination
n'a toutefois, pas le même caractère dans tous les cas : Le procureur
général près la Cour de cassation n'exerce sur les procureurs généraux
près les Cours d'appel qu'une surveillance d'ordre doctrinal; il leur
signale les irrégularités qu'il constate dans les procédures soumises à la
Cour (5). Par contre, le procureur général près la Cour d'appel est
spécialement et personnellement chargé de toutes les fonctions du
ministère public ; les autres officiers du ministère public ne participent
à l'exercice de ces fonctions que sous sa direction ( 6); le Ministre de
la Justice transmet d'ailleurs ses instructions aux procureurs généraux
près les cours d'appel directement, et non par l'intermédiaire du procu-
reur général près la Cour de cassation.
On admet toutefois que la subordination des officiers du ministère public à leurs
supérieurs ne se manifeste qu'à l'égard des réquisitions et autres écrits qu'ils sont

(1) Voy. Mercuriale prononcte le 15 septembre 1936 par M. le Procureur gtntral Hayolt de Terml•
court.
(2) Voy. Rtp. prat. dr. B.. yO Ministère public, n• 34: v• Proctdutt ptnale, n• 173.
13) Circulaires de 1831, 18i7, 1858, 1878 : voy. Rtp. prat. dr. b., v" Ministtre public, ,:,• 383.
(4) Loi du 18 Juin 1869, art. 154.
(S) Voy. Rtp. prat. dr. B., v• Ministère public. n• 34.
(6) Loi du 20 avril 1810, art. 45 : dtcret impérial du 6 Jufllet 1810, art. 42.

23
amenés à signer ; chaque officier recouvre son indépendance lorsqu'il prend la parole
à l'audience. Cette règle provient d'une tradition de l'ancien droit, exprimée dans la
maxime : « la plume est serve, la parole est libre » ( 1).

SECTION I"
Le Procureur général près la Cour d'appel

15. - PRINCIPES. - Le Procureur général est, dans le ressort


de la Cour d'appel auprès de laquelle il exerce ses fonctions. investi
de la plénitude des attributions du ministère public ( 2) . Tous les
officiers du ministère public et les officiers de police judiciaire de son
ressort sont placés sous sa surveillance et sous son autorité hiérar-
chique (3).
Il convient de distinguer, dans l'activité du procureur général,
deux parts différentes :
1° En tant qu'officier du ministère public près la Cour d'appel,
il intervient personnellement ( 4) dans toute procédure de la compé-
tence de la Cour où son intervention est légalement requise ou se
justifie; c'est ainsi qu'il exerce l'action publique en degré d'appel en
matière correctionnelle; qu'il intervient dans la procédure de mise
en accusation ; qu'il exerce les poursuites en degré unique d'instance
à charge des magistrats et fonctionnaires jouissant d'un privilège de
juridiction ( 5).
2° En tant que chef du ministère public dans le ressort de la Cour
d'appel, il dirige, surveille et coordonne l'activité du ministère public
dans toute l'étendue de celui-ci; mais il n'entreprend pas lui-même
les enquêtes et poursuites dont la connaissance appartient aux juridic-
tions inférieures : Il enjoint aux officiers du ministère public placés
'iOUs son autorité d'accomplir les actes de police judiciaire ( 6) ou de
poursuite (7) qu'il juge nécessaires, mais il ne substitue pas à eux
dans l'exercice du ministère public et de la police judiciaire; son
action se manifeste ici uniquement par délégation.
Le contrôle du procureur général sur les officiers du ministère
public auprès des juridictions inférieures s'exerce de différentes ma-
nières:
En premier lieu, il transmet par voie de circulaires ou autrement
des instructions générales concernant l'organisation du service. les

( 1) Voy. Rép. prat. dr. B .. v 0 Ministère public, n• 12.


(2) Loi du 20 avril 1810. art. 45; décret impérial du 6 juillet 1810, art. 42.
(3) Loi du 18 juin 1869, art. 151 et 155.
(1-) C'est-à-dire, soit personnellement, soit par l'organe d'un des membres de son parquet (infra n° 67).
(5) C. instr. crim., art. 479 et ss.
(6) C. instr. crim., art. 27.
(7) C. instr. crim .. art. 274.

24
règles à suivre et les lignes directives à respecter dans la recherche et
la poursuite des infractions.
En second lieu, il charge les officiers compétents, soit d'office,
soit sur l'ordre du Ministre de la Justice, de poursuivre les infractions
dont il a connaissance ( 1); il reçoit les dénonciations et les plaintes
qui lui sont adressées directement, soit par la Cour d'appel, soit par un
fonctionnaire public, soit par un particulier et il en tient registre : il
les transmet à l'officier du ministère public compétent avec ses instruc~
tions (2).
En troisième lieu, il reçoit les rapports ( 3) et notices ( 4) qui lui
sont transmis en matière criminelle, correctionnelle ou de police et il
adresse les directives voulues.
Devant la Cour d'assises, le procureur général (5) peut soit occu-
per lui-même le siège du ministère public, soit déléguer à cette fin un
membre du parquet de première instance ( 6).

16. - LE PROCUREUR GENERAL PEUT-IL EXERCER PERSONNEL-


LEMENT LES FONCTIONS CONFIEES A SES SUBORDONNES? - Le fait
que l'action du procureur général ne se manifeste souvent que par délégation impli-
que-t-il que ce magistrat ,n'a pas qualité pour accomplir lui-même les actes de
la compétence normale des officiers du ministère public auprès des juridictions infé-
rieures? En d'autres termes, la répartition d'attributions entre le procureur général
d'une part, et les officiers du ministère public près les tribunaux correctionnels ou
de police d'autre part, doit-elle être considérée comme une simple division pratique
du travail, comme une disposition d'ordre intérieur, ou bien comme une véritable
détermination légale de compétence : Le procureur général pourrait-il, par exemple,
procéder à une information relative à un délit, citer le prévenu devant Je tribunal
correctionnel, requérir devant celui-ci l'application d'une peine? L'état de nos
textes légaux ne permet de donner à cette question aucune réponse décisive: D'une
part, en effet, l'article 42 du décret impérial du 6 juillet 1810 attribue spécialement
et personnellement aux procureurs généraux toutes les fonctions du ministère public ;
d'autre part, l'article 152 de la loi du 18 juin 1869 confie spécialement à un substitut
du procureur général, désigné à cet effet et assisté de substituts qui lui sont attachés
personnellement, sans posséder la qualité. de substituts du procureur général, l'exer-
cice des fonctions du ministère public auprès des tribunaux de première instance,
tandis que l'article 153 de la même loi investit des fonctions du ministère public
auprès du tribunal de police soit le commissaire de police, soit le bourgmestre ou
un échevin. Enfin, le procureur général n'a pas la qualité d'officier de police judi-
ciaire (7), ce qui implique qu'à supposer qu'il puisse exercer l'action publique devant
les juridictions infériwres, il ne serait, en tout cas, pas qualifié pour procéder
lui-même aux recherches nécessaires à l'intentement de celle-ci. Dans le même ordre

(1) lnstr. 274.


(2) lnstr. 275.
(3) lnstr. 27.
(4) Instr. 249.
(5) C'est--à--dfre un des membres du parquet géntral d non, bien entendu, nécessairement le procureur
général en personne.
(6) De l'arrondissement où siège la Cour d'assises (loi du 30 avril 1919. art. 9).
(7) Le procureur général ne fi9.ure pas dans la liste: des officiers de police judiciaire établie restric ..
tivement par l'art. 9 du code d'instruction criminelle. Il arrive cependant exceptionnellement que Je
procureur général puisse remplir les fonctions d'officier de police judiciaire (voy. not. c. instr .•
art. 330).

25
d'idées, la jurisprudence ( 1) a décidé que le procureur du Roi n'avait pas qualité
pour exercer l'action publique en matière de police, sauf en degré d'appel; il est
vrai que le procureur du Roi n'est pas, comme le procureur général, investi de la
plénitude des attributions du ministère public. D'autre part, la loi du 15 juin 1899,
loi organique de la procédure pénale militaire, a résolu le problème posé, en ce
qui concerne le parquet militaire, dans le sens de la compétence illimitée de
l'auditeur général: Celui-ci recherche et poursuit toutes les infractions de la compé-
tence de la Cour militaire ou des conseils de guerre (2); il peut accomplir lui-mt'me
toutes les fonctions de la compétence des auditeurs militaires; il a le droit d'occuper
devant les conseils de guerre le siège du ministère public (3). Les travaux prépara-
toires de cette loi révèlent que le législateur était soucieux de préciser les pouvoirs
de l'auditeur général afin d'éviter, en ce domaine, l'incertitude qu'il avait constatée
à propos de la compétence du procureur général (4).

Enfin, l'arrêté-loi du 23 novembre 1945 a inséré, dans la loi du 18 juin 1869,


un article 205bis nouveau permettant la délégation temporaire par le procureur
général d'un magistrat de son parquet dans un parquet de première instance de
son ressort (cf. infra n° 18).
A notre sens, le procureur général pourrait accomplir personnellement les actes
de la compétence du procureur du Roi, à l'exclusion, cependant, des actes de police
Judiciaire. En effet, la loi précise clairement que le procureur du Roi est un sub-
stitut du procureur général investi d'une délégation spéciale (5) ; toutefois, il tient
ses pouvoirs de police judiciaire d'une disposition particulière et limitative de la loi (6).
Par contre, le procureur général ne pourrait agir personnellement en matière de
police, car l'officier du minstère public près le tribunal de police exerce sa
mission non pas en qualité de substitut du procureur général, mais en vertu de la
loi (7) (8).

17. - LE PARQUET GENERAL. - LE PRINCIPE DE


L'INDIVISIBILITE DU PARQUET. - Le procureur général est
assisté par des substituts qui exercent leurs fonctions sous sà surveil-
lance et sa direction ( 9). Certains de ces substituts portent le titre
d'avocat général et le plus ancien de ces derniers celui de premier
avocat général. Le procureur général répartit entre eux les diverses
tâches qui découlent de ses attributions. En principe, les avocats
généraux sont chargés du service des audiences de la Cour ( 10). tandis
que les substituts se voient confier les autres missions se rattachant
à leur office ( 11 ) . En pratique, la répartition est faite selon les néces-
sités du service. L'ensemble des magistrats groupés autour du pro-
cureur général forme le parquet du procureur général ou parquet géné-
ral près la Cour d'appel.

(1) Cass. 6 dtc. 1926, Pas. 27. 1. 97.


(2) Loi du 15 juin 1899, art. 122.
(3) Loi du 15 Juin 1899. art. 123.
(of) Voy. Rtp. pr. dr. B., v 0 Justice militaire. n• 502.
(5) Loi du 18 juin 1869, art. 152.
(.6) lnstr. 9.
(7) Loi du 18 Juin 1869, art. 153.
(8) Voy. note sous Cass. 7 juin 1875; Pas. 1. 288.
(9) Lot du 18 Juin 1869, art. 151.
(10) Oter. imp. 6 Juillet 1810. art. ,f,J.
(Il) Oter. imp. 6 Juillet 1810, art. 45.

26
Chacun des membres du parquet représente, dans l'exercice de
ses fonctions, le minstère public tout entier ( 1 ) ; tout substitut du
procureur général est présumé détenir par délégation l'ensemble des
pouvoirs qui sont attribués au procureur général lui-même (2) c'est
ce que l'on appelle le principe de l'indivisibilité du parquet.
Ce principe a donné naissance à quelques difficultés d'interpréta-
tion, car il parait difficilement compatible avec la hiérarchie propre au
parquet. En réalité, il s'explique assez aisément:
Le parquet est, à la fois, un office dans ses rapports extérieurs et
une administration dans son organisation interne.
Comme office, il est représenté dans sa plénitude par chacun des
magistrats qui le composent, car chacun de ceux-ci en est titulaire
indivisible. Vis-à-vis de l'extérieur, chaque substitut est donc l'organe
souverain du ministère public.
Comme administration, au contraire, il est soumis à une hiérarchie
et une discipline très strictes qui placent tous ses membres sous l'auto-
rité du procureur général. L'action de chaque substitut est donc
subordonnée aux directives et au contrôle de ses supérieurs hiérarchi-
ques.
Supposons maintenant qu'un magistrat du parquet accomplisse
un acte contraire aux instructions qui lui sont données par ses chefs:
Cet acte sera juridiquement valable; il pourra cependant toujours
être rapporté dans la mesure où il n'est pas matériellement irrévocable,
car le ministère public n'est que le dépositaire de l'action publique et
il ne peut pas en disposer (3). D'autre part, le magistrat ayant violé
les instructions données pourra être frappé de sanctions disciplinai-
res ( 4 ).
Une des principales conséquences du principe de l'indivisibilité
est la possibilité accordée aux membres du parquet de se succéder
dans une même affaire sans devoir fournir de justification et sans
qu'il en résulte aucune nullité (5).

SECTION II
Le Procureur du Roi

18. - PRINCIPES. - Le Procureur du Roi est essentiellement


le représentant du ministère public auprès du tribunal de première
instance.

(1) Rép. prat. dr. B .. v• Ministhe public, n• 15.


(2) '1/oy. Cass. 3 juillet 1946 ; Pas. 1. 131.
(3) Rtp. prat. dr. B .. v• Action publlque, n• 5-t.
(of) Rtp. prat. dr. B .. v• Ministtre public, n• 13.
(5) Rtp. prat. dr. B .. v• Ministre public, n°• 16 et ss. ; Cass. 3 sept. 1875, Pas. I. 35-t ; 13 juin 1902 ;
Pas. I. 289; 1-t avril 192-t; Pas. I. 306; 19 avril 192-t Rev. dr. ptn. 527.

27
La fonction du procureur du Roi est attribuée à un substitut du
procureur général qui y est spécialement affecté ( 1 ) . Il est assisté
lui-même par ses propres substituts ( 2). Certains de ceux-ci portent
le titre de premiers substituts et participent plus spécialement, sous
l'autorité du procureur du Roi, à la direction du parquet ( 3).
Lorsque les nécessités du service l'exigent, le procureur général près une Cour
d'appel peut déléguer un magistrat de son parquet ou un magistrat d'un parquet
de première instance de son ressort pour exercer temporairement des fonctions de
ministère public dans un autre parquet du même ressort.
Lorsque les nécessités du service l'exigent, le Ministre de la Justice peut, sur
avis conforme des procureurs généraux compétents, déléguer un magistrat d"un
parquet d'appel ou de première instance pour exercer temporairement des fonctions
de ministère public dans un parquet d'un autre ressort (4).

Chacun des substituts et premiers substituts du procureur du


Roi représente, dans l'exercice de ses fonctions, l'office tout entier ( 5);
tout substitut du procureur du Roi est présumé détenir par délégation
l'ensemble des pouvoirs qui sont attribués à ce magistrat ( 6) et ses
actes engagent le parquet lui-même. Le principe de l'indivisibilité
s'applique au parquet du procureur du Roi comme à celui du procureur
général ( 7) .
Le procureur du Roi est libre d'organiser son parquet comme il
l'entend ( 8); il peut notamment charger certains de ses substituts des
fonctions d'officier de police judiciaire ( 9).
Dans la pratique, l'organisation des parquets est extrêmement variable, en
raison surtout des différences considérables affectant le nombre de magistrats que
comptent ceux-ci, selon leur importance respective ( 10). Dans les grandes villes, la
division du travail est poussée à l'extrême ; certains magistrats sont affectés exclu-
sivement au service des différentes chambres du tribunal, tandis que les autres sont
groupés en sections se consacrant à une branche d'activités ou à l'examen et à la
poursuite d'une catégorie d'infractions déterminées ( 11). Au sein d'une même
section, les affaires sont réparties par roulement entre les substituts et CE.'ux-ci sont,
tour à tour « de service ».

Le procureur du Roi n'a pas de greffier; il tient lui-même ses


écritures ; cependant, il existe auprès de chaque parquet un secrétariat
administratif ( 12). Mais les secrétaires des parquets n'ont pas qualité
pour dresser des actes officiels.

(1) (2) Loi du 18 juin 1869. art. 152.


(3) Loi du 31 juillet 1920, art. 5.
(4) Loi du 18 juin 1869, art. 205bis (arrêté-loi du 23 novembre 1945); Cass. 21 lëvrier 1949 · Pas. I. 159.
(5) Rép. prat. dr. B .. v 0 Ministère public, n" 15.
16) Cass. 3 juillet 1846 ; Pas. 1. 431.
(7) Voy. supra n° 17.
(~) Décr. imp. 18 août 1810, art. 19.
(9) Décr. imp. 18 août 1810, art. 18.
( 10) Le parquet le plus important, celui de Bruxelles, groupe environ 15 magh:trats, tandis que le-t.
plus petits se limitent parfois au procureur du Roi assisté d'un seul substitut.
(11) Crimes et délits contre les personnes, crimes et délits contre les biens. affaires financières,
état-civil, etc.
(12) Loi du 18 juin 1869, art. 157.

28
En matière criminelle, le procureur du Roi exerce l'action publique
au stade de l'instruction seulement; il n'intervient pas dans la procé-
dure de mise en accusation et il ne peut participer à la procédure de
jugement en Cour d'assises qu'en vertu d'une délégation spéciale du
procureur général ( 1). C'est ce dernier qui représente personnellement
la partie publique devant la chambre des mises en accusation et,
sauf délégation éventuelle de ses pouvoirs, devant la Cour d'assises.
En matière correctionnelle, le procureur du Roi exerce l'action
publique au stade de l'instruction ainsi qu'à celui du jugement en pre-
mière instance devant le tribunal correctionnel. Il possède le droit
d'appel concurremment avec le procureur général (2), mais c'est ce
dernier qui exerce personnellement les poursuites en degré d'appel.
En matière contraventionnelle, l'officier du ministère public est
l'organe des poursuites devant la juridiction de première instance, le
tribunal de police ; mais le procureur du Roi seul peut exercer le droit
d'appel reconnu à la partie publique (3) et représenter celle-ci en degré
d'appel.

SECTION Ill
L'officier du ministère public près le tribunal de police

19. - GENERALITES. - Les fonctions du ministère public


près le tribunal de police sont remplies par le commissaire de police de la
commune où siège le tribunal. ou, à défaut, par le bourgmestre, qui peut
se faire remplacer par un échevin ( 4).
La délégation accordée par le bourgmestre à l'un des échevins pour remplir
les fonctions du ministère public près le tribunal de police est subordonnée à l'appro-
bation royale, laquelle peut être retirée le cas échéant (5).
« S'il y a plusieurs commissaires de police, le procureur ~énéral
près la Cour d'appel nomme celui ou ceux d'entre eux qui font le
service ( 6 ) .
» En l'absence du commissaire de police, du bourgmestre et de
l'échevin, le procureur général choisit dans le canton un autre bourg-
mestre ou échevin. » ( Loi du 18 juin 1869, art. 153, al. 2 et 3.)
« Lorsque les fonctions de bourgmestre sont conférées à une femme, les fonctions
d'officier du ministère public près le tribunal de police sont exercées par un échevin
du sexe masculin désigné par un arrêté royal sur la proposition du bourgmestre.

(1) Loi du 30 avril 1919, art. 9.


(2) (3) Jnstr. 202. 4° et 5°.
(4) Loi du 18 juin 1869. art. 153. al. 1er.
(5) A.R. du 10 décembre 1868. art. 1••.
(6) Les commissaires de polict~ adjoints ne peuvent siéger au tribunal de police (R.P.D.B., yo Mini5tère
public. n° 40). Lorsque le commissaire de police est empêché il est remplacé par Un de 6eS
collègues de la même commune (instr. 13) ou, à défaut. par le bourgmestre ou, à défaut, par le
dernier, par un échevin ( instr. 14).

29
> En l'absence de l'échevin ainsi désigné pour remplir les fonctions du ministère
t>ublic, le procureur général choisit dans le canton un autre bourgmestre ou échevin
du sexe masculin.» (Loi du 27 août 1921. art. -4.)
Il n'existe pas, en matière de police, de magistrat instructeur com-
parable au juge d'instruction en matière criminelle et correctionnelle:
L'officier du ministère public est chargé de l'information et de l'exercice
de l'action publique.
La compétence de l'officier du ministère public est déterminée par
celle du tribunal auprès duquel il exerce ses fonctions.
1° Ratione materire, il est chargé de la recherche et de la poursuite
des contraventions ainsi que des délits dont la connaissance est attri-
buée au tribunal de police par l'article 138 du code d'instruction cri-
minelle ( 1 ) ou par des lois spéciales ( 2).
2° Ratione personre, il poursuit les contraventions commises par
toute personne, quelle que soit sa qualité, sous réserve des exceptions
prévues par la loi.
Celles-ci sont moins nombreuses qu'en matière criminelle et correctionnelle, les
privilèges de juridiction prévus par les articles -479 et ss. du code d'instruction
criminelle n'existant pas en matière contraventionnelle et la compétence des juri-
dictions militaires ne s'étendant pas à un grand nombre de contraventions ou de délits
de la compétence du tribunal de police (3).
3° Ratione loci, sont également compétents, pour la recherche et
la poursuite des infractions de police, l'officier du ministère public
du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'inculpé et celui du
lieu où le prévenu a été trouvé ( 4).
Le ressort territorial de l'officier du ministère public, dans ses
fonctions de police judiciaire, ne correspond pas au territoire dans
lequel il exerce ses fonctions du ministère public: Le second s'étend
au canton, ou au groupe de cantons judiciaires soumis à la juridiction
du tribunal de police, tandis que le premier se limite au territoire de
la commune où siège le tribunal.
Cette anomalie provient du fait que l'officier du ministère public tient sa
qualité d'officier de police judiciaire de ses fonctions de ses fonctions de commissaire
de police, de bourgmestre ou d'échevin, et non de ses fonctions du ministère public.
Même dans son propre canton, l'officier du ministère public ne peut donc, le plus
souvent, étendre ses enquêtes que par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire
territorialement compétents.
Au point de vue du caractère d'ordre public, les règles relatives
à la compétence et au ressort territorial de l'officier du ministère public
suivent le sort de celles relatives à la compétence et au ressort territorial
du procureur du Roi et du juge d'instruction (5) (6).
(1) A.R. 8 mars 1936, modifié par les A.L. 11 nov. 1939. A.R. 30 mars 1936. Le législateur a ten-
dance à étendre de plus en plus la compétenc·e du tribunal de police.
(2) Le procureur du Roi conserve le droit de procéder à une information ou de requérir instruction
à l'égard des délits (A.R. 8 mars 1936, art. t••).
(3) Lol du 15 juin 1899, art. 23.
(4) Voy. lnstr. 139.
(5) Concl. M. !'Avocat général Sartinl van den Kerckbove av. Cass. 15 déc. 1930, Pas. 1931. !. 17.
(6) Voy. Infra n°• 41 et 42.

30
Toutefois, l'officier du ministère public, en sa qualité de commissaire de police,
de bourgmestre ou d'échevin, a compétence pour rechercher et constater les crimes
et les délits au même titre que les autres officiers de police judiciaire auxiliaires du
procureur du Roi ( 1).

SECTION IV
Le ministère public militaire et les services officiels chargés d'exercer
l'action publique en certaines matières

20. - GENERALITES. - En vertu de l'article l" de la loi du 17 avril 1878,


l'action pour l'application des peines ne peut être exercée que par les fonctionnaires
auxquels elle est confiée par la loi. Ces fonctionnaires sont, avant tout, les magistrats
- procureurs généraux, procureurs du Roi, officiers du ministère public près les
tribunaux de police - dont nous venons d"étudier les attributions. Cependant, la loi
peut, à titre exceptionnel investir d'autres magistrats ou fonctionnaires d'une par-
celle plus ou moins grande des attributions du ministère public, dont la plénitude est
détenue, en principe, par les titulaires ordinaires de celui-ci.
Il existe, en fait, en dehors des organes ordinaires du ministère public, trois
catégories d'officiers exerçant des fonctions relevant de celui-ci: Ce sont: a) l'audi-
teur général et les auditeurs militaires, b) l'administration des finances etc) l'adminis-
tration forestière. Nous ne pouvons envisager l'étude approfondie de ces divers
offices, car cela risquerait d'étendre trop loin le cadre de cet ouvrage dans des
domaines qui constituent, en fait, des matières spéciales ; nous allons cependant
examiner très brièvement les principales caractéristiques qui s'y attachent.

21. - L'AUDITEUR GENERAL ET LES AUDITEURS MILITAIRES.


Ces magistrats sont les représentants du ministère public auprès des juridictions
militaires ; ils sont également les magistrats instructeurs de ces juridictions.
L'organisation judiciaire militaire ne comporte ni juridictions d'instruction com-
parables à la chambre du conseil ou à la chambre des mises en accusation, ni organe
distinct chargé de l'information et de l'exercice de l'action publique, mais, en leur
lieu et place, des magistrats instructeurs cumulant les attributions du ministère public,
de l'instruction et de la mise en accusation: !'Auditeur général et les auditeurs
militaires. Ceux-ci sont organisés, d'une part, en corps hiérarchisé et discipliné et
jouissent, d'autre part, de pouvoirs juridictionnels pratiquement souverains en ma•
tière d'instruction (détention préventive, règlement de la procédure).

22. - L'ADMINISTRATION DES FINANCES. - Le Fisc exerce les pour-


suites répressives, ainsi que l'action civile de l'Etat, en matière de douanes et accises.
L'administration procède à l'information administrative et elle intente l'action pu-
blique. Celle-ci est mise en mouvement à la requête du Ministre des Finances ou de
l'administration, poursuites et diligences du directeur régional des douanes et acci-
ses. L'administration soutient son action devant les juridictions répressives, devant
lesquelles elle est représentée par l'avocat du département. L'administration ne pos-
sède cependant pas l'investiture du ministère public dans sa plénitude, pour les matières
de sa compétence. Au stade des recherches préliminaires, le procureur du Roi peut
ftre saisi, par une plainte de l'administration, en vue de procéder à une information
ou de requérir une instruction ; cette intervention du procureur du Roi et du juge
d'instruction est obligatoire lorsque les agents de l'administration procèdent à une
arrestation, la détention préventive devant être couverte par un mandat d'arrêt. Le
procureur du Roi est tenu de requérir le juge d'instruction de décerner celui-ci, lorsque

(1) Voy. infra n•• 52, 73, 86.

31
l'administration le demande, mais le juge d'instruction possède toujours le droit de
rejeter ces réquisitions par ordonnance motivée ( 1).
La citation émane toujours de l"administration, mais celle-ci ne peut requérir
que les peines d"amende, de confiscation et de fermeture. Le représentant du parquet
intervient toujours pour donner son avis à propos de ces réquisitions et il peut seul
requérir les peines d'emprisonnement et les autres peines de droit commurr.
L'action du parquet est subordonnée à celle de l'administration et si celle-ci
transige ou se désiste en cours d'instance, l'action publique s'éteint dans sa totalité.
Le droit d'appel et de recours en cassation appartient aux deux organes de la
partie publique, chacun pour ce qui concerne son propre domaine (2).

23. - L'ADMINISTRATION FORESTIERE. - « L"administration forestiere


est chargée des poursuites en réparation de tous délits et contraventions commis dans
les bois et forêts soumis au régime forestier, tant pour l'application des peines que
pour les restitutions et dommages-intérêts qui en résultent.
Les poursuites seront exercées par les agents forestiers au nom de l'administra-
tion forestière, sans préjudice du droit qui appartient au ministère public. :i, (Code
forestier, art. 120.)
« Les agents forestiers ont le droit d'exposer l'affaire devant le tribunal et sont
entendus à l'appui de leurs conclusions.» (Code forestier, art. 135.) (3)
« Les agents peuvent, au nom de l'administration des forêts, interjeter appel
et se pourvoir en cassation ; ils ne peuvent se désister, sans autorisation spéciale.
:i, Le ministère public peut user du droit d'appel et de pourvoi, même lorsque
l'administration ou ses agents auraient acquiescé aux jugements et arrêts. » (Code
forestier, art. 144.)

CHAPITRE II

LE JUGE D'INSTRUCTION

24. - PRINCIPES. - Le juge d'instruction est un juge au tri~


bunal de première instance, nommé par le Roi aux fonctions d'instruc~
tion pour une période de trois ans qui peut être prolongée ; il conserve
ses attributions de juge, tant au civil qu'au pénal (4).
Cette dernière faculté est purement théorique dans les arrondis~
sements importants, le juge d'instruction s'y spécialisant dans cette
fonction ; dans les petits arrondissements, au contraire, le cumul est
de règle.

( 1) La détention préventive, en matière de douanes et accise5 obéit à des règles entièrement différentes
de celles de la détention préventive en matière ordinaire : Le mandat d'arrêt est valable pour
un terme de 14 jours et ne doit pas être confirmé (voy. Rép. prat. dr. B., v 0 Douanes et
accises, n° 8 575 et ss. : infra n° 144.
(2) Voy. sur toute cette matière Rép. pr. dr. B .. v• Douanes et accies. n•• 567 à 635.
(3) « En pratique - et sauf cas exceptionnel - les agents forestiers ne défendent plus leurs conc1uslons
à l'audience, laissant ce soin au ministère public» (Rép. prat~ dr. B., v° Forêt, n° 649).
(4) Loi du 18 juin 1869, art. 21.

32
Le renouvellement du mandat du juge d'instruction est laissé à
la discrétion du pouvoir exécutif. Il parait, en revanche, contraire au
principe de la séparation des pouvoirs que le juge d'instruction puisse
se voir retirer sa désignation avant l'expiration du terme normal ( 1 ) .
La plupart des auteurs reconnaissent au juge d'instruction le bénéfice de l'ina-
movibilité dans l'exercice du mandat temporaire qui lui est confié (2). En revanche,
la jurisprudence administrative n'admet pas ce principe et l'on peut citer des arrêtés
royaux des 7 juin 1870 et 21 mars 1881 qui ont enlevé leur mandat à des juges
d'instruction (3).
Nous rencontrons ici, comme nous le constaterons en bien d'autres domaines,
l'antagonisme entre les deux qualités cumulées par le juge d'instruction: celle d'of-
ficier de police judiciaire et celle d'organe de la juridiction d'instruction. Il est
évident que comme officier de police judiciaire, le juge d'instruction relève de l'exé-
cutif et que dès lors celui-ci peut légitimement prétendre exercer son autorité hiérar-
chique à son égard. En revanche, comme magistrat instructeur, le juge d'instruction
est juge de l'exécutif, partie à l'action publique, et, à ce titre, il serait regrettable
qu'il ne jouisse pas de l'indépendance reconnue aux juges par la Constitution.
Cependant, on pourrait soutenir qu'en la matière, la désignation du juge d'instruc-
tion pour un terme de trois ans constitue un compromis s'inspirant de ces deux
exigences contradictoires, ce qui impliquerait que si d'un côté l'exécutif peut refuser
de renouveler la désignation, d'un autre côté, il ne pourrait revenir sur celle-ci pendant
sa durée légale.
Cette discussion ne présentait, dans l'état antérieur du contentieux administratif,
qu'une portée purement doctrinale, l'administration étant seul juge en pratique.
L'institution en Belgique du recours pour excès de pouvoir a transformé com-
plètement la situation à ce point de vue, le Conseil d'Etat pouvant éventuellement
être appelé à trancher le problème.
Il y a un juge d'instruction auprès de chaque tribunal; il peut y en
avoir plusieurs si le Roi le juge nécessaire, d'après les besoins du ser#
vice ( 4 ) ( 5 ) .
Lorsqu'un juge d'instruction se trouve empêché, pour quelque
cause que ce soit, le tribunal désigne un juge titulaire pour le rem#
placer; s'il y a urgence, cette faculté est dévolue au président (6) (7):
un juge suppléant ne peut être délégué pour remplacer le juge d'ins#
truction ( 8).
Si les besoins du service l'exigent, un juge titulaire peut être
appelé à remplir momentanément les fonctions de juge d'instruction
conjointement avec les autres ; cette délégation est faite, à la demande
du ministère public, par le tribunal ou par son président ( 9).

(1) Cf. J.-H. Suetens. L'instruction - La chambre du Conseil, n° 10,


(2) Rtp, prat. dr. B .. v 0 Proctdure ptnale, n° 287.
(3) J.-H. Suetens, n° 10.
(4) Loi du 18 juin 1869, art. 20.
(5) à Bruxelles, il y en a 12.
(6) Loi du 18 juin 1669, art. 23. Cf. infra n°• 32 et 125.
(7) Voy. Cass. 31 janvier 1916; Pas. 1917. 1. 24.
(8) Cass. 27 mars 1871. Pas. 1. 169.
(9) A.R. n° 303 du 30 mars 1936.

33
Le juge d'instruction est assisté d'un greffier du tribunal ( 1): cette
règle ne reçoit exception que dans les cas d'urgence (2) : s'il y a
nécessité, le juge peut assumer en qualité de greffier toute personne de
nationalité belge âgée de 21 ans au moins : celle-ci prête préalablement
entre ses mains le serment imposé aux fonctionnaires publics (3).
25. - CARACTERE COMPLEXE DES FONCTIONS DU
JUGE D'INSTRUCTION. - CONFUSION DANS SON CHEF
DES DEUX QUALITES D'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE
ET D'ORGANE DE LA JURIDICTION D'INSTRUCTION. -
Le juge d'instruction est, en premier lieu, le magistrat assumant la
direction de l'information dans toutes les affaires d'une certaine impor-
tance. Il est lui-même, à ce titre, officier de police judiciaire.
Le juge d'instruction est, en second lieu, le magistrat chargé
de rassembler les preuves et constituer le dossier judiciaire sur lequel
statueront les juridictions d'instruction et même, dans une certaine
mesure, les juridictions de jugement. Il est, en outre, seul compétent
pour prendre une décision juridictionnelle essentielle : celle de décerner
mandat d'arrêt.
A ces divers titres, il est lui-même organe de la juridiction
d'instruction.
26. - DIFFICULTES ENGENDREES PAR LA DUALITE
DE FONCTIONS DU JUGE D'INSTRUCTION. - L'exercice
de la police judiciaire et celui de la mission juridictionnelle d'instruction
n'obéissent pas aux mêmes règles. Ils relèvent même de deux pouvoirs
différents.
La police judiciaire est un des attributs de l'exécutif et s'exerce
sous l'autorité du ministère public. La juridiction d'instruction a au
contraire pour objet de statuer sur des litiges dans lesquels le ministère
public est partie.
La participation simultanée du juge d'instruction à l'exercice de
la police judiciaire et à celui de la juridiction d'instruction pose. de ce
fait, des problèmes extrêmement complexes dont nous reprendrons
l'examen ultérieurement (cf. infra n° 103).

CHAPITRE III
LE PARTAGE D'ATTRIBUTIONS ET LES RAPPORTS
ENTRE LE JUGE D'INSTRUCTION ET
LE MINISTERE PUBLIC

27. - LE PARTAGE D'ATTRIBUTIONS ENTRE LE PRO-


CUREUR DU ROI ET LE JUGE D'INSTRUCTION. - En prin-
(1) lnsh. 62 et 73: loi du 18 juin 1869, art. 1,s.
(2) Lol du 18 juin 1869, art. 158, al. 2.
(3) Lol àu 18 juin 1869, art. 207.

34
cipe, avons-nous dit (supra n° 1 ). le procureur du Roi exerce l'actiqn
publique, tandis que le juge d'instruction informe ; en pratique, 1e
partage de compétence est loin d'être aussi simple:
D'une part le procureur du Roi, en sa qualité d'officier de police
judiciaire, prend une part extrèmement active à la recherche des in-
fractions et de leurs auteurs ; dans la très grande majorité des affaires,
le juge d'instruction n'est saisi qu'après enquête préliminaire du par-
quet et même de très nombreuses causes ne font jamais l'objet que
d'une information de parquet à laquelle le juge d'instruction ne participe
pas ( 1).
D'autre part, le juge d'instruction n'a pas que des attributions
juridictionnelles ou de police judicaire : Il a aussi une part, très limitée
il est vrai, mais cependant indiscutable, dans l'exercice de l'action
publique elle même : En premier lieu, il lui est permis, lorsqu'il y a
flagrant délit, de mettre lui-même la procédure d'instruction en mou-
vement, ce qui implique le déclenchement de l'action publique; en
second lieu, il suffit qu'il soit requis par le procureur du Roi d'informer
au sujet d'un fait délictueux pour qu'il puisse, non seulement en re-
chercher les auteurs, quels qu'ils soient, mais même inculper ceux-ci (3)
ce qui implique que, s'il ne met pas l'action publique en mouvement,
dans de très nombreux cas il l'oriente, la dirige contre un suspect, ce
qui constitue, à n'en pas douter, une participation à son exercice.
Cette intervention du juge d'instruction dans l'exercice de l'action publique est
d'ailleurs parfaitement compréhensible, historiquement parlant, car elle est de l'es-
sence même du système inquisitorial et les magistrats instructeurs de l'Ancien-Régime
avaient, en ce qui concerne l'action publique, une compétence concurrente de celle
des magistrats du parquet, comme le rappelle d'ailleurs l'ancien adage « Tout Juge
est Procureur général » ( 4) .

28. - PREROGATIVES DU MINISTERE PUBLIC VIS-


A-VIS DU JUGE D'INSTRUCTION. - En tant que juge ordinaire,
le juge d'instruction bénéficie incontestablement de toutes les préro-
gatives reconnues aux membres du pouvoir judiciaire, et notamment
de l'indépendance et de l'inamovibilité qui assurent aux juges une auto-
nomie totale vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Mais dans l'exercice de ses fonctions d'instruction, le juge
d'instruction ne jouit, à l'égard du ministère public, que d'une indé-
pendance mitigée : Sa dépendance relative se traduit par deux caracté-
ristiques essentielles : la surveillance du procureur général sur son
activité et le droit de réquisition du procureur du Roi.

29. - a) SURVEILLANCE EXERCEE PAR LE PROCU-


REUR GENERAL SUR L'ACTIVITE DU JUGE D'INSTRUC-
( 1) Voy. Infra n•• 138 et ss.
(2) lnstr. 59; Infra n• 117.
(3) Voy. Infra n• 128.
{4) Voy, Donnedieu de Vabres. Droit criminel. n• 1033.

35
TION. - Le droit attribué au procureur général de surveiller l'activité
du juge d'instruction trouve son fondement dans l'article 279 du code
d'instruction criminelle ainsi libellé : « Tous les officiers de police
judiciaire, même les juges d'instruction, sont soumis à la surveillance
du procureur général. »
Les articles 280 à 282 déterminent les moyens mis à la disposition
du procureur général à l'appui du droit de surveillance qui lui est ainsi
conféré : En cas de négligence, il peut avertir le juge d'instruction
et cet avertissement est consigné dans un registre spécial ; s'il y a
récidive dans l'année à compter du jour où l'avertissement a été con-
signé, il peut le dénoncer à la Cour qui peut lui enjoindre « d'être plus
exact à l'avenir». Enfin, en vertu de l'article 112 du code d'instruc-
tion criminelle, « L'inobservation des formalités prescrites pour les
mandats de comparution, d'amener et d'arrêt sera toujours punie
d'une amende de cinquante francs au moins contre le greffier, et, s'il y
a lieu, d'injonction au juge d'instruction et au procureur (du Roi),
même de prise à partie s'il y échet. »
Le droit de surveillance conféré au procureur général sur l'acti-
vité du juge d'instruction est loin d'être défini de manière claire et
précise par la loi et a donné naissance à des difficultés considérables
d'interprétation. Cette matière est l'une des plus obscures et des·plus
controversées de notre système d'instruction criminelle.
1° Il apparait incontestablement et il est admis de manière
unanime que le juge d'instruction ne peut être soumis à la surveillance
du procureur général qu'en tant qu'officier de police judiciaire et que
ses attributions juridictionnelles échappent à cette surveillance. En
tant qu'organe de la justice, il est évident que le juge d'instruction ne
relève que de sa conscience. Toute autre interprétation irait gravement
à l'encontre des fondements de notre droit et du principe de la sépara-
tion des pouvoirs. Cette règle qui ne découle pas à l'évidence du codè
d'instruction criminelle, a été affirmée et précisée par l'article 22 de la
loi du 18 juin 1969, lequel dispose que « Les juges d'instruction sont,
quant aux fonctions de police judiciaire, sous la surveillance du pro-
cureur général près la Cour d'appel. »
Mais, comme nous le verrons ( infra n° 103), il est impossible de
diviser les actes du juge d'instruction en deux catégories nettement
distinctes, celles d'actes de police judiciaire et d'actes de juridiction :
Si certains actes sont indiscutablement des actes de police et d'autres
indiscutablement des actes de juridiction, il existe entre ces deux
extrêmes toute une série d'actes intermédiaires qui se rattachent par
certains aspects à la première des fonctions du juge et par d'autres
caractéristiques à la seconde.
Dans la pratique, on a résolu le problème en établissant une clas-
sification, plus ou moins traditionnelle et sanctionnée par la coutume;
nous examinerons cette classification et ses mérites infra n° 103.
36
Bien que nous contestions le caractère scientifique de celle-ci, force
nous est de constater qu'il était fort difficile de procéder d'une autre
manière sur le plan concret.
2° La loi ne définit pag en quoi consiste le droit de surveillance
qu'elle attribue au procureur général. quelle est sa portée et quelles
sont ses limites.
Il est généralement admis que « le procureur général peut exercer
une surveillance continue pendant l'instruction, que sans pouvoir
donner au juge d'instruction des injonctions directes, quant à des de-
voirs qu'il estimerait opportuns, il peut lui demander compte des af-
faires dont il est saisi, lui adresser des observations pour assurer
l'accomplissement de formes prescrites par la loi ou pour prévenir des
erreurs et des irrégularités, ainsi que pour assurer la célérité de
l'instruction » ( Rép. dr. b., v 0 Procédure pénale, n° 47).
Ici encore la coutume a suppléé à la carence des textes; c'est la
pratique des parquets qui constitue le seul guide valable en ce domaine.
particulièrement délicat, des relations entre le procureur général et le
juge d'instruction.

30. ,_ b) DROIT DE REQUISITION DU PROCUREUR DU


ROI. ,_ Au cours de l'instruction, le procureur du Roi peut requérir
le juge d'instruction d'accomplir un acte d'instruction déterminé:
audition de témoin, perquisition, saisie, arrestation. Le juge d'instruc-
tion est tenu de donner suite aux réquisitions qui lui sont adressées, soit
en accomplisant l'acte demandé, soit en motivant son refus par voie
d'ordonnance ( 1).
Le procureur du Roi peut, afin d'exercer son droit de réquisition
en connaissance de cause, demander communication des pièces à
tout moment ( 2).
Les parties privées ne possèdent aucun droit similaire : Elles peuvent égale-
ment demander au juge d'instruction de prendre une mesure d'instruction déterminée,
mais le juge n'est pas tenu de donner suite à pareille requête et il ne doit pas justifier
son refus. D'autre part, ni la partie civile, ni le prévenu ne peuvent obtenir commu-
nication des pièces, sauf dans les cas prévus par l'art. ter de la loi du 23 août 1919
(confirmation mensuelle du mandat d'arrêt) et l'art. ter de la loi du 22 juillet 1927
(clôture de l'instruction).

31. - GARANTIES D'INDEPENDANCE DU JUGE D'INS-


TRUCTION VIS-A-VIS DU MINISTERE PUBLIC - En dépit
des droits de l'exécutif à son égard, sa qualité de juge confère au
magistrat instructeur une indépendance traditionnelle à l'égard de la
partie publique, laquelle ne trouve d'ailleurs pas en son origine dans les
principes constitutionnels, mais remonte aux privilèges des corps judi-

( 1) Voy. Braas, Instruction criminelle, p. 201.


\2) Voy. Rép. prat. dr. b., v<> Procédure pénale, 11• 276.

37
c1aires de l'Ancien-Régime. Cette autonomie relative se manifeste
par deux particularités essentielles : Les droits du juge d'instruction
à l'égard de sa propre instruction et le droit reconnu au juge d'instruc-
tion de rejeter par voie d'ordonnance motivée les réquisitions du pro-
cureur du Roi.

32. - a) DROITS DU JUGE D'INSTRUCTION A L'EGARD


DE SA PROPRE INSTRUCTION. - Le juge d'instruction est maître
de son instruction ; le procureur général ne peut ni se substituer à lui,
ni le dessaisir d'une affaire et le remplacer par un autre juge d'instruc-
tion ( 1) ni s'opposer à l'exécution d'un acte d'instruction, ni même
imposer, par voie d'autorité, l'accomplissement d'un acte d'instruc-
tion ( 2). Le magistrat instructeur reste, en dépit de la surveillance
auquel il est soumis, un juge, et l'instruction est une procédure judi-
ciaire ( 3), même si elle comporte des actes de police. ou des actes de
caractère mixte.

33. - b) DROIT RECONNU AU JUGE D'INSTRUCTION


DE REJETER PAR VOIE D'ORDONNANCE MOTIVEE LES
REQUISITIONS DU PROCUREUR DU ROI. - Le juge d'ins-
truction peut opposer, au moyen d'une ordonnance de rejet motivée,
une fin de non-recevoir aux réquisitions du procureur du Roi ( 4) :
ce refus peut s'appliquer à tous les actes d'instruction indistinctement:
Il peut, par exemple, concerner l'audition d'un témoin ou le recours
à une expertise aussi bien que l'arrestation d'un prévenu (5).
Le procureur du Roi et le procureur général ne peuvent passer
outre à ce refus et ils ne disposent, à l'endroit de l'ordonnance de rejet,
que d'un recours ordinaire devant la juridiction d'appel. c'est-à-dire
la chambre des mises en accusation ( 6).
A notre sens, lorsque le juge d'instruction prend une décision
coulée en la forme d'une ordonnance de justice légalement motivée,
(par exemple un mandat d'arrêt, une ordonnance rejetant les réqui-
sitions du procureur du Roi, une ordonnance de condamnation d'un
témoin défaillant: etc.) il jouit d'une liberté d'appréciation absolue et

( l) Le juge d'instruction ne peut être remplacé que par le tribunal ou son président et uniquement
dans le cas où il est empêché (Loi du 18 juin 1869, art. 23: cf. infra n° 125).
(2) Mais il peut toujours requérir la chambre des mises en accusation d'évoquer l'affaire (instr, 235
et 276) infra n° 172.
(3) C'est en raison de ce caractère de procédure judiciaire qui imprègne toute l'instruction préparatoire
et qui répond d'ailleurs bien à la logique du système inquisitorial que le juge d'instruction ne
peut déléguer le droit dont il est investi, en vertu de sa fonction de décider ou d'ordonner
l'accomplissement d'un acte d'instruction. mais seulement la mission d'exécuter un acte ordonné
par lui : li ne pourrait, par exemple, charger un officier de police judiciaire auxiliaire du procu-
rueur du Roi de déc,em,er un mandat d'arrêt ou d'or.donner une perquisition, mais il peut seule.-
ment charger cet officier d'exécuter une ordonnance.
(4) Cass. 20 mars 1882, Pas. 1883. I. 28.
(5) Juri1;prudence constante.
(6) Lorsque la chambre des mises en accusation fait droit au recours du parquet et annule l'ordonnHnce
querellée. elle peut charger un autre juge d'instruction de terminer l'instruction de l'affaipe
(Gand; Mises ace. 8 novembre 1923: Pas. 1924. IL 33): voy. infra n° 168.

38
souveraine et il ne peut être appelé à rendre compte des raisons qui ont
inspiré cette décision, en dehors et au-delà de la motivation légale
qu'elle comporte.

CHAPITRE IV

LA COMPETENCE ET LE RESSORT TERRITORIAL


DU PROCUREUR DU ROI ET DU JUGE D'INSTRUCTION

34. - REMARQUE PRELIMINAIRE. - Le procureur du Roi et le juge


d'instruction exercent leurs fonctions dans le cadre du tribunal de première instance
auxquels ils sont attachés. Leur compétence est donc, logiquement du moins, déter-
minée par celle du tribunal lui-même et ils ont qualité l'un pour poursuivre et l'autre
pour instruire celles des infractions dont la connaissance appartient à ce tribunal.
A vrai dire, le code d'instruction criminelle (art. 23) consacre, en ce qui concerne
la compétence territoriale, le principe contraire: En d'autres termes, il définit la
compétence du procureur du Roi et celle-ci détermine celle du juge d"instruction
et enfin celle du tribunal lui-même. Ce point ne présente guère d'importance pra-
tique. Il est cependant utile de le souligner, car il constitue, juridiquement parlant,
une anomalie: Il subordonne la compétence d'une juridiction à celle de l'organe du
pouvoir exécutif auprès de cette juridiction. Il est intéressant de remarquer à ce
propos qu'en matière de police, la loi respecte au contraire les principes habituels
( 1).

35 .....- COMPETENCE RATIONE MATERI/E. -- la com-


pétence matérielle du procureur du Roi (sous réserve de ce qui a été
dit supra n° 18) et du juge d'instruction s'étend aux crimes et aux
délits ( 2), à l'exclusion des contraventions ( 3).
En ce qui concerne les délits dont la loi confie le jugement aux
tribunaux de police, et dont la poursuite incombe normalement à
l'officier du ministère public près de cette juridiction, le procureur du
Roi conserve néanmoins le droit de procéder à une information ou de
requérir le juge d'instruction aux fins d'information ( 4); par contre,
il n'a pas qualité pour rechercher et poursuivre les simples contra-
ventions ( 5). Il transmet à l'officier du ministère public près le tri-
bunal de police les plaintes et procès-verbaux, relatifs aux infractions
de police, qui parviennent en sa possession. Il n'en va autrement que
lorsque une contravention est connexe à un crime ou un délit de sa
compétence.

(1) Voy, instr. 139 nouveau (A.R. 10 janvier 1935, art. 1"').
(2) Les arrêtés-lois des 26 et 27 mai 1944 et 9 janvier 1945 ont soustrait, à titre exceptionnel et tem~
poraire, un grand nombre de crimes et délits à la compêtence normale des juridictions pénales
ordinaires, e:t, par conséquent, à la compétence du procureur du Roi et du juge d'instructkin pour
en attribuer la poursuite et le jugement aux parquets eu aux juridictions militaires.
(3) Cass. 7 juin 1875; Pas. I. 287 6 décembre 1926; Pas. 1927. I. 97.
(i) Instr. 138.
(5) Voy. avis de M. l'Avocat général Mesdach de t~r Kiele avant Cass. 7 juin 1875 cité.

39
36. - COMPETENCE RATIONE PERSONJE. - « Le pro-
cureur du Roi et le juge d'instruction sont, en principe, compétents pour
rechercher et constater tous les crimes et délits, quelles que soient les
personnes qui les ont commis ou y ont participé. » (Rép. pr. dr. b.,
v Procédure pénale, n° 53.)
0

Cette règle comporte toutefois un certain nombre d'exceptions,


certains crimes et délits échappant à la compétence du tribunal de
première instance, aussi bien en degré d'instruction qu'en degré de
jugement, soit en raison d'un privilège de juridiction dans le chef
du prévenu ( 1). soit en raison du fait que le prévenu relève de la juri-
diction militaire ( 2).
Toutefois, lorsque la loi attribue à des magistrats de rang supérieur les fonctions
habituellement exercées par le procureur du Roi et le juge d'instruction, ces derniers
magistrats sont souvent chargés, par délégation des premiers, de procéder aux de-
voirs d'instruction nécessaires (3).

37. - COMPETENCE RATIONE LOCI. - Sont également


compétents, pour la poursuite et l'instruction relatives à un crime ou
un délit, le procureur du Roi et le juge d'instruction du lieu de l'infrac ...
tion, ceux de la résidence du prévenu et ceux du lieu où celui-ci
peut être trouvé ( 4).
Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit commis hors du territoire
du Royaume, ce sont le procureur du Roi et le juge d'instruction soit
du lieu où réside le prévenu, soit de celui où il peut être trouvé, soit de
celui de sa dernière résidence connue qui sont compétents ( 5).
L'application de ces règles peut entraîner des situations très différentes les unes
des autres: Tantôt, un seul parquet cumule les différentes qualités attributives de
compétence et se trouve, par conséquent, seul qualifié pour exercer les poursuites,
tantôt, au contraire, en vertu de l'application des règles de l'indivisibilité et la con-
nexité, par suite, notamment, de la multiplicité des prévenus, de nombreux parquets
possèdent une compétence concurrente relative aux mêmes faits. Dans ce dernier
cas, la loi -ne prévoit aucun ordre de préférence : L'attribution de compétence se
fait en tenant compte des seules considérations d'ordre pratique ; cela ne peut, d'ail-
leurs, susciter aucune difficulté, en raison du principe hiérarchique auquel est soumis
le ministère public : S'il surgit un conflit de compétence, il peut toujours être tranché
par le procureur général.
Cependant, il peut arriver que deux procureurs du Roi, également compétents,
saisissent simultanément de la même infraction les juges d'instruction de leurs tri-
bunaux respectifs. En pareil cas, le juge d'instruction étant un organe juridictionnel.
la situation pourrait être considérée comme un conflit positif de juridiction, ne
pouvant être résolu que par voie de règlement de juges: C'est d'ailleurs ce qu'estime
le code d'instruction criminelle qui, en son article 540, charge la chambre des mises
en accusation de régler pareil conflit si les juges appartiennent tous deux au
ressort de la Cour et, en son article 526, charge la Cour de cassation de ce règlement
si les juges appartiennent au ressort de cour d'appel différentes.

( 1) Constitution, art. 90: instr. 479 et ss.


(2) Loi du 15 juin 1899, art. 1er à 4: 7 à JO; 12 à 15: 21 et ss.
(3) Voy. instr. 303. 330. 237, 484, 488.
(1) lnstr, 23 et 63.
(5) lnstr. 21.

40
En pratique, il est procédé de toute autre manière : Le juge le plus qualifié, dans
l'intérêt d'une bonne justice, pour mener l'instruction à bonne fin, conserve la direction
de celle-ci et son collègue est, sur réquisitoire du procureur du Roi et rapport,
dessaisi par une ordonnance de la chambre du conseil. Le choix de celui des magistrats
chargé de poursuivre l'instruction se fait par accord des parquets intéressés, au besoin
à l'intervention du ou des procureurs généraux.

La Cour de cassation a consacré cette méthode par son arrêt du 19 jan•


vler 1903 ( 1); la Cour suprême estime, en effet, qu'il s'agit là d'une simple mesure
d'administration. En pratique, cette méthode présente le grand avantage d'éviter des
procédures longues et compliquées en règlement de juges, lesquelles s'avèreraient
sans intérêt et entraveraient gravement la bonne marche des poursuites.

38 . .- COMPETENCE RATIONE LOCI ET RESSORT


TERRITORIAL. ,.... DISTINCTION ENTRE LES ATTRIBU-
TIONS JUDICIAIRES ET LES ATTRIBUTIONS ADMNISTRA-
TIVES OU DE POLICE JUDICIAIRE DU PROCUREUR DU
ROI ET DU JUGE D'INSTRUCTION. - Le procureur du Roi
et le juge d'instruction compétents ratione loci ont qualité, chacun
dans la sphère de ses attributions propres, pour poursuivre et pour
instruire, et pour accomplir, à cet effet, tous les actes utiles. Ils sont
donc saisis de la connaissance globale d'une affaire, quelle qu'en
soient, par ailleurs, les ramifications et l'extension territoriale. Cepen-
dant, si les poursuites se déroulent nécessairement en un lieu unique,
le siège du tribunal appelé à statuer à ce propos, en revanche, l'infor-
mation se caractérise par une grande dispersion géographique : Les
témoins peuvent résider en des lieux fort éloignés les uns des autres,
les recherches peuvent entraîner des mesures d'instruction ( perquisi-
tions, saisies, expertises) en divers arrondissements du pays, voire
à l'étranger.
Or, le procureur du Roi et le juge d'instruction n'exercent leurs
fonctions que dans le ressort territorial du tribunal auquel ils sont at-
tachés (2). Leur action ne s'étend pas au-delà des limites gfograhi-
ques de l'arrondissement judiciaire où ils résident. Cette règle ne souffre
que de très rares exceptions ( 3). Légalement et en pratique, lorsque
le procureur du Roi ou le juge d'instruction désire prolonger son
enquête hors du territoire de l'arrondissement. il a recours à son col-
lègue compétent pour l'accomplissement des devoirs nécessaires.
Dans ces conditions, il apparait que la compétence territoriale du
procureur du Roi et du juge d'instruction doit être envisagée à un
double point de vue : celui de leurs fonctions judiciaires, c'est-à-dire
celui de l'attribution de compétence résultant des circonstances de lieu
(théatre de l'infraction, domicile ou résidence du prévenu) et celui
de leurs fonctions administratives ou de police judiciaire, c'est-à-dire
celui du territoire auquel s'étendent leurs attributions d'information.
Pour éviter la confusion que pourraient faire naître deux significations

( 1) Pas. 1903. I. 87.


(2) Loi du 18 juin 1869, art. 137 et 150.
{3) Voy, notamment lnstr. 464.

41
différentes attribuées à l'expression « compétence ratione loci», nous
réserverons celle-ci pour désigner la compétence territoriale envisagée
au point de vue judiciaire ; quant à la compétence territoriale consi-
dérée comme étendue de la juridiction administrative d'un magistrat,
dans l'exercice de la police judiciaire, nous lui donnerons le nom
de ressort territorial de ce magistrat.

39. - LE RESSORT TERRITORIAL DU PROCUREUR DU


ROI ET DU JUGE D'INSTRUCTION. - Sont seuls compétents
pour accomplir, dans un arrondissement judiciaire, les actes d'instruc-
tion découlant de leurs fonctions, le procureur du Roi et le juge d'ins-
truction attachés au tribunal dont cet arrondissement constitue le
ressort.
Ce principe implique, non seulement que ces magistrats n'instrui-
sent personnellement les affaires dont ils sont saisis que dans le cadre
limité de leur arrondissement, mais encore qu'ils sont amenés à inter-
venir dans l'instruction d'affaires qui échappent à leur compétence
normale, dans la mesure où ces affaires possèdent des ramifications
dans leur arrondissement: Ceci nous amène à dégager trois règles:
1° Le procureur du Roi et le juge d'instruction compétents exer-
cent personnellement. dans leur arrondissement, les recherches et en-
quêtes relatives à une infraction dont il sont saisis ;
2° Ces mêmes magistrats ne poursuivent leurs recherches au-delà
des limites de leur arrondissement que par l'intermédiaire de leurs
collègues des autres arrondissements, délégués à cet effet;
3° Le procureur du Roi et le juge d'instruction non compétents
pour se saisir d'une affaire, peuvent néanmoins être amenés à ac-
complir, pour le compte de leur collègue compétent, des actes de re-
cherche et d'information relatifs à tout crime ou délit, pour autant
que ces actes doivent être accomplis sur le territoire de leur arrondis-
sement.
Dans toute information ou instruction, le magistrat compétent
pour connaître de l'action publique assume la direction, en même temps
que l'exécution dans son arrondissement; des recherches nécessaires,
mais ses collègues des autres arrondissements collaborent à ces re-
cherches, pour autant que de besoin, chacun dans son arrondissement
propre.
Ce système, bien qu'il fonctionne en pratique sans trop de heurts, est cependant,
de toute évidence, lourd et compliqué ; il constitue, en fait, le legs d'une époque où
les déplacements étaient si difficiles qu'il y avait avantage à compartimenter, au
point de vue territorial, l'exercice de la police judiciaire. Il est inutile de dire
qu'aujourd'hui la situation est radicalement transformée. Le législateur a, d'ailleurs,
tenu compte de l'évolution contemporaine et il a créé, par la loi du 7 avril 1919, des
officiers judiciaires aptes à étendre leurs enquêtes à l'ensemble du territoire du
Royaume ( 1). Cependant, l'organisation judiciaire traditionnelle est restée inchangée,

(1) Loi du 7 avril 1919, art. 9 (avec les rêserv~s résultant des al. 2 et 3 de cet article).

42
ce qui entraine parfois des difficultés d'ordre pratique :Le juge d'instruction ne peut
se transporter hors de son arrondissement pour entendre un témoin ou proc.?der à des
constatations. Mais il peut charger un de ses auxiliaires, un officier judiciaire du
parquet, d'accomplir une telle mission (1) (2). Si, au cours de son enquête, cet
officier doit procéder à une perquisition, il doit solliciter le juge d'instruction dont il
est le délégué de mandater le juge d'instruction de l'arrondissement où doit avoir lieu
cette perquisition de lui donner pouvoir de procéder à la visite domiciliaire (3) néces-
saire.

40. - INTERVENTION PAR DELEGATION OU INTERVENTION


SPONTANEE. - Le procureur du Roi et le juge d'instruction ont-ils qualité pour
procéder spontanément, dans leur ressort territorial, aux actes de recherche et d'in-
formation relatifs à des infractions échappant à leur compétence judiciaire ? Ne peu-
vent-ils, au contraire, intervenir qu'en vertu d'une délégation ou d'une réquisition de
leur collègue compétent ratione loci ?
En ce qui concerne le juge d'instruction, la délégation de son collègue compétent
est indispensable : En effet, comme nous le verrons ('4), le juge d'instruction n'agit
jamais spontanément, sauf dans des cas tout-à-fait exceptionnels ; de même que le
juge compétent ratione loci doit lui-même être requis pour informer, de même le
juge compétent pour accomplir une partie des actes d'instruction ne trouve de titre
à son intervention que dans la délégation, ou commission rogatoire (5) qui lui est
adressée.
En ce qui concerne le procureur du Roi, la situation est toute différente ; en
effet, en vertu d'une coutume bien établie et sanctionnée par une jurisprudence
constante (6), ce magi.,trat a le droit, en vertu de ses fonctions de police judiciaire,
de recueillir des renseignements au sujet de toute infraction parvenant à sa con-
naissance. Même s'il n'est pas compétent pour déclencher l'action publique, il peut
donc procéder, sur le territoire de son ressort, à toutes informations utiles, qu'il soit,
ou non, en possession d'une réquisition expresse de son collègue compétent (7).
Cette règle répond d'ailleurs à une nécessité pratique évidente: Supposons que le
procureur du Roi d'Arlon ouvre une information à raison d'un vol commis dans
cette ville ; la liste des objets volés est communiquée à tous les officiers de police
judiciaire du Royaume par la voie du Bulletin central de signalement. Quelque
temps après, la police de Bruxelles découvre, chez un revendeur, une partie des objets
volés à Arlon : Il est indispensable qu'en pareil cas le procureur du Roi de Bruxelles
puisse prendre les mesures d'information nécessaires sans être paralysé par l'absence
d'une réquisition formelle à cette fin (8).

41. - LA COMPETENCE DU PROCUREUR DU ROI ET


DU JUGE D'INSTRUCTION EST-ELLE D'ORDRE PUBLIC? -
La compétence des juridictions pénales, que ce soit au point de vue
matériel, personnel ou territorial, est invariablement considérée comme

(l) L'autorisation du procureur gtnêral est, cependant ntcessaire pour procéder de cette snan\êre
(art. 3, al. 2 et 9, al. 2 de la loi du 7 avril 1919): il ne s'agit là, toutefois, que d'une diposition
d'ordre intérieur et l'absence d'autorisation n'entraîne aucune nullité de procédure (Cass.
15 fêvrier 1926 Pas. 1. 212: Rev. dr. p. 397).
(2) Loi du 7 avril 1919. art. 9 et 10.
(3) Instr. 90.
(1) Voy. infra n• 119.
(5) Voy. infra n• 77.
(6) Voy. infra n• 86.
(7) Il doit cependant, en pareil cas, transmettre à son collègue compêb!nt tous J,es êlé-m.ents <1u'JI
a pu réunir (instr. 29).
(8) Cette facultê implique même, à notre sens, le droit de requtrir le juge d'instruction de son
arrondissement d'ouvrir une information à ce propos, quitte à provoquer au besoin ultérieurement,
par accord des parquets intéressês, le dessaisissant de l'un des magistrats instructeurs saisis (voy.
infra n• 12).

43
étant d'ordre public ( 1); ce principe s'étend-il aux organes de l'infor~
mation, de l'instruction et de l'action publique?
Le juge d'instruction est un membre du tribunal de première instan-
ce ; sa saisine entraîne celle de la chambre du conseil ; elle implique
la mise en mouvement de l'action publique: Dès lors, il paraitrait
normal que la compétence du juge d'instruction soit, elle aussi, d'ordre
public.
De même, le procureur du Roi, qui n'est habilité à exercer ses
fonctions qu'auprès du tribunal de première instance auquel il est
attaché ne peut ni saisir valablement ce tribunal d'une infraction
échappant à la compétence de celui-ci, ni saisir un autre tribunal
compétent en l'espèce : Il semblerait donc que la compétence du procu-
reur du Roi soit également d'ordre public.
Cependant, la jurisprudence en a jugé autrement et elle a estimé
que seule la compétence ratione materire du procureur du Roi et du
juge d'instruction était d'ordre public, tandis que la compétence ratione
loci et la compétence ratione personre n'avaient pas ce caractère ( 2).
Cette opinion jurisprudentielle entraîne deux conséquences fon ...
damentales :
1° Les actes d'information, d'instruction ou de poursuite accomplis
par un procureur du Roi ou un juge d'instruction incompétents ratione
loci ou ratione persona::, mais non ratione materire, ne sont pas nuls
et ils peuvent valablement servir de base à des poursuites ultérieures
ou interrompre la prescription ( 3).
Cette règle est, notamment. appliquée lorsqu'une juridiction s'aperçoit qu'elle
est incompétente ratione loci ou ratione personre: En pareil cas, s'il s'agit d'une
juridiction d'instruction, elle rend une ordonnance dessaisissant le juge d'instruction
et les pièces constituant le dossier d'information et d'instruction sont renvoyées à l'of-
ficier du ministère public supposé compétent ; s'il s'agit d'une juridiction de jugement,
elle constate son incompétence, et, après règlement de juges éventuel par la Cour
de cassation, le pièces sont également renvoyées à l'officier du ministère public com-
pétent (4). Ce renvoi n'est légitime que parce que les procédures d'information et
d'instruction, bien qu'émanant de magistrats incompétents ratione loci ou ratione
personre, sont cependant considérées comme valables : Dans le cas contraire, elles
devraient être annulées.
2° Le procureur du Roi et le juge d'instruction ne peuvent, à peine
de nullité, informer ( 5), poursuivre ou instruire à raison de contra ...
ventions (6).

( 1) Voy. Rép. prat. dr. B .• v° Compétence en matière répressive, n° 2.


(2) Arg. instr. 484 voy. Cass. 17 avril 1899 et concl. de M. !'Avocat général Van Schoor: Pas.
I. 185: Cass. 15 déc. 1930 et concl. de M. !'Avocat général Sartini van de Kerckhove, Pas. 1931.
I. 17: J.T. 1930, 755: P.P. 1930, 470: Rev. dr. p. 1931. 159: Cass. 6 août 1877, Pas. I. J90:
Cass. 7 juin 1875 Pas. I. 287: Cass. 6 déc. 1926: Pas. 1927. I. 97.
( 3) Cass. 15 déc. 1930 cité.
(4) Voy. Cass. 27 mars 1939, Pas. I. 173 et note: Cass. 8 avril 1946, Pas. I. 145.
(5) Voy. toutefois infra n° 47 in fine,
<6) Cass, 7 juin 1875, Pas. I. 287: 6 déc. 1926. Pas. 1927. I. 97.

44
Il y aurait, toutefois, exception à cette règle dans l'une des trois éventualités
suivantes:
1° Si une infraction, initialement considérée comme un délit, se révélait, au
terme ou au cours de l'instruction, n'êti;e qu'une simple contravention.
2° Si d'un délit et d'une contravention connexes, soumis à la même instruction,
seule la contravention apparaissait établie.
3°. Si un délit apparaissait, après instruction, et en raison de circonstances atté-
nuantes, ne mériter que des peines de police.
Dans chacune de ces trois éventualités, la mise à l'instruction de la cause aurait
été parfaitement régulière et la saisine du juge d'instruction absolument valable ;
dès lors, la légitimité des actes accomplis par lui serait évidente. En pareil cas, après
clôture de l'instruction, la chambre du conseil renverrait l'inculpé devant le tribunal
de police compétent ( 1).

42. - OBSERVATIONS. - Cette jurisprudence se justifie, sans aucun doute,


par d'impérieuses nécessités d'ordre pratique: En effet, les actes d'instruction et
même, dans une certaine mesure, les actes de poursuites présentent le plus souvent
le caractéristique d'être irremplaçables: La nullité affectant une audition de témoin,
une perquisition, une expertise risque de rendre toute répression ultérieure impos-
sible, car l'acte lui-même ne peut, le plus souvent, ni être renouvelé, ni être rem•
placé par un acte valable. Dès lors, l'intérêt public s'oppose incontestablement à ce
qu'une instruction, œuvre d'un magistrat normalement habilité à y procéder, soit
frappée de nullité parce que ce magistrat était occasionnellement incompétent en l'es-
pèce, alors que le caractère radical de cette incompétence ne résulterait que d'une
interprétation étroite et formaliste des règles d'organisation judiciaire, sans qu'aucune
violation des droits légitimes de la défense puisse être invoquée (2). C'es_t pour-
quoi, et à très juste titre, nous semble-t-il, notre Cour suprême estime que la mé-
connaissance de règles de répartition territoriale des attributions entre les divers
officiers du ministère public et magistrats instructeurs de rang équivalent, de même
que celle des règles soustrayant certaines poursuites, en raison de la qualité de
l'inculpé, à la corinaisance des magistrats appelés normalement à les exercer, ne
peuvent rendre inopérants les actes de poursuite et d'instruction accomplis régulière-
ment et dans les formes légales.
Il ne pourrait légitimement résulter, pensons-nous, de cette méconnaissance une
nullité de droit que s'il y avait eu violation manifeste des droits de la défense, si,
par exemple elle avait eu pour but de soustraire l'inculpé à son juge naturel.
Cette manière de voir s'impose d'autant plus qu'il est souvent impossible d'appliquer,
au début d'une instruction, les règles de compétence valables en l'espèce: Sup•
posons que le procureur du Roi acquière la connaissance d'un délit dont le lieu est
impossible à déterminer (vol dans un train, par exemple); aussi longtemps qu'aucun
suspects n'est inculpé, aucun parquet n'est, en principe compétent, pour informer et
poursuivre, l'article 23 du code d'instruction criminelle ne pouvant être appliqué.
D'autres fois, la qualité soustrayant l'inculpé à la compétence de la juridiction ordi-
naire ne se révèle qu'en cours d'instruction: Un individu, arrêté pour vol. est placé
sous mandat d'arrêt par le juge d'instruction; l'enquête se poursuit et l'inculpé s'avère
être un déserteur. Enfin, il arrive que des actes d'instruction à caractère conservatoire
ne souffrent aucun délai : La police judiciaire de Bruxelles recueille, par exemple, des
renseignements lui permettant de supposer que des objets volés peu de temps
aupa_ravant à Arlon se trouvent chez un revendeur résidant à Bruxelles. L'obtention
d'un mandat de perquisition, si celui-ci devait émaner du juge d'instruction d'Arlon,
pourrait entrainer des délais incompatibles avec l'urgence des mesures à prendre;

(1) lnstr. 129.


(2~ II en M!rait, natui.ellem>ent, autrement si l'act-e incriminé émanait d'un magistrat non habilité à
l'accomplir dans l"exercice de ses fonctions normales (par exemple, une perquisition effectuée,
hors le cas de flagrant délit, par un officier de police Judiciaire démuni de mandat régulier
(voy. infra n•• 240 et 250).

45
,dés lors, il est normal que le procureur du Roi de Bruxelles puisse requérir le Juge
d'instruction de cette ville d'ouvrir une information et de décerner sur le champ le
mandat indispensable.
Cependant, pour quel motif établit-on une différence essentielle entre la com-
pétence ratione materire, d'une part, et la compétence ratione loci et ratione personre,
d'autre part, au point de vue du caractère d'ordre public de ces troi• ..:ompétences 7
Le caractère d'ordre public de la compétence ratione materire peut se justifier
par trois motifs principaux :
1° Le procureur du Roi et le juge d'instruction ne sont légalement chargés que
de la recherche et de la poursuite des crimes et délits et la loi confie spécialement la
,:,oursuite des contraventions à l'officier du ministe-re public prés le tribunal de police:
Y e procureur du Roi et le juge d'instruction n'ont aucun titre légal à procéder en

ce domaine ( 1).
2° Le procureur du Roi et le juge d'instruction possèdent des moyem d'investi-
gation très puissants (droits de perquisition, de saisie, d'expertise) que le législateur
n'a pas voulu rendre applicables sans restrictions aux infractions de police, en
raison de la faible gravité de celles-ci; il est donc impossible d'admettre que le
juge d'instruction puisse faire usage de ses pouvoirs à ce propos.
3° Aucune confusion n'est possible entre la recherche des éléments d'un délit et
celle des éléments d'une contravention ; même si le fait sur lequel portent les investi-
gations se révèle, à l'expérience, être d'une autre nature qu'il était apparu tout
d'abord, si, par exemple, un délit supposé se réduit au rang de simple contravention,
les recherches effectuées dans le but de recueillir les éléments d'un délit restent vala-
bles., car elles avaient une cause légitime, même si elles n'ont pas abouti au résultat
escompté, et les renseignements obtenus peuvent servir de base à des poursuites ré-
gulières devant la juridiction compétente (2) (3).
Toutefois, s'il se conçoit qu'une instruction régulière ne puisse être requise à pro-
pos d'une contravention, il apparait, en revanche, surprenant que le procureur du
Roi ne puisse, éventuellement, ouvrir une simple information : En effet, celle-ci
ne diffère ni dans ses formes, ni dans ses moyens d'action, de l'information à laquelle
peut procéder l'officier du ministère public prés le tribunal de police; l'une et l'autre
sont des procédures administratives et le procureur du Roi, en tant qu'officier
de police judiciaire, a le droit de recueillir des renseignements à propos de toute
infraction parvenant à sa connaissance (4). En outre, le procureur du Roi exerce
l'action publique en matière contraventionnelle en degré d'appel; or, la nécessité
de procéder à des devoirs d'information peut se manifester jusqu'au prononcé du
jugement définitif. Il nous semble donc que, contrairement à la thèse généralement
admise, il n'y a pas, lieu d'attribuer au droit d'information du procureur du Roi un
caractère restrictif, en vertu duquel il ne pourrait s'étendre aux infractions de po-
lice (5).
(1) Nous retrouvons ic:i un état de fait déjà examiné antérieurement (n° 16) à propos des attributions
du procureur général.
(2) Il semblerait logique, au cas où un délit supposé se révèlerait n'Utt qu'une contravention, de
provoquer le dessaisissement du juge d'instruction par la chambre du conseil et de renvoyer les
pièces à l'officier du ministère public près le tribunal de police compétent. 11 n'est, toutefois,
pas procédé de œtte manière, car, en vertu de l'art. 129 du code d'instruction criminelle.
lorsque le fait s"avêre n'être qu'une contravention de police, la thambre du conseil renvoie
l'inculpt directement au tribunal de police.
(3) En vertu des principes énoncés ci-dessus, le juge d'instruction ne peut jamais être requis valable-
ment d"informer au sujet d'une contravention (ou, temporairement, par application des errltfs
des 26 et 27 mai 1914 et 9 janvier 1915, au sujet d'un délit relevant de la compttence des
juridictions militaires): mais s'il est requis d'informer au sujd d'un délit de sa compétence et que
son instruction révèle que les faits ne constituent, en réalité. qu"une contravention (ou étaient
un dêtft r.elevant de la compêt-ence des juridictions militaires), son instruction est parfaitement
valable et peut servir de base à des poursuites régulières ultl:rieures devant la juridiction
compétente (voy. Gand, Mises en ace. 3i) jan. 1916 J.T. 197: Cass. 14-1-1946; Pas. 1. 22).
(1) Voy. Infra n• 131.
(5) Voy. note -t sous Cass. 6 déc. 1926. Pas. 1927. I. 97; Beltjens Encycl. code d'instr. crlm.
art. 22, n• 6.

46
43. - CARACTERE D'ORDRE PUBLIC DES REGLES RE-
LATIVES AU RESSORT TERRITORIAL DU PROCUREUR
DU ROI ET DU JUGE D'INSTRUCTION. - Le procureur du
Roi et le juge d'instruction n'exercent leurs fonctions que dans l'arron-
dissement judiciaire où ils sont établis, ce qui implique qu'en dehors
des limites de celui-ci ils cessent de jouir des prérogatives attachées
à leur mission; il n'y a d'exception à cette règle que si la loi prévoit
-expressément une prorogation de compétence, ce qui ne se produit que
très rarement ( 1 ) .
Comme la qualité d'officier de police judiciaire attribuée à ces
magistrats n'est qu'une conséquence de leur qualité de procureur du
Roi ou de juge d'instruction, il est évident qu'elle disparait également
lorsque ces magistrats cessent d'exercer leur fonction principale; dès
lors, les règles relatives au ressort territorial sont nécessairement
d'ordre public, puisque le procureur du Roi et le juge d'instruction
sont, en dehors de leur ressort, privés des prérogatives leur permettant
d'informer. Il nous faut donc admettre qu'un acte d'instruction accompli
par le procureur du Roi ou le juge d'instruction hors de son ressort est
nécessairement nul.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le droit de recueillir des renseigne-
ments u'est pas un attribut de la fonction de police judiciaire: Toute personne peut
poser des questions aux témoins disposés à lui répondre, recueillir les déclarations
icrites de ceux-ci et les transmettre à l'officier du ministère public compétent (2).
Ce n'est donc pas l'information obtenue par un officier de police judiciaire agissant
hors de son ressort qui peut être considérée comme sans valeur, mais l'acte
que dresse cet officier et dans lequel il relate les renseignements obtenus, c'est-à-dire
lé procès-verbal qu'il établit dans des circonstances où il n'avait pas qualité pour
verbaliser. C'est pourquoi, la Cour de cassation admet que la nullité du procès-verbal
n'implique pas nécessairement la nullité des renseignements qu'il contient et tient pour
valable l'utilisation de ces renseignements tant à l'instruction qu'au procès (3).
Enfin, l'officier verbalisant peut éventuellement être cité comme témoin (4). Toutefois,
il en serait autrement si les renseignements obtenus l"avaient été par l'emploi de me-
sures de contrainte que seul un officier compétent pouvait ordonner ou utiliser
(perquisitions, saisies, etc.) En pareil cas, l'acte tout entier est frappé de nullité
et ne peut servir de preuve (5).

CHAPITRE V

LES AUXILIAIRES DU MINISTERE PUBLIC EN MATIBRE DE


POLICE JUDICIAIRE

44. - GENERALITES. - Nous avons étudié, au cours des


chapitres précédents, les organes du ministère public auprès de chaque
juridiction et leurs attributions propres. Nous avons également examiné

(f) .Voy. not. lnstr. 46't.


(2) Arg. art. 30 et 31 instr.
(3) Cas•. 19 janvier 1948, J.T. 167.
(4) 'Voy. Cass. Il janvier 1937. Pas. 1. 4.
(5) Voy. Infra n°• 91 et •·

47
l'institution du juge d'instruction et le rôle joué par ce magistrat au
côté du procureur du Roi. Nous abordons, maintenant, l'étude des
auxiliaires du ministère public, grâce auxquels celui-ci peut exercer
sa mission de rechercher les infractions, les preuves de celles-ci et leurs
auteurs.
Ces auxiliaires sont les officiers et agents investis d'attributions
de police judiciaire. Ces officiers et agents ne jouent aucun rôle dans
la poursuite des infractions, dans l'exercice de l'action publique ; en
revanche, ils apportent une participation essentielle à la recherche des
infractions, à l'information.
Tout notre système répressif est fondé sur le monopole légal attribué aux
officiers du ministère public, sensu stricto, dans l'exercice de l'action publique. II en
résulte qu'un simple officier de police ne peut poursuivre un délinquant devant· 1es
tribunaux. Il en va autrement dans les pays anglo-saxons, où domine le principe du
libre exercice des poursuites publiques par tout particulier ( 1). En pratique, ce
sont surtout les représentants de la police qui exercent ce droit, mais, en revanche,
même les simples « constables » en font couramment usage. Les deux méthodes ont
leurs avantages et leurs inconvénients : La nôtre assure plus de circonspection dam,
la mise en œuvre des poursuites, mais en revanche, elle impose, pour les petites
infractions, une procédure plus complexe. La formule anglo-saxonne, au contraire,
permet de traduire immédiatement devant le tribunal les petits délinquants et d'ap-
pliquer à ceux-ci, avec le minimum de formes et le maximum de diligence, la peine
légère qui sanctionne leur faute.
Les auxiliaires du ministère public en matière de police judiciaire
sont essentiellement : a) les officiers et agents de la police judiciaire
des parquets ; b) les commissaires, commissaires-adjoints et agents des
corps de police communale et c) les officiers, sous-officiers et membres
du corps de gendarmerie. Ces trois organismes de police constituent
l'ossature de la police judiciaire et leur compétence d'information
s'étend à toutes les infractions.
A côté d'eux, de nombreux magistrats, officiers et fonctionnaires
sont chargés, par diverses lois, de prêter leur concours à la recherche
des infractions, de leurs auteurs et des preuves de culpabilité ; certains
de ces auxiliaires du ministère public jouissent d'une compétence
générale : Ce sont les juges de paix et les bourgmestres ; mais leur
participation à l'exercice de la police judiciaire est beaucoup plus théo-
rique que pratique; d'autres assurent des services spécialisés de police
judiciaire: Inspecteurs de police des chemins de fer, de l'aéronautique,
commisaires maritimes, gardes champêtres et forestiers; Enfin, de
nombreux agents de l'Etat, des provinces, des communes, voire de
certains particuliers sont chargés par certaines lois de rechercher et
de constater des infractions déterminées ( 2).
( 1) Voy. supra no ~-
(2) Les gouverneurs de province ne possèdent, chez nous, aucun pouvoir de police judiciaire :
L'article JO du code d'instruction criminelle, qui donnait Je droit aux préfets des départe ...
ments d au préfet de police à Paris de « faire personnellement ou requérir les officiers de
police judiciaire, chacune en ce qui le concerne. de faire tous actes nécessaires à l'effet de
constater les crimes, délits et contraventions et d'en livder les auteurs aux tribunaux chargés de
les punir, conformément à l'article 8 » a été: implicitement abrog~ chez nous. En France, au Côn--
traire, cet article. bien que sérieusement atténué, a résisté à toutes les attaques· dont il fut ]'objet
et est encore maintenu actu~l:leme-nt dans son principe. Cete disposition, qui rendait possible
l'immixion des autorités administratives de l'Etat dans les attributions du ministère public, if(ait
absolument incompatible avec un principe fondamental de notre organisation judiciaire : Celui de
l'indépendance du ministèr~ public à l'égard de l'administration (v'>y. supra n° li).

48
SECTION I"
Les services généraux de police judiciaire
PAR. t••
LA POLICE JUDICIAIRE DES PARQUETS

45. - GENERALITES. - La police judiciaire des parquets


est issue de la loi du 7 avril 1919. Elle est la plus récente de nos
institutions de police ; elle est également celle qui joue, en matière de
police judiciaire, le rôle le plus important. Sa création a répondu aux
trois besoins essentiels de la recherche criminelle moderne : la spécia-
lisation, les moyens d'investigation scientifiques et la libre extension
territoriale des recherches.
La loi de 1919 contient trois dispositions fondamentales : 1° l'insti-
tution d'officiers et d'agents judiciaires attachés aux parquets des
procureur du Roi et soumis à la hiérarchie du ministère public :
2° Le droit de concurrence et même de prévention de la police judi-
ciaire des parquets à l'égard des autres corps de police, et notamment
des corps communaux, dans la recherche des infractions et de leurs
auteurs et 3° L'extension du ressort territorial des officiers et agents
judiciaires au ressort de la Cour d'appel et même, moyennant mandat
expres du procureur général, au territoire national tout entier.

46. - 1° L'INSTITUTION D'OFFICIERS ET D'AGENTS


JUDICIAIRES ATTACHES AUX PARQUETS DES PROCU-
REURS DU ROI ET SOUMIS A LA HIERARCHIE DU MI-
NISTERE PUBLIC. - La police judiciaire des parquets n'est pas un
organisme de police autonome, mais un service spécial créé au sein
de l'organisation des parquets, et, par conséquent, placé sous l'autorité
du procureur général et sous la direction du procureur du Roi ( 1 ) ;
le législateur a même stipulé que les officiers judiciaires auraient leurs
bureaux dans les locaux des palais de justice, lorsqu'il résideraient
dan les chefs-lieux d'arrondissement judiciaire (2).
Le rattachement à l'organisation du ministère public des principaux organes
d'exécution de la police judiciaire constitue, à n'en pas douter, un des plus grands
mérites de la remarquable loi de 1919. Le code d'instruction criminelle avait consacré
un système absolument illogique, en vertu duquel le procureur du Roi et le juge
d'instruction, chargés d'exercer la police judiciaire, devaient, pour y parvenir,
demander l'assistance de diverses autorités administratives ou militaires pour
lesquelles la police judiciaire ne constituait qu'une activité accessoire et à l'égard des-
quelles ils ne possédaient qu'un droit de réquisition et non une autorité réelle et
directe. Ce système s'est perpétué en France où, bien qu'il ait existé très tôt des
organismes spécialisés dans la recherche des infractions et de leurs auteurs (police
judiciaire parisienne, Sûreté Nationale), tous les services de police judiciaire
(1) Loi du 7 avril 1919. art. 1••.
(2) Loi du 7 avril 1919, art. 7.

49
relèvent de l'autorité administrative ordinaire (Ministre de l'Intérieur, préfets,
préfet de police) et sont seulement mis à la disposition des parquets. La mème
situation se rencontre dans la plupart des pays européens, dont la procédure
pénale est issue du code d'instruction criminelle. En Angleterre également, à Londres
du moins, la police relève de l'autorité administrative ordinaire, représentée par le
Ministre de l'Intérieur (Home Secretary). Cependant, la police métropolitaine
(Scotland Yard) constitue, en fait, un véritable corps autonome jouissant d'une
indépendance comparable à celle de nos parquets. En outre, en vertu du système
anglais, la poursuite des infractions incombe normalement à la police ; dès lors,
la dualité entre les organes de direction et les organes d'exécution de la police judi-
ciaire, propre au système français, ne se rencontre pas dans les institutions anglaises ;
en d'autres termes, l'unité se réalise, outre-Manche, au sein de la police, tandis
qu'elle se produit, en Belgique, au sein des parquets. Les deux conceptions sont égale-
ment défendables, tandis que le rattachement des services de police judiciaire
à l'autorité administrative ordinaire et leur séparation des organes du ministère
public crée une situation anormale qui entraine une manque de coordination inévi-
table dans l'exercice de la police judiciaire ( 1).

47. - 2° LE DROIT DE CONCURRENCE, ET MEME DE


PREVENTION DE LA POLICE JUDICIAIRE DES PARQUETS
A L'EGARD DES AUTRES CORPS DE POLICE, ET NOTAM-
MENT DES CORPS COMMUNAUX, DANS LA RECHERCHE
DES INFRACTIONS ET DE LEURS AUTEURS. (2) (3) (4) -
( 1) D'autre part, le législateur belge a toujours manifesté une répugnance traditionnelle à mettre ::ntre
les mains du pouvoir central un instrument aussi puissant, et, faut-il le dire, aussi dangertux
qwe celui que constitue un corps de police relevant directem~t de l'exécutif: la crainte de ce
danger a longtemps fait repousser tout projet de création d'une police judiciaire d'Etat ; lorsque
le principe de celle-ci fut finalem,ent admis, il fut décidé de: la placer sous J' autorité exclusive du
ministère public, ce qui garantit l'indépendance de la nouvelle institution à l'égard des tendances
politiques et la stricte limitation de ses attributions au domaine de la police judiciaire.
(2) Loi du 7 avril 1919, art. 8, al. 3.
i3) En lait, l'article 8, al. 3 dt la loi du 7 avril 1919 a. en apparence, une portèe assez limitée: Il
prévoit seulement un droit de concurrence d même de prévention en faveur des officiers Judi-
ciaires à l'égard des commissaires et commissaires-adjoints de police communale: ainsi que des
bourgmestres et tchevins. Cependant, bien que l'interprétation que nous avons donnée d--de.:JSus
étende largement la portée du texte de l'article 8, nous estimons qu'elle est conforme à l'r,sprit
de la loi de 1919 et à celui de l'ensemble de notre système de police judiciaire : En réalité, le
droit de concurrence de deux officiers de police judiciaire à compétence générale, opérant 1mr
le mê-me territoire, à l'égard d'une même infraction. est évident: Il est clair que le lieutenant
de gendarmerie, par exemple, est en concurrence, dans toute l'étendue de son district, rivec
les commissaires de police communaux qui y exercent leurs fonctions. Le problème qui se pose
est âonc celui du droit de préférence en cas de concurrence entre officiers de police judici-iire.
Il se ramène, par conséquent. à la reconnaissance d'une hiérarchie dans l'exercice des fonctions
de police judiciaire. Certaines dispositions légal•es apportent une solution fragmentaire (voy.
not. instr. 11 ), mais il n'existe aucun texte légal à portée générale résolvant la question. La
coutume y a suppléé en établissant une hiérarchie de fait entre les divers organes de recherche :
Les corps de police communale y occupaient, avant 1919, la première place. En accordant un droit
de prévention aux officiers du parquet à l'égard des offtclers communaux. le législateur de 1919 n.
en pratique, placé la police judiciaire des parquets au sommet de toute la hiérarchie. Le Hen-
fondé de cette thèse est amplement confirmé, d'ailleurs, par l'article 12 de la loi de 1919
qui donne aux officiers des parquets un droit de réquisition à l'égard de tous les autres officiers
èe police judiciair,e, à l'exception des maÇJistrats. Nous pouvons. dès lors, admettre que les i-ffi ..
ciers judiciaires des parquets ont droit de prévention à l'égard de tous les autres officiers rle
police judiciaire, exception faite des magistrats. dans la recherche dr toute-s les infractions, 5auf
lorsque la loi en a expressément disposé autrement : ainsi la loi du 25 juillet 1891 attribue. par
!On artide 15, al. 3, un droit de concurrence et mtme de prévention, à l'égard de tous les nutres
officiers de police judiciaire. à l'exception du procureur du Roi et du juge d'instruction, en faveur
des inspecteurs et insp,ecteurs en chef de police des chemins de fer. pour la recherche des rrim.es
et délits relevant de leur compétence: Ce droit subsiste. même à l'égard des offiders judiciaires
du parquet, la loi de 1919 n'y ayant apporté aucune modification; par contre, la loi du 27 juin 1937
organique de la police aéronautique, prévoit également que les inspecteurs en chef et inspecteurs
de la police aéronautique jouissent d'un droit de concurrence et même de prévention identique à
celui cl-es officiers de la police des chemins de fer, mais elle exclut de l'application de ce droit :10n
seulement le procureur du Roi et le Juge d'instruction, mais également les juges de paix et les
officiers judiciaires des parquets (art. 40, al. 2).
(4) Voy. toutefois, sur cette question, l'interprétation plus restrictive donnée par M. le Procureur
général Servais (Le poHce judiciaire des parquets; mercuriale prononcée en 1921 ).

50
Les officiers et agents judiciaires des parquets sont les auxiliaires
normaux du procureur du Roi et du juge d'instruction. Les autres
autorités de police (police communale, gendarmerie) conservent, néan-
moins, leurs attributions traditionnelles, et, en fait, très importantes,
en matière d'information. Toutefois, en cas de concours, la police
judiciaire des parquets assume la direction des opérations ; elle peut,
d'autre part, s'assurer l'assistance de tous les autres services de
police ( 1).

48. - 3° L'EXTENSION DU RESSORT TERRITORIAL


DES OFFICIERS ET AGENTS JUDICIAIRES AU RESSORT
DE LA COUR D'APPEL. ET MEME, MOYENNANT MANDAT
EXPRES DU PROCUREUR GENERAL. AU TERRITOIRE NA-
TIONAL TOUT ENTIER. - Les auteurs du code d'instruction
criminelle ont légiféré à l'usage d'une société dont les moyens matériels
de déplacement et de circulation des personnes et des biens étaient
encore au stade d'évolution le plus élémentaire: Ni les délinquants,
ni les policiers ne pouvaient aisément se transporter d'un lieu à un
autre et tout déplacement exigeait de très longs délais. Il n'est pas
étonnant, dès lors, que le législateur de 1808 ait conçu l'organisation
de la police judiciaire sur un plan statique, chaque officier se voyant
confier la surveillance d'une portion très limitée de territoire, qu'il
pouvait parcourir aisément, tandis. que la liaison se faisait presque
exclusivement par transfert des pièces. Au fur et à mesure du dévelop-
pement des moyens de communication, cette organisation statique
s'est révélée de plus en plus insuffisante: C'est pourquoi le législateur
a dû mettre la police en mesure d'étendre son action sur un plan terri-
torial beaucoup plus vaste qu'auparavant. Le législateur de 1919 pré-
voit trois degrés à l'extension du ressort territorial des officiers et
agents judiciaires :
a) L'arrondissement judiciaire. Celui-ci constitue le champ d'ac-
tion normal des officiers et agents judiciaires qui y résident, le terri-
toire soumis à leur surveillance habituelle ( 2).

b) Le ressort de la Cour d'appel. Celui-ci représente le ressort


territorial proprement dit de ces officiers et agents, c'est-à-dire le
territoire dans lequel ils sont investis des pouvoirs découlant de leurs
fonctions et ils peuvent valablement les exercer en droit (3). Toute-
fois, ils ne sont autorisés à étendre leurs enquêtes hors de leur arrondis-
sement que si le procureur général y consent ( 4). Il ne s'agit là, cepen-

,r) Loi du 7 avril 1919, art. 12.


(2) Loi du 7 avril 1919, art. 3.
(3) Loi du 7 avril 1919, art. 9, al. 1.
(4) Loi du 7 avril 1919, art. 3, al. 2 et 10, al. 2.

51
dant, que d'une disposition d'ordre intérieur et l'absence d'autorisation
n'entraîne aucune nullité de procédure (1) (2).
c) Le territoire national. Les officiers et agents investis d'un
mandat expres du procureur général peuvent exercer leurs fonctions
dans le ressort d'une autre Cour d'appel (3). Il s'agit là d'une véri-
table prorogation de compétence trouvant sa source dans un ordre
écrit ; par conséquent, le défaut de celui-ci entraîne la nullité des
actes accomplis hors du ressort territorial légal de leur auteur. La loi
requiert même l'existence d'un mandat spécial pour chaque ressort
de Cour d'appel différent dans lequel les recherches doivent être
étendues ( 4). Un officier judiciaire gantois devant procéder à des
investigations à Charleroi et à Namur doit être autorisé à exercer
ses fonctions dans le ressort de la Cour d'appel de Bruxelles et dans
celui de la Cour d'appel de Liège. Le procureur général ayant délivré
le mandat en avise immédiatement son collègue du ressort où doivent
être exécutées les recherches prescrites ( 5).
Il arrive, enfin, qu'un officier judiciaire soit envoyé en mission à l'étranger.
Mais il est bien évident qu'en pareil cas, s'il lui est permis de recueillir des
renseignements, en collaboration avec les autorités étrangères compétentes, son
intervention ne peut cependant avoir qu'un caractère strictement officieux.

49. - ORGANISATION DE LA POLICE JUDICIAIRE DES


( 1) Cass. 15 février 1926, Pas. 1. 242.
\2) L'intervention d'un officier judiciaire hors de son arrondissement peut se produire dans deux cir ...
constances différent.es :
! 0 ) Lorsque, ayant entrepris une enquête dans sa circonscription, il doit procéder à <:ertJines
recht: rches au ... delà des limites de celles ... ci ;
2°) Lorsque les nécessités d'une enquête de la compétence d'un parquet ne disposant pas
dies services d'investigation indispensables (crime grave commis dans un arrondissement rural.
par exemple), impose le détachement provisoire auprès de ce parquet d'un officier judiciaire
résidant dans un autre arrondissement plus important.
Dans le second cas, la loi requiert expressément l'autorisation du procureur général (art. 3.
al. 2; art. 10. al. 2).
Dans le premier cas, il convient de faire une sous--distinction: a) si l'officier doit accomplir
un acte d'instruction quelconque (perquisition. saisie, etc.) l'autorisation du procureur général
est êgalement indispensable, car l'acte exige l'intervention du magistrat instructeur de l'arrondisse--
ment où il doit ête accompli, éventuellement commis rogatoirement par son collègue dont dépend
l'officier saisi (voy. supra n° 39 et loi du 7 avril 1919, art. 10, al. 2).
b) Si l'officier doit simplement compléter une enquête par d-es mesures d'information (audi-
tion de témoins, par exemple) hors de son arrondissement, mais dans le ressort de la Cour d'appeJ,
la loi n'exige pas expressément qu'il soit habilité rar une autorisation du procureur génf'ral.
Il semble cependant certain qu'il ne puisse, sauf en cas d'urgence, procéder hors de son nrron--
dissement sans autorisation d'un magistrat sous les ordres duquel il est placé : Mais ce :nagistrat
put--ii être le procur,eur du Roi ou le juge d'instruction, ou doit--il être le procureur génèral 7
La loi est muette sur ce point. On pourrait admettre que, le procureur du Roi et le juge d'instruc--
tion étant personnoellement chargés de l'information, ils peuvent accorder l'autorisation \rooJlue,
tout en prév,enant immédiatement leur collègue compétent (interprétation analogique de l'art. 9.
al. 2 et 3). Telle sembl,e d'ailleurs être l'opinion du Procureur Général Scrvnis (voy. Mercuriale
i:,rononcée en 1921. J.T. col. 584).
La question de savoir si. et d-e quelle manière, un officier judiciaire doit être autorisé pour
intervenir hors de son arrondissement. mais dans le ressort territorial de la Cour d'appel :i.e
présente, au surplus. qu'un intérêt juridique restreint. En ·effet, l'autorisation est. en pareil
cas, une simple question de discipline intérieure et son absence ne peut avoir aucune inf!ul'nce
préjudiciable sur la validité des actes accomplis par cet officier. Par contre, lorsque l'offic.ier
doit intervenir hors du ri2ssort d,e la Cour d'app.d, la nécessité d'une autorisation acquiert une
importance essentielle car. dans ce cas. l'autorisation constitue le titre juridique habilitant
!"officier à exercer ses fonctions. L'intervention du procureur général est donc indispensable
lorsque cette év,entualité se présente.
(3) Loi du 7 avril 1919, art. 9, al. 2.
(4) Loi du 7 avril 1919, art. 9, al. 2, le mandat doit même, à notre sens, être nominatif.
(5) Loi du 7 avril 1919, art. 9, al. 3.

52
PARQUETS (1). - La loi du 7 avril 1919 a institué des officiers et
des agents judiciaires. « Les officiers sont nommés et révoqués par le
Roi. Les agents judiciaires sont nommés et révoqués par le Ministre de
la Justice» (art. 2). « La résidence des officiers et des agents judiciaires
est fixée par le Ministre de la Justice. Toutefois, le procureur général
peut les détacher momentanément dans les localités de son ressort où il
jugerait leur concours utile au service de la police judiciaire » ( art. 3).
Les officiers et agents judiciaires sont répartis par cours d'appel et ar~
rondissements judiciaires.
« Les officiers judiciaires ont qualité d'officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur du Roi ( voy. infra n°• 69 et ss.). Ils ont les
pouvoirs et les attributions que les lois reconnaissent aux commissaires
de police en qualité d'officiers de police judiciaire auxiliaires du pro~
cureur du Roi » (Art. 8, al. ter et 2). « Les officiers judiciaires ont
le droit de requérir, dans l'exercice de leurs fonctions, l'assistance de
la force publique et celle des officiers de police judiciaire autres que les
juges de paix et leurs suppléants, les procureurs du Roi, leurs substi~
tuts et les juges d'instruction. Les fonctionnaires ou agents requis
sont tenus d'obéir à ces réquisitions et d'assurer, s'il y a lieu, pour
leur exécution, le concours des fonctionnaires ou agents sous leurs
ordres. » ( art. 12). Parmi les officiers judiciaires existent les grades
suivants : Officier commissaire général aux délégations judiciaires ;
officier commissaire en chef aux délégations judiciaires ; officier corn~
missaire principal aux délégations judiciaires ; officier commissaire
aux délégations judiciaires, officier judiciaire ( 2).
L'officier commissaire général aux délégations judiciaires réside
à Bruxelles. Il assume, sous le contrôle des procureurs généraux, la
direction administrative de la police judiciaire des parquets.
Il a, notamment, dans ses attributions :
« 1°) L'administration et la direction du Bulletin central des signalements, la
direction du Bureau central de documentation nationale et internationale de police
criminelle ;
2°) La coordination des communications et rapports entre les brigades de polices
judiciaires et le Bureau central de documentation ;
3°) Sous la direction des procureurs généraux près les Cours d'appel. la
liaison entre les polices judiciaires près les parquets pour l'exécution des devoirs qui
lui seront indiqués.» (Arr. royal du 20 octobre 1936, art. 2.)
Il existe, dans chaque arrondissement où sont établis plusieurs
officiers judiciaires, un officier dirigeant ( commissaire en chef dans
les grands centres) chargé d'assurer, sous l'autorité immédiate du pro~
cureur du Roi, l'organisation du service et la répartition des affaires(2).
Pour des raisons d'ordre pratique, les juges d'instruction et les substituts du
procureur du Roi ne chargent pas personnellement un officier déterminé de procéder
aux actes de police judiciaire requis. Ils transmettent leurs réquisitions à l'officier
dirigeant qui désigne celui de ses subordonnés appelé à les exécuter ( 3).
Les agents judiciaires assistent les officiers judiciaires dans l'exer~
(1) Voy. A Caron. La police judiciaire, n°• 97 et ss.
(2) Arrêté royal du 20 octobre 1936, art. 2.
(3) Voy. Mercuriale de M. le Procureur général Servais. 1921 (J.T. col. 584): Cass. 25 novembre 1940;
Pa&. 1. 303.

53
cice de leurs fonctions. Ils ne sont pas officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur du Roi, à l'exception des agents inspecteurs
judiciaires principaux, commissionnés à cette fin par le procureur
général (1 ). Ceux-ci n'ont, toutefois, pas, comme les officiers judi-
ciaires, les pouvoirs et les attributions reconnus aux commissaires de
police et ils ne possèdent pas non plus le droit de requérir l'assistance
de la force publique ou celle des autres officiers de police judiciaire.
En dehors des agents inspecteurs principaux, il existe des agents
inspecteurs et des agents.
La police judiciaire de parquets possède, dans les principaux
arrondissements, des laboratoires de police scientifique ( 2).
« Il est institué au sein de la police judiciaire un service radio-
technique comprenant une installation d'émission-réception centrale
et un laboratoire technique à Bruxelles et une installation d'émission-
réception dans chaque brigade. » (Arr. du Régent du 17 mars 1949,
art. ter ; Mon. 15 avril 1949.)
« Les officiers et agents judiciaires peuvent être chargés par
le procureur du Roi de l'exécution des mandats d'amener et d'arrêt
et des ordonnances de capture. » ( Loi du 7 avril 1919, art. 11.)
« Les chefs des administrations locales ou leurs délégués sont
tenus de fournir aux officiers et agents judiciaires, verbalement ou
par écrit, si ceux-ci le requièrent, tous les renseignements nécessaires
à l'accomplissement de leur mission.
» Les officiers judiciaires munis d'un mandat expres du procureur
du Roi ou du juge d'instruction ont, pour l'exécution de ce mandat,
accès dans les bureaux de l'administration communale et faculté de
consulter, sans déplacement, tous les registres et documents que pos-
sède la police administrative locale.
» Le même droit leur est reconnu en cas de crime ou délit flagrant.»
(art. 13.)
« Avant leur entrée en fonctions, les officiers judiciaires prêtent
serment entre les mains du procureur général. Les agents judiciaires
prêtent serment entre les mains du procureur du Roi auquel ils sont
subordonnés. » ( art. 4.)
« Les traitements des officiers et des agents judiciaires ainsi que
leurs menues dépenses sont à la charge de l'Etat. » ( art. 5.) « La hiérar-
chie, l'uniforme et les insignes des officiers et des agents judiciaires,
les peines disciplinaires dont ils peuvent être l'objet, leurs frais de
route et de séjour sont réglés par le Roi. » ( art. 6.)
( 1) Arrêté-loi du Ier février 1947, art. 1e•.
(2) Arrêté royal du 20 janvier 1951, art. 1er, Ces laboratoires sont appelés à fournir les travaux
suivants: « 1°) La dactyloscopie; 2°) Toutes les recherches photographiques, macrophotographi ..
ques d microphotographiques y compris la photographie dans l'infra-rouge et l'ultra-violet:
3°) Les identifications d'empreintes de toutes sortes; 4°) La balistique courante; 5°) Les recher-
ches portant sur l'analyse de fibr-es, de verre, de teintures, de couleurs, etc.: 6°) L'expertise en
écritures: 7°) Des recherches spectrographiques. » (Rapport au Prince Royal prér:êdant l'arrêté
précité). L~ cadre du personnel technique de ces laboratoires comprend des chefs de laboratoire
ayant la qualité d'officiers judiciaires, ainsi que des opérateurs principaux, opérateurs et opérateurs
à l'essai ayant la qualité d'agents Judiciaires (art. ter), Le ch.ef du laboratoire de Bruxel~s
exerce les fonctions de conseiller scientifique auprès de tous les laboratoires du pays (art. 2),

54
50. - LA POLICE JUDICIAIRE FEMININE. - La loi du
21 août 1948 a créé en Belgique la police judiciaire féminine. Son
article 8, 1 modifie l'article 1er de la loi du 7 avril 1919 de manière à
permettre l'institution d'officiers et d'agents judiciaires de l'un ou
l'autre sexe.
« Les officiers et agents judiciaires féminins ont les mêmes droits
et attributions que les officiers et agents judiciaires masculins. De plus,
ils sont spécialement chargés de la recherche des infractions contraires
aux mœurs, dont des femmes ou des enfants sont auteurs, victimes ou
témoins.» ( Loi du 21 août 1948. art. 8, 2, complétant l'article 8 de la loi
du 7 avril 1919.)
« Les officiers et agents judiciaires féminins attachés à une brigade
de police judiciaire près les parquets forment une section de police
judiciaire féminine dirigée par un officier ou agent judiciaire féminin.
Celui-ci relève immédiatement de l'officier dirigeant la brigade ou du
commissaire principal désigné par lui. Il reçoit par son intermédiaire
les devoirs prescrits par les magistrats de l'ordre judiciaire et lui
transmet les procès-verbaux et rapports. (Arrêté royal du 28 jan-
vier 1953, art. 6.)
PAR. 2
LES CORPS DE POLICE COMMUNALE
51. - GENERALITES. - L'ORGANISATION DE LA PO-
LICE JUDICIAIRE A L'ECHELON LOCAL ET LE PROBLEME
DE LA CENTRALISATION. - L'institution, dans toutes les villes
et communes importantes, de corps de police locaux est une conséquen-
ce du principe traditionnel de l'autonomie communale. La police com-
munale a pour tâche première le maintien de l'ordre et l'exécution des
arrêtés et règlements administratifs. Mais elle joue également un
rôle fondamental dans la recherche et la constatation des infractions,
c'est-à-dire en matière de police judiciaire. Pour tout ce qui se rap-
porte à celle-ci, elle est mise à la disposition du procureur du Roi ( 1)
et placée sous la surveillance du procureur général ( 2) ( 3).
Au contraire de la police judiciaire des parquets, la police com-
munale ne possède qu'un ressort territorial extrêmement restreint:
En raison de son caractère d'institution communale, ses pouvoirs ne
peuvent, logiquement, s'exercer que sur le territoire de la commune elle-
même (4) (5).
L'organisation de services de police judiciaire sur le plan local
est aussi indispensable que celle de services appelés à opérer sur un
(l) Loi du 7 avril 1919, art. JO.
(2) lnstr. 279.
~3) Toutefois, par suite d'unie regrettable lacunr: de la loi. seuls les officiers de police judiciaire,
c'est~à~dire les commissaires de police et leurs adjoints sont soumis à la surveillance de ce !laut
magistrat et les simples a~nts y échappent en théorie. En pratique, bien entndu, compte tenu de
la subordination hiérarchique des agents aux officiers de police, le procureur général exerce sa
surveillance sur l'ensemble de l'activité de police judiciaire de la police communale.
(4) Voy. lnstr. 12.
(5) Toutefois, les commissaire et agents de police d'une commune peuvent. sur la proposition des
conseils communaux intéressés, être autorisés par Je gouverneur de la province à exercer, à titre
d'auxiliaires, leurs attributions dans les communes limitrophes (voy. loi communale, art. 127bis,
loi du 30 janvier 1924),
55
plan extensif, car elles répondent l'une et l'autre à des exigences dif-
férentes mais également essentielles du travail d'information : La po-
lice doit pouvoir jouir de la même liberté d'action dans l'espace que les
criminels qu'elle recherche ; mais elle doit également soumettre chaque
portion du territoire à une surveillance constante ( 1). Cependant, cette
règle n'implique pas nécessairement que les services locaux doivent
être indépendants des services généraux et relever des autorités
locales. Dall'S la plupart des pays se manifeste une tendance irrésistible
à la centralisation, considérée comme un moyen d'aboutir à une plus
grande coordination.
En Angleterre, la police est entièrement centralisée et étatisée dans la regmn
de Londres (Scotland Yard) depuis plus d'un siècle. En province, seuls les grands
centres possèdent un corps de police autonome, tandis que le reste du territoire est
soumis à la surveillance de gendarmeries provinciales (county police). Celles-ci
absorbent de plus en plus les corps autonomes subsistant encore.
En France, la police parisienne est étatisée depuis l'Empire (Préfecture de
Police). L'organisation du reste du territoire, jadis semblable à la nôtre, est unifiée
et étatisée graduelk·ment, par l'absorption des polices locales des grands centres,
d'abord, des centres moyens ensuite, dans des corps départementaux de police d'Etat.
Aux Pays-Bas, seules les grandes villes possèdent encore des polices com-
munales, l'étatisation étant effective partout ailleurs.
Au Grand-Duché de Luxembourg, les polices locales sont étatisées.
Cette évolution n'a trouvé aucune correspondance chez nous ( 2).
La division par communes reste si radicale que Bruxelles, par exemple,
possède 19 polices communales autonomes, sans compter celle de la
ceinture extérieure. La même situation se retrouve dans tout le pays.
La centralisation étatique aux dépens des communes est une solution
envers laquelle notre esprit national manifeste une répugnance tra-
ditionnelle. Il n'est pas certain, d'ailleurs, qu'elle soit nécessaire,
voire même simplement souhaitable. Cependant, elle pourrait s'avérer,
un jour. inévitable, si l'indépendance locale se révélait un obstacle
insurmontable à une coordination raisonnable. Or, celle-ci reste
insuffisante, malgré certaines tentatives ( 3).
(1) La police locale est spécialement armée pour accomplir trois tâches :
a) L'intierv-ention immédiate lorsqu,e une infraction, qudLe qu'e.ll.e soit a été commise. Les
officiers et agents locaux sont, normal~ment toujour~ les premiers sur les lieux : C'est donc
à eux qu'incombe la pr.e-mière enquête sommair,e ( constatations, audition des témoins se trouvant
sur place). Ce sont également eux qui, en raison de leur plus grande proximité des justiciahles.
reçoivent le plus de plaintes et de dénonciations et procèdent habituellement aux premières Véri~
fications.
b) La surve:iltanC'~ constantie. dt sa circonscription. Les officiers locaux connaissent bien
leur circonscription et ses habitants : Ils sont donc les plus aptes à découvrir toute anomalie. tout
élément suspect qui peut men·er sur la voie des aut.eurs d'un crime ou d'un délit dont r~nquête
directe a été impuissante à élucider les circonstances,
c) Les enquêtts Nlativ,es aux infractions restreint~ au miliie:u local. Certaines infractions
sont essentie!lement liées au milieu local : TeHes sont. notamment, la plupart des contraventions,
les affaires d'ivresse publique, de rixe, d'infidélité conjugal,e, etc. La plupart des témoins ~t
suspects résident sur place, l'enquête ne doit guère s'étendre hors du cadre local.
(2) Abstraction faite, bien entendu, du rôle traditionnd joué par la gendarmerie en tant que police
locale des districts ruraux.
(3) Certaines communes ont usé de la faculté qui leur est accordée par l'art. 127bis nouveau de !a
loi communale et ont autorisé leurs commissaires et agents respectifs à exercer leurs fonctk,ns,
à titre d'auxiliaires. sur leurs territoires respectifs. Mais en pratique, même lorsqu'il existe un
accord intercommunal. ce qui n'est pas toufou.rs le cas, l'intervention des fonctionnaires de !a
police communale hors de leur ressort traditionnel rest•e exc·eptionnelle, limitée aux cas d'urgencè
et n'est jamais organisée systématiquement de manière à aboutir à une coordination du travail
des différents corps de police : Il arrive, par exempl,e. qu'un officier communal dresse procè's-verbat
lorsqu'il est requis de constater d'urgence, un accident de roulage survenu dans une çommune:

56
52. - L'ORGANISATION DE LA POLICE COMMUNALE.
L'organisation de la police communale est sujette à de nombreuses
variations, vu les différences énormes d'importance et d'effectifs entre
les divers corps et les différences de conceptions pouvant exister entre
les autorités communales indépendantes dont ces corps relèvent. Elle
comporte, cependant, les éléments généraux suivants :
a) Le commissaire de police. Ce fonctionnaire communal est nom-
mé par le Roi, sur une liste de deux candidats présentés par le conseil
communal. auxquels le bourgmestre peut en ajouter un troisième ( 1).
Les candidats doivent réunir certaines conditions de capacité, consta-
tées par un examen ( 2).
Le commissaire de police assume la direction de la police com-
munale. Il est officier de police judiciaire ( voy. infra n° 69 et ss.).
En matière de police judiciaire, il ne relève que du procureur du Roi
et du procureur général ( 3). Le bourgmestre n'est officier de police
judiciaire que dans les communes où il n'y a pas de commissaire de
police. et dans les cas où celui-ci est absent ou empêché ( 4).
Dans les communes importantes, la police est répartie en divisions
territoriales, placées chacune sous la direction d'un commissaire. L'en-
semble des divisions est alors soumis à l'autorité d'un commissaire en
chef désigné par le bourgmestre, sous l'approbation du gouverneur,
pour une durée d'un an (5).
Le ressort territorial des commissaires de police s'étend à toute
l'étendue de la commune et non à celle de leur division. Celle-ci ne
limite ni ne circonscrit leurs pouvoirs respectifs, mais indique seulement
les termes dans lesquels chacun d'eux est plus spécialement astreint
à un exercice constant et régulier de ses fonctions ( 6).
Lorsque l'un des commissaires de police d'une même commune se
trouve légitimement empêché, celui de la division voisine est tenu
de le suppléer, sans qu'il puisse retarder le service pour lequel il
est requis, sous prétexte qu'il n'est pas le plus voisin du commissaire
empêché, ou que l'empêchement n'est pas légitime ou n'est pas
prouvé (7).
Dans les communes où il n'y a qu'un commissaire de police, s'il
se trouve légitimement empêché, le bourgmestre, ou, à défaut de celui-
ci, un échevin le remplace, tant que dure l'empêchement.
limitrophe, mais il est très rare qu'un officier d'une commune, au cours d'une enquête ~ormaie,
entende les témoins résidant dans la commune voisine, même s'il est habilité à exercer ses fonctions
s.ur le territoire de celle--ci.
(1) Loi communale, art. 123. al. 1 et 2; la loi prévoit différents remèdes en cas d'inertie des autorités
communales ou si les candidats n'offrent pas de garanties suffisantes ( voy. loi communale, art. 124).
(2) Arrêté royal du 6 mars 1935, modifié le 13 septembre 1935.
(3) Voy, Rép. Dr. b .. V• Commune, n• 1971. Séance Ch. Représentants, 13 déc. 1887. Ann. pari.
Ch. p. 245 Hellebaut, 772.
(4) Arrêté royal du 19 août 1819, Brux. 12 avril 1873, Pas. II. 230: B.J. col. 581. Cass. 30 juin 1913,
Pas. I. 361: P.P. 1914, 28: Rev. dr. pén. 1913, 733.
(5) En thé.orle; loi communale art. 126. Arr. roy. du 14 août 1933.
(6) lnstr. 12.
(7) lnstr. 13.

57
b) Les commissaires-adjoints. Ces fonctionnaires sont nommés par le
conseil communal, sous l'approbation du gouverneur ( 1). Les con-
ditions de capacité exigées sont les mêmes que pour les commissaires.
Ils sont officiers de police judiciaire ( voy. infra n°" 69 et ss.) et
exercent, en cette qualité, sous l'autorité des commissaires de police,
les fonctions que ceux-ci leur ont déléguées ( 2).
A la différence des officiers judiciaires des parquets, qui, quel que soit leur
grade, exercent leurs fonctions en vertu de leur qualité d'officier, les commissaires-
adjoints de police n'exercent les leurs que par délégation du commissaire, et, lorsque
celui-ci est lui-même délégué par le procureur du Roi ou le juge d'instruction, en
vertu d'une subdélégation. Cette distinction est importante, car la loi peut interdire
cette délégation ou subdélégation dans certains cas (3).

c) Les agents de police. Il existe deux catégories d'agents: a) Les


agents spéciaux, ou agents judiciaires, ou inspecteurs (leur dénomina-
tion varie de commune à commune), chargés plus spécialement des
missions de police judiciaire et b) les agents de police, chargés avant
tout du maintien de l'ordre, mais appelés fréquemment à constater les
infractions ou à coopérer à l'exécution des mandats de justice. Ces
derniers agents procèdent généralement en uniforme, sans que le port
de celui-ci soit une condition indispensable à l'exercice de leurs fonc-
tions ( 4).
Les agents ne possèdent pas la qualité d'officiers de police judi-
ciaire, mais seulement celle d'agents de police judiciaire (5).
De même que celui des commissaires de police, le ressort terri-
torial des commissaires-adjoints et des agents s'étend à tout le terri-
toire de la commune, bien que ces fonctionnaires soient normalement
répartis au sein des divisions.
Certaines communes très importantes ont cree des brigades judi-
ciaires étendant leur action à toutes les divisions.
Les commissaires et commissaires-adjoints de police prêtent ser-
ment en mains du bourgmestre, suivant la formule du décret du
20 juillet 1831 ( 6). Les agents de police ne sont pas, en principe,
astreints à la formalité du serment. Toutefois, ils doivent avoir prêté
serment pour pouvoir remplir les fonctions qui leur sont confiées par

( 1) Loi communale, art. 125.


(2) Aucune forme n'est imposée à cette délégation. 11 est admis d'ailleurs, que le simple fait d'agir
implique en lui-même, dans le chef du commissaire adjoint. l'existence de cette délégation,
(3) Voy. infra n° 246.
(4) Liège 12 janvier 1938: Pas. II. 150: - infra n• 53.
(5) Un arrêté-loi du 20 septembre 1945 attribuait. jusqu'à la remise de l'armée sur pied rle .Paix,
la qualité d'officiers de police judiciaire aux agents des polices communales détenteurs du brevd
d'aptitude aux fonctions de commissaire et de commissaire-adjoint de police ou dispensés de
l'examen d'aptitude. conformément aux dispositions de l'arrêté royal du 6 mars 1935 modifié par
l'arrêté royal du 13 septembre 1935. Ces agents se voyaient attribuer, dans tout l'arrondissement
où ils assuraient leurs fonctions par ordre de leurs chefs, les pouvoirs et les attrihutiong
conférés aux officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi.
(6) Voy. arr. royal du 31 mai 1845.

58
le règlement général sur la police du roulage, ou, en général. par
toutes les lois leur attribuant le droit de constater des infractions dans
des procès-verbaux ( 1). En pratique, ils sont habituellement asser-
mentés.

PAR. 3
LA GENDAR.MER.IE

53. - ORGANISATION. - La gendarmerie est un corps mili-


taire institué pour assurer la police du territoire. L'article 120 de la
Constitution dispose que « L'organisation et les attributions de la gen-
darmerie font l'objet d'une loi». mais, cette loi n'ayant jamais été
élaborée, l'institution est encore régie actuellement par le règlement
organique du 30 janvier 1815. La gendarmerie est placée sous
l'autorité du Ministre de la Défense nationale pour ce qui concerne
son organisation, des Ministres de l'Intérieur et de la Santé publique
pour ce qui a trait à la police administrative et du Ministre de la Justice
pour tout ce qui se rapporte à la sûreté publique ainsi qu'à l'exercice
de la justice, et notamment à la police judiciaire.
Son organisation et ses grades ont un caractère strictement mili-
taire.
Sont officiers de police judiciaire (voy. infra n°" 69 et ss.) les
officiers de gendarmerie ( 2) et les sous-officiers portant le grade de
maréchal des logis chef ou un grade supérieur, ainsi que ceux qui sont
commandants de brigade ( 3). Les autres sous-officiers et les gendar-
mes sont agents de police judiciaire.
Le corps de gendarmerie comporte deux branches : La légion
mobile divisée en groupes mobiles, d'une part, dont la mission est,
essentiellement le maintien de l'ordre dans l'ensemble du pays et les
groupes territoriaux divisés en compagnies, districts et brigades,
d'autre part, chargés plus spécialement des fonctions de police ordi-
naire, et notamment de la police judiciaire. Le ressort territorial d'un
groupe correspond à une ou deux provinces, celui d'une compagnie
correspond, grosso modo, à un ou deux arrondissements judiciaires,
celui d'un district à un ou plusieurs cantons de justice de paix, et celui
d'une brigade à un groupe de communes. Les groupes sont commandés
par des officiers supérieurs, les compagnies et districts par des offi-
ciers subalternes et les brigades par des sous-officiers cl' élite.

(1-) Voy. Rép. Dr. b., v• Commune, n° 1995.


(2) Instr. 9.
(3) Arr.-loi du 1•• février 1947, art. 1.

59
Un arrêté du Régent du 3 août 1945 a créé, au siège de chaque
chef~lieu de district, une brigade spéciale des recherches chargée de
missions de police judiciaire dans toute l'étendue du district.
Les gendarmes sont généralement revêtus de leur uniforme dans
l'exercice de leurs fonctions. Une circulaire du Ministre de la Guerre
du 24 octobre 1884 les autorise, néanmoins, à porter l'habit civil,
sur réquisition des chefs militaires ou des autorités civiles compétentes.
Ils doivent, en pareil cas, être munis d'une médaille spéciale ( 1). En
pratique, les membres des brigades spéciales des recherches procèdent
habituellement en vêtements civils.

Le ressort territorial des membres de la gendarmerie s'étend aux


lieux où ils exercent leurs fonctions habituelles ( 2), c'est-à-dire, pour
les gendarmes et les sous-officiers, au territoire de la brigade, pour
les officiers au territoire du district, de la compagnie ou du groupe,
selon les cas.
Toutefois, si des gendarmes sont à la poursuite de malfaiteurs, ils
peuvent continuer cette poursuite autant qu'il est nécessaire, au-delà
des limites de leur ressort, jusqu'à ce qu'ils aient atteint les fugitifs ou
qu'ils aient été relevés par leurs collègues des brigades compétentes (3).

Enfin, chaque commandant d'unité (district, compagnie, groupe,


corps) peut concentrer les brigades sous ses ordres, pour les néces-
sités du service ( 4), et les utiliser en d'autres points de son ressort que
ceux auxquels elles sont affectées habituellement. En pareil cas, les
membres de la gendarmerie peuvent exceptionnellement accomplir des
actes de leur fonction hors de leur circonscription ( 5).
Ce système, déduit de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 1908,
nous paraît discutable : il fait dépendre, en effet, la compétence·, au point de vue
juridique, de l'affectation au point de vue administratif. Le code de l'instruction
criminelle avait pourtant, en son article 12, établi une distinction entre ces deux
notions, à propos de la police communale, et disposé que l'affection habituelle à la
surveillance d'une partie de commune n'impliquait pas, pour les commissaires de
police, une restriction à leur compétence, laquelle s'étendait au territoire de la com-
mune toute entière. Les gendarmes, étant des agents de l'Etat, susceptibles d'agir,
sur l'ordre de leurs supérieurs, en n'importe quel point du territoire national, leur
ressort territorial au point de vue juridique devrait ne connaître d'autres limites que
les frontières du Royaume, même si, en pratique leur service habituel se restreint

(1) La qualité d'agent de la force publique est d'ailleurs indépendante du port de l'uniforme ou de
l'exécution d'un service commandé (voy. Liège, 12 janvier 1938; Pas. Il. 150).
(2) Voy. instr. ◄ 8.
(3) Arr. 30 janvier 1815, art. 32; Cass. 13 janvier 1908; Pas. I. 75; B.J. 555; P.P. ~69; Rev. dr.
pén, 299.
(4) En respectant, bien entendu, les prescriptions disciplinaires qui peuvent réglementer, dans certains
cas, ou subordonner aux ordres de supérieurs hiérarchiques, les déplacements des unités de
gendarmerie (voy. not. à ce sujet, Rép. pr. dr. B .. v 0 Gendarmerie, n° 8 20 et 21 ).
(5) Cass. 13 janvier 1908 cité; régi. 20 mars 1815, art. 68.

60
à une circonscription donnée. Cette thèse a d'ailleurs été soutenue, à juste titre,
me semble-t-il, par le Procureur général Janssens dans ses conclusions précédant
l'arrêt de cassation du 13 janvier 1908, et que cet arrêt rejette sur ce point.

La présence simultanée de deux gendarmes n'est pas nécessaire


pour qu'ils puissent agir valablement ; Un gendarme peut dresser seul
un procès~verbal ( 1 ) .
La gendarmerie joue un rôle très important dans le cadre de la
police judiciaire: Tout d'abord, ses brigades représentent la seule
force de police organisée existant dans les régions rurales et, à ce titre,
elles remplissent le rôle de police locale dévolu, dans les centres ur~
bains, aux corps communaux. Ensuite, même dans les agglomérations
importantes, elle apporte au service de la police judiciaire un appoint
très considérable et elle est souvent chargée de mener des enquêtes.
· Enfin, les brigades spéciales des recherches constituent des organes
de police judiciaire d'une grande valeur.

SECTION II
Les services spéciaux de police judiciaire

54. - GENERALITES. - A côté des services de police judiciaire à compé-


tence générale, il existe des officiers et agents chargés de rechercher spécialement
certaines catégories d'infractions. Ces officiers et agents sont habituellement préposés
à la garde de lieux, de propriétés ou d'exploitations que la police générale ne peut
soumettre à une surveillance constante et où de nombreuses infractions, ordin?.ires
ou spéciales, sont susceptibles d'être commises. Tel est le cas, notamment, des instal-
lations de chemin de fer, des installations aéronautiques, des installations maritimes
et des navires, des propriétés rurales, des eaux et forêts. D'autre part, certains
agents spécialisés sont chargés de rechercher et de constater des infractions de
nature particulière, telles que les infractions fiscales.

55. - LA POLICE DES CHEMINS DE FER. - « Les fonctions soit de


gardes voyers, soit d'inspecteurs de police, soit d'inspecteurs en chef de police pour-
ront être conférées par arrêté royal à certains agents des administrations des chemins
de fer. Les arrêtés royaux de délégation :fixeront le lieu de la résidence des agents
et désigneront les gardes voyers et les inspecteurs ordinaires qui seront subordonnés
à chaque inspecteur en chef» (loi du 25 juillet 1891, art. 10). « Les gardes voyers,
les inspecteurs et les inspecteurs en chef prêteront, devant le tribunal de première
instance de l'arrondissement de leur résidence, le serment suivant: ,.Je jure fidélité
au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge, et de remplir
,fidélement les fonctions qui me sont conférées., » ( art. 11. al. 1 et 2).

« Néanmoins leurs pouvoirs ne sont pas circonscrits dans l'arrondissement de ce


tribunal. En cas de changement de résidence, J'acte de prestation de serment sera

(1) L'opinion, encore très répandue d'ailleurs, selon laquelle les gendarmes ne peuvent agir que par
paires, trouve son origine dans une interprétation erronée de l'art. 52 du règlement du
20 mars 1815 (voy. Pandectes Belges, v 0 Gendarmerie, n° 542) et est entretenue par l'usage
de ne détacher les gendarmes, dans les régions rurales, que par patrouilles de deux hommes.

61
transcrit et visé au greffe du tribunal de prem1ere instance auquel ressortit le lieu
de la nouvelle résidence » ( art. Il, al. 3 et 4) .
« Les gardes voyers, inspecteurs et inspecteurs en chef rechercheront et con-
stateront, par des procès-verbaux faisant foi jusqu"à preuve du contraire, dans toute
l'étendue des chemins de fer, dans les stations et leurs dépendances, ainsi que dans
les zones déterminées par les articles 2, 3, 5 et 6 de la présente loi (abords immédiats
des installations ferroviaires) tous les délits et toutes les contraventions en matière
de voirie et toutes les infractions aux lois et réglements concernant les chemins de
fer, leur exploitation et leur police» (art. 12) (1).
« Les inspecteurs et inspecteurs en chef sont officiers de police judiciaire (voy.
infra n•• 69 et ss.). Ils rechercheront les crimes et les délits dans toute rétendue des
voies ferrées, des stations et de leurs dépendances, dans une zone de 500 mètres de
chaque côté. Ils auront, pour la recherche de ces crimes et de ces délits, concurrence
et même prévention à l"égard de tous les autres officiers de police judiciaire à l'excep-
tion du procureur du Roi et du juge d'instruction» (art. 15) (2).
« Les gardes voyers et les inspecteurs remettront les procès-verbaux qu'ils
auront dressés à l'inspecteur en chef. Les procès-verbaux seront transmis, dans les
trois jours, à !"officier chargé des fonctions du ministère public près le tribunal de
police, ou au procureur du Roi, suivant qu'il s'agit d'une simple contravention ou
d'un délit» (art. 14).
« La présente loi n"est pas applicable: 1°) aux chemins de fer vicinaux; 2°) aux
tramways ; 3°) aux raccordements industriels ; 4°) aux communications établies dans
l'intérêt d'une exploitation de mines conformément à la loi du 2 mai 1837; 5°) aux
chemins de fer exclusivement militaires destinés à assurer les communications entre
les ouvrages d"une position défensive. Toutefois (loi du 20 juillet 1927, art. 3) les
dispositions du titre II (relatif à l'institution d'officiers et d'agents de la police des
chemins de fer) sont applicables aux chemins de fer vicinaux et aux services de
transports automobiles exploités par la Société nationale des chemins de fer vicinaux
ou mis en adjudication à son intervention » ( art. 16).
Une brigade spéciale est en outre instituée au sein du comité supérieur de
contrôle en vue de la recherche des auteurs de vols commis au préjudice de la
société nationale des chemins de fer belges. Ses membres sont investis de la qualité
judiciaire afférente à leur grade ( 3).

56. - LA POLICE AERONAUTIQUE. - « Les fonctions d'inspecteurs en


chef et d'inspecteurs de la police aéronautique pourront être conférées par arrêté
royal à certains agents de l'administration de l'aéronautique. Les arrêtés royaux
nommant à ces fonctions fixeront le lieu de la résidence de ces agents et désigneront
les inspecteurs qui seront subordonnés à chaque inspecteur en chef» (loi du 27 juin
1937, art. 38).
« Les inspecteurs en chef et les inspecteurs ont qualité d'officier de police judi-
ciaire, auxiliaire du procureur du Roi (voy. infra n•• 69 et ss.). Ils prêtent serment
devant le tribunal de première instance de !"arrondissement de leur résidence» (art.
v9, al. 1).
« Néanmoins, leur compétence ne sera pas limitée à l'arrondissement de ce tribu-
nal. En cas de changement de résidence, !"acte de prestation de serment sera transcrit
et visé au gre.ffe du tribunal de première instance auquel ressortit le lieu de la
nouvelle résidence » (art. 39, al. 2 et 3) .

( 1) Ces officiers et agents sont tgalement chargés de la police du Roulage ( Arr. Royal du 8 avril
1954, art. 3).
{2) Ils ont prévention mfme à l'égard des officiers judiciaires des parquets.
(3) Arrêté du 21 novembre 1932, art. 45.

62
« Les inspecteurs en chef et inspecteurs de la police aéronautique rechercheront
et constateront par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire, les
crimes, les délits et les contraventions de police dans les aérodromes et leurs
dépendances ou à bord des aéronefs ainsi que les infractions aux lois et règlements
concernant la navigation aérienne qu'il leur serait donné de relever en un point
quelconque du royaume. Ils auront pour la recherche des crimes et délits dans les
aérodromes et leurs dépendances et à bord des aéronefs, concurrence et même
prévention à l'égard de tous les autres officiers de police judiciaire, à l'exception des
procureurs du Roi et des juges d'instruction, des juges de paix et des officiers
judiciaires des parquets» (art. 40, al. 1 et 2).
« Ils ont pouvoir de saisir les aéronefs, les explosifs, armes et munitions, appa-
reils de prises de vues, clichés et croquis, ainsi que tous objets trouvés en contra-
vention des prescriptions légales ou réglementaires » ( art. 40, al. 3).
« Lorsqu'une infraction prévue par la loi ou par les arrêtés pris pour son
exécution n'est punie que de peines de police, le contrevenant aura la faculté
d'effectuer immédiatement le payement du maximum de J'amende, décimes addition-
nels compris, entre les mains du verbalisant. Ce payement aura pour e,lfet d'arrêter
les poursuites » (art. 40, al. 4).
« Les inspecteurs remettront, dans les vingt-quatre heures, à l'inspecteur en
chef, les procès-verbaux qu'ils auront dressés. Ces procès-verbaux seront transmis
sans délai à l'officier chargé des fonctions du ministère public près le tribunal de
police, ou au procureur du Roi, suivant qu'il s'agit d'une contravention ou d'un
délit» (art. 41).

57. - LA POLICE MARITIME. - « Des commissaires maritimes, nommés


par le Roi, sont chargés de la surveillance et de la police de la navigation maritime.
Leurs attributions sont: 1°) Les enrôlements; 2° La formation des rôles d'équipage;
3°) La visite des rôles d'équipage; 4°) Les revues d'entrée et de sortie; 5°) Le licen-
ciement des équipages et leur payement, à la réquisition des parties intéressées ou
de l'une d'elles; 6°) La dénonciation aux autorités compétentes des marins déserteurs
ou réfractaires et leur arrestation; 7°) La rédaction des actes constatant la perte de
l'équipage ou d'une partie de l'équipage; 8°} La recherche de tous crimes, délits ou
contraventions commis à bord des navires, sans préjudice du concours des autres
agents, conformément aux lois existantes ; 9°) Le visa des passeports des passagers;
10°} (loi du 5 mai 1936, art. 19) De veiller à l'exécution de la saisie des navires et
bateaux et de retenir dans les eaux du Royaume tout navire ou bateau d'un arme-
ment: A. Dont un batiment, par une infraction aux lois et règlements, a encouru une
amende ; B. A charge duquel demeure une créance au proot de l'Etat ou des institu-
tions crées par lui : 11 °) Et généralement tous actes d'intérêt public relatifs à la
police maritime » (loi du 27 septembre 1842, art. 1er).
« Les commissaires maritimes sont officiers de police judiciaire et placés comme
tels sous la surveillance du procureur du Roi (voy. infra n°" 69 et ss.). Avant d'entrer
en fonctions, ils prêteront serment devant le tribunal de première instance du lieu
de leur résidence» (art. 2).
« Néanmoins, leurs pouvoirs ne sont pas circonscrits dans l'arrondissement de ce
tribunal » (art. 2, in fine) .
« Les autorités locales restent chargées de la police des bassins et canaux et des
batiments qui s'y trouvent, ainsi que des maisons de logeurs et autres lieux publics
fréquentés par les marins ; de la surveillance du chargement du lest ; des mesures à
.prendre en cas d'incendie à bord des navires dans les bassins ou canaux de la ville;
enfin de toutes les mesures de police communale» (art. 3).
63
58. - LA POLICE RURALE. - « Les gardes champêtres sont principàlement
institués à J' dfet de veiller à la conservation des propriétés, des récoltes et des fruits
de la terre » (code rural, art. 52) .

a) Les gardes champêtres communaux. « Il y a dans chaque commune rurale un


ou plusieurs gardes champêtres. Toutefois, deux ou plusieurs communes voisines
dont la population réunie ne dépasse pas 5.000 habitants d'après les résultats du
dernier rencensement décennal peuvent être autorisées par le gouverneur de la pro-
vince, après avis du procureur général près la cour d'appel, à avoir un garde
champêtre en commun » ( code rural, art. 51, al. 1). Dans les communes rurales
dont l'importance comporte la nomination de plusieurs gardes champêtres le conseil
communal peut ne créer qu'un seul emploi tout en ayant la faculté de prévoir la
désignation d'un ou plusieurs gardes champêtres adjoints. Le garde champêtre adjoint
exerce toutes les attributions du titulaire et il est nommé dans les mêmes condition
que celui-ci ( 1). Les communes de 1.000 habitants et moins peuvent ne posséder
qu'un garde champêtre auxiliaire (2) ; celui-ci exerce les attributions du garde
champêtre (3). « Les gardes champêtres des communes peuvent, sur la proposition
des conseils communaux intéressés être autorisés par le gouverneur de la province
à exercer, sous le titre de garde champêtre auxiliaire, leurs attributions dans les
communes limitrophes » ( code rural, art. 65). « Les gardes champêtres sont nommes
par le gouverneur, le commissaire d'arrondissement et le procureur du Roi préala-
blement entendus, sur une liste de deux candidats présentés par le conseil communal,
auxquels le bourgmestre peut en ajouter un troisième (4). « Les gardes champêtres
sont tenus, avant d'entrer en fonctions, de prêter, devant le juge de paix du canton
de leur résidence, le serment suivant : Je jure :fidélité au Roi, obéissance à la Consti-
tution et aux lois du peuple belge » ( code rural, art. 56). Ils sont tous officiers de
police judiciaire (voy. infra n°" 69 et ss.) (5).
Les gardes champêtres recherchent et constatent, dans le territoire pour lequel
ils sont assermentés, les infractions qui ont porté atteinte aux propriétés rurales
et forestières (6), ainsi que, concurremment avec la gendarmerie, les délits et les
contraventions qui ont pour objet la police rurale et forestière, de même que les
délits de chasse et de pêche (7). Ils possèdent, à cet égard, un droit de suite et de
saisie, et même un droit de perquisition subordonné à la présence sur les lieux du
juge de paix, du commissaire de police ou du bourgmestre ( 8). Différentes lois leur
donnent, en outre, le droit de constater d'autres infractions et erufin, indépendamment
de leur autres attributions, ils recherchent et constatent les contraventions aux lois
et aux règlements de police (9) ( 10).

Les gardes champêtres transmettent leurs procès-verbaux endéans les 3 jours


à l'officier du ministère public près le tribunal de police ou au procureur du Roi,
selon les cas ( 11 ) .

( 1) Code rural. art, 58. al. 13 el 14.


(2) Code rural. art. 51. al. 2.
( 3) Code rural. art, 64, al. 1.
(4) Loî du 30 janvier 1924, art. 6, al. 1 (art. 129 nouveau loi communale): la loi prévoit différents
remèdes en cas d'inertie des autorités communales ou si les candidats n'offrent pas de garanties
suffisantes.
(5) Instr. 9.
(6) lnstr. 16.
(7) Code rural, art. 67.
(8) Instr. 16, code rural 68. Il est à remarquer que la liste des magistrats ou fonctionnaires en
présence desquels la perquisition est autorisée n'est pas exactement la même dans l'un et
l'autre texte cités.
(9) Code rural 66.
( 10) Les gardes champêtres possèdent également un droit d'arrestation indépendant de leur compétence
ratione materiae ( instr. 16 ; code rural 70 : voy. Rép. prat. dr. B. v 0 procédure pénale, n° 83.
(Il) lnstr. 20.

64
b) Les brigadiers champêtres. « Les gardes champêtres sont répartis en brigades
conformément à un tableau arrêté par le gouverneur. Chaque brigade est plàcée
sous la surveillance d'un brigadier. Celui-ci est investi des attributions de garde
champêtre pour tout le territoire de sa brigade. Il exerce une surveillance active sur
les gardes de sa brigade » ( code rural, art. 55bis, al. 1, 2, 3 et 4). Le brigadier
champêtre peut requérir les gardes champêtres auxiliaires de l'assentiment de leurs
commettants. Il a le droit de requérir les gardes champêtres des communes pour
exercer avec eux des services de recherche ou de patrouille dans les limites de sa
circonscription. Les brigadiers champêtres sont nommés par le gouverneur parmi les
gardes champêtres et les gardes champêtres auxiliaires, le commissaire d' arrondisse-
ment et le procureur général entendus. Ils peuvent être suspendus et révoqués par
le gouverneur » ( code rural. art. 55 bis, al. 5, 6 et 7).
c) Les gardes particuliers. « Dans les communes rurales, les établissements
publics et les particuliers ont le droit d'avoir des gardes particuliers pour la conser-
vation de leurs fruits ou récoltes, des fruits et récoltes de leurs fermiers ou locataires,
de leurs propriétés de toute espèce, ainsi que pour la surveillance de la chasse et de
la pêche qui leur appartiennent. Ces gardes sont assimilés aux gardes champêtres des
communes pour la recherche et la constatation des infractions dans les limites du
territoire confié à leur surveillance. Leurs commettants sont tenus de les faire agréer
par le gouverneur de la province, le commissaire d'arrondissement ainsi que le procu-
rèur du Roi entendus, et d'indiquer dans J'acte de nomination, la nature et la
situation des biens dont la surveillance leur est confiée » (code rural, 61). « Ils ne
peuvent entrer en fonctions qu'après avoir prêté, devant le juge de paix du canton
de leur résidence, le serment prescrit aux gardes champêtres des communes. Ils
sont, de plus, tenus de faire enrégistrer leur commission et J'acte de prestation de
leur serment au greffe des justices de paix dans le ressort duquel ils doivent exercer
leurs fonctions. Le gouverneur pourra retirer l'agréation des gardes particuliers; ils
seront préalablement entendus. Le commettant qui retirera la commission à un garde
particulier sera tenu d'en informer immédiatement le gouverneur par lettre recom-
mandée. Le retrait de la commission n'aura d'effet qu'à partir du jour où le gouver-
neur en aura pris acte » ( code rural, 63).

59. - LA POLICE FORESTIERE. - « Les agents et gardes forestiers recher-


chent et constatent, jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions
en matière forestière et de chasse, savoir : les agents, dans toute l'étendue du terri-
toire pour lequel ils sont commissionnés, et les gardes, dans l'arrondissement du
tribunal près duquel ils sont assermentés » (code forestier, 121).
Les agents forestiers sont les fonctionnaires du grade de garde général et
au-dessus, ils exercent l'action publique en matière forestière ( 1), mais ils ne sont
pas officiers, mais seulement agents de police judiciaire (2).
Les gardes forestiers se ·divisent en brigadiers et gardes de l'Administration
des eaux et forêts, gardes des communes et des établissements publics et gardes des
particuliers. Les gardes de l'Etat, des communes et des établissements publics sont
nommés par le Ministre, les premiers directement, les seconds et les troisièmes sur
présentation des administrations subordonnées dont ils relèvent ( 3). Les gardes des
bois des particuliers doivent être agrées par le gouverneur de la province, sur avis
de l'agent forestier du ressort ( 4). Sauf dispense, les gardes doivent être agés de
25 ans (5). Avant d'entrer en fonctions, ils sont tenus de prêter serment devant le
tribunal de première instance. Leur commission et J'acte de prestation de leur serment
doivent être enrégistrés au greffe du tribunal dans le ressort duquel ils doivent

( J) IJs sont nommés par Je Roi ( code forestier, 5) et assermentés ( code forestier 11).
(2) L'anomalie de cette situation est encore accrue par le fait que les gardes, leurs subordonnés.
sont eux officier de police judiciaire.
p) Code forestier 8.
(1·1 ·co,le forestier 177.
(5) Code forestier 10 et 177.

65
exercer leurs fonctions. Lorsqu'ils changent de résidence, ces actes doivent être
enrégistrés au gre.ffe du tribunal du nouveau ressort ( 1). « Les gardes des bois des
communes et des établissements publics sont assimilés aux gardes des bois de l'Etat
et soumis à l'autorité des mêmes agents» (code forestier, 12). Tous les gardes
forestiers sont officiers de police judiciaire (voy. infra n°• 69 et ss.) (2).
La surveillance des gardes forestiers des administrations publiques s'étend aux
bois et forêts soumis au régime forestier (3), ainsi qu'aux champs (4). Ils possèdent
les mêmes droits (5) que les gardes champêtres pour la recherche et la constatation
des délits et contraventions ayant pour objet la police rurale et forestière, des délits
de chasse et de pêche ( 6), ainsi que des délits et contraventions ayant porté atteinte
aux propriétés rurales et forestières (7). Ils ont qualité pour constater les délits
commis dans les bois des particuliers, lorsqu'ils en sont requis par les proprié-
taires (8).
Les gardes des bois des particuliers voient leur surveillance strictement limitée
aux bois de leur commettant (9). Ils ont, en principe (10) la même compétence et
les mêmes droits ( 11) que les gardes des administrations publiques, mais leurs
attributions ne s'étendent pas aux champs.
Les gardes des administrations publiques transmettent leurs procès verbaux à
l'agent forestier dont ils dépendent ( 12). Les gardes des particuliers transmettent les
leurs au procureur du Roi ou à l'officier du ministère public près le tribunal de
police, selon les cas.
« Le gouvernement peut, en se conformant aux dispositions du titre II du code
forestier, nommer des gardes-pêche dans les cantonnements où le service l'exige,
Les gardes-pêche sont assimilés aux gardes forestiers et placés sous les ordres des
mêmes agents» (loi du 19 janvier 1883, art. 22). Les particuliers peuvent également
nommer des gardes-pêches particuliers assimilés aux gardes forestiers particu•
liers ( 13).

60. - LA POLICE DES DOUANES ET ACCISES. - Les agents de l'Ad-


ministration des douanes et accises recherchent les délits et contraventions aux lois
de douane et d'accise. Ces agents ne sont pas officiers de police judiciaire ( 14) mais
ils ont le droit de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contrai-
re (15). Leur ressort territorial s'étend à l'ensemble du Royaume (16).

( 1) Code forestier 1 L
(2) Instr. 9.
(3) Code forestier 120.
(4) Code rural. 67, al. 2.
(5) Voy. instr. 16 et code rural 68. En ce qui concerne les droits de suite, de sa1s1e .et de
perquisition particuliers aux grades forestiers, voy. code forestier 122 et ss. Les a!Jents fo ..
rcstiers, bien qu'ils ne soient pas officiers de police judiciaire, ont. comme les gardes. lé
droit de constater par procès-verbaux. les délits et contraventions en matière forestière et .de
chasse (art. 121) et possèdent les mêmes droits de suite, de saisie et de perquisition (art. 122).
(6) Code rural 67.
(7) lnstr. 16.
(8) Code. forestier 13.
(9) Rép. · prat. dr. B. v 0 procédure pênale, n° 88; v 0 forêt. n° 938.
( 10) Ils n'ont. toutefois, pas la compétence et les droits reconnus aux gardes forestiers des a<lminiH•
trat.ions publiques par les art. 67 et ss du code rural ( art. 67, al. 2).
(Il) Voy. code forestier, art. 181.
(12) Voy, Rép. prat. dr. B. v° Forêt. n° 716.
(13) L. 19 janvier 1883, art. 23.
(14) Voy. Braas, Instruction criminelle. p. 114. O.
( 15) Loi générale du 26 août 1822, art. 239.
( 16) Loi générale, 190: parfois même. ils peuvent effectuer. en compagnie de fonctiorinaires_ luxem~
bourgeois, des tournées d'inspection dans tout le territoire de l'union douanière belgo-!tixél11,;.
bourgeoise (convention du 25 Juillet 1921. art. 15).

66
Ces agents doivent, pour instrumenter, être munis de leur comm1ss1on ( 1). Le
plus souvent, la loi exige qu'ils soient au nombre de deux au moins (2).
Ces agents jouissent d'un droit de visite très étendu (visite des marchandises et
des moyens de transport, visite de corps, visite domiciliaire (3)) et d"un droit de
saisie (4).

SECTION III

Les fonctionnaires et agents investis d'attributions de poliœ judiciaire

61. - GENERALITES ET RENVOI. - De nombreuses lois chargent des


fonctionnaires et agents des autorités publiques et même de certains particuliers
de rechercher et constater l'une ou l'autre infraction spéciale. Parfois ces agents
sont revêtus de la qualité d"officier de police judiciaire, parfois ils sont simples
agents de police judiciaire.
Une liste très complète de ces divers officiers et agents se trouve dans les
Novelles, Procédure Pénale, Tome I, vol. I, A. Caron. La police judiciaire, aux
numéros 117 à 214 ; nous y renvoyons le lecteur.

CHAPITRE VI

LES JURIDICTIONS D'INSTRUCTION

62. - GENERALITES. - Il existe deux juridictions d'instruc~


tion : la chambœ du conseil qui fait partie du tribunal de première
instance et la chambre des mises en accusation qui fait partie 'de la
cour d'appel.
Les principales attributions de la chambre du conseil, que nous
étudierons ci~dessous n°• 137, 138, 148 et ss., sont le contrôle de la
détention préventive et la détermination des suites à donner à l'ins~
truction judiciaire, notamment par saisine de la juridiction de
jugement en matière correctionnelle.
La chambre des mises en accusation, ainsi que nous le verrons
ci~dessous n°" 164 et ss., assume le contrôle de toute l'instruction
préparatoire.

( 1) Loi générale, 190 et 233.


(2) Loi générale, 233: exceptionnellement. ils peuvent agir isolément: art. Il de la loi du 29
aoùt 1919.
(3) I.:a plupart des visites domiciliairts, sauf dans le rayon de douane, doivent être autoriséès pa:r
le Juge de paix et exé-cutées en sa présence ou en la présence d'un offi.der public
délégué par lui (loi générale, 200; voy. infra n• 245).
(i) Voy, loi générale.

67
· Elle est, en outre, seule qualifiée pour saisir la juridiction de
jugement en matière criminelle.

63. ORGANISATION ET COMPETENCE DE LA


CHAMBRE DU CONSEIL. - La chambre du conseil est une
chambre du tribunal de première instance, laquelle siège au moins une
fois par semaine pour entendre le rapport du juge d'instruction sur
les affaires qui lui sont dévolues ( 1 ) .
La chambre du conseil est une chambre à juge unique (2). Le
juge d'instruction ne fait donc pas partie du siège ; toutefois, la
chambre du conseil ne peut statuer que sur son rapport.
Sous l'empire de la législation antérieure à 1919 (3), la chambre du conseil
était une chambre à trois juges et le juge d'instruction en faisait partie.
Compte tenu de l'interpénétration étroite qui existe entre les
attributions du procureur du Roi, du juge d'instruction et de la cham~
bre du conseil, au sein de l'instruction préparatoire, il est évident que
la compétence de la chambre du conseil est nécessairement la même
que celle du procureur du Roi et du juge d'instruction. Nous prions
donc le lecteur de se référer sur ce point, à nos développements relatifs
à la compétence de ces deux magistrats ( cf. supra n°" 34 et ss.).

64. - L'ORGANISATION ET LA COMPETENCE DE LA


CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION. - La chambre des
mises en accusation est une chambre de la cour d'appel, spécialement
formée à cet effet, qui se réunit au moins une fois par semaine pour
entendre le procureur général et statuer sur ses réquisitions ( 4).
Rationie materiae, la chambre des mises en accusation possède la
plénitude de la juridiction d'instruction, que ce soit en matière crimi~
nelle, correctionnelle ou même de police ( 5).
RatiOllle personae et ratione loci, sa compétence s'étend à toutes
les infractions dont l'instruction incombe aux magistrats attachés à
l'un des tribunaux de son ressort (cf. supra n°• 34 et ss.).

( l) Jnstr. 127. Le juge d'instruction ne doit pas faire un rapport hebdomadaire sur chaque affaire
qui lui est confiée, mais la chambre du conseil tient une audience hebdomadaire pour entendre
le rapport du juge d · instruction sur les affaires dans lesquelles la procédure est complète ( Cass.
9 lév. 1914: Pas. 1. 104). d celles dans lesquelles il y a lieu d'ordonner l'une ou l'autre
mesure d'instruction telle que la mise .en observation d'un inculpé ou la confirmation du mandat
d'arrêt.
(2) Loi du 25 octobre 1919. prorQgée par la loi du 18 aout 1928 et modili~• par la loi du 22
juillet 1927, article unique, XV.
(3) lnstr. 127.
(i) lnstr. 218.
(5) Voy. cass. 18 déc. 1950. Pas. 1951. I. 258.

68
TITRE II

La fonction de police judiciaire

65. - PLAN. - Le présent titre a pour objet la fonction de


police judiciaire ou, en d'autres termes, la tâche d'iinformatiion, c'est-à-
dire tout ce qui se rapporte aux moyens mis en œuvre en vue de ras-
sembler les preuves relatives à une infraction.
Comme nous l'avons vu ( supra n° 1 ) , cette fonction est rarement
contenue et exercée dans ses limites propres, au sein de l'organisation
pénale des pays du Continent européen. Le système inquisitorial qui
survit dans la procédure pénale de ces pays incorpore en e:ffet l'infor-
mation à la procédure judiciaire d'instruction, destinée à la fois à
rechercher les preuves de la culpabilité, notamment les témoignages,
et à les enregistrer judiciairement.
Au contraire, le droit anglo-saxon distingue nettement police
judiciaire et procédure judiciaire pénale et il en fait deux opérations
rigoureusement séparées, relevant l'une de la partie publique et l'autre
des tribunaux ( 1 ) .
Quoi qu'il en soit, la police judiciaire demeure, au sein de nos
institutions pénales, une fonction bien définie dont il importe d'étudier
les règles.

66. - LA NOTION DE POLICE JUDICIAIRE. - « La police


judiciaire », dit l'article 8 du code d'instruction criminelle, « recherche
les crimes, les délits et les contraventions, en rassemble les preuves et
en livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir ».
Cette définition et défectueuse à un double point de vue :
1°) Si l'information est incontestablement destinée à rechercher
les infractions et à en rassembler les preuves, elles n'englobe nullement
la mission de poursuivre les délinquants devant les tribunaux, laquelle
relève de l'e:iœrciœ de l'action publique.
2°) L'expression « police judiciaire » comporte deux significations
qui ne sont pas mises en lumière par l'article 8 : Elle désigne, en
premier lieu, la fonction d'information en matière pénale, et, en second
lieu, l'ensemble des officiers publics chargés d'exercer cette fonction.
( 1) Cf. J. Hoeffler. Notions sommaires de procédure pênale anglo~saxonne, n° 8.

69
Compte tenu de ces observations, nous adopterons donc la défini-
tion suivante: La police judiciaire est un service public dont la mission
consiste à rechercher les crimes, les délits et les contraventions, à en
identifier les auteurs et à réunir les preuves de leur culpabilité en vue
de rendre possible l'exercice de l'action publique devant les juridic-
tions pénales. L'expression désigne à la fois la fonction et les officiers
publics chargés de l'exercer.

67. - L'INFORMATION ET L'ACTION PUBLIQUE. -


L'information est l'ensemble d'actes et de mesures destinés à rassem-
bler les matériaux nécessaires à l'exercice de l'action publique : Pour
qu'il soit en mesure d'intenter des poursuites contre un délinquant, le
ministère public doit au préalable être informé de l'identité de ce
délinquant et des circonstances dans lesquelles l'infraction a été com-
mise. Il doit aussi posséder les éléments lui permettant de prouver la
culpabilité du prévenu. Ce n'est qu'au vu de cette documentation préa-
lable qu'il peut décider des suites judiciaires à donner à l'affaire.
L'information et l'action publique représentent donc en principe
deux opérations successives rentrant dans les attributions du ministère
public. Celui-ci commence par réunir les éléments nécessaires à son
action, puis il intente celle-ci ( 1). Cette double compétence du
ministère public est d'ailleurs inscrite dans la loi: L'article 22 du code
d'instruction criminelle dispose, en effet, que « les procureurs ( du
Roi) sont chargés de la recherche et de la poursuite de tous les délits
dont la connaissance appartient aux tribunaux ... correctionnels, ou
aux ... cours d'assises».
Il est évident cependant que ces deux opérations ne se confondent
pas et qu'il y a lieu d'opérer entre elles une distinction nécessaire:
L'information tend à reconstituer objectivement le déroulement maté-
riel de faits, par la réunion de renseignements, de documents, de
témoignages; elle n'est pas dirigée, à priori, contre quiconque. Elle
est destinée à préparer une procédure judiciaire, mais elle ne s'y
incorpore pas.
L'exercice de l'action publique représente, au contraire, la mise
en cause d'un individu auquel on demande compte d'un fait délictueux.
Il tend à saisir l'instance judiciaire compétente et à faire infliger au
prévenu la sanction adéquate.
Il est donc l'un des éléments substantiels de la procédure judiciaire
pénale.
Cette distinction entre l'information et l'action publique est traditionnelle et
d'ailleurs nécessaire; mais elle s'est vu traditionnellement attribuer par la doctrine
une portée excessive en vertu de laquelle l'information échapperait aux attributions
naturelles du ministère public, la réunion entre les mains du même magistrat du

( 1) En principe, disons nous, car le système inquisitorial d'instruction préparatoire bouleverse, en


pratique. l'ordre normal des opérations en la matière ( cf. supra n° 1).

70
droit d'informer et de celui de diriger les poursuites serait incompatible avec I' exer-
cice d'une bonne justice (1).
Cette opinion est, à tout le moins, surprenante si l'on part du point de vue
que le ministère public, partie demanderesse au procès pénal, doit de toute nécessité,
être mis en mesure de rassembler les matériaux sur lesquels il puisse s'appuyer pour
exercer son action.
Elle ne s'explique, en fait, que si l'on tient compte de la particularité, propre
au système inquisitorial, en vertu de laquelle l'information échappe au ministère
public et se confond avec le récolement des preuves au sein de la procédure judiciaire
d'instruction ( cf. supra n° 1). Il est évident, en effet, que la séparation entre la
poursuite et l'instruction judiciaire offre plus de garanties, au point de vue de la
défense, que le cumul des trois missions d'informer, de poursuivre et dïnstruire
entre les mains d'un même magistrat.
Mais si cette opinion doit être considérée comme fondée dans les limites ainsi
dégagées, elle ne pourrait que provoquer une confusion irrémédiable dans la mesure
où elle aurait pour conséquence de faire ériger en principe absolu et invariable la
séparation du droit de poursuivre et du droit d'informer. La nature même des choses
fait de l'information une condition préalable indispensable de l'exercice des pour-
suites et la pratique, en sanctionnant l'information du parquet ( cf. infra n° 109),
n'a fait qu'obéir aux exigences impérieuses résultant de cette constatation.
Ce n'est, en fait, pas entre la mission d'informer et celle de poursuivre qu'il
existe une di'fférence fondamentale justilfiant une séparation de fonctions, mais bien,
ce que méconnait le système inquisitorial, entre la mission d'informer et de poursuivre.
d'une part, et celle d'instruire, d'autre part, le mot «instruction» étant entendu dans
le sens d'enregistrement judiciaire des témoignages et autres preuves préalable au
jugement.

68. - . CONSEQUENCE DE LA DISTINCTION ENTRE


L'INFORMATION ET L'ACTION PUBLIQUE: ACTION PU~
BLIQUE SUBORDONNEE A UNE PLAINTE DE LA VICTIME.
- CON STATION DE L'INFRACTION INDEPENDANTE DE
L'EXISTENCE DE LA PLAINTE. - La jurisprudence établit une
nette distinction entre la constatation des infractions et l'exercice des
poursuites qui en découlent. Cette distinction est d'une grande portée
pratique : En eiffet, dans tous les cas où l'action publique ne peut être
déclènchée d'office, mais est subordonnée à la plainte de la victime,
iLpeut arriver qu'une infraction soit constatée sans qu'aucune plainte
n'ait été déposée : Les exemples les plus caractéristiques de cette
situation sont le délit de chasse, constaté par un garde-, sans plainte
préalable du propriétaire de la chasse et le délit d'adultère constaté à
l'occasion d'une perquisition pour autre cause et sans plainte prélimi~
naire du mari.
La jurisprudence décide que la plainte n'est nécessaire que pour
l'exercice des poursuites contre le délinquant et que ni l'existence de
l'infraction, ni même sa constatation régulière ne dépendent de l' exis~
tence d'une plainte antérieure, ou tout au moins concommittante (2) .
.{1) « L'homme qui poursuit conserve dif8cilement son impartialité: lorsqu'il s'agit d'instruire»
dit Thonissen dans son rapport sur un projet de code de procédure pénale ; cf. Rép. dr~ b.
v 0 Procédure pénale, n° 278. Cf. aussi Donnedieu de Vabres.
(2) Corr. Liège, 12 déc. 1911 ; Pas. 1912. Ill. 70; (pour le délit de chasse). Corr. Gand 13 mars
1930: J. T. 328: P. P. 332; Rev. dr. pén. 605; (pour !"adultère) voy. aussi Cour Militaire
Liège -t juin 1918 ; Pas. Il. 86.

71
CHAPITRE PREMIER

LES OFFICIERS ET AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE

SECTION 1re
Les officiers et agents de poliœ judiciaire en général.
Les procès-verbaux

69. - DEFINITIONS ET PRINCIPES. - Les officiers et


agents de police judiciaire sont les fonctionnaires ayant pour mission
de rechercher les infractions, leurs auteurs et les preuves de culpabi-
lité : les officiers sont ceux auxquels cette mission est conférée par la
loi ( 1 ) et les agents ceux qui participent à l'exercice de la police
judiciaire sans être investis de la qualité légale cl' officiers.
La distinction entre officiers et agents de police judiciaire trouve son origine
dans l'article 9 du code d'instruction criminelle qui confère la qualité d'officiers de
police judiciaire à certaines catégories d'officiers publics, d'une manière assez illo-
gique, d'ailleurs, et refuse, par contre, cette qualité à d'autres catégories jouant, en
fait, un rôle de police judiciaire très important: C'est ainsi que sont officiers de
police judiciaire le juge de paix et le bourgmestre, dont le rôle, dans la recherche
criminelle, est minime, ou les gardes champêtres et forestiers, agents de recherche
du rang le plus modeste, tandis que les véritables représentants de la police judiciaire,
c'est-àcdire les gendarmes et les agents judiciaires de police, n'ont pas le titre
d'officiers de police judiciaire.
La législation postérieure au code d'instruction criminelle a laissé subsister
cettre anomalie, et l'a même consacrée, sans d'ailleurs que ni la logique juridique,
ni l'utilité pratique ne le justi:lient. Même la remarquable loi du 7 avril 1919, créant
la police judiciaire des parquets, a réservé le titre d'officier de police judiciaire aux
officiers judiciaires, c'est-à-dire aux fonctionnaires supérieurs de cette police. Ce
n'est que dans les toutes dernières années que le législateur, avec une certaine pru-
dence, d'ailleurs, a étendu la qualité d'officier de police judiciaire à certaines catégo-
ries d'agents: L'arrêté-loi du 6 décembre 1939 confère cette qualité aux inspecteurs
judiciaires principaux des parquets et aux sous-officiers de gendarmerie portant le
grade de maréchal des logis chef ou un grade supérieur, ainsi qu'à ceux qui sont
commandants de brigade; l'arrêté-loi du 20 septembre 1945 accorde, en outre, ce
titre aux agents de police communale détenteurs du brevet d'aptitude aux fonctions
de commissaire de police. Ces deux dispositions étant, toutefois, des mesures tem-
poraires, valables seulement jusqu'à la remise de l'armée sur pied de paix, un
arrêté-loi est intervenu, le ter février 1947, pour consacrer définitivement l'attribution
de la qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi aux inspec-
teurs judiciaires principaux des parquets, commissionnés à cette fln par le procureur
général et aux sous-officiers de gendarmerie qui en bénéficiaient déjà en vertu de
l'arrêté-loi du 6 décembre 1939.
En réalité, nous devons constater la persistance d'une tendance qui voit dans
le titre d'officier de police judiciaire un grade hiérarchique réservé aux fonctionnaires

(1) lnstr. 9.

72
de rang superieur, conception défendable, peut-être, mais contraire à l'esprit de
l'article 9 du code d'instruction criminelle, lequel attribue cette qualité aux plus
modestes représentants de la police judiciaire, les gardes champêtres et forestiers.
La même conception se retrouve en droit français et a inspiré la procédure pénale
néerlandaise. La procédure pénale anglaise, au contraire, ignore cette distinction :
La qualité de «constable» qui correspond, mutatis mutandis, à notre titre d'officier
de police judiciaire, est attribuée à tous les membres de la police, quel que soit leur
grade.

A supposer qu'il soit jugé nécessaire de maintenir, parmi les membres de la


police judiciaire, deux degrés distincts conférant des pouvoirs inégaux, il convien-
drait alors de procéder à un reclassement complet des divers fonctionnaires intéressés.

70. - CARACTERISTIQUES DES FONCTIONS D'OFFI~


CIER ET D'AGENT DE POLICE JUDICIAIRE. - La fonction
d'officier de poliœ judiciaire n'est pas, en elle~même, un office public
propre : Elle représente, plutôt, une qualité officielle attribuée légale~
ment à certains officiers publics, en vertu de laquelle ces derniers
reçoivent la mission de contribuer à l'exercice de la police judiciaire;
étant un attribut de certaines fonctions publiques, elle s'acquiert et se
perd en même temps que les dites fonctions. La qualité d'agent de
poliœ judiciaire est également un titre reconnu à certains officiers
publics et conférant à ces derniers des attributions de police judiciaire ;
mais, contrairement à la fonction cl' officier de police judiciaire, elle
n'est, le plus souvent, pas dévolue légalement, mais résulte de la
tradition et de la coutume.
Le code d'instruction criminelle attache à la qualité d'officier de
police judiciaire deux caractéristiques fondamentales : 1°) Tous les
officiers de police judiciaire sont, en ce qui concerne leurs fonctions
de police judiciaire, soumis à la surveillance du procureur général près
la cour d'appel (art. 279) ; 2°) Les officiers de police judiciaire bénéfi~
dent, à raison des crimes et délits commis dans l'exercice de leurs
fonctions, de règles de procédure spéciales constituant un privilège
de juridiction (art. 483 et 484).
Au contraire, la qualité d'agent de police judiciaire ne présente
a\lcune de ces deux caractéristiques ; dès lors : 1°) Les agents de
police judiciaire ne sont, en principe du moins, soumis à la surveil~
lance du procureur général que si une loi spéciale le prévoit, comme,
par exemple, la loi du 7 avril 1919 à l'égard des agents judiciaires des
pàrquets ( art. 1 ) ; 2°) Les agents de police judiciaire sont justiciables
des juridictions ordinaires à raison des crimes ou délits commis dans
l'exercice de leurs fonctions.

71. - LA COMPETENCE DES OFFICIERS ET AGENTS


DE POLICE JUDICIAIRE. - Certains officiers et agents de police
judiciaire possèdent une compétence générale, laquelle vaut aussi bien
rationè materiae ( droit de rechercher et constater toutes les infrac~
tions) que ratione loci ( droit de participer aux enquêtes relatives à
73
toute infraction, quel que soit le lieu où celle~ci a été commise)
(I) (2) (3).
D'autres officiers et agents de police judiciaire ne possèdent
qu'une compétence restreinte, ratione materiae, leurs attributions se
limitant à la recherche et la constatation d'infractions déterminées (4),
ou ratione loci leurs attributions ne s'exerçant qu'à l'égard d'infrac~
tions commises dans certains lieux déterminés ( 5).

72. - LE RESSORT TERRITORIAL DES OFFICIERS ET


AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE. - Le ressort territorial des
officiers et agents de police judiciaire est extrêmement variable ; il est
très rarement illimité ; chose surprenante, ce sont souvent les officiers
et agents à compétence générale qui possèdent le ressort le plus
restreint ( ceux des polices communales, par exemple). tandis que les
officiers et agents à compétence restreinte et spéciale jouissent souvent
d'un ressort très étendu, et parfois même illimité (les agents des
douanes et accises notamment).
Le ressort territorial est un concept juridique représentant la
partie du territoire dans laquelle un officier ou un agent est habilité
en droit à exercer ses fonctions ; il ne doit pas être confondu avec
l'affectation administrative qui détermine la circonscription confiée
plus particulièrement à la surveillance de cet officier ou de cet agent.
L'article 12 du code d'instruction criminelle établit nettement cette
distinction. Il arrive que ressort territorial et affectation administrative
coïncident en fait, mais il est courant que la seconde soit beaucoup
plus limitée que le premier. Au point de vue juridique, il est évident
que seul le ressort terirtorial entre en ligne de compte ( 6).
Les règles relatives au ressort territorial des officiers et agents de
police judiciaire sont d'ordre public; les pouvoirs attribués à ces
fonctionnaires ne peuvent être exercés que dans les limites de leur
ressort ; un procès~verbal dressé par un officier ou un agent de police
judiciaire hors de ces limites est nul, quoique les renseignements qu'il
contient puissent être utilisés en justice, à condition qu'ils aient été
obtenus sans l'emploi d'aucune mesure de contrainte (telle qu'une
perquisition, par exemple) ( 7). . ·

( 1 ) Les principaux officiers et agents à compétence générale sont les membres de la police judiciaire
des parquets, des polices communale et de la gendarmerie.
(2) Il convient de ne pas perdre de vue la distinction entre compétence ratione loci et ressort
territorial (voy. supra n° 38). '
(3) Il n'existe pas, pour les officiers et agents de police judiciaire, de compétence ratione persona~.
l'information ayant un caractère strictement objectif et ne portant que sur des faits délictueux.
(4) Les gardes champêtres et forestiers, par exemple (voy. not. instr. 16).
(5) Les membres de la police des chemins de fer. par exemple (voy. L. 25 juillet 1891.· art. 15).
(6) Voy. supra n°• 48. 51. 52, 53. L'affectation administrative peut d'ailleurs également limiter
ta compétence pratique, ratione materiae, d'un magistrat ou d'un officier : Dans les grands
centres, les substituts du procureur du Roi sont spécialisés dans la recherche de certaines
catégories d'infractions: Cela n'implique, naturellement, aucune limitation à leur compétenc~
juridique.
(7) Voy. supra n• -13.

74
73. - LES POUVOIRS DES OFFICIERS ET AGENTS DE
POLICE JUDICIAIRE. - Le code d'instruction criminelle ne définit
pas d'une manière générale les pouvoirs des officiers de police judi-
ciaire ; quant aux agents de police judiciaire, il n'en fait même pas
mention.
Un seul officier de police judiciaire, le juge d'instruction, est
investi de pouvoirs d'information précis, étendus et de caractère
général: droits de perquisition, de saisie, de contrainte à l'égard des
témoins.
Parmi les autres officiers de police judiciaire, il convient de distin-
guer le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires ( officiers judiciaires
du parquet, commissaires de police, etc.), d'une part, et d'autre part
les officiers inférieurs (gardes champêtres et forestiers) ( 1 ) . Les pre-
miers ne détiennent, de leur propre chef, des pouvoirs étendus que
dans un cas extrêmement limité : celui du flagrant délit (2). Les
seconds ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont attribués par
certains textes légaux ( 3) ( 4).
En dehors de ces éventualités, rien ne distingue les officiers de
police judiciaire autres que les juges d'instruction des simples agents
de police judiciaire, quant à l'étendue des prérogatives d'information:
Les uns et les autres possèdent le droit, dont jouit d'ailleurs n'importe
quel particulier, de recueillir des renseignements à l'égard des faits
délictueux, soit directement en relevant les indices matériels, soit
indirectement en posant des questions aux témoins, lesquels sont par-
faitement libres de ne pas répondre.
Cependant, en vertu d'une coutume ancienne, actuellement con-
sacrée légalement par la loi du 7 avril 1919 (art. 10), le juge d'instruc-
tion peut déléguer tout officier de police judiciaire pour accomplir, sauf
les restrictions établies par la loi, tous les actes de police judiciaire.
Lorsqu'un officier est investi de pareille délégation, et dans les limites.
de cette dernière, il jouit des droits de contrainte que le magistrat
instructeur lui a conférés, c'est-à-dire qu'il peut, par exemple, lorsqu'il
est muni d'un mandat à cet effet, s'introduire dans le domicile privé
qui lui est désigné et y procéder aux perquisitions nécessaires.
Au contraire, les simples agents de police judiciaire ne peuvent
être investis de pareille délégation et ils sont simplement appelés à

( 1) Il ne faut pas confondre cette distinction avec celle établie ci .. dessus (n° 71) entre officiers et
agents à compétence générale et officiers d agents à compétence restreinte : Les membres de la
police des chemins de fer, de la police aéronautique, par exemple, sont officiers auxiliaires du
procureur du Roi, bien que leur compétence soit limitée.
(2) Voy. instr. 32 à 52.
(3) Voy. not. instr. 16.
(4) IJs arrive que les officiers et même les agents de police judiciaire, ou certains d'entre eux, se-
voient attribuer par l'un ou l'autre texte légal des pouvoirs spéciaux en matière de perquisition
et de saisie. Nous examinerons cette question lors de l'étude de ces matièr~s elles,.mtme1
( voy infra n• 211 et 253).

75
prêter leur concours aux opérations dirigées par l'officier qui les
commande ( 1 ) .
Les officiers et agents de police judiciaire sont investis, par la
jurisprudence, d'un pouvoir très important: Ils ont le droit, même hors
le cas de flagrant délit, d'arrêter l'auteur présumé d'un crime ou d'un
délit dans le but de le mettre à la disposition de la justice, pourvu
qu'il existe des indices sérieux de culpabilité à sa charge. L'arrestation
provisoire ainsi operee sert légalement de base au mandat d'arrêt si
l'individu arrêté a été déféré dans les vingt~quatre heures au juge
d'instruction ( 2).
Tous les officiers de police judiciaire possèdent, à la différence des
agents de police judiciaire, le droit de requérir la forœ publique, dans
J' exercice de leurs fonctions ( 3).
La mission des officiers et agents de police judiciaire consiste à
rechercher les preuves des infractions et à les mettre à la disposition
de l'officier du ministère public qui les utilise pour exercer l'action
publique : Il importe donc que les membres de la police judiciaire
tiennent note des éléments de conviction qu'ils ont rassemblés et
transmettent ces notes à l'o:fficier du ministère public compétent: Ils
s'acquittent de cette tâche par la rédaction de documents officiels: les
procès-verbaux.
En principe, seuls les officiers de police judiciaire ont qualité
pour dresser procès~verbal et cette qualité est un des attributs normaux
et essentiels de leur fonction ( 4).
Les agents de police judiciaire ne possèdent pas cette prérogative
générale ; toutefois, de nombreux agents de police judiciaire reçoivent
de différentes lois le pouvoir de dresser procès-verbal, soit d'une ma~
nière aussi universelle que les officiers eux~mêmes, ce qui est le cas
pour les gendarmes ( 5), soit à propos de certaines infractions particu-
lières. Les agents de police judiciaire qui ne sont pas habilités à dresser
procès~verbal (agents judiciaires des parquets, agents de police com-
munale) (6) ne peuvent faire état de leurs recherches que sous forme
de rapports adressés à un officier de police judiciaire qui les inclut dans
un procès~verbal régulier ( 7).
Les procès~verbaux dressés spontanément doivent être transmis
sans délai à l'officier du ministère public compétent pour exercer les

(1) Loi du 7 arvil 1919, art. 10, al. 3.


(2) Cass. 21 octobre 1901. Pas. 1902. I. 15 ; Cass. 22 janvier 1934; Pas. I. 142.
(3) lnstr. 25.
(4) Ce droit est, d'ailleurs, d'origine coutumière.
(5) Règlement du 30 janvier 1815, art. 11.
(6) Sauf à titre exceptionnel.
(7) Voy. Revue communale, 1901. 301. Rép. Prat. Dr, b. v 0 commune, n° 1993; v 0 Procédure
pénale. n° 115.

76
poursuites ( 1) ; ceux qui sont établis consécutivement à un acte d'in~
formation ordonné par un magistrat (juge d'instruction, procureur du
Roi, officier du ministère public près le tribunal de police) sont adres~
sés au magistrat requérant.

74. LES PROCES~VERBAUX. DEFINITION ET


FORMES. - Un procès~verbal en matière de police judiciaire, est
un acte officiel établi par un officier ou un agent de police judiciaire
compétent et contenant la relation des constatations et des opérations,
recherches et enquêtes que cet officier ou cet agent a effectuées.
Les procès-verbaux peuvent, notamment, renfermer :
1°) Les constatations opérées par le verbalisant, soit spontanément, soit à
l'occasion d'une opération de police (descente, perquisition, etc.), ainsi que la des-
cription de cette opération elle-même, des recherches auxquelles elle a donné lieu,
des objets saisis, etc.
2°) Les plaintes et dénonciations ; les dépositions des plaignants, dénonciateurs,
témoins et prévenus.
3°) Les renseignements d'ordre général (moralité, réputation, etc.) résultant
d'une enquête sommaire.

Le procès-verbal. en dépit de son nom ( 2), est nécessairement


un écrit, un acte ; cet acte est exempt de timbre, mais il doit porter
comme en-tête la mention « Pro Justitia » ( 3).
La loi n'édicte pas de règles générales de forme applicables aux
procès-verbaux. Seuls certains procès-verbaux particuliers, se rappor-
tant à des matières spéciales ( 4) restent soumis à quelques règles de
forme exceptionnelles, telles que la pluralité des verbalisants, le visa
hiérarchique, la notification au prévenu dans un délai de rigueur, etc.
La législation récente a, d'ailleurs, supprimé certaines formalités
désuètes, telles que l'affirmation.
En pratique, les procès-verbaux doivent cependant respecter les
formes suivantes, sans que l'omission de celles-ci entraine toutefois
de nullité de droit ( 5) :
1°) Ils doivent être datés de manière extrêmement précise ( année,
mois, jour et heure) et mentionner non seulement le moment de leur
rédaction, mais aussi le moment de chacune des opérations qu'ils
relatent.
(l) lnstr. 15, 18, 20, 53, 54; certains de ces textu, ainsi que d'autres lois spéciales plus récen-
tes, prévoient un délai de transmission qui est, le plus souvent, de 3 jours ; cette disposition
n'a qu'une portée réglementaire et non juridique, dans la mesure ou le délai n'est pas prescrit
à peine de nullitê,
(2) Qui résulte de circonstances historiques. les rapports de police étant, à l'origine, réellement
« verbaux :c,.
(3) Cette mention qui donne parfois son nom à l'acte lui-même, est une survivance du régime
hollandais et les procès-verbaux hollandais la portent toujours, au même titre que les nôtres.
Cette mention ttant d'ordre purement fiscal (voy. Arr. Roy. 11 août 1947, art. 59, 20°), son
omission n'affecte en rien la validité du procès-verbal lui~même.
(4) Douanes d accises. agriculture. eaux et forêts, roulage, etc.
(5) Seul le crédit attaché A un procès-verbal pourrait êtn affecté par l'omissioo. dea formes
habituelles. vu l'utilit~ pratique de celles-ci,

77
2°) Ils doivent comporter les noms, prénoms et qualités de chacun
des verbalisants, avec mention éventuelle de la délégation ou de la
réquisition en vertu de laquelle ils agissent.
3°) Ils doivent être signés par chacun des verbalisants.
4°) Ils doivent respecter les règles habituelles destinées à éviter
les falsifications et surcharges : absence d'interlignes, approbation et
signature des ratures et renvois.
. 5°) Ils doivent comporter les indications de service suivantes;
à titre d'émargement:
« 1°) l'identité complète du délinquant présumé ;
2°) la nature de l'infraction, au sens du verbalisant;
3°) l'indication du préjudice ;
4°) le lieu et la date des faits;
5°) éventuellement l'indication de l'apostille à laquelle le pro~
cès~verbal répond ;
6°) éventuellement l'émargement des procès~verbaux auxquels
le procès~verbal fait suite, avec leur date et celle de leur
envoi au parquet». (Novelles; procédure pénale; A. Ca~
ron : La police judiciaire, n° 354).
6°) « En tête du procès~verbal figurera en évidence, suivant les
cas, la mention «détenu» ou «étranger» ou « protection de l'enfan-
ce» ceci pour attirer l'attention des magistrats qualifl.cateurs sur les
affaires urgentes ou les plus importantes » ( même référence).
7°) « Si une communication a été faite par le verbalisant, soit au
bulletin central de signalement, soit à la police judiciaire du parquet,
mention en sera faite au procès-verbal » ( même référence).
Les procès-verbaux doivent être rédigés, en principe, dans la
langue régionale (Français, Néerlandais ou Allemand) ( 1).
Toutefois: a) dans l'agglomération bruxelloise ils sont rédigés
en Français ou en Néerlandais selon la langue de la procédure, ou,
à défaut, selon les besoins de la cause ( 2) ; b) dans les communes de
langue allemande de l'arrondissement de Verviers, autres que celles
des cantons judiciaires de Eupen, Malmédy et Saint-Vith, ils sont
rédigés en Français ou en Allemand, selon la langue de la procédure,
ou, à défaut, selon les besoins de la cause (3).
Les règles concernant l'emploi des langues sont prescrites à peine
de nullité ; cette nullité doit être prononcée d'office ( 4). mais tout

{1) L. 15 juin 1935, art. li. al. 1 et 3.


{2) Al. 2.
(3) Al. i.
{i) Art. iO, al. (.

78
jugement ou arrêt contradictoire qui n'est pas purement préparatoire
couvre la nullité de tous les actes de procédure antérieurs ( 1 ) et les
actes, même déclarés nuls, interrompent la prescription ( 2).
La force probante des procès-verbaux au point de vue légal est
variable: En règle générale, ils ne valent cependant qu'à titre de sim-
ples renseignements (Cf. Cass. 17 mars 1952 ; Pas. I. 433 et con cl. de
M. le premier avocat général Hayoit de Termicourt) (3).

75. - LES RAPPORTS DES AGENTS DE POLICE JUDI-


CIAIRE. - Les agents de police judiciaire n'ayant pas qualité pour
dresser procès-verbal ne peuvent faire état des enquêtes, recherches
et constatations auxquels ils procèdent que sous forme de rapports
adressés à un officier de police judiciaire, rapports que celui-ci inclut
dans un procès-verbal ( 4).
Dans son rapport qui est généralement écrit, l'agent relate les constatations
réalisées, les déclarations recueillies et les renseignements obtenus au cours de son
enquête, en respectant toutes les règles admises pour la rédaction directe des procès-
verbaux ordinaires ( 5) .

SECTION II

Les officiers supérieurs de police judiciaire


Le droit de délégation et le droit de réquisition

76. - GENERALITES. - La catégorie des officiers supérieurs


de police judiciaire réunit des magistrats aux pouvoirs et aux attri-
butions fort différentes: L'un d'entre eux, le juge d'instruction, est
investi de la plénitude du droit d'information et ses prérogatives dé-
passent de très loin celles des autres officiers de police judiciaire ; de
plus, le juge d'instruction est, comme nous le savons ( 6), un officier
de police judiciaire fort différent des autres : Ses fonctions d'i,nfor-
mation sont, en effet, indissolublement liées aux attributions qu'il
exerce comme organe juridictionnel. Même dans l'exercice matériel
de sa mission de police judiciaire, le juge d'instruction suit les formes
judiciaires beaucoup plus que celles de l'information de police : Il est
assisté d'un greffier, ne se déplace qu'exceptionnellement et en com-
pagnie du procureur du Roi ( 7), procède aux auditions de témoins
et aux interrogatoires de suspects conformément à des règles qui se

~l) Al. 2,
P) Al. 3.
(3) Voy. Infra n° 137.
(1) Voy. supra n° 73.
(5) Ces rapports n'ont, ëvidemment, que la valeur probante de simples renseignements: mals nombre
de procès-verbaux ordinaires sont dans le même cas, d, en pratique, cette: constatation n'a
qu'une Importance très restreinte.
{6) Voy . . supra n°• 21 et ••·
(7) lnstr, 62.

79
rapprochent, par certains côtés, des enquêtes judiciaires au civil : ci-
tation des témoins, prestation de serment de ceux-ci, etc. ( 1).
Le procureur du Roi, au contraire, bien qu'officier supérieur de
police judiciaire, ne dispose pas de pouvoirs d'information supérieurs
à ceux de ses officiers auxiliaires ; il procède, d'ailleurs, rarement
personnellement à des actes d'information ; en revanche, il dirige et
coordonne fréquemment les opérations des officiers de police judi-
ciaire qui l'assistent et qui exécutent les missions de recherche et
d'investigation qu'il leur confie.
Enlfin, nous estimons devoir également ranger dans la catégorie
des officiers supérieurs de police judiciaire l'officier du ministere public
près le tribunal de police, du moins dans l'exercice de ses fonctions
d'information liées à ses attributions du ministère public, en matièr~
de contraventions et de délits de sa compétence ; par contre, ce ma-
gistrat est simplement, en tant que commissaire de police ou bourg-
mestre, officier auxiliaire du procureur du Roi et ce qui concerne les
crimes et délits de la compétence de ce dernier.
La prérogative fondamentale confiée aux officiers supeneurs d,~
police judiciaire est le droit de requérir l'assistance de tous les offi-
ciers de police judiciaire et de les déléguer pour accomplir, sauf les
restrictions établies par la loi, tous les actes de police judiciaire ( 2).
Ce droit est expressément conféré au procureur du Roi et au juge d'instruction
par l'article 10 de la loi du 7 avril 1919; ce texte légal n'a, d'ailleurs, fait que
contfirmer une coutume parfaitement établie. L'officier du ministère public près le
tribunal de police n'a pas bénéficié de cette consécration légale, bien que son droit
de délégation et de réquisition soit tout aussi traditionnel que celui des magistrats
compétents en matière criminelle et correctionnelle. Cette prérogative de l'officier
du ministère public conserve donc un caractère purement coutumier, ce qui n'entraine,
d'ailleurs, aucune différence pratique. La jurisprudence la consacre, au surplus, sans
restriction (3) (4).

77. - LE DROIT DE DELEGATION. - La délégation est


le pouvoir conféré à un mandataire d'accomplir, au nom de son man-
dant, un acte rentrant dans les attributions de ce dernier. Le droit
de délégation n'acquiert toute sa signification que lorsque le mandant
est investi de prérogatives étiendues que ne possède pas normalement
le mandataire: Tel est le cas du juge d'instruction qui jouit notam-
ment des droits de perquisition et de saisie, lesquels sont habituelle-
ment refusés aux autres officiers de police judiciaire.

( l) Mais les enquêtes du juge d'instruction se rapprochent également. à d'autre! égardB, d•


enquétes des autres officiers de police judiciaire : Caractère unilatéral et secret, convocation
des témoins par le juge et non par les parties, etc.
(2) L. 7 avril 1919, art. 10.
(3) Cus. 19 nov. 1928; Pas. 1929. I. 26: 13 oct. 1936: Pas. I. 383.
(4) La loi du 7 avril 1919 (art. 12) accordt également à d'autres officiers de police judiciaire, les
officiers judiciaires des parquets, le droit de requé:rir l'assistance des offlcier, de police
judiciaire ; les officiers judiciaires des parquets ne sont cependant pas officiers supérieurs ~e
poJice judiciaire, mais ils jouissent de pouvoirs plus étendus què ceux des autre-1!1 officiur
auxiliaires du procureur du Roi.

80
Le juge d'instruction ne peut déléguer que ses pouvoirs d'exé-
cuter un acte d'information: Il ne peut, en elffet, jamais se dessaisir
du droit, attaché à sa mission juridictionnelle, d'ordonner un acte
d'instruction ( 1).
Les délégations les plus courantes portent sur la mission d'exé-
cuter une perquisition ou une saisie.
Pour accomplir un acte d'instruction dans un autre arrondisse-
ment, le juge d'instruction délègue son collègue compétent, lequel
peut subdéléguer un officier de police judiciaire de son ressort ; pour
exécuter un acte d'information dans son propre arrondissement, il
commet un officier de poliœ judiciaire de son propre ressort.
La confusion, dans le chef du juge d'instruction, d'attributions juridictionnelles
et d'attributions de police impose une grande prudence dans l'interprétation des
nombreuses formes de délégation utilisées par ce magistrat : Lorsqu'il s'agit de
l'exécution d'un acte de pure information, tel qu'une perquisition ou une saisie, par
exemple, il peut investir de ce mandat un simple officier de police judiciaire, ou, s'il
est lui même délégué, subdéléguer un officier de son ressort; mais lorsqu'il s'agit de
l'accomplissement d'un acte juridictionnel ou d'un acte à caractère mixte, tel que
l'audition d'un témoin sous serment, l'interrogatoire d'un prévenu, la désignation
d'un expert (2), ce n'est plus une simple délégation de police judiciaire, mais une
commission rogatoire (3) adressée d'une juridiction à une autre, ce qui implique que
seule une autorité à caractère juridictionnel peut en être investie: Le juge d'instruc•
tion peut, par exemple, commettre un collègue compétent ou un juge de paix pour
entendre un témoin sous serment, mais il ne peut charger un officier de police judi-
ciaire de pareille mission. Cette distinction est d'autant plus délicate que le juge
d'instruction requiert fréquemment des officiers de police judiciaire de procéder à
des auditions de témoins ou de prévenus. La seule explication possible nous parait,
dans ce cas, la suivante: Il ne s'agit pas, dans cette éventualité, de l'exercice du droit
de délégation, mais bien d'une mise en œuvre du droit de réquisition qui est égale-
ment attribué par la loi au juge d'instruction. Cette opinion est corroborée par le
fait que l'officier de police judiciaire requis interroge les témoins dans les formes

(1) L. 18 juin 1869, art. 138.


(2) La désignation d'un expert est souvent considérée comme un acte de police judiciaire, par
opposition à l'ordonnance d'expertise, laquelle est, dans la conccpt1on courante, un acte de
juridiction (voy. Ré:p. prat. dr. b. v 0 procédure pénale, n° 288), Nous avons déjà (supra n° 29)
exprimé: notre opinion quant à la distinction entre actes de juridiction et actes de police
judiciaire, et nous soulignerons (infra n° 103) le caractère artificiel de cette discrimina-
tion: En réalité, l'expertise est, dans son ensemble. un acte à caractère mixte et s'il est
)êgitime que le juge d'instruction puisse seul ordonner l'expertise, mais soit par contre en droit
de déléguer son collègue compétent pour nommer l'expert et recevoir son serment (ce qui est,
d'ailleurs, également le cas en matière civile. où il ne peut être question d'actes de police
judiciaire (voy. Rép. prat. v 0 commission rogatoire, n° 79), cela ne provient pas comme on le
pense généralement du fait que la première opération aurait un caractère juridictionnel absent
dans la seconde, mais bien d'une application normale des règles autorisant les commissions
rogatoires de juridiction à juridiction : Sinon. de quel droit le magistrat délégué rece-
vrait-il le serment de l'expert 1 Pourrait-on, d'autre part, admettre que la mission de désigner
un expert soit déléguée par le juge d'instruction à un officier public n'ayant pas la qualité
ùe juge, ce qui serait pourtant parfaitement légitime si la nomination de l'expert Hait
réellement un acte de police judiciaire.
( 3) La terminologie, en matière de délégations, est extrêmement incertaine : L'expression « commission
rogatoire», notamment, est employée sans grand souci d'exactitude juridique; tantôt, eHe désigne
n'importe quelle délégation ou réquisition donnée par le juge d'instruction, tantôt elle est
réservée aux seules délégations adressées par un tribunal à une juridiction étrangère. A notre
sens, ce terme devrait être appliqué aux délégations adressées de juridiction à juridiction afin
de procéder à l'exécution d'un acte d'instruction de caractère juridictionnel ou mixte (audition
de témoin sous serment, etc.), tandis que le terme « mandat » devrait être utilisé pour les
délégations relatives à l'exécution d'un acte de police judiciaire (perquisition, saisie). L'expres-
sion «apostille» désigne les lettres adressées par les juges d'instruction ou les procu-
reurs du Roi à leurs collègues ou aux officiers de police judiciaire auxiliaires. Elles peuvent
contenir des délégations comme des requisitions.

81
propres aux enquêtes de police, c'est-à-dire sans prestation de serment, sans assistance
d'un greffier et sans pouvoir de contrainte. En réalité, l'officier commis ne fait
qu'exercer un droit qui lui appartient de son propre chef: Il agit en vertu d'une
réquisition, et non pas d'une délégation.
En résumé, le juge d'instruction peut employer trois procédés distincts pour
faire accomplir un acte d'instruction: 1°) La commission rogatoire, réservée à l'exé-
cution d'un acte juridictionnel ou mixte et ne pouvant être adressée qu'à un organe
juridictionnel; 2°) Le mandat (1) permettant l'exécution d'un acte d'information
impliquant un droit de contrainte, et qui peut être confié à tout officier de police
judiciaire et enfin ; 3°) La réquisition permettant la réalisation d'un acte de police
judiciaire ne réclamant pas de moyens de contrainte et qui peut également être
transmise à tout officier de police judiciaire. Le magistrat commis rogatoirement ne
peut subdéléguer qu'un autre magistrat (le juge de paix, par exemple) ; le magistrat
ou l'officier mandaté peuvent, sauf disposition légale contraire, subdéléguer un autre
officier, mais pas un agent de police judiciaire; et enfin, le magistrat ou l'officier
simplement reuqis peut faire exécuter le devoir par un autre officier ou par un agent
placé sous ses ordres (2).

Le procureur du Roi possède également le droit de délégation ;


mais comme ses pouvoirs d'information ne sont pas supérieurs à ceux
des dfficiers qu'il peut déléguer, les délégations qu'il leur adresse se
confondent, en fait, avec de simples réquisitions.

78. - FORMES DE LA DELEGATION. - Du fait que la


délégation en matière d'instruction pénale implique un transfert de
pouvoirs exceptionnel du déléguant au délégué, l'existence du mandat
doit nécessairement être constatée par un écrit et sa portée, de même
que ses limites clairement précisées.
Elle doit mentionner la qualité du magistrat commettant, être
datée et revêtue de la signature ( 3) de celui~ci ; elle doit également
désigner l'autorité déléguée d'une manière suffisamment claire.
Il est de jurisprudence constante que l'officier délégué ne doit, cependant, pas
être désigné nominativement ; la délégation peut être faite à la fonction et c'est
d'ailleurs de cette maniêre qu'il est procédé dans la quasi-totalité des cas (4).

Mais, pourvu que ces règles essentielles soient respectées, aucune


forme particulière n'est prescrite pour la rédaction des lettres· de
délégation.
Les usages ont implanté l'emploi de formules adaptées à chaque catégorie de
délégation et les magistrats disposent de formulaires adéquats ; ni l'usage de ces
formules, ni l'utilisation de ces formulaires n'ont, cependant, le moindre caractère
obligatoire.

( 1) Il est intéressant de souligner que l'exécution d'une ordonnance d'arrestation (assez improprement
dénommée « mandat d'arrêt». sur la foi du code d'instruction criminelle, alors que l'art, 7 de
la constitution en fait une ordonnance de justice obligatoirement motivée) n'est pas ·un acte
de police judicaire, ni même un acte d'instruction, mais constitue l'exécution maté-rieHe d'une
décision judiciaire.
(2) L. 7 avril 1919. art. 10, al. 2; voy. Cass. 10 fêv. 1947: Pas. I. 37 et note R. H.
(3) li est désirable qu'elle comporte égaleme-nt le sceau de ce magistrat.
(4) Voy. Cass. 25 nov. 1910. Pas. I. 303.

82
Certaines délégations doivent être motivées ( 1) ; nous examine-
rons, lors de l'étude des différents actes d'instruction, les règles spé-
ciales existant éventuellement à ce point de vue, de même que toute
les particularités qui peuvent être imposées pour l'exercice du droit
de délégation, à propos de chaque acte déterminé.

79. - LE DROIT DE REQUISITION. - La réquisition d'un


fonctionnaire public est un ordre donné à ce fonctionnaire d'accom-
plir un acte de sa compétence; en d'autres termes, à la di'fférence de
la délégation, la réquisition n'implique pas un transfert d'autorité du
pouvoir requérant au fonctionnaire requis, mais simplement une in-
jonction donnée à celui-ci d'accomplir un acte qu'il est normalement
habilité à accomplir de son propre chef.
Le droit de réquisition des officiers supérieurs de police judiciaire
s'applique à tous les actes d'information que les officiers de police
judiciaire ordinaires sont en droit d'exécuter spontanément: Audition
de témoins et de prévenus, examen des lieux, voire même perquisitions
et saisies du consentement formel des intéressés, etc., c'est-à-dire à
tous les actes ne réclamant pas l'emploi de la contrainte.

80. - FORMES DE LA REQUISITION. - Contrairement à


la délégation, la réquisition n'implique aucun transfert de pouvoir,
mais simplement une injonction; dès lors, l'action du fcnctionnaire
requis n'étant pas subordonnée à l'existence de )a réquisition, celle-cl
ne doit pas aiffecter une forme déterminée : Elle peut être écrite ou
même simplement verbale; parfois, d'ailleurs, les officiers supérieurs
de police judiciaire transmettent leurs réquisitions par voie télépho-
nique. Toutefois, en théorie du moins, l'officier requis n'est tenu d'ob-
tempérer à la réquisition que si celle-ci est constatée par un ordre
écrit.

81. - EXECUTION DE LA DELEGATION OU DE LA


REQUISITION. - Le juge délégué est tenu d'exécuter les commis-
sions rogatoires qu'il reçoit, sans préjudice du droit du juge d'in-
struction délégué de commettre un juge de paix ( 2) ; « les officiers
requis ou délégués sont tenus d'obtempérer aux réquisitions et délé-
gati:oins et de prêter, s'il y a lieu pour leur exécution, le concours des
fonctionnaires ou agents sous leurs ordres» ( Loi du 7 avril 1919,
art. 10 al. 2) ; il est admis, en pratique, que l'officier simplement re-
quis peut même faire exécuter l'acte d'information par un de ces
agents.
Une ordonnance par laquelle un juge d'instruction ou un juge
de paix refuserait d'exécuter une commission rogatoire, un mandat

{1) Voy. not. L. 20 avril 1874. art. 2-!. al. 2.


{2) L. 18 juin 1869, art. 138. al. 2.

83
ou une réquisition pourrait faire l'objet d'une opposition formée pur
le procureur du Roi et la chambre des mises en accusation serait
saisie du conflit ( 1 ) .
L'officier de police judiciaire qui refuserait d'exécuter une délé-
gation ou une réquisition serait passible de sanctions disciplinaires.
Le juge d'instruction commis rogatoirement, mandaté ou requis
ne doit pas communiquer au procureur du Roi la commission roga-
toire, le mandat ou l'apostille qui lui est adressé ni recevoir les réqui-
sitions de celui-ci pour exécuter le devoir.
Le juge ou l'officier délégué ne sont habilités à accomplir qu~
les actes indiqués dans le document de délégation ; ils peuvent, né-
ammoins, procéder à toutes les opérations accessoi~es se rattachant
à ces actes (2).
La distinction entre une opération accessoire légitime et une opération étrangère
à la délégation est, de toute évidence, une pure question de fait. Il a été jugé
notamment, en matière d'adultère, qu'une délégation du juge d'instruction de Bruxel-
les à son collègue de Malines, « à l'effet de rechercher au domicile de Van T ... (le
complice) et saisir, le cas échéant, toutes lettres ou correspondance de la dame R ...
(la prévenue) ou de la demoiselle B ... qui servait d'intermédiaire entre les deux
prévenus. » permettait au magistrat délégué de saisir tous papiers propres à établir
l'innocence ou la culpabilité et le degré de culpabilité du prévenu, et notamment
d'autres pièces que celles indiquées dans le mandat et établissant « les désordres de
Van T ... et ses relations avec d'autres femmes également en correspondance avec
lui» (C. App. Brux. 13 mars 1858; Pas. II, 263). Dans un autre domaine, le juge
commis rogatoirement pour entendre un témoin sous serment pourrait entendre
d'autres personnes indiquées par le premier témoin, pourvu qu'elles soient susceptibles
de rapporter des renseignements intéressants relatifs aux faits de la cause et qu'il
soit mieux à même de les atteindre que son collègue commettant, par exemple
parce que ces témoins résident également dans son ressort.

En outre, la délégation ne peut évidemment avoir pour effet de


restreindre les pouvoirs d'information que le délégué détient de son
propre chef.
Un officier de police judiciaire, délégué pour exécuter une perquisition, peut par
exemple, même si le mandat ne le prévoit pas, entendre tous témoins et prévenus se
trouvant dans sa circonscription et faire, en général, tous les actes d'information ne
réclamant pas J' emploi de la contrainte.

L'officier requis doit, sauf impossibilité matérielle, satisfaire à


toute la réquisition ; mais celle-ci ne limite pas son intervention et
il peut accomplir tout devoir utile, même non compris dans l'ordr~
de réquisition, pourvu que celui-ci ne le lui interdise pas.
Ainsi, par exemple, un officier de police judiciaire requis d'entendre un témoin
résidant dans sa circonscription peut entendre tous autres témoins résidant également
dans celle-ci ou s'y trouvant, même d'une manière occasionnelle; il n'en serait
autrement que si l'apostille du procureur du Roi lui enjoignait formellement de
n'entendre que le témoin qu'elle indique. De même, si le témoin y consent, il peut

(1) Ch. m. ace. Gand, li fév. 1913: pas. II. 87.


(2) Rép. prat, v 0 commission rogatoire, n° 126.

84
procéder à une perquisition à son domicile, même si l'apostille ne prévoit pas l'exécu-
tion d'une telle mesure d'information.
Lorsque la commission rogatoire, le mandat ou la réquisition ont
été complètement exécutés, le magistrat ou l'officier délégué ou requis
renvoie la commission, le mandat ou l'apostille, accompagnés des
procès-verbaux ( 1 ) et pièces au magistrat déléguant ou requérant
( 2) sous pli clos et cacheté ( 3). Les juges délégués ou requis dressent
en outre un inventaire des pièces, ainsi qu'un état des frais ( 4).
« Les actes exécutés à la suite d'une commission rogatoire régu-
lièrement donnée, s'ils sont réguliers, ont la même valeur que s'ils
avaient été accomplis par le déléguant lui-même. Ce dernier, s'il est
un juge, ne peut les supprimer, les annuler, fussent-ils même irré-
guliers : car ils font partie de la procédure, mas il a le droit, en toute
hypothèse, de les refaire en tout ou en partie (Pand. belges, v° Com-
mission rogatoire, n°" 359 à 372) » (Rép. prat. dr. b. v 0 commission
rogatoire, n° 134).

82. - LES COMMISSIONS ROGATOIRES ADRESSEES


AUX AUTORITES JUDICIAIRES ETRANGERES OU EMA-
NANT DE CELLES-CI. - « Les juges peuvent adresser des lettres
rogatoires même aux juges étrangers ; mais ils ne peuvent obtempérer
aux commissions rogatoires émanées de juges étrangers qu'autant
qu'ils y sont autorisés par le ministre de la justice ; et, dans ce cas,
ils sont tenus d'y donner suite » (loi du 18 juin 1869, art. 139).
Cette obligation de donner suite n'implique cependant pas qu'il.,
soient tenus de les exécuter ; ils sont simplement obligés de statuer
à leur égard, mais ils peuvent en refuser l'exécution, si elles sont
contraires à l'ordre public belge ( 5).
« La commission rogatoire adressée aux juges étrangers se fait
sous forme de jugement, d'arrêt, d'ordonnance, de demande ou d'in-
vitation » ( Rép. prat. v 0 commission rogatoire, n° 46 al. 1 ) .
Une circulaire du Ministre de la Justice du 16 avril 1877 (Rec. circ. just.
1876-1878, p. 415) conseille, pour la rédaction des commissions rogatoires, l'emploi
de la formule suivante :
« Nous N ... , juge d'instruction près ... ;
Vu les pièces de la procédure à charge de N. N ... , prévenu de ... ; Attendu
qu'il est résulté des déclarations des témoins que ... ; Commettons rogatoirement
M. le juge d'instruction de ... , aux dlns de vouloir bien: 1°) saisir, etc ... ; 2°) enten-
dre, etc ...
Fait à ... , le... (Signature et sceau) :.

(1) C'est la minute ou l'original des pièces qui doivent être ainsi transmis (Rép. prat. v 0 commis...
:don rogatoire. n° 130).
( 2) Sauf dispositions légales contraires ( voy. not. instr. 303).
(3) Voy. not. instr. 85. Cette disposition n'est pas prescrite à peine de nullité, bien entendu.
(i) Règlement général sur les frais de justice en matiè-re répressiYe. art. 97.
(5) Voy. Rép. prat. v 0 commission rogatoirt, n° ii.

85
« Quand on adresse à l'étranger une commission rogatoire, il est
prudent d'ajouter à la formule désignant spécialement l'autorité re-
quise, les mots .,ou à toute autre autorité compétente" » ( circ. just.,
30 mars 1885, Rec. circ. just. 1885, p. 79 Rép. dr. b. v commission 0

rogatoire n° 145).
« Sauf entente contraire, la commission rogatoire doit être rédi-
gée, soit dans la langue de l'autorité requise, soit dans la langue con-
venue entre les deux Etats intéressés, ou bien elle doit être accom-
pagnée d'une traduction faite dans une de ces langues et certifiée
conforme par un agent diplomatique ou consulaire de l'Etat requérant
ou par un traducteur assermenté de l'Etat requis » (loi du 20 avril
1909, art. 10; bien qu cette loi ne concerne que les commissions roga-
toires en matière civile et commerciale, il semble que la disposition
de l'article 10 soit également applicable, par analogie, en matière
pénale).
< Pour l'Angleterre, ·il est nécessaire de désigner nominativement chacun des
prévenus et des témoins, d'indiquer clairement la prévention et la pertinence (rele-
vancy) des témoignages à recueillir. De plus, il ne serait pas répondu aux questions
qui mettraient le témoin dans le cas de s'incriminer lui-même (memorandum de Lord
Derby au ministre de Belgique à Londres, en date du 17 juin 1875, Domis de
Semerpont, p. 126, note 1 ». (Rép. prat. v° Commission rogatoire, n° 138 et autres
références citées).

Les commisions rogatoires émanées de l'autorité compétente


étrangère et tendant à faire opérer soit une visite domiciliaire, soit la
saisie du corps du délit ou de pièces à conviction, ne peuvent être
éxécutées en Belgique que pour l'un des faits susceptibles de don-
ner lieu à extradition, énumérés par l'art. 1er de la loi du 15 mars
1874 (1).
Hors le cas prévu par l'article 5 de cette loi ( arrestation pro-
visoire de l'étranger en cas d'urgence), elles doivent être préalable-
ment rendues exécutoires par la chambre du conseil du tribunal de
première instance du lieu où les perquisitions et les saisies doivent
être opérées ( 2).
La chambre du conseil est appelée, en outre, à décider s'il y a
lieu ou non de transmettre, en tout ou en partie, les papiers et autres
objets saisis, au gouvernement requérant ; ( 3) elle ordonne éventuel-
lement la restitution des papiers ou autres objets qui ne se rattachent
pas directement au fait imputé au prévenu et statue, le cas échéant,
sur la réclamation des tiers détenteurs ou autres ayants droit. ( 4) ( 5)
A cet eiffet, la chambre du conseil tient une audience où tous les in-

( 1) L. 15 mars 1874, art. 11. al. 1.


(2) Art. 11. al. 2.
(3) Art. 11. al. 3.
(i) Art. 11. al. 4.
(5) Le rôle joué par la chambre du conseil est purement conservatoire et l'action de la justice civile
reste réservée. Explications du Ministre de la justice De Lantshe:ere. Pa.sin. 1874, p. 53.

86
téressés ( ministère public, individu faisant l'objet de la demande
d'extradition, tiers intéressés) doivent être présents ou appelés ( 1 ) .
« Il peut arriver qu'un juge d'instruction, chargé d'exécuter une commission
rogatoire émanée d'une autorité étrangère, soit obligé de faire pratiquer une perquisi-
tion hors de son arrondissement. Il y est autorisé par la combinaison des art. 5 et 11
de la loi du 15 mars 1874 et de l'art. 90 C. instr. crim. Dans cette hypothèse, c'est
la chambre du conseil du juge subdélégué qui doit rendre la subdélégation exécutoire,
le texte de la loi est formel ; mais ce serait la chambre du conseil de l'arrondissement
du juge premier délégué qui devrait statuer sur la remise et la restitution des objets
saisis. Elle est mieux à même d'apprécier. En attendant sa décision, les pièces saisies
devront rester déposées au greffe du tribunal du lieu où la saisie a été opérée
(Pand. belges, v 0 commission rogatoire, n°" 427 à 434) ». (Rép. prat. v• commission
rogatoire, n° 139).
Dans le cas, prévu par l'article 5 de la loi du 15 mars 1874, où
l'étranger saisi en Belgique peut être mis provisoirement en état d'ar-
restation, le juge d'instruction peut, après l'ordonnance de l'arresta-
tion, procéder suivant les règles prescrites par les articles 87 à 90
du code d'instruction criminelle (2). La chambre du conseil est égale-
ment appelée, dans cette éventualité, à se prononcer, après débat
contradictoire, sur la transmission au gouvernement étranger, la res-
titution ou la réclamation des objets saisis ( 3).
En vertu des dispositions légales néerlandaises en matière d'extradition, la
saisie doit être limitée aux objets trouvés sur ou chez l'individu réclamé. Dès lors,
par application des rêgles de réciprocité, aucune perquisition ou saisie ne peut, sauf
consentement formel des intéressés, être pratiquée chez des tiers à la suite d'une
commission rogatoire émanant des Pays-Bas. En outre, aucune saisie n'est autorisée
si des tiers peuvent faire valoir des droits à l'égard des objets saisies. (Voy. Circ.
Min. Just. 11 juillet 1924 ; Rec. p. 362).
Le juge d'instruction délégué par une autorité étrangère peut
user, pour l'exécution du devoir, de son droit de subdélégation dans
les conditions et les limites prévues en matière ordinaire ( 4).
« En l'absence d'un traité qui règle autrement la transmission des
commissions rogatoires entre tribunaux des différents Etats, cette
transmission s'opère par la voie diplomatique.
Les commissions rogatoires échangées entre la Belgique et les Pays-Bas peuvent,
en cas d'urgence, être transmises directement d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.
A la demande du gouvernement des Pays-Bas, elles doivent être adressées dans
,ce pays à .MM. les officiers de justice (Offi.cieren van Justitie) et non à MM. les
juges-commissaires (Rechters-Commissarissen). (Voy. circ. just. 12 mars 1900; Rec.
1899-1900; p. 391).
La transmission directe des commissions rogatoires urgentes est autorisée entre
parquets français et belges, si l'affaire ne présente pas de caractère politique; un
double de la délégation doit être transmis par la voie diplomatique ; la commission
rogatoire et les pièces d'exécution doivent toujours être retournées par la voie
diplomatique. (Voy. circ. Min. Just. 21 oct. 1927; Rec. p. 430).

(1) Rép. prat. v 0 commission rogatoire, n° 139.


,(i) .L. 15 mars 1874, art. 5, al. i.
(3) Art, 5, al. 6.
( 4) Rep. prat. v 0 commission rogatoire, n° 114,

87
La comm1ss1on du tribunal étranger est remise par le Ministère
des atffaires étrangères au Ministère de la justice, qui, par l'intermé-
didaire du procureur général. la transmet au tribunal commis, avec
la traduction s'il y a lieu et avec l'autorisation du Ministre de la
justice accordée après examen». (Rép. prat. v 0 commission rogatoire
n° 47).
« Les frais auxquels lieu l'exécution des commissions rogatoi-
res, en matière répressive, sont supportés, à titre de réciprocité, par
la puissance sur le territoire de laquelle ils sont faits, à moins qu'il
ne s'agisse d'expertises longues et coûteuses. Cette règle se trouve
exprimée dans la plupart des traités internationaux et s'applique même
dans le cas de silence de ceux-ci ( décis. min. just. 4 janv. 1875, Darnis
de Semerpont, p. 215, 339; Pand. belges, V commission rogatoire, 0

n° 451) » ( Rép. prat. v 0 commission rogatoire, n° 148).


« Les fonctionnaires belges ne jouissent pas de la franchise de
port avec les autorités étrangères. Ils sont obligés de faire l'ava.ace
des frais qui leur sont remboursés par des états qu'ils produisent».
Le Ministre de la justice a fait savoir aux parquets ( 1875) que
ces frais d'affranchissement se confondent avec les frais de port de
lettres et peuvent donc être traités comme ceux des correspondances
de magistrats à l'intérieur du pays (Pand. belges, loc. cit., n° 453;
voy. tarif criminel du 1•r sept. 1920) ». ( Rép. prat. v 0 commission
rogatoire, n° 149).

83. - COLLABORATION DIRECTE ENTRE LES AUTO-


RITES BELGES ET ETRANGERES, EN MATIERE DE PO-
LICE JUDICIAIRE. - La règle en vertu de laquelle toute relation
internationale officielle ne peut se faire que par la voie diplomatique
reçoit une dérogation très importante : Les fonctionnaires et magis-
trats belges sont autorisés à couespondre directement avec les ma-
gistrats et autorités des pays limiroophes, dans les cas suivants ( 1 ) :
1° Lorsqu'il s'agit de demandes ou réponses relatives à des ren-
seignements ayant pour objet la prompte répression des délits et
des crimes, pourvu que ceux-ci ne puissent donner lieu ultérieurement
à extradition. Même pour les matières d'extradition, les autorités
peuvent correspondre réciproquement et les magistrats belges exé-
cuter les commissions en cas d'extrême urgence, mais sous condition
d'en référer immédiatement au Ministre de la Justice (2).
2° Lorsqu'il s'agit de demandes de comparution de témoins. La
citation doit être faite sous forme d'invitation, avec promesse d'in-
demnité et dffre de réciprocité.
( 1) Voy, Circ. Just. 2'1 juin 18'18 ; Rec, circ. just. p. 198 ; Pand. belges ; v 0 commission rogatoire,
n°a 442 à 446; Bcltjens Encycl. Code instr. ctim. T. Jer, art. 84, n° 39; Rép, dr, b. vO
commission rogatoire n° 146.
(2) Voy. Circ. Just. 23 déc, 1874; Rec. p. 368.

88
3° Lorsqu'il s'agit de la remise de p1eces à conviction ; par voie
de conséquence, la correspondance à ce sujet peut également être
échéangée directement.
Il est toutefois nécessaire, dans tous les cas, d'en référer au pro-
cureur général et même au Ministre de la Justice s'il se présente quel-
que doute ou diifficulté.
Dans la pratique, les procureurs du Roi belges sont en relations constantes et
directes avec leurs collègues français ( procureurs de la République), luxembour-
geois (procureurs d'Etat) et néerlandais (Officieren van Justitie) ; ils s'adressent
réciproquement des apostilles tendant à faire procéder, dans leurs ressorts respectifs,
à des actes d'information, des auditions de témoins, notamment. Dans la mesure où
une information ne requiert l'emploi d'aucune mesure de co~rcition, elle peut être
poursuivie dans l'un quelconque des quatre états, à peu près aussi aisément qu'à
l'intérieur de l'un de ces états en particulier.
De même, la police judiciaire des parquets est en relation avec les polices
étrangères, ce qui permet l'identification rapide et l'arrestation des criminels inter-
nationaux.

84. - LES COMMISSIONS ROGATOIRES ADRESEES


AUX AUTORITES COLONIALES OU EMANENT DE CEL-
LES-CI. - « Les commissions rogatoires émanées de l'autorité com-
pétente belge ou coloniale sont exécutoires de plein droit sur le ter-
ritoire colonial». (Charte coloniale ,art. 31 al. 3).
Pendant longtemps, la transmission des commissions rogatoires
ne put être e!ffectuée que par l'intermédiaire du Ministère des Colo-
nies. Une circulaire du Ministre de la Justice du 21 septembre 1931
a consacré la suppression de cette formalité et a autorisé le transfert
direct des lettres de délégation entre les procureurs généraux belges
et coloniaux.
Les délégations destinées au territoire sous mandat du Ruanda-
Urundi ou provenant de celui-ci sont échangées par l'intermédiaire
des procureurs généraux belges et du gouverneur du territoire ( 1).

CHAPITRE II

LE DROIT D'INFORMATION DE LA POLICE JUDICIAIRE


SON ETENDUE ET SES LIMITES

85. - GENERALITES. - La police judiciaire a qualité pour


accomplir tous les actes de recherche et d'information, nécessaires à
l'exercice de sa mission, sans jamais pouvoir s'écarter du respect ab-
solu des règles constitutionnelles et légales.

(1) Voy, Circ. Just. 21 sept. 1931 : Rec. p. 27-t.

89
Le pouvoir général d'accomplir tous actes d'inf:ormation découle
implicitement de l'article 8 du code d'instruction criminelle qui définit
la mission de la police judiciaire ; il a été consacré par l'arrêt de la
Cour de Cassation du 20 mars 1916, lequel constate qu'aucune dis-
position légale n'interdit au procureur du Roi et à ses auxiliaires,
même hors le cas de flagrant délit, de prendre des renseignements au
sujet des faits leur dénoncés ou portés à leur connaissance, de re-
courir aux déclarations non assermentées de témoins et de procéd~r
à des recherches dans la demeure des particuliers avec le consente-
ment de ces derniers ( l ) .
Quant à l' interdiction de commettre une illégalité, quelle qu'elle
soit, elle a été magistralement formulée par le Procureur Général
Leclercq dans ses conclusions précédant l'arrêt de la Cour de Cassa-
tion du 10 décembre 1923 ( 2), et est sanctionnée par une jurispru-
dence constante .
Ce double principe qui constitue le fondement essentiel de l'information de
police judiciaire n'est exprimé nulle part dans le code d'instruction criminelle; tout
au plus, la première partie de l'article 8 contient-elle en germe la définition des
pouvoirs de la police judiciaire; quant à la règle générale qui détermine la limita-
tion de ces pouvoirs, il n'en existe aucune trace dans le code.

SECTION r•
Le droit d'information de la police judiciaire

86. - LE POUVOIR GENERAL D'INFORMATION EX-


CLUSIF DE TOUT EMPLOI DE LA CONTRAINTE. - La po-
lice judiciaire possède un pouvoir général d'information ; elle a donc
qualité pour constater les crimes, les délits et les contraventions, re-
cevoir les plaintes et les dénonciations, entreprendre des recherches,
visiter le lieu de l'infraction, recueillir les dépositions des témoins ou
des suspects.
Dans le système actuel de la jurisprudence, ce pouvoir a un
caractère extensif; il n'est pas la conséquence d'une affectation ad-
ministrative ou d'un mandat légal de nature restrictive et il peut
être exercé en toutes circonstances pourvu qu'il n'aille pas à l'en-
contre d'une disposition légale qui en limite l'exercice; il appartient
à tout oifficier ou agent de police judiciaire ( 3).

(1) Cass. 20 mars 1916: Pas. 1915-16. 1. 310: 1917. 1. 68: J. J. P. 1916. 61: P. P. 1915-2(). IJI. 19.
La même solution est admise par la jurisprudence française : voy. Cass. française 19 avri' et 2~
juin 1855. 5 mars 1857, 13 janvier 1869, Belti•ns. Encyclopédie. 1. cr .. art. 47, n•• 2 à 5 :
cass. fr. 8 juin 1872, D. P, 1. 381 : 18 aoQt 1877, D. P. 1878. 1. 285.
(2) Pas. 1924. 1. 66.
(3) A l'exception, cependant, du juge d'instruction, lequel ne peut l'exercer qu'en cas de· flagrant
délit ou s'il est téguUèrement requis d'informer. (Voy, infra n° 115).

90
Toutefois, cet aspect général et illimité du droit d'information
n'existe que pour autant que les actes d'information accomplis par
un officier ou un agent de police judiciaire ne requièrent l'emploi d'au~
eu.ne mesure de contrainte: Il ne peut justilfier, par exemple, une per-
quisition que dans la mesure où cette opération s'effectue avec le
consentement formel des personnes intéressées; s'il comporte le droit
d'interpeller un témoin ou un prévenu, il n'implique jamais le pouvoir
d'obliger la personne interpellée à répondre aux questions posées ; il
est entièrement fondé sur la bonne volonté manifestée par les per~
sonnes appelées à prêter leur concours aux recherches.
En e:ffet, tout emploi de la contrainte implique une restriction
imposée à la liberté d'une personne déterminée et seule la loi peut
autoriser, dans certains cas et limitativement, une pareille restriction
des droits individuels.

87. - FONDEMENT DU POUVOIR GENERAL D'INFORMATION.


En fait, la jurisprudence reconnait aux membres de la police judiciaire un droit qui
appartient à tout particulier: Celui de recueillir des renseignements à l'égard d'un
évènement donné. Ce droit est, de toute évidence, parfaitement légitime : Dans un
procès civil, chacune des parties recherche les preuves de ses allégations et les
rassemble, sollicite des attestations, des certilficats, produit des témoins, se livre, en
d'autres termes, à une information personnelle ; même en dehors de toute action
judiciaire, les recherches et enquêtes sont une des formes les plus répandues de
l'activité sociale : Elles constituent le fondement de toute science et aucune discipline,
que ce soit le droit, la médecine, la géographie, l'histoire, ne peut s'en passer. Le
désir d'information est tellement répandu qu'il alimente, à lui seul, cette entreprise
immense que constitue la presse moderne; quant aux moyens d'information, ils sont
toujours les mêmes dans quelque domaine que ce soit : Examen des objets et des
documents ; audition des témoins.
Dès lors, n'est-il pas évident que ce droit doit être reconnu aux fonctionnaires
publics dont la mission consiste précisément à exercer la police judiciaire, c'est-à-dire
à rechercher les infractions et leurs auteurs.
Pourtant, tout le système de l'information organisé par le code d'instruction
criminelle a un caractère restrictif: Si l'on voulait appliquer à la lettre les disposi-
tions de celui-ci, ni le procureur du Roi, ni les officiers de police judiciaire auxiliaires
de celui-ci ne pourraient, hors le cas de flagrant délit, entreprendre une enquête et
rechercher les auteurs d'un crime ou d'un délit. Seul le juge d'instruction, régulière-
ment requis, aurait le droit de procéder à une information.
Une telle conception serait incompréhensible, si elle ne s'expliquait par des
motifs historiques: L'instruction préparatoire, telle qu'elle est organisée par le code
d'instruction criminelle, est conforme à la tradition inquisitoriale: Or, celle-ci fait
de l'information une des branches de la procédure judiciaire ( 1) et la soumet, par
le fait même, au formalisme restrictif de cette dernière.
La jurisprudence, en consacrant le droit général d'information des officiers et
agents de police judiciaire, a substitué au système traditionnel un système opposé :
celui de l'information administrative, étrangère à la procédure judiciaire et à son
formalisme ; ce système rompt avec les conceptions inquisitoriales pour rejoindre
les méthodes d'information en usage dans les pays appliquant les conceptions
accusatoires de procédure pénale (2).

( 1) Voy. supra n• 1.
(2) C'est-à-dire, les pays de droit anglo-saxon,

91
Cet emprunt présente, toutefois, un danger, résultant du fait qu'il est incomplet:
Dans les pays de procédure accusatoire, les procès-verbaux des enquêtes de police
ne peuvent servir de preuves au procès: Ils ne valent qu'à titre de simples renseigne-
ments destinés à guider l'organe du ministère public dans l'exercice des poursuites;
les témoignages doivent être recueillis à la barre et le contre-interrogatoire doit être
rendu possible, à peine de nullité ; les dépositions antérieures des témoins à la police
ne sont pas des pièces du procès et elles ne peuvent pas être communiquées au
tribunal ( 1). Chez nous, au contraire, les enquêtes de police sont admises à titre de
preuves, même en l'absence des témoins et le tribunal en a connaissance avant tout
débat. Or, l'instruction inquisitoriale faisait de l'information préalable une des bran-
ches de la procédure, précisément parceque les procès-verbaux des enquêtes étaient
destinés à servir de preuves et qu'il était donc essentiel d'entourer les actes d'instruc-
tion de formes particulières ayant le caractère de garanties judiciaires. Parmi ces
garanties, la plus fondamentale était l'attribution à un juge de toute la mission
d'instruction.
Sans doute, les commentateurs soulignent-ils que les enquêtes de police n'ont
également, dans notre procédure, que la valeur de simples renseignements (2) ; mais
ces enquêtes étant incorporées au dossier d'instruction, et souvent même se substituant
entièrement à celui-ci, cette règle n'a qu'une valeur théorique et est dépourvue de
sanction.
Chose curieuse, bien que la jurisprudence ait fait, en la matière, œuvre vérita-
blement prétorienne, sa décision a été admise sans contestation et s'est véritablement
imposée, aussi bien sur le plan judiciaire que sur le plan légal : Il faut voir là,
probablement, une conséquence du caractère rigoureusement logique de la solution
adoptée.
Bien plus : Le législateur, sans jamais se préoccuper de donner à cet édifice
coutumier, sanctionné par les tribunaux, une existence légale, s'est cependant fondé
sur lui pour édifier di,fférentes lois postérieures: C'est ainsi que l'arrêté Royal n~ 252
du 8 mars 1936 (art. 138 nouveau du code d'instruction criminelle) parle du « droit
du procureur du Roi de procéder à une information ou de requérir instruction ; et
que la loi du 15 juin 1935 intitule son chapitre II « Emploi des langues à l'informa-
tion et à l'instruction en matière répressive ... ».

88. - LE POUVOIR GENERAL D'INFORMATION ET LA


PROCEDURE JUDICIAIRE. - Le pouvoir général d'information
de la police judiciaire est indépendant de l'action publique ( 3). Il
s'exerce avant le déclenchement de celle-ci et continue à s'exercer
( 1) En droit anglais, cette jnterdiction est considérée comme un principe essentiel. ne comportant
que de rares exceptions, lesqueiles ne portent jé1mais atteinte aux fondements du principe
lui-même: En voici. à titre d'exemple, les plus importantes: Tout d'abord, les aveux du
prévenu, contenus dans un procès-verbal de police, peuvent être produits comme preuves. s'ils
ont été recueillis ~ans que Je prévenu eût été l'objet d'aucune pression, si légère soit-elle et
s'ils ont enrëgistrés dans les formes prescrites par les « Judges Rules ». c'est-à-dire si l'inculpé
a été averti qu'il n'était pas tenu de parler, mais que ses paroles seraient consignées par écrit
et pourraient être utilisées en témoignage. Ensuite, une déposition d'un témoin peut également
être communiquée au tribunal ( mais pas au jury) si le témoin fait défaut, afin de permettre au
juge d'apprécier s'il y a Heu de décerner un mandat d'amener à sa charge ; mais la déposition
écrite ne peut être verM~e au débat et Je témoin doit comparaitre en personne, au besoin sous
]a contrainte. Enfin. si un témoin s'écarte. à la barre. de ses déclarations antérieures et si sa
-déposition prend un tour hostile -à l'égard de la partie qui J' a cité, le tribunal peut autoriser
celle-ci à contre-interroger ce témoin et, au besoin. à opposer à celui-ci ses déclarations écrites
antérieures ; inversément, les dépositions écrites peuvent être opposées au témoin, après contre-
interrogatoire, par la partie contre laqueJle le témoignage est invoqué. Aux Etats-Unis, dans
certains Et~ts, en vue d'éviter l'immobilisation de trop nombreux policiers, obligés de com-
paraitre comme témoins dans des affaires peu graves (infractions de roulage, notamment). la
législation récente autorise la production de .iimples procès-verbaux (reports) contenant la
constatation de J' infraction ; mais ces « reports » doivent être préalablement communiqués au
prévenu et si celui-ci s'oppose à leur production, le verbalisant doit comparaitre en personne.
(2) Voy. Rép. prat. dr. b. v 0 procédure pénale, n° 280: v 0 Ministère public n° 451.
(3) Voy. supra n°• 71 et 72.

92
même lorsque le juge d'instruction est sa1s1, même lorsque la juridic-
tion de jugement est saisie, même en degré d'appel ( 1).
Sans doute, la saisine du juge d'instruction étend-elle considé-
rablement le droit d'information et permet-elle l'utilisation de pou-
voirs spéciaux d'investigation, tels que le droit de perquisition ; mais
le dessaisissement du juge d'instruction, s'il fait disparaitre ces ex-
tensions du droit d'information, laisse cependant intact le droit lui-
même.
Enfin, si l'extinction de l'action publique, que ce soit par mort du
coupable, prescription ou retrait de plainte, entraine habituellement
la clôture de l'information, par defaut d'intérêt, le droit d'information
n'en subsiste pas moins et l'enquête peut toujours être poursuivie ou
rouverte.
Il est d'usage que le procureur du Roi ne procède à aucune mesure d'information
entre le moment où il requiert le juge d'instruction et celui où ce magistrat est
définitivement dessaisi : Pendant la durée de sa saisine, le juge d'instruction conserve
la direction des recherches; mais cet usage n'a aucun caractère obligatoire. Par
contre, les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi procèdent
souvent, soit spontanément, soit sur réquisition du juge d'instruction, à l'exécution
d'actes d'information en cours d'instruction ; si les procès-verbaux, consécutifs à
des recherches spontanées, sont, en pareil cas, transmis au procureur du Roi, celui-ci
les transfère au juge d'instruction (2).

89. - LES EXTENSIONS LEGALES AU DROIT D'INFOR-


MATION PERMETTANT L'USAGE DE LA CONTRAINTE. -
L'exercice du droit général d'information exclusif de la contrainte
constitue la base du fonctionnement de la police judiciaire ; mais dans
certains cas, le simple droit de recueillir des renseignements est in-
sulffisant pour permettre à celle-ci de mener à bien ses recherches :
Elle doit être en mesure, dans l'intérêt général. de disposer exception-
nellement de moyens de coercition lui permettant de vaincre certains
obstacles susceptibles d'entraver son action légitime; parmi ces obsta-
cles, il convient de mentionner la malveillance possible de certains
témoins et le détournement éventuel de droits légitimes, tels que celui
de l'inviolabilité du domicile, à des !fins répréhensibles: C'est pourquoi
il a été nécessaire de prévoir l'attribution aux enquêteurs de certains
pouvoirs de contrainte tels que le droit de perquisition, de saisie, le
mandat d'amener à l'égard de témoins refusant d'apporter leur té-
moignage volontairement.
Mais, à la différence du droit d'information exclusif de la con-
trainte, les pouvoirs spéciaux comportant l'usage de celle-ci et en-
trainant, par voie de conséquence, une restriction aux garanties cons-
titutionnelles et légales protégeant les personnes et les biens ont un

( 1) Cass. 29 mai 1933: Pas. I. 250: 7 juil. 1952 : Pas. I. 71-t. Corr. Huy 10 jan. 1947: J. T.
171, La même solution a été admise en France: Voy. Cass. fr. 19 avril et 29 juin 1855. 5 mars
1857, 23 jan. 1869 : Dalloz Pér .. 1855, 1857 et 1870.
(2) Voy. infra n• 130.

93
caractère essentiellement restrictif et ne peuvent être utilisés que dans
les cas prévus par la loi et dans les formes qu'elle prescrit ( 1 ).
Le législateur confère certains de ces droits extensifs, notamment
en cas de flagrant délit, au procureur du Roi et aux officiers de police
judiciaire auxiliaires de celui~ci ( 2). Mais la plupart du temps, leur
exercice est réservé exclusivement au juge d'instruction.

90. - LES INCONVENIENTS DE LA SAISINE OBLIGATOIRE DU


JUGE D'INSTRUCTION POUR L'ACCOMPLISSEMENT D'UN ACTE D'IN-
FORMATION NECESSITANT L'EMPLOI DE LA CONTRAINTE. - La
compétence exclusive du juge d'instruction se justifie par le désir d'assurer aux
particuliers le maximum de protection contre les actes arbitraires de l'autorité
publique.
Malheureusement, l'attribution au juge d'instruction du droit exclusif de faire
ou ordonner certaines mesures d'investigation, telles que les perquisitions, implique
que pour accomplir ces actes d'information, il est indispensable de déclencher l'action
publique, le juge d'instruction ne pouvant agir que si celle-ci est mise en mouvement.
Or, l'opportunité des poursuites ne peut être appréciée en connaissance de cause
que lorsque les résultats de l'information sont connus : Si la perquisition se révèle
fructueuse, les poursuites se justiifient ; si elle est, au contraire, négative, les pour-
suites doivent être, le plus souvent, abandonnées. Dès lors, il se produit un véritable
cercle vicieux : Pour prendre la décision de poursuivre, le procureur du Roi doit
connaître le résultat de la perquisition ; mais celle-ci ne peut être exécutée que si
le procureur du Roi a entamé les poursuites.
Dans ces conditions, le procureur du Roi est parfois obligé de mettre en
mouvement l'action publique dans le seul but de rendre possible l'accomplissement
d'un acte d'information, alors que le résultat de cet acte d'information peut fort
bien ne permettre aucune inculpation.
Prenons un exemple concret: Celui des poursuites en matière d'adultère : Un
mari dépose plainte à charge de sa femme et une enquête discrète révèle le bien-fondé
apparent de cette plainte: Pour permettre l'extension concluante de cette informa-
tion, le procureur du Roi doit requérir le juge d'instruction de faire procéder au
constat, ce juge ayant seul la qualité voulue pour ordonner la perquisition indispen-
sable.
Le procureur du Roi doit donc mettre l'action publique en mouvement à charge
de la suspecte.
Or, supposons que le constat auquel procède la police judiciaire sur mandat du
juge d'instruction reste négatif: L'intentement des poursuites à charge de la femme
suspecte a donc été parfaitement inutile et le procureur du Roi doit requérir la
chambre du conseil de rendre une ordonnance de non-lieu.
Dans le cas envisagé, il y a encore un suspect contre lequel peuvent être
dirigées les poursuites ; mais prenons un autre exemple : Un vol a été commis et
la police judiciaire apprend que certains objets volés pourraient être retrouvés chez
une personne dont la bonne foi n'est, toutefois, pas mise en cause (3) ; le procureur
du Roi est donc obligé, en raison du mécanisme exposé ci-dessus, de mettre en
mouvement l'action publique pour obtenir un mandat de perquisition, alors qu'il
ignore même contre qui il doit diriger les poursuites: Il requerra donc l'ouverture
d'une « information à charge d'inconnu».

( 1) Constitution 10.
(2) Voy. instr. 32 à 49.
(3) Dans une malle déposée à la consigne d'une gare, par exemple.

94
La poursuite contre inconnu, dont l'emploi est pourtant indispensable dans de
nombreux cas, n'est au fond qu'un expédient destiné à remédier, dans une certaine
mesure, aux imperfections de la loi ; mais il est permis de se demander quelle peut
être la base juridique d'une action intentée contre un inconnu: conçoit-on un plaideur
au civil réclamant des dommages-intérêts « à qui il appartiendra»?
Cette difficulté, difficilement résoluble en droit, est également en fait génératrice
de complications et de retards pour l'information, en raison de la nécessité d_e saisir
un juge d'instruction, puis de régler la procédure, le tout en pure perte. Il existe,
cependant, deux solutions possibles pour remédier à cette dHllculté, sans, pour autant,
ébranler l'édifke des garanties constitutionnelles et légales :
La première consisterait à confier les droits extensifs d'information au procureur
du R.oi et à ses substituts : Ces magistrats offrent, en effet, les mêmes garanties de
compétence et d'équité que le juge d'instruction lui-même. Cette réforme, qui entraine-
rait le transfert d'une partie importante des pouvoirs d'instruction entre les mains du
procureur du Roi, se heurterait, cependant, à des critiques très sérieuses : En effet, il
n'est pas souhaitable de concentrer entre les mains du ministère public les pouvoirs
déjà extrêmement étendus que détiennent séparément l'organe de la poursuite et
l'organe de l'instruction : Il en résulterait, en effet, sans aucun doute, une diminution
des garanties reconnues à la défense ( 1).
L'autre solution, dont il est notamment fait application en matière de douanes
et accises, consiste à permettre aux officiers ou agents compétents de procéder à
certains actes d'instruction, tels que les perquisitions, moyennant autorisation expresse
d'un magistrat (habituellement le juge de paix) (2).
Ce système est généralisé en droit anglais, où un officier de police ( « consta-
ble »), voire même un particulier peut obtenir, dans les cas prévus par la coutume
ou par la loi, un mandat de perquisition ( « search warrant ») décerné par un
« Justice of the peace » au vu d'une dénonciation sous serment ( « information on
oath ») motivée.
Cette formule est fort intéressante, car elle évite l'inconvénient exposé plus
haut, la procédure pour l'obtention d'un mandat de perquisition étant indépendante
des poursuites, sans diminuer pour autant les garanties protectrices de la liberté
individuelle.

SECTION II

Les limites du droit d'information de la police judiciaire

91. - OBLIGATION ABSOLUE DE RESPECTER LA LOI.


Les pouvoirs d'information de la police judiciaire sont limités par
l'obligation de respecter de manière absolue la Constitution et les lois.
( 1) A vrai dire, il existe des degrés dans la gravité de la contrainte nécessaire pour l'accomplisse ...
ment de certains actes d'information: Sans aucun doute, le droit de contrainte par corps à
l'égard d'un témoin qui refuse de témoigner est tellement grave qu'il ne se concevrait pas qu'il
pût être attribué à qui que ce soit d'autre qu'à un juge. Le droit à l'inviolabilité du domicile
est également essentiel et il est normal, aussi. que seul un juge dispose du pouvoir d'y apporter
une dérogation. Cependant, l'intérêt social peut exiger qu'en cas d'urgence et d'infraction flagrante
le - procureur du Roi et aussi les autres officiers de police judiciaires soient exceptionnellement
autorisés à passer outre. En revanche, l'atteinte au droit de propriété que représente la saisie
conservatoire en matière répressive est trop minime et l'intérêt social de sauvegarder les preuves
d'une infractions. le corps et le produit du délit trop impérieux pour qu'on n'admette pas une
large extension du droit de saisie en faveur de tous les membres de la police judiciaire, pourvu
qu'un contrôle sévère soit prévu et que le propriétaire de l'objet saisi jouisse d'un recours rapide
et efficace. Même en Angleterre, où les droits individuels sont sauvegardés au maximum, la
saisie des pièces à conviction par un simple «constable» est admise. (Voy. infra n° 253).
(2) Voy. infra n° 215.

95
Cette règle, qui est sanctionnée par une jurisprudence constante
( 1) a été formulée d'une manière particulièrement remarquable par
le Procureur Général Leclercq, dans ses conclusions précédant l'arrêt
de la Cour de Cassation du 10 décembre 1923 ( 2) :
« Dans l'accomplissement de (leur) mission, les agents, chargés
de (la police judiciaire), ne peuvent, précisement parce qu'ils n'exis-
tent que pour faire respecter la loi, accomplir aucune action illégale.
Toute illégalité dont ils se rendraient coupables est sans effet au point
de vue de l'exécution de leur tâche. Le fait que cette action illégale
leur aurait permis de constater, légalement n'est pas constaté. Quand
l'Administration prétend tirer profit du renseignement obtenu à l'aide
de cette illégalité, mettre à fruit cette illégalité, elle oublie que la
chose frugifère étant une action illégale, toutes les conséquences
qu'elle en tire contre l'homme qui en a été la victime, sont entachées
du même viœ d'illégalité. N'existant que pour assurer le respect de
la loi, l'administration se nie elle~même en voulant s'appuyer sciem~
ment sur les illégalités commises par ses agents».
Dès lors, la police judiciaire n'a pas le droit, même dans l'intérêt
de sa mission, même si le bon accomplissement de celle~ci semble Je,
requérir d'une manière impérieuse, de passer outre aux barrières éta~
blies par la Constitution et par la loi et de commettre une action
proscrite par celles-ci. La police judiciaire ne peut notamment ni
provoquer un individu à commettre une infraction ( 3), ni employer
l'intimidation ou la contrainte pour obtenir un temoignage ou un
aveu ( 4), ni commettre une violation de domicile ( 5).

92. - LES CONSEQUENCES DE L'ACTION ILLEGALE.


- Les conséquences de l'action illégale sont définies également dans
les conclusions du Procureur Général Leclercq citées ci-dessus (n°
91) : Elles sont à la fois très graves et très efficaces :
1° Les auteurs de l'illégalité peuvent faire l'objet de poursuites ;
ces poursuites peuvent être de nature péinale, si les faits illicites con-
stituent une infraction ( 6), et, en tout cas, de nature civile chaque
fois que les dits faits ont lésé des intérêts civils. En outre, l'action
illégale peut entrainer des sanctions disciplinaires.
2° L'illégalité qui entache des constatations eiffectuées par la
police judiciaire prive ces constatations de toute valeur probante.
En clfet, dit le Procureur Général Leclercq, le fait que l'action illégale

( 1) Voy. not. Cass. 12 mars 1923, Pas. 1. 233. 10 déc. 1923. Pas. 1921. 1. 66, 3 mars
1921, Pas. 1. 230. 9 mai 1927, Pas. 1. 223. 1 mars 1929. Pas. I. 118. 8 jan. 1915: J. T. 232,
(2) Pas. 1921. 1. 66.
(3) Voy. infra n°• 188 et ss.
(4) Voy. infra n°s 203. 208. Le juge d'instruction peut seul contraindre un ttmoin à comparaitre et
à satisfaire à la citation; le prévenu n'est jamais obligé de parler.
(5) Voy, infra n°• 235. 250.
(6) Voy. not. Code Pén. art. 118.

96
aurait permis de constater, légalement n'est pas constaté. La situation
est exactement la même que si aucune constatation du fait délictueux
n'était jamais intervenue; c'est logique: Si la police judiciaire n'avait
pas commis l'action illicite qui vicie la procédure, il ne lui aurait pas
été possible de constater l'infraction, et, par conséquent, cette consta-
tation n'est, elle-même, qu'une conséquence directe de l'action il-
légale et soulffre du même vice d'illégalité (I).
3-0 Les constatations illégales étant inexistantes aux yeux de la
loi, elles ne peuvent pas être invoquées à titre de preuve, sous quelque
forme que œ soit ( 2) :
a) Le procès-verbal contenant la constatation illégale est, lui-
même, dépourvu de toute valeur légale : II doit donc être rejeté en
tant que preuve et radicalement écarté du débat, sous peine d'irrece-
vabilité des poursuites et de nullité absolue de la condamnation qui
serait fondée sur celle-ci.
b) La déposition de l'auteur de l'action illégale en qualité de
témoin ne pourrait pas plus être retenue, car cela équivaudrait à at-
tribuer indirectement une valeur à des constatations qui n'en peuvent
régulièrement pas avoir, et, d'autre part, l'auteur, de l'action illicite
ne pourrait légalement être considéré comme témoin d'un fait dé-
lictueux qui, légalement, n'a jamais pu être constaté par lui.
c) Pour les mêmes raisons, l'auteur de l'action illégale ne pour-
rait même sigmùer valablement au parquet, en application de l'article
29 du code d'instruction criminelle, les faits dont il aurait eu con-
naissance illégalement ( 3).
4° L'aveu de l'auteur de l'infraction ne pourrait même pas couvrir
l'illégalité commise et les tribunaux ne pourraient ni le retenir, ni fon-
der sur lui une condamnation ( 4).
Cela ne fait aucun doute s'il est concommittant à l'action et à la
constatation illégales : II est, alors, en effet, une conséquence directe
et immédiate de celle-ci.
Mais même si raveu intervient ultérieurement et sans contrainte,
il doit cependant être rejeté : cet aveu n'est, en eiffet qu'une suite de
la constatation illégale, la réponse à une interpellation qui n'a, elle-
même, été rendue possible que grâce à la constatation illégale ( 5).
L'illégalité initiale gangrène donc graduellement la procédure
toute entière et entraine, de proche en proche, la nullité de la pour-
suite, puis de la condamnation.

( 1) Voy. note Simone Huynen sous Cass. 8 jan. 1945. J. T. 232 <t jur. citée.
(2) Voy. note Huynen citée. Cass, 13 octobre 1952 ( Nctten c/ Etal belge).
(3) Voy. note sous Litge 18 oct. 1922: B. J. 1923. 55,
(4) Note de M. le Procureur général Cornil sous Cass. 3 féy. 1941. Pu. 1. 30.
(5) Cass. 10 déc. 1923, Pas, 1924. 1. 66: 4 mars 1929; Pas. 1. 119; 24 mai 1948; Pas. 1. 334.

97
Seules échappent à la contagion, et peuvent donc servir de fon~
dement à une poursuite légitime, les constatations absolument étmin-
gèœs à l'action illicite: Peuvent uniquement être considérées comme
telles celles qui sont antérieures à l'action illégale ou celles qui se
rapportent à des faits absolument étrangers à la constatation atteinte
d'illégalité ( 1).

93. - JUSTIFICATION DE LA SANCTION SEVERE FRAPPANT


TOUTE ILLEGALITE. - La sanction rigoureuse de toute illégalité commise par
la police judiciaire, bien que juridiquement indiscutablement fondée et admise, pour-
rait paraître cependant, sur le plan concret, exagérément sévère et d'un intérêt con-
testable.
Les illégalités commises par la police judiciaire peuvent sembler souvent anodi-
nes: Lorsqu'un officier de police judiciaire, ayant la certitude morale de découvrir
dans la demeure d'un suspect les preuves permettant de confondre celui-ci, pénètre,
sans mandat, dans cette demeure, commettant ainsi une violation de domicile, il
poùrrait apparaître excessif et, disons le mot, quelque peu scandaleux que la
poursuite publique, présentant pourtant un intérêt social évident, soit paralysée en
raison d'une irrégularité si peu grave et, moralement, si justifiée. Si l'on ajoute que
les victimes de l'acte délictueux perdent, par le fait même, tout espoir de dédom-
magement, la sévérité admise en ce domaine pourrait être considérée comme sociale-
ment indéfendable et contraire aux intérêts les plus légitimes.
Ce raisonnement, fondé en apparence, est pourtant spécieux et extrêmement
dangereux: En effet, supposons que nous l'admettions en droit dans le cas particu-
lièrement favorable exposé ci-dessus : Nous créerions, ainsi, un précédent redouta-
ble: En e1fet, cela équivaudrait à admettre qu'un officier de police judiciaire peut,
dans certains cas, enfreindre de sa propre initiative les règles protectrices des libertés
individuelles, telles que celle de l'inviolabilité du domicile, règles dont la nécessité
et l'importance ne sont, d'autre part, pas contestables.
Bien plus: Cela reviendrait à laisser cet officier seul juge, sans recours possible,
des cas où il peut faire fi de toutes les garanties constitutionnelles et légales ; les
succès obtenus grâce aux actions illicites justtfieraient, dans chaque cas, l'utilisation
de tels moyens et lorsque l'emploi de pareilles méthodes serait demeuré infructueux,
l'absence de poursuites contre les délinquants présumés, victimes de ces méthodes,
et donc l'absence de publicité des agissements illégaux des agents de l'autorité,
assureraient à ces agissements le secret, l'oubli, et, par conséquent, presque certaine-
ment l'impunité. A cet égard, toutes les formes de sanctions, pénales, disciplinaires
ou civiles d'une violation par un agent de la police judiciaire des règles protectrices
de l'individu garanties par la Constitution ou la loi, sont radicalement insuffisantes :
Le seul moyen pratique d'empêcher les abus de pouvoir consiste à rendre ceux-ci
inutiles, en leur retirant tout intérêt, par le mécanisme, étudié ci-dessus, de l'annula-
t_ion systèmatique et draconienne de toute procédure fondée sur une illégalité.
Par conséquent, le simple fait d'apporter une brèche, si minime, si anodine et
si justifiée soit-elle en apparence, à l'édifice fondamental des garanties constitution-
nelles et légales, aurait pour effet d'ébranler cet édifice tout entier; tout fléchissement
de la rigueur jurisprudentielle en ce domaine aboutirait immanquablement à la des-
truction totale de l'édNlce lui-même et au règne de l'arbitraire.
En effet, les garanties constitutionnelles fondamentales, telles que l'inviolabilité
du domicile et la protection de la liberté individuelle, pour ne citer que les plus
importantes, ont été formulées et placées sous la sauvegarde du Pouvoir Judiciaire
dans le but essentiel de protéger les· personnes contre les abus de l'autorité publique,.
Si un agent de l'exécutif pouvait, de sa propre initiative, violer ces garanties

(1) Cass. 27 mai 1940; Pas. I. 155: Il nov. 1942: Pas. I. 278: 2-1 mai 1948; Pas. I. 336.

98
lorsqu'il le juge, à tort ou à raison, utile, les dites garanties ne seraient plus que
phrases vaines. Sans doute est-il des cas où les agissements illégaux sont sans gravité
et où la victime est peu intéressante ; mais quelle assurance posséderions-nous que
les abus, s'ils étaient tolérés, se limiteraient à ces ca$-là?
C'est pourquoi, l'ensemble de nos juridictions, et, par-dessus tout, notre Cour
Suprême, ont maintenu, par une jurisprudence continue et inébranlable, les principes
si remarquablement énoncés par le Procureur Général Leclercq, et ont toujours
repoussé la substitution à ces principes, sous quelque forme que ce soit, et même
dans les meilleures intentions du monde, du raisonnement derrière lequel se dissimulent
tobtes les formes d'arbitraire: « La ,fin justifie les moyens».
Ajoutons enfin que le recours à des procédés illégaux est inutile. cas le consti-
tuant et le législateur ont prévu diverses mesures destinées à empêcher les délin-
quants de poursuivre impunément leurs activités grâce à la protection usurpée que
pourraient leur assurer les garanties constitutionnelles et légales et ont investi la
police judiciaire, lorsqu'un intérêt social le justtflait, de pouvoirs exceptionnels dans
des cas déterminés et moyennant le respect de formes précises : droit de perquisition,
de saisie, d'arrestation : Si nous reprenons maintenant l'exemple de l'officier .de
police judiciaire ayant la certitude morale de découvrir dans la demeure d'un suspect
les preuves permettant de confondre celui-ci, nous voyons qu'il pouvait, au lieu
de commettre une violation de domicile, solliciter un mandat de perquisition dans
les formes légales et aboutir ainsi, sans mesure illicite, au résultat souhaité.
Cependant, si l'annulation de l'acte illicite constitue la seule sanction efficace
du respect des garanties constitutionnelles et légales, il conviendrait, toutefois, de
ne pas étendre les conséquences de cette nullité jusqu'à lui faire outrepasser son
objet: L'abus des nullités de droit est, en effet, considéré à juste titre par tous les
spécialistes comme une entrave à l'administration d'une bonne justice. Or, une
nullité résultant d'un acte illicite de la police judiciaire peut être invoquée, à l'heure
actuelle, à tous les stades de la procédure : Il semble bien que, dans l'intérêt de la
justice, il y aurait lieu, de lege ferenda, d'imposer l'obligation d'invoquer de telles
nullités in limite litis, avant tout débat au fond, faute de quoi elles seraient consi-
dérées comme couvertes : Cette règle, tout en laissant subsister intacte la protection
des garanties constitutionnelles et légales, empêcherait toutefois dans une large
mesure qu'un coupable échappe à une juste répression, à la faveur d'un vice de
procédure invoqué au moment le plus favorable.

CHAPITRE III

LE DEVOIR D'INFORMATION DE LA POLICE JUDICIAIRE

94. - GENERALITES. - La police judiciaire est instituée par


la loi pour rechercher les infractions ( 1 ) ; cette mission légale qui lui
est conférée implique une obligation à laquelle il ne lui appartient
pas de se soustraire : Elle est tenue, en premier lieu, d'exercer en
tout temps une surveillance efficace afin de découvrir les crimes, les
délits et les contraventions; ensuite, lorsqu'elle acquiert la connais-
sance d'une infraction, elle doit mettre en œuvre tous les moyens
dont elle dispose pour en identifier les auteurs et en rassembler les
preuves.

( 1) lnstr. 8,

99
Cette règle générale qui découle de la nature même des fonctions
de la police judiciaire, est renforcée par deux dispositions particulières
du code d'instruction criminelle :
1° L'article 29 qui enjoint à tout officier public d'avertir immé-
diatement l'officier du mnistère public compétent lorsqu'il acquiert,
dans l'exercice de ses fonctions, la connaissance d'une infraction ( 1 ) .
Cette disposition qui s'applique même aux fonctionnaires et aux auto-
rités constituées ne dépendant pas de la police judiciaire, s'impose,
a fortiori, à tous les officiers et agents de cette dernière et aussi bien
aux procureurs du Roi et aux juges d'instruction (2) qu'aux membres
des dilfférents corps de police.
2° L'article 47 qui enjoint aux officiers supeneurs de police ju-
diciaire de prendre toutes mesures utiles pour réunir les renseigne-
ments susceptibles de permettre la répression de l'infraction ( 3).
D'une manière générale, le refus de constater ou d'informer con-
stitue, de la part de l'officier ou de l'agent de police judiciaire com-
pétent, une faute susceptible de sanctions dsciplinaires et même, dans
certains cas, de réparations civiles ( 4).

( J) L'article 29 ne parle que des crimes et délits et du procureur du Roi ; mais il est tvident que
la disposition qu'il contient doit être entendue dans un sens large et s'appliquer à toutes les
JnfractJons, de même qu'à tous les officiers du ministère public compétents ( voy. cess. 7 avril
192i: Pas. I. 29-t; 18 mars 19i2; Pas. 1. 69.) ; voy. toutefois. en ce qui concerne la
dénonciation par une autorité publique n'ayant pas la police judiciaire dans ses attributions,
infra n° 194.
(2) Sauf, bien entendu. lorsqu'ils sont eux ..ml:mes compétents pour poursuivre ou instruire
spontanément.
( 3) Même remarque que pour l'art. 29 ( voy. note 1 ci-dessus).
( 1) Il arrive cependant, que pour la constatation de certaines infractions ( en matière du roulage,
. notamment), les of.liciers et agents de police judiciaire doivent jouir d'un certain pouvoir
d'appréciation. Il importe toutefois que celui-cl. lorsqu'il existe, soit exucê avec beaucoup de
discrétion et conformément aux instructions reçues : il ne peut jamais être utilisé, lorsque
l'infraction a causé un dommage, à moins que la victime de celui-ci y consente.

100
TITRE III

La fonction juridictionelle d'instruction

95. - OBJET DE CE TITRE. - Nous avons étudié ci~dessus


(n° 8 65 et ss.) l'une des deux fonctions essentielles exercées au cours
de l'instruction préparatoire, à savoir la fonction de police judiciaire
ou d'information, laquelle a pour objet la recherche des infractions,
de leurs auteurs et des preuves de leur culpabilité.
Il nous reste maintenant à examiner l'autre fonction, dont l'exer-
cice relève de la procédure d'instruction : la fonction juridictiOlllllelle.

96. - LES
DECISIONS JURIDICTIONNELLES D'IN~
STRUCTION. - La fonction juridictionnelle a essentiellement pour
objet de trancher des contestations portant sur des droits ( 1 ) .
Pour déterminer son champ d'action au sein de l'instruction pré-
paratoire, il nous sulffit donc de rechercher dans quelle mesure cette
procédure met en cause des droits individuels et contribue à résoudre
des litiges relatifs à ceux~ci.
Il apparait que la procédure d'instruction exerce une incidence
sur des droits individuels par deux de ses aspects fondamentaux :
Tout d'abord, son déroulement est susceptible de porter atteinte
à un droit constitutionnel essentiel : la liberté individuelle.
Ensuite, elle aboutit à une première décision sur l'action publique
décision dont dépend l'abandon ou l'orientation définitive des pour~
suites.
Les décisions d'instruction qui relèvent par leur nature de la
fonction juridictionnelle sont donc essentiellement celles qui sont re~
latives à la détention préventive et celles qui ont trait au règlement
de la procédure.

97. - DECISIONS JURIDICTIONNELLES ET DECISIONS ADMINI-


STRATIVES DEPENDANT DU JUGE D'INSTRUCTION. - Ne convient-il
pas de rattacher également à l'exercice de la fonction juridictionnelle d'autres déci~
sions d'instruction qui pourraient également être considérées comme exerçant 1tf1j:
incidence sur des droits individuels ? ,i k '

( 1) Constitution, art. 92 et 93.

'lOI
L'affirmative n'est pas douteuse en ce qui concerne les mesures prises à l'égard
des témoins défaillants: Il s'agit même en l'occurence de véritables jugements de
condamnation. Mais ce sont là, somme toute, plutôt des incidents que de véritables
actes d'instruction.

La solution est beaucoup moins certaine en ce qui concerne les perquisitions


et les saisies.

La visite domiciliaire peut certes être considérée comme une restriction au droit
à l'inviolabilité du domicile, mais le problème réside précisément dans le point de
savoir si l'inviolabilité du domicile est comme la liberté individuelle, un droit absolu
dont le titulaire ne peut être privé que par une décision de justice, ou une simple
garantie relative dont le bénéficiaire ne peut se prévaloir lorsque certaines conditions
découlant des nécessités de l'intérêt public, se trouvent réunies.

Nous penchons plutôt pour la seconde solution : La Constitution établit, en


effet, une nette distinction dans les garanties qu'elle institue pour la sauvegarde de
ces deux droits: Nul ne peut être arrêté, dit l'article 7, qu'en vertu de J'ordonnance
motivée du Juge; la visite domiciliaire, dispose l'article 10, ne peut avoir lieu que
dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. Le législateur s'est
d'autre part rallié implicitement à la solution qui fait de l'inviolabilité du domicile
une garantie relative, en autorisant dans de nombreux cas des perquisitions sans
mandat de justice (cf. infra n" 241).

A notre sens donc, le mandat de perquisition n'est pas un acte juridictionnel


véritable, mais un acte administratif dont l'accomplissement est subordonné en prin-
cipe par la loi à l'appréciation d'un juge en raison de la gravité exceptionnelle de
la mesure elle-même. Ceci ne veut d'ailleurs pas dire que l'inviolabilité du domicile
n'est pas un droit, mais bien qu'elle constitue un droit soumis à certaines restrictions:
Le mandat de perquisition n'en prive pas son titulaire comme le mandat d'arrêt
prive le détenu de sa liberté individuelle, mais représente simplement la forme qui
autorise le recours à une des restrictions légales de ce droit.

La saisie est, de son côté, une atteinte au libre exercice du droit de propriété.
Elle se distingue, toutefois, de la conlfiscation en ce qu'elle n'a aucun caractère
délfinitif: II s'agit d'une simple mesure conservatoire. Elle peut donc être considérée,
au même titre que la visite domiciliaire, comme une mesure administrative, une
forme, destinée à permettre l'usage d'une restriction légale au droit de propriété,
établie dans l'intérêt public.

98. - LES ACTES D'INSTRUCTION. - Les décisions juri-


dictionnelles représentent la manifestation la plus évidente de la fonc-
tion juridictionnelle au sein de l'instruction préparatoire ; cependant,
elles ne constituent pas le seul aspect de cette fonction.
La décision d'un juge ne peut, en effet, pas être détachée de son
préliminaire indispensable, c'est-à-dire de l'examen des éléments de
preuve sur lesquels elle s'appuie.
Tout acte d'instruction accompli par un juge en vue de préparer
une décison juridictionnelle relève donc également de la fonction
juridictionnelle. Il en est ainsi, notamment, de l'audition d'un témoin,
de la décision de recourir à une expertise et du choix de l'expert,
\foire du transport du juge sur les lieux. Ces modes d'instruction se
rencontrent d'ailleurs non seulement en matière pénale, mais égale-
ment en procédure civile et commerciale.
102
Le caractère juridictionnel des auditions de témoins par le juge d'instruction,
souvent perdu de vue, résulte cependant clairement du code d'instruction criminelle
lui-même : Ne découle-t-il pas à l'évidence du fait que les témoins sont entendus
sous serment, qu'ils ne peuvent s'abstenir de déposer, qu'ils doivent être interrogés,
à défaut du juge lui-même, par un autre juge commis rogatoirement?

99. - OPERATIONS COMMUNES A LA FONCTION


D'INFORMATION ET A LA FONCTION JURIDICTIONNEL-
LE AU SEIN DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE. - LES
AUDITIONS DE TEMOINS ET LES EXPERTISES. - La re-
cherche des preuves, objet de la mission d'information et l'examen des
preuves, attribut de la fonction juridictionnelle comportent un certain
nombre d'opérations identiques, parmi lesquelles la plus importante
est l'audition des témoins. En eiffet, l'officier de police qui procède à
des recherches doit entendre les témoins pour reconstituer les faits
et découvrir les preuves de culpabilité ; le juge qui examine le bien
fondé de l'accusation doit également entendre les témoins pour dé-
terminer sa conviction .
Supposons, par exemple, qu'un cambriolage ait été commis: l'autorité judiciaire
accomplit des actes d'information à ce propos, lorsqu'elle entend les victimes du vol
et leur demande la liste et la description des objets volés; lorsqu'elle examine et
recueille les traces d'effraction, les empreintes digitales; lorsqu'ayant identifié un
suspect elle l'interroge, perquisitionne à son domicile et y procède à des saisies ;
lorsqu'elle entend des témoins qui peuvent donner des précisions sur les faits et
gestes de l'inculpé; lorsqu'enfin elle fait appel à un expert pour examiner les
empreintes digitales et les instruments d'effraction saisis.
L'autorité judiciaire accomplit des actes juridictionnels lorsqu'elle recueille les
dépositions des témoins et des prévenus, et lorsqu'elle demande l'avis d'un expert
en vue d'éclairer sa décision, lorsqu'elle statue sur la détention préventive, la mise
en accusation ou sur la culpabilité.

Nous constatons donc qu'un grand nombre d'actes d'instruction,


et notamment l'audition des témoins et le recours aux expertises peu-
vent, selon l'angle sous lequel on les envisage, être considérés comme
des actes d'information ou des actes de juridiction : Le critère réside
dans le point de savoir si un acte donné, une audition de témoin,
par exemple, contribue à la recherche des preuves en vue de soutenir
une accusation, ou à l'examen des preuves en vue de former un juge-
ment.

100. - LE VERITABLE FONDEMENT DE LA DISTINC-


TION ENTRE ACTES D'INFORMATION ET ACTES DE JU-
RIDICTION. - CONSEQUENCES. - Des constatations qui pré-
cèdent, il découle que le caractère d'acte d'information ou d'acte
juridictionnel attribué à un acte d'instruction ne résulte pas de la
nature intrinsèque de cet acte, mais bien de l'objet que poursuit l'auto-
rité qui l'accomplit.
103
Dès lors, si deux autorités distinctes et indépendantes étaient
chargées l'une exclusivement de la mission d'information et l'autre
exclusivement de la mission de juridiction, le problème de la distinc~
tion entre actes de police judiciaire et actes de juridiction serait résolu
par le fait même.
Il peut très bien se concevoir, par exemple, que les témoins soient entendus,
une première fois, à titre d'information, unilatéralement et sans prestation de serment,
par une autorité de police et une seconde fois, à titre d'examen préliminaire et
d'enrégistrement judiciaire de leurs dépositions, contradictoirement et sous serment,
par une autorité de justice; de même, l'autorité de police et l'autorité de justice
pourraient se faire assister, chacune, par leurs propres experts.
Particularité intéressante, l'audition des témoins à titre d'information, et leur
examen à titre d'enrégistrement judiciaire de leur déposition, aujourd'hui entièrement
confondus au sein de l'instruction préparatoire, formaient deux opérations distinctes
dans la procédure française d'ancien-Régime ( 1).
Le lieutenant criminel de bailliage entendait une première fois les témoins aux
fins d'information, puis procédait ensuite à leur réaudition judiciaire sous la foi du
serment. Cette dernière opération portait le nom de récolement. Elle était d'ailleurs,
comme la première, unilatérale et secrète, mais soulignait, à tout le moins, 1~
distinction entre information de police et instruction judiciaire.

Toutefois, il serait indispensable, en pareille éventualité, que


l'autorité de justice ne puisse reprendre à son compte les actes ac~
complis par l'autorité de police, car sinon la confusion ren1aîtrait, un
acte destiné primitivement à un objet d'information étant alffecté ul~
térieurement à un objet de juridiction.
Ainsi, l'autorité de justice ne pourrait statuer sur les dépositions écrites des
témoins recueillies par l'autorité de police, car cela équivaudrait à permettre à
l'autorité de police de se substituer à l'autorité de justice dans l'accomplissement
d'un acte de juridiction: L'audition des témoins destinée à l'élaboration du juge-
ment (2).
En revanche, si la même autorité cumule les deux attributions
de police judiciaire 1et de juridictiion, ses actes seront nécessairement
des actes mixtes, relevant à la fois de l'information et de la fonction
juridictionnelle.
En e.ffet, lorsque cette autorité unique entendra un témoin, cette audition
constituera à la fois un jalon dans son enquête et un élément de preuve sur lequel
elle statuera.

101. - RESPECT ABSOLU DE CETTE DISTINCTION


DANS LA PROCEDURE PENALE ANGLAISE. - Lorsque la
procédure repose sur les principes accusatoires, la distinction entre
les actes d'information et les actes juridictionnels d'instruction est par~
faitement respectée en pratique: En Angleterre, l'information de po~

( 1) Cf. Donnedieu de Vabres. N°• 1035 et 1036.


(2) Un des inconvénients majeurs de la confusion entre actes d'information et actes de juridiction se
révèle en pareil cas : L'autorité de justice statue, en effet. sur une déposition recueillie à titre
d'information, c'est ... à-dire unilatérale, au lieu de former son opinion sur une déposition recueil ...
He dans les formes judiciaires, c'est-à-dire contradictoirement (voy. supra n° 10).

104
liœ et les actes qui la composent (auditions de témoins, expertises,
etc.), d'une part, et d'autre part l'examen préliminaire des preuves
(audition contradictoire des témoins et des experts) constituent deux
procédures rigoureusement distinctes l'une de l'autre et leur sépara-
tion se traduit par deux règles essentielles:
1° La police judiciaire ( criminal investigation department) est
indépendante à l'égard des magistrats instructeurs (examining ma-
gistrates) et vice-versa.
2° Toute aiffaire entraine la constitution de deux dossiers dis-
tincts, le dossier d'inrormation, qu'il est interdit de communiquer aux
instances judiciaires, et le dossier d'instruction dont la formation est
strictement contradictoire, les dépositions des témoins et des experts
étant recueillies conformément aux principes de la « cross-examina-
tion ».
Reprenons l'exemple du cambriolage; et supposons qu'il ait été commis à
Londres: La police judiciaire (C.I.O.) de Scotland Yard mène son enquète, recueille
les pièces à conviction et les témoignages, sollicite l'avis de ses experts, etc. Lorsa
qu'elle a recueilli des preuves suffisantes à charge d'un individu, elle l'inculpe i!t
procède à son arrestation.
Elle doit alors traduire cet individu devant le « magistrate court» (tribunal de
police) et rapporter les preuves à l'appui de l'inculpation formulée: Ces preuves
doivent être directes et ne peuvent résulter de procès-verbaux ; les témoins et les
experts doivent comparaître devant le tribunal et déposer en présence du prévenu et
de son conseil, qui possèdent le droit de les contre-interroger. L'inculpé peut (sans
Jamais y être obligé) déposer en sa propre faveur et répondre aux accusations dont
il est l'objet; il peut également citer des témoins à décharge qui peuvent être contre-
interrogés par l'accusation. Toutes les dépositions sont recueillies par écrit. Lorsqu'il
estime qu'il existe des charges suffisantes ( a prima facie case), le magistrat renvoie
le prévenu devant la cour de jugement ( 1).

102. - MECONNAISSANCE DE CETTE DISTINCTION


DANS LA PROCEDURE PENALE BELGE. - Notre procédure
d'instruction cr-iminelle consacre deux COlllfusions fondamentales entre
l'information et l'instruction judiciaire :
1° Les procès--verbaux de police, constituant le dossier d'infor-
mation, sont remis au magistrat instructeur, voire même rassemblés
par celui-ci et interviennent dans la conviction des juridictions dïn-
struction et même de jugement ( 2).
2° Les actes accomplis par le juge d'instruction personnellement
(auditions de témoins, interrogatoires d'inculpés) ou par les experts
( 1) L'examen des tableaux joints à cet ouvrage ( annexe I et Il) décrivant le déroulement de la
procédure préliminaire relative à une affaire pénale, selon le système belge et le système
anglais, permet de constater les différences fondamentales de conceptions entre les deux systèmes,
relativement aux actes d'information et aux actes de juridiction et les conséquences diverses qui
en découlent.
(2) Cette confusion se retrouve même lorsqu'il n'y a pas d'insiruction préparatoire et que la
juridiction de jugement est directement saisie par le parquet ( citation directe). Son
maintien constitue le principal défaut qui peut être reproché au projet Servais (voy. infra
n° 275). lequel envisage la réforme de la procédure préliminaire par l'attribution au procu-
reur du Roi du droit d'informer sous le contrôle de la juridiction d'instruction.

105
qu l'assistent dans sa tâche contribuent simultanément au développe-
ment de l'information et à l'élaboration du dossier de justice, versé
comme preuve au débat.
En même temps que le réquisitoire introductif, le juge d'instruction reçoit tous
les procès-verbaux d'information dressés par la police, et contenant les dépositions
de témoins et de prévenus déjà recueillies, etc. Au cours de son instruction, il provo-
que de nouvelles enquêtes de police et recueille également les procès-verbaux établis
à cette occasion ; les auditions de témoins et d'inculpés auxquelles il procède lui
même contribuent au progrès de son information, mais constituent aussi des preuves
qui servent de base aux décisions juridictionnelles ; il en va de même pour les
expertises qu'il ordonne.
Les juridictions d'instruction statuent sur pièces, sur la base exclusive du
dossier d'instruction, et celui-ci constitue même un important élément de conviction
des juridictions de jugement, à l'exception de la cour d'assises.

103. - NECESSITE D'ETABLIR. EN PROCEDURE PE-


NALE POSITIVE UNE DISTINCTION ENTRE LES ACTES
JURIDICTIONNELS ET LES ACTES DE POLICE JUDICIAIRE
DU JUGE D'INSTRUCTION. - IMPOSSIBILITE MATERIEL-
LE DE REALISER PAREILLE DISTINCTION. - CONTRA-
DICTION IRREDUCTIBLE ENTRE LE SYSTEME INQUISI-
TORIAL ET LE PRINCIPE DE LA SEPARATION DES
POUVOIRS. - Par suite de la confusion propre au système inquisi-
torial ( cf. supra n° 1) qui se manifeste au sein de notre procédùre
pénale, entre l'exercice de la fonction juridiction elle et celui de la
police judiciaire, il apparait de prime abord impossible de distinguer,
parmi les actes d'instruction, ceux qui se rattachent à l'une et à l'autre
fonction. En effet, ainsi que nous l'avons vu ( supra n" 99), de
nombreux actes d'instruction, et notamment les auditions de témoins,
relevant des deux simultanément, sont par essence même des actes
mixtes.
Il est donc possible, ainsi que nous l'avons fait, (supra n°" 96
à 98), de délimiter le champ d'action des deux fonctions elles-mêmes,
mais non de réaliser une classilfication entre les actes du juge d'in-
struction, de les répartir en deux catégories précises, celles des actes
de police judiciaire et celles des actes de juridiction.
Or, pour satisfaire au principe de la séparation des pouvoirs, il
serait cependant nécessaire d'établir une nette distinction pratique
entre les attributions juridictionnelles et les attributions de police ju-
diciaire du juge d'instruction.
Les conditions dans lesquelles celui-ci exerce ces deux catégories
d'attributions ditlfèrent, en eiffet, profondément par leur nature.
En tant que juge, le magistrat instructeur ne relève que de sa
conscience: il ne peut ni recevoir d'injonctions du pouvoir exécutif.
ni être contraint de lui rendre des comptes.
106
En tant qu'officier de police, il est, au contraire, organe de
l'exécutif, et, à ce titre, ne peut se soustraire au principe hiérarchique
propre à celui~ci.
Cette dualité est d'ailleurs consacrée par l'article 22 de la loi
du 18 juin 1869, lequel dispose que « Les juges d'instruction sont,
quant aux fonctions de police judiciaire, sous la surveillance du pro~
cureur général près la Cour d'appel».
Il est évident, d'autre part, que l'application pratique de la dis~
tinction envisagée ne serait possible que si les actes du juge d'in~
struction étaient répartis en deux groupes bien déterminés selon
qu'ils relèvent de la police judiciaire ou de la fonction juridiction~
nelle. On ne conçoit pas, en effet, que l'accomplissement d'un même
acte soit soumis à des règles différentes et même opposées.
Nous sommes donc en présence de deux exigences irréductible~
ment contradictoires qui rendent le problème insoluble.
Cette constatation ne fait d'ailleurs que souligner l'incompatibi~
lité qui existe entre le système inquisitorial et la séparation des pou~
voirs (cf. supra n°• 2 et 3).
De nombreuses tentatives ont pourtant été faites en vue d'établir la classifica-
tion souhaitée et de proposer des critères susceptibles de la justifier.
Ces efforts ne pouvaient aboutir qu'à un échec et se sont en fait avérés vains.
Dans la conception traditionnelle, sont habituellement considérés comme actes
de juridiction les ordonnances d'arrestation, de perquisition, de saisie, d'expertise, de
condamnation d'un témoin défaillant, les ordonnances statuant sur l'opportunité d'un
acte d'instruction et même l'inculpation d'un prévenu; sont, au contraire, considérés
comme actes de police judiciaire les transports sur les lieux, les auditions de
témoins, les interrogatoires de prévenus, l'exécution des perquisitions ou des saisies,
la désignation des experts.
Voici les principaux critères qui ont été proposés pour justifier cette classifica-
tion:
Selon une première opinion, sont actes de juridiction ceux qui comportent
emprise sur un droit d"un citoyen; sont actes de police judiciaire tous les autres
actes d'instruction (Rép. dr. b. v° Procédure pénale, n" 48).
Selon une seconde opinion, « le juge d'instruction agit comme officier de police
judiciaire quand il constate l'infraction, en rassemble les preuves et recueille les
éléments de nature à établir la culpabilité de l'inculpé.
Il agit comme juge lorsqu'il apprécie les éléments du dossier et que, les ayant
appréciés, il prend une décision». (Rép. dr. b. v° Procédure pénale, n" 288).
Le premier critère ne justifie nullement l'inscription des ordonnances d'expertise
au rang des actes de juridiction. Ces ordonnances ne comportent, en e.ffet, aucune
emprise sur un droit d'un citoyen. Il n'explique pas non plus que les' auditions de
témoins soient rangées parmi les actes de police judiciaire, car lorsque le juge
d'instruction enjoint au témoin de prêter serment et de dire tout ce qu'il sait, il
soumet ce témoin à une contrainte qui représente une emprise sur ses droits.
De même, l'acte de désignation de l'expert devrait être considéré comme
juridictionnel, puisqu'il contraint l'intéressé à prêter son concours (cf. infra n° 260).
107
Le second critère devrait faire considérer les ordonnances d'expertise, de per-
quisition et de saisie comme des actes de police judiciaire, car elles ont pour objet
<le « recueillir des éléments de nature à établir la culpabilité de l'inculpé >.
D'autre part, il justifierait le classement des auditions de témoins, les interroga-
toires, les transports sur les lieux parmi les deux catégories, puisqu'ils contribuent
à la fois à la recherche des preuves et à leur examen préalable à toute décision.
En fait, les partisans du second critère font une distinction assez arbitraire
entre l'audition matérielle des témoins, laquelle participerait à la recherche des
preuves et l'examen du procès-verbal des auditions effectuées, lequel relèverait de
l'appréciation juridictionnelle des preuves.
Il est évident que, lorsque le juge d'instruction prépare sa décision, il se fonde
bien plus sur l'entretien qu'il a eu avec les témoins que sur le document relatant
le résultat de cet entretien. C'est l'acte lui-même qui doit être pris en considération
et non sa constatation matérielle.

104. - LES DIVERSES CATEGORIES D'ACTES D'IN-


STRUCTION. - Si l'on abandonne l'ambition irréalisable de ré-
partir les actes d'instruction en deux catégories nettement définies,
il est cependant utile d'établir une classilfication entre ces actes selon
les attaches qu'ils possèdent avec l'exercice de la police judiciaire ou
celui de la fonction juridictionnelle, cette classification étant suscep-
tible de dégager certaines règles générales qui ne manquent pas
d'intérêt.
Nous distinguerons, à cet égard, parmi les actes accomplis par
le juge d'instruction, cinq catégories:
1° Lies actes de police judiciaire purs.
Peuvent seuls être considérés comme tels les actes par lesquels
le juge d'instruction requiert les dfficiers de police judiciaire auxi-
liaires du procureur du Roi de procéder à des mesures d'information:
auditions de témoins, interrogatoires de suspects, etc.
Ces actes ne sont soumis à aucune forme juridique particulière
( cf. supra n°" 76 et 77). Ils ont un caractère purement administratif.
2° Les actes de police judiciaire impliquant l'emploi de la con-
trainte.
Nous rangerons dans cette seconde catégorie, comme étant en
principe réservés au juge d'instruction à raison de l'importance du
droit de contrainte qu'ils impliquent, les mandats de perquisition ( cf.
supra n° 97 et infra n° 242) et les mandats d'amener ( cf. infra n°
217).
Les décisions que comportent ces actes doivent être prises par
le juge lui-même et faire l'objet d'un écrit, mais, en principe, ne doi-
vent pas être motivées.
L'exécution peut en être déléguée aux représentants de la police
judiciaire.
108
3° Les actes de poursuite.
Il s'agit des actes par lesquels le juge d'instruction inculpe les
suspects.
L'inculpation peut s'elffectuer de deux manières:
a) Le procureur du Roi a désigné le prévenu da,ns le réquisitoire
d'informer ou dans un réquisitoire subséquent. En pareil cas, la no-
tification de cette inculpation au prévenu est une simple formalité sans
aucun caractère substantiel, la mise en cause de l'intéressé découlant
de la décision du procureur du Roi et non de l'acte du juge d'instruc-
tion.
Il résulte de cette constatation que le juge d'instruction ne pourrait refuser
d'inculper un prévenu. Ce refus équivaudrait, en effet, au rejet de l'action publique
dirigée contre cet individu et le juge d'instruction n'a pas le pouvoir de rendre une
ordonnance de non-lieu ( cf. infra n° 123).

b) L'inculpé est diriectement mis en cause par le juge en cours


d'instructio111, sans avoir été désigné par le procureur du Roi au ma-
gistrat instructeur. La notification de l'inculpation par le juge au pré-
venu présente alors un caractère substantiel, car elle constitue la
seule preuve de l'ouverture de poursuites à charge de l'intéressé.
Elle doit donc être constatée par écrit. Pour le surplus, aucune
forme n'est prévue par la loi quant à la manière dont l'inculpation
doit être elffectuée.
En pratique, elle intervient lors de l'interrogatoire du suspect
par le juge, que la décision d'inculper émane du procureur du Roi
ou du juge lui-même.
Le juge d'instruction jouit de la plus entière liberté pour in-
culper les auteurs des faits faisant l'objet de son instruction ( cf. infra
n" 124). Il ne doit pas demander l'accord préalable du ministère pu-
blic.
Le juge d'instruction conserve donc, en la matière, une part très importante
de l'exercice de l'action publique. Les pouvoirs qu'il détient en l'espèce sont une
survivance de l'ancien droit et représentent une application de l'adage « tout juge
est procureur général :. ( cf. supra n° 3).

4° Les actes d'instruction à caractère mixte, contribuant simul-


tanément à la recherche et à l'examen des preuves.
Ces actes sont essentiellement les auditions de témoins ( cf. infra
n°• 216 et ss.) et les interrogatoires de prévenus (cf. infra n"" 221 et
ss.) par le juge d'instruction ainsi que les transports de parquet
( cf. infra n°" 200 et ss.) et les expertises (cf. infra n°" 257 et ss.).
109
La décision d'accomplir ces actes appartient au juge d'instruction
seul. Elle se traduit de diverses manières: ordonnance d'expertise,
citation à comparaitre, etc., et peut même se manifester par le simple
-accomplissement de l'acte, sans aucune forme particulière: audition
des témoins comparaissant spontanément, par exemple.
L'exécution de l'acte peut être déléguée par le juge d'instruction,
mais uniquement par voie de commission rogatoire (cf. supra n° 77)
à un autre juge d'instruction (audition d'un témoin ou désignation
d'un expert hors de l'arrondissement) ou à un autre membre du pou~
voir judiciaire si la loi le permet (audition d'un témoin par le juge
de paix; cf. infra n° 218).
5° Les décisons juridictionnelles d'instruction.
Il y a lieu de grouper dans cette catégorie toutes les ordonnances
que le juge rend sur l'action publique à l'égard du prévenu ou de
tiers : mandat d'arrêt, condamnation d'un témoin défaillant, ainsi que
celles par lesquelles il statue sur les incidents d'instruction : ordon~
nances de rejet des réquisitions du procureur du Roi.
Ces divers actes sont de véritables décisions de justice. Ils doi~
vent toujours être motivés et ne sont susceptible d'aucune délégation.

110
TITRE IV

Le déroulement de l'instruction préparatoire

105. - GENERALITES. - Nous avons étudié, au cours de


nos développements antérieurs, les divers rouages qui constituent le
mécanisme de l'instruction préparatoire ainsi que la place et la fonc-
tion qu'ils occupent au sein de celui-ci: II nous reste à décrire le tra-
vail de ce mécanisme lorsqu'il est mis en mouvement, lorsque, une
infraction ayant été dénoncée ou constatée, elle donne lieu à une
instruction.
En procédure pénale moderne, il est rare que l'instruction pré-
paratoire soit ouverte d'emblée, par saisine immédiate du juge d'in-
struction.
Le plus souvent, le procureur du Roi, saisi de la connaissance
d'un crime ou d'un délit par un procès-v,erbal initial, une plainte ou
une dénionciation, procède tout d'abord à une information extra-ju-
diciaire avec l'aide de ses auxiliaires de la police. Fréquemment même
cette information permet de rassembler tous les éléments nécessaires
à l'intentement de l'action publique, par citation directe devant la
juridiction de jugement.
Dans les affaires criminelles et la plupart des a!ffaires correction-
nelles importantes, l'information du parquet n'est néammoins qu'une
étape préliminaire à l'instruction judiciaire.
Le juge d'instruction. saisi par réquisitoire du procureur du Roi
ou constitution de partie civile rassemble les éléments de preuve, en
usant au besoin des pouvoirs que lui confère la loi ( droit de perqui-
sition, de saisie, etc.). De plus il ordonne, s'il y a lieu, l'arrestation
du ou des inculpés.
La saisine du juge d'instruction entraine celle de la chambre du
conseil qui peut seule ordonner le maintien de la détention préventive
et clôturer l'instruction.
Enlfin, la chambre des mises en accusation exerce, sur toute l'in-
struction préparatoire, un droit de contrôle qui lui permet de statuer
sur la détention préventive, d'ordonner des informations nouvelles
ou même d'évoquer l'instruction. Elle est, en outre, seule compétente
pour saisir la cour d'assises.
111
CHAPITRE I•"

L'INFORMATION DU PARQUET

106. - LE PROCES VERBAL INITIAL. - Lorsqu'un officier


de police judiciaire est saisi, par voie de constatation directe, de rap-
port d'un des agents placés sous ses ordres, de dénonciation ou de
plainte de la partie lésée, de la connaissance d'un fait constitutif
d'infraction, il consigne dans un procès-verbal initial les renseigne-
ments qu'il recueille au sujet de cette infraction ( 1).
Il entame, ensuite, une première enquête destinée à compléter
ces indications préliminaires : Dans ce but, il se rend éventuellement
sur les lieux pour procéder à toutes constatations utiles, il recueille
les dépositions des témoins qui lui sont signalés par le dénonciateur,
le plaignant, ou de toute autre manière, il recourt, dans les limites
de ses pouvoirs, aux perquisitions et aux saisies utiles; éventuel1ement,
il procède à un premier interrogatoire du prévenu et prend acte de
ses déclarations. Les constatations effectuées, les dépositions recueil-
lies, les interrogatoires et l'exposé des devoirs accomplis sont égale-
ment mentionnés au procès-verbal initial (2).
Dans certains cas, toutes ces opérations ou une partie d'entre
elles sont eiffectuées par des agents de police judiciaire qui font rap-
port à leur officier des résultats de leur mission ; l'officier dresse alors
le procès-verbal ( 3) et ordonne, éventuellement, des recherches com-
plémentaires.
Les gendarmes, simples agents de police judiciaire, ont cependant
qualité pour dresser des procès-verbaux ; ils peuvent, dès lors, effec-
tuer toute l'enquête préliminaire sans en référer à un oifficier de policé
judiciaire ( 4) .
Lorsque la gravité de l'infraction ou les nécessités de l'informa-
tion le justifient, l'officier saisi se met immédiatement en rapport avec
le procureur du Roi ( 5) ; il alerte également, au besoin, la police
judiciaire du parquet (6) .
Il adresse enfin toutes communications utiles au commissariat
général de la police judiciaire des parquets, à Bruxelles, pour inser-
tion au bulletin central de signalement ( 7) .
(I) lnstr. 48 à 50, 53, 54.
(2) lnstr. 49. Bien que cet article ne vise que les cas de flagrant délit on assimilés, les disposi-
tions qu'il contient ne sont pas restreintes à cette seule hypothèse, vu le pouvoir général
d'information reconnu à Ja police judiciaire (voy. supra n() 8 85 et ss.). Il va de soi, cependant,
que l'enquête initiale ne peut comporter, hors les cas de flagrant délit on assimilés, aucune
des mesures de contrainte spéciale prévues par le code lorsque ces cas se produisent.
(3) Voy. supra n• 75.
(4) C'est d'ailJeurs ce quf se produisait normalement au temps où seuls les officiers de gendarmerie
étaient officiers de police judiciaire ; l'attribution de ce titre aux principaux sous,-offiders a
quelque peu modifié les usages en ce domaine,
( 5) C' est~dire Je substitut de service au parquet.
(6) Voy. A. Caron, La police judiciaire .. n•• 281. 351. 351.
(7) Voy. A. Caron. n•• 104 et 354 : supra n• 49.

112
Toutes ces opérations doivent être relatées dans le procès-ver-
bal ( 1 ) .
Lorsque l'officier de police judiciaire saisi ( ou l'agent compé-
tent) a épuisé tous les moyens d'investigation à sa disposition, soit
que l'information préliminaire soit terminée, soit que les recherches
qui restent à accomplir sortent des limites de sa compétence (audi-
tion de témoins hors de sa circonscription, perquisitions, expertises),
il clôt le procès-verbal initial et le transmet, avec les autres pièces
de la procédure, au procureur du Roi ( 2) ( ou à l'officier du ministère
public près le tribunal de police, s' il y a lieu).
Cette transmission devant s'effectuer sans délai, il arrive que
l'officier saisi clôture le procès-verbal initial sans avoir terminé ses
recherches, pour ne pas trop en retarder la transmission au parquet :
Dans ce cas, il dresse ultérieurement, s'il y a lieu, et transmet des
procès-verbaux subséquents qui contiennent la relation des devoirs
accomplis par lui postérieurement à l'envoi du procès-verbal initial.
Si ces recherches préliminaires ont déjà permis de procéder à
une arrestation, le prévenu est amené au parquet, à la disposition
du procureur du Roi ; en ce cas, le procès-verbal mentionne l'heure
à laquelle il a été privé de sa liberté, cette heure constituant le point
de départ du délai de 24 heures dans lequel doit intervenir un mandat
d'arrêt (3).

107. - L'INFORMATION DU PROCUREUR DU ROI. -


Il arrive fréquemment que le procureur du Roi soit avisé le premier
de l'existence d'une infraction par la voie d'une plainte ou d'une
dénonciation qui lui est adressée directement.
Il est d'usage de faire confirmer: toute plainte ou dénonciation adressée au
parquet. Si une plainte écrite est remise au procureur du Roi par le plaignant en
personne, cette confirmation est effectuée sur le champ : Elle est constatée par une
mention inscrite sur le document contenant la plainte et signée par le magistrat et
le plaignant. Si la plainte est adressée au procureur du Roi par la poste, celui-ci
la fait confirmer à Jïntervention d'un officier auxiliaire (commissaire de police du
quartier, commandant de la brigade locale de gendarmerie, etc.) lequel dresse un
procès-verbal constatant la confirmation et signé par le plaignant et le verbali-
sant (4).

Dans de très nombreux cas, au contraire, le procureur du Roi


est saisi à la fois de la connaissance de l'infraction et de l'informa-
tion préalable à laquelle celle-ci a donné lieu par la réception du
procès-verbal initial dressé par un de ses oifficiers de police judiciaire
auxiliaires.

( l) Voy. supra n° 71 ; A. Caron. La police judiciain. n° 35i.


( 2) lnstr. 53 et 54.
(3) Voy. supra n° 73.
(1) Voy. infra n° 195.

113
Dans l'une comme dans l'autre éventualité, et dans la grosse
majorité des cas, les renseignements déjà recueillis ne sont pas suf-
fisamment décisifs et complets pour mettre aussitôt l'action publique
en mouvement.
Lorsqu'il apparait des premières indications du dossier que le
procureur du Roi n'est pas compétent pour exercer l'action publique
dans le cas envisagé, il transmet immédiatement ( 1 ) les pièces à son
collègue ou à tout autre magistrat compétent.
Lorsque, au contraire, sa compétence n'est pas douteuse, ou
qu'aucun élément ne permet encore de la rejeter, le procureur du Roi
procède généralement, avant de déclencher l'action publique, à une
information extria-judiciaire.
Celle-ci s'eiffectue, par l'envoi, aux d.fficiers de police judiciaire
auxiliaires compétents, d'apostilles leur prescrivant de procèder à tel
ou tel devoir déterminé: audition de témoins, interpellation de pré-
venus, etc. ( 2).
L' d.fficier de police judiciaire requis, après avoir accompli les
devoirs prescrits, dresse procès-verbal de ceux-ci et renvoie le dos-
sier, auquel il a joint son procès-verbal, au procureur du Roi ( 3).
Si l'information doit être poursuivie dans un autre arrondisse-
ment, le procureur du Roi transmet à son collègue compétent une
apostille dans laquelle il précise les devoirs à accomplir dans l'arron-
dissement de ce dernier, et celui-ci fait exécuter par ses officiers de
police judiciaire auxiliaires les devoirs prescrits ( 4).
Le procureur du Roi peut également poursuivre son information
dans les pays limitroph,es (Pays-Bas, Grand duché de Luxembourg,
France) sous certaines conditions, en adressant des apostilles
au magistrats compétents remplissant, dans ces pays, des fonctions
similaires aux siennes : Officier van Justitie, procureur d'Etat, procu-
reur de la République ( 5) .
Les officiers de police judiciaire peuvent aussi, de leur propre
initiative, recueillir des renseignements sur une infraction faisant l' ob-
jet d'une information en cours, en dresser procès-verbal et trans-
mettre celui-ci au procureur du Roi de leur ressort qui le fait, s'il y
a lieu, parvenir à son collègue saisi ( 6).

(1) Ou, ci c'est le procureur du Roi d'un autre arrondissement qui est compétent, aprês avoir
recueilli tous renseignements complémentaires dans son propre arrondissement afin d'éviter des
transmissions de dossier ultérieures inutiles,
(2) Voy. supra n° 8 76 et ss. Le procureur du Roi peut ordonner l'accomplisse.ment de tous actes de
police judiciaire (1. 7 avril 1919, art. 10) à l'exception de ceux qui, parce qu'ils nécessitent l'em ...
ploi de la contrainte, ne peuvent être ordonnés que par le juge d'instruction (supra n° 89) : C'est
ainsi qu'il fait régulièrement entendre les témoins et les prévenus. Le procureur du Roi fait
même procéder éventuelJement à des expertises extra-judiciaires sommaires dans certaines petites
affaires où une telle mesure d'information se justifie : examen médical des victimes d'accidents
de roulage ou de coups et blessures volontaires, par exemple (voy. infra n° 258).
(3) Voy supra n° 81.
(4) Voy. supra n°• 39, 76 et ss.
(5) Voy. supra n° &i,
(6) Voy. instr. 54.

114
C'est là une pratique extrêmement courante, car, par le mécanisme du bulletin
central de signalement, tous les corps de police du Royaume sont associés aux
recherches qu'entraîne la découverte d'une infraction: II est, dès lors fréquent que
le commissaire de police de Verviers, par exemple, découvre un individu devant
être entendu à raison d'une information ouverte à Liège, ou que la police judiciaire
du parquet d'Anvers retrouve un objet volé à Hasselt.

108. - LE CHAMP D'ACTION DE L'INFORMATION DU


PROCUREUR DU ROI EN PROCEDURE PENALE MODER-
NE. - Le recours à l'information du procureur du Roi est à l'heure
actuelle extrêmement étendu, au point que celle-ci parait en voie
de supplanter, dans une très large mesure, la vieille procédure d'in-
struction que nous étudierons ci-dessous ( 1 ) , plus formaliste et
moins pratique.
L'information du procureur du Roi peut être considérée actuel-
lement comme la règle, la procédtœe ordinaire en matière de recher-
che des délits et de leurs auteurs; elle est utilisée dans tous les cas
où le recours aux formes dfficielles d'instruction prévues par le code
d'instruction criminelle n'est pas imposé par des nécessités d'infor-
mation (perquisition d'dffi.ce, par exemple) ou de poursuite (déten-
tion préventive).
De ce fait, la grosse majorité des enquêtes peu importantes ou
d'importance moyenne se déroulent sous forme d'information du pro-
cureur du Roi et seules les aiff aires très graves ( crimes non correc-
tionnalisables, délits particulièrement importants) entrainent l' ouver-
ture immédiate et quasi-automatique d'une instruction régulière. Les
cas intermédiaires ( crimes correctionnalisables, délits de gravité
moyenne) ainsi que ceux exigeant des mesures d'information parti-
culières ( perquisitions d' dffice, expertises) et la plupart des aiffaires
entrainant la détention préventive ( 2) ne sont généralement mis à
l'instruction qu'après une information préalable du procureur du Roi,
ayant permis la réunion de charges suJffisantes.
Souvent même, la saisine du juge d'instruction est de pure forme
et n'a d'autre but que de permettre le réglement de la procédure :
C'est « l'instruction pour rapport .» dans laquelle l'information est
faite par le procureur du Roi qui, lorsque l'affaire est en état, établit
un réquisitoire invitant la chambre du conseil à renvoyer le prévenu
devant le tribunal compétent et transmet le dossier au juge d'instruc-
tion, pour rapport. Ce magistrat peut, avant de faire son rapport à
la chambre du conseil, procéder à tous actes d'instruction utiles, mais
il n'y est nullement obligé et, le plus souvent, il fonde son rapport

( 1) Voy. infra n°• 111 et ss.


(2) Chose paradoxale, lorsqu'un individu est pris en flagrant délit (voleur pris la main dans le
sac. par exemple) il n'y a souvent pas d'information du procureur du Roi et le recours à
l'instruction est immédiat: En effet. le mandat d'arrêt doit être décerné dans les 24 heures de
l'arrestation; or, dans le système du code d'instruction crimineIJe, le flagrant délit e~ précisé--
ment le seul cas où l'information du procureur du Roi est prévue et même prescrite.

115
sur les éléments réunis par l'information du procureur du Roi ( 1) .
Cette procédure est utilisée dans la plupart des cas de disqualification
à raison de circonstances atténuantes : Contraventionnalisation d'un
délit; correctionnalisation d'un crime.
La disqualification requiert, en effet, l'intervention de la chambre du conseil ;
or, celle-ci ne peut statuer que sur rapport du juge d'instruction : Pourtant, la plupart
des a:ffaires soumises à disqualification ne justLfient pas, vu leur absence de gravité
propre, le recours à l'instruction judiciaire : La solution décrite ci-dessus permet
d'éviter celle-ci, tout en respectant les formes indispensables de la procédure.

109. - L'INFORMATION DU PROCUREUR DU ROI ET


LE CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. - Le code d'in-
struction criminelle ne connaissait, en principe, que l'instruction ju-
diciaire et, dans le système de ce code, c'était exclusivement le juge
d'instruction qui conduisait les enquêtes. Le procureur du Roi, organe
des poursuites, était certes saisi le premier, soit directement, soit par
communication d'un o:fficier de police judiciaire auxiliaire ( 2), de
la connaissance de toutes les infractions découvertes : Mais son rôle
se bornait à transmettre les procès-verbaux au juge d'instruction en
y joignant un réquisitoire aux fins d'informer (3). Quant aux recher-
ches subséquentes, c'était, en principe, le juge d'instruction qui y
procédait ( 4).
Le code d'instruction criminelle ne conférait au procureur du
Roi, ainsi qu'aux officiers de police judiciaire agissant sur sa délé-
gation (5) ou même d'office (6) un droit d'information officiel que
dans le cas très limité du flagrant crime ou délit que nous examine-
rons, au surplus, ci-dessous ( n° 110).
Comment la compétence d'information extrêmement réduite et
limitée du procureur du Roi a-t-elle ainsi pu, juridiquement, se trans-
former en règle générale 7
Il existe à cette évolution deux raisons fondamentales :
1° La consécration, par la jurisprudence, du droit général d'in-
formation de la police judiciaire ( 7).
2° Le droit de citation dwecte devant le tribunal correctionnel
reconnu par le code d'instruction criminelle au procureur du Roi (8).
On voit immédiatement que la réunion de ces deux prérogatives
a pour effet de rendre facultativ,e l'instruction judiciaire préparatoire
( 1) Cette manière de procéder a été consacrêe à différentes reprises par la Cour de Cassation ( 21 oct,
1910 : Pas. I. 453 ; 18 mars 1929 ; Pas. I. 133 : 6 mai 1942 ; Pas. I. 112 et note R.H. ).
(2) lnstr. 53 et 54.
(3) Instr. 47.
( 4)ln,tr. 61.
( 5)Instr. 52.
(6) lnstr. 48 à 50.
(7) Voy. supra n° 85 et Cass. 20 mars 1916; Pa.s. I. .310.
(8) lnstr. !82.

116
en ce qui concerne l'ensemble des délits et rien n'empêche plus le
procureur du Roi de n'y avoir recours que lorsque les nécessités de
procédure (perquisition d'office, détention préventive, etc.) l'impo-
sent.

110. - L'INFORMATION DU PROCUREUR DU ROI EN CAS DE


FLAGRANT CRIME OU DELIT. - Dans le système du code d'instruction crimi-
nelle, le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires sont investis de la mission
d'information en cas de flagrant crime ou délit et ces magistrats et officiers sont, en
pareil cas, dotés de pouvoirs extensifs d'information impliquant le droit d'user de la
contrainte sous certaines conditions.
Cette dérogation au principe de la compétence exclusive du juge d'instruction est
fondée sur la nécessité d'une action rapide des autorités en certains cas urgents;
d'autre part, la simplification de la procédure d'instruction se justifiait, aux yeux des
auteurs du code, par le caractère évident et indiscutable de la culpabilité du prévenu.
Qu'entend-on par flagrant crime ou délit ( 1) ? Le code d'instruction criminelle
le définit comme étant « le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se
commettre » ( art. 41, al. 1). Cette définition manque de précision : Quand, en effet,
un délit cesse-t-il de « venir de se commettre » ? Après cinq minutes, une heure, un
jour ou une semaine? D'autre part, l'article 41 exige-t-il que l'auteur ait été pris sur
le fait, comme il semblerait normal, ou suffit-il que l'infraction seule soit découverte
plus ou moins sur le champ ?
A cette première approximation déjà plus qu'indécise, le code d'instruction
criminelle prévoit des extensions, des cas où un délit est réputé flagrant : Ce sont
les « cas où le prévenu est poursuivi par la clameur publique et celui où le prévenu
est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est
auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit» (Art. 41,
al. 2). Il est également, on le conçoit, possible d'épiloguer à J'in,fini sur la signification
de ces dtfférents termes: qu'est exactement la « clameur publique»? A quel moment
se di'fférencie-t-elle de la « rumeur publique » ou de la « notoriété publique » ?
Qu'entend-on par « temps voisin du délit»?
Enfin, le code assimile au cas de flagrant délit celui où, s'il s'agit d'un crime ou
délit, même non flagrant, commis dans l'intérieur d'une maison, le chef de cette
maison requiert le procureur du Roi de le constater (art. 46).
Toutes ces hésitations et ces imprécisions du code d'instruction criminelle, dans
la réglementation d'une procédure dérogatoire au droit commun et dont les limites
d'application devraient être nettement précisées, ont un caractère surprenant. En
fait, il y a flagrant délit dans un seul cas : Celui où un officier public ayant qualité
pour constater une infraction surprend l'auteur de celle-ci dans l'accomplissement de
l'action délictueuse: Voleur arrêté près du coffre-fort qu'il est en train de fracturer,
ou surpris par un gendarme au moment où il quitte, porteur du produit de son vol,
la maison cambriolée ; épouse adultère découverte, en compagnie de son complice,
aµ petit matin, dans une chambre d'hotel, etc. Une procédure dérogatoire au droit

(1) Certains auteurs ont voulu déduire du texte de )' article 32 « Dans tous les cas de flagrant délit,
lorsque le fait est de nature à entrainer une peine afflictive ou infamante :& la conclusion que la
procédure spëciale prévue aux art. 32 et ss. ne s'appliquait qu'au cas de flagrant crime (voy.
Rép. dr. b. v 0 procédure pénale n° 132). Cette opinion est généralement condamnée par la
doctrine et la jurisprudence (voy. Rép. réf. cit.). Les travaux préparatoires du code d'instruction
criminelle ne peuvent laisser aucun doute à ce sujet : les auteurs du code ont voulu rendre le
trànsport du procureur du Roi obligatoire en cas de flagrant crime (d'où le libellé de l'article 32)
mais il reste facultatif, et donc licite, avec les conséquences qu'il ·comporte, en cas de flagrant
délit-. (Voy. Locré, Lég. civ. comm.· et crim. T. XIII. Travaux prép. c. instr. crim. ; Observ.
comm. législ. du corps législ. 7-8 oct. 1809.)

117
commun peut se justifier en pareil cas, dans l'intérêt d'une prompte justice (1); mais
pour cela, il est indispensable que l'infraction et l'identité de son auteur soien~
simultanément et indiscutablement établis. Or le code omet de formuler cette condi-
tion pourtant essentielle ( 2) .

Le cas du flagrant crime ou délit et les cas assimilés confèrent au procureur du


Roi et à ses officiers de police judiciaire auxiliaires de nombreux droits spéciaux
d'information, tels que le droit de perquisition, de saisie, d'expertise (voy. les art.
32 à 46 du code d'instruction criminelle). Mais ils ne peuvent exercer ces droits que
dans un délai très court : Celui qui est nécessaire pour avertir le juge d'instruction
et lui permettre de prendre la direction des opérations. A l'heure actuelle, cela signifie
que seuls les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi qui se
trouvent les premiers sur place peuvent pratiquement bénétficier, tout au plus pendant
quelques heures, de ces pouvoirs extensifs. Il est, en outre, de règle que ces extensions
de pouvoir ne sont valables que pendant la durée de la première enquête : Si celle-ci
vient à être interrompue, c'est le droit commun qui reprend son empire (3).

En réalité, la notion de flagrant délit, selon le code d'instruction criminelle,


dissimule deux situations extrêmement dHférentes et qui justi'lleraient deux solutions
distinctes: Tout d'abord le flagrant délit réel, c'est-à-dire la prise du coupable sur
le fait par le policier compétent ; ensuite, la découverte plus ou moins immédiate
d'un crime ou d'un délit grave (meurtre, cambriolage, etc.) dont l'auteur est inconnu
et à propos duquel des mesures d'information très urgentes doivent être prises (4).
La confusion de ces deux notions a pratiquement rendu l'utilisation des pouvoirs
conférés par les articles 32 à 46 extrêmement aléatoire : Un commissaire de police
hésite à deux fois avant de procéder, sous sa responsabilité, à une perquisition
d'office alors qu'il se trouve dans un cas qui pourrait peut-être être considéré comme
constituant un flagrant délit, mais sans certitude d'aucune sorte.

Aussi, le recours aux pouvoirs exceptionnels d'information découlant du flagrant


délit est-il devenu assez peu fréquent: Lorsqu'un crime ou un délit grave est décou-
vert au moment où « il vient de se commettre », ou dans toutes les autres éventualités
prévues par les articles 41 et 46, il est plus communément procédé soit à une

( J) Une telle procédure existe en Angleterre et a été instituée en France par la loi du 20 mai
1863, modifiée pa1· la loi du 23 juin 1921, qui s'inspirent de l'exemple anglais: Le malfaiteur
pris en flagrant délit est conduit devant le: procureur de la République ; après interrogatoire, il
peut être traduit immédiatement devant le tribunal, sans citation d'huissier et sans délai
(S'il n'y a pas d'audience, il comparait le lendemain et est retenu, jusqu'à là, sous mandat
de dépôt). Les témoins sont cités verbalement par la police judiciaire. L'inculpé: peut réclamer
un délai de 3 jours pour préparer sa défense et ce délai doit lui être accordé, Le
président du tribunal est tenu de l'aviser de l'existence de cette prérogative. Cette procédure
est facultative et limitée aux matières correctionnelles punissables d'emprisonnement; elle n'est
pas applicable à certains délits (politiques. de prtsse, etc. voy. Donnedieu de Vabres, droit
criminel, n° 8 1384 et ss.).
(2) Sans doute, la jurisprudence peut .. elle préciser les critères du flagrant délit et interpréter la
Joi : il lui appartient de décider souverainement si tel fait, survenu dans telles circonstances, a
constitué, ou non, un flagrant délit; malheureusement, ce n"est pas au moment où les tribunaux
sont saisis qu'il importe de savoir si les pouvoirs exceptionnels résultant du flagrant délit
étaient utilisables ou non : C'est au moment où l'officier de police judiciaire doit prendre la
décision d'y avoir recours qu'il importe que cet officier soit clairement fixé sur l'étendue de
ses droits; l'information ne peut être à la merci d'une erreur d'appréciation initiale
qui risquerait de rendre nuJles toutes les poursuites ultérieures.
(3) Voy. Rép. dr. b. v 0 procédure pénale, n°• 125 et 161.
( 1) Le flagrant délit ré:el justifierait, sans aucun doute, une procédure de jugement plus expéditive
mais pas des droits d'instruction exceptionnels: Le coupable étant connu et. au besoin. arrêté
et sa culpabilité étant établie· d'une manière indiscutable, il n'y a, évidemment pas Heu de
renforcer les pouvoirs des enquêteurs, alors que la tâche de ceux .. ci est moins complexe que
dans la plupart des cas. lnyersément. en cas de découverte immédiate d'un crime dont l'auteur
est inconnu, lè succès de J'inform3tion dépend souvent des toutes premières mesures prises, En
pareil cas. dès lors, l'attribution de pouvoirs d'information extensifs à durée limitée aui:
officiers premiers saisis se justifierait pleinement.

118
information du procureur du Roi, soit à une instruction judiciaire, conformément
aux règles ordinaires propres à ces deux procédures ( 1).

111. - LA CLOTURE DE L'INFORMATION DU PROCU-


REUR DU ROI. - L'information du procureur du Roi peut être clô-
turée de deux manières : 1° par classement sans suite et 2° par mise
en mouvement de l'action publique.
1° Le classement sans suite peut intervenir pour plusieurs motifs :
Voici les principaux:
a) Non découverte du coupable;
b) Caractère non punisable des faits dénoncés ( faits non consti-
tutifs d'infraction, action publique éteinte, etc.).
c) Charges insuffisantes pour établir une culpabilité.
d) inopportunité des poursuites.
Le droit au classement, reconnu au procureur du Roi, provient
du fait que ce magistrat est juge de l'opportunité d'intenter des pour-
sui tes ( 2 ) ( 3 ) .
Le classement est toujours révocable et l'information peut être
rouverte chaque fois que les circonstances l'exigent.
La constatation du classement n'est soumise à aucune forme:
elle s'opère en fait par une simple mention au dossier, comportant le
motif de la décision, sa date et la signature du magistrat saisi.
2° La mise en mouvement de l'action publique peut être réalisée
de plusieurs manières :
a) Par réquisitoire aux fins d'informer adressé au juge d'instruc-
tion.
b) Par réquisitoire de disqualifiœtion et renvoi devant une juri-
diction d'un degré inférieur ( tribunal correctionnel en cas de crime
correctionnalisé ; tribunal de police en cas de délit contraventionna-
lisé), saisissant à la fois le juge d'instruction pour rapport et la
chambre du conseil pour réglement de la procédure ( 4).
c) Par citation directe devant le tribunal correctionnel.
Dans tous les cas exposés, ( classement sans suite, réquisitoire
de disquali!flcation et renvoi, citation directe) à l'exception de la sai-
sine du juge d'instruction par réquisitoire aux fiins d'informer, la clô-
~1 ). Lorqu'il y a flagrant délit véritab)e, et que la gravité de l'infraction le justifie, le prévenu
est conduit au parquet à Ja disposition du juge d'instruction. Théoriquement, l'officier de
police judiciaire ayant procédé à l'arrestation pourrait perquisitionner d'office chez l'inculpé:
mais il préfère souvent soit demander le consentement formel de celui-ci. soit attendre le
mandat du juge d'instruction.
(2} Sa décision n'est, toutefois, pas sans recours: Ses supfrieurs hiérarchiques. la Cour d'Appel.
Je Ministre de la justice, la partie lésée ont tous le droit et la possibilité de provoquer lïnten-
tement des poursuites.
(3) Voy. Novelles: Procidure pénale 1. 1 R. Warlomont, L'Action publique et civile. n•• 10 et Il•
(i) Voy. supra n° 108.

119
ture de l'information du procureur du Roi implique que les recherches
sont terminées et que l'enquête, que son résultat ait été positif ou
négatif, est néammoins complète. Par contre, lorsque le procureur du
Roi requiert le juge d'instruction d'ouvrir une information, les recher-
ches sont loin d'être terminées et l'enquête n'est ni clôturée, ni in-
terrompue, mais sa direction passe des mains du procureur du Roi à
celles du juge d'instruction et ce magistrat la poursuit, conformément
à des règles sensiblement drfférentes de celles qui régissent l'infor-
mation du procureur du Roi. Nous étudierons ces règles au chapitre
suivant ( 1).
La clôture de l'information du procureur du Roi, pour quelque
motif que ce soit, n'interdit jamais à ce magistrat de reprendre ulté~
rieurement ses recherches: Même lorsque l'action publique est mise
en mouvement et qu'une juridiction d'instruction ou même de juge-
ment est saisie, le procureur du Roi peut toujours recueillir des ren-
seignements complémentaires et les joindre à son dossier ( 2).

112. - L'INFORMATION DE L'OFFICIER DU MINISTERE


PUBLIC PRES LE TRIBUNAL DE POLICE. - L'information de
l'officier du ministère public près le tribunal de police se déroule selon
des règles identiques à celles qui gouvernent l'information du procu-
reur du Roi.
Elle ne permet pas le recours à la contrainte ( perquisitions, etc.).
Le code d'instruction criminelle ne prévoyant pas de procédure
d'instruction judiciaire (3) en matière de contraventions, l'informa-
tion du parquet de police est la seule méthode possible pour recueil-
lir les preuves d'une infraction de cette catégorie, et, d'ailleurs, vu
la faible gravité de celles-ci, l'attribution aux enquêteurs de pouvoirs
spéciaux de contrainte ne se justiiflerait pas.
Toutefois, l'article 138 du code d'instruction criminelle et diver-
ses lois spéciales attribuent au tribunal de police la connaissance d'un
grand nombre de délits ; l'officier du ministère public recherche ceux-
ci de la même manière qu'il recherche les contraventions; mais, com-
me ces infractions, plus graves, peuvent également nécessiter des
mesures d'instruction plus rigoureuses (perquisitions, saisies, experti-
ses), et que l'officier du ministère public n'est pas armé à cet effet,
l'article 138 autorise la mise à l'instruction de ces délits, à l'interven-
tion du procureur du Roi, de la même manière qu'en matière correc-
tionnelle ordinaire.

(1) Voy. infra n° 8 118 et ss.


(2) Voy. supra n° 88.
(3) Sauf. et d'une m,mière très limitée, dan~ le ..:as prévu par l'art. 1-1 instr.

120
113. - L'EMPLOI DES LANGUES A L'INFORMATION
DU PARQUET. - Les officiers du ministère public font usage pour
leurs actes d'information de la langue prévue en matière répressive
pour le tribunal près duquel ils sont établis ( 1).
En d'autres termes, les procureurs du Roi et les officiers du ministère public
près les tribunaux de police des provinces wallonnes (Hainaut, Liège, Luxembourg,
Namur) et de l'arrondissement de Nivelles font usage du Français; les procureurs
du Roi et les officiers du ministère public près les tribunaux de police des provinces
flamandes (Anvers, Flandre occidentale, Flandre orientale, Limbourg) et de l'arron-
dissement de Louvain, ainsi que les officiers du ministère public près les tribunaux
de police de l'arrondissement de Bruxelles dont le ressort est composé exclusivement
de communes flamandes sises en dehors de l'agglomération bruxelloise, font usage
du Néerlandais: Le procureur du Roi de Bruxelles et les officiers du ministère public
près les tribunaux de police de l'agglomération bruxelloise font usage du Français
ou du Néerlandais selon les distinctions établies à l'article 16 de la loi sur l'emploi
des langues en matière judiciaire du 15 juin 1935 ; le procureur du Roi de Verviers
et les officiers du ministère public près les tribunaux de police de Malmédy, Aubel.
Limbourg, Eupen et Saint-Vith font usage du Français ou de !'Allemand selon les
distinctions établies à l'article 17 de cette loi.

CHAPITRE II

L'INSTRUCTION JUDICIAIRE

114. - L'INFORMATION ET L'INSTRUCTION - Nous


avons déjà examiné et souligné la situation particulière dévolue au
juge d'instruction dans notre système de procédure pénale ( cf. supra
n°" 1 et 25) et nous avons également dégagé certaines caractéristiques
que présente la procédure d'instruction préparatoire de type inquisi-
torial, laquelle se rattache simultanément à l'exercice de la police judi-
ciaire et à celui de la fonction juridictionnelle (cf. supra n°• 95 et ss.).
L'instruction, dans la mesure ou elle se rattache à la police ju-
diciaire, constitue la suite naturelle et le développement de l'infor-
mation à laquelle procède le parquet, et elle poursuit le même objet
que celle-ci, à savoir la recherche des infractions, de leurs auteurs
et des preuves de culpabilité.
. Elle se distingue cependant de l'information du parquet par
deux caractéristiques fondamentales :
l O L'information du parquet est une procédure extra-judiciaire,
tandis que l'instruction est une procédure judiciaire. Cette situation
entraine de nombreuses et importantes conséquences, notamment en
ce qui concerne la saisine et le dessaississement du juge d'instruction
( voy. infra n°• 115 et ss. ; 148 et ss.), les règles et formes de l' instruc-

(1) Loi du 15 juin 1935, art. 12.

121
tion elle-même ( voy. infra n°• 126 et ss.) et enûn le contrôle de l'in-
struction ( voy. infra n° 8 164 et ss.).
2° L'information exclut tout emploi de la contrainte, tandis que
l'instruction comporte l'emploi fréquent de mesures de contrainte:
perquisitions, obligation de témoigner, détention préventive, etc.

SECTION 1••
La saisine du juge d'instruction

115. - OUVERTURE DE L'INSTRUCTION ET INTEN-


TEMENT DE L'ACTION PUBLIQUE. - Le juge d'instruction
étant simultanément saisi de l'information et de l'action publique,
l'ouverture de l'information est nécessairement subordonnée à la mise
en mouvement de l'action publique elle-même. Il s'ensuit que l'in-
formation qui, normalement, s'ouvre et se clôt sans aucun formalisme
( 1), est soumise, pour autant qu'elle relève de la compétence du juge
d'instruction, aux règles restrictives et formalistes qui gouvernent
l'exercice de l'action publique ( 2).
Cette situation entraine les conséquences suivantes :
1° Le juge d'instruction ne peut être saisi que d'un fait precis
présentant, tout au moins, les apparences d'un crime ou d'un délit.
2° Il ne peut être saisi que dans la mesure où aucun obstacle
ne paralyse l'action publique (absence de toute question préjudicielle
à l'intentement de l'action).
3° Il ne peut être saisi que dans les formes et aux conditions pré-
vues par la loi (respect des règles de compétence et des formalités
légales substantielles auxquelles est subordonnée la saisine du juge
d'instruction) ( 3).
En particulier, il ne peut se saisir lui-même d'une affaire (sauf
en cas de .flagrant délit), mais sa saisine doit être provoquée par le
ministère public ou la partie civile; d'autre part, lorsque l'instruction
est ouverte, sa saisine est irrévocable et seules les juridictions d'in-
struction ( chambre du conseil, chambre des mises en accusation)
peuvent clôturer celle-ci et le dessaisir par une ordonnance motivée.

116. - LES DIFFERENTS MODES DE SAISINE DU JUGE


D'INSTRUCTION. - Le juge d'instruction peut être saisi de trois
manières:
(1) Voy. supra n°• IOï et Ill.
(2) Voy. Constitution 7.
(3) Rappelons, cependant, que seule la compétence ratione materiae du juge d'instruction e~t d'ordu.
public (voy. supra n° il).

122
1° Par la constatation directe d'un crime ou d'un délit flagrant.
2° Par plainte de la partie lésée accompagnée de constitution
de partie civiile.
3° Par réquisitoire du procureur du Roi.

117. - LA SAISINE DU JUGE D'INSTRUCTION PAR


CON STAT ATION DIRECTE D'UN CRIME OU D'UN DELIT
FLAGRANT. - En cas de flagrant crime ou délit, le juge d'instruc-
tion se saisit lui-même, sans qu'aucune réquisition soit nécessaire ( l).
Cette règle est une survivance du principe de l'ancien droit « tout
juge est procureur général».
Les circonstances autorisant ce mode particulier de sa1sme sont, évidemment,
très peu fréquentes : Il faut que le juge d'instruction acquière directement la con-
naissance d'un délit flagrant, ce qui n'est pas courant: Cette éventualité né peut
guère se produire que lorsque le juge d'instruction, au cours d'une information
qu'il mène régulièrement, découvre un délit étranger à son instruction et présentant
le caractère nécessaire de flagrance: Tel sera le cas, par exemple, si un juge
d'instruction régulièrement requis et procédant à une perquisition à l'occasion d'un
meurtre, découvre des objets volés peu de temps auparavant : Il peut alors inculper
d'office, du chef de recel ou de vol, le détenteur de ces objets et saisir ceux-ci (2).

Le juge d'instruction saisi d'office par la découverte d'un flagrant


crime ou délit doit avertir le procureur du Roi mais il n'est pas tenu
d'attendre, pour agir, les réquistions de celui-ci (3). Dès que le
procureur du Roi est en mesure d'intervenir normalement dans la
procédure, et. en tout cas. dès que la première enquête a pris lfin,
les règles normales d'instruction reprennent leur empire : Le juge
doit communiquer la procédure au procureur du Roi et attendre ses
réquisitions. Toutefois, le juge d'instruction est, dès ce moment, ir-
révocablement saisi et le procureur du Roi ne peut ni classer l'affaire
sans suite, ni requérir l'abandon de l'instruction: Il ne peut, éven-
tuellement, que saisir la chambre du conseil d'un réquisitoire tendant
au non-lieu, ou au dessaississement.

118. - LA SAISINE DU JUGE D'INSTRUCTION PAR


PLAINTE DE LA PARTIE LESEE ACCOMPAGNEE DE CON-
STITUTION DE PARTIE CIVILE (4). - « Toute personne qui se
prétendra lésée par un crime ou délit pourra en rendre plainte et
se constituer partie civile devant le juge d'instruction, soit du lieu
du crime ou du délit, soit du lieu de la résidence du prévenu, soit
du lieu où il pourra être trouvé » ( code d'instruction criminelle, art.
63).

(1) lnstr. 59.


(2) On peut, ividemment. concevoir aussi que le juge d'instruction soit, par un hasard exceptionnel.
témoin d'un crime ou délit flagrant.
(3) Arg. art. 32, al. 2 et 59 in fine.
(i) Voy. sur cette question délicate et controversée: Jean Mallie, L'action directe de la partie
lésée devant le juge d'instruction : Rev. de pén. 1953-195-t, i66 et ••·

123
Ce texte définit parfaitement les deux conditions requises pour
qu'il y ait saisine du juge d'instruction à l'intervention de la partie
lésée : Il faut :
1° Une plainte ( 1).
2° La mise en mouvement de I'·action civile en réparation du
dommage causé par le crime ou le délit faisant l'objet de la plainte.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, le juge est satSt non
seulement de l'action civile, mais aussi de l'actiQll publique et il peut
donc ouvrir une information.
Il doit, cependant, s'assurer au préalable qu'il est bien compétent
ratione loci, c'est-à-dire qu'il est bien le juge d'instruction du lieu
du crime ou du délit, de la résidence du prévenu ou du lieu où il
pourra être trouvé : Dans le cas contraire, il renvoie la plainte à son
collègue compétent ratione loci, lequel est alors saisi et de l'action
civile, et de l'action publique ( 2) ( 3).
Le juge doit, toutefois, user de cette faculté avant tout acte d'instruction (4) :
S'il accepte de se saisir, en transmettant, par exemple, la plainte au procureur du
Roi, pour réquisitoire, il est, ipso facto, saisi irrévocablement et seule la chambre
du conseil peut alors régler la procédure (5).

Le juge d'instruction compétent pour connaitre de la plainte


(c'est-à-dire, selon les cas, le juge ayant la plainte ou celui auquel
elle a été transmise par un collègue incompétent) est tenu d'en or-
do.tllll'er la communication au procul'eur du Roi pour être requis par
lui ce qu'il appartiendra (6).
L'application de cette disposition a donné lieu à des difficultés assez sérieuses,
mais actuellement résolues : Nous venons de voir que la plainte de la partie lésée,
accompagnée de constitution de partie civile, saisissait le juge d'instruction de l'action
publique et lui donnait, par conséquent, le droit d'informer. Mais, en vertu de
l'article 70 du code d'instruction criminelle, le juge est tenu, avant d'informer, de
communiquer la plainte au procureur du Roi, dépositaire de l'action publique:
Qu'arriverait-il, dans ces conditions, si le procureur du Roi estimait qu'il n'y a pas
lieu à intentement de l'action publique et prétendait soit classer la plainte, soit
saisir le juge d'instruction d'un réquisitoire de non-informer?
Selon une opinion française, aujourd'hui abandonnée, le refus du procureur du
Roi paralyserait l'ouverture de l'information (7). Cette interprétation aurait, en
pratique, pour effet de retirer toute signification à l'article 63, puisque cette dernière
disposition a, justement, pour but de permettre à la partie lésée de déclencher

(1) Voy. infra n° 195.


(2) lnstr. 69.
(3) Cette faculté n'est accordée au juge d'instruction que .s'il est incompétent ratione loci: Dans
tous les autres cas d'incompétence, le litige ne peut être tranché que par la chambre du
conseil. (Voy. Gand, ch. mis. ace. 30 janv. 1946. J. T. 197).
(4) Voy. Rép. prat. dr. b. v 0 procédure pénal<, n°• 294 <t 302.
(5) Quld si le lieu du délit n'est pas déterminé et si le prévenu est inconnu? Il nous semble que
dans ce cas, le juge saisi par le plaignant doit instruire malgré l'incertitude qui affecte sa
compétence ratione loci (voy. cond. de I\,f. l'Avocat Général Sartini van den Kerckhove, av.
Cassation 15 décembre 1930; Pas. 1931. 1. 19.).
(6) Instr. 70.
(7) Nimcs. 6 no,·. 1880; Sirey 1883. Il. 79.

124
l'action publique, même contre l'avis du parquet. Aussi, la jurisprudence belge
ne l'a-t-elle pas admise ( 1), pas plus, d'ailleurs, que la jurisprudence française plus
récente (2).
Le procureur du Roi, saisi d'une plainte accompagnée de partie
civile, qui lui est transmise par le juge d'instruction, n'a pas le pou-
voir de paralyser l'information : Il ne peut donc ni classer la plainte
sans suite ( 3), ni requérir le juge d'instruction de ne pas informer
( 4) : Par conséquent, seules deux attitudes lui sont permises :
1° Si aucun obstacle de forme ou de fond ne paralyse l'intente-
ment de l'action publique, il doit requérir le juge d'informer sur les
faits dénoncés dans la plainte.
2° Si au contraire, il estime que l'action publique n'est pas rece-
vable, pour une raison quelconque ( question préjudicielle, incompé-
tence du juge), il doit requérir la chambre du conseil de rendre une
ordonnance de non-lieu ou de dessaisissement contre laquelle la par-
tie civile peut éventuellement faire opposition devant la chambre des
mises en accusation ( 5) ( 6) .

119. - SUITE. - FORMES DE LA PLAINTE ET DE LA CON-


STITUTION DE PARTIE CIVILE. - L'acte par lequel la partie
lésée provoque l'ouverture de l'information se décompose en deux
parties : 1° une plainte et 2° une constitution de partie civile dont la
réunion entraine la mise en mouvement de l'action publique.
Il n'est nullement indispensable que plainte et constitution de
partie civile soient concommittantes ( 7) : Il est même fréquent que
la partie lésée dépose au préalable une plainte entre les mains du
procureur du Roi ou d'un officier de police judiciaire auxiliaire, plainte
qui est classée sans suite, et qu'elle se constitue, ultérieurement, par-
tie civile auprès du juge d'instruction pour remédier à l'inaction du
parquet.
1° La plainte n'est soumise à aucune règle particulière de forme
ou de fond : Elle ne d~ff ère en rien d'une plainte ordinaire ( 8). Pour
qu'il y ait plainte, il suffit que la personne lésée manifeste de façon
claire, par écrit ou par une déclaration actée par un fonctionnaire
public compétent, son intention de réclamer des poursuites judiciaires
( 1) Cass. 10 lév. 1913 ; Pas. 1. 103.
(2) Cassation française 8 déc. 1906; Dalloz pér. 1907, 1. 207.
(3) Rép. dr. b. v 0 procédure pénale, n° 181.
(i) Cass. 10 fév. 1913 cité.
(5) Instr. 129, al. 2 et 135.
(6) Mais il ne peut, pour requérir le dessaisissement, prendre en considération que l'irrecevabilitê
de l'action publique: En effet. les juridictions d'instruction ne sont pas compétentes pour
prononcer sur l'action civile et apprécier la recevabilité ou le fondement d'une constitution
fait devant le juge d'instruction, (Ca.ss. 3 nov. 1930; Pas. I. 348. Cf. aussi Bruxelles. ch.
mises 25 juin 1930: Pas. Il. 176.) En d'autres termes, une constitution de partie civile, même
irrecevable, a pour effet de mettre en mouvement l'action publique. L'arrêt du 25 juin 1930
cité relève cependant que la juridiction d'instruction a qualité pour examiner si la constitu-
tion de partie civile est régulière et notamment si le plaignant a un intérêt à agir et s'il
est juridiquement capable à cette fin. L'« action populaire» par le biais d'une constitution de
partie civile devant le juge d'instruction demeure donc exclue.
(7) La seconde peut, en effet, intervenir par acte subséquent (instr. 66),
(8) Voy. infra n° 195.

125
( 1). En l'absence de plainte antérieure, l'acte de constitution de
partie civile peut être considéré pratiquement comme constituant,
à lui seul. plainte valable ( 2).
2° La constitution de partie civile doit être faite devant le juge
d'instruction ( 3). Elle ne se présume jamais et doit résulter soit d'une
déclaration formelle, soit de conclusions de dommages-intérêts con-
tenues dans la plainte ou dans un acte subséquent (4).
En pratique, l'acte de constitution de partie civile est un écrit, signé par la
partie lésée ou par un mandataire spécial (5) et remis au juge d'instruction qui
constate cette remise par un procès-verbal. Aucune forme sacramentelle n'est exigée :
Il sutfllt que ce document exprime de manière suffisamment claire et formelle la
volonté de la partie lésée.

Un a~oué près le tribunal auquel est attaché le juge d'instruction


peut valablement se constituer partie civile au nom de la personne
léséé.
Si la partie lésée ne demeure pas dans l'arrondissement où se
fait l'instruction, elle est tenue d'y élire domicile par acte passé au
gre:ffe du tribunal (6). Le défaut d'élection de domicile n'entraine,
toutefois, pas la nullité de la constitution de partie civile, mais celle-
ci ne pourrait alors opposer le défaut de signilfication contre les actes
qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi (7).
La constitution d'un avoué entraine de droit l'élection de do-
micile ( 8).
En matière criminelle, lorsqu'il s'agit des crimes prévus par les
articles 196, 197 et 489 al. 3 du code pénal ou par les articles 207
et 208 de la loi sur les sociétés commerciales, coordonnée par l'arrêté
royal du 30 novembre 1935, ainsi qu'en matière correctionnelle ou de
police, la partie civile, lorsqu'elle agit dittcbement ou lorsque l'in-
struction a été ouverte suite à la constitution de partie civile, doit au
préalable consigner au greffe la somme nécessaire pour les frais de
procédure (9) ; elle peut toutefois, s'il y a lieu, demander le bénéfice
de l'assistance judiciaire gratuite en s'adressant, par requête verbale
ou écrite, et sans autre procédure, au juge d'instruction ( 10).
(1) Cass. 3 mars 1890: Pas. I. 101: 7 lév, 1916. pas. 1917. I. 97: Brux. 17 avril 1929: Pas, 1930.
Il. 4.
(2) Toutefois, s'il est signé par un avoué, celui-ci doit être muni d'une procuration spéciale (instr.
65 et 31) et la procuration doit rester annexée à la plainte (instr. 31. al. 3); s'il existe, au
contraire. une plainte antérieure. l'avoué peut se constituer, au nom du plaignant. sans procu-
ration spéciale.
(3) lnstr. 63.
( 1) lnstr. 66.
(5) Ou par un avoué lequel ne doit pas être porteur d'un mandat spécial.
(6) lnstr. 68, al. 1.
( 7) lnstr. 68. al, 2.
(8) C. proc. civ. 61 : Charleroi 1 déc. 1854: B. J. 1855, 109: Rép. dr. b. v 0 avoué n° 263.
(9) Loi du ter juin 1849 (Tarif criminel) art. 5, modifiée par l'A. R. n° 253 du 8 mars 1936,
art. 1er et la loi du 25 oct. 1950. art. 3.
(10) L. 24 juin 1929 (Assistance judiciaire) art. 17. Elle doit, bien entendu, rapporter la preuve de
.son indigence dans les formes prévues à l'article 38 de cette loi.

126
Les provinces, les communes, les administrations et établisse-
ments publics sont dispensés de la consignation.
Le juge d'instruction peut inviter la partie civile à effectuer, en
cours d'instruction, une consignation complémentaire si la première
est devenue insuffisante ( 1).
Les décisions du juge d'instruction relatives à la consignation des
sommes nécessaires pour frais de procédure sont de mesure admi-
nistratives et non des actes juridictionnels ; elles ne sont pas suscep-
tibles d'appel (2).

120. - SUITE. - DESISTEMENT. - La constitution de par-


tie civile n'est pas irrévocable; en raison de la lourde responsabilité
qu'assume la partie lésée, le législateur a voulu lui permettre d' échap-
per, dans une certaine mesure, aux conséquences d'une action trop
hâtive ou irréfléchie : C'est pourquoi le désistement est autorisé ; mais
il doit intervenir, au plus tard, dans les vingt-quatre heures de ia
constitution (3). S'il y a désistement, la partie civile n'est plus tenue
des frais à partir de sa signification, sans préjudice, toutefois, des
dommages-intérêts à l'égard des prévenus, s'il y a lieu ( 4).
Aucune règle de forme n'est prescrite pour le désistement: Il
sulffit donc que la partie civile manifeste de façon non équivoque et
dans les délais voulus sa volonté de se désister ( déclaration au greffe,
ou devant la juridiction saisie, conclusions à l'audience) ; ( 5) le
désistement doit être signifié au ministère public et, éventuellement,
à l'inculpé. Le défaut de signilfkation rend le désistement irrecevable
( 6).
Le désistement ne dessaisit pas ipso facto le juge d'instruction
de l'action publique et de l'information: Il est de règle, en effet, que
sa saisine soit irrévocable; seule la chambre du conseil peut régler
la procédure et dessaisir le juge d'instruction.

121. - LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE EN


COURS D'INSTRUCTION. - La partie civile peut également,
sans prendre l'initiative des poursuites, se constituer comme partie
jointe en cours d'instruction, soit devant le juge d'instruction, soit
devant la chambre du conseil ( 7).

(1) Brux. (Ch. mises) 28 nov. 1951 : Pas. 1952. II. 9.


(2) Brux. 28 nov. 1951 : Pas. 1952. II. 9.
(3) lnstr, 66: le désistement doit. également. intervenir avant le jugement. mais cette règle ne
peut, évidemment, trouver aucune application pratique dans le cas de constitution envisagé ici.
En m:atière d'adultère, le désistement peut intervenir en tout état de cause et il paralyse, ipso
facto, )' action publique ( L. 17 avril 1878 titre prélimiaire du code de procédure pénale) art.
2, al. 2.
(i) lnstr. 66.
(5) Voy. Rép, dr. b. v 0 action civile, n° 355. Le désistement doit être exprès et il ne peut être
valablement exprimé que par la partie elle-même ou par un fondé de pouvoir spécial ( Cass.
5 juillet 195-1 : Pas. I. 961).
(6) Cass. 16 oct. 1911. Pas. II. 515.
(7) lnstr. 67.

127
Cette constitution obéit aux mêmes règles que lorsqu'elle est
effectuée en vue de saisir le juge d'instruction ( Cf. supra n° 119).
Toutefois, aucune consignation au grerffe pour frais de procédure
n'est exigée en pareil cas ( 1).

122. - LA SAISINE DU JUGE D'INSTRUCTION PAR RE-


QUISITOIRE DU PROCUREUR DU ROI. - Ce mode de saisine
est, de loin, le plus normal et le plus fréquent. Le procureur du Roi,
sous le contrôle du procureur général, est juge de l'opportunité de la
mise à l'instruction d'une affaire (2).
Il peut le faire chaque fois que les conditions requises pour l'in-
tentement de l'actiion publique sont réunies.
Le juge d'instruction est saisi par un réquisitoire d'informer dé-
nommé réquisitoire introductif que lui adresse le procureur du Roi
( 3). Aucune forme spéciale n'est prescrite, mais, pour des raisons
faciles à comprendre, il est indispensable que ce réquisitoire soit
écrit, daté et signé ( 4) .
L'emploi des formulaires de réquisitoire, bien que consacré par la pratique, n'est
évidemment pas indispensable, pas plus que leur libellé n'est substantiel: Une lettre-
missive peut constituer un réquisitoire valable (5) (6).

De plus, le réquisitoire introductif doit mentionner les faits dé~


lictueux sur lesquels doit porter l'information.
Cette mention est indispensable, car l'action publique ne peut naître que d'une
infraction et il convient donc, pour que les poursuites puissent être intentées, et, par
conséquent, l'instruction ouverte, qu'un fait présentant tout au moins les apparences
d'un crime ou d'un délit ait été préalablement constaté ou dénoncé et puisse servir
de base à l'information (7).

Dans la pratique, le procureur du Roi se réfère, dans son réqui-


sitoire, aux faits révélés dans la plainte, la dénonciation, le procès,,-
verbal initial ou les procès-verbaux d'information et transmet au juge
d'instruction l'ensemble du dossier de celle-ci.
Le réquisitoire est valable même si le procureur du Roi n'a pas
qualifié légal~ment les faits dénoncés et le juge d'instruction n'est
pas lié par la qualification éventuelle donnée par le parquet ( 8).

( 1) Loi du Ier juin 1849, art. 5. modifié par la loi du 25 octobre 1950. art. 3.
(2) Voy. supra n°s 108. 109. Ill.
(3) lnstr. 47 et 64.
(i) Voy. Rép. dr. b. v 0 procédure pénale n° 291.
(5) Braas. instr. crim. p. 188; Cass. 3 mars 1952; Pas. 1. 397.
(6) Le réquisitoire peut être dressé par le Procureur du Roi en dehors du chef lieu de l'ar-
rondissement et ne doit pas désigner nominativement le juge requis ( Cass. 3 avril 1916, Pas.
1915-16. 1. 3i3).
( 7) lnstr. 47.
(8) Cass. 3 nov. 1930, Pa!"i, I. 348. Il est tout à fait norma) que le juge d'instruction ne soit pa&
lié par la qualification du parquet, car celle--ci n'a, jusqu'au jugement, qu'un caractère indicatif:
en revanche, il nous parait quelque peu excessif que le procureur du Roi puisse s'abstenir de
toute qualification des faits à propos desquels il requiert information : en effet, la mise en
mouvement de l' ü.Ction publique ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi ( Constitu--

128
Le réquisitoire ne doit pas désigner le ou les individus contre
lesquels l'action publique est intentée et qui sont prévenus des faits
faisant l'objet de l'instruction, et cela, même s'il existe un ou plusieurs
suspects ( 1 ) .

123. - CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA SAISINE DU


JUGE D'INSTRUCTION. - Le juge d'instruction est tenu d'in~
struire, quelle que puisse être son opinion personnelle sur l'opportunité
de l'instruction (2). Il est incompétent pour rendre une ordonnance
équivalant à une ordonnance de non~lieu ( 3).
Il n'a pas qualité, par exemple, pour dire n'y avoir lieu à informer sous prétexte
que les paroles prononcées par le prévenu constituent une simple irrévérence et
non le délit <l'outrage relevé par le réquisitoire (4) ou qu'il n'existe aucun indice
utile et que tous les témoins ont été entendus lors de l'information du parquet (5)
ou que tous actes ultérieurs d'instruction sont inutiles et frustratoires (6).

Cependant, il peut arriver que le juge d'instruction estime que sa


saisine n'est pas régulière, parce qu'il existe une fin de non recevoir
s'opposant à l'exercice de l'action publique (incompétence, question
préjudicielle, etc.) (7) : Il peut alors ordonner immédiatement, et sans
accomplir aucun acte d'information, la communication de la procédure
au procureur du Roi pour être, par celui~ci, requis ce qu'il appartien~
dra avant rapport à la chambre du conseil, par une ordonnance mati~
vée exposant les raisons qui rendent, à ses yeux, l'action publique
irrecevable ( 8). Si le procureur du Roi admet ce point de vue, il re~
quiert la chambre du conseil de dessaisir le juge d'instruction ; s'il
estime, au contraire, que les motifs invoqués par le juge d'instruction
ne sont pas valables, il porte le conflit devant la chambre du conseil
qui est compétente pour statuer sur l'action; celle~ci examine la cause
dans les formes prescrites pour le réglement de la procédure ( débat
tion art. 7) : Il semblerait, dès lors, légitime d'exiger que l'organe du ministère public indique,
dans 1' acte cl· ouverture des poursuites, le « cas », c'est-à-dire la violation supposée de la loi
pénale qui autorise celles-ci. D'autre part. le juge d'instruction ne peut informer à raison de
n'importe quelle infraction (les contraventions, notamment, ne peuvent donner lieu à
une instruction judiciaire) et sa compétence ratione materiae est d'ordre public ( supra n° 11) ;
or, }es faits qui lui sont dénoncés par le ré-quisitoire introductif et ses annexes ne sont pas
toujours, à l'évidence, constitutifs de crime ou de délit : Il se peut, même, que l'instruction
ait pour objet, précisément, de rechercher si ces faits ne présentent pas un caractère délictueux
,un incendie, par exemple, peut être fortuit ou criminel; c'est à J'instruction qu'il appartient.
habituellement, de déterminer s'il s'agit d'un crime ou d'un accident exclusif de toute responsa--
bJlité humaine) ; comment le juge d'instruction pourrait--il, dans une espèce quelque peu
\'.Or..•plexe, vérifier si sa saisine est régulière ou non, si le procureur du Roi n'indiquait pas
l'infraction qui constitue l'objet de l'instruction? Aussi. est--il d'usage constant que le réquisi--
toire introductif contienne une qualification des faits et méme souvent une indication de la
disposition légale qui semble violée : Cet usage nous parait constituer une règle indispensable:,
sinon obligatoire.
( 1) Ca ... 3 mars 1952 ; Pas. I. 397.
(2) Le Poittevin. dict ... form. des parquets, v 0 instruction préalable. n° 18; Rép. dr. b. v 0 procédure
~nale, n° 303.
(3) Gand ; Ch. Mises ace. 8 novembre 1923 ; Pas. 1924. Il. 34.
(4) Brux. ch. Mises ace. 5 déc. 1884; Pas. 1885. Il. 54.
(5) Brux. ch. mises ace. 17 nov. 1881 ; Pas. 1855. Il. 55.
{6) Brux. ch. mises ace. 23 nov. 1897; Pas. 1898. Il. 81.
{7) Le juge d'instruction, requis d'instruire du chef de faux témoignage, peut estimer. par exemple,
que l'action est irrecevable, les débats de l'affaire principale n'ayant pas été clos ( Cass. 20
mars 1882; Pas. 1883. I. 28).
(8) Ca,s. 20 mars 1882 cité.

129
contradictoire entre le ministère public, la partie civile et l'inculpé)
( 1 ) elle rend alors soit une ordonnance de dessaississement, soit une
ordonnance de surséance à statuer, selon qu'elle estime l'action publi-
que irrecevable ou non ( 2); la question de recevabilité étant tranchée,
le procureur du Roi, si l'action a été reconnue recevable, requiert le
juge d'instruction de procéder à l'information ; si celui-ci refuse de
s'incliner, la conflit est porté devant la chambre des mises en accusa-
tion (3) (voy. infra n° 151 ).

124. -ETENDUE DE LA SAISINE DU JUGE D'INSTRUC-


TION. - Le juge d'instruction est saisi d'un fait et sa mission con-
siste à établir le caractère délictueux de celui-ci, à en identifier les
auteurs et à rassembler les preuves de leur culpabilité ( 4).
Les conséquences de ce principe sont les suivantes :
1°) Le juge d'instruction recherche librement tous les éléments
permettant de préciser la natuve délictueuse du fait à propos duquel
il informe, il peut donc, en toute indépendance, dégager et examiner
les causes de justification ou d'excuse, les circonstances aggravantes
ou atténuantes qui s'attachent à ce fait, voire même les éléments qui
font de ce fait une infraction non visée par le réquisitoire introductif.
sans être lié par la qualification donnée par le procureur du Roi ( 5).
2°) Le juge d'instruction ne peut étendre son instruction à d'au~
tres faits que celui dont il est saisi ; si, au cours de son information,
il découvre de nouveaux faits délictueux, il n'a d'autre ressource que
d'en donner avis sur le champ au procureur du Roi, conformément
à l'article 29 du code d'instruction criminelle ; le procureur du Roi
peut alors, s'il le juge utile, adresser au juge d'instruction un nouveau
réquisitoire introductif concernant ces derniers faits, ou bien procéder
à une information du parquet, voire classer sans suite.

3°) Le juge d'instruction a qualité pour inculper tous auteurs,


coauteurs ou complices du fait dont il est saisi, qu'ils soient, ou non,
désignés dans le réquisitoire ou dans les pièces y annexées ( 6).

125. - LE REMPLACEMENT DU JUGE D'INSTRUCTI-


ON. - L'économie de notre système d'instruction préparatoire exige
que l'instruction soit l'œuvre d'un _seul magistrat et le remplacement
de celui-ci ne se justifie que dans des circonstances exceptionnelles,
moyennant des garanties sérieuses en faveur de la défense.

( 1) Loi du 25 octobre 1919 (organisation judiciaire) art. unique. XV.


(2) Cette ordonnance est. elle-même, susceptible d'opposition devant la chambre des mises en
accusation (instr. 135),
(3) Voy. Rép. dr. b. v 0 Procédure pénale. n° 304; Gand. ch. mises ace. 22 décembre 1931 ; Pas.
1932. li. 191-
(4) Voy. Cass. 3 nov. 1930; Pas. I. 348.
(5) Voy. Cass. 3 nov. 1930 cité; 3 mars 1952; Pas. I. 397.
(6) Cass. 27 mai 1935; Rev. dr. pén. 829; 29 mars 1926; Pas. 1. 325. 3 mars 1952 cité.

130
Aux termes de l'article 23 de la loi du 18 juin 1869, « Lorsque
le juge d'instruction, ou un des juges d'instruction, dans les arron-
dissements où il y en a deux ou plusieurs, se trouve empêché par
quelque cause que ce soit, le tribunal et, en cas d'urgence, le pré-
sident désigne un juge titulaire pour le remplacer ».
La délégation requise peut être verbale; toutefois, c'est au
ministère public qu'il appartient, en pareil cas, de démontrer son
existence ( 1 ) .

SECTION II
Règles de l'instruction

126. - L'INFORMATION DE POLICE. - Une fois réguliè-


rement saisi, et dans les limites de sa saisine, le juge d'instruction
recueille les renseignements nécessaires selon une procédure com-
parable à celle suivie par le procureur du Roi.
Comme ce dernier, il oriente l'information par l'envoi d'apostilles
aux dfficiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi, leur
prescrivant de procéder à des recherches ou enquêtes déterminées ;
l'officier de police judiciaire, après avoir accompli les devoirs pres-
crits, dresse procès-verbal de ses opérations et transmet ce procès-
verbal au juge d'instruction ( 2).
Lorsque l'information doit être poursuivie dans un autre arron-
dissement, le juge d'instruction transmet à son collègue compétent
les pièces nécessaires avec une apostille précisant les devoirs à ac-
complir dans l'arrondissement de ce dernier et celui-ci fait exécuter
par les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi
les devoirs prescrits ( 3) .
Le juge d'instruction ne jouit, toutefois, pas des mêmes facilités
que le procureur du Roi pour recueillir des renseignements dans
les pays iimitrophes : Vu sa qualité judiciaire, il doit recourir
à la procédure des commissions rogatoires internationales, ce qui
exclut la transmission directe des pièces et impose leur expédition
par voie diplomatique, sauf conventions contraires ( 4). En revanche,
le juge d'instruction peut, à la différence du procureur du Roi, faire
procéder à des recherches dans tous les Etats du monde admettant
l'échange de commissions rogatoires en matiè're pénale, et pas seule-
ment dans les pays limitrophes.
Lorsque les officiers de police judiciaire auxiliaires recueillent,
de leur propre initiative, des renseignements intéressant une instruc-
(1) Gand, 23 avril 1873; Pas. Il. 270: Liêge, 20 Juin 1950: J. T. 1951. 26 et note J. Hoeffler.
(2) Voy. supra n°• 107, 76 et ss.
(3) Voy, supra n°• 107, 39, 76 et ss.
(4) Voy. supra n° 82.

131
tion en cours, ils transmettent leur procès-verbal au procureur du
Roi et non au juge d'instruction: Ils n'adressent, en clfet, de procès-
verbaux directement à celui-ci qu'en réponse à ses apostilles; mais
le procureur du Roi communique immédiatement au juge d'instruction
tous les procès-verbaux qu'il reçoit relativement à une instruction
dont le juge est saisi ( 1 ) .

Les pouvoirs d'information du juge d'instruction sont beaucoup


plus étendus que ceux du procureur du Roi : Il peut ordonner ou
autoriser l'emploi de certaines mesures de contrainte à des flns d'in-
vestigation, telles que les perquisitions notamment ( 2).

127. - LES ACTES D'INSTRUCTION SE RATTACHANT


PARTIELLEMENT A L'INFORMATION. - Outre l'information
de police, le juge d'instruction accomplit certains actes qui, bien que
relevant de la procédure judiciaire, contribuent, néammoins, à la re-
cherche des preuves, et dont l'objet se rattache donc, au moins par-
tiellement, à la police judiciaire: Ces actes sont les auditions de té-
moins, les interrogatoires d'inculpés, les expertises, les transports sur
les lieux.

1° Les auditions de témoins (3) par le juge d'instruction se dis-


tinguent de celles qui sont effectuées par le procureur du Roi et ses
auxiliaires par trois particularités : a) Elles ne peuvent être exécutées
que par le juge lui-même, ou par un autre juge délégué ( juge
d'instruction d'un autre arrondissement, juge de paix), assistés de
leur greffier; b) elles sont précédées, en principe du moins, d'une
prestation de serment par le témoin ; c) elles présentent un caractère
obligatoire pour le témoin qui est tenu de comparaitre, sous peine
de voir décerner un mandat d'amener à sa charge, et de donner son
témoignag,e, sous peine d'encourir une condamnation pénale ( 4).
Mais les auditions de témoins par le juge d'instruction se rattachent à la procé-
dure d'information et se distinguent de la procédure judiciaire normale par le fait
qu'elles sont dues à l'initiative du magistrat instructeur et qu'elles ne sont pas contra-
dictoires, mais ont lieu hors de la présence du prévenu et de son conseil.

2° Les interrogatoires d'inculpés ( 5) par le juge d'instruction ne


sont pas précédés d'une prestation de serment et n'impliquent, en
aucun cas, l'obligation de répondre aux questions posées; toutefois,
ils se distinguent des interrogatoires effectuées par le procureur du
Roi et ses auxiliaires par leur caractère judiciaire : Le juge y procède
lui-même ou à l'intervention d'un autre juge délégué et le procès-
verbal est dressé par un greffier.

( 1) Voy. supra n°• 88 et 107 ; instr. 54.


(2) Voy. infra n° 239.
(3) Voy. infra n° 5 L16 et ss.
(1) Voy. infra n°• 203, 217 et 222.
(5) Voy. infra n°• 226 et ss.

132
3° Les expertises ( 1 ) sont judiciaires dans leurs formes : Délimi~
tation, par le juge, de la missi0111 de l'expert, prestation de serment
de celui~ci préalablement à toute opération ( 2). Mais, d'autre part,
elles sont, comme les auditions de témoins, dues à l'initiative du
magistrat instructeur et unilatérales ( 3 ) .
Leur objet se rattache très souvent à la police judiciaire: recher~
che des preuves ou de l'identité des coupables par l'examen scienti~
tfique des pièces à conviction.
L'expertise aurait un caractère purement juridictionnel si elle avait pour but
l'examen, par un spécialiste, des preuves matérielles fournies par l'accusation, en
vue de déterminer, à l'usage du juge (4) si les conclusions que l'accusation déduit
de celles-ci, et que la défense conteste, sont fondées ou non. La nuance a son prix :
Les expertises à l'instruction pénale ont plus souvent pour objet de fournir des
éléments permettant de formuler (ou d'abandonner) une accusation (d'établir, par
exemple, par l'autopsie de la victime, si son décès est dû à un accident, un suicide
ou un meurtre, à quel moment ce décès remonte et par quel moyen il a été provoqué)
que de vérifier si une accusation est scienüflquement fondée ( ce qui serait le cas
s'û s'agissait, par exemple, de véri:fier si les causes du décès sont bien imputables à
l'accusé et sont bien conformes à la thèse soutenue par l'accusation). La différence
est ténue, mais elle est indiscutable: En fait, il s'agit de voir si l'expert doit être
considéré comme le conseiller technique du ministère public, ou comme le conseiller
technique du juge; il peut arriver qu'il soit les deux (par exemple, lorsqu'il constate
la correspondance entre les empreintes digitales relevées sur les lieux du crime
et celles du prévenu, il fournit, à la fois, un argument à l'accusation, et au juge
un moyen d'apprécier la valeur de cet argument). Enfin, le juge peut toujours, au
pénal (5), l'expertise contradictoire n'étant pas de droit, même lorsque l'expert a
indiscutablement agi comme conseil technique de la partie publique, faire siennes les
conclusions de cet expert et le considérer, de ce fait, comme son propre conseil
technique.
4° Les transports sur les lieux ( 6) se déroulent selon des formes
judiciaires: Le juge d'instruction ne se déplace qu'acoompagné du pro~
CUl"ettr du Roi et du greffier; cependant, comme les auditions de té~
moins et les expertises, ils sont provoqués par le magistrat instructeur
et unilatéraux. Mais l'objet de la descente relève de la police judi~
ciaire : Elle tend à l'examen des lieux en vue de recueillir des ren~
seignements et non en vue d'apprécier la valeur des arguments des
parties.
( 1) Voy. infra n° 9 257 et ss.
(2) lnstr. 44.
(3) Il est couramment admis que l'ordonnance d'expertise est un acte de juridiction. tandis que
la désignation de l'expert est un acte de police judiciaire : Nous ne pouvons admettre cette
opinion. A nos yeux. l'expertise dans son ensemble est un acte mixte. se rattachant par certains
côtés à la police judiciaire et par d'autres à ln fonction juridictionnelle (voy. supra n° 104;
p. 81. note 2 et infra n° 257).
{4) Au sens large: de l'autorité chargée de juger.
{5) Dans un procès civil. il est courant de voir la partie demanderesse étayer ses arguments sur
les conclusions de son conseil technique ( Lorsque. par exemple. un locataire réclame l'exécution
de grosses réparations, il lui arrive, au préalable, de faire examiner le batiment endommagé
par un architecte qui rédige un rapport constatant les dégradations et proposant les remèdes
qu' iJ estime adéquats) ; mais si le propriétaire conteste les conclusions de ce rapport, le tribunal
ordonne une expertise contradfctoire, afin d' ftre éclairé par un spécialiste indépendant avant de
prononcer son jugement. li y a donc. dans le cas envisagé, deux expertises : La première
destinée à guider le demandeur dans son action. la seconde ayant pour objet de guider le juge
dans sa décision ; seule la seconde de ces expertise~ a un caractère juridictionnel. Au pénal.
une seuie expertise cumule les deux objets et assiste, à la fois, le ministère public dans
l'élaboration de son accusation et le juge dans l' êlaboration de son jugement, Cette expertise
a donc un caractère juridictionnel partiel. mais seu]ement partiel.
(6) Voy. infra n°• 200 et 201.

133
Notons cependant qu'en cas de reconstitution du crime la descente comporte, sans
aucun doute, un élément juridictionnel dans la mesure où elle contribue à former
l'opinion du juge, et, par voie de conséquence, celle des juridictions d'instruction. Ici,
comme en matière d'expertise, la distinction est subtile, mais incontestable: Cette
absence de limites nettement tranchées provient d'ailleurs, comme nous l'avons déjà
démontré, de l'enchevêtrement extrême, dans la personne du juge d'instruction, des
fonctions de police judiciaire et des fonctions de juridiction ( 1).

128. --- L'EMPLOI DES LANGUES A L'INSTRUCTION.


Le juge d'instruction fait usage, pour les actes d'instruction, de
la langue prévue en matière répressive pour le tribunal près duquel
il est établi ( 2). Des règles identiques sont applicables, en ce do-
maine, à l'information du juge d'instruction et à celle du procureur
du Roi (voy. supra n° 113).

SECTION III
La dérention préventive

Par. Je'. - Le mandat d'arrêt.


129. - GENERALITES. - Le mandat d'arrêt est l'ordonnance
motivée du juge qui, conformément à l'article 7 de la Constitution,
est requise pour priver de sa liberté individuelle un individu inculpé
de crime ou délit.
Cette définition nous indique les caractères fondamentaux de
l'acte lui-même :
1°) Le mandat d'arrêt est un des actes de l'instruction prépara-
toire : II représente, dans le cours de celle-ci, une mesure conserva-
toire destinée à priver temporairement de sa liberté d'action un
inculpé sur lequel pèsent des charges sérieuses et à éviter ainsi que
cet inculpé puisse mettre à profit cette liberté pour se soustraire aux
poursuites ou entraver l'information.
2°) Le mandat d'arrêt est, de par la volonté expresse du con-
stituant, l'acte d'un juge statuant conformément aux règles propres
à l'exercice de la justice, c'est-à-dire personnellement et sans qu'au-
cune délégation soit possible (3) par voie d'ordonnance motivée.
Compte tenu du caractère juridictionnel du mandat d'arrêt, il apparait que
celui-ci devrait être désigné sous le. nom d'« ordonnance d'arrestation~. l'expression
« mandat d'arrêt» étant juridiquement impropre (4). Le maintien dans notre termi-
nologie de l'expression « mandat d'arrêt» n'est justifié que par des raisons d'ordre
traditionnel.

( 1) Voy. supra n°• 99 d ••·


(2) L. 15 juin 1935 (emploi des langues en matière judiciaire) art. 12.
( 3) Instr. 283 ; 1oi du 18 juin 1869, art. 138. A. Maré'chal. la détrntfon préventive, n° 61, cf. supra
n°s 96 et 104.
(i) Cf. supra n° 77.

134
130. CONDITIONS REQUISES POUR DECERNER
MANDAT D'ARRET - Pour qu'un mandat d'arrêt puisse être
décerné à charge de l'inculpé, il faut que le fait soit de nature à
entrainer un e::m.prisodllletnent correctionnel de trois mois ou une
peine plus grave ( 1 ) .
Cette règle ne signûfie pas que le minimum de la peine doit être de trois mois au
moins, mais bien que le fait doit être passible d'une peine de trois mois (2).
Lorsque le prévenu est inculpé de plusieurs faits, il ne suffit pas que les peines
cumulées prévues pour ces divers faits atteignent un total de trois mois, mais il
faut qu'un au moins des faits visés puisse entrainer une peine de cette importan-
ce (3).

La détention préventive ne peut être ordonnée lorsqu'il s'agit


d'un délit de presse ou d'un délit politique autres que ceux prévus
au titre 1er du livre II du code pénal ( 4).
Si l'inculpé a sa résidence en Belgique, le mandat d'arrêt ne
peut être décerné que dans des circonstances graves :et exception~
nelles, lorsque cette mesure est réclamée par l'intérêt de la sécurité
publique ( 5 ) .
La notion de « résidence :i> doit être entendue çlans son sens matériel. Il faut
que le prévenu habite réellement et séjourne régulièrement, au moment où le juge
prend sa décision, dans un lieu précis du territoire national (6). Un domicile, au
sens juridique du mot, serait insUlffisant (7).
Le magistrat instructeur apprécie souverainement l'existence d'une résidence
effective (8), de même que celle des circonstances graves et exceptionnelles (9),
ainsi que les exigences que pose l'intérêt de la sécurité publique.
Le mandat d'arrêt est généralement décerné pour empêcher l'inculpé d'entre-
prendre des manœuvres destinées à entraver l'instruction, pour le mettre hors d'état
de continuer son activité criminelle, ou pour éviter le scandale que provoquerait
son maintien en liberté (10).

Toutefois, si le fait peut entrainer la peine des travaux forcés


de quinze à vingt ans ou une peine plus grave, le mandat d'arrêt
doit être obligatoirement décerné et le juge d'instruction ne peut
laisser l'inculpé en liberté que sur l'avis conforme du procureur du
Roi ( 11).

(1) Loi du 20 avril 1871. art. I". Il peut, bien entendu, être dérogé à cette règle par des lois
particulières (A. Maréchal: La détention préventive, n° 53).
(2) Cass. 25 oct. 1913, Par. 194-!. I. 21.
(3) A. Maréchal. La détention préventive, n° 78 et 79.
(1) Décret du 19 juillet 1831, art. 8, modifié par la loi du 19 juillet 1931. art. 5. La détention
préventive peut toujours ttre ordonnée pour crimes politiques (Cass. 24 juin 1919; Par. 1. 162).
(5) Loi du 21 avril 1871, art. 1er, al. 2.
(6) Cf. A. Marêchal: La détention préventive, n° 88 et 89. Marchal et Jaspar: Droit criminel,
n° 2-!52.
(7) Cass. 1 juin 1883; Pas. I. 258.
(8) Cass. 3 mai 1909; Pas. 1, 231 ; 6 fév. 1882 ; Pas, 1. 15; 1 juin 1883; Pas. 1. 258.
(9) A. Maréchal : la détention préventive, n° 82 et réf. cit, Les circonstances graves et exception-
nelles requises pour qu'un mandat d'arrft puisse être décerné à charge d'un inculpé ayant sa
.résidence en Belgique, peuvent résultu du danger que le prévenu exerce une pression sur les
témoins et réitère des faits de même nature. (Appel Gand, 5 sept. 1952; R. W .. 1952-1953, 810.)
( 10) A. Maréchal : la détention préventive. n° 80.
(Il) Loi du 20 avril 1871. art. 1er, al. 3.

135
En pareille hypothèse, l'existence de circonstances graves et
exceptionnelles rendant cette mesure indispensable pour l'intérêt de
la sécurité publique n'est pas exigée par la loi ( 1).
Outre les conditions énumérées ci-dessus, la détention préven-
tive ne peut être ordonnée en aucun cas que s'il existe des indices
de culpabilité ( 2).

131. COMPETENCE DU JUGE D'INSTRUCTION


POUR DECERNER MANDAT D'ARRET. - Le juge d'instruc-
tion est, dans notre organisation judiciaire, le magistrat habilité en
principe à décerner mandat d'arrêt en toutes matières relevant de la
juridiction ordinaire en matière pénale ( 3).
Comme nous l'avons vu (supra n° 115) le juge d'instruction
n'est investi des pouvoirs attachés à sa charge que sous certaines
conditions et dans certaines limites: II doit être régulièrement saisi
et ses investigations sont limitées aux faits faisant l'objet des réqui-
sitions du procureur du Roi.
Il va de soi que le mandat d'arrêt, qui est la plus caractéristique
des décisions juridictionn~lles d'instruction, ne peut être décerné que
par un juge d'instruction valablement saisi et agissant dans les limites
de sa saisine. ·
De cette règle découlent diverses conséquences ·.
Tout d'abord, le mandat d'arrêt ne peut être décerné par le juge d'instruction
qu'à charge des personnes soumises à sa juridiction : Ne peuvent donc faire l'objet
d'un mandat d'arrêt du juge d'instruction, ou ne peuvent y être soumises que dans
certaines circonstances déterminées, les personnes jouissant d'une immunité (4), ou
celles bénéficiant d'un privilège de juridiction (5).
Ensuite, le juge d'instruction ne peut délivrer mandat d'arrêt qu'à raison des
faits dont il est saisi (6).
En revanche, lorsqu'il est valablement saisi d'un fait délictueux, il peut décerner
mandat d'arrêt à charge de tous coauteurs ou complices (7).

Le juge d'instruction est pratiquement investi du pouvoir ex-


clusif de délivrer mandat d'arrêt en matière ordinaire. Il peut arriver
cependant, à titre exceptionnel. que le mandat soit décerné par la
chambre des mises en accusation ( 8) ou par le conseiller instructeur
désigné par celle-ci en cas d'évocation ( 9).
( 1) Cette règle parait résulter du mot « néanmoins » placé en têt~ du troisième alinéa de l'article
1er de la loi. ainsi que de l'article 2 qui n'exige la mention des circonstances graves et ex:cep--
tionnelles dans le mandat que dans le cas: prévu à l'alinéa 2 de l'article 1er ( cf. Cass. 7 mai
1878; Pas. L 338).
(2) Cass. 5 août 1910; Pas, I. il2 et concl. de Mr le Premier avocat général Terlinden.
(3) Loi du 20 avril 1874, art. l•• ..
(4) Cf. Maréchal. n° 55.
(5) Cf. instr., Livr. Il, Titre IV. ch. IIJ; Rép. dr. b. v0 procédure pénale. n° 320 et ss.
(6) lnstr. 61 ; Maréchal, n° 58.
( 7) Cass. 29 mars 1926 : Pas. L 325.
(8) Cf. infra n° 168.
(9) Cf. infra n° 172.

136
132. -PROCEDURE D'EMISSION DU MANDAT D'AR~
RET. - Le juge d'instruction décerne mandat d'arrêt en cours
d'instruction de sa propre initiative, sans devoir demander l'avis
préalable du procureur du Roi ( 1 ) .
Ce point a été vivement controversé. Il semble cependant devoir être résolu
dans le sens que nous indiquons: Le juge d'instruction n'est, en principe, pas consi-
déré comme tenu de prendre l'avis du procureur du Roi avant d'accomplir un acte
d'instruction et, à défaut de disposition spéciale de la loi, on ne voit pas pour quel
motif il devrait être dérogé à ce principe en matière d'arrestation de l'inculpé.
Certains auteurs (2) indiquent cependant que le juge d'instruction doit, tout
au moins, demander l'avis verbal du procureur du Roi. Que ce soit là une utile
précaution pratique, nous n'en disconvenons pas. Mais une demande d'avis verbale,
dont il ne reste aucune trace au dossier, ne peut d'être considérée comme une forma-
lité légale dont dépend la validité de l'acte.

Si le procureur du Roi requiert le juge d'instruction de décerner


mandat d'arrêt, le magistrat instructeur n'est, conformément au droit
commun, pas obligé de satisfaire à ces réquisitions, mais il doit les
rencontrer dans une ordonnance motivée qui peut faire l'objet d'un
recours devant la chambre des mises en accusation (cf. infra n° 168)
(J).
Le juge d'instruction est, en principe, libre d'apprécier s'il y a lieu ou non,
d'ordonner la détention préventive (4). Il peut donc toujours refuser de décerner
mandat d'arrêt s'il n'existe pas, à son sens, d'indices suffisants de culpabilité, même
dans le cas où le mandat d'arrêt est obligatoire parce que le fait est susceptible
d'entrainer la peine de travaux forces de quinze à vingt ans ou à une peine pL3
grave (5).
Il peut également refuser d'ordonner l'arrestation si l'une des conditions prévues
à l'article l °' de la loi du 20 avril 1874 fait défaut en l'espèce.

Il ne peut toutefois refuser l'arrestation de l'inculpé à raison de l'existence de


circonstances atténuantes, car il n'a pas le pouvoir d'apprécier celle-ci (6).
Fréquemment le procureur du Roi, même quand il estime qu'il y a lieu de
décerner mandat d'arrêt, préfère laisser au juge d'instruction la faculté de décider
de l'opportunité de la mesure, sans le contraindre à rendre une ordonnance motivée
de rejet. En pareil cas, il le requiert simplement de décerner mandat d'arrêt « s'il y
échet».
Le mandat d'arrêt ne peut être décerné qu'après l'interrogatoire
de l'inculpé (7) ; il s'agit là d'une formalité substantielle.
Cette règle ne souffre d'exception que si l'inculpé est fugitif.
Il doit être procédé à l'interrogatoire par le juge d'instruction
luirmême. Aucune délégation n'est admise (8).
(1) lnstr. 61.
( 2) Marchal et Jas par, 2-ti 7.
(3) Cass. 17 déc. 1941 : Pas. 1. 158.
(4) Constitution. art. 7.
(5) Cass. 5 août 1910; Pass. I. i12 d concl. de Mr le Premier avocat général Tc:rlind,m.
(6) Timmermans, n° 80: Maréchal n° 107.
(7) Loi du 20 avril 1871, art. Jer, al. 1.
( 8) Maréchal. n° 75,

137
Au cours de l'interrogatoire, l'inculpé doit être spécialement în~
terpellé sur le point de savoir s'il a fait choix d'un conseil et mention
en est faite au procès~verbal ( 1 ) ( 2).
Le mandat d'arrêt doit être décerné immédiatement après l'in~
terrogatoire; cependant, le juge d'instruction peut faire contrôler
au préalable les allégations de l'inculpé, pour autant que les devoirs
requis soient accomplis à très bref délai ( 3) ( 4).
Le mandat d'arrêt doit en principe être décerné après le premier interrogatoire
de l'inculpé. Il peut cependant encore l'être à la suite d'un interrogatoire subséquent,
mais il est certain qu'en pareil cas, le prévenu ne peut être mis en état d'arrestation
que sur la base d'éléments nouveaux, recueillis depuis le premier interrogatoire et
révélant soit l'existence d'indices de culpabilité inconnus jusqu'alors, soit celle de
circonstances graves et exceptionnelles ( 5). Si le juge d'instruction n'a, en effet,
pas estimé devoir placer l'inculpé en état d'arrestation lors du premier interrogatoire,
c'est qu'il a jugé les éléments connus de lui à ce moment insuffisants pour justlJier
cette mesure. Il ne peut donc trouver ultérieurement dans les mt'mes éléments des
raisons suffisantes pour motiver une décision en sens inverse.
Le mandat d'arrêt peut toutefois être décerné à tout moment si l'inculpé est en
défaut de se présenter à un acte de la procédure d'instruction (cf. infra n° 142).
En outre, si à la suite d'une ordonnance de dessaisissement rendue par une
juridiction d'instruction à l'égard d'un inculpé détenu sous mandat d'arrêt, lïnstruc-
tion doit être poursuivie devant un autre juge, ce magistrat peut décerner immédiate-
ment un nouveau mandat d'arrêt sans que celui-ci doive être fondé sur des
circonstances nouvelles. (Cass. 24 sept. 1951; Pas. 1952.1.21).

Si l'inculpé est fugitif, la nécessité de l'interrogatoire préalable


disparait ( 6) .
Il s'agit là d'une solution essentiellement jurisprudentielle, la loi du 20 avril
1874 ne prévoyant pas la situation envisagée. Cette solution est néanmoins constante
et d'ailleurs conforme aux nécessités de l'administration de la justice.

En pareil cas, le mandat d'arrêt doit néanmoins être précédé


d'un mandat d'amener, car seule l'inexécution de celui-ci peut con-
stituer la preuve du fait que l'inculpé se soustrait aux poursuites (7).
Lorsque le fugitif est arrêté, le juge d'instruction doit l'inter-
roger dans le plus court délai, et en tout cas dans les vingt~quatre
heures de l'exécution du mandat d'arrêt (8). Ce délai ne commence
toutefois à courir qu'à partir du moment où l'inculpé est mis à la
disposition du juge ( 9).
( 1) Loi du 20 avril 1874, art. 4.
( 2) L'interrogatoire doit être clôturé avant l'expiration des vingt-quatre heures qui suivent Je mo-
ment où le pr~venu a été privé- de sa libertt. Toutefois, le mandat peut ~ncora @tre
délivré après l'expiration de ce délai s'il est établi que le magistrat in~tructeur a fait toutes
diligences nécessaires et à procédé sans désemparer. {Cass. 22 jan. 193i, Pa!. I. 112}.
( 3) Et. en tout cas. avant l'expiration du délai de vingt--quatre heures qui suit l'arrestation du prévenu :
cf. toutefois Cass. 22 jan. 1934 ; Pas. 1. 1'!2.
(i) Hayoit de Termicourt; pp. 287 à 291; Cass. 27 jan. 1890; Pas. 1. 65; Maréchal, n• 73.
(5) Voy. loi du 20 avril 1874. art. 8.
(6) Brux. 22 mai 1874; Pas. Il, 362; 28 mai 1874 et 9 avril 1875; Pa•. 1875, Il, 196;
15 juillet 1876 ; Pas. II. 310 ; Maréchal. n° 96.
( 7) Maréchal. n° 98.
(8) Maréchal. n° 100; Pas. 1933, 1. 83, note 1.
(9) Maréchal. n° 38 ; cf. infra n° 217.

138
133. - FORMES DU MANDAT D'ARRET. -- Le mandat
d'arrêt étant une ordonnance de justice, doit être motivé ( l). Pour
satisfaire à cette obligation, il doit rencontrer dans ses motifs toutes
les conditions exigées par la loi dans chaque cas particulier.
L'article 2 de la loi du 20 avril 1871 impose une motivation spéciale dans le
cas prévu à l'alinéa 2 de l'article 1er: Si l'inculpé a sa résidence en Belgique, le
mandat doit spécifier les circonstances graves et exceptionnelles, intéressant la
sécurité publique, par lesquelles l'arrestation est motivée. Le procureur du Roi devrait
refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt qui ne satisferait pas au prescrit de l'arti-
cle 2 (2).
Le mandat d'arrêt doit en outre comporter les diverses mentions
nécessaires à son exécution ou au contrôle de sa régularité: Nom,
qualité, signature et sceau du magistrat qui le délivre ( 3) ; désigna-
tion du prévenu ( 4) ; constatation de l'interrogatoire préalable ; in-
dication de la prévention et de la loi applicable ; date de sa déli-
vrance ; formule exécutoire.
La loi n'exige pas que le mandat d'arrêt contienne une énonciation détaillée des
faits de la prévention ( 5). En outre, il n'est pas prescrit que le mandat mentionne
la date des faits pour lesquels il est décerné (6). La mt'ntion du texte légal dont il
est fait application est toutefois indispensable (7).
La mention de la formalité de l'interrogatoire n'est pas prescrite à peine de
nullité (8) ; mais si elle fait défaut, il est nécessaire que son accomplissement
résulte des pièces transmises à la Cour de cassation en cas de pourvoi, c'est-à-dire
de J'ordonnance de la chambre du Conseil ou de celle de la chambre des mises en
accusation (9). La sanction de l'inobservation des formalités prescrites pour le
mandat d'arrêt n'est en général pas la nullité, sauf s'il y a violation des droits de
la défense, mais bien, théoriquement du moins, l'amende prévue par l'article 112 du
code d'instruction criminelle ( 10).

Le mandat d'arrêt ne doit pas énoncer les indices de culpabilité


( 11 ) .
Les vices de motivation ou l'absence de mentions indispensables
peuvent être couverts par la chambre du conseil ou la chambre des
mises en accusation ( 12).

134. - EXECUTION DU MANDAT D'ARRET. - L'exécu-


tion du mandat d'arrêt incombe, en principe, au procureur du Roi.
( Instr. 28) .
( 1) Constitution, art. 7.
(2) Circ. Just. 6 mai 1913.
( 3} lnstr. 95 et 96.
(4) Le mandat d'arrêt doit étre individuel (Maréchal, n° 62).
(5) Cass. 15 fêv. 1897; Pas. I. 96.
(6) Cass. 23 sept. 1942 ; Pas. I. 196.
( 7) Maréchal. n° 66.
(8) Cass. 23 juin 1933; Pas. L 83.
(9) Maréchal. n° 69.
( JO) Rép. dr. b. v 0 Déttntion préventive, n° 66.
( 11) Cass. 9 jan. 1922 ; Rev. dr. pén. 271.
(12) Maréchal. n°• 85 et 86; Hayoit de Termicourt. n° 6; Brux. 19 déc. 1919; Rev. dr. pen. 1920.
76; Brux. (ch. conseil) 26 avril 192-4; Rev. dr. pén. 616. Si l'irr~gularité n'tst pas couverte
par les juridictions d'instruction. l'ordonnance doit être casste.

139
Le mandat d'arrêt est notifié au prévenu par un huissier ou par
un agent de la force publique qui l'exhibe à l'intéressé et lui en
délivre copie ( instr. 97) .
Ces formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité, pourvu que les droits
de la défense n'aient pas été méconnus ( 1). Il est rare que dans la pratique le juge
d'instruction transmette le mandat d'arrêt au parquet pour exécution: Le plus
souvent, il charge directement la gendarmerie de le notifier à l'inculpé.

Le mandat d'arrêt est exécutoire dans tout le royaume (2).

135. - RECOURS CONTRE L'ORDONNANCE DU JUGE


D'INSTRUCTION DECERNANT OU REFUSANT DE DE~
CERNER MANDAT D'ARRET. - Nous avons vu (supra n° 33)
que le ministère public possédait un droit de recours devant la
chambre des mises en accusation contre l'ordonnance refusant de
décerner mandat d'arrêt. Nous examinerons infra n°" 168 et 182 la
procédure suivie en pareil cas.
La partie civile n'a aucun droit d'intervenir dans la procédure
réglant la détention préventive ( 3).
Le point de savoir si le prévenu possède un recours direct de~
vant la chambre des mises en accusation contre le mandat d'arrêt
est controversé. Nous penchons cependant pour l'affirmative (4).
Les auteurs qui estiment que ce recours serait irrecevable font valoir surtout
qu'il ferait double emploi avec la con:firmation dans les cinq jours (5). Cet argument
ne nous parait nullement décisif : Sans doute un recours direct n'entrainerait-il
qu'un gain de temps minime, mais il saisirait néanmoins la juridiction d'appel sur le
champ, ce qui représenterait un avantage, faible peut-être, mais cependant indubitable
pour le prévenu. En outre, et c'est là un point beaucoup plus importnnt, le refus
de confirmation ne supprime pas le mandat d'arrêt: Il empêche simplement son
maintien. Or, il est évident que le prévenu peut avoir intérêt à l'annulation complète
du mandat d'arrêt. Le recours contre les ordonnances du juge d'instruction est
ouvert, en droit commun, à toute partie justifiant d'un intérêt (cf. infra n° 165).
A défaut de disposition expresse de la loi, il ne pourrait être considéré comme
supprimé que si un autre recours ayant le méme effet lui était substitué. Or tel n'est
pas le cas en la matière.

Par. 2. - L'interdiction de communiquer.


136. - REGLES. - Avant l'interrogatoire, le prévenu ne peut
communiquer avec personne, et notamment pas avec son conseil ( 6).
En revanche, la loi l'autorise à communiquer librement avec son
conseil immédiatement après la première audition ( 7).
(1) Cf. Cass. 5 jan. 1878; Pas. I. 11; 5 aoüt 1901 ; Pas. I. 352; 22 jan. 1931: Pas. I.
112 ; 27 mai !935 : Pas. I. 259.
(2) lnstr. 98.
(3) Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 45. Termonde (ch. cons.) lJ avril 1923; Rev. dr. pén,
573; Gand 25 mai 1923: Rev. dr. pén. 743; Brux. 27 oct. 1925 : Rev. dr. pén, 254.
(4) Cf. Hayoit de Termicourt. Rcv. dr. pén. 1924, 287.
(5) Cf. Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° ii. Marh:hal. n° 117.
(6) Rtp. dr. b. v 0 Détention prêvcntive, n° l 13.
î7) Loi du 20 avdl 1874, art. 3. al. 1.

140
Cette communication se fait, évidemment, dans les limites normales imposées
par le régime de la détention ( 1). Ce régime ne peut, cependant, être conçu de
manière à léser les droits de la défense. Le prévenu doit pouvoir consulter son conseil
hors de la présence des gardiens. La personne déclarant être le conseil de l'inculpé
doit faire la preuve de sa qualité (2).

Toutefois, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de


l'instruction le commandent, prononcer une interdiction de commu-
niquer.
Celle~ci ne peut s'étendre au delà de trois jours à partir de la
première audition. Elle ne peut être renouvelée.
Le délai se compte d'heure à heure; l'ordonnance doit donc
mentionner l'heure à laquelle elle a été rendue ( 3).
L'interdiction de communiquer fait l'objet d'une ordonnance
motivée qui doit être transcrite sur le registre de la prison ( 4).
L'ordonnance prescrivant l'interdiction de communiquer est rendue sans consul-
tation préalable du procureur du Roi, mais peut naturellement être prononcée sur
réquisition de celui-ci ; elle est susceptible du recours ordinaire devant la chambre
des mises en accusation ( cf. infra n"' 164 et ss.).

L'interdiction de communiquer doit être ordonnée immédiatement


après la première audition ( 5).

Par. 3. - La confirmation du mandat d'arrêt.

137. - CONFIRMATION DANS LES CINQ JOURS.


« Le mandat d'arrêt ne sera pas maintenu si, dans les cinq jours de
l'interrogatoire, il n'est pas confirmé par la chambre du conseil, sur
le rapport du juge d'instruction, le procureur du Roi et l'inculpé en~
tendus» (loi du 20 avril 1874, art. 4, al. 1 ).
Si l'inculpé est fugitif, la confirmation doit intervenir dans les
cinq jours de l'exécution du mandat d'arrêt (6).
Nous examinerons infra n°• 178 et ss. les règles de procédure qui
doivent être suivies devant la chambre du conseil.
Le délai de cinq jours se compte de jour à jour. Le jour de
l'interrogatoire n'est pas compris. Le dies ad quem est compris, même
s' Hs'agit d'un jour férié ( 7).
La confirmation dans les cinq jours est fondée sur les motifs du

( 1) Cf. arr. roy. du 30 sept. 1905 : art. 228 et 273.


(2) Cass. JO fév. 1943 ; Pas. I. 60.
(3) Marécha1. n° 14:4; contra Timmermans, n° 142.
(4) Loi du 20 avril 1874, art. 3, al. 2. En l'absen,e de t::an~cription, la communication eBt autori.sér
se1on le droit commun (Timmermans, n° 145).
(5) Maréchal. n°• 133 et 131.
(6) R~p. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 74.
(7) Maréchal. n° 162.

141
mandat d'arrêt ( 1 ) . La chambre du conseil doit donc vérifier et
contrôler les motifs de ce mandat, apprécier la nécessité de maintenir
la détention préventive de la même manière et en s'inspirant des
mêmes règles légales que le juge d'instruction, lorsqu'il décerne le
mandat.
Si l'inculpé a sa résidence en Belgique, la chambre du conseil doit donc vériller
s'il existe des circonstances graves et exceptionnelles imposant le maintien de la
<létention dans l'intérêt de la sécurité publique.
Si le fait peut entrainer la peine des travaux forcés de quinze à vingt ans ou
une peine plus grave et que la chambre du conseil juge qu'il existe des indices
suffisants de culpabilité (2), elle ne peut refuser la conllrmation du mandat sous
prétexte qu'il ne se rencontre pas de circonstances graves et exceptionnelles (3).

138. - CONFIRMATIONS MENSUELLES. - Si la chambre


du conseil n'a pas statué sur la prévention dans le mois à compter de
l'interrogatoire, l'inculpé est mis en liberté, à moins que la chambre
ne déclare que l'intérêt public exige le maintien de la détention.
II en est de même de mois en mois si la chambre du conseil n'a
point statué sur la prévention à la fin d'un nouveau mois ( 4).
Chaque confirmation mensuelle est précédée d'un débat auquel
participent le procureur du Roi. l'inculpé et son conseil. Nous exami~
nerons la procédure devant la chambre du conseil, infra n°" 178 et ss.
Le mois dans lequel il doit être statué sur le maintien en détention préventive
se compte de quantième à veille de quantième, selon le calendrier grégorien, le jour
de l'acte qui est le point de départ du délai n'y étant pas compris (Cass. 26 mai
1944, Pas. I. 357).
Lorsque la force majeure rend totalement impossible la confirmation du mandat
d'arrêt dans le délai légal celui-ci peut s'en trouver prorogé (Brux. 27 oct. 1944,
J. T. 221).
Il ne s'agit, en effet, pas d'un délai de prescription, lequel ne pourrait être
suspendu que par un obstacle légal, mais bien d'un délai préfix dont le cours peut
être arrêté par des circonstances insurmontables. Il convient toutefois de se montrer
très circonspect dans l'appréciation de pareilles circonstances qui ne peuvent être
que tout à fait exceptionnelles (Voy. note J. Fally sous Brux. 27 oct. 1944, cité).
Lorsqu'une ordonnance de la chambre du Conseil maintenant la détention
préventive fait l'objet d'un appel devant la chambre des mises en accusation et que
celle-ci n'a pas statué dans le mois de cette ordonnance, la chambre du conseil peut
ordonner le maintien de la détention pour un nouveau terme d'un mois (Cass. 8 janv.
1951; Pas. I. 287).
La confirmation du mandat d'arrêt dans les cinq jours de l'interrogatoire est
fondée sur les motifs du mandat d'arrêt, tandis que le maintien de la détention
préventive au delà du premier mois ne peut être ordonnée que si l'intérêt public
l'exige : La constatation que les faits peuvent entrainer une peine de travaux forcés
de quinze à vingt ans ou une peine plus grave ne suffit, par exemple, pas à justilfier
le maintien de la détention au delà de la première période mensuelle ( Cass. 23 oct.
1939, Pas. I, 432).
( 1) Cass. 23 oct. 1939: Pas. 1. 432.
(2) Cass. 5 août 1910: Pas. I. "112.
(3) Hayoit de Termicourt. Rev. dr. pén. 1921, pp. 303-Jüi.
( 1) Loi du 20 avril 1871, art. 5.

142
La gravité particulière des faits mis à charge de l'inculpé et l'atteinte que sa
mise en liberté porterait à l'ordre social et au sentiment public constituent des justi-
fkatlon suffisantes que l'intérêt public exige le maintien de la détention (Cass. 3 nov.
1941. Pas. I, 310).

139. - APPEL DES ORDONNANCES CONFIRMANT LE


MANDAT D'ARRET. - L'inculpé et le ministère public possèdent
un droit spécial d'appel contre l'ordonnance de la chambre du conseil
statuant sur la confirmation du mandat d'arrêt, que ce soit l'ordon-
nance de confirmation dans les cinq jours ou celle de confirmation
mensuelle ( l ) .
L'appel doit être interjeté dans un délai de vingt~quatre heures
qui court contre le ministère public à compter du jour de l' ordon-
nance et contre l'inculpé du jour où l'ordonnance lui a été signi-
fiée ( 2).
Le délai de vingt-quatre heures se compte de jour à jour. Le jour de l'ordon-
nance ou de la signification de celle-ci ne compte pas ( 3).
L'ordonnance est signifiée à l'inculpé dans les vingt-quatre heu-
res ( 4). L'exploit doit contenir avertissement à l'inculpé du droit qui
lui est accordé cl' appeler et du terme dans lequel l'exercice de ce
droit est circonscrit ( 5) .
La déclaration d'appel est faite au greffe du tribunal de pre-
mière instance et consignée au registre des appels en matière correc-
tionnelle ( 6).
Le détenu peut également faire cette déclaration au directeur de la prison ou
à son délégué. Il en est dressé procès-verbal dans un registre spécial et le directeur
en transmet une expédition dans les vingt-quatre heures au greffe du tribunal (7).

Les pièces sont transmises par le procureur du Roi au procureur


général ( 8).
L'appel est porté devant la chambre des mises en accusation.
Nous examinerons infra n°" 170, 178 et ss. la procédure suivie devant
cette haute juridiction.

Par. 4. - fvlainlevée du mandat d'arrêt par le juge d'instruction.


140. -- REGLE. - Le juge d'instruction peut, dans le cours de
l'instruction et sur les conclusions conformes du procureur du Roi,
donner mainlevée du mandat d'arrêt, à charge pour l'inculpé de se
( 1) Loi du 20 avril 1874, art. 19.
(2) Loi du 20 avril 1374, art. 20, al, 1. Ce délai est de rigueur. Cass. 20 fév. 1893; Pas. I. 104.
(3) Timmermans n° 452.
( 4) Non prescrit à peine de: nullité pour autant que les droits de la défense n · aient pas été
lésés (Cass. 26 sept. 1910: Rev. dr. pén. 1092),
(5) Loi du 20 avril 1874, art. 20. al. 2.
( 6) Loi du 20 avril 1874, art. 20, al. 3.
(7) Loi du 25 Juillet 1853; art. ter modilit par l'A.R. n° 236 du 20 jan. 1936, art. 5.
(8) Loi du 20 avril 1874, art. 20, al. 1.

143
représenter à tous les actes de la procédure, aussitôt qu'il en est
requis ( 1).

Par. 5. - La mise en liberté sous caution.

141. - REGLES. - Dans tous les cas où le juge ou les juridic~


tians d'instruction décident la mise en liberté du prévenu, celle~ci
peut être subordonnée à l'obligation de fournir un cautionnement.
Ce cautionnement garantit la représentation de l'inculpé à tous
les actes de la procédure et pour l'exécution de la peine privative de
liberté, aussitôt qu'il en est requis ( 2).
Le cautionnement doit être fourni en espèces, soit par l'inculpé,
soit par un tiers et le montant en est déterminé par la juridictiOID
saisie au moment de la demande.
II est versé à la caisse des dépôts et consignations et le ministère
public, sur le vu du récépissé, fait exécuter l'ordonnance de mise
en liberté ( 3) .
Le cautionnement est restitué si, sur appel du ministère public, J'ordonnance
de la chambre du conseil accordant la mise en liberté sous caution est réformée (4).
L'ordonnance de mise en liberté sous caution subordonne la mainlevée du
mandat d'arrêt à l'obligation de fournir un cautionnement; si celui-ci n'est pas versé,
la détention subsiste dans les formes ordinaires c'est-à-dire que les formalités requises
pour le maintien du mandat d'arrêt doivent, sous peine de voir disparaître ce dernier,
continuer à être observées (Cass. 10 juin 1942, Pas. I, 146).

Le cautionnement est restitué à l'inculpé s'il se présente dans


tous les cas où la loi lui en fait l'obligation et il est attribué à l'Etat
lorsque l'inculpé est constitué en défaut de se présenter, sans motif
légitime d'excuse, dans une quelconque des circonstances prescri~
tes ( 5).
Toutefois, en cas de non lieu, d'acquittement, d'absolution ou de
condamnation conditionnelle, la restitution est ordonnée même si
l'obligation de représentation a été enfreinte, sauf prélèvement des
frais extraordinaires auxquels le défaut a pu donner lieu ( 6).
Les articles 15 et 16 de la loi du 20 avril 18 74 déterminent la
manière dont le défaut de l'inculpé doit être constaté pour que le
cautionnement soit acquis à l'Etat.

(1) Loi du 20 avril 1874, art. 6.


(2) Loi du 20 avril 1874, art. JO.
(3) Loi du 20 avril 1874, art. 11.
(1) Cass. Luxembourg, 11 juillet 1911 ; Pas. 1912, IV, 48.
(5) Loi du 20 avril 1874, art. 13 et 14.
(6) Loi du 20 avril 1874, art. 14 mod!lif par la loi du 23 juillet 1895.

144
Par. 6. - Les obligations de l'inculpé en liberté. - Le
nouveau mandat d'arrêt.
142. - REGLES. - Préalablement à la mise en liberté, avec
ou sans cautionnement, le détenu doit, par acte reçu au greffe ou par
déclaration signée, remise au directeur de la prison, élire domicile,
s'il est inculpé, dans le lieu où siègE: le juge d'instruction, s'il est
prévenu ou accusé, dans celui où siège la juridiction saisie du fond
de l'affaire ( 1 ).
Toutes les notifications qui doivent être faites à l'intéressé peu-
vent l'être au domicile élu ( 2).
L'inculpé laissé ou remis en liberté doit se présenter à tous les
actes de la procédtwe d'instruction.
S'il est en défaut de le faire, le juge d'instruction peut, en tout
état de cause, décerner contre lui un mandat d'arrêt ( 3).
La détention préventive ne peut toutefois être ordonnée, en cours
de procédure, contre l'inculpé défaillant que si le fait est passible
d'une peine de trois mois. L'article 8 de la loi du 20 avril 1874, parle,
en effet, de l'inculpé « laissé» en liberté, ce qui implique que la
règle ne vaut que pour l'inculpé qui pouvait être mis sous mandat
d'arrêt lors de son inculpation.
En dehors de l'hypothèse mentionnée ci-dessus, l'inculpé remis
en liberté ne peut être placé à nouveau sous mandat d'arrêt que si
des circonstances .nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire.
Le mandat doit spécifier les circonstances motivant la nouvelle
arrestation.
Le mandat d'arrêt décerné contre l'inculpé défaillant et celui
émis à raison des circonstances nouvelles et graves doit être con-
firmé dans les cinq jours de son exécution, par la chambre du conseil,
en la forme prescrite par l'article 4 de la loi du 20 avril 1874 ( 4)
(cf. supra n° 137).
La loi ne prévoit pas, en pareil cas, d'interrogatoire préalable,
mais il est conforme à son esprit que le mandat ne soit décerné
qu'après interrogatoire si la chose est possible ( 5).

Par. 7. - Absence d'influence des irrégularités de la procédure


relative à la détention préventive sur la validité de la décision
de condamnation.
143. - PRINCIPE. - Les irrégularités de la procédure relative
(1) Loi du 20 avril 1874, art. 12.
(2) Cass. 3 aofit 1847; Pas .. 1848, 1, 312 ; 16 juin 1888: Pas. 1. 265.
(3) Loi du 20 avril 1874, art. 8, al. 1.
(1) Loi du 20 avril 1874, art. 8,
(5) A. Maréchal, n° 317. Rép. dr. b. v 0 Détention préventive. n° 161.

145
à la détention préventive sont sans influence sur la validité de la
décision de condamnation (jurisprudence constante, voy. not. Cass.
1"r avril 1946, Pas. 1, 127).

Par. 8. - Quelques procédures particulières en matière


de détentiorl préventive.
144. - LA DETENTION PREVENTIVE EN MATIERE DE DOUANES
ET ACCISES. - La loi du 20 avril 1874 n'est pas applicable en matière de
douanes et accises ( 1).
L'arrestation peut être effectuée lorsque le fait entraine une peine d'emprison-
nement (2). Les étrangers et les personnes dont l'identité n'est pas établie peuvent
également être arrêtées dans le rayon de la douane lorsque le fait entraine une peine
pécuniaire ( 3) .
Le parquet n'a pas l'initiative de l'arrestation; les employés de l'Administration
arrêtent le prévenu et l'amènent au procureur du Roi qui, sïl juge l'arrestation
légale (4), doit (5) requérir le juge d'instruction de décerner mandat d'arrêt.
Le juge d'instruction peut refuser de décerner mandat d'arrêt comme en droit
commun. Seul le procureur du Roi, à l'exclusion de l'Administration, peut se pour-
voir devant la chambre des mises en accusation contre son ordonnance.
Le juge d'instruction décerne le mandat d'arrêt après interrogatoire préa-
lable (6).
Le procureur du Roi doit mettre le prévenu en liberté provisoire si l'Admi-
nistration n'a pas porté d'action devant le tribunal correctionnel dans le délai de
quatorze jours (7).
Le mandat d'arrêt n'est soumis à aucune confirmation; il ne peut être prorogé
mais la citation donnée dans le délai prolonge indéfiniment ses effets ( 8).
L'inculpé peut demander sa mise en liberté provisoire en tout état de cause
mais celle-ci ne peut être accordée que sous caution (9).
La requête doit être adressée à la chambre du conseil avant la citation et aussi
longtemps qu'une ordonnance de dessaisissement n'est pas intervenue (10).
L'ordonnance de la chambre du conseil est susceptible d'appel devant la
chambre des mises en accusation ( 11).
L'Administration peut renoncer à tout moment à la détention préventive (12).

( 1) Loi du 20 avril 1874. art. 22. Maréchal. n° 397 et lêgislation citée en matière d'accises.
(2) Maréchal, n° 402, 1. Loi du 26 août 1822, art. 224 modifié par la loi du 6 avril 1843, art. 20.
(3) Maréchal, n° 402, 2.
(4) Janssens de Bisthoven, p. 16.
(5) Cf. Maréchal, n'" 405 et 406 in fine.
( 6) lnstr. 91 et ss.
(7) Maréchal, n° 420. Arr. Roy. du 2 juillet 1824, art. 4; arr. roy. n" 75 du 30 nov. 1939,
art. 138, par. 5.
(8) Maréchal, n° 421 ; Brux. 2 sept. 1853 ; Pas. 1856, II, 19. Liège 15 mars 1887; Pas . . Il. 357.
Brux. 19 juillet 1895 ; Pas. 1896, Il, 186.
(9) lnstr, 114 et ss. En matière de douanes. la mise en liberté provisoire peut cependant être
accordée sans caution (Maréchal. n° 428; art. 138, par. 7 de l'A.R. n° 75 du 30 nov. 1939).
(10) lnstr. 114; Cass. 28 mai 1934: Pas, 1. 290: Gand 21 juin 1894: Pas. Il. 361.
( 11) Cass. 27 sept. 1932 : Pas. I. 249 : 28 mai 1934 : Pas. I. 290.
(12) Brux. ch. mises, 23 lév. 1847: Pas. Il, 280. Maréchal. n" 424.

146
145. - ARRESTATION A BORD DES NAVIRES BELGES DES INDIVI-
DUS POURSUIVIS PAR LA JUSTICE BELGE. - Lorsqu'un individu poursuivi
ou condamné par la justice belge se trouve à bord d'un navire belge ayant quitté
les eaux territoriales, le Ministre de la justice peut transmettre au capitaine, par
l'intermédiaire d'un consul ou autrement, en employant au besoin la voie télégraphi-
que, une copie de J'ordonnance d'arrestation ou de capture rendue par l'autorité
judiciaire compétente. Le capitaine est tenu d'exécuter cette ordonnance et de la
signifier à l'intéressé, au moment de son arrestation, ou, au plus tard, dans les
vingt-quatre heures.
L'individu ainsi arrêté restera détenu, à bord, jusqu'au retour du navire ou
jusqu'à la rencontre d'un autre bâtiment belge ( 1).
Les délais prévus par la loi sur la détention préventive prendront cours du
moment où le prévenu aura été écroué dans une des prisons du royaume (2).

146. - LE MANDAT D'ARRET EN MATIERE D'EXTRADITION. - En


cas d'urgence, un étranger peut être arrêté provisoirement en Belgique pour l'un des
faits mentionnés à l"article 1er de la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions, sur
l'exhibition d'un mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction du lieu de sa
résidence ou du lieu où il peut être trouvé, et motivé sur un avis officiel donné aux
autorités belges par les autorités du pays où l'étranger est condamné ou pour-
suivi (3).
Toutefois, dans ce cas, il est mis en liberté si, dans le délai de trois semaines
à dater de son arrestation, il ne reçoit communication du mandat d'arrêt décerné
par l'autorité étrangère compétente ( 4).
Ce délai peut être porté à trois mois si le pays qui requiert l'extradition est
hors d'Europe (5).
L'étranger peut réclamer la liberté provisoire dans le cas où un Belge jouit
de cette faculté et sous les mêmes conditions. La demande sera soumise à la chambre
du conseil ( 6) .
En outre, le mandat d'arrêt décerné par !"autorité étrangère compétente pour
rune des infractions susceptibles de donner lieu à extradition peut, s'il renferme l'indi-
cation précise du fait pour lequel il est délivré, être rendu exécutoiz·e par la chambre
du conseil du tribunal du lieu où réside l'étranger ou du lieu où il pourra être
trouvé (7). L'ordonnance accordant ou refusant l'exéquatur est rendue sans compa-
rution de l'étranger et n ·est pas susceptible cl' opposition ( 8).
L'exéquatur du mandat d'arrêt étranger est requis, même s'il concerne un inculpé
déjà mis en état d'arrestation provisoire (9).
Le juge d'instruction belge peut, en contrepartie, dans tous les cas où la
détention préventive est admise, décerner un mandat d'arrêt aux fins d'extradition
contre un inculpé, justiciable des tribunaux belges, réfugié à l'étranger, pour autant
que J"infraction soit prévue par l'article 1"' de la loi du 15 mars 1874 et qu'un traité
d'extradition ait été conclu avec le gouvern!"ment du pays intéressé.
La transmission de ce mandat s'effectue par la voie diplomatique.
( 1) Loi du 30 mars 1891. art. l "'.
(2) Loi du 30 mars 1891, art. 2, al. L
(3) Loi du 15 mars 1871, art. 5.
(1) Loi du 28 juin 1889, art. l"'"·
(5) Loi du 15 mars 1874, art. S. al. 3.
(6) Loi du 15 mars 1874, art. 5, al. 5.
( 7) Loi du 15 mars 1871. art. 3.
(8) Cass. 7 juil. 1930; Pas. I. 289.
(9) Rép. <lr. b. v 0 Extradition n° 137.

147
Dans la pratique, un duplicata est adressé immédiatement par voie directe à
l'~utorité étrangère compétente. Celle-ci est, au besoin, avisée par télégramme (1).

SECTION IV
La mise en observation de l'inculpé par application
de la loi de défense sociale

147. - REGLES. - Lorsqu'il existe des raisons de croire que


l'inrnlpé est en état de démence, ou dans un état grave de déséqui-
libre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle
de ses actions, les juridictions d'instruction et de jugement peuvent,
dans les cas où la loi autorise la détention préventive, le placer
en observation dans l'annexe psychiâtrique d'un centre pénitentiaire
en ordonnant, s'il y échet, l'exécution immédiate de cette déci-
sion (2).
Cette mesure peut être prise à toutes les phases de la procédure
jusqu'à la décision définitive, l'inculpé et son conseil entendus, soit
sur la réquisition du ministère public, soit sur la requête de l'inculpé
ou de son conseil.
Cette réquisition et cette requête doivent être écrites et moti-
vées (3).
Cette réquisition et cette requête sont adressées à la chambre du
conseil jusqu'à l'ordonnance de renvoi; au tribunal correctionnel
depuis l'ordonnance de renvoi jusqu'au jugement; à la chambre des
appels correctionnels depuis l'appel jusqu'à l'arrêt; à la chambre
des mises en accusation depuis l'ordonnance de renvoi jusqu'à la
notification de l'arrêt; à la même chambre pendant l'instance en
règlement de juge; à la cour d'assises ou, si celle-ci n'est pas en
session, à la chambre des mises en accusation depuis la notification
de l'arrêt de renvoi.
Il est statué sur la requête dans la huitaine ( 4) .
Le délai prend cours le lendemain du jour où la requête a été déposée (Cass.
12 nov. 1935; Pas. 1936 I. 53).
En précisant les modes suivant lesquels les juridictions répressives sont saisies
d'une demande de mise en observation, l'article 2 de la loi du 9 avril 1930 prohibe
la mise, en observation d'office.
Excède en conséquence ses pouvoirs la juridiction, saisie uniquement d'une
requête tendant à l'internement, qui prononce la mise en observation ; saisie d'un
appel, la chambre des mises en accusation annule cette décision et renvoie la cause

( I) Maréchal. n° 137.
(2) Loi du 9 anil 1930, art. l"'.
( 3) Loi du 9 avril 1930, art. 2.
( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 3.

148
devant la juridiction compétente autrement composée (Brux. 15 juin 1938; Rev. dr.
pén. 847) (1).
Si la loi de défense sociale organise la mise en observation des inculpés
présentant des symptômes de démence, de déséquilibre mental ou de débilité men-
tale, elle ne modifie pas les principes suivant lesquels se fait la désignation de
l'expert chargé de l'examen mental. La désignation de l'expert et la détermination
de sa mission sont dans les attributions du magistrat instructeur et des juridictions
de jugement; elles n'appartiennent pas aux chambres d'instruction, même lorsque
celles-ci ordonnent la mise en observation de l'inculpé. (Loi du 9 avril 1930, art. 1••
à 6 et 29). (Cass. 6 mars 1934. Pas. I, 205; Rev. dr. pén. 293).

La loi de défense sociale, pas plus que la législation antérieure, ne confère à la


chambre du conseil le pouvoir d'ordonner des actes d'instruction, telle la désignation
des experts chargés d'examiner l'état mental d'un inculpé qu'elle place dans une
annexe psychiâtrique: cette désignation est du domaine du juge d'instruction comme
tout autre acte d'instruction. (Brux. 29 janv. 1931. Pas. II, 195; Rev. dr. pén.
262) (2).
Toutefois, la chambre des mises en accusation, réformant une ordonnance de
refus de mise en observation désigne les médecins chargés de l'examen mental.
(Brux., ch. mises ace., 16 juin 1934. Rev. dr. pén. ï24).

La durée du placement en observation est d'un mois au plus.


Si, à l'expiration de ce terme, l'observation apparait encore in~
complète, la juridiction qui a ordonné la mise en observation ou, si
elle n'est pas en session, la chambre des mises en accusation peut en
ordonner la prolongation pour un mois au plus. Cette prolongation
peut être renouvelée sans que le placement en observation puisse
en aucun cas dépasser six mois ( 3).
L'inculpé mis en observation peut recevoir les soins de médecins choisis par
lui et produire leur avis; la juridiction qui ordonne la mise en observation n'a pas
à désigner ces médecins sur la demande que lui en fait l'inculpé. (Loi du 9 avril
1930, art. 3). (Cass. 6 mars 1934. Pas. I, 205; Rev. dr. pén. 293).
La mise en observation ne doit pas perdurer jusqu'à l'expiration du délai fixé
par la décision qui l'ordonne; elle peut prendre fin quand l'expert commis par
justice et le médecin choisi par l'inculpé sont en mesure de déposer leurs conclusions.
(Loi du 9 avril 1930, art. 6). (Cass. 6 mars 1934. Pas. I, 205; Rev. dr. pén. 293).
Cependant, lorsque le médecin désigné par le parquet a déposé son rapport sur
l'état mental d'un prévenu, avant l'expiration du mois d'observation, le dépôt de ce
rapport ne met pas fin à l'observation. Celle-ci continue de façon à permettre à
l'inculpé de produire l'avis de médecins de son choix. (Liège, ch. mises ace., 31 octo-
bre 1932 ; J.T. 689 ; Rev. dr. pén. 1933, 29).
Ce n'est, au surplus, jamais le dépôt du rapport des experts qui met fln à la
mise en observation: Il faut encore que par un acte le juge qui a commis l'expert

(1) Aussi Brux. 2 mars 1932. R.W. 1931-32, 131.


( 2) L'expert commis par le juge d'instruction pour procéder à l'examen médico-mental de l'inculpée
aux fins de déterminer si eile était pleinement responsable de ses actes. peut légalement remplir
sa mission nonobstant une ordonnance ultérieure de la chambre du conseil disant n'y avoir lieu,
en l'état actuel de l'instance, de placer l'inculpée en observation dans l'annexe psychiatrique
d'un centre pénitentiaire.
Cet expert peut 1éga1ement conc1ure à l'existence chez l'inculpée d'un état grave de déséquilibre
mental la rendant incapable du contràle de ses actes au moment du fait et actuellement.
L'internement peut être ordonné sans mise en observation préalable de l'inculpée dans une
annexe p5JChiatrique. (Brux .. chainbre du conseil. 7 mai 1931. Rev. dr. pén. 872).
(3) Loi du 9 avril 1930, art. 6, al. 1 et 2.

149
et qui est seul à pouvoir apprécier si la tâche de celui-ci est ou n'est pas complète-
ment exécutée, constate que celui-ci a entièrement rempli sa mission. (Cass., 17 mai
1943; Pas. I, 185 et note R.H.).
Le placement en observation ayant pris fin, l'inculpé contre qui
mandat d'arrêt a été décerné est réintégré à la maison d'arrêt ou de
justice, à moins que son internement immédiat ne soit ordonné
conformément à l'article 7 ( 1).
La mise en observation suspend la détention préventive. Celle-ci reprend auto-
matiquement, sans formalités, à l'expiration du terme flxé pour l'observation. (Liège,
ch. mises ace., 16 décembre 1932. B.J. 1933, 123; Cass. 20 déc. 1937; Pas. I, 386
et avis de M. l'avocat général Sartini van den Kerckhove).
La chambre du conseil peut instituer un examen psychiatrique d'un inculpé à
l'intérieur d'un local approprié, même si, en suite des errements de la procédure, le
juge d'instruction ne peut plus décerner mandat d'arrêt nouveau contre ce prévenu
relevé d'un premier mandat. (Bruxelles, ch. mises ace., 28 janv. 1931 ; Rev. dr.
pén. 259).
Nous examinerons (infra n°• 178 et ss.) la procédure suivie
devant les juridictions d'instruction en matière de mise en observa-
tion des inculpés.
Le ministère public et l'inculpé peuvent appeler des décisions
de la chambre du conseil et du tribunal correctionnel ordonnant ou
refusant le placement en observation.
L'appel est formé et jugé suivant les articles 19 et 20 de la loi
du 20 avril 1874 (2). (Cf. supra n° 139 et infra n°" 170, 178 et ss.).

SECTION V
La clôture de l'instruction.
148. - PRINCIPE. - La clôture de l'instruction judiciaire ne
peut, comme celle de l'information du procureur du Roi, s'effectuer
sans formalités, par un simple classement du dossier: Si l'affaire n'est
pas susceptible de développements ultérieurs, le sort de l'action
publique, qui a été mise en mouvement, doit être réglé par une
décisio111 judiciaire die non~lieu; si, au contraire, le résultat de l'in-
struction permet l'exercice de poursuites définitives, il convient éga-
lement qu'une décisiJon judiciaire de renvoi clôture la procédure pré-
paratoire.
Le dessaississement du juge d'instruction ne peut donc être
opéré, en toute éventualité, que par une décision de justice: Dans
notre procédure, c'est à la chambre du conseil qu'il incombe de
statuer sur l'nformation du juge d'instruction (3).

( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 6, al. i. Voy., en ce qui concerne l'ordonnance d'internement, infra
n° 155.
(2) Loi du 9 avril 1930, art. 4.
(3) En France. cette mission incombe au juge d'instruction lui--mème.

150
149. - LA COMMUNICATION DU DOSSIER AU PRO-
CUREUR DU ROI. - Lorsque le juge d'instruction estime que son
information est complète, il communique la procédure au procureur
du Roi ( 1) ; cette communication est obligatoire à peine de nullité ( 2).
L'ordonnance de soit-communiqué qui met pratiquement :fin, dans
la grosse majorité des cas, à l'information du juge d'instruction, n'est
soumise à aucune formalité spéciale : Elle se résume à une mention
portée au dossier : « Communiqué à M. le procureur du Roi, le ...
Le juge d'instruction (s) X ... »; toutefois, il peut arriver que cer-
taines circonstances contraignent le juge d'instruction à motiver cette
ordonnance (voy. supra n° 123).
Le procureur du Roi peut, après avoir pris connaissance du
dossier, renvoyer celui-ci au juge d'instruction avec un réquisitoire
tendant à l'exécution de devioirs complémentaires; après avoir ac-
compli ceux-ci, le juge communique à nouveau le dossier au procu-
reur du Roi ; toutefois, le juge peut refuser de satisfaire au réquisi-
toire prescrivant de nouveaux actes d'instruction : Il lui appartient,
en dfet, de décider, sous le contrôle de la chambre du conseil, qu'une
procédure dont il est chargé est complète ( 3) : Il peut manifester ce
refus par une nouvelle ordonnance de soit-communiqué rejetant les
réquisitions du parquet ( 3) ; cette ordonnance ne peut pas faire
l'objet d'un recours du procureur du Roi devant la chambre des
mises en accusation, car elle n'inflige aucun grief à la partie publi-
que : Elle constate simplement que la procédure est en état de faire
l'objet d'un rapport à la chambre du conseil et le procureur du Roi
peut toujours inviter celle-ci à déclarer la procédure incomplète ( 3).
Le juge peut également, sans déférer aux réquisitions du parquet
tendant à un supplément d'information, faire immédiatement rapport
à la chambre du conseil ( 4).
En pratique, il est rare que de pareilles difficultés surgissent : Le plus souvent.
lorsque le procureur du Roi remarque l'existence d'une lacune dans l'instruction, il
invite le juge d'instruction par une simple apostille à remédier au défaut constaté.

Lorsque le procureur du Roi ertime que l'instruction est com-


plète, il rédige un réquisitoire tendant au règlement de la procédure
( dessaississement, non-lieu, renvoi au tribunal de police, renvoi au
tribunal correctionnel, transmission des pièces au procureur général
en vue de la mise en accusation, etc.) et renvoie le dossier, avec
ce réquisitoire, au juge d'instruction.

150. - LE RAPPORT DU JUGE D'INSTRUCTION ET LE


DEBAT DEVANT LA CHAMBRE DU CONSEIL. - La chambre

()) lnstr. 61.


(2) lnstr. 61 et 127 : Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 398.
(3) Brux. Ch. mises, Il avril 1905: Pas. Il. 177.
(i) Arg. art. 127.

151
du conseil tient une au~ience hebdomadaire pour entendre le rapport
du juge d'instruction sur les affaires dans lesquelles la procédure est
complète ( 1) .
Nous avons examiné (supra n° 63) l'org1anisation et la compé~
tence de la chambre du conseil; nous verrons d'autre part (infra
n°" 178 et ss.) les règles de procédlll"e et (infra n°" 183 et ss.) le mode
d'administratron de la preuve en usage devant cette juridiction.

151. - LA DECISION DE CLOTURE DE L'INFORMA~


TION OU DE SURSEANCE A STATUER. - L'objet du débat
devant la chambre du conseil est le règlement de la procédure par
non lieu, renvoi ou toute autre solution ; sa décision clôtlll"e l'infor~
mation et dessaisit le juge d'instruction.
Le dessaisissement du juge d'instruction dépendant de la cham-
bre du conseil, il appartient à celle-ci, avant d'envisager la suite à
donner à l'affaire, de vérifler s'il n'y a aucun inconvénient à clôturer
l'instruction, c'est a dire si celle-ci est bien complète.
Dans l'affirmative, elle statue purement et simplement dans le
sens qu'elle estime opportun ( renvoi, non-lieu, etc., cf. infra n""
152 et ss.).
Mais dans la négativ,e ( 2), elle ne peut, évidemment, se pronon-
cer sur une instruction présentant des lacunes :
Cette situation entraine des difficultés sur le plan doctrinal, en raison du fait
que la chambre du conseil n'est investie, légalement, d'aucun droit d'intervention
dans le déroulement de l'information et qu'il ne lui appartient pas, en tant que
juridiction du même degré que le juge d'instruction, de donner des injonctions à
celui-ci : Il semble donc inadmissible que la chambre du conseil puisse ordonner
un « plus ample informé » ; aussi, une partie de la doctrine et quelques décisions
jurisprudentielles lui refusent-elles ce droit ( 3). En revanche, la plus grande partie
de la jurisprudence parait l'admettre, tout en reconnaissant au juge d'instruction
le droit de ne pas obéir aux injonctions qui lui sont faites (1) : En réalité, il s'agit
là d'une querelle de terminologie : Il est indiscutable que la chambre du conseil peut
surseoir à statuer sur une information incomplète ; elle doit légalement motiver sa
décision et doit donc indiquer en quoi elle estime l'instruction incomplète ; ceci
revient évidemment, en pratique, à dire que tel ou tel acti; d'instruction reste à
accomplir. Dès lors, puisqu'il est admis que la chambre du conseil ne peut contraindre
le juge d'instruction à accomplir ces actes, il importe peu que le dispositif de son
ordonnance contienne, ou non, l'injonction de procéder à un complément d'informa-
tion soit général, soit précisé dans ses détails : Tout au plus est-il plus conforme
à la logique juridique de s'en tenir à un simple dispositif de surséance.

Si la chambre du conseil estime l'iinstruction incomplète elle peut

( l) lnstr. 127; cf, supra n° 63.


( 2) L'instruction peut être considérée comme incomplète si. par exemple, certains témoins n'ont pas
été entendus, certaines vérifications n'ont pas été faites, certaines mesures d'instruction. teiles
que des expertises, notamment. ont été omises. Parfois, une instruction est considérée comme
incomplète si certains suspects, contre 1esquel5 il existe des charges sérieuses, n'ont pas eté
compris dans les poursuites (voy. not. Gand. Ch. mises, 22 déc. 1931. Pas. 1932. II. 191).
(3) Voy. Rép. dr. b. v<> procédure pénale, n° 105: Brux, 11 nov. 1921, Rev. dr. pén. 1922, 49,
(1) Voy. Brux. 11 avril 1905: Pas. Il. 177; Gand. 14 juil. 1931; R. W. 31-22, 93; Gand, 22 déc.
1931 : Pas. 1932. II. 192.

152
donc surseoir à statuer en indiquant les lacunes qui motivent sa
décision.
Elle peut se prononcer en ce sens sur la base des réquisitions
conformes du procureur du Roi, •JU des conclusions de la partie
civile ou de la défense. Mais elle n'est pas tenue de se conformer aux
réquisitions du parquet et peut, même contre l'avis de celui-ci, juger
l'instruction complète et statuer à son sujet ( 1 ) . Inversément, elle
peut surseoir d'office à statuer, même si aucune partie ne le réclame.
Lorsqu'une ordonnance de surséance à statuer a été rendue, le
juge d'instruction n'est pas dessaisi et il appartient au procureur du
Roi de le requérir de procéder aux nouveaux devoirs indispensables.
Le juge peut toutefois refuser de s'incliner, par voie d'ordonnance
motivée et le procureur du Roi doit alors saisir, par voie d'opposition,
la chambre des mises en accusation qui tranchera le conflit : Cette
juridiction supérieure possède, en effet, à la différence de la chambre
du conseil. les pouvoirs nécessaires pour contrôler l'instruction et
l'exercice des poursuites.
Lorsque le complément d'information, consécutif à l'ordonnance
de surséance à statuer, est terminé, le juge d'instruction fait, après
communication du dossier et réquisitoire du procureur du Roi, un
nouveau rapport à la chambre du conseil qui statue alors définiti-
vement.

152. - LA CLOTURE DE L'INSTRUCTION JUDICIAIRE


PAR DESSAISISSEMENT, NON LIEU, RENVOI DEVANT LE
TRIBUNAL DE POLICE OU RENVOI DEVANT LE TRIBU-
NAL CORRECTIONNEL. - Avant de rendre une décision sur le
fond des poursuites, la chambre du conseil examine si elle est bien
compétente ratione loci, materia,e et p,ersonae. Dans la négative, elle
rend une ordonnance de dessaisissement ( 2).
La chambre du conseil vérifie ensuite si l'action publique est
reœvable ( 3 ) .
Elle recherche enfin s'il existe des charges suffisantes contre le
ou les inculpés.
La loi ne définit pas la notion de « charges suffisantes » et celle-ci est, en fait,
impossible à dé,flnir car elle se réduit à un problème d'appréciation à l'égard de
chaque cas particulier.
Tout au plus peut on dire qu'elle signifie que la chambre du conseil ne statue
pas sur la culpabilité et ne peut d'ailleurs se prononcer sur celle-ci. Elle a simple-
ment pour mission d'examiner si l'accusation n'est pas dépourvue de fondement, si
elle peut raisonnablement être soutenue devant la juridiction de jugement.

(1) Brux. 12 jan. 1916; B. J. 1919. 811; Rev. dr. pén. 1920, 31.
(2) Cf. supra n°• 37, 63. Gand. ch. mises ace. 13 juillet 1953 (R.W. 1954-55. 936).
(3) ~Jarchal et Jaspar: Droit criminel. n° 2414.

153
A. - Si la chambre du conseil estime que l'action n'est pas
recevable ou qu'il n'existe pas de charges suffisantes, elle rend une
ordonnance de non lieu (instr. 128).
B. - Si elle est d'avis que les faits mis à charge du prévenu ne
constituent qu'une contravention de police, ou s'il s'agit d'un délit
qu'il y a lieu, par suite de circonstances atténuantes, de n'appliquer
qu'une peine de police ( 1), elle rend une ordonnance de renvoi de~
vant le tribunal de police ( 2) ( instr. 129).
Les juridictions d'instruction peuvent être saisies de la connaissance d'une
contravention connexe à un délit de leur compétence. Un arrêt de la chambre des
mises en accusation de Bruxelles du 10 février 1949 (J.T. 638) décide que lorsqu'un
non lieu a été rendu à l'égard du délit, la connexité cesse d'exister et la juridiction
d'instruction est incompétente pour statuer sur la contravention.
Cette décision est critiquée par M. Raoul Declercq dans une note d'observations
suivant un jugement du Tribunal de police de Louvain du 1er juin 1949 (J.T. 640)
lequel fut saisi de la contravention par citation directe du parquet, à la suite de
la décision d'incompétence de la chambre des mises en accusation.
M. Declercq fait observer qu'il s'agissait en l'espèce (double prévention visant
un traitement que le prévenu, meunier de son état, avait fait subir à ses farines)
de deux préventions visant un fait unique, c'est-à-dire d'un concours idéal d'infrac-
tions entrainant l'indivisibilité des poursuites. Il estime, dès lors, que la juridiction
d'instruction avait l'obligation de renvoyer le prévenu au tribunal de police confor-
mément au prescrit de l'article 129 du Code d'instruction criminelle. Envisageant
ensuite l'éventualité où il se serait agi de faits connexes, il estime que la solution
aurait dû être identique. Il fonde cette opinion sur le fait que « la connexité n'est
rompue qu'à partir du moment où la poursuite et l'instruction des affaires ne peuvent
plus avoir lieu en même temps>.', (Cass. 8 mars 1897; Pas. 104-109) et il rapproche
le cas envisagé de celui où le tribunal correctionnel, saisi d'un délit et de contra-
ventions connexes, acquitte pour le délit, mais reste néanmoins compétent pour
statuer sur les contraventions (Cass. 19 avril 1921, Pas. I. 326).
C. - Si la chambre du conseil estime que les faits constituent
un délit autre qu'un délit politique ou de presse, ou, s'il s'agit d'un
crime, qu'il y a lieu, par suite de circonstances atténuantes ou d'ex~
cuse, de n'appliquer qu'une peine correctionnelle ( 3), elle rend une
ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ( 4) .
( 1) Loi du 4 octobre 1867. art. 4 : La faculté de renvoi en police accordée par les articles i et '5
de la loi du 4 octobre 1867 aux chambres d'instruction est limitée aux délits prévus par le
Code pénal et par celles des lois particulières qui autorisent expressément Je juge. en cas d' ad-
mission de circonstances atténuantes. à ne prononcer qu'une peine de police. ( Cass. 20 mars
1876 ; Pas. I. 240).
(2) La chambre du conseil ne dêsigne pas le tribunal de police qui sera appelé à connaitre des
poursuites (J. H. Suetens, L'instruction - La chambre du conseil, n° 317: Cass. 17 sept. 1934:
Pas. 1. 376; Rev. dr. pén. n° 340). Le dossier est renvoyé au procureur du Rci qui le transmet
à J'officier du ministère public compêtent ratione loci (Marchal et Jaspar. Droit criminel. n° 2422).
Le renYoi en police ne peut toutefois être ordonné par la chambre du conseil que s'il existe un
tribunal de police compétent dans 1' arrondissement qui constitue son ressort. Dans le cas contraire,
elle doit rendre une ordonnance de désaississcment (Cass. 16 déc. 1901 ; Pas. 1902, I, 69).
(3} Toutefois, la chambre du conseil ne jouira de cette faculté. en cas de circonstances atténuantes,
que pour autant que la peine normale soit de quinze ans de travaux forcés au maximum ou de
vingt ans de travaux forcés au maximum, s'H s·agit d'infractions prévues par les chapitres V et VI
du titre VII du livre II du Code pénal ou par les articles 4:71 et 472 du même code. (loi du
1-1 ruai 1937, art. 3).
( i) Lorsque la qhambre du conseil disqualifie un fait qualifié crime. en raison de circonstances
atténuantes, et ordonne le renvoi du prévenu devant la juridiction correctionnelle. ce renvoi n'est
légal que si elle indique les circonstances atténuantes motivant la correctîonnalisation (Jur.
constante. voy. not. Cass. 7 oct. 1942; Pas. 1. 222). La méme rtgle est applicable à la
contrav<ntionnalisation des Mlits (voy. Cass. 23 oct. 1939. Pas. 1. -!33).

154
Dans tous les cas de renvoi en police ou en correctionnelle, le
procureur du Roi transmet dans les vingt~quatre heures, au greffe
du tribunal qui doit prononcer, toutes les pièces après les avoir
cotées ( instr. art. 132).

153. - NON LIEU CONSECUTIF A LA CONSTATATION D'UN FAUX


MATERIEL DANS UN ACTE AUTHENTIQUE. - Lorsque la chambre du
conseil constate un faux matériel dans un acte authentique et qu'elle estime devoir
clôturer l'instruction par une ordonnance de non lieu, elle doit ordonner que J'acte
litigieux soit rétabli, rayé ou réformé ( 1).

154. - LA CLOTURE DE L'INSTRUCTION EN MATIERE DE DOUA-


NES ET ACCISES. - En matière de douanes et accises la chambre du conseil
n'est jamais compétente pour statuer sur l'orientation à donner à l'action publique.
Cette action appartient, en effet, soit à l'Administration seule, soit à l'Admi-
nistration et au ministère public, mais seule la première a le droit de lïntenter.
L'Administration peut transiger, ou saisir le tribunal correctionnel alors même
que l'instruction est encore en cours.
Que l'instruction soit terminée, ou que l'Administration saisisse la juridiction
<le jugement en cours d'instruction, la chambre du conseil doit, en toute hypothèse,
ordonner simplement le dessaisissement du juge d'instruction (2).

155. - LA CLOTURE DE L'INSTRUCTION JUDICIAIRE


PAR INTERNEMENT DE L'INCULPE EN ETAT DE DE~
MENCE, DE DESEQUILIBRE MENTAL OU DE DEBILITE
MENT ALE ( 3). - La chambre du conseil peut, aux termes de
l'article 7 de la loi du 9 avril 1930, ordonner l'internement immédiat
de l'inculpé dans un des établissements spéciaux déterminés et orga~
nisés par le gouvernement, lorsque les trois conditions suivantes
sont réunies :
1°) L'inculpé est reconnu coupable d'avoir commis un fait
qualifié crime ou délit ( 4).
2°) Il ne s'agit ni d'un crime politique, ni d'un délit politique, ni
d'un délit de presse.
3°) L'inculpé est en état de démence, ou dans un état grave de
déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du
contrôle de ses actions,

(1) lnstr. 463; Marchal et Ja,spar, n° 2117.


(2) Cf. Rép. dr. b. v 0 Douanes et accises, n° 574: Janssen! de Bi5thovt:n: Le ministère public
et les poursuites en matière de douanes et accises, p. 11.
(3) Nous avons examiné (supra n° 147) la proc('.dttre permettant d'assurer la mise en observation de
l'inculpé dans l'annexe psychiatrique d'un centre pénitentiaire.
( 4) Il importe de sou.ligner que la mise en observation n'est possible que dans le cas où la loi
autorise la détention préventive ( loi du 9 avril I 930, art. 1 cr J. L'internement peut cependant
être prononcé pour n'importe quel délit. La preuve de l'existence d'un état de démence ou d'un
état grave de déséquilibre mental risque, dès lors, de rencontrer de sérieuses difficultés si le
fait n'est pas susceptible d'entrainer la dé-tention préventive. Toutefois, le juge d'instruction
peut toujours ordonner une expertise mentale, indépendamment de la mise en observation
proprement dite.

155
Le déséquilibre mental, qui autorise l'internement, doit exister au moment où
l'affaire est jugée. Pour établir ce fait, la cour peut ordonner une instruction com-
plémentaire. (Brux., ch. mises ace., 13 août 1931. R.W. 1931-1932, 185).
Si des experts affirment expressément qu'un prévenu se trouvait, et à la date
des faits et actuellement, dans un état grave de déséquilibre mental qui le rend
incapable du contrôle de ses actions, il doit être admis que dans la perpétration des
faits qui lui sont reprochés, il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu
résister et il n'y a pas d'infraction. (Brux., ch. mises ace., 28 octobre 1931. J.T.,
543; Rev. dr. pén., 1121).
Le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert quant à la nécessité de l'internement
prévu par la loi de défense sociale; il peut s'en écarter sans devoir en donner la
raison. (Cass. 25 mars 1946; Pas. I. 116; J.T. 380).
La juridiction qui, en exécution de l'article 7 de la loi du 9 avril 1930 sur la
défense sociale prescrit l'internement du prévenu, ne peut dire « qu'il n'y a pas lieu
d'ordonner l'exécution immédiate de cette mesure». (Loi du 9 avril 1930, art. 7).
(Cass. 27 sept. 1932. Pas. I, 247; Rev. dr. pén., 1033).
L'internement d'un inculpé dément ou anormal ne doit pas né-
cessairement être précédé d'une mise en observation préalable ( 1 ) .
Nous examinerons infra n°" 178 et ss. les règles de procédure
suivies devant la chambre du conseil en matière d'internement des
inculpés.
Dans le cas où l'internement est ordonné, l'inculpé ou l'accusé
est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions (2).
Dans le même cas, la confiscation spéciale est prononcée comme
à l'égard d'un condamné, s'il y a lieu (3).

Les décisions de la chambre du conseil ordonnant ou refusant


l'internement sont susceptibles d'appel devant la chambre des mises
en accusation.
L'appel doit être interjeté dans les formes et les délais prévus
par l'article 203 du Code d'instruction criminelle et formé par décla-
ration au grdf e du tribunal correctionnel ( 4).

156. - PORTEE DE L'ORDONNANCE DE CLOTURE.


La chambre du conseil n'est pas liée par la qualification donnée aux
faits par le ministère public ou le magistrat instructeur ( 5).
Elle ne statue toutefois sur l'action publique qu'à charge des
individus mis en prévention par le procureur du Roi ou inculpés par
le juge d'instruction. (Rép. dr. b. v 0 procédure pénale, n° 417).
De cette dernière règle découlent deux conséquences :

(!) Loi du 9 avril 1930. art. 7. Cass. 22 juillet 1935: Pas. I. 332: Rev. dr. pén .. 1170.
(2) Loi du 9 avril 1930, art. 1 !.
(3) Loi du 9 avril 1930, art. 12 in fine.
( 4) Lol du 9 avril 1930. art. 8, al. 1 et 2.
(5) Cass, 3 nov. 1930; Pas. I. 348.

156
1°) La chambre du conseil ne peut pas renvoyer devant la
juridiction de jugement des personnes n'ayant été mises en préven-
tion ni par le procureur du Roi, ni par le juge d'instruction, même si
le dossier d'instruction révèle l'existence de charges contre ces per-
sonnes ( 1 ).
2°) Il ne peut pas y avoir d'ordonnance implicite de non lieu.
Lorsque la chambre du conseil a clôturé une instruction par
renvoi d'un prévenu devant la juridiction de jugement, son ordon-
nance n'entraine pas le bénéfice du non lieu pour toute personne non
mise en prévention, susceptible d'être poursuivie à raison des mêmes
faits.
Il en résulte que le procureur du Roi ou la partie civile peuvent
toujours citer directement cette personne devant le tribunal ( 2).
L'ordonnance de renvoi rendue par la chambre du conseil épuise la compétence
de cette juridiction quant à l'imputation à l'inculpé des faits ayant fait l'objet de
l'instruction. Cette juridiction ne peut, dès lors, rendre une nouvelle ordonnance de
renvoi, à charge du même inculpé, à raison des mêmes faits autrement qualifiés.
En revanche elle peut, après avoir renvoyé certains prévenus devant le tribunal
correctionnel, rendre, dans la même cause, une nouvelle ordonnance de renvoi à
charge d'un autre prévenu qui antérieurement n'avait pas été l'objet d'une mise en
prévention par le juge d"instruction ou par le ministère public. (Cass., 9 juillet
1951; Pas. I, 778).

157. - EFFETS DE L'ORDONNANCE DE CLOTURE


QUANT AUX POURSUITES. -
A. L'ordonnance de renvoi saisit la juridiction de jugement des
faits ayant donné lieu à instruction (instr. 182).
Les juridictions de jugement n'ont aucun pouvoir d'appréciation à l'égard de la
légalité des décisions des juridictions d'instruction, les unes et les autres étant
souveraines dans le domaine qui leur est assigné. Dès lors, le tribunal correctionnel
doit, lorsque sa saisine est valable, procéder aux débats et au jugement de l'affaire,
quelle que soit son opinion sur la régularité de la décision de renvoi (voy. Liège, 16
mars 1948; J.T. 362 et note de M. Raymond Scrêvens).
L'ordonnance de renvoi n'est toutefois qu'indicative et non
attributive de compétence : elle ne lie la juridiction saisie ni quant
à la qualification du fait, ni quant à la compétence ( 3).
« L'ordonnance de la chambre du conseil qui renvoie un inculpé devant le
tribunal correctionnel en raison d'un fait sous une qualification déterminée et écarte
une autre qualification donnée au même fait par le juge d'instruction ou le ministère
public, n'a pas sur ce dernier point, quels que soient les termes dont s'est servie la
chambre du conseil, le caractère d'une ordonnance de non-lieu au sens de l'article
128 du Code d'instruction criminelle et ne lie donc pas le juge du fond» (Cass.
8 mars 1948; Pas. I. 158).
(1) Il lui e~t cependant loisible de surseoir â statuer à raison des lacunes de l'instruction (cf.
supra n° 151 ).
( 2) Rép. prat. dr. b. v 0 Procédure pénale, n° ':l: 17 ; Cass. 27 mai 1935 ; Pas. 1. 261. Toutefois si l' inw
struction a été clôturée par une ordonnance de non lieu, nul ne peut être cité directement à raison
des mêmes faits, même s'il n'a pas été mis en prévention. car l'ordonnance de non lieu met obstocle
à la saisine de la juridiction de jugement sur base de ces faits ( cf. Cass. 1-4 juin 1909 : Pas.
1. 310; infra n° 157).
(3) Ré:p. dr. b. v 0 Procédure pénale, n° 427 ; Marchal et Jaspar, n° 2421.

157
Cette règle est une conséquence du fait que la chambre du conseil ne formule
pas de qualification définitive : Elle se contente de qualiifier provisoirement les faits
de la cause et se sont les juridictions de jugement qui après avoir dégagé définitive-
ment les divers éléments de ces faits, leur donnent leur qualification définitive.
En l'espèce envisagée, la chambre du conseil avait ordonné le renvoi des
prévenus du chef de concussion, après avoir écarté l'inculpation de corruption de
fonctionnaires et les juridictions de jugement avaient retenu la prévention de
corruption.
Il existe cependant une exception au caractère indicatif de l'or-
donnance de renvoi : En cas de correctionnalisation ou de contraven~
tionnalisation, la juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence
en ce qui concerne les circonstances atténuantes ou l'excuse ( 1 ) .
La qualification des faits donnée par une ordonnance de renvoi n'est que provi-
soire : Le tribunal peut toujours lui en substituer une autre. Qu'advient-il au point
de vue de la compétence, si le tribunal correctionnel saisi d'un crime correctionnalisé
(ou le tribunal de police saisi d'un délit contraventionnalisé) estime erronée la
qualification donnée aux faits par la chambre du conseil ?
a) Si la disposition légale d'après laquelle la juridiction de jugement estime
devoir qualifier l'infraction ne réprime pas celle-ci plus sévèrement que celle adoptée
par la juridiction d'instruction, le tribunal reste compétent et le bénéfice des cir-
constances atténuantes s'applique aux faits sous leur qualincation nouvelle comme
sous leur qualification primitive.
b) La solution est la même si les faits ne justifient une qualillcation plus grave
qu'à raison de circonstances connues de la chambre du conseil et non écartées par
elle, soit explicitement, soit implicitement, à la condition que les faits restent, sous
leur nouvelle qualification, susceptibles de correctionnalisation (ou de contraven-
tionnalisation) .
c) Le tribunal doit se déclarer incompétent dans l'une des deux éventualités
suivantes:
1) Si la nouvelle qualification rend les faits correctionnalisés (ou contravcnti-
onnalisés) non susceptibles de disqualification.
2) Si la nouvelle qualification résulte de circonstances ignorées par la chambre
du conseil ou écartées par celle-ci.
(Voy. Cass. 16 oct. 1939; Pas. I. 418 et note R.H.; 7 fév. 194·1. Pas. I. 181 et
note L.C.; 17 déc. 1915, Pas. I, 291 et note R.J.B.).

B. L'ordonn:anoe de non lieu met un terme provisoire aux pour-


suites. L'instruction peut être reprise en cas de survenance de charges
nouvelles, ( cf. infra n° 161), mais la juridiction de jugement ne peut
pas être saisie par citation directe des mêmes faits, que ce soit à
charge des personnes inculpées, ou même des individus n'ayant fait
l'objet d'aucune mise en prévention au cours de l'instruction clô-
turée (2).
C. L'ordo1nnance d'internement par application de la loi de dé-
fense sociale est un jugemeint sur le bien-fondé des poursuites: La
juridiction d'instruction statue directement sur la culpabilité ( 3).

( 1) Loi du 4 oct. 18(,7, art. 5 ; Loi du 23 avril 1919, art. 3.


(2) Réµ. prat. dr. b. v 0 Procédure- pénale, n° 432 : Cass. 14 juin 19ü9; Pas. 1. 310.
(3) Cass. 12 mai 1930; Pas. I. 211 ; Rev. dr. pén. 677; 10 avril 1933; Pas. l. 201 ; Rev. dr. pén. 4R2.

158
Nous rencontrons ici l'un des défauts de la loi de défense sociale: Si cette
loi constitue, du point de vue du droit pénal un progrès indiscutable, elle
représente du point de vue de la procédure pénale, un regrettable retour en arrière.
Le système inquisitorial a été restauré dans toute sa rigueur. L'inculpé est jugé
sur pièces unilatérales ( 1), pratiquement sans débat public. La garantie du jury
prévue par l'article 98 de la Constitution a disparu en matière criminelle pour tous
les inculpés tombant sous le coup de la loi du 9 avril 1930.
Pour reprendre les termes mêmes de M. le procureur général Paul Leclercq dans
la critique judicieuse qu'il a consacrée à cet aspect de la loi de défense sociale (2).
« La garantie que constitue la juridiction d'instruction a disparu, car la juridiction
d'instruction est devenue juridiction de jugement ».
La procédure instituée en la matière ne tient pas suffisamment compte du fait
que les mesures de défense sociale, tout comme les peines ordinaires, ne peuvent
être légitimement appliquées qu'après démonstration de la culpabilité du prévenu et
que cette démonstration doit être entourée des mêmes garanties dans tous les cas.
Bien plus, l'anormal étant, en raison même de son état, moins capable qu'un
autre de se défendre, il aurait été légitime de prévoir des garanties supplémentaires
en sa faveur. L'évolution de la procédure s'est donc e1ffectuée, en l'occurence, dans
un sens regrettable.

158. - EFFETS DE L'ORDONNANCE DE CLOTURE


QUANT A LA DETENTION PREVENTIVE. - Si l'instruction
est clôturée par une ordonnance de dessaisissement, de non lieu ( 3)
ou de renvoi devant le tribunal de police ( 4), ou bien si le délit
motivant le renvoi devant le tribunal correctionnel n'est pas suscep-
tible de donner lieu à détention préventive, le prévenu est mis en
liberté.
L'article 131 du code d'instruction criminelle prévoit simplement l'élargissement
du prévenu si le délit ne doit pas entrainer la peine de l'emprisonnement; mais
cette disposition doit être mise en relation avec l'article 44 du code qui permettait
de décerner mandat d'arrêt lorsque le fait était susceptible d'emprisonnement cor-
rectionnel. Or, la loi du 20 avril 1874 a restreint le recours à la détention préventive
au cas où le fait est de nature à entrainer un emprisonnement correctionnel de
trois mois ou une peine plus grave. Il nous semble, dès lors, que l'article 1" de la
loi du 20 avril 1874 a modifié implicitement dans le même sens l'article 131 du
code. Il ne se concevrait, en effet, pas que le prévenu puisse être maintenu en
détention préventive sur base d'une ordonnance ne relevant à sa charge qu'un
délit pour lequel aucun mandat d'arrêt ne pourrait être légalement décerné.

Le prévenu libéré par application des articles 128, 129 ou 131


du code d'instruction criminelle est toutefois maintenu en détention
jusqu'après l'expiration du délai d'opposition prévu par l'article 135
du code.
Si l'instruction est clôturée par une ordonnance de renvoi devant
le tribunal correctionnel et que le délit relevé est susceptible d'en-

( 1) La faculté d'entendre les témoins, prévue par l'article 9 de la loi du 9 avril 1930 n'est. tclte
qu'elle est organisée, qu'une bien faible dérogation à cet usage.
( 2) Note sub. Cass. 12 mai 1930 : Pas. I. 211.
(3) lnstr. 128.
(4) lnstr. 129.

159
trainer la détention préventive, le prévenu qui se trouve en état
d'arrestation y demeure maintenu provisoirement.
Il faut toutefois qu'il soit, au moment de l'ordonnance, régulière-
ment détenu en vertu d'un mandat d'arrêt décerné du chef du délit
à raison duquel il est renvoyé au tribunal correctionnel ( l ) .

La chambre du conseil ne peut, en matière correctionnelle, or-


donner l'arrestation du prévenu qui se trouve en liberté.
Il y a, dans toute cette réglementation, une anomalie provenant du défaut de
coordination entre les dispositions légales relatives au rôle de la chambre du conseil
en matière de clôture de l'instruction et celles concernant ses attributions en matière
de détention préventive.
Il ne se conçoit, en effet, pas que la chambre du conseil, qui détient le pouvoir
de refuser de maintenir le mandat d'arrêt lorsqu'elle est saisie dans le cadre de la
loi de 1874, ne possède pas le même pouvoir lorsqu'elle clôture l'instruction.
Cette anomalie est encore accentuée par le fait que la chambre du conseil est
parfois saisie simultanément du dossier pour con!llrmation mensuelle du mandat
d'arrêt et pour renvoi du prévenu devant la juridiction de jugement, et statue sur
ces deux objets au cours d'une même audience.
Lorsque pareil concours de circonstances se présente, elle peut décider s'il y a
lieu ou non de renvoyer le prévenu sous les liens du mandat d'arrêt devant la
juridiction de jugement, alors qu'elle n'a pas cette latitude dans les autres cas
(cf. aussi infra n° 163).

159. - INCOMPETENCE DE LA CHAMBRE DU CON-


SEIL POUR STATUER SUR L'ACTION CIVILE SAUF EN
MATIERE D'INTERNEMENT PAR APPLICATION DE LA
LOI DE DEFENSE SOCIALE. - La chambre du conseil est
incompétente pour juger des mérites de l'action civile. Elle ne peut se
prononcer ni sur la recevabilité, ni sur le fondement d'une constitu-
tion de partie civile ( 2). Elle doit toutefois examiner, lorsqu'une
partie civile est constituée, si sa constitution est régulière, si le
plaignant a un intérêt à agir et est juridiquement capable à cette
fin ( 3).
Il existe cependant à la règle ci-dessus, une exception en matière
d'intememem.t par application de la loi de défense sociale : Cette
exception est motivée par le fait que la chambre statue, en ce do-
maine, directement sur la culpabilité.
La juridiction d'instruction qui ordonne l'internement d'un
inculpé atteint de démence ou d'anomalie mentale grave, est compé-
tente pour statuer sur l'action de la partie civile constituée au cours

( 1) Rép. dr. b. v 0 Procédure pénale, n° 420 ; Cass. 20 oct. 1902 ; Pas. 1. 357.
(2) Cass. 13 nov. 1950; Rev. dr. pén. 1950-51. 734. La décision de la chambre du conseil sur la
rccevabilitê de l'action civile n'aurait pas l'autorité de la chose jugée et ne lierait pas la
juridiction de jugement. (J. H. Suetens : L'nstruction - La chambre du conseil, no 330 f't
réf. cit. ).
(3) J. H. Suetens: L'instruction - La chambre du conseil. n° 328 et 329; Brux. 25 juin 1930:
Pas. Il. 176. Voy supra n° 118 et p. 125 note 6.

160
de l'instruction ( Loi du 9 avril 1930, art. 7 et 12). (Cass. 14 fév.
1944 ; Pas. I, 208 et avis de M. l'avocat général Janssens de
Bisthoven) ( 1 ) .

160. - L'OPPOSITION CONTRE LES ORDONNANCES


DE LA CHAMBRE DU CONSEIL. - Les ordonnances de la
chambre du conseil relatives au règlement de la procédure peuvent
faire l'objet d'une opposition qui porte le litige devant la chambre
des mises en accusation. Ce recours est, en principe, ouvert à toutes
les parties pour autant qu'elles puissent invoquer un préjudice (2).
II est ouvert au procureur du Roi dans tous les cas où la vindicte publique est
intéressée (3) : Le ministère public peut donc faire opposition à une ordonnance de
non-lieu, à une ordonnance de disquaHflcation, à une ordonnance entachée de nullité,
à une ordonnance de surséance à statuer ; par contre, il ne peut faire opposition à
une ordonnance prononçant le renvoi du prévenu malgré un réquisitoire tendant au
non-lieu, ou à une ordonnance refusant de disqualifier l'infraction, ou modifiant la
nature de la prévention ( 4).
Il est ouvert à la partie civile dans tous les cas où la partie publique peut,
elle-même, faire opposition (5).
II n'est ouvert à la défense que dans le seul cas d'incompétence du juge d'in-
struction et de la chambre du conseil et pour autant que le déclinatoire ait été
soulevé devant celle-ci (6). L'inculpé ne peut faire opposition dans les autres éven-
tualités, car, ou bien l'ordonnance ne lui cause aucun préjudice (ordonnance de
non-lieu), ou bien elle ne fait qu'autoriser des poursuites ultérieures, sans priver
l'inculpé d'aucun moyen de défense (ordonnance de renvoi, de disqualification,
etc.) (7).
L'opposition doit être faite dans un délai de 24 heures qui court,
à l'encontre du procureur du Roi, à compter du jour de l'ordonnance
et à l'encontre de la partie civile à partir du jour de la signification
de l'ordonnance faite au domicile .qu'elle a élu au siège du tribunal
( 8). A défaut de disposition légale formelle, il semble que le délai
doure également, à l'encontre du prévenu, à dater du jour de la
signification.
L'opposition est formée, en principe, par déclaration au greffe,
mais il est généralement admis que cette déclaration peut être rem-

( l} Si. au lieu de vider l'action civile, la chambre du conseil s'est bornée à renvoyer la partie
civile à se pourvoir comme de droit. le tribunal correctionnel ultérieurement saisi de la dite
action, sur citation notifiée à l'intéressé à la requête du ministère public, est, en tout
état de cause, tenu de se déclarer incompétent (Liège, 29 juin 1939; Pas. 1940, II. 10).
(2) lnstr. 135. Cass. 15 juin 1925, Rev. dr. pén. p. 733.
(3) Brux. Chambre mises 4 nov. 1898: Pas. 1899. Il. 67.
(4) Voy. Brux. 4 oct. 1843: Pas. 1817. II. 297; Gand 4 fév. 1858; Pas. II. 360; Liège 10 jan.
1863; Pas. 1867. II. 204; Gand 10 mars 1861 ; Pas, II. 141; Gand 19 juil. 1862: Pas. 1863. Il. 371.
(5) lnstr. 129, al. 2 et 135. La partie civile n'est donc pas recevable, en règle générale. à faire
opposition à une ordonnance de renvoi rendue conformément aux réquisitions du ministère public
(Brux. ch. ace. 14 mars 1929: Rev. dr. pén. p. 486). Néanmoins, en cas de contraventionna1isa.-
tion, même conforme aux réquisitions du procureur du Roi entrainant la mise en liberté du
prévenu, l'opposition serait recevable aux termes de l'article 135 du code. (J. H. Suetens:
L'instruction. La Chambre du conseil. n° 340).
(6) lnstr, 539, Brux. ch. mises 15 mars 1951 ; Rev. dr. pén. 1950-51. l 188.
( 7) Liêge 16 mai 1872 : Pas, II. 272.
(8) lnstr, 135.

161
placée par des actes équipollents, telle qu'une signification faite aux
autres parties en cause ( 1 ) .
Lorsque l'instruction est clôturée par internement de l'inculpé,
le droit d'opposition est remplacé par un droit d'appel (voy. supra
n° 155).

161. - REOUVERTURE DE L'INSTRUCTION POUR


CHARGES NOUVELLES. - Si, postérieurement à la clôture de
l'information par une ordonnance de non-lieu, rendue par la chambre
du conseil ( 2), des charges nouvelles viennent à être révèlées, le
procureur du Roi peut requérir le juge d'instruction de rouvrir son
informati0:n ( 3) ( 4). Celle-ci se déroule selon les règles habituelles et
se termine par une nouvelle oommunication du dossier, suivie d'un
nouveau rapport à la chambre du conseil ; celle-ci statue dans les
mêmes formes que lors du premier examen de l'affaire et décide s'il
y a lieli de confirmer le non-lieu ou de modifier sa décision primitive,
en considération des éléments nouveaux introduits au débat.
Il est indispensable, pour que la réouverture de l'instruction soit admise, que
l'accusation produise des charges nouvelles, c'est-à-dire des éléments (pièces, té-
moignages, etc.) ignorés lors du premier examen : Il ne suffirait pas de reprendre
les faits couverts par un non-lieu en opérant une simple transformation de leur
qualification primitive (5).
Constituent des charges nouvelles les éléments de preuve dont la juridiction
ayant rendu l'ordonnance de non-lieu n'a pu prendre connaissance que postérieure-
ment à cette ordonnance. ( Cass. 23 janvier 1950 ; Pas. I, 347).
La découverte, à charge d'un inculpé qui a bénéficié d'une ordonnance de
non-lieu, d'autres faits tombant sous la même qualification légale que ceux qui ont
fait l'objet de cette décision, n'apporte pas nécessairement, quant à ceux-ci, de
nouveaux éléments de preuve autorisant la reprise des poursuites. (Cass. 22 mai
1950; Pas. 1, 660).
La juridiction d'instruction ayant rendu une ordonnance de
non-lieu est seule compétente pour statuer sur l'existence de charges
nouvelles justifiant la reprise de l'instruction ( 6).

SECTION VI
La transmission des pièces au procureur général en matière de crimes,
de délits politiques et de délits de presse

162. - L'ORDONNANCE DE TRANSMISSION DES PIE-


CES. - Lorsque la chambre du conseil estime que le fait est
(1) Voy. Rép, dr. b. v 0 procédure pénale n° 442: Cass. française 9 juillet 1904; B. J. 1906, 63:
Pas. 1905. IV. 28'; Schuind, p. 469: contra: Liège 26 jan. 1932; Pas. Il. 137.
(2) Si le non--lieu résulte d'un arrêt de la chambre des mises en accusation. seule cette juridiction
peut ordonner la réouverture de l'instruction. (Voy. infra n° 174).
(3) Arg. art. 246 instr.
(4) La partie civile. même constituée devant le juge d'instruction. ne peut. à elle seule. provoquer
la réouverture de celle-ci : cette mission incombe au ministère public seul. De même, la partie
civile ne peut, en pareil cas, saisir la juridiction de jugement par voie de cita-
tion directe. (Jean Constant - La mise en acCusation; Novelles, Proc. pén. T. II. V. I. n° 11
228 et réf. cit. : Cass. 10 déc, 193-1; Pas. 1935. 1. 77: 25 juin 1951 ; Pas. I. 732).
(5) Brux. ch. cons. 18 juin 192-1 : Rev. dr. pfo. 62-1: Cass. 5 mars 1951 ; Pas. I. 455.
(6) Cass. 25 juin 1951 ; Pas. 1. 732.

162
passible de peines criminelles, ou qu'il constitue un délit politique
ou de presse, elle ordonne la transmission du dossier d'instruction
par le procureur du Roi au procureur général (instr. 133; décret du
19 juillet 1831, art. 8) .
En pareil cas, en effet, la chambre du conseil n'a pas le pouvoir
de renvoyer le prévenu devant la juridiction de jugement, ce soin
incombant à la chambre des mises en accusation.
La chambre du conseil n'ordonne cependant la transmission des
pièces qu'après avoir vérifié si l'action est recevable et s'il existe des
charges suffisantes, car elle a le pouvoir, en matière criminelle comme
dans les autres matières, de clôturer l'instruction par une ordonnance
de non lieu.
Lorsque la chambre du conseil ordonne la transmission des
pièces à raison d'un fait qualifié crime, il ne lui incombe pas de
relever les délits connexes révélés par l'instruction. C'est, en effet,
à la chambre des mises en accusation seule qu'il appartient de
donner aux faits motivant le renvoi du prévenu devant la cour
d'assises l'ensemble des qualifications légales sur la base desquelles
se prononcera la juridiction de jugement ( 1 ) .
II s'ensuit que, lorsque la chambre du conseil rend une ordon~
nance de non lieu à raison de délits connexes à un crime pour lequel
elle ordonne la transmission des pièces, cette ordonnance de non
lieu n'a qu'un caractère indicatif, ne lie pas la chambre des mises
en accusation et n'est pas susceptible d'acquérir force de chose
jugée (2).

163. - L'ORDONNANCE DE PRISE DE CORPS. - Outre


l'ordonnance de transmission des pièces, la chambre du conseil peut
rendre une ordonnance de prise de corps ayant pour objet d'assurer
ou de maintenir la détention préventive de l'inculpé (instr. 134; loi
du 20 avril 1874, art. 9).
L'ordonnance de prise de corps peut être insérée dans l'ordon~
nance de transmission des pièces ou être rendue par acte séparé ( 3).
Elle contient « le nom du prévenu, son signalement, son domicile,
s'ils sont connus, l'exposé du fait et la nature du délit» (instr. 134).
Les mentions relatives à l'identité du prévenu ne sont pas prescrites à peine de
nullité. Il suffit qu'il soit désigné de manière suffisamment claire. En revanche. l'ex-
posé sommaire des faits est requis à peine de nullité (1).

La chambre du conseil peut prescrire ou non l'exécution immé~


dia te de l'ordonnance.
(1) Cf. J. H. Suetens. L'instruction; 1a chambre du conseil. Novelles. Procédure pénale T. 1. 1,
n• 322. Rép. dr. b. v 0 Procédure pénale, n° 121.
(2) Cass. 27 fév, 1922: Pas. I. 176 d concl. de M. le Procureur général LeclefCQ.
(3) J. H. Suctens. L'instruction - La chambre du conseil. n° 321.
( 1) Rép. dr. b. v 0 Procédure pénale, n• 482.

163
En matière criminelle, l'ordonnance de prise de corps peut tou-
jours être décernée, son opportunité étant laissée à l'appréciation de
la chambre du conseil.
Il n'existe, en matière criminelle, aucune disposition semblable à celle de l'article
130 du code, prescrivant le maintien en détention du prévenu sous mandat d'arrêt,
comme conséquence de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ni
d'ailleurs de disposition prévoyant au contraire sa mise en liberté comme le font les
articles 128, 129 et 131.
Toutefois, il est évident qu'en vertu du prescrit formel de l'article 7 de la
Constitution, nul ne peut être maintenu en détention préventive sans disposition
légale expresse et titre judiciaire régulier.
Or, la chambre du conseil n'est plus habilitée à ordonner une nouvelle confirma-
tion mensuelle du mandat d'arrêt après avoir rendu l'ordonnance de transmission des
pièces ( l).
Dès lors, nous devons en conclure que si la chambre du conseil s'abstient de
rendre une ordonnance de prise de corps, le prévenu détenu doit être mis en liberté,
à tout le moins à l'expiration du délai d'un mois suivant la dernière confirmation du
mandat d'arrêt (2).
Par conséquent, la chambre du conseil possède, à l'égard de la détention préven-
tive en matière criminelle, des pouvoirs plus larges qu'en matière correctionnelle (3),
puisqu'elle décide souverainement du point de savoir si le prévenu d'un fait quaHfié
crime doit être placé ou maintenu en état d'arrestation.
Il y a là incontestablement une anomalie : Celle-ci provient du fait que l'article
134 du code prévoyait, avant sa modification par l'article 9 de la loi du 20 avril
1874, que l'ordonnance de prise de corps serait décernée en toute hypothèse, sans
que la chambre du conseil jouisse, sur ce point, d'un quelconque pouvoir d'appré-
ciation. La situation de l'individu prévenu d'un crime était donc plus défavorable
que celle de l'individu prévenu d'un délit, puisque ce dernier n'était maintenu en
détention que s'il s'y trouvait déjà, tandis que le premier devait y être mis en toute
éventualité. La loi du 20 avril 1874, en rendant l'ordonnance de prise de corps
facultative sans prévoir de disposition similaire en matière correctionnelle, a eu
pour effet de renverser la situation à J'avantage de l'individu prévenu de crime.
En matière de délits politiques, il ne peut être rendu d'ordon-
nance de prise de corps que s'il s'agit d'un des délits prévus au
titre pr du livre II du code pénal (Décret du 19 juillet 1831, art. 8,
modiné par l'art .. 5 de la loi du 19 juillet 1934).
En matière de délits de presse, il ne peut jamais être décerné
cl' ordonnance de prise de corps ( Décret du 19 juillet 1831, art. 8,
modi,fié par l'art. 5 de la loi du 19 juillet 1934).
Qu'advient-il lorsque le procureur du Roi requiert la chambre du conseil de
décerner une ordonnance de prise de corps et que celle-ci n'entend pas suivre ces
réquisitions ?
La chambre du conseil a l'obligation de rencontrer toutes les réquisitions du
ministère public. Elle ne peut donc simplement s'abstenir de décerner l'ordonnance
elle-même, car cela équivaudrait à rejeter implicitement le réquisitoire sans le rencon-
trer sur ce point.

( J) Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 105.


(2) Cf. et compar. Rép. dr. b. v 0 Détention préventive. n°• 169 et 172.
(3) Cf. supra n° 158.

164
Elle doit donc, à notre sens, rendre une ordonnance disant n'y avoir lieu à
ordonner la prise de corps, laquelle ordonnance est susceptible d'opposition devant
ta chambre des mises en accusation selon les règles normales ( 1).

SECTION VII
Le contrôle de l'instruction
161. - LE DROIT DE SURVEILLANCE, DE REQUISI-
TION ET DE RECOURS DU PARQUET. - Nous avons déjà
mentionné ( supra n°• 28 à 30) le droit de survcillanoe dont jouissent,
à des titres différents, le procureur général et le procureur du Roi
sur le déroulement de l'instruction préparatoire :
Le droit du procureur général (2) s'exerce sur un plan plus
large: il permet au chef du ministère public d'adresser aux ma-
gistrats instructeurs des directives générales et de veiller à ce
qu'ils remplissent leur mission comme il convient, sans pouvoir, ce-
pendant, leur donner des injonctions directes quant à des devoirs
qu'il estimerait opportuns.
Par contre, le droit du procureur du Roi ( qui, en raison de
l'organisation hiérarchique du parquet, n'est somme toute qu'une
extension de celui du procureur général) est plus direct et plus
concret: Le procureur du Roi doit être tenu au courant du
développement de l'instruction et peut, à cet effet, demander
oommunication du dossier à tout moment ; son intervention est re-
quise pour l'exécution de certains actes d'instruction ( transports sur
les lieux (3)) et admise pour l'exécution d'autres actes d'instruction
( auditions de témoins, interrogatoires de prévenus) ( 4), ce sont ses
auxiliaires directs, les ofüciers de police judiciaire, qui assistent le
juge d'instruction dans le déroulement de l'information; enfin, il peut
requérir le juge d'instruction d'accomplir un ou plusieurs actes d'in-
struction déterminés, de procéder, par exemple, à l'audition de tel
témoin, à la perquisition de tel immeuble, d'ordonner telle expertise,
de mettre tel inculpé sous mandat d'arrêt. Le juge est tenu soit de
satisfaire à cette réquisition, soit de rencontrer celle-ci par une
ordonnance motivée de rejet contre laquelle le parquet possède tou-
jours un droit de recours.
Ce recours, bien qu'il soit dénommé «opposition» est en réalité
un appel qui porte la procédure devant la chambre des mises en
accusation.
Aucun texte légal ( 5) ne prévoit l'existence, ni, a fortiori, les
formes de cette opposition dont l'origine doit être recherchée dans
( 1) Cf. supra n° 160 et infra n° 169.
(2) lnstr, 279.
(3) lnstr. 62,
(4) Infra n°• 219, 230,
(5) L'<1,rt. 539 du c. in~tr. crim, y fait. toutefois, atlusion.

165
l'ordonnance de Colbert de 1670, réglant la procédure pénale en droit
français d'Ancien-Régime et qui s'est maintenue dans notre procédure
par voie coutumière ( 1 ) .
Cette forme d'opposition n'est pas soumise au délai prescrit
par l'article 135 du code d'instruction criminelle, réglant l'opposition
aux ordonnances de la chambre du conseil : Elle est recevable aussi
longtemps qu'une ordonnance de la chambre du conseil, réglant la
procédure, n'a pas clôturé l'instruction (Bruxelles, chambre des mises
en accusation, 23 novembre 1897; Pas. 1898. Il. 81 ).
A défaut de réglementation légale, l'opposition est formée de
la manière prévue pour les appels en matière pénale, c'est-à-dire
par déclaration au gr,df,e du tribunal auquel appartient Je juge
d'instruction ( 2) .
Le procureur du Roi transmet les pièces au procureur général
dans le plus bref délai.
Le procureur du Roi possède enfin, nous l'avons vu, un droit de
recours contre les ordonnances de la chambre du conseil ( cf. supra
n°" 139, 147, 155, 160).
Le procuœur général peut également saisir spontanément la
chambre des mises en accusation de la connaissance d'une affaire, par
un rapport accompagnée de réquisitions sur lesquelles la chambre est
tenue de statuer et d'ordonner ce qu'il appartiendra (3).
Ce droit appartient au procureur général même lorsqu'il n'y a
ni instruction, ni même information de parquet commencée ; il con-
serve ce droit jusqu'au règlement de la procédure soit par une or-
donnance de la chambre du conseil. prononçant ou bien le non-lieu
( 4), ou bien le renvoi devant le tribunal correctionnel ou le
tribunal de police, coulée en force de chose jugée, soit par un arrêt
de la chambre des mises en accusation prononçant le non-Heu ( 5),
le renvoi au tribunal correctionnel ou au tribunal de police, ou sta-
tuant sur la mise en accusation ( 6) et ordonnant le renvoi de l' in-
culpé devant la cour d'assises ( 7).
( 1)Voy. Cass. 17 déc. 1941. Pas. 1. 458.
( 2)lnstr. 203.
(3) lnstr. 218. 219, 250.
(4) Novelle.s. prnc. pén. T. li. V. 1. J. Constant. Les mises en acn:saticn, n° 153.
(5) Sans préjudice, bien entendu, de la faculté de provoquer une riouverture de l'in.st:~nicn par
suite de la survenance de charges nouvelles ( infra n() 174).
(6) lnstr, 235. Voy, infra n° 172,
(7) En vertu de l'art. 250 du c, instr. crim., le procureur gênéral. lorsqu'il trouve dan~ la notice
des causes correctionnelles ou de police que celles~ci présentt':nt des caractères plus ç;:ravcs, peut
ordonner l'apport des pièces dans la quinzaine: seulement de la réception de ia r:.otin pour
ensuite ëlre par lui fait. dans un autre délai de quinzaine du jour de la réception è.es pièces,
telles réquisitions qu'il estime convenables et par la chambre des mises en accusation être
ordonnt', dans le délni de trois jours ce qu'il appartiendra. II convient de signaler que l'envoi des
notices correctionnelles au procm·eur général a été supprimé: par une circulaire du ~1inistrc de la
Justkc du 21 juin 1926 (5ème Dir. Gén. 1ère sect. n° 55.450 A. P .. citée par J. Constant.
Novelies, Proc. pén. T. II. V. I. Les mises en accusation n° 183). Il a été rcmp1act en pratique
par un rapport hebdomadaire indiquant les infractions les plus graves découverte! au cours de la
semaine écoulée. ( Constant, n° 18-1 ).

166
165. - LE DROIT DE RECOURS DES PARTIES PRI~
VEES. - Les parties privées n'ont aucun droit général à être tenues
au courant du développement de l'instruction : Le dossier ne doit
être communiqué à la défense que dans certains cas limitativement
prévus par la loi : Confirmation mensuelle du mandat d'arrêt, clôture
de l'instruction, débat en chambre des mises en accusation sur l' op~
position aux ordonnances de la chambre du conseil, débat en chambre
des mises en accusation consécutif au transfert des pièces en matière
criminelle, débat en chambre des mises en accusation relatif aux
retards de l'instruction. La partie civile n'a qu'un droit officiel à la
communication des pièces encore plus limité: Il ne s'exerce qu'à
l'occasion de certains débats devant la chambre des mises en accu~
sation. D'autre part, les parties privées ne peuvent, à l'instar de
la partie publique, contraindre le juge d'instruction par voie de
conclusions à accomplir un acte d'instruction déterminé ou à motiver
son refus par voie d'ordonnance. Enfin, aucune intervention des
parties privées n'est légalement admise dans le déroulement de
l'instruction ( 1) .

i
Cependant, les parties privées partagent avec la partie publique
le droit de faire opposition aux ordonnances rendues par le juge
d'instruction, du moment qu'elles leur portent préjudice et de
porter la procédure devant la chambre des mises en accusation ; 1
ce droit de recours, comme celui du procureur du Roi, n'est pas
inscrit dans la loi, mais provient, par voie coutumière, de l' ordon~ .
nance de Colbert de 1670 ( Cass. 17 décembre 1941 ; Pas. I. 458). ·
Il s'exerce de la même manière que celui du ministère public.
D'autre part, les parties privées possèdent, dans certains cas,
nous l'avons vu, un droit de recours contre les ordonnances de la
chambre du conseil (cf. supra n°" 139, 147, 155, 160).

166. - LES POUVOIRS DE LA CHAMBRE DES MISES


EN ACCUSATION. - La chambre des mises en accusation est
l'organe régulateur de toute l'instruction préparatoire. A ce titre :
1°) Elle jouit de la plénitude de la juridiction d'instruction;
2°) Elle exerce un contrôle souverain sur le déroulement de
l'informatiom. et l'orientation des poursuites préliminaires.
3°) Elle est enfin, c'est là l'origine de son nom, la juridiction de
mise en accusation devant la cour d'assises.
Nous examinerons immédiatement les attributions de la chambre
des mises en accusation en tant que juridiction de contrôle de l'ins~
truction prépal'atoire.
Nous étudierons ensuite (infra n°" 176 et 177) sa mission de
juridiction de mise en accusation proprement dite.
( l) En France, au contraire, le conseil de l'inculpé assiste aux interrogatoires et aux confrontations.
(Voy. supra n° 10).

167
Nous analyserons enfin ( infra n°s 178 et ss.) les règles de pro~
cédlll"e et ( infra n°s 183 et ss.) le mode d 'administratiQll de la preuve
en usage devant cette haute juridiction.
Le contrôle de la chambre des mises en accusation est tantôt
facultatif, tantôt ohligaroirie ; il s'exerce de trois manières : par voie
d'annulation des ordolt1llances du juge d'instruction, ou de la chambre
du conseil par voie d'arrêt de plus ample informé, ou par voie
d'év10cation de l'affaire.

166bis. LE CONTROLE FACULTATIF DE LA CHAM.-


BRE DES MISES EN ACCUSATION. - Le contrôle de la cham-
bre des mises en accusation n'est facultatif qu'en matière correction~
nel1e ou correctio111nalisée ; en matière criminelle, il est toujours obli-
gatoire.
Le contrôle facultatif s'exerce lorsque la cause est déférée à
la chambre, soit par voie d'opposition ou d'appel, formés par l'une
des parties en cause, à l'encontre d'une ordonnance du juge d'instruc-
tion ou de la chambre du conseil. soit par réquisition du procureur
général.
Nous avons vu dans quels cas la voie de l'opposition r-tait ouverte au procureur
du Roi, à la partie civile ou à la défense à l'encontre des ordonnances du juge
d'instruction (supra n°' 164 et 165) et à l'encontre des ordonnances de la chambre
du conseil statuant sur le règlement de la procédure (supra n° 160). Nous avons
signalé également d'autres éventualités dans lesquelles un recours des parties saisit
la chambre des mises en accusation de la connaissance d'une instruction: Ce sont,
notamment, les recours relatifs à la détention préventive à l'encontre des ordonnances
de la chambre du conseil maintenant ou refusant de maintenir le mandat d'arrêt (!),
lesquels sont ouverts au procureur du Roi ou à la défense, selon les cas et ceux
relatifs à la mise en observation et à l'internement des anormaux délinquants (2)
ouverts au ministêre public et à la défense. Ces recours portent sur un objet étranger
à l'information proprement dite : néanmoins, comme il s'agit d'incidents de la procé-
dure d'instruction, et, vu l'absence de délimitation précise entre l'information et
l'élément juridictionnel dans le cadre de celle-ci, il semble admis que ces modes
d'opposition saisissent valablement la chambre des mises en accusation de la con-
naissance globale de l'instruction, et, par conséquent, lui permettent d'exercer son
contrôle sur l'information (voy. not. Brux. chambre des mises en accusation, 28
octobre 1931, J.T. 543; P.P. 480; Rev. dr. pen. 1121).
Enfin, nous avons signalé le droit reconnu au procureur général de saisir la
chambre des mises en accusation de la connaissance d'une affaire et les conditions
requises pour que ce droit pût s'exercer ( supra n° 164).

167. - LE CONTROLE OBLIGATOIRE DE LA CHAM-


BRE DES MISES EN ACCUSATION. - La chambre des mises
en accusation est tenue d'exercer un contrôle sur l'instruction pré-
paratoire dans deux éventualités déterminées :
1°) Toutes les instructions relatives à des affaires de la corn~
pétenoe de la cour d'assises ( crimes non-correctionnalisés, délits
politiques et de presse) doivent être soumises au contrôle préalable
{J) Loi du 20 avril 187-i (détention prêventivc), art. 19 et 20, supra n° 139.
( 2) Loi du 9 avril 1930. ( défense sociale) art 8, supra n°• 147 et 155.

168
de la chambre des mises en accusation qui peut seule ordonner le
renvoi de l'inculpé devant le jury ( 1). La transmission des pièces
par· le procureur du Roi au procureur général est ordonnée par la
chambre du conseil, lorsque celle~ci estime que le fait justifie des
poursuites criminelles ou rentre dans la catégorie des délits de la
compétence du jury ( 2).
2°) Toutes les affaires criminelles ou correctionnelles sur lesquelles
la chambre du conseil n'aurait pas statué dans les six mois à compter
du premier réquisitoire sont soumises à un examen de la chambre
des mises en accusation qui examine la cause des lenteurs de l'infor-
mation et prend toutes dispositions utiles pour y remédier s'il y a
lieu ( 3).
Ces affaires font l'objet d'un rapport du procureur du Roi au
procureur général ; ( 4) ce dernier expose à la chambre des mises
en accusation dans le mois les causes de la lenteur de l'information
et fait telles réquisitions qu'il juge utiles.
Le rapport du procureur du Roi au procureur général, et celui
du procureur général à la chambre des mises en accusation doivent
ensuite être renouvelés de trois en trois mois ( 5).
La jurisprudence décide que les rapports sur les lenteurs de
l'instruction ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure
(6). On admet, d'autre part, qu'ils ne sont pas requis à l'égard des
instructions à charge d'inconnu ( 7). En revanche, la Cour de Cassa~
tion a jugé qu'ils s'appliquaient aux instructions effectuées par un juge
d'instruction délégué par le premier président de la cour d'appel,
conformément aux art. 480 et ss. du code d'instruction criminelle ( 8).

168. - LA REFORMATION DES ORDONNANCES DU


JUGE D'INSTRUCTION. - La première mesure de contrôle que
peut prendre la chambre des mises en accusation est la réformation
des ordonnances du juge d'instruction qui lui sont déférées par voie
d'opposition (9) d'une des parties.
(1) Instr. 321, cf. supra n° 162 et infra n° 176.
(2) lnstr. 133, cf. supra n" 162.
(3) Loi du 20 avril 1874 (détention préventive), art. 26.
{"1) Le juge d'instruction ne doit pas communiquer d'office son dossier: Il incombe au procureur
du Roi de réclamer, et, au besoin, de requérir cette communication (Circ. justice 8 juil. 1880;
r,c. 1879-80, p. 721).
(5) Le délai de 3 mois court à partir du 6ème mois de l'instruction (B. J. 1876; 563; Rép. dr. b.
v 0 détention préventive, n° 338.).
(6) Cass. 7 lév. 1887; Pas. 1. 101; 28 avril 1902; Pa,. 1. 213.
(7) Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 331.
(8) Cass. 13 fév, 1899; Pas. 1. 118.
(9) l.a chambre possède é:galer..ient le droit, lorsqu'elle est saisie du dossier. d'annuler. même
d'office, tous les actes et ordonnances du juge d'instruction, même non frappés d'opposition.
contenant des nullités ou des irrégularitês; mais il s'agit là d'une manifestation du droit
d'évocation que nous examinerons ciwdessous ( infra n° 172). laquelle diffère essentiellement du
cas, envisagé ciwdcssus, où la chambre statue dans les limites du recours porté devant elle
(voy. cass. 17 déc. 1941 : Pas. 1. 458). Dans le premier cas, le juge de première instance est
dess<1isi. tandis que dans le second la juridiction de première instance reste saisie et la cour
exerce: un simple contrôle de caractère limité.

169
Le droit de réformer une ordonnance comporte celui de statuer
sur l'objet auquel se rapportait l'ordonnance annulée ( 1) : Aussi,
incombe-t-il à la chambre des mises en accusation d'ordonner dans
son arrêt l'accomplissement de la mesure d'instruction que Je juge
avait refusé d'exécuter (2) :
Supposons que le procureur du Roi ait requis le juge d'instruction d'entendre
un témoin et que le juge ait rejeté ces réquisitions par voie d'ordonnance, laquelle
est ultérieurement annulée par la chambre des mises en accusation, sur recours du
parquet : La chambre doit, en pareil cas, ordonner que soit accomplie l'audition de
témoin faisant l'objet du litige.
Lorsque le juge d'instruction, requis de décerner mandat d'arrêt, s'y refuse
par ordonnance motivée, le procureur du Roi peut former opposition devant la
chambre des mises en accusation (3).
Si celle-ci estime y avoir lieu de décerner mandat d'arrêt, elle le fait elle-même
et ne mandate pas à cette :fin un conseiller instructeur ou un juge d'instruction, car le
mandat d'arrêt est essentiellement un acte de juridiction (Cass. 17 déc. 1941, Pas. I.
458 ; 7 sept. 1950 ; Pas. I. 852) .
Dans une note d'observations jointe à l'important arrêt du I 7 décembre 1941
cité, M. le Premier avocat général Hayoit de Termicourt commente ce dernier point
et analyse les arguments en sens opposés qu'il soulève :
Les partisans d'une délégation à un conseiller ou même à un juge d'instruction
en vue de décerner le mandat, s'appuient sur la règle que la chambre des mises en
accusation ne peut accomplir elle-même un acte d'instruction. M. Hayoit de Termi-
court observe que cette règle est exacte, mais à la condition de ne comprendre,
dans l'expression « actes d'instruction» que les actes d'instruction proprement dits,
à l'exclusion des actes de juridiction, c'est-à-dire des décisions d'instruction.
Le mandat d'arrêt étant essentiellement un acte de juridiction, la chambre des
mises en accusation a le pouvoir et même, en principe, le devoir de le décerner
elle-même. (Voy. et compar. Gand ch. mises, 24 avril 1945; J.T. 464 et note Jules
Fally). Les articles 235 à 237 du code d'instruction criminelle (évocation, désignation
d'un conseiller instructeur chargé notamment de décerner mandat d'arrét) ne sont
pas applicables dans l'éventualité envisagée, où la Cour n'évoque pas et laisse le
premier juge saisi de l'instruction, mais statue dans les limites d'un recours exercé
contre une des décisions de ce juge.
II est toutefois un cas où la chambre des mises en accusation ne pourrait décer-
ner elle-même le mandat d'arrêt: c'est celui où l'inculpé, non fugitif, n'a pas été
inter.ogé: L'interrogatoire préalable est, en effet, une condition essentielle de la
légalité du mandat d'arrêt et la chambre des mises en accusation ne peut accomplir
elle-même cet « acte de simple instruction». La solution est, en pareil cas, l'évocation
et la désignation d'un conseiller instructeur pour entendre l'inculpé et décerner le
mandat (Gand, 11 sept. 1951; R.W. 1951-52, 643; Rev. dr. pén., 1951-52, 562).
Le mandat d'arrêt décerné par voie de réformation de J'ordonnance du juge
d'instruction doit être confirmé par la chambre du conseil comme un mandat ordi-
naire ; le délai de 5 jours doit, en pareil cas, être calculé à partir de l'exécution du
mandat (Note R.H. sous cass. 17 déc. 1941 cité).
A quel magistrat doit être confiée la mission d'exécuter l'acte

(1) Voy. Cass. 17 déc. 1911; Pas. 1. 158.


(2) Gand. ch. mises 8 nov. 1923: Pas. 1921. Il. 33.
(3) La procédure suivie par la chambre des mises en accusation. en pareil cas, n'est pa~ ~umi~e
au principe du dêbat contradictoire institué par la loi du 20 avril J 871 : la chambre !ltn.tue .mn.t
avoir entendu l'inculpé ou son conseil (cf. infra n° 182).

1ï0
d'instruction ordonné par la Cour et d'achever l'instruction interrom~
pue 7 Il appartient à la chambre des mises en accusation de désigner
celui-ci.
II est aujourd'hui admis que la chambre peut désigner un autre
juge d'instruction de son choix ( Gand, ch. mises, 8 nov. 1923 ; Pas.
1924. II. 33; Gand, ch. mises 4 nov. 1947; Recht. Weekbl. 379);
cependant, ce juge d'instruction doit appartenir au même tribunal que
le juge ayant entamé l'instruction : La chambre des mises en accu-
sation ne peut, en effet, dessaisir la juridiction compétente pour in-
struire l'affaire, au profit d'une autre juridiction de même rang
incompétente, ce qui reviendrait à distraire le prévenu de son juge
naturel ( Cass. 18 sept. 1868 ; Pas. 1869. 1. 74).
Le problème de la désignation du juge appelé à reprendre l'instruction après
l'arrêt de la chambre des mises en accusation a fait l'objet de sérieuses controverses:
En effet, si la chambre a annulé une ordonnance du juge d'instruction antérieure-
ment saisi, par laquelle ce magistrat refusait d'accomplir un acte d'instruction ( 1),
il n'est ni souhaitable, ni même absolument compatible avec l'indépendance de ce
juge, qu'il soit tenu d'exécuter lui-même un arrêt prescrivant ultérieurement
d'accomplir le dit acte (voy. la requête en règlement de juges de M. le Procureur
Général de Bavay du 5 aoüt 1868; Pas. 1869. I. 82). Néanmoins, la Cour de
Cassation a estimé, dans son arrêt du 18 septembre 1868 (2), que la chambre des
mises en accusation ne pouvait, après avoir annulé l'ordonnance du juge d'instruction,
renvoyer la procédure qu'à ce même juge d'instruction qui se trouvait encore
régulièrement saisi ; elle a, en conséquence, annulé un arrêt de la chambre des mises
en accusation de Bruxelles, renvoyant une procédure, après réformation d'une
ordonnance du juge d'instruction de Malines, au juge d'instruction d'Anvers chargé
de terminer l'information.
Cette jurisprudence a été renversée depuis lors et actuellement le renvoi à un
autre juge d'instruction est non seulement admis, mais même d'usage, lorsqu'une
ordonnance du premier juge d'instruction a été réformée.
Cependant, le problème n'est pas entièrement résolu, car si le renvoi à un juge
d'instruction appartenant au même tribunal apparait parfaitement légitime, en revan-
che le renvoi au juge d'instruction d'un autre tribunal reste incontestablement inter-
dit, car il constituerait une violation des règles de compétence. Dans les centres
importants, où il existe plusieurs juges d'instruction, il est toujours matériellement
possible de changer le titulaire de l'instruction ; mais il n'en va pas de même dans
les petits arrondissements où il n'existe qu'un seul juge d'instruction: Telle était,
d'ailleurs, la véritable di'lficulté qui se présentait dans l'aiffaire ayant fait l'objet de
l'arrêt du 18 septembre 1868 ; doit-on, en ce cas, suivre la thèse de cet arrêt, en
vertu de laquelle la procédure devait être renvoyée au même juge d'instruction seul
compétent? L'inconvénient de cette solution est qu'elle risque de porter atteinte
à la légitime indépendance de ce magistrat. Nous ne voyons, en pratique,
qu'une seule manière de résoudre cette dHlkulté: L'évocation de l'affaire par la
Cour et la désignation d'un conseiller instructeur.

169. - LA REFORMATION DES ORDONNANCES DE LA


CHAMBRE DU CONSEIL EN GENERAL. - La chambre des
mises en accusation possède le droit de réformer les ordonnances de

( 1) Bien entendu. lorsque l'arrêt de la chambre ne risque pas d'avoir pour effet de contraindre
le juge d'instruction à accomplir un acte contre l'exécution duquel jJ s'est prononcé, la chambre
peut, sans inconvénient, lui renvoyer la procédure en Yue de terminer l'instruction.
(2) Pas. 1869. I. 82.

171
la chambre du conseil, au même titre que les ordonnances du juge
d'instruction, lorsqu'elles lui sont déférées par un recours régulier.
Elle peut, par exemple, estimer la procédure complète alors que
la chambre du conseil avait sursis à statuer; inversément, elle peut
juger la procédure incomplète et ordonner un complément d'informa-
tion, alors que la chambre du conseil avait clos l'instruction.

170. - LA REFORMATION DES ORDONNANCES DE LA


CHAMBRE DU CONSEIL EN MATIERE DE DETENTION
PREVENTIVE ET DE PLACEMENT EN OBSERVATION
PAR APPLICATION DE LA LOI DE DEFENSE SOCIALE. -
La chambre des mises en accusation est saisie en degré d'appel des
ordonnances de la chambre du conseil statuant sur la confirmation
du mandat d'arrêt.
Elle prononce donc en dernier ressort sur le maintien de la
détention préventive ou la mise en liberté de l'inculpé.
La chambre des mises en accusation, saisie de l'appel du prévenu contre une
ordonnance de la chambre du conseil maintenant la détention préventive, peut, si
cette ordonnance est entachée d'irrégularité, mettre celle-ci à néant puis ordonner
elle-même le maintien de la détention (Cass. 19 juin 1939; Pas. 1. 317; 10 fév. 1943;
Pas. 1. 60; 13 déc. 1943; Pas. 1944. 1. 108; 1•• avril 1946; J.T. 237; Pas. l. 124).
Mais quid si la chambre du conseil avait refusé de statuer? Ce refus serait
illégal (voy. Brux. 9 déc. 1943; Pas. 1944, Il, 2; Gand 28 nov. 1944; J.T. 233
et note J. Fally) ; mais à supposer qu'il se soit produit, la chambre des mises en
accusation aurait-elle le droit de se prononcer sur le maintien de la détention aux
lieu et place de la chambre du conseil ?
Les chambres des mises en accusation de Bruxelles et de Gand, saisies du pro-
blème à un an d'intervalle, se sont prononcées en sens opposés (Voy. Brux. 9 déc.
1943 et Gand 28 nov. 1944 cités). La Cour de Bruxelles s'est jugée compétente pour
évoquer la cause par application de l'article 215 du code d'instruction criminelle et
ordonner le maintien de la détention, tandis que la Cour de Gand jugeait le mandat
caduc et non susceptible de confirmation. La Cour de cassation a tranché le problème
par son arrêt du 20 mars 1944 (Pas. I. 266). Elle a rejeté un pourvoi dirigé contre
l'arrêt de la Cour de Bruxelles du 9 décembre 1943 cité et a sanctionné la thèse
adoptée par celui-ci. (Voy. sur cette question Cass. 5 nov. 1923; Pas. 1924. I. 12
et Hayoit de Termicourt, « De la loi sur la détention préventive» Rev. dr. pén.
1924 pp. 409 et 410, n° 47).
La chambre des mises en accusation se prononce également sur
l'appel des ordonnances de la chambre du conseil prescrivant ou
refusant le placement en observation de l'inculpé dans l'annexe
psychiatrique d'un centre pénitentiaire ( 1 ) .
La chambre des mises en accusation statue sur la détention
préventive et sur la mise en observation toutes affaires cessantes ;
jusqu'à la décision sur l'appel, les choses restent en état (2).

( I) Loi du 9 avril 1930, art. 4. La chambre <les mises en accu!lation est également saisie de l'appel
des décisions du tribun.:1-l correctionnel relative-s au placement en ohserv~tion.
( 2) Loi du 20 2.vril 1874. art. 20 ; loi du 9 avril 1930. art. ~t. al. 2.

172
171. - L'ARRET DE PLUS AMPLE INFORME. - Le
second moyen par lequel la chambre des mises en accusation peut
manifester son droit de contrôle est l'arrêt de « plus ample informé »
( code d'instruction criminelle, art. 228), c'est-à-dire l'injonction don-
née à un juge d'instruction de procéder à une information nouvelle
sur les faits qui lui sont soumis. Le complément d'information peut
être ordonné soit d'office, soit à la demande d'une des parties.
Pour que la chambre des mises en accusation puisse ordonner
une information nouvelle par le premier juge ( 1), il faut d'une part
que l'instruction ait franchi le premier degré de juridiction, c'est-à-
dire que la chambre du conseil ait clôturé l'information, et d'autre
part que la Cour soit saisie soit par l'oppositio1t1 d'une des parties à
l'ordonnance de la chambre du conseil (2), soit en vertu d'une
ordonnance de transmission des pièces préalable à la mise en accu-
sation (3). Il faut, enfin, que la chambre des mises en accusation n'ait
pas elle-même épuisé sa juridictio,n.
Ces limites au droit d"ordonner une information nouvelle par le premier juge
découlent à l'évidence de la place affectée dans le code d'instruction criminelle à
l'article 228 qui règle cette matière : Cet article fait partie des dispositions réglant
l"intervention de la chambre des mises en accusation lorsque l'a'ffaire lui est déférée
après que la chambre du conseil a épuisé sa juridiction.
En outre, il est évident que la chambre des mises en accusation ne peut, sans
évoquer l'affaire, statuer sur les mérites d'une instruction et la déclarer incomplète
avant que la chambre du conseil n'ait, elle-même, été appelée à se prononcer à ce
propos.

La chambre des mises en accusation peut ou bien s'en remettre


à l'appréciation du juge commis, quant à la nature des actes d'instruc-
tion à accomplir, et libeller en termes généraux l'arrêt de plus ample
informé, ou bien préciser les actes qui doivent être exécutés ; dans ce
dernier cas, le juge est tenu d'accomplir les actes prescrits, mais ses
attributions ne sont pas limitées et il peut également procéder à tous
autres devoirs d'information qu'il estime nécessaires.
L'exécution du complément d'information est confiée soit au juge
d'instruction ayant procédé à la première information, soit à un autre
juge d'instruction choisi par la chambre des mises en accusation au
sein du même tribunal ( 4) ( 5).

( 1) li convient de ne pas confondre l'arrêt chargeant un juge d'instruction de procéder à une


information nouvel1e, lequel exclut l'évocation de l'affaire. et l'arrêt chargeant, après ëvocation.
un conseiller instructeur de procéder à une information nouvelle (voy. concl. de M. l'Avocat
Général Vanhoudt précédant Gand, ch. mises 1 nov. 1947: Recht, Weekbl. 1947, 379).
(2) In.str. 135. L'appel d'une ordonnance d'internement clôturant l'instruction saisit également la
cour de l'objet même des réquisions du procureur du Roi et du réglement de la procédure (Brux.
ch. mises. ace. 28 oct. 1931 : J. T. 543).
(3) lnstr. 133.
(1) Voy. supra n° 168.
( 5) lt appartient à la chambre de désigner le magistrat qui procédera au complément d'information.
L'arrêt qui se borne à ordonner d'informer sans commettre un magistrat pour remplir les fonctions
de juge d'instruction, contient une simple omission. qu'il appartient à la chambre des mises en
accusation de réformer, sans qu'elle donne ouverture à la ca.ssation (cass. française, 12 nov.
1926: D. H. 548, Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 161).

173
Certains auteurs enseignent que l'exécution du complément d'information peut
être confiée soit à un juge d'instruction, soit à un conseiller instructeur : Cette opinion
nous parait inexacte dans la mesure où elle s'applique au complément d'information
prévu par l'art. 228 ; en effet, ce qui distingue le complément d'information pur et
simple (art. 228) du complément d'information consécutif à l'évocation (art. 235),
c'est précisément que dans le premier cas la Cour laisse au premier juge le soin de
compléter son instruction, tandis que dans le second elle s'empare de cette instruction
et la confie à un de ses membres. Dès lors, il est clair que le complément d'infor-
mation prévu par l'art. 228 ne peut, par définition même, être confié qu'à un juge
d'instruction. (Voy. concl. de M. !'Avocat Général Vanhoudt, avant Gand, ch.
mises, 4 nov. 1947; Recht. Weekbl., 379).
Le juge commis possède les mêmes pouvoirs que lorsqu'il est
requis par le procureur du Roi. Il ne fait pas rapport à la chambre du
conseil. mais lorsqu'il estime que la procédure est complète, il tra.nlY
met le dossier au procureur général qui fait rapport à la chambre des
mises en accusation ( 1 ) . Celle-ci peut alors soit clôturer définitivement
l'instruction. soit ordonner un nouveau complément d'information.

172. - L'EVOCATION. - La chambre des mises en accusa-


tion peut enfin. et c'est là l'aspect le plus radical de son pouvoir de
contrôle. s',emparer complètement de l'instruction d'une affaire, évo-
quer celle-ci.
Ce pouvoir lui est conféré par l'article 235 du code d'instruction
criminelle, ainsi libellé : « Dans toutes les affaires, les cours (d'appel).
tant qu'elles n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer la mise en
accusation, pourront d'office. soit qu'il y ait ou non une instruction
commencée par les premiers juges, ordonner des poursuites. se
faire apporter les pièces. informer ou faire informer. et statuer ensuite
ce qu'il appartiendra».
Le pouvoir d'informer ou de faire informer dévolu à la chambre des mises en
accusation ne s'exerce pas uniquement dans les causes qui doivent être soumises au
jury; il s'étend aussi aux affaires correctionnelles et de police. (Cass., 18 déc. 1950;
Pas., 1951. I. 258).
Le droit d'évocation peut être exercé d'office, même en l'absence
ou à l'encontre des réquisitions du procureur général ( 2) et il
n'est même pas nécessaire qu'il y ait une instruction, voire même
une simple information du parquet commencée. Toutefois, la chambre
des mises en accusation ne pourrait se saisir spontanément d'un fait
aux fins d'évocation : Il est indispensable qu'elle soit saisie de
l'affaire à un titre quelconque ( opposition à une ordonnance du juge
d'instruction ou de la chambre du conseil; transmission des pièces,
rapport sur les lenteurs de l'instruction, rapport spontané du procu-
reur général) (3). D'autre part, le droit d'évocation ne peut être exer-
cé que si les instances d'instruction n'ont pas épuisé leur juridiction
relativement à l'affaire qui y est soumise: Celle-ci ne peut avoir fait

( 1) Pand. B. v° Chambre d~s mises en accusation, n° 105.


(2) Voy. Gand ch. mises ace. 22 déc. 1931 ; Pas. 1932. Il. 191.
(3) Voy. Liège 18 mars 1911 ; Pas. 1913. II. 66.

174
l'objet d'une ordonnance de la chambre du conseil. coulée en force
de chose jugée, clôturant l'instruction (par non-lieu ou renvoi
devant la juridiction de jugement, correctionnelle ou de police), ou
d'un arrêt de la chambre des mises en accusation par lequel celle-ci
épuise sa juridiction (non-lieu, renvoi devant la juridiction de
jugement) ( 1).
Le droit d'évocation permet à la chambre des mises en accusa-
tion de dessaisir les premiers juges, c'est à dire le juge d'instruction
et la chambre du conseil, d'une instruction en cours et de s'emparer
de celle-ci.
La chambre peut, en vertu de l'évocation, vérifier, même d'office,
tous les actes et ordonnances du juge d'instruction et de la chambre
du conseil, même non frappés d'opposition et les réformer s'ils con-
tiennent des omissions, des irrégularités ou des nullités; elle peut
ordonner que soient refaits les actes incomplets ou nuls ; elle peut,
enfin, ordonner de nouvelles informations et de nouvelles inculpa-
tions (2).
La chambre des mises en accusation ne peut, toutefois, procéder
elle-même à une instruction ( 3) : Elle doit confier cette mission à un
de ses membres qu'elle délègue comme conseiller instructeur ( 4) .
Le conseiller instructeur est investi de tous les pouvoirs du juge
d'instruction ; il peut déléguer un juge du tribunal de première in-
stance compétent, a:fin de recevoir les dépositions des témoins ( 5).
C'est la chambre des mises en accusation qui est compétente
pour confirmer le mandat d'arrêt décerné par le conseiller instruc-
teur délégué ensuite d'évocation (Cass. 18 fév. 1907; Pas. I. 125).
Lorsque son instruction est complète, le conseiller instructeur
communique le dossier au procureur général qui fait rapport ( 6) à
la chambre des mises en accusation.
Celle-ci peut alors soit clôtlll'er définitivement l'instruction, soit
ordonner de nouvelles mesures d'information.

173. - CLOTURE DE L'INSTRUCTION. - La chambre des


mises en accusation possède, à l'égard des instructions qui lui sont
déférées, les mêmes pouvoirs que la chambre du conseil pour
clôturer la procédure, soit par renvoi devant le tribunal correctionnel

(1) Voy. !nstr. 235 et infra n° 173.


(2) Voy. Jean Constant; Les mises en accusation n°ti 128 à 130. 133 et réf. cit. ; Braas; Procédure
~nale, n° 502.
(3) Elle peut. cependant, ordonner une expertise (Cass. fr. 31 aofit 1833; Dalloz, Rép, v 0 expertise,
n• 401. 3° ; Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 466).
( 4) lnstr. 236.
(5) lnslr. 237.
(6) lnstr. 238; cet article prévoit que le rapport du procureur général doit être fait dans les cinq
jours de la remise des pièces: Ce dtlai n'est pas prescrit à peine de nullité.

175
ou de police ( 1 ) , soit par internement de l'inculpé par applièatfon de
la loi de défense sociale (2), soit par un arrêt de non-lieu .( 3) ; elle
est. en outre, seule compétente pour clôturer les instructions relatives
aux affaires de la compétence du jury, par renvoi devant la cour
d'assises.
La partie civile peut se constituer directement devant la chambre
des mises en accusation ( 4).
Pas plus que la chambre du conseil, la chambre des mises en
accusation ne peut statuer sur l'action civile (5) ; il n'en va autrement
qu'en matière d'internement par application de la loi de défense
sociale, car en pareille matière les juridictions d'instruction émettent
un jugement sur la prévention ( 6).
La partie civile qui succombe dans son opposition doit être con-
damnée aux dommages intérêts envers le prévenu ( 7). La condam-
nation doit être prononcée même si le prévenu n'a pas postulé de
dédommagement et si l'ordonnance de non-lieu, confirmée quant à
certaines préventions, est réformée quant à d'autres ( 8).
Lorsque la chambre des mises en accusation estime que le
tribunal compétent ratione loci pour juger l'affaire n'est pas celui
auquel appartient le juge d'instruction qui l'a instruite, mais un
autre tribunal du ressort ,elle renvoie le prévenu devant ce tribunal
( 9). Si aucun tribunal du ressort n'est compétent, elle se borne à
rendre un arrêt d'incompétence, et c'est au ministère public qu'il
appartient de saisir la juridiction compétente ( 10).

17-1. - REOUVERTURE DE L'INSTRUCTION POUR


CHARGES NOUVELLES. - Lorsque la chambre des mises en
accusation a rendu un arrêt de non-lieu, elle a seule le droit d'or-
donner la réouverture de l'instruction pour surv,einanœ de charges
nouvelles ( 11).
Cette réouverture ne peut être provoquée qu'à l'initiative du
procureur général ; si les charges nouvelles sont découvertes par un
afficier de police judiciaire ou par le juge d'instruction, il ne peut
être procédé à une instruction ordinaire, mais la copie des pièces

( 1) lnstr. 230 ; cf. supra n° 152.


(2) Loi du 9 avril 1930. art. 7; cf. supra n° 155.
(3) lnstr. 229; cf. supra n° 152.
(4) Bruxelles 8 avril 1925: Rev. dr. pén. p. 487; Constant n° 58.
(5) Cass. 3 nov. 1930; Pas. 1. 318.
(6) Cf. supra n° 159.
(7) lnstr. 136.
(8) Cas,. 30 nov. 1903; Pas. 1904. 1. 62; 23 juil. 1934; Pas. 1. 368; 5 lév. 1940: Pa•. 1,
36: 10 juin 1942; Pas. 1. 148; il n'en va pas de même lorsque la chambre des mises en
accusation réforme une ordonnance de transmission des pièces et rend un arrêt de non .. Heu
(Rép. dr. b. v 0 procédure pénale. n° 448).
(9) Brux. 29 mars 1893 : Pas. Il. 230.
( 10) Constant n° 250.
(Il) Voy. instr. 247 et supra n° 161.

176
doit être transmise au procureur général ( 1 ) . La partie civile ne
pourrait .à elle seule provoquer la réouverture de l'instruction en
pareil cas ( 2) ( 3) .
Le complément d'instruction est effectué par un conseiller in-
structeur ; celui-ci est désigné, sur réquisition du procureur général,
par le président de la chambre des mises en accusation ( 4).
Contrairement au cas d'évocation, ce n'est pas la chambre elle-
même, mais en principe son président qui désigne le conseiller in-
structeur; il n'y aurait toutefois pas nullité si la désignation était
effectuée par la chambre tout entière ( 5).
L'instruction se déroule suivant les mêmes règles qu'en cas
d'évocation ( supra n° 172).

175.-'- EMPLOI DES LANGUES DEVANT LA CHAMBRE


DES MISES EN ACCUSATION. - Devant la chambre des mises
en accusation, toute la procédure est faite dans la langue employée
pour les actes d'instruction (6).

SECTION VIII
La cloture de l'instruction en matière de crimes,
de délits politiques et de délits de presse
176. - L'ARRET DE RENVOI. - Si le fait est qualifié crime
par la loi, si la Cour trouve des charges suffisantes pour motiver la
mise en accusation et enfin, si elle n'estime pas qu'il y a lieu, à raison
de circonstances atténuantes, de ne prononcer qu'une peine correc-
tionnelle (7), elle ordonne le renvoi du prévenu devant la cour
d'assises ( 8 ) .
Elle statue par un seul et même arrêt, sur les délits connexes
(9).
Le renvoi devant la cour d'assises est également ordonné lors-
que le fait constitue un délit politique ou de presse ( 10).
La qualification des faits doit être rigoureusement exacte et
conforme à la loi ( 11 ) .
(1) lnstr. 248. Le juge d'instruction peut, toutefois, décerner un mandat d'arrêt (instr. 248, al. 2).
(2) Voy. J. Constant: Novell,s: Proc. pén. T. II. V. 1. Mises en ace. n° 228 et rH. cit.: Cass.
10 déc. 1934 ; Pas. 1935. 1. 77.
(3) Voy. sur cette matière J. Constant. n° 11 222 et ss.
( 4) lnstr. 248.
(5) Voy. J. Constant. réf. cit.
(6) Loi àu 15 juin 1935 (emploi drs langues) art. 13.
(7) Cf. supra n" 152.
(8) lnstr. 231.
( 9) lnstr. 226.
( 10) Décret du 19 juillet 1831. art. 8.
(11) Cass. 2 oct. 1868: Pas. 1869. I. 84: ie•· juillet 1850: Pas. I. 320.

177
L'accusé est, en principe, renvoyé devant la cour d'assises de
la provinœ où l'instructiQn a été effectuée ( 1 ) .
Lorsque l'accusé ignore la langue véhiculaire en usage devant la cour d'assises
qui devrait connaître de la cause ou s'exprime moins facilement dans cette langue
que dans l'autre langue nationale, il est à sa demande, renvoyé devant la cour
d'assises du Brabant ou d'une autre province où la procédure se fait dans la langue
qu'il connait.
Si plusieurs accusés sont impliqués dans la même affaire, la demande n'est
toutefois accueillie que si elle est faite par la majorité (2).
La demande doit être introduite avant que la chambre des mises en accusation
ait statué ( 3).
Il ne peut être donné suite à cette demande que si l'accusé ne connaît réellement
pas ou mal, la langue de la cour d'assises normalement compétente (4).
La loi ne prescrit pas le renvoi à la cour d'assises la plus proche (5).

L'arrêt de renvoi saisit la cour d'assises. Il est attributif de


compétence. S'il est coulé en force de chose jugée, la compétence de
la cour d'assises est irrévocablement réglée ( 6).

177. -- L'ORDONNANCE DE PRISE DE CORPS. - Lors~


que l'inculpé est renvoyé devant la cour d'assises, la chambres des
mises en accusation peut décerner une ordonnance de prise de corps
( 7) si la chambre du conseil ne l'a déjà fait.
Si la chambre du conseil a mal qualifié les faits, la chambre des
mises en accusation peut annuler son ordonnance et lui en substituer
une nouvelle.
Les règles applicables à l'ordonnance de prise de corps décernée
par la chambre des· mises en accusation sont les mêmes que celles
qui sont prescrites pour l'ordonnance de prise de corps décernée par
la chambre du conseil ( 8) ( cf. supra n° 163).
L'ordonnance de prise de corps, qu'elle ait été rendue par la
chambre du conseil ou par la chambre des mises en accusation, est
insérée dans l'arrêt de rem:voi. Celui~ci contient en outre l'ordre de
conduire l'accusé dans la maison de justice établie près la cour
où il est renvoyé ( 9).
La chambre des mises en accusation peut en outre, si l'inculpé
a été laissé ou mis en liberté, décerner une ordonnance de prise

( 1) Rép dr. b. v 0 Procédure pénale, n° 478.


(2) Loi du 15 juin 1935, art. 20.
(3) Hayoit <le Termicourt. L'c-mploi des lan~uc~ en justice, p. 49.
(4) Hayoit de Termicourt. p. 49.
(5) Hayoit de Terrnicourt, p. 48.
(6) Ré-p. dr. b. v 0 Procédure pl"nale. n° 490. Compar. s11pra nt) 157.
(7) Loi du 20 avril 1874, art. 9.
(8) lnstr. 232.
(9) lnstr. 233.

178
de corps après l'arrêt de renvoi, jusqu'au jour fixé pour la compa-
rution ( 1).
Elle peut également ordonner l'exécution immédiate d'une ordon-
nance rendue antérieurement ( 2).
Aucun débat préalable n'a lieu devant la chambre des mises en accusation
lorsque celle-ci décerne une ordonnance de prise de corps ou en ordonne l'exécution
immédiate après l'arrêt de renvoi ( 3).
La chambre des mises en accusation peut enfin ordonner la mise
en liberté du prévenu détenu en vertu d'une ordonnance de prise de
corps décernée par la chambre du conseil ( 4).
Elle peut également ordonner la mise en liberté provisoire de
l'accusé depuis le renvoi jusqu'à la notiHcation de l'arrêt ( 5).

SECTION IX
La procédure devant les juridictions d'instruction

178. - GENERALITES. - La procédure devant les juridic-


tions d'instruction est loin de faire l'objet d'une réglementation
uniforme.
Trois textes légaux de base: le code d'instruction criminelle, la
loi du 20 avril 1874 sur la détention préventive et la loi du défense
sociale du 9 avril 1930 concourrent à la détermination des règles en
vigueur, lesquelles sont tantôt identiques bien qu'exprimées dans des
dispositions légales dilfférentes, tantôt similaires, quoique discordantes
sur des points de détail, tantôt franchement divergentes.
De plus, trois textes légaux distincts, promulgués en moins d'un
an, la loi du 25 octobre 1919, (art. 1•r XV); la loi du 23 août
1919, (art. 1•r) et la loi du 19 août 1920 ont introduit de nouvelles
règles de procédure contradictoire fort semblables les unes aux autres,
mais nullement coordonnées.
En dépit du fait que les juridictions d'instruction soient soumises
à autant de formes de procédure distinctes qu'il existe de matières
sur lesquelles elles sont appelées à statuer, nous estimons préférable
de présenter la procédure applicable devant ces juridictions sous
forme de synthèse, ce qui nous permet de dégager toutes les règles
uniformément valables, quitte à signaler les dérogations en usage
dans chaque matière particulière.

{1) Loi du 20 avril 187i. art. 9, al. 2.


(2) Rêp, dr. h. v 0 Détention préventive. n° )75.
(3) Constant. Les mises en accu!ation, n° 280.
(1) Loi du 20 avril 1871. art. 9, al, 3.
(5) Loi du 20 avril 1874, art. 7.

179
179. - REGLES DE PROCEDURE COMMUNES A LA
CHAMBRE DU CONSEIL ET A LA CHAMBRE DES MISES
EN ACCUSATION. - Les juridictions d'instruction siègent à huis~
clos ; leurs décisions ,ne sont pas prononcées en audience publique.
Cette double règle n'est qu'une conséquence du principe du secret
de l'instruction. Elle n'est d'ailleurs pas en contradiction avec le
prescrit de l'article 97 de la Constitution, car les juridictions d'in~
struction ne statuent pas sur la culpabilité mais bien sur l'existence
d'indices et leurs décisions n'ont pas le caractère de véritables juge~
ments ( 1).
Il existe cependant une exception à ces règles, due précisément
au fait que dans le cas envisagé, la chambre du conseil et la chambre
des mises en accusation statuent exceptionnellement sur la culpabi~
lité: Les débats préalables à l'internement d'un inculpé par applica~
tion de la loi de défense sociale sont publics, sous réserve de l'appli~
cation de l'article 96 de la Constitution, si l'inculpé le demande (2)
et la décision doit être rendue en audience publique ( 3).
Cette exception a, en revanche, été étendue par la loi à la mise en obsenntion
des inculpés, laquelle est précédée d'un débat public si l'intéressé le demande (4),
alors qu'en ce domaine il n'existait aucune raison de déroger au principe du secret
de l'instruction.

Comme toutes les décisions judiciaires, les ordonnances de la


chambre du conseil et les arrêts de la chambre des mises en accusa~
tion doivent être motivés et rencontrer les réquisitions du ministère
public de même que les conclusions des autres parties ( 5).
La loi s'en remet entièrement aux juridictions d'instruction pour l'appréciation
du caractère suffisant ou insuffisant des charges réunies par l'instruction et ces
juridictions n'étant pas tenues de préciser ces charges répondent adéquatement par
la seule constatation qu'il en existe, aux conclusions qui contestent cette existence.
De même, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si l'intérêt
public exige le maintien de la détention.
Le pouvoir souverain d'appréciation reconnu à la juridiction d'instruction, ne
l'exonère cependant pas de l'obligation de rencontrer les conclusions de prévenu
qui opposent soit un déclinatoire de compétence de la juridiction d'instruction soit
une exception ou qui soutiennent que le fait imputé fut-il constant, ne constitue
pas une infraction punissable (5).
Si la chambre du conseil, ayant rendu une ordonnance de non lieu, n'a pas
rencontré tous les points du réquisitoire du parquet et de l'instruction qui lui a été
soumise, le procureur du Roi doit ramener l'affaire devant elle, pour qu'elle rende
une ordonnance complémentaire, interprétative ou rectificative sur les points omis (6).

( 1) Jurisprudence constante; cf. not. Cass. 5 juin 1905 ; Pas. 1. 247; 21 oct. 191::! : P4'u1;. 1.
~27; 4 fév. 1918; Pas. 1. 211.
( 2) Loi du 9 avril 1930, ort. 9.
(3) Cass. 22 fév. 1938; Pas. 1. 65.
( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 5.
( 5) Cass. 2 juillet 1951 ; Pas. 1. 762 et note R.H. ; 20 juillet 1951 ; Pas. 1. 799 ; 6 juill,t
1953; Pas. 1. 889; Rev. dr. pén. 1951-52, p. 182 et 128.
(6) J, H. Suetens. L'instruction ---- La chambre du conseil n° 307.

180
La loi ne prévoit pas pour les débats devant les juridictions
d'instruction les formalités suivies pour la tenue des audiences et la
rédaction du procès-verbal devant les juridictions de jugement. Les
pièces de la procédure doivent néanmoins révéler que les débats
devant les juridictions d'instruction ont eu lieu conformément aux
prescriptions légales ( 1 ) .

179 bis. - L'EMPLOI DES LANGUES DEVANT LES JURI-


DICTIONS D'INSTRUCTION. - Devant les juridictions d'instruc-
tion, toute la procédure est faite dans la langue employée pour les
actes d'instruction ( 2).

180. - LA PROCEDURE DEVANT LA CHAMBRE DU


CONSEIL. - La chambre du conseil est saisie de l'affaire par le
rapport du juge d'instructiorn ( instr. 127) ( 3). Ce rapport constitue
donc la première phase essentielle du débat devant cette juridiction.
Les parties sont ensuite entendues dans l'ordre habituel : partie
civile, ministère public, défense.
Toutefois, le droit de participer au débat n'est pas reconnu à
toutes les parties en toutes matières.
La défense a le droit d'être entendue dans presque tous les cas
où la chambre du conseil est appelée à statuer : clôture de l'instruc-
tion ( 4). détention préventive ( 5), mise en observation et interne-
ment par application de la loi de défense sociale ( 6).
En vue d'assurer l'exercice de ce droit, le président de la cham-
bre saisie doit faire indiquer sur un registre spécial tenu au greffe,
les lieu, jour et heure de la comparution. Cette inscription est
effectuée quarante-huit heures au moins avant l'audience en matière
de règlem~nt de la procédure d'instruction ( 7), vingt-quatre heures
au moins d'avance en matière de détention préventive ( 8), trois
jours d'avance en matière de mise en observation de l'inculpé (9).
Le greffier doit donner avis de la fixation par lettre recommandée au

(l) Cass. 14 juin 1937; Pas. 1. 182.


(2) Lol du 15 juin 1935 (emploi des langues) art. 13. Voy. supra n°• 113 et 128.
(J) Liège, 9 janv. 1942: Pas. II. 79. J. H. Suetens. L'instruction - La chambre du conseil, no 282.
(4) Lol du 25 oct. 1919, article unique, XV, prorogée par la loi du 18 août 1928 et modifiée
par la loi du 22 juillet 1927 ; cf. cepenàant infra n° 181.
(5) Lol du 20 avril 18ï4, art. 4 et 5.
( 6) Lol du 9 avril 1930, art. 2.
(7) Loi du 25 oct. 1919, article unique XV, prorogée par la loi du 18 août 1928 et modifiée par
la loi du 22 juillet 1927. Ces dispositions sont également applicables lorsque la chambre du
conseil ordonne l'internement de l'inculpé par application de la loi de défense sociale (Brux.
ch. conseil. 7 mai 1931 : Rev. dr. pén. 872).
(8)" Loi du 20 avril 1874. art, 4. L'inscription au registre du greffe n'est toutefois prévue que Ion
de la première confirmation du mandat d'arrêt dans les cinq jours.
(9) Loi du 9 avril 1930. art. 3. La loi ne prévoit pas l'.1ccomplis.5ement de cette formalJté lorsqu'il
s'agit de statuer sur l'internement. Toutefois. il convient de s'en référer aux règles ordinaires
applicables en matière de règlement de la procédure.

181
prévenu et à son conseil ( 1). Toutefois, en matière de détention
préventive, seul le conseil de l'inculpé doit être averti.
La citation devant la chambre du conseil n'est pas nulle si, pour une cause
étrangère au fait du greffier, l'avis adressé par lettre recommandée à la poste au
domicile du prévenu n'a pas atteint celui-ci. (Cass., 9 juin 1952; Pas. I, 648).
Lorsque la chambre du conseil est appelée simplement à auto-
riser une mesure d'instruction, ( une exploration corporelle, par exem-
ple), elle statue néanmoins sans audition préalable de l'inculpé et
de son conseil ( 2).
La partie civile n'a qu' exceptionnellement le droit de prendre
part au débat devant la chambre du conseil: Cette faculté ne lui est
reconnue que lorsque la chambre du conseil est appelée à régler la
précédure d'instruction, soit en matière ordinaire ( dessaisissement,
non lieu, renvoi devant la juridiction de jugement, transmission des
pièces au procureur général en vue de la mise en accusation), soit
en matière de défense sociale (internement).
La partie civile est exclue des débats relatifs à la détention
préventive ( 3) ainsi que de ceux relatifs à la mise en observation de
l'inculpé ( 4).
Le ministère public prend des réquisitions en toute matière dont
la chambre du conseil est saisie. Toutefois, dans les cas où celle-ci
statue sans débat, ces réquisitions sont simplement écrites.
Les parties ont le droit de prendre connaissance du dossier dans
la plupart des cas où elles peuvent intervenir au débat. L'exercice de
ce droit est toutefois organisé selon des modalités fort différentes
selon qu'il s'agit du ministère public, de la défense ou de la partie
civile.
La communication des pièces au ministère public, préalablement
au débat relatif au règlement de la procédure, est expressément pré-
vue par l'article 127 du code d'instruction criminelle et constitue
une formalité substantielle, constatée par l'ordonnance de soit corn~
muniqué (cf. supra n° 149).
Dans les autres cas ( détention préventive, mise en observation)
elle n'est pas prescrite par la loi, mais le procureur du Roi peut
toujours faire usage de son droit de recevoir communication des
pièces à tout moment (cf. supra n°" 30 et 164).
Le prévenu ,et son conseil disposent d'un délai de quarante-huit

( 1) Lorsque l'inculpé est détenu. le pli lui est remis par le directeur de l'établissement pénitentiaire
ou son délégué qui atteste de la remise en lui faisant signer un accusé de réception jm ...
médiatement renvoyé à J' expéditeur : il y a, en pareil cas, dispense de la recommandation
(A.R. 20 jan. 1936, art. !••).
(2) Cf. supra n° 82 et infra n° 263.
(3) Hayoit de Termicourt, Rev. dr. pén. 1924. p. '107.
(1) Loi du 9 avril 1930, art. 2.

182
heures pour prendre connaissance du dossier au greffe, préalable-
ment au règlement de la procédure ( 1).
Le même droit est reconnu au seul conseil de l'i1t1culpé en matière
de mise en observation par application de la loi de défense sociale
(2) et de confirmation mensuelle de mandat d'arrêt (3). Toutefois,
le dossier ne doit pas être déposé au greffe préalablement à la pre-
mière confirmation du mandat d'arrêt dans les cinq jours de l'inter•
rogatoire ( 4).
Aucune disposition légale ne prescrit ni l'obligation d'avertir la partie civile, ni
la communication du dossier à celle-ci ; les usages des parquets ont, certes, pu
remédier, dans une certaine mesure, à cette lacune, mais il serait souhaitable, de legc
ferenda, que la partie lésée se voie également reconnaître le droit d'être avertie et
de prendre connaissance des pièces, corollaires indispensables du droit d'intervention
au débat que la loi lui confère.

181. - PROCEDURE DEVANT LA CHAMBRE DU CONSEIL SIMPLI-


FIEE EN MATIERE DE NON-LIEU, DE RENVOI EN POLICE, OU DU
CONSENTEMENT FORMEL DE L'INCULPE. - Lorsqu'il n'y a pas de partie
civile en cause, la chambre du conseil peut, sans autre formalité que le rapport du
juge d'instruction, rendre, sur le réquisitoire conforme du procureur du Roi, les
ordonnances de non-lieu et de renvoi au tribunal de police (5). Le législateur a
estimé que l'audition du prévenu ne se justifiait pas, la décision à prendre ne portant
aucun préjudice à ses intérêts, ou un préjudice trop minime pour justi'fier un débat.
Enfin, en vertu d'un usage constant, le prévenu peut valablement, par une décla-
ration expresse devant le juge d'instruction, renoncer au bénénce du débat contra-
dictoire devant la chambre du conseil et à la communication préalable du dossier (6).

182. - LA PROCEDURE DEVANT LA CHAMBRE DES


MISES EN ACCUSATION. - Il n'existe pas moins de trois formes
de procédure en usage devant la chambre des mises en accusation,
selon la nature des problèmes qui lui sont soumis ou le mode grâce
auquel l'affaire lui est déférée:
1°) L'examen de l'affaire se déroule unilatéralement et sans dé-
bat, conformément à la tradition inquisitoriale, lorsque la chambre
est saisie par voie d'opposition d'une des parties à une ordonnance
du juge d'instruction, ou par rapport et réquisitions directs du procu-
reur général : Le ministère public est présent, mais les parties privées
ne peuvent intervenir que par voie de mémoires ( 7). Encore, ne

( 1) Loi du 25 oct. 1919, art. unique XV. prorogée par la loi du 18 août 1928 et modifiée par la
loi du 22 juillet 1927.
(2) Loi du 9 avril 1930; art. 3.
(3) Loi du 23 août 1919, art, Jer,
{4_) Loi du 20 avril 1874, art. i:. Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 81.
(5) A. R. 24 mars 1936, art. 1er,
(6) Mais cet usage n'est, à notre sens, admissible que s'il ne porte aucun préjudice aux droits de la
défense. dont la sauvegarde est d'ordre public: Il convient donc, nous semble-t-il, de n'admettre
cette renonciation que lorsque le prévenu est en aveux sur toutes les préventions et• que l'affaire
n'a qu'une gravité minime,
( 7) lnstr. 222.

183
sont~elles pas averties de la sa1sme de la chambre des mises en
accusation et ne rec;oivent~elles aucune communication du dossier ( 1).
2°) L'examen se déroule contradictoirement à l'égard de toutes
les parties en cause ( ministère public, partie civile ( 2), défense)
lorsque la chambre des mises en accusation est saisie par voie d'op~
position d'une des parties à l'ordonnance de la chambre du conseil.
statuant sur le règlement de la procédure, ou à la suite d'une ordon~
nance de transmission des pièces, en vue de statuer sur la mise en
accusation ( art. 223 nouveau du code d'instruction criminelle ; loi du
19 août 1920).
La jurisprudence et la doctrine admettent que cette règle est
également applicable au débat sur les lenteurs de l'instruction prévu
par l'article 26 de la loi du 20 avril 1874 (3).
Enfin, en cas d'appel d'une ordonnance de la chambre du conseil
prononçant l'internement de l'inculpé ( loi du 7 avril 1930). la procé~
dure est également contradictoire à l'égard de toutes les parties.
Le dossier doit être mis au greffe, à la disposition des parties,
au moins dix jours avant la comparution ( 4) et elles peuvent en faire
prendre copie ( 5) .
Toutes les parties doivent être admises à intervenir dans le débat,
avant la délibération de la chambre, à peine de nullité.
3°) L'examen se déroule comtradictoirement à l'égard du minis~
tère public et de la défense, seulement, ( mais pas de la partie civile)
lorsque la chambre est saisie par voie d'appel d'une ordonnance de
la chambre du conseil statuant sur la détention préventive (loi du
20 avril 1874, art. 20) ou sur la mise en observation de l'inculpé
( loi du 9 avril 1930, art. 4).
Préalablement à la comparution, le dossier est mis pendant deux
jours, au greffe, à la disposition du conseil de l'inculpé; le greffier
avertit le conseil de l'inculpé par lettre recommandée ( 6) . Le minis~
tère public et la défense sont entendus avant que la cour statue.
Dans les trois éventualités, la procédure est ouverte par le
rapport du p1.1ocureur général ; la chambre des mises en accusation

(1) Voy. Brux. 17 sept. 1920: Rev. dr. pén. 429. Cass. 17 déc. 1941: Pas. 1. 458.
(2) La partie civile, non constituée au degré inférieur, peut se constituer pour la première fois
devant la chambre des mises en accusatton (Voy. J. Constant. Novelles. Proc. pén. T. 11.
vol. 1. mises en accusation n° 58 et réf. cit.),
(3) Cass. 13 fév. 1899: Pas. 1. 118: Rép. dr. b. v0 détention préventive. n°• 335 et 336.
(1) Ce délai n'est pas applicable en matière d'internement (défense sociale), bien que le dossier
doive également, en cette matière, être mis à la disposition des parties préalablement au débat.
(5) Le droit de lever copie des pièces n'existe toutefois pas lorsque Je débat a pour objet les
lenteurs de !"instruction (Brux. 31 mai 1890. Pas. II. 310).
(6) Cet avis n'est pas prescrit à peine de nullité. Le dHaut d'avertissement pourrait toutefois
devenir une cause de nullitl s'il avait préjudicJé un droit de défense de l'inculpé (Cass. 3 Juin
1929; Pas. I. 221 ).

184
se réunit. au moins une fois par semaine, pour entendre les rapports
de celui-ci et statuer sur ses réquisitions ( 1 ) . Les réquisitions du
procureur général doivent être écrités et signées ( 2) ( 3). Les parties
privées, lorsqu'elles sont admises à prendre part au débat, sont ensuite
entendues dans l'ordre habituel. puis la chambre délibère ( 4) et pro-
nonce son arrêt.
La chambre des mises en accusation statue en principe à la majorité ; toutefois,
l'unanimité est requise et doit être constatée expressément dans l'arrêt lorsque la
chambre réforme une ordonnance de non-lieu, une ordonnance favorable à l'inculpé
en matière de détention préventive (5), une ordonnance portant correctionnalisation
ou contraventionnalisation, ou lorsqu'elle décide elle-même la disquaHfication à
raison de circonstances atténuantes ( 6).

SECTION X

L'administration de la preuve devant les juridictions d'instruction

183. - REGLES GENERALES. - La chambre du conseil et la


chambre des mises en accusation statuent sur pièces ; les témoins ne
sont pas entendus. Elles n'ont ni l'une ni l'autre le droit de procéder
à une instruction orale.
L'ordonnance de renvoi est rendue en violation des droits de la défense si un
expert a fourni des explications verbalement à la chambre du conseil avant la
comparution du prévenu (Cass. 25 juin 1934 ; Pas. I, 341).

Les juridictions d'instruction forment donc leur opinion exclusi-


vement sur les procès verbaux d'audition unilatérale des témoins
établis par le juge d'instruction ou même par la police judiciaire, ainsi
que sur l'examen des pièces à conviction. La chambre des mises en
accusation peut, à cet eiffet, ordonner l'apport des pièces à conviction
qui sont restées déposées au greffe du tribunal de première instance
(7).

( 1) lnstr. 218.
(2) Rép. dr. b. v<> proc. pén. n° 457.
( 3) En matière de détention préventive et de dtfense sociale, le ministère public est simplement
entendu : mais si le procureur général prend, à cette occasion, des réquisitions relatives à I' instruc-
tion, celles•ci doivent être écrites et signées.
(4) Le code d'instr. crim. prévoit diverses règles de procédure: lecture des pièces par Je gref ...
fier, retrait du procureur général et du greffier avant la délibération, prononcé dans: les trois
jours, lesquelles ne sont pas prescrites à peine de nullité, à l'exception toutefois de celle qui
a pour objet d'interdire au procureur général d'assister au délibéré des juges, laquelle doit être
re::,ipcctée à peine de nullité de la décision (loi du 19 avril 1949),
(5) Loi du 18 juin 1869, art. 140, modifié par l'article 2 de la loi du 4 sept. 1891.
(6) Loi du 4 octobre 1867, art. 6, modifié par l'article 2 de la loi du 4 sept. 1891.
(7) lnstr. 228, al. 2.

185
184. - REGLES PARTICULIERES EN MATIERE D'IN-
TERNEMENT PAR APPLICATION DE LA LOI DE DEFENSE
SOCIALE. - Par dérogation à la règle générale en vertu de laquelle
les juridictions d'instruction ne statuent que sur pièces, la chambre
du conseil et la chambre des mises en accusation entendent les té~
moins lors du débat préalable à l'internement, si l'inculpé le de~
mande (1).
Les juridictions d'instruction ne sont toutefois pas obligées
d'entendre les témoins que produit le prévenu lorsqu'elles trouvent
cette audition inutile (2).
Les témoins prêtent serment conformément aux articles 155, 189
et 211 du code d'instruction criminelle et à l'arrêté du Prince Sou-
verain du 4 novembre 1814 ( 3) .
Les ordonnances rendues par les juridictions d'instruction en
matière d'internement comportant un jugement sur la culpabilité,
l'article 156 du code d'instruction criminelle relatif aux témoins
reprochables nous parait également applicable en la matière.

SECTION XI
Le recours en cassation contre les décisions
des juridictions d'instruction

185. - GENERALITES. -
A. - Un recours en cassation immédiat est ouvert à l'encontre :
1) des arrêts de la chambre des mises en accusation :
a) ordonnant le maintie,n de la détention préw1t1tive (4).
b) ordonnant la mise en observation du prévenu dans l'annexe psy-
chiatrique d'un centre pénitentiaire ( 5).
c) ordonnant l'internement d'un inculpé ( 6).
d) statuant sur la compétence du juge d'instruction, pour autant
toutefois que le déclinatoire ait été proposé devant la chambre
du conseil ( 7).
e) décidant n'y avoir lieu à poursuivre ( 8).

( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 9.


(2) Cass. 22 nov. 1938 ; Pas. I. 362; Rev, dr. pén. 1939, 132.
(3) Cass. 27 mars 1939; Pas. I. 172.
(i) Cass. 28 mai 1912: Pas. 1. 283: 23 déc. 1918; Pas. 1919. 1. 27; 26 juin 1922; Pas. J. 371.
La question est controversée en ce qui concerne )es arrêts refusant la détention du prêvenu (cf.
Cass. 9 oct. 1905 ; Pas. 1906, I. 7; note sous Cass. 5 sept. 1932; Pa,. 1. 212).
(5) Cass. 9 mai 1932: Pas. 1. 159.
(6) Cass. 8 juin 1931 ; Pas. 1. 187: 22 juillet 1931 ; Pas. 1. 223.
( 7) Cass. 23 juillet 1934 : Pas. 1. 369.
(8) Cass. 30 nov. 1903 ; Pas. 190i. 1. 62; 17 juin 1929; Pas. 1. 216.

186
f) ordonnant le re.nvoi de l'accusé devant la cour d'assises, pour
autant que la demande de nullité invoque l'un des moyens sui-
vants:
1°) le fait n'est pas qualifié crime par la loi.
2°) le ministère public n'a pas été entendu.
3°) l'arrêt n'a pas été rendu par le nombre de conseillers fixé
par la loi ( 1 ) .
4°) la chambre des mises en accusation ou la cour de renvoi sont
incompétenœs pour connaitre de la cause ( 2).
2) des ordonnances de condamnation rendues par le juge· d' instruc-
tion en application des articles 34, 80, 81 et 86 du code d'instruc-
tion criminelle ( 3) .
B. - Un recours en cassation est ouvert, après la décision met-
tant fin au litige, à l'encontre :
1 ) des arrêts de la chambre des mises en accusation :
a) rejetant une demande de mise en observation par application
de la loi de défense sociale ( 4).
b) refusant d'ordon;ner l'internement de l'inculpé ( 5).
c) prescrivant des devoirs complémentaires d'instruction ( 6).
d) décidant que n'est pas recevable l'opposition du prévenu à
l'ordonnance de re...'lvoi devant le tribunal correctionnel ( 7).
e) renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel ou de
police ( 8) ou ajoutant de nouveaux faits à ceux faisant l'objet
du renvoi (9).
f) renvoyant l'accusé devant la cour d'assises, lorsque le pourvoi
ne s'appuie ni sur l'incompétence, ni sur l'un des trois moyens
énumérés à l'article 299 du code d'instruction criminelle ( 10).
2) a) des ordonnances de la chambre du conseil, non susceptibles
d'opposition de la part du prévenu, renvoyant celui-ci devant
le tribunal correctionnel ou de police ( 11 ) .
b) des ordonnances de prise de oorps rendues par la chambre du
conseil ( 12) .
(1) lnstr. 299.
(2) Cass. 17 sept. 1887: Pas. 1. 363: 9 mars 1891 : Pas. 1. 92.
(3) Cass, 7 nov. 1855: Pas. 1. -12-1 : 28 avril 1868: Pas. I. 393.
(1) Ca••· 20 avril 193ï: Pas. 1. 123.
(5) Cass. 21 janv. 1935: Pas. 1. 125.
(6) Cass. 6 mai 1929: Pas. 1. 181.
(7) Ca••· 23 déc. 1935: Pas. 1936, 1. 102.
(8) Cass. 17 oct. 1932: Pas. 1, 276.
(9) Cass. 10 oct. 1932 ; Pas. 1. 270.
(10) Ca••· 23 mars 1920: Pas. 1. 104: 18 mai 1920; Pa,. 1. 161.
( 11 J Cas,. 13 juil. 1925 ; Pas. I. 342.
( 12) Cass. 4 mai 1920 ; Pas. 1. 131.

187
Nous prions le lecteur de vouloir bien se reporter, pour l'étude
de ces différents recours, aux traités spécialisés en la matière.
Les arrêts rendus par la chambre des mises en accusation sur
les lenteurs d'une instruction, ne sont pas susceptibles de faire l'objet
d'un pourvoi en cassation ( 1 ) .

( 1) Caso. 5 mai 1913 ; Pas. I. 216.

188
TITRE V

Les actes d'information et d'instruction

CHAPITRE PREMIER

LA DECOUVERTE DE L'INFRACTION

186. - GENERALITES. - Le point de départ de toute infor~


mation est l'acquisition, par la police judiciaire, de la connaissance
d'une infraction commise: Nous allons examiner quels sont les
moyens dont la police judiciaire dispose afin d'être tenue au courant
de l'existence des infractions.
Ces moyens sont essentiellement au nombre de deux : La con~
statation directe et la dénonciation. Lorsque cette dernière émane de
la partie lésée, elle porte le nom de plainte.

SECTION I'"
La constatation directe des infractions
187. - GENERALITES. - Il y a constatation directe chaque
fois qu'un représentant de la police judiciaire est le témoin d'un crime,
d'un délit ou d'une contravention, ou découvre des indices matériels
impliquant l'existence ou la preuve d'une infraction (traces d'effrac~
tion, dégradations, etc.).
Lorsqu'un officier ou un agent de police judiciaire découvre une
infraction ou relève des indices utiles, il a l'obligation ( 1) de rédiger
un procès~verbal décrivant les faits ou les indices qu'il a constatés;
s'il n'a pas qualité pour dresser procès~verbal. il doit faire un rapport
à son supérieur hiérarchique compétent ( 2).
La loi fait de certains officiers et agents de police judiciaire des témoins privi-
légiés dont les procès-verbaux faisant état de leurs constatations directes doivent
être crûs jusqu'à preuve contraire, voire même jusqu'à inscription de faux.
En règle générale, les procès-verbaux de police judiciaire ne valent néanmoins
qu'à titre de simples renseignements: Les procès-verbaux qui, en vertu de l'article
154 al. 2 in fine du code d'instruction criminelle, font foi jusqu'à preuve contraire,

( 1) Voy. supra n° 94.


(2) Voy. supra n° 75.

189
sont uniquement les procès-verbaux dressés par des officiers ou agents qui ont reçu,
par une disposition expresse de la loi, le pouvoir de constater par procès-verbal
certaines infractions particulières (Cass. 17 mars 1952; Pas. 1. 439 et concl. de
M. le Procureur général Hayoit de Termicourt).

188. - NULLITE DES CONSTATATIONS REALISEES A


LA SUITE D'UNE PROVOCATION DES REPRESENTANTS
DE LA POLICE JUDICIAIRE. - La constatation d'une infraction
n'est pas toujours le fait d'un hasard heureux, en vertu duquel un
policier surprend opportunément un malfaiteur en pleine action :
Souvent, elle n'est que la conclusion d'une longue surveillance exercée
sur des individus suspects; parfois même, elle est le résultat d'un
piège tendu par la police aux malfaiteurs.
Supposons qu'un commerçant constate la disparition régulière de sommes d'ar-
gent déposées dans la caisse de son magasin et alerte la police ; celle-ci soupçonne
plusieurs membres du personnel sans pouvoir en inculper aucun ; aussi, place-t-elle
intentionnellement dans la caisse une liasse de billets marqués, ce qui lui permet, peu
après, de prendre le voleur en flagrant délit.

L'emploi de méthodes destinées à permettre la prise d'un délin~


quant sur le fait est parfaitement légitime et absolument licite; ces
méthodes font d'ailleurs partie de la tactique policière et leur utili~
sation est souvent indispensable pour déjouer les ruses des criminels.
Mais encore faut~il que le légitime désir de la police judiciaire
de surprendre les délinquants n'entraine pas ses représentants à corn~
mettre des actions illégales; en effet, la police judiciaire ne peut
commettre dans l'exercice de sa mission aucune action illégale et toute
illégalité commise entraine la nullité de la procédure ( Concl. de M.
le Procureur Général Leclercq av. Cass. 10 déc. 1923 ; Pas. 1924.
1. 66) ( 1).
Cette règle a pour conséquence nécessaire la prohibition de toute
espèce de piège dont l'emploi constitue, en lui même, un acte délic-
tueux et notamment l'interdiction formelle de recourir à la pnovoca-
tion au délit dans le but d'en rendre possible la constatation ulté-
rieure.
Les exemples les plus caractéristiques de provocation se rencontrent à l'occasion
de la répression de certaines fraudes, notamment en m:citière de vente irrégulière
d'alcool, de substances prohibées, voire de produits rationnés: Un agent des accises
se fait servir un verre d'alcool en vue de dresser procès-verbal (Corr. Louvain 21
déc. 1931; R.W. 1931-32, 571) ; un douanier se fait passer pour un frontalier et
invoque sa fatigue pour obtenir une goutte de cognac ( Gand, 22 déc. 1928 ; Pas.
1929. II. 48) ; un contrôleur du ravitaillement envoie un comparse acheter en fraude
dans un magasin certains produits rationnés (Cass. 8 jan. 1945; J.T. 232). Mais la
provocation peut également apparaître dans d'autres domaines relevant du droit
pénal.

La jurisprudence décide à bon droit que l'emploi, par les repré-


sentants de la police judiciaire, de moyens de provocation destinés à
---------
( I) Voy. supra n°s 91 et ss,

190
induire un individu à commettre une infraction, afin de permettre la
constatation ultérieure de celle~ci constitue une action illégale et que
la constatation qui en résulte est dépourvue de toute validité (Cass.
8 jan. 1945 : J. T. 232 : Pas. 1. 81 ) .

189. - CONDITIONS REQUISES POUR QU'IL Y AIT


ILLEGALITE DU CHEF DE PROVOCATION. - Les conditions
requises pour qu'il y ait illégalité de la constatation en raison de la
provocation commise sont les suivantes :
1°) Il faut une provocation au sens légal du mot ( code pénal,
art. 66, al. 4 et 5), c' est~à~dire que le prévenu doit avoir été déter~
miné à commettre une infraction précise, d'une manière directe, par
dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machina~
tions ou artifices coupables. En effet, il est indispensable que l'acte
accompli par les représentants de la police judiciaire soit entaché
d'illégalité pour qu'il entraine la nullité de la constatation.
La jurisprudence ne consacre pas cette condition de manière explicite : Elle se
èontente d'exiger que le prévenu ait été déterminé ou provoqué à commettre le fait
délictueux (voy. note S. Huynen sous Cass. 8 jan. 1945; J.T. 232). Certaines
décisions, assez anciennes, estimaient que la provocation devait être accompagnée
d'actes de pression matérielle ou morale ( 1) ; la jurisprudence plus récente considère
le simple fait de la provocation comme suffisant.
Des commentateurs font une distinction entre les actes de provocation consti-
tuant une participation punissable au vœu de l'article 66 du code pénal, lesquels
entraîneraient la nullité, et les actes de provocation ne rentrant pas dans la définition
légale, lesquels ne feraient qu'ébranler la force probante du procès-verbal (voy. note
sous Gand, 22 déc. 1928; Pas. 1929. Il. 48) ; cette distinction nous parait assez
vaine, vu le caractère général de la définition de l'article 66: Comment pourrait-on
concevoir un acte de provocation, émanant de l'autorité chargée de constater l'in-
fraction provoquée, qui ne comporterait pas une « machination » ou un « arti,fice
coupable» (2) ?

2°) La provocation doit émaner de l'autorité ayant pour mission


de rechercher et constater l'infraction (3) : mais cette règle doit être
comprise dans un sens très large : Il faut et il st11ffit que la provocation
soit l'œuvre d'une personne ou d'une autorité quelconque, ayant
qualité pour constater l'infraction; il importe peu que l'acte illégal
soit exécuté par l'agent directement chargé de constater, par un
autre agent de l'autorité publique, ou par un tiers: Il suffit qu'un
dépositaire de l'autorité chargée de constater partage la responsahi~
lité de la provocation.
L'emploi d'un agent provocateur, n'appartenant pas à l'autorité chargée de
constater l'infraction, mais agissant sur l'instigation de celle-ci équivaut, évidemment,
à une provocation directe de la part de cette autorité ( 4).

(1) Gand, 16 juil. 1921; rev. b. po!., 262.


(2) Voy. sur la délinition de ces termes. Rép. dr. b. v0 infraction n°s 512 et 513.
{3) ·cass, 3 fév. 1911 : Pas. 1. 30.
(1) Voy. Cas.s. 8 jan. 1915: J. T. 232.

191
3°) La provocation doit avoir eu pour objet l'infraction qui
donne lieu à la constatation: ( 1) Il est, en effet, indispensable qu'il
existe un lien de cause à eiffet entre la provocation et l'infraction,
car sinon l'action illégale des représentants de la police judiciaire ne
pourrait porter atteinte à la validité de la constatation, celle-ci étant
indépendante de la manœuvre illicite.
4°) II faut que la provocation ait eu pour but de rendre possible
la constatation de l'infraction : La provocation doit nécessairement,
pour priver la constatation de sa validité, apparaitre comme un pro-
cédé illicite destiné à mettre un individu en contravention avec la
loi, dans l'intention de le prendre ensuite sur le fait.
Supposons, en ~ffet, qu'un agent des douanes incite un individu à frauder, en
lui promettant, moyennant une participation aux bénéfices du trafic illégal, de fermer
les yeux sur celui-ci. Les deux complices se livrent pendant quelque temps à leur
activité délictueuse, puis se font prendre : Il est évident que le fraudeur ne pourra
pas, dans ce cas, invoquer la provocation comme cause de nullité des poursuites.

190. - CONSEQUENCES DE LA PROVOCATION. - La


constatation, étant le fruit d'une action illégale, est privée de toute
valeur probante ; elle ne peut être invoquée à titre de preuve ni sous
forme de procès-verbal, ni sous forme de témoignage, ni sous forme
de dénonciation; l'aveu de l'auteur de l'infraction ne pourrait même
pas couvrir l'illégalité commise ; toute poursuite fondée sur la con-
statation illégale serait irrecevable ( voy. supra n° 92).

SECTION II
La dénonciation

191. - GENERALITES. - La dénonciation est la révélation


à la police judiciaire d'un fait délictueux ( crime, délit ou contraven-
tion) ; elle peut émaner d'une autorité publique, et porte alors le
nom de dénonciation officielle, ou d'un particulier et s'intitule alors
dénonciation privée.

192. - LA DENONCIATION OFFICIELLE. - Toute auto-


rité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l'exer-
cice de ses fonctions acquiert la connaissance d'un crime ou d'un
délit est tenu de le dénoncer sur le champ ( 2) : La dénonciation
officielle est donc, en principe, oblig'atoire.
En fait, cette obligation ne comporte aucune sanction. Les autorités publi-
ques (3). bien qu'elles dénoncent généralement les faits délictueux parvenant à leur

(1) Cass. 23 sept. 1942: Pas. 1. 199.


(2) lnstr, 29.
(3) Les représentants de la police judiciail'e, en leur qualité de fonctionnaires publics, sont, à
l'instar des autres autorités publiques tenus par l'obligation que leur impose l'art. 29 du code; cette
obligation acquiert même. en ce qui les concerne, un caractère: plus imphatH qu'à l'l-gard dee
autres officiers publics. vu la nature: particulière de Jeurs fonctions ( voy. supra n° 9'1).

192
connaissance, ne sont, en pratique, que moralement tenues de le faire. Toutefois, si
l'abstention d'un fonctionnaire public était la conséquence de présents ou de promes-
ses agrées, il encourrait les peines de la corruption ( 1).
La dénonciation officielle doit, en principe, être adressée au
procureur du Roi ( ou, éventuellement, à tout autre officier du minis~
tère public compétent) du lieu de l'infraction ou du lieu où le
prévenu pourrait être trouvé ( 2) ; en pratique, elle peut être corn~
muniquée à tout représentant de la police judiciaire qui en assure
la transmission, par la voie hiérarchique, au magistrat du ministère
public compétent.
La loi ne prescrit aucune forme déterminée pour la dénonciation
officielle: Celle~ci s°Eifectue habituellement par l'envoi d'une lettre
officielle exposant les faits répréhensibles, accompagnée du dossier
de toutes les pièces relatives à ceux~ci. Rien ne s'opposerait, d'ail~
leurs, à ce qu'elle fût faite verbalement, voire par téléphone.

193. - LA DENONCIATION PRIVEE. - Toute personne


qui a été témoin d'un attentat, soit contre la sûreté publique, soit
contre la vie ou la propriété d'un individu est tenue de le dénoncer
( 3). La dénonciation privée est donc obligatoire, en principe, en ce
qui concerne les infractions les plus graves ; elle est facultative à
l'égard des autres infractions.
Toutefois, l'obligation pour un particulier de dénoncer un fait criminel, même
lorsqu'elle existe, n'étant pas sanctionnée, n'a guère qu'une portée morale.

La loi détermine les formes dans lesquelles les dénonciations


privées doivent être faites ( code d'instruction criminelle, art. 31).
Ces règles n'étant, toutefois, pas prescrites à peine de nullité et leur
application s'avérant, au surplus, très difficile dans la plupart des
cas, elles sont tombées en complète désuétude et la dénonciation peut
être faite soit par écrit, soit verbalement, sans qu'aucune forme soit
exigée.
Il serait, au demeurant, difficile de justL'ier l'application de formes rigides en
ce domaine: La dénonciation n'est qu'un moyen d'information dont la police
judiciaire peut tirer parti; elle n'a aucun effet juridique, ni sur le droit d'information
que la police judiciaire possède en tout état de cause, ni sur l'action publique ; enfin,
une telle exigence serait contraire aux nécessités pratiques les plus évidentes du
travail d'information.

La dénonciation privée peut être adressée soit au procureur du


Roi ( 4), soit aux officiers de police judiciaire auxiliaires de celui~ci
( 5), soit même aux agents de police judiciaire ; elle est transmise,
dans tous les cas, au magistrat du ministère public compétent ( 6).
( 1) Voy. Rép. dr. b. v• proc. pén. n° 31.
(2) lnstr. 29.
(3) lnstr. 30.
(1) lostr. 30.
( 5) lnstr. 18 et 50.
{6) lnstr. 53 et 51.

193
Lorsque le dénonciateur est connu, il est habituellement entendu
en qualité de témoin, dans les formes usuelles ( 1 ) .
Toutefois, un membre de la police judiciaire peut toujours s'abs-
tenir de divulguer l'identité des personnes qui lui communiquent des
renseignements sous le sceau du secret: La Cour de Cassation a
délcidé, en effet, que les officiers de police avaient le droit de se
retrancher derrière le secret professionnel et de se refuser à faire
connaitre le nom de leur informateur, si celui-ci entendait ne pas
êtêre connu (Cass. 22 mars 1926; Pas. I. 310, Conclusions de M .
.I'Avoc:at Général Jottrand et réf. cit.). Dans ce cas. l'officier de
police se contente de relater dans son procès-verbal la teneur des
renseignements communiqués, sans préciser leur origine ( 2).
Enfin, il arrive fréquemment que la dénonciation ne prenne pas
un caractère personnel et direct, mais parvienne aux oreilles de la
police sous forme de rumeurs. de on-dit, des bruits plus ou moins
vagues et imprécis; si ces rumeurs présentent une consistance suf-
fisante, l'officier de police les relate dans son procès-verbal, à titre
de renseignements ( 2).

194. - LA DENONCIATION ANONYME. - La dénonciation anonyme pro-


voque, à bon droit, le mépris général, et nombreux sont ceux qui souhaiteraient qu'il
n·en fût tenu aucun compte. Ce désir, si respectable soit-il moralement, soulève
cependant des objections sérieuses d'ordre juridique et pratique.
Sur le plan juridique, le déclenchement de l'information ne dépend pas, en drnit,
de la dénonciation qui n'en est que l'occasion; quant à la mise en mouvement de
l'action publique, elle appartient d'office à la partie publique, sauf les quelques
restrictions prévues par la loi et elle est, par conséquent, absolument indépendante
de la dénonciation : Vu l'absence totale d'influence juridique de celle-ci, sur l'infor-
mation aussi bien que sur la poursuite, comment pourrait--elle être la source d'une
nullité?
Sur le terrain pratique, à moins de supprimer le droit d'information spontané
aussi bien que le droit de poursuite d'o:ffice de la partie publique, ce qui équivaudrait
à désarmer presque complètement celle-ci, il serait quasi impossible d'assurer effica-
cement la neutralisation effective des dénonciations anonymçs ; la police judiciaire
n'est d'ailleurs pas tenue de révéler ses sources d'information (3) et cette règle
répond à une nécessité sociale évidente.
Enfin, serait-il admissible que le caractère immoral de la dénonciation constitue
une raison suffisante d'impunité à l'égard de l'infraction elle-même?

Ajoutons, d'ailleurs, qu'il arrive parfois que la dénonciation ne soit que for-
tuitement anonyme et ne présente, par suite, aucun caractère immoral : Le citoyen
qui alerte la police par téléphone, pour la prévenir d'un incendie ou d'un accident
de roulage et qui oublie, dans son émoi, de révéler son identité peut-il être assimilé
au misérable qui dénonce son semblable par esprit de vengeance, sous le couvert

( 1) Voy. infra n°• 210 et ss.


( 2) Il serait, toutefois, légitime de n •attribuer à ces indications aucune valeur probante, à moins
qu'elles .soient vérifi~es et confirmées par une information subséquente; malheureusement, il n'est
pas interdit de communiquer des renseignements de cette nature ni au tribunal. ni même au
jury, ce qui leur confère en fait une certaine influence.
(3) Voy. supra n° 193.

194
d'un commode incognito? Pourtant, il y a dans les deux cas dénonciation anonyme
au sens juridique de l'expression.
Cependant, s'il est admissible que la dénonciation anonyme serve de base à
l'ouverture d'une enquête, encore faut-il que cette dernière s'entoure d'une discrétion
et d'un tact extrêmes, et, par dessus tout, il serait profondément regrettable que la
dénonciation anonyme se voie attribuer une quelconque valeur probante.

195. - LA DENONCIATION DE LA PARTIE LESEE.


LA PLAINTE. - La majorité des dénonciations émanent de per~
sonnes qui sont, ou se prétendent, lésées par l'infraction qu'elles
révèlent à la police judiciaire.
Ces dénonciations particulières portent le nom de plaintes; elles
se distinguent des dénonciations ordinaires par le fait qu'elles con~
tiennent, en même temps que la révélation des faits délictueux, une
demande de poursuites judiciail"e5 à charge des auteurs de ceux~ci.
A proprement parler, la dénomination de « plainte » ne devrait désigner que la
demande de poursuites judiciaires, à l'exclusion de la dénonciation qui l'accompagne
habituellement. Toutefois, la signification usuelle du mot « plainte » est consacrée par
le code d'instruction criminelle ( 1) et par un usage constant. Au surplus, vu le
caractère péjoratif des mots «dénonciation» et «dénonciateur», il serait peu oppor-
tun de les appliquer aux « plaintes » et aux · plaignants » ; il se manifeste plutôt une
tendance opposée: La police qualifie parfois de «plainte» ce qui n'est en réalité
qu'une dénonciation privée émanant d'un témoin non lésé par l'infraction. En
pratique, il est préférable d'éviter d'employer les termes «dénonciation» et surtout
«dénonciateur», car si la dénonciation d'un crime ou d'un délit doit être considérée
comme un devoir civique et est généralement tenue pour telle, en revanche le mot
qui désigne l'accomplissement de ce devoir est particulièrement impopulaire: Le
témoin d'un accident de roulage qui, très obligeamment, avertit la police, est un
dénonciateur au sens juridique de l'expression ; mais il serait probablement scandalisé
au plus haut point si ce nom lui était appliqué.

En tant que dénonciatiOill, la plainte ne se distingue en rien de la


dénonciation ordinaire quant aux règles de forme qui lui sont appli~
cables ( 2) ; elle peut être adressée au procureur du Roi ou à tout
officier ou agent de police judiciaire ( 3) ; elle est transmise, en toute
éventualité, au magistrat du ministère public compétent ; le plaignant
est habituellement entendu en qualité de témoin.
En tant que demande de poursuites judiciaires, la plainte appar~
tient au domaine de l'action publique; en effet, cette demande ne
présente un intérêt juridique que dans deux cas : Celui où elle est
indispensable pour permettre l'exercice de l'action publique ( adul~
tère, etc.) et celui où, accompagnée d'une constitution de partie
civile, elle met l'action publique en mouvement ( 4).

( 1) ln,tr. 65.
(2) lnstr. 65.
·(3) A la différence de la dénonciation ordinaJre, la plainte: ptut être: faite devant le juge d'in!Jtruc-
tion si elle: s'accompagne d'une constitution de partie civilt (instr. 63).
(4) Voy. instr. 63 et supra n° 118.

195
En pratique, il existe quatre manières de déposer plainte :
1°) Par déclaration devant un officier ou un agent de police judiciaire ; cette
déclaration est consignée dans un procès-verbal transmis à l'officier du ministère
public compétent.
Les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi ont qualité pour
acter les plaintes, et, par conséquent, la signature du plaignant au procès-verbal
n'est pas requise (1), bien qu'elle soit toujours souhaitable. Au contraire, les agents
de police judiciaire, (les gendarmes, par exemple), ne possèdent pas ce pouvoir et
les plaintes qu'ils reçoivent doivent être signées pour être valables (2).
2°) Par lettre adressée au procureur du Roi; dans ce cas, celui-ci fait
entendre le plaignant, pour confirmation, par un de ses auxiliaires (officier de police,
membre de la gendarmerie) afin d'établir de manière indiscutable l'authenticité de la
lettre et de recueillir, éventuellement, les renseignements complémentaires indispen-
sables.
3°) Par déclaration écrite remise par le plaignant entre les mains du procureur
du Roi; celui-ci mentionne sur la déclaration que la plainte a été confirmée devant
lui, date et signe avec le plaignant.
4°) Par déclaration écr.ite accompagnée de constitution de partie civile remise
par le plaignant entre les mains du juge d'instruction (3).

CHAPITRE II

LE TRANSPORT SUR LES LIEUX

SECTION 1re
Généralités

196. - OBJET. - Le transport sur les lieux a pour objet essen-


tiel de constater le corps du délit, son état et l'état des lieux et d'en
dresser procès-verbal ( instr. art. 32).
Les infractions peuvent être divisées en deux catégories :
1°) Celles où domine l'élément intellectuel: escroqueries, détournements, faux,
etc. ; en ce qui les concerne, l'examen de l'endroit où elles furent commises est,
presque toujours, sans grand intérêt pour l'information.
2°) Celles qui présentent un caractère essentiellement matériel: Meurtres, vols
avec effraction, incendies criminels, infractions de roulage, etc. Pour celles-ci, I' exa-
men des lieux et les constatations diverses qu'il permet peuvent orienter l'enquête de
manière décisive.
Ce sont essentiellement les infractions de cette seconde catégorie qui requièrent
et justifient un transport sur les lieux.

( 1) Voy. Rtp. dr. b. v" proc. pên. n° 205.


(2) Du moins en tant que plaintes, et non en tant que simples dénonciations rapporU:es a Utre: de:
renseignement,
(3) Voy. supra n• 119.

196
Les constatations que les enquêteurs peuvent être appelés à
faire au cours du transport sur les lieux varient selon les circonstances
de la cause:
a) Le corps du délit est resté sur les lieux ( cadavre, véhicule,
accidenté), ou s'identifie à ceux-ci (immeuble incendié) : Dans ce
cas, son aspect, son état, sa position peuvent constituer autant d'in-
dications précieuses.
b) Le délit a laissé des traces accusatrices : Armes, empreintes,
objets d~ toute nature dont l'examen peut faciliter l'identification du
coupàble.
c) Le délit a causé un dommage aux propriétés : Dégats, dégra-
dations, etc. Dans cette éventualité, le constat est utile non seulement
pour la bonne marche de l'enquête, mais aussi pour la sauvegarde
des droits de la partie civile.
d) La disposition des lieux détermine la culpabilité: Lorsqu'il
y a, par exemple, violation des règles de priorité en matière de
roulage.
Dans les diverses éventualités relevées ci-dessus, la descente sur
les lieux est souvent le plus important des actes d'information : de
la qualité des observations et des constatations qui ont pu être faites
alors dépend fréquemment toute la suite et le succès final de l'en-
quête ( 1).
En outre, les preuves matérielles qui peuvent être recueillies à
l'occasion d'un transport sur les lieux présentent une valeur probante
particulièrement grande, car elles ne dépendent pas, comme les
témoignages, des souvenirs plus ou moins fidèles d'une ou plusieurs
personnes.

197. - ACTES D'INFORMATION DISTINCTS EFFECTUES A L'OCCA-


SION DU TRANSPORT SUR LES LIEUX. - Le transport sur les lieux entraîne
comme corollaires naturels l'audition des témoins présents, la saisie des armes et
objets ayant un rapport avec le crime ou le délit, etc. Comme ces mesures d'informa-
tion ne sont, toutefois, pas une conséquence nécessaire de la descente et qu'elles
peuvent être ordonnées ou exécutées indépendamment de celle-ci, nous les étudierons
séparément et ultérieurement (2).

198. - PLAN. - Notre procédure pénale connait deux formes


de descente sur les lieux :
1 ) La descente de police.
2) La descente de parquet.
Nous allons examiner successivement l'une et l'autre.
( 1) Parfois. le transport sur les lieux n'est pas uniquement destiné à permettre l'examen de.s
localitts : Il rend, également. possible la réa1isation de certaines expériences: Dans les affaires
les ·plus graves, il est d'usage de procéder sur le théatre du crime à une reconstitution de
celui~ci ; cette opération permet de vérifier certaines affirmations des témoins et des inculpés
ou de contrôler les théories émises quant au déroulement du drame.
(2) Voy. infra n°• 202 et s. ; 251 et s.

197
SECTION Il
La descente de police

199. - GENERALITES. - La descente de police en vue


d'examiner l'endroit qui a été le théatre d'une infraction donne lieu
à deux opérations fondamentales : L'étude des lieux et la relation
descriptive qui en est le résultat.
Notre propos n'est pas d'entrer dans le détail des procédés
employés, ce qui serait plutôt l'objet d'un traité de police scientifique.
Signalons simplement que les procédés scientifiques modernes occu-
pent une large place dans la réalisation de cette mesure d'information.
Les procès-verbaux dressés à cette occasion et qui contiennent,
au vœu de l'art. 32 du code d'instruction criminelle, la description
du « corps du délit, de son état et de l'état des lieux» sont, s'il y
échet, habituellement complétés par des plans, croquis, etc., voire
par des reproductions photographiques, lesquels constituent des do-
cuments d'information extrêmement intéressants.
Tout officier ou agent de police judiciaire peut se rendre sur le
lieu d'une infraction et procéder aux constatations utiles.
Pour les infractions de faible gravité, les accidents de roulage, par exemple, cc
sont généralement de simples agents de police judiciaire ( gendarmes, agents de
police communale) qui se rendent sur place et procèdent aux constatations d'usage.
En revanche, pour les infractions de gravité moyenne (cambriolages, etc.) ou très
graves (meurtres, incendies criminels), ce sont des officiers de police judiciaire
( commissaires de police, officiers judiciaires du parquet), assistés de spécialistes
(photographes, techniciens en mati<'re d'empreintes digitales, etc.) qui oJ)È'rent la
descente.
La descente de police peut être renouvelée en cours d'informa-
tion autant de fois qu'il est nécessaire.

SECTION III
La descente de parquet

200. - GENERALITES. - Le transport de parquet répond à


la même préoccupation fondamentale que la descente de police :
L'examen des lieux dans leurs rapports avec l'infraction: Il est, en
effet, utile que les magistrats chargés de l'instruction de l'affaire et
des poursuites éventuelles aient, dès le point de départ de l'infor-
mation, une conception exacte des circonstances matérielles du crime
ou du délit. D'autre part, la mise en route de l'enquête requiert
souvent des mesures urgentes et il est utile que le juge d'instruction,
qui peut seul ordonner certaines de ces mesures, telles que perquisi-
tions, autopsies, expertises, etc. se trouve sur place pour prendre
sans retard la direction des opérations.
198
201. - REGLES. - Lorsque le juge d'instruction se transporte
sur les lieux, il est toujours accompagné du procureur du Roi et du
greffier du tribunal ( c. instr. crim. art. 62) (1 ) .
La présence du procureur du Roi n'est cependant pas prescrite
à peine de nullité et son refus d'accompagner le juge d'instruction
ne pourrait faire obstacle au transport projeté ( 2).
La présence du greffier est indispensable pour la rédaction du
procès-verbal. En cas d'urgence, le juge peut d'ailleurs assumer
comme greffier toute personne de nationalité belge agée de 21 ans
au moins qui prête le serment imposé aux fonctionnaires publics (3).
Le juge d'instruction se fait, en outre, habituellement accom-
pagner d'experts ( médecins-légistes ( 4), experts en balistique, etc.)
ainsi que d'officiers de police qui l'assistent dans ses opérations.
Les conseils de la partie civile et de la défense ne sont pas appelés à participer
aux opérations du transport sur les lieux. Cette exclusion se justifie dans une certaine
mesure en raison du fait que la descente de parquet, malgré ses formes judi-
ciaires, est un acte d'information, destiné à rechercher des preuves et requiert donc
le secret ( 5). La descente étant, d'ailleurs, une des premières mesures d'instruction
accomplies lorsqu'un crime est découvert, elle est très souvent réalisée avant toute
inculpation.
Toutefois, la descente répond également à un objet d'ordre juridictionnel dans la
mesure où elle contribue à former l'opinion du magistrat instructeur, laquelle influen-
ce elle-même la conviction des juridictions d'instruction et de jugement, par l'inter-
médiaire du rapport fait par ce magistrat à la chambre du conseil, de son procès-
verbal qui constitue une preuve, et de son témoignage devant la cour d'assises (6).
Or, si le transport initial de parquet a pour objet essentiel de recueillir des
preuves, les transports ultérieurs, notamment ceux qui tendant à la reconstitution
du crime, sont plutôt destinés à vérifier la valeur des thèses émises quant aux
circonstances du drame qu'à procéder à des constatations de police judiciaire:
l'aspect juridictionnel de l'opération devient donc, alors, dominant.

( 1) En cas de flagrant délit, soit le procureur du Roi ( instr. 32 et ss.) soit le juge d'instruction
( instr. 59) peuvent se transporter Î$olément sur les lieux et accomplir tous les actes d'in•
struction gui réclament. normalement, leur intervention conjointe : en pratique, ctttt: faculté
n'est plus utiJisée actuellement, car la facilité des communications modernes perme-t, sauf
circonstances tciut...-à,..fait exceptionnelles, l'intervention simultanée des deux magistrats.
(2) Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 3"15 et réf. cil.
(3) L. 18 juin 1869 (organisation judiciaire) art. 207.
(i) lnstr. "14.
(5) Bien que ce secret soit, en fait, très relatîf, vu la publicité donnée par la presse aux
descentes de parquet.
(6) Voy. supra n° 127.

199
CHAPITRE III

L'AUDITION DES TE..MOINS ET DES PREVENUS


SECTfON I'°

Généralités

202. - ROLE ET IMPORTANCE. - L'audition des person-


nes susceptibles de fournir des renseignements sur une infraction et
ses auteurs est la base de toute information pénale.
En effet, contrairement à ce qui se produit en matière civile. la
preuve écrite ne joue qu'un rôle accessoire en procédure pénale. Cer-
tes, il arrive parfois qu'un écrit soit la preuve maitresse d'une infrac-
tion ( chèque sans provision, faµx de toute espèce, lettre compromet~
tante, par exemple). mais dans l'immense majorité des cas, ce n'est
qu'en recueillant et en recoupant les déclarations des différentes per-
sonnes mêlées à un titre quelconque à une a1ffaire qu'il est possible
de reconstituer les circonstances de celle-ci et d'en démasquer ou
d'en confondre les coupables.
Parmi les individus susceptibles d'apporter des éclaircissements
sur les faits délictueux, l'auteur supposé de ceux-ci occupe, évidem-
ment une place capitale ; aussi, l'interrogatoire des suspects est-il
considéré comme un élément essentiel de l'information.

Par. 1er. - L'obligation de témoigner. ( 1)


203. - PRINCIPES. - Les témoins sont des auxiliaires indis-
pensables de la justice; c'est pourquoi, en matière pénale aussi bien
qu'en matière civile, ils ne sont pas libres de refuser leur témoignage:
La loi leur impose l'obligation de prêter serment et de dire, aux termes
de celui-ci, toute la vérité et rien que la vérité ; le témoin défaillant
peut être contraint par corps à venir déposer et son abstention l'ex-
pose à des sanctions pénales.
Toutefois, le témoin ne doit son témoignage qu'à la justice et
à elle seule: Le juge d'instruction, en tant qu'organe de celle-ci, peut
contraindre un témoin à déposer sous serment, mais un officier de
police ordinaire ne dispose d'aucun pouvoir similaire ; la police judi-
ciaire possède le droit d'interpeller un témoin et de recueillir sa
déposition, mais le témoin est libre en ce cas de se refuser à toute
déclaration ( 2) .
En outre, même en justice, le droit de contraindre un témoin à
déposer est soumis à certaines restrictions (voy. infra n° 222).
(!) Voy. infra n°• 217 et 222.
(2) Voy. lv1ercuriale de M. le Procureur général Servais. La police judiciaire des parquets ( 1921 ).
p. 20.

200
Enfin, l'obligation de témoigner n'a pas un caractère spontané:
Elle ne nait, juridiquement du moins, que lorsque le témoin est
interpellé dans les formes légales.

Par. 2. - Le droit au silence du prévenu.


204. - PRINCIPE. - Le droit au silence du prévenu est le
droit reconnu à celui~ci de ne révéler sur les circonstances de l'affaire
dans laquelle il est mis en cause que ce qu'il estime utile à sa défen~
se; il implique, comme contrepartie nécessaire, l'interdiction d'em~
ployer un quelconque moyen de contrainte, physique ou moral. pour
induire le prévenu à s'incriminer lui~même ( Cass. 21 février 1882 ;
Pas. I. 74).
Le droit au silence découle du plus fondamental des principes de
la civilisation : Celui de l'intégrité de la personne humaine ; il est
une des formes essentielles de la liberté individuelle.
S'il était, en effet, permis de contraindre par la violence, physique ou morale,
une personne à avouer sa culpabilité ou à témoigner contre elle-même, cette personne
se verrait à la merci de toute accusation, fondée ou non fondée, de tout soupçon
Justifié ou absurde; elle serait exposée sans défense à l'arbitraire le plus inhumain.
Le droit au silence est, avec !'habeas corpus, une des barrières fragiles mais irrem-
plaçables qui protègent l'individu contre cet arbitraire ; il est le corollaire, rigou•
reusement indispensable, du principe de la présomption d'innocence (1).

205. - LA MECONNAISSANCE DU DROIT AU SILENCE SOUS L'AN-


CIEN-REGIME: LA QUESTION. - La procédure inquisitoriale de l'Ancien-
Régime méconnaissait le droit au silence de l'inculpé de manière absolue : Celui-ci
était obligé de prêter serment avant son interrogatoire, son aveu pouvait être
obtenu au moyen de la« question», c'est-à-dire de la torture (2).
Indépendamment de son caractère odieux, l'absurdité de ce système était
évidente : Un aveu peut être arraché, au moyen de la contrainte, aussi bien à un
innocent qu'à un coupable et se valeur probante est donc matériellement nulle.
Vigoureusement dénoncée par Voltaire et Beccaria, la torture disparut de
l'arsenal légal des Etats civilisés dans le courant du XVIII• siècle.

206. - LA NARCO-ANALYSE. - (3) La découverte de substances telles


que le penthotal dont l'injection permet l'exploration du subconscient d'un individu
a .donné naissance à une nouvelle menace dirigée contre le droit au silence: L'emploi
de la narco-analyse comme moyen de contraindre le prévenu à révéler les secrets
qu'il dissimule aux enquêteurs.
A la différence de la torture, la narco-analyse n'inflige aucune souffrance; mais
au même titre que la torture, elle aurait pour efret, si elle pouvait être employée
comme moyen d'investigation judiciaire, de contraindre l'inculpé à s'incriminer lui•
même, contre sa volonté.
Toutefois, alors que la violence ne contribue en rien à la découverte de la
(1) Voy. supra n° Il.
(2) Voy. Donnedieu de Vabres; Traité de droit criminel. n° 8 1036 à 1042.
(3) Voy. La Liberté individuelle et un nouveau procédé d'expertise mentale; mercuriale prononcée
par ~,J. Tahon, Procureur général près la Cour d'Appel de Liége; J. T. 1947, ;os. Jean
Van den Bossche: la narco-analyse en p~ychiatrie lêgalc; J. T. 1948, 50; Corr. Seine 23 fév.
1949; J. T. 19-19. 201 et note W. Kleinemann.

201
vérité et accable l'innocent aussi bien que le coupable, le « sérum de vérité:,,
pourrait, en théorie du moins, constituer un moyen infaillible de démasquer ce
dernier.
Cette situation entrainerait une alternative terrible : il faudrait choisir entre la
liberté et la vérité.
Heureusement, nous n'en sommes pas là: De l'avis des hommes de science
les plus autorisés, la narco-analyse n'est, pas plus qu'un autre procédé d'interroga-
toire, capable de contraindre le prévenu à dire la vérité.
Il semble même qu'elle ne soit qu' accidentellement susceptible de provoquer
des révélations; d'autre part, la valeur de ces «révélations» serait, elle-méme,
douteuse: Celles-ci pourraient n'être qu'une simple manifestation de mythomanie.
Enfin, il semble que le patient ne soit nullement à l'abri, au cours de l'expérience,
des suggestions qui pourraient lui être faites : Tout au plus, la narco-analyse
permet-elle de démontrer l'existence d'une simulation, c'est-à-dire de battre en brèche
le système de défense du prévenu, sans pour autant élucider le problème de sa
culpabilité.
Dès lors, il parait évident que la narco-analyse doit être rejetée comme procédé
d'instruction au même titre et pour les mêmes raisons que la torture, l'atteinte qu'elle
porterait à la liberté individuelle étant de nature identique et entraînant des résultats
similaires ( 1 ) .

207. - LA PROTECTION DU DROIT AU SILENCE DANS


LA PROCEDURE PENALE ANGLAISE. - Le droit anglais con-
stitue le plus admirable réseau de protection des libertés individuelles
qui ait jamais existé ; il élève le droit au silence du prévenu à la
hauteur d'un véritable dogme juridique qui imprègne tout l'enseigne-
ment et toute la pratique des lois. Ce dogme est contenu dans la
célèbre formule qui doit être adressée au suspect avant tout interro-
gatoire, voire même avant toute déposition volontaire de sa part :
« Vous n'êtes pas obligé de parler sauf si vous le désirez, mais tout
ce que vous pourriez dire sera recueilli par écrit et pourra être
utilisé comme preuve; vous n'avez rien à espérer d'aucune promesse
de faveur et rien à craindre d'aucune menace qui pourraient vous
avoir été faites pour vous induire à avouer votre culpabilité éven-
tuelle » ( 2) ( 3) .
Le droit anglais ne se contente d'ailleurs pas d'énoncer un principe et de se
fier à la conscience sociale pour assurer son application : Il protège le respect du
droit au silence par une série de règles concrètes extrêmement précises et efficaces:
1°) Les déclarations du prévenu, faites autrement qu'en public et à l'audience,
sont frappées d'une suspicion de principe qu'il appartient à celui qui les a recueillies
d'écarter complètement avant de pouvoir se prévaloir des aveux qu'elles contiennent:
L'accusation doit rapporter la preuve que ces aveux n'ont pas été obtenus par la
crainte d'un préjudice ou par l'espoir d'tm avantage suscités par une personne
exerçant un pouvoir quelconque sur le prévenu ; elle doit établir que ces aveux
ne sont pas le résultat d'une pression (« inducement ») (4).
(t) En revanche, lorsqu'il ne s'agit plus de dëterminer la culpabilité: mais bien d'i:valuer le degré
de responsabilité de l'individu reconnu coupable, la na1·co~analys-e peut être consfdtrée coc:;me
un procédé utile d'expertise mentale.
(2) Voy. Criminal fustice Act. 1925 : s. 12.
(3) Cons. à ce su/et Richard Harrison, Whitehall 1212. (The story of the Police of London).
(4) Voy. J. Hoelller. Proctdure ptnale anglo-saxonne, n°• 27 et ss.

202
En pratique, l'officier de police qui a dressé procès-verbal de ces déclarations
doit, avant de pouvoir donner au tribunal lecture de ce procès-vrrbal, exposer sous
serment dans quelles conditions il a recueilli les aveux du prévenu et se soumettre
au contre-interrogatoire de la défense. Si ce minutieux interrogatoire de l'interroga-
teur laisse apparaître le moindre élément sérieux de suspicion, le tribunal interdit
la lecture des déclarations de l'accusé (1).

2°) La Cour suprême d'Angleterre a défini les règles ( « Judges' Rules ,;, ) que
doit respecter un enquêteur lorsquïl recueille la déposition d'un suspect.

En vertu de ces règles, lorsqu'un officier de police recherche l'auteur d'une


infraction, il peut poser des questions à toute personne, suspecte ou non, qu'il
estime susceptible de lui procurer des renseignements utiles; mais lorsqu'il a
l'intention d'inculper un individu, il doit avertir celui-ci, avant àe lui poser
aucune question, ou aucune question nouvelle, selon les cas, qu'il n'est pas obligé
de dire quoi que ce soit, sauf s'il le souhaite, mais que tout ce qu'il pourrait
dire serait consigné par écrit et pourrait être utilisé comme preuve (2). Le
même avertissement doit être donné au prévenu lors de la formalité officielle de
l'inculpation; aucun interrogatoire de détenu ne peut être effectué sans que cet
avertissement lui ait été donné au préalable ; cet avertissement doit être également
donné à l'inculpé qui exprime le désir de faire une déposition volontaire. Une
déclaration faite par un prévenu avant qu'on ait eu le temps de l'avertir n'est pas
irrecevable comme preuve en raison simplement de l'absence d'avertissement préa-
lable, mais en pareil cas lïntt<ressé doit être averti aussitôt que possible (3).

Un inculpé qui fait une déposition volontaire ne doit pas être contre-interrogé
et aucune question ne doit lui être posée, sauf pour dissiper l'ambiguïté éventuelle
de ses déclarations (4).
Lorsque deux ou plusieurs individus sont inculpés de la même infraction et
que Jeurs dépositions sont recueillies séparément, la police ne peut pas donner lecture
aux autres inculpés des déclarations de l'un d'entre eux, mais doit procurer à chacun
de ceux-ci une copie des dépositions de ses coïnculpés; elle doit, d'autre part.
s'abstenir d'encourager les intéressés à répliquer aux affirmations de leurs coïnculpés,
et si l'un d'entre eux en exprime néanmoins le désir, l'avertissement préalable habituel
doit lui être donné (5).

Les dépositions doivent, dans toute la mesure du possible, être actées et revêtues
de la signature de l'intéressé; celui-ci doit, au préalable, en avoir reçu lecture et
avoir été invite à y apporter toutes les rectifications souhaitées (6) (7).

( 1) Rappelons que, la procédure judiciaire anglaise étant rigoureustment séparée de la procédure


d'information, le tribunal ne reçoit aticunc communication du dossier d'information: Sïl
interdit la lecture des déclarations de l'accusé, il renonce donc au seul moyen qu'il possède
de prendre connais!!lance de celles--ci (voy. supra n° 101 ).
(2) Jadis, il était d'usage de prtvt:nir l'inculpé que ses parole pourraient être utilisées contre lui; de
ce fait. il pouvait arriver qu'un innocent refuse de se disculper, par crainte de voir ses
déclarations tourner à son détriment; '1.Ussi a--t.. il été décidé qu'il était prtférable d'avertir
simplement l'inculpé que ses paroles poun·aient être utilisées comme preuves (à charge ou à
décharge) ; mais l'ancienne forDtule était devenue tellement classique que la modification offi,.,
delle n'a pu que difficilement s'imposer dans la pratique: Aujourd'hui encore les mots « contre
vous » apparaissent fréqucmnu:nt - d à tort -- dans les ouvrages de fiction.
(3) Ru!es 1 à 6.
( 1) Si. par exemple. il a mentionné une heure sans dire s'il s'agissait du matin ou du soir, ou
s'il a donné un jour de la semaine et une date qui ne correspondent pas, ou s'il n'a pas
clairement fait comprendre: à quelle pen.onne ou à quel lieu il voulait faire allusion, il peut
être questionné autant que de besoin pour éclaircir le point douteux. (Rule 7).
(5) Rule 8.
(6) Rule 9.
(7) L., texte d,s « Judges Rules » est rapportê par Richard Harrison (Whitehall 1212. The •tory
of th< Polie< of London) p. 191.

203
Seuls les aveux recueillis conformément aux « Judges Rules » peuvent être
invoqués comme preuves en justice.
Dans la pratique, l'accomplissement de la formalité de l'avertissement préalable
(« caution ») est constatée par une mention au procès-verbal. laquelle est signée par
l'inculpé.

208. - LA PROTECTION DU DROIT AU SILENCE DANS


LA PROCEDURE PENALE BELGE. - Le droit au silence est
considéré, dans la procédure pénale belge, comme une prérogative
essentielle du prévenu.
Celui-ci ne peut être obligé de déposer comme témoin à
charge dans sa propre cause ; les dispositions qui rendent le té-
moignage en justice obligatoire ne lui sont pas applicables et l'appli-
cation à un prévenu de la peine prévue par la loi à l'encontre du
témoin défaillant serait illégale (voy. Cass. 30 avril 1945; Pas. 1.
152). L'inculpé ne peut être contraint de prêter serment et il n'est
même pas admis à le faire. Même une personne qui ne fait pas
l'objet de poursuites et qui est appelée à déposer comme témoin n'est
jamai tenue de donner des renseignements susceptibles de l'incriminer
elle-même ( 1 ) .
Cette garantie de principe exclut de la légalité toute forme de
contrainte, de quelque nature qu'elle soit, destinés à obliger l'inculpé
à entrer, contre sa volonté, dans la voie des aveux.
Un aveu obtenu sous l'empire de la contrainte serait aiffecté de
deux nullités, l'une de fond et l'autre de forme:
Au fond, cet aveu serait inexistant en vertu des principes géné-
raux du droit qui déclarent sans valeur le consentement qui a été
extorqué par la violence ( code civil, art. 1109).
Dans la forme, cet aveu serait nul comme étant le fruit d'une
action illégale; son contenu serait privé de toute valeur probante:
Le procès-verbal qui le constaterait ne pourrait pas être invoqué en
justice, à peine de nullité de la poursuite et du jugement ; la déposi-
tion de l'auteur de l'action illégale en qualité de témoin serait
également exclue à peine des mêmes conséquences ; les renseigne-
ments recueillis grâce à l'action illégale ne pourraient, eux-mêmes,
faire l'objet d'une dénonciation valable; enfin, la confirmation ulté-
rieure de l'aveu n'aurait même pas pour e:ffet de couvrir la nullité:
Celle-ci serait irrémédiable et toute poursuite ayant pour base l'action
illégale serait irrecevable ( voy. supra n° 92).
L'emploi de la violence à l'égard d'un prévenu constituerait, en
outre, une infraction qui, si elle était commise par un agent de l'au-
torité, présenterait une gravité particulière : En effet, en vertu des
articles 257 et 266 du code pénal, lorsqu'un fonctionnaire ou officier
(1) Voy. infra n° 220, 22:!.

204
public, un administrateur, agent ou préposé du gouvernement ou
de la police, un exécuteur des mandats de justice ou des jugements,
un commandant en chef ou en sous~ordre de la force publique, aura,
sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les person~
nes, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions le
mm1mum de la peine portée contre ces faits sera . . . doublé, s'il
s'agit de l'emprisonnement ,et élevé de deux ans, s'il s'agit de la
réclusion, de la détention et des travaux forcés à temps.

209. - LE DROIT AU SILENCE ET L'INTERROGATOIRE. - Dans


quelle mesure l'interrogatoire de l'inculpé est-il compatible avec le droit au silence
de celui-ci ? Cette question a soulevé et soulève encore de sérieuses controverses :
En faveur de l'interrogatoire, on peut faire valoir que celui-ci, dans la mesure
où il ne s'accompagne d'aucune tentative de pression, ne peut, strictement parlant,
pas représenter une violation du droit au silence, puisque l'inculpé n'est jamais tenu
de répondre ; d'autre part, l'interrogatoire permet au prévenu de se disculper dans
certains cas ; enfin il constitue, selon ses partisans, une nécessité d'instruction absolu-
~ent inéluctable.
A /'encontre de l'interrogatoire, on peut invoquer la violation détournée du
droit au silence qu'il représente, dans la mesure où il accule l'inculpé maladroit ou
impressionnable à reconnaître imprudemment sa culpabilité ou à faire des déclara-
tions qui peuvent se retourner contre lui, parceque leur inexactitude peut être
démontrée, ou par suite des contradictions qu'elles contiennent; enfin, le refus de
répondre, s'il est théoriquement possible, constitue cependant une présomption défa-
vorable qui serait évitée si l'interrogatoire était lui-même exclu.
Le droit anglais a longtemps été hostile au principe même de l'interrogatoire ;
la common law l'interdisait absolument et son introduction dans la procédure judi-
ciaire pénale est d'origine statutaire relativement récente ( 1) ; il est soumis, à
l'information, à des règles restrictives très rigoureuses, dont la principale est l'avertis-
sement ( « caution »), véritable conseil de défiance donné à l'inculpé ; à l'audience,
il ne peut être procédé à un interrogatoire que si le prévenu en manifeste le désir
formel : Dans la négative, il peut soit se taire complètement, soit faire une déclara-
tion non-assermentée et non susceptible de contre-interrogatoire ; dans l'affirmative,
il prête serment comme témoin à décharge et est interrogé par son conseil, puis
seulement après contre-interrogé par l'accusation (2) ; enfin, l'aveu du prévenu n'est
valable que s'il est rigoureusement libre : Le moindre encouragement, la moindre
menace indirecte sont considérés comme des moyens de pression ( « inducements »)
le rendement irrecevable.
Le droit de l'Europe continentale, au contraire, a conservé de ses origines
inquisitoriales une prédilection parfois abusive pour l'interrogatoire: Celui-ci con-
stitue une formalité quasi-essentielle, aussi bien à l'instruction qu'à l'audience; son
emploi est laissé à la discrétion de l'accusation et du juge et l'encouragement verbal
à avouer est admis comme parfaitement légitime.
A vrai dire, les deux conceptions sont également défendables : si l'individu
possède un droit imprescriptible à ne pas être contraint d'avouer sous l'empire de
la violence physique ou morale, ce qui est admis sans contestation par les tenants
des deux systèmes indistinctement, il est cependant permis de juger que l'épreuve
de l'interrogatoire est un moyen utile d'aboutir à la découverte de la vérité et
qu'elle ne risque guère de porter préjudice qu'au prévenu coupable, lequel est obligé
d'imaginer un système cohérent dans tous ses détails, et non au prévenu Innocent
qui peut difficilement se contredire, puisqu'il n'a qu'à s'en tenir à la réalité des faits.

( 1) Crimfnal Evidence Act, 1898.


(2) Voy. J. Hoeffler. Procédure pénale anglo-saxonne. n° 29.

205
C'est pourquoi, nous estimons, contrairement à l'opinion des juristes anglais,
que l'interrogatoire est une formalité substantielle de la procédure et qu'il ne peut
être abandonné à l'arbitraire de la défense.
Est-il, toutefois, opportun d'avertir le prévenu de son droit au silence ? Nous le
croyons : En effet, !"incertitude complète quant à ses droits dans laquelle notre
procédure laisse l'inculpé est surtout nuisible aux plus intéressants des accusés : les
délinquants primaires, voire les innocents ; les récidivistes chevronnés savent bien
quand ils ont intérêt à ce taire. Ne serait-il pas désirable, dès lors, surtout en faveur
de ceux qui abordent pour la première fois le redoutable appareil de la justice,
d"avertir le prévenu avant tout interrogatoire qu"il peut dire ce qu'il croît utile à
sa défense, mais qu'il n'est tenu ni de parler, ni de répondre aux questions qui lui
sont posées? Ceci, d'ailleurs, sans pour autant adopter la formule anglaise qui, trop
solennelle et trop dramatique, risque d'inciter un innocent à garder un silence parfois
inopportun.

SECTION II
L'audition des témoins et des prévenus par la police judiciaire

210. - GENERALITES. - Les officiers et agents de police


judiciaire procèdent couramment, au cours de leurs informations, à
des auditions de témoins et de suspects; c'est là un des aspects es-
sentiels de leur activité. Ils le font tantôt d'office, lorsqu'ils acquièrent
la connaissance d'une infraction par une plainte ou par toute autre
voie, et tantôt en exécution d'une apostille du procureur du Roi, du
juge d'instruction ou de l'~fficier du ministère public près le tribunal
de police, lorsque ces magistrats désirent recueillir des renseigne-
ments et chargent un officier de police de faire une enquête.
Le droit, reconnu à tout oifficier ou agent de police judiciaire,
de recueillir les dépositions des témoins et des prévenus découle du
pouvoir général d'information de la police judiciaire ( voy. supra
n°" 86 et ss.) et s'exerce dans les limites de celui-ci : En d'autres
termes, un officier de police possède le droit de questionner toute
personne, impliquée ou non dans une affaire, lorsqu'il estime que
cette personne est susceptible de lui procurer des renseignements
utiles, mais il ne possède aucun pouvoir de coërcition ( 1 ) à l'égard
de cette personne qui n'est jamais tenue de répondre à ses questions
et peut refuser son témoignage sans s'exposer aux sanctions pénales
prévues à l'égard des témoins en justice défaillants. De même, un
officier ou agent de police judiciaire peut valablement confronter
entre eux le prévenus, les témoins, ou certains prévenus et certains
témoins, pour autant que les intéressés se prêtent à cette mesure
d'information.

211. - LIEU DE L'AUDITION. - L'audition peut être eiffec-


tuée soit au domicile du témoin ou du prévenu, soit dans les bureaux
de la police, soit en tout autre endroit ; l'entretien doit, toutefois, se

( 1) Voy. toutefois infra n° 213.

206
dérouler en un lieu situé dans les limites du ressort territorial de
l'olfficier ou agent enquêteur ( 1).

212. - FORMES DE L'AUDITION. - IDENTITE. LAN~


GUE. INTERROGATOIRE, PROCES~VERBAL, SIGNATURE.
- L'ôfficier de police s'assure, au préalable, de l'identité du témoin
ou du prévenu et consigne à son procès~verbal ( 2) les noms, pré~
noms, état~civil. profession, lieu et date de naissance, domicile ou
résidence de l'intéressé. Il mentionne, ensuite, la langue dans laquelle
celui~ci s'exprime ( 3). Ces renseignements sont toujours relatés dans
la langue de la procédure ( 4).
La personne interrogée fait usage, pour sa déposition, de la
langue de son choix.
Sïl s'agit d'un inculpé ou d'une partie civilement responsable, ce choix est
laissé à son entière appréciation (5).
S'il s'agit d'un témoin, il fait, en principe, usage de la langue de la procédure,
sauf s'il demande à faire sa déposition dans une autre langue (6).

Lorsque l'officier ne connait pas la langue employée par la


personne interrogée, il fait appel au concours d'un traducteur juré;
les frais de traduction sont à charge du Trésor (7).
Dans la pratique, la déposition écrite de l'intéressé, consignée au procès-verbal,
commence par la formule « Je fais choix de la langue française (ou néerlandaise)
pour mes déclarations » ou toute autre phrase équivalente.

Dans les cas, prévus par les art. 16 et 17 de la loi du 15 juin


1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, où la
langue de la procédure est déterminée par la loi, sauf si l'inculpé
demande expressément qu'il soit fait usage d'une autre langue natio~
nale, cette volonté expresse doit être constatée au procès~verbal.
En pratique, la déposition de l'intéressé, s'il réclame le bénéfice de cette dispo-
sition, commence par les mots « Je demande expressément la procédure française
(ou néerlandaise) » ou toute autre formule similaire.

Toutes les dispositions se rapportant à l'application des lois


linguistiques sont prescrites à peine de nullité ( 8).

( 1) En effet. le procès-verbal de celui-ci serait théoriquement nul. s'il était dressé hors des limites
de son ressort territorial : toutefois, comme il pourrait être invoqué à titre de dénonciation des
renseignements qu'il contient, cette règle n'a guère d'importance pratique (voy. supra n° 8 4:3 et 72).
(2) Ou à son rapport, s'il s'agit d'un agent de police judiciaire n'ayant pas qualité pour dres.ser
procès-verbal ( voy. supra nos 73 e:t 75).
(3) L. 15 juin 1935 (Emploi des langues) art. 3i.
( i) Supra n° 71.
(5) Art. 3L al. 1.
(6) Art. 32, al. 1.
( 7) Art. 3!. al. 2 et 3, et 32. al. 2 et 3.
(8) Art. 40. al. 1. Cependant, tout jugement ou arrlt contradictoire qui n'est pas purement prépara-
toire couvre la nullité des actes <l.e procédure antérieurs. et les actes déclarés nuls interrompent
la prescription ( art. 40, al. 2 et 3).

207
L'audition de l'intéressé se déroule habituellement sous la forme
d'un entretien, au cours duquel l'ofücier lui pose les questions voulues.
L'officier consigne à son procès~verbal un résumé dans lequel
apparaissent les points essentiels de la déposition ; il donne lecture
de ce document à l'intéressé et lui demande s'il persiste dans ses
déclarations; dans l'affirmative, il en fait mention.
En pratique, la déposition est clôturée par les mots « lecture faite, persiste
et signe ». Si l'intéressé a demandé que des rectifications ou des additions soient
faites au texte initial. elles sont notées à la suite de celui-ci.

La déposition est .signée par l'intéressé et par l'officier verbali~


sant ; si la personne entendue refuse de signer ou est dans l'impossi~
bilité de le faire, il en est pris acte au procès~verbal.
Les formalités ci-dessus, à l'exception de celles qui concernent l'emploi des
langues, sont purement coutumières et ne sont, dès lors, nullement prescrites à peine
de nullité; il arrive, d'ailleurs, que les formes employées varient selon les corps de
police judiciaire: Les membres de la gendarmerie, par exemple, pour des raisons
d'ordre pratique, consignent toujours les déclarations qu'ils recueillent dans un
carnet de service que les personnes entendues sont invitées à signer ; les procès-
verbaux dressés ultérieurement ne contiennent qu'une copie de ces déclarations ( 1).
Il arrive également que la police judiciaire note sommairement certaines déclarations
sans les faire confirmer et signer par l'intéressé ; il est évident, toutefois, que la
valeur probante des déclarations non signées est beaucoup moins grande que celle
des dépositions revêtues de la signature de la personne entendue (2).

213. - POUVOIRS SPECIAUX DE COERCITION ATTRIBUES A CER-


TAINS OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE EN CAS DE FLAGRANr
DELIT. - Dans le cas de flagrant délit, le procureur du Roi et les officiers de police
judiciaire auxiliaires de celui-ci peuvent défendre que qui que ce soit sorte de la
maison ou s'éloigne du lieu jusqu'à la clôture de leur procès-verbal (3).

Tout contrevenant peut être arrêté (4) ; il peut être condamné par le juge
d'instruction, sur les conclusions du procureur du Roi, après avoir été cité et entendu,
ou par défaut s'il ne comparait pas, sans autre formalité ni délai et sans opposition
ni appel à une peine qui ne peut excéder dix jours d'emprisonnement et cent francs
d'amende (5).

La disposition de l'article 34 du code d'instruction criminelle, bien qu'elle confère


à la police judiciaire un certain pouvoir de coërcition à l'égard des témoins, ne doit
cependant pas être considérée comme une dérogation au principe que le témoignage
n'est obligatoire que vis-à-vis de la Justice (supra n° 203) : Si elle permet, en effet,
d'empêcher les témoins de se dérober, elle n'oblige toutefois pas-ceux-ci à commu-
niquer à la police, sous peine de sanctions pénales, les renseignements qu'ils détien-
nent.
L'application des peines prévues par l'article 34 est extrêmement rare.

( 1) En cas de contestation, le carnet doit, évidemment, être produit à titre de preuve.


(2) Dans certains cas, la signature est même indispensable (plainte nécessaire pour la mise en
mouvement de l'action publique recueillie par un agent de police judiciaire, par exemple),
(3) lnstr. 34, al. 1.
(i) Mais il ne peut être maintenu en détention plus de 24 heures, sauf si un mandat d'arrlt inttr-
vic~t à sa charge ( Constitution 7).
(5) lnstr. 34, al. 2 et 3.

208
Le procureur du Roi et les officiers de police judiciaire auxiliaires de celui-ci
peuvent en outre, en cas de flagrant délit, décerner mandat d'amener à charge du
prévenu ( 1) ; cette règle est, toutefois, pratiquement tombée en désuétude, le droit
d'arrestation provisoire reconnu par la jurisprudence à la police judiciaire, même
hors le cas de f!grant délit (voy. supra n° 73) étant, en fait, plus étendu et d'utilisa0
tian plus pratique.

SECTION III
L'audition des témoins et l'interrogatoire des prévenus
par le juge d'instruction

214. - NOTIONS GENERALES. - L'audition des témoins


et l'interrogatoire des prévenus, qui se confondent dans l'enquête de
police judiciaire, sont, au contraire, deux mesures d'instruction fon-
damentalement distinctes, lorsque c'est le juge d'instruction qui y
procède.
Cette distinction trouve sa raison d'être dans la différence ab-
solue de situation entre le témoin et le prévenu, vis-à-vis de la justice,
le premier étant tenu de donner son témoignage sous peine de sanc-
tions, tandis que le second est toujours libre de se taire.
Dès lors, et par voie de conséquence, le témoin est obligé de
prêter serment, tandis que le prévenu n'a ni l'obligation, ni même la
faculté de le faire.
Enfln, les règles de forme et de procédure qui gouvernent ces
deux mesures d'instruction sont parfois divergentes, ce qui n'est
qu'une conséquence normale de la distinction absolue qui les sépare.

215. - DIFFICULTES D'APPLICATION DE LA DISTINC-


TION ENTRE TEMOINS ET INCULPES : LES SUSPECTS. -
La distinction entre témoins et prévenus peut amener certaines diffi-
cultés, en raison de 1' existence possible de ,suspects qui, sans être
l'objet d'une inculpation, sont néammoins soupçonnés de participa-
tion au crime ou au délit.
Lorsque des poursuites sont dirigées contre un individu, celui-ci
ne doit, évidemment, être entendu que dans la forme de l'interroga-
toire et non de l'audition de témoin: Cette règle s'applique quel que
soit le procédé par lequel l'action publique a été orientée contre cet
individu ; la situation est la même qu'il ait été désigné par le réquisi-
toire introductif ou la plainte de la partie civile, ou qu'il ait fait
l'objet d'une inculpation d'office par le juge d'instruction: Dans les
trois cas, il est partie défenderesse à l'action publique et, par consé-
quent, il ne pourrait être contraint de témoigner sans violation des
droits de la défense génératrice de nullité.

( 1) lnstr. 40.

209
Mais la situation est toute différente en ce qui concerne le sus-
pect qui, n'étant pas encore l'objet de poursuites, ne peut être consi-
déré comme prévenu, mais qui, apparaissant impliqué dans l'affaire,
ne peut être considéré non plus comme un témoin proprement dit :
Dès lors, convient-il de l'entendre sous serment en qualité de témoin
ou de l'interroger sans prestation de serment à titre d'inculpé en puis-
sance? Cette question qui n'est pas résolue par la loi est laissée à
l'entière appréciation du juge d'instruction.
Il est admis, en df et, que celui-ci peut toujours entendre à titre
de renseignement et sans prestation de serment, les personnes qu'il
estime inopportun de considérer comme témoins indépendants.
Le témoignage constituant un tout, et l'obligation de déposer
étant liée à la prestation de serment, il est évident qu'une personne
entendue sans que cette formalité essentielle ait été accomplie, n'est
pas tenue de déposer et ne peut être condamnée en cas de refus,
Si le juge d'instruction entend néammoins comme témoin une
personne plus ou moins impliquée dans une affaire, cette personne
n'est jamais tenue de révéler des faits qui pourraient être retenus
à sa charge.

Enfin, il peut arriver qu'un individu entendu comme témoin lors


de l'instruction soit ultérieurement mis en état d'inculpation: Dans
ce cas, le juge d'instruction doit procéder à une nouvelle audition
de l'intéressé, cette fois sans lui faire prêter serment ( 1).

Par. 1er. - L'audition des témoins.

216. - TEMOINS DONT L'AUDITION EST ADMISE.


En principe, toute personne peut être entendue comme témoin au
cours de l'instruction préparatoire.
Le témoignage de certaines personnalités doit toutefois être
recueilli dans des formes spéciales ( cf. infra n° 225). De plus, les
représentants étrangers accrédités en Belgique et jouissant de l'im-
munité diplomatique ne peuvent, de toute évidence, être contraints
à témoigner.

L'incapacité de témoigner qui, aux termes des articles 156 et 322


du code d'instruction criminelle, frappe les ascendants, descendants,
frères et sœurs, alliés au même degré et conjoint même divorcé du
prévenu, ne parait pas s'appliquer à l'i.nstrùction ( 2). Il est toutefois
douteux que des témoins de cette nature puissent encourir des
sanctions pénales au cas où ils refuseraient leur témoignage ( 3).

( 1) Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 313.


(2) J. H. Suetens, n• 81.
(3) J. H. Suetens, n° 82.

210
L'interdit n'est pas légalement incapable de déposer en justice
( 1) .
Les dénonciateurs ( 2) et les plaignants peuvent être entendus
en témoignage.
Les condamnés à mort ou aux travaux forcés ne peuvent, par
contre, être entendus qu'à titre de renseignement ( 3).

217. -- LA CONVOCATION DU TEMOIN. - Il existe trois


formes de convocation des témoins par le juge d'instruction, qui tra~
duisent dans la pratique, avec une force progressive, le pouvoir dont
jouit ce magistrat de contraindre un témoin à apporter son témoi~
gnage: Ce sont l'avertissement, la citation et le mandat d'amener.
1°) L'avertissement, est une simple invitation au témoin à corn~
paraitre volontairement ; cette invitation est transmise par la police
locale.
_Le témoin a toujours le droit de refuser purement et simplement
d'y satisfaire.
Les témoins qui comparaissent sans citation peuvent être taxés
sur l'avertissement qui leur est remis ( 4).
2°) La citation est employée si le témoin ne donne pas suite à
l'avertissement, ou même directement si le juge d'instruction l'estime
utile.
Le juge d'instruction fait exécuter son ordonnance de citation
soit par un huissier, soit par l'un des fonctionnaires ou agents publics
( gardes champêtres et forestiers, agents de police locale et de la
force publique, directeurs et gardiens en chef des prisons) qui, aux
termes de l'article 16 de la loi du ter juin 1849 (Tarif criminel)
peuvent être chargés de faire, concurremment avec les huissiers,
mais sans frais, tous les actes de la justice répressive ( 5).
En principe, la citation devrait être faite à la requête du procureur du Roi (6)
mais cette formalité est tombêe en désuétude.

La citation n'est pas, en elle~même une mesure de contrainte et


elle n'autorise pas l'emploi de la force pour son exécution. Mais le
témoin cité est tenu de comparaitre; s'il fait défaut, il est passible
d"une amende qui ne peut excéder 100 frs., prononcée par le juge
d'instruction sur les conclusions du procureur du Roi, sans formalité,

{ 1) Cass. 6 mai 1895 : Pas. 1. 71.


( 2) L'incapacité de témoigner comminée par l'art. 322 du code à l'égard du dénonciateur
récompensé pécuniairement· par la loi ne s'applique qu'à la procédure d'assises.
(3) Code pénal. art. 31.
(4) L. 1.r juin 1849 (Tarif criminel) art. 15.
(5) Voy. Rép. dr. b. v" proc. pén. n° 368.
(6) lnstr. 72.

211
délai ni appel ( 1) toutefois, si le témoin, après sa condamnation,
produit, sur la seconde citation, devant le juge d'instruction, des
excuses légitimes, il peut, sur conclusions du procureur du Roi, être
déchargé de l'amende (2) ; si le témoin, cité une seconde fois après
condamnation, ne satisfait pas à la nouvelle citation, il ne peut se
voir infliger de nouvelle condamnation ( 3).
Le juge d'instruction délégué par un de ses collègues d'un autre arrondissement
pour entendre un témoin peut prononcer la condamnation prévue à l'article 80, sur
les conclusions du procureur du Roi près le tribunal dont il dépend : Le témoin est,
en effet, tenu de comparaître devant lui, au même titre que devant le juge chargé
de l'affaire et le juge délégué est donc investi, à titre personnel, des mê-me pouvoirs
de contrainte que le juge déléguant (4).
En revanche, le juge de paix délégué ou subdélégué ne peut prononcer pareille
condamnation, car la loi ne confère ce pouvoir qu'au juge d'instruction, sur con-
clusions du procureur du Roi. Le juge de paix peut donc, tout au plus, dresser
procès-verbal constatant le manquement.

Enfin, le défaut sur la citation autorise le juge d'instruction à


employer la contrainte pour forcer le témoin à comparaitre.
3°) Le mandat d'amener peut être décerné par le juge d'instruc-
tion à charge d'un témoin régulièrement cité et défaillant.
Ce mandat doit être délivré en original, mais il peut en être
établi plusieurs originaux ( 5) ; il doit être signé par le juge, revêtu
du sceau de celui-ci et comporter la formule exécutoire ( 6) ; l'indi-
vidu faisant l'objet du mandat y est nommé ou désigné le plus
clairement possible ( 7) .
Le mandat est notifié par un huissier ou par un des fonction-
na.ires ou agents publics désignés à l'article 16 de la loi du 1er juin
1849 ( Tarif criminel) . II est exhibé à l'intéressé et copie lui en est
laissée ( 8) .
Le mandat d'amener est exécutoire dans tout le Royaume (9).
Le porteur du mandat peut, en cas de nécessité, employer la
contrainte pour son exécution ; il peut, à cet effet, requérir la force
publique du lieu et celle-ci doit lui prêter son concours ( 10).

( 1 ) lnstr. BO.
( 2) lnstr. 81.
(3) Cass. 21 jan. 1856. Pas. I. 30.
(1) Voy. Novclles, Proc. P~n. T. 1. Vol. I. J. H. Suetcns. L'instruction. - La chambu· du
conseil, n° 72.
(5) Voy. Novellcs, Proc. pén. T. I. Vol. 1. A. l\,faréc:hal: les mandat.s df' co:::nparution f't lu;
mandats d'amener. ni) 5. -
(6) Voy. A. Maréchal. réf. cit. n° 6.
(7) lnstr. 95.
(8) Instr. 97; cette formalité n'est toutefois pas prescrite à peine de nullité (C~ss. 5 jr.n, 18R7;
Pas. 1. -14).
(9) lnstr. 98. Lorsque le mandat doit être exécuté dans un autre arrondissement. le juge d'im~tru<:tion
doit le transmettre directement au procureur du Roi de cet arrondissement (Voy. A. Marf'ch.1.l. Rtf.
cit. n° 13).
(10) lnstr. 99.

212
L'intéressé est conduit à la disposition du magistrat instructeur;
il est, en cas de fermeture du cabinet de celui~ci, déposé provisoire~
ment en la maison d'arrêt; toutefois, la privation de liberté qui en
résulte ne peut excéder vingt~quatre heures ( 1 ) . ce délai commence
à courir à partir du moment où l'intéressé est mis à la disposition du
juge d'instruction et non du moment où il est appréhendé (2).

218. -- LE LIEU DE L'AUDITION. - En principe, les té~


moins sont entendus par le juge d'instruction en son cabinet, et cela
qu'ils résident ou non dans l' arrrondissement judiciaire.
Il n'en est autrement que dans les cas exceptionnels suivants :
l Lorsque le témoin est entendu à l'occasion d'un transport du
0
)

juge d'instruction sur les lieux d'un crime ou d'un délit.


Dans ce cas, le procureur du Roi assiste à l'audition ( 3).
2°) Lorsque le témoin habite en dehors de l'arrondissement judi~
ciaire du juge d'instruction saisi : Celui~ci peut alors commettre son
collègue territorialement compétent pour procéder à l'audition.
Le juge d'instruction délégué entend le témoin en son propre
cabinet.
3°) Lorsqu'il est constaté, par un certificat médical, que le témoin
se trouve dans l'impossibilité de comparaitre sur la citation qui lui est
donnée.
Dans cette éventualité :
a) Si le témoin empêché habite dans l'arrondissement judiciaire
et dans le canton où est domicilié le juge d'instruction (c'est~à~dire
où siège le tribunal), le juge d'instruction se transporte en la demeure
du témoin pour recueillir sa déposition ( 4).
Il y a controverse sur le point de savoir si le juge d'instruction peut, en ce
cas, déléguer le juge de paix pour procéder à l'audition (5) ; à notre avis, l'article
10 de la loi du 7 avril 1919 a définitivement tranché le problème dans le sens de
l'aifllrmative (6). Cette question est, d'ailleurs, d'importance pratique minime.

b) Si le témoin empêché habite dans l'arrondissement judiciaire


mais hors du canton où siège le tribunal, le juge d'instruction délègue
le juge de paix du canton où réside le témoin pour entendre celui~ci
à son domicile ( 7) .

(1) Constitution 7. L'audition doit être effectuée dans ce délai (instr. 93),
(2) Brux. 9 mai 1925; rev. dr. pén. 595.
(3) lnstr. 62.
(4) lnstr. 83, al. !.
(5) Rép. dr. b. v 0 comm. rog. n° 104.
{6) Voy. aussi Cour sup. Just Luxembourg 22 janv. 1930; Pa.5, li. 185, supra n° 77.
(7) Instr. 83, al. 2.

213
La disposition de l'article 83 al. 2 n'est ni limitative, ni prescrite à peine de
nullité ; le juge d'instruction pourrait donc se transporter lui-même en la demeure
du témoin (1).
c) Si le témoin empêché habite hors de l'arrondissement judi-
ciaire, le juge d'instruction commet son collègue territorialement com-
pétent qui se transporte au domicile du témoin à entendre ( 2).
d) Si le témoin empêché habite hors de l'arrondissement judi-
ciaire et hors du canton où siège le tribunal auquel appartient le juge
délégué, celui subdélègue le juge de paix du canton où demeure le
témoin pour procéder à l'audition ( 3).
Le juge délégué ou subdélégué envoie les dépositions qu'il a
recueillies closes et cachetées au juge d'instruction saisi de l'affaire.
Le témoin qui s'est abusivement fait délivrer un certificat médical
alors qu'il n'était pas dans l'impossibilité de comparaître sur la
citation, de même que le médecin ayant délivré le certificat abusif.
sont passibles de l'amende prévue par l'article 80 du code d'instruc-
tion criminelle, laquelle est infligée par le juge d'instruction déléguant
ou délégué, selon les cas, sur réquisition du procureur du Roi, dans
les formes prescrites par cet article,
Le juge ayant opéré le transport, c'est-à-dire soit le juge d'in-
struction, soit le juge de paix ( 4), peut en outre décerner mandat
d'amener à charge du témoin et du médecin ( 5).

219. - LES FORMES GENERALES DE L'AUDITION.


Les témoins sont entendus séparément et hors de la présence du pré-
venu par le juge d'instruction assisté de son greffier ( 6).
La règle de l'audition séparée et hors de la présence du prévenu
n'est, toutefois, pas prescrite à peine de nullité.
Elle ne fait, notamment, pas obstacle aux confrontations entre
prévenus et témoins, ou même entre témoins seuls.
Certains auteurs ont émis des doutes sur la licéité des confrontations entre
témoins seulement; celles-ci sont aujourd'hui admises sans discussion (voy. Rép. dr.
b. v• proc. pén. n° 391).

Le procureur du Roi peut, d'autre part, assister à l'audition (7).


Il ne résulte d'ailleurs d'aucune disposition légale qu'une dépo-
sition de témoin recueillie en présence d'un tiers, notamment d'un

( 1) Rép dr. b. v• proc. pén. n° 385.


(2) Instr. 84, al. 1.
(3) lnstr. 84, al. 2.
(4) Contra: Rép. dr. b. v• proc. pén. n• 389.
(5) lnstr. 86.
(6) lnstr. 73.
(7) Rép, dr. b. v" proc. pén. n° 372.

214
expert, même après le dépôt du rapport d'expertise, soit entachée de
nullité ( 1) ( 2 )·.
La présence du greffier au cours de l'audition est essentielle, car
il joue un rôle substantiel dans l'accomplissement des formalités de
celle-ci.

220. -- LES FORMALITES PRELIMINAIRES: IDENTITE.


SERMENT. - Le témoin produit, avant d'être entendu, l'aver-
tissement ( ou la citation) qui lui a été adressé et il en est fait mention
dans le procès-verbal ( 3).
Le juge d'instruction lui demande ses nom, prénoms, age, état,
profession, demeure, s'il est domestique, parent ou allié des parties
et à quel degré; il est fait mention au procès-verbal de la demande
du juge et des réponses obtenues ( 4).
Le témoin prête, ensuite, serment de dire toute la vérité, rien que
la vérité; la formule du serment doit être complétée par l'invocation
« ainsi m'aide Dieu» (5).
Le texte légal du serment est considéré comme sacramentel et
ne peut faire l'objet de la moindre modification ( 6) ; l'invocation de
la Divinité est substantielle et le refus de la prononcer équivaut au
refus de satisfaire à la citation ( 7).
Rappelons que le juge d'instruction a le droit de s'abstenir de faire prêter
serment à un témoin (8) : il recueille alors sa déposition à titre de renseignement.
Il peut faire usage de cette faculté à l'égard des suspects ; il peut, également, enten-
dre sous cette forme les personnes non susceptibles de déposer en justice sous la foi
du serment: mineurs de moins de quinze ans (9), condamnés interdits du droit de
témoigner.

221. - L'EMPLOI DES LANGUES. - RENVOI. - Les


règles relatives à l'emploi des langues lors de l'audition des témoins
par le juge d'instruction sont identiques à celles qui sont applicables
lors de l'audition des témoins par la police judiciaire; nous les avons
examinées, supra n° 212.

( 1) Cass. 1 fév, 1918 ; Pas. I. 218 ; 20 avril 1920 ; Pas. I. 116 ; Rev. dr. pén. 480 ; 29 juillet 1951 ;
Pas. I. 1017.
(2) Cette constatation impliqut que rien ne s'opposerait, en théorie du mcins, à cc que l'inculpé d
son conseil soient admis à assister aux auditions de témoins et la partie civile égaleme,nt ;
toutefois, toute l'économie de notre système d'instruction préparatoire est fondée sur le principe
du secret, à l'égard des parties privées, du moins, et ce principe ne pourrait pas ètre abandonné
sans une transforn1ation complète de l'instruction elle--même, impliquant une séparation absolue
entre l'information e-t la procédure jl!diciaire (voy. supra n° 10).
(3) lnstr. 74.
( 4) lnstr. 75.
(5) Const. art. 127; arrêté du 4 nov. 1814 ; Cass. 21 déc. 1931 ; Pas. 1. 350.
(6) Cass. 27 dêc. 1932; Pa,. 1933. I. 60; 6 nov. 1933; Pas. 1931. 1. 59: 26 lév. 1931; Pas. I. 177;
26 mars 1934 : Pas. I. 224 : Jurisprudence constante.
(7) Ca,s. 28 mai 1867 ; Pas. 1. 275 ; 25 juin 1867 ; Pa,. I. 295.
(8) Supra n° 215.
(9) lnstr. 79.

215
222. - L'OBLIGATION DE DEPOSER. - SES MODALI-
TES. - Le témoin ne peut pas refuser de déposer : Ce refus est, en
eiffet, assimilé par la jurisprudence au refus de satisfaire à la citation
( 1 ) ; le témoin ne pourrait même pas refuser de répondre à une seule
question du juge (2). L'obligation de déposer ne s'applique, toutefois,
qu'aux personnes entendues en témoignage et invitées à prêter ser-
ment: Elle ne s'étend pas aux individus entendus à titre de simple
renseignement et sans serment préalable.
Lorsque le témoin comparait volontairement, est-il tenu de déposer, c'est-à-dire
de satisfaire à une citation inexistante? L'affirmative ne nous paraît pas douteuse:
En effet, la comparution volontaire est considérée, en règle générale, comme suppléant
au défaut de citation (3) ; le témoin, en comparaissant, accepte de se mettre volon-
tairement dans la situation qu'entraîne une citation régulière. Du moment qu'il
consent à comparaître, il doit donc être assimilé à un témoin régulièrement cité ( 4).

L'obligation de déposer disparait, toutefois, dans les cas sui-


vants:
1°) Si le témoin ne peut satisfair,e à la question qui lui est
adressée sans s'expos,er lui~même ,au péril d'une inculpation (5) :
Le respect des droits de la défense interdit, en effet, que quiconque
puisse être contraint à s'accuser lui~même; l'inculpé peut toujours
refuser de répondre à un interrogatoire et il ne se concevrait pas
qu'on puisse forcer un témoin à révèler des faits qui pourraient être
retenus à sa charge.
2°) Si le témoin est en droit d'in:v10quer le secret pr,ofessiottmel
( 6). Pour jouir de ce droit, le témoin doit être dépositaire par état
ou par profession des secrets qui lui sont con1fiés (7) ; il doit avoir
la qualité de confident nécessare ( 8) :
Les médecins ont droit au secret professionnel pour tout ce qu'ils ont appris,
vu ou constaté dans l'exercice de leur profession.
Les pharmaciens ne peuvent qu' exceptionnellement se prévaloir du secret pro-
fessionnel.
Les préfres, à quelque religion qu'ils appartiennent, peuvent invoquer le secret
pour toute confidence reçue dans l'acte sacramentel de la confession.
Les notaires ont droit au secret professionnel pour les faits qui ont dû leur
être dévoilés à l'occasion de l'exercice de leur profession.

(!) Cass. 28 mai 1867: Pas. I. 275; 25 juin 1867; Pas. I. 295; 10 juil. 1916: Pas. 1917. 1. 195.
(2) Cass. 10 juil. 1916 cité.
(3) Voy. L. 1er juin 1849 (Tarif criminel) art. 15.
(4) Voy. Ord. Brux. 17 sept. 1885: B. J. p. 1232.
(5) Cass. 21 fév. 1882; Pas. 1. 74; 1er juil. 1912; Pas. I. 367.
(6) Rép. dr. b. v" Secret professionnel, n° 17; Cass. 22 mars 1926: Pas. I. 310.
(7) Cass. 22 mars 1926 cit.
( 8) Cf. sur les personnes admises à se prévaloir du secret professionnel et sur les circonstances dans
lesqueJJes elles peuvent en faire etat: J. H. Suetens. L'instruction. La chambre du conseiL
n° 8 88 et ss.

216
Les inspecteurs des contributions (1) et les officiers de police judiciaire ,(2)
peuvent refuser de divulguer les noms des informateurs qui leur ont révélé des
renseignements à titre confidentiel.

Les personnes qui ne peuvent invoquer la qualité de confident


nécessaire, telles que les journalistes, ne peuvent donc pas se pré~
valoir du droit au secret ( 3). Les secrets doivent, cl' autre part, avoir
été con fiés à l'intéressé dans l'exercice de sa profession ( 4) et
1

il ne pourrait invoquer le secret professionnel à propos de faits


dont il aurait acquis la connaissance d'une autre manière (5).
L'usage du droit, et particulièrement la détermination des faits
couverts par le secret, est laissé à l'appréciation et à la conscience
du témoin, sous le contrôle des tribunaux ( 6). Le juge d'instruction
constate souverainement les faits établissant qu'un témoin n'est pas
dans le cas d'invoquer le secret professionnel ( 7).
Même lorsqu'un témoin peut refuser de déposer, il ne peut
s'abstenir ni de comparaitre, ni de prêter serment; c'est, en effet,
sous la foi de ce serment que le témoin pourra invoquer le secret
professionnel ou tout autre motif de dispense ( 8).
223. - LE PROCES~ VERBAL. - Le greffier acte au procès~
verbal l'essentiel des déclarations du témoin et lui en donne lecture;
celui~ci est invité à dire s'il y persiste et à signer sa déposition, qui
est contresignée par le juge et le greffier ; les rectifications ou ad~
<litions éventuellement proposées par le témoin sont notées à la
suite du texte initial. Si le témoin ne veut ou ne peut signer, il en
est fait mention ( 9).
Chaque feuillet du procès~verbal est signé par le juge et le
greffier ( 10).
Aucun interligne ne peut être fait: Les ratures et les renvois
sont approuvés et signés par le juge, par le greffier et par le témoin ;
les interlignes, ratures et renvois non approuvés sont réputés non
avenus ( 11 ) .
Ces formalités ne sont pas strictement prescrites à peine de nullité : L'absence
de signature du juge sur une page du cahier d'information, par exemple, n'entraîne
pas la nullité de l'audition ( 12). Mais leur inobservation systématique pour-

( 1) Verviers, 18 déc. 1913: Pas. 1911. Ill. 313.


(2) Cass. 22 mars 1921 ; Pas. 1. 310.
(3) Cass. 7 nov. 1855: Pas. 1. 124: 25 avril 1870; Pas. 1. 226; Rép. dr. b. v 0 secret profession-
nel ; n° 17.
(4) Cass. 22 mars 1926 cit.
(5) Rép dr. b. v 0 Secret professionnel n° 18.
(6) Cass. 22 r.1ars 1888; Pas. 1. 129.
( 7) Cass. 1er juil. 1912 ; Pas. 1. 367 ; Rev. dr. pén. 1913, 19.
(8) V. Schuind, t. Jer n° 237: Cass. française 7 mars 1924; Gazette du Palais, 19 mai 1921,
(9) In,tc. 76, al. 1.
( 10) lnstc. 76. al. 2.
(li) hstr. 78.
, 12) Cass. 26 sept. 1904 : Pas. 1. 348.

217
rait être considérée comme une atteinte aux droits de la défense ; en outre, la
violation d'une des règles prescrites pourrait entrainer des sanctions à charge du
juge et du gre-ffier.

224. - LA TAXE DES TEMOINS. - Le juge d'instruction


doit demander au témoin s'il requiert taxe; dans l'affirmative, le
montant de celle~ci est déterminé conformément aux articles 20 et
ss. du règlement général sur les frais de justice en matière répressive
(A. R. du 28 déc. 1950).

225. - L'AUDITION EN QUALITE DE TEMOINS DES


MEMBRES DE LA FAMILLE ROYALE, DES MINISTRES ET
DES HAUTS FONCTIONNAIRES. - Les articles 510 à 517 du
code d'instruction criminelle et le décret du 4 mai 1812 règlent le
détail des formes à observer pour l'audition des personnalités qu'ils
énumèrent. Nous prions le lecteur de s'y référer.

Par. 2. - L'interrogatoire des prévenus.

226. - REMARQUE PRELIMINAIRE. - L'interrogatoire


des prévenus par le juge d'instruction ne fait pas l'objet d'une ré~
glementation légale d'ensemble : Abstraction faite de quelques pre~
scriptions de détail, éparses ici et là, dans différents textes, les
formes à observer en cette matière ont été déterminées par voie
coutumière et sont le fruit de la pratique des cabinets d'instruction.
Bien que l'interrogatoire des prévenus soit une formalité quasi
indispensable de l'instruction préparatoire, il n'est pas légalement
obligatoil"e. Son omission n'entraine pas violation d'une condition
substantielle du respect dû aux droits de la défense (2). Cette re~
marque ne vaut d'ailleurs que si le prévenu n'est pas mis en état
d'arrestation, les dispositions relatives à la détention préventive (loi
du 20 avril 1874, art. 1er) faisant de l'interrogatoire une condition
préalable du mandat d'arrêt.

227. - LA CONVOCATION DU PREVENU. - De même


que les témoins, les prévenus peuvent être convoqués par un simple
avertissement; ils peuvent, également, faire l'objet d'un mandat de
comparution qui équivaut à la citation des témoins.
Si le prévenu ne donne pas suite au mandat de comparution, le
juge d'instruction peut décerner à sa charge un mandat d'amener
(3) ; celui~ci peut être lancé sans mandat de comparution préalable,
si le fait est susceptible cl' entrainer la détention préventive ( 4).

( 1) lnstr. 77.
(2) Cass, 24 mars 1941 ; Pas. 1. 101.
( 3) Instr. 91.
(i) Rtp. dr. b. v 0 détention préventive, n° 6.

218
Les règles de forme applicables au mandat de comparution et
au mandat d'amener concernant un prévenu sont les mêmes que celles
applicables au mandat d'amener concernant un témoin; nous les
avons examinées supra n° 217. Le mandat de comparution, contrai-
rement au mandat d'amener, n'autorise pas l'emploi de la force pour
son exécution.
La peine prévue par l'article 80 du code d'instruction criminelle
à l'encontre du témoin défaillant ne peut jamais être appliquée au
prévenu qui ne satisfait pas à une ordonnance de comparution ( 1 ) .

228. - LE LIEU DE L'INTERROGATOIRE. - Le juge


d'instruction interroge en principe les prévenus en son cabinet; mais
rien ne s'oppose à ce que l'interrogatoire se déroule en un autre
lieu, au cours d'un transport de parquet (2), par exemple, ou bien
à la prison, à l'hopital ou au domicile d'un prévenu malade.

229. - LA DELEGATION AUX FINS D'INTERROGA-


TOIRE. - Le juge d'instruction a le droit de déléguer un de ses
collègues compétents, pour procéder à l'interrogatoire d'un prévenu
résidant hors de l'arrondissement judiciaire. Il pourrait également
déléguer un juge de paix pour entendre l'inculpé (3) (4).

230. - LES FORMES GENERALES DE L'INTERROGA-


TOIRE. - Le prévenu est entendu par le juge, assisté de son gref-
fier.
Les inculpés sont, en principe, entendus séparément, mais ils
peuvent toujours être confrontés entre eux, ou avec des témoins.
La présence du procureur du Roi est admise aux interrogatoires.
Aucune disposition légale n'interdit, au demeurant, la présence
d'un tiers lors de l'interrogatoire d'un inculpé: le juge d'instruction
peut, notamment, autoriser un expert à y assister ( 5).
Enfin, le magistrat instructeur a, évidemment, le droit de requé-

( 1) Cass. 30 avril 1945; Pas. I. 152.


(2) Dans ce cas, le procureur du Roi assiste à l'interrogatoire (instr. 62).
(3) L. 7 avril 1919, art. 10; Cour. Sup. Just. Luxembourg; 22 jan. 1930; Pas. Il. 185.
( 1) Le juge d'instruction peut également requérir un officier de police judiciaire auxt--
liaire du procureur du Roi de procéder à l'audition d'un prévenu; mais l'audition à laquelle
il est procédé ~ur cette réquisition n'équivaut pas, juridiquement parlant. à un véritable
interrogatoire judiciaire : Celui-ci ne peut être exécuté qve par un organe juridictionnel.
c'est-à-dire soit par le juge d'instruction lui-même:. soit par un juge d'instruction d'un autre
arrondissement. ou un juge de paix, sur commission rogatoire. (Voy. supra n° 77.) Voy. aussi
Cour Sup. Just. Luxembourg. 13 mars 1912; Pas. 1914. IV. 32.
(5) Le juge d'instruction pourrait également, et au même titre, autoriser la présence de la partie
clvUe ou du conseil du prévenu ; toutefois. la tradition s'y oppose. En Fr~mce, au contraire, l-1
pré~ence du conseil de J'inculpé est de droit ; mais cette règle présente de notables inconvénients
car e11e mêconnait la logique du système inquisitorial sans éliminer celui-ci (voy. supra n° 10).

219
rir l'assistance d'agents de la force publique pour empêcher des
actes de violence ou prévenir une tentative d'évasion ( 1 ) .

231. - LES FORMALITES PRELIMINAIRES: IDENTITE.


CHOIX D'UN CONSEIL. - Le juge d'instruction demande au
prévenu les renseignements d'identité habituels (nom, prénoms, pro~
fession, lieu et date de naissance et demeure) et mention en est faite
au procès-verbal.
Lors de son premier interrogatoire, l'inculpé est spécialement
interpellé sur le point de savoir s'il a fait choix d'un conseil et men-
tion de sa réponse est faite au procès-verbal ( 2).
Cette formalité est indispensable lorsqu'il s'agit d'un interrogatoire préalable à
une ordonnance d'arrestation; elle doit même être accomplie dans ce cas si cet
interrogatoire n'est pas le premier que subit l'inculpé et si l'arrestation de celui-ci
n'est décidée qu'en cours d'instruction. Son inobservation constituerait une violation
des droits de la défense, laquelle entraînerait la nullité de l'interrogatoire, du mandat
d'arrêt et de l'ordonnance confirmative (3).
Dans tous les cas ou l'interrogatoire n'est pas suivi de mandat d'arrêt, elle est,
par contre, purement facultative; l'usage s'est, cependant, implanté de l'appliquer
lors du premier interrogatoire de n'importe quel prévenu.

232. - L'EMPLOI DES LANGUES. - RENVOI. - Les


règles relatives à l'emploi des langues lors de l'interrogatoire des
prévenus par le juge d'instruction sont identiques à celles qui sont
applicables lors de l'audition des prévenus par la police judiciaire ;
nous les avons examinées supra n° 212.

233. - LE DROIT AU SILENCE. - Contrairement aux té-


moins, les prévenus, qui ne prêtent jamais serment, peuvent refuser
de répondre soit à toutes, soit à une partie des questions qui leur
sont posées; le juge d'instruction ne peut que constater leur silence
( voy. supra n° 204 et ss.).

234. - LE PROCES-VERBAL. - En l'absence de dispositions


légales particulières, on applique aux interrogatoires de prévenus
toutes les règles concernant l'enrégistrement des déclarations, leur
lecture et leur confirmation par l'intéressé, leur signature et la tenue
des procès-verbaux qui sont prescrites par les articles 76 à 78 du
code d'instruction criminelle pour les auditions de témoins ( 4).
Un arrêt de la Cour de Cassation du 24 juin 1940 (Pas. I. 174)
a d'ailleurs décidé que les règles de forme en usage pour la rédaction
des procès-verbaux d'audition de témoins s'appliquaient à tous les
actes de la procédure criminelle.
( 1) Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 372.
(2) L. 20 avril 1874 (Détention préventive) art. 1.
(3) Voy. Rép. dr. b. v 0 détention préventive, n° 77: Liége 3 nov. 1886; Pas. 18&7. II. 196,
(1) Voy. supra n° 223.

220
Le procès-verbal d'interrogatoire d'un inculpé doit, comme tout
procès-verbal. d'ailleurs, mentionner la date de l'opération qu'il con-
state ( 1) ; cette mention est particulièrement importante lorsqu'il
s'agit d'un interrogatoire préalable au mandat d'arrêt, car c'est la
date de cet interrogatoire qui constitue le point de départ du délai
de cinq jours dans lequel le mandat d'arrêt éventuel doit être con-
firmé (2).

CHAPITRE IV

LES PERQUISITIONS

SECTION I'"

Généralités

235. - DEFINITION - LA PERQUISITION ET LE PRIN-


CIPE DE L'INVIOLABILITE DU DOMICILE. - Une perqui-
sition est la visite d'un domicile privé en vue d'y rechercher les preu-
ves et les pièces à COIIlviction d'un crime ou d'un délit.
Il importe de préciser les deux éléments essentiels de cette dé-
finition :
1°) La perquisition constitue une intrusion dans un domicile
privé: Qu'entend-on exactement par «domicile» en l'espèce? La
loi ne le précise pas ; il semble que doit être considéré comme tel
tout batiment, quelle que soit sa destination, ainsi que ses dépen-
dances non baties, mais encloses, dont l'accès n'est permis qu'aux
personnes que en possèdent la jouissance privative ou à ceux qui
ont obtenu de ce personnes l'autorisation spéciale d'y pénétrer.
Doivent donc être considérés comme faisant partie du domicile, non seulement
les maisons et appartements d'habitation, mais aussi les bureaux, usines, ateliers,
granges, mines, etc.
Les véhicules, même privés, ne peuvent être assimilés à des « domiciles » au
point de vue envisagé : Il a été jugé que des recherches faites par des agents de
police dans une voiture automobile privée ne constituaient pas une perquisition ( 3).

2°) La perquisition a pour objet la recherche des preuves et


des pièces à conviction d'un crime ou d'un délit: La visite domici-
liaire répond donc à un but précis, en rapport avec la fonction
de police judiciaire.

( 1) Voy. supra n° 7'1.


(2) L. 20 avril 187'1 (détention préventive) art. i.
(3) Cas,. française Il sept. 1933; Dai. Pér, 1937. !. il.

221
En vertu de l'article 10 de la Constitution, « le domicile est
inviolable; Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans
le cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit».
Les perquisitions ne peuvent donc être pratiquées que dans les
cas où le législateur l'autorise expressément et conformément aux
modalités déterminées par lui ; les textes légaux relatifs à cette
matière, constituant des dispositions exceptionnelles et dérogatoires,
doivent être interprêtés restrictivement.

236. - CONSEQUENCES : 1) LA VISITE DES LIEUX


OU TOUT LE MONDE EST ADMIS. - Le caractère privé est
à la fois un des éléments constitutifs essentiels du domicile et la
raison d'être fondamentale de la protection spéciale accordée à celui-
ci : Dès lors, il est évident que ne peuvent être assimilés à un do-
micile les lieux où tout le monde est admis; les locaux dont l'accès
est ouvert à tous sont des lieux publics même s'ils appartiennent à
des particuliers et se trouvent incorporés dans des batiments à usage
privé.
Constituent des lieux où tout le monde est admis les cafés, cabarets, débits de
boissons, salles de spectacle, magasins, boutiques etc.

Les officiers et agents de police judiciaire peuvent donc pénétrer


dans ces locaux au même titre et dans les mêmes conditions que le
public et constater, à cette occasion, toute infraction éventuelle ( 1).
Du fait que leur accès à ces lieux est lié à celui du public, il est
évident que, d'une part, ils peuvent y pénétrer pendant tout le temps
où le public lui-même est admis, de jour comme de nuit, et que,
d'autre part, ils peuvent accéder à tous les locaux ou dépendances
où le public a, lui-même, accès.
Dans la plupart des cas, le point de savoir si un établissement est, ou non,
accessible au public ne présente guère de difficultés pratiques ; il peut, cependant,
arriver qu'un doute existe à cet égard: Quels seront alors les droits des officiers de
police? Lorsqu'un établissement n'est pas ouvertement et apparamment accessible
au public, la police judiciaire ne peut jamais déduire d'une enquête, si munitieuse
et si concluante soit-elle, la preuve du fait que cet établissement est réellement
ouvert à n'importe qui : Seul le pouvoir judiciaire a, en effet, le droit èe recon-
naître soit à un acte, soit au résultat d'investigations policières, le caractère d'une
preuve. Si certain que puisse paraître à un officier de police judiciaire un fait qu'il
a recherché, il ne lui appartient jamais de tenir ce fait pour prouvé (Conclusions de
M. I' Avocat Général Gesché avant Cass. 14 mars 1932 ; Pas. I. 109). Par contre,
si, pour entrer dans l'établissement, les policiers ne rencontraient aucun obstacle,
s'ils ne devaient faire état ni de leur qualité, ni du mandat dont ils sont munis,
il serait établi par là même que le public y a libre accès ( 2).

(1) Ce droit est notumr:.ent reconnu par l'article 9 du dê:crl"t d.:s 19~22 juillet l ï9I. ainsi que par
l'article 12 de la loi du 29 août 1919 (ré.gimc de l'alcool). En fait. d'ailieurs. ces textes
légaux peuvent être considérés comme surabondants : Les lieux où tout le monde est admis n~
pouvant bénéficier du principe de I' invJolabillté du dcmidlc. leur visite n · est pas sour,1i.se aux.
restrictions découlant de ce principe:.
(2) Cass. 14 mars 1932 cité; Cass. 22 juin 1937; Pas. I. 195.

222
237. - 2) L'INTRUSION DANS UN DOMICILE EN VUE
DE PORTER SECOURS A L'HABITANT. - L'inviolabilité du
domicile est instituée en vue de protéger l'habitant contre toute in~
trusion contraire à sa volonté et ·de nature à lui porter préjudice;
mais elle ne peut, évidemment, être étendue au cas où l'intrusion
n'est pas dirigée contre l'habitant, mais est destinée à lui porter
secours: Toute interpretation contraire trahirait, sans aucun doute,
l'esprit du constituant.
La Constitution du 22 frimaire an VIII prévoyait déjà, en son
article 76, toujours considéré comme applicable, que l'on pouvait
pénétrer dans un domicile, même de nuit, en cas d'incendie, d'inon~
datiori ou d'appel de l'intérieur ( 1) : Ce texte, qui est le seul
document légal existant en la matière, doit, à notre avis, être inter~
prête dans un sens tout~à~fait extensif: L'inviolabilité du domicile
perd toute raison d'être, et disparait complètement dans toute éven~
tualité où l'intrusion dans ce domicile apparait comme indispensable
pour prêter secours à l'habitant dont la vie, la santé ou les biens
se trouvent menacés.
Il convient donc d'ajouter aux trois cas d'incendie, d'inondation ou d'appel de
l'intérieur ceux d'accident grave, de court-circuit, d'intoxication par le gaz, etc.
Il est même évident que si de simples indices permettent de supposer qu'une
personne a besoin de secours et d'assistance, si par exemple un habitant, dont la
présence à son domicile est certifiée par des témoins, ne manifeste pas signe de vie
pendant une période anormalement longue, il est permis de- pénétrer dam, sa demeure
pour s'assurer de son état. De même, si un agent de police, au cours d'une ronde
de nuit, s'aperçoit qu'une maison a fait l'objet d'une effraction et se trouve ouverte,
il peut pénétrer dans cette maison pour porter éventuellement assistance à ses occu-
pants et constater le corps du délit. A fortiori, si un représentant de l'ordre est
témoin de l'intrusion d'un cambrioleur dans un immeuble, il peut J'y suivre et le
capturer (2).

238. LA FOUILLE ET L'EXAMEN DES OBJETS TROUVES EN POS-


SESSION DES INDIVIDUS ARRETES. - Le principe que seule la visite d'un
domicile privé constitue une véritable perquisition est indiscutable ; en revanche,
l'interprétation qui consisterait à déduire de ce principe que toute visite n'impliquant
pas l'intrusion dans un domicile privé est permise sans restrictions à la police judi-
ciaire appelle, à notre sens, les plus sérieuses réserves.
1°) Cette remarque pose le problème de la fouille des individus arrêtés, laquelle
n'est pas réglementée par le code d'instruction criminelle.
Un arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes du 18 novembre 1926 (Pas. 1927. III.
91) admet, sans restrictions, l'application de cette mesure de police aux individus
détenus, même à titre de police préventive (ivrogne arrêté pour mettre fin au
scandale qu'il occasionne) ; cette décision invoque l'intérêt public, motif qui nous
( 1) Remarquons que cet appel ne doit pas néce.ssaireruent émaner du maître de la maison : ll peut.
aussi bien, être émis par toute autre personne, voire même par la victime êventuelle d'un
attentdt dont le maître de la maison est l'auteur: le principe de l'inviolabilité du domicile cède.
en pareil cas, devant la nêccssfté de porter un secours urgent à toute personne: se trouvant f'n
danger, pour quelque motif que ce soit.
(2) Ce cas ne doit, évidemment, pas être confondu avec celui où un malfaiteur, poursuivi par la
police, trouve refuge en un immeuble où il est accueilli par l'habitant : Il faut alors, pour visiter
cet immeuble, hors le cas de flagrant délit commis par l'habitant (voy. infra n° 2-41, code
pénal. art. 68), un titre légal de perquisition.

223
parait tout-à-fait insuffisant pour justifier une atteinte non autorisée par la loi à un
droit individuel incontestable.
Néanmoins, la règle admise par cet arrêt, en ce qui concerne la fouille, doit,
à notre avis, être acceptée, mais pour des motifs absolument différents : En effet,
le droit de fouille n'est qu'une conséquence, un accessoire du droit d'arrestation.
La police qui peut le plus, c'est-à-dire, en l'espèce, priver dans certains cas un
individu de sa liberté corporelle, peut évidemment le moins, c'est-à-dire pratiquer
une fouille sur la personne de celui-ci ( 1).
Encore, ce droit est-il soumis à deux restrictions légales :
a) La fouille ne peut être étendue jusqu'à constituer une exploration corporelle,
car celle-ci ne peut, hors le cas de flagrant délit, être autorisée que par la chambre
du conseil (2).
b) La fouille ne peut entraîner la destruction ou la dégradation d' ob;ets mobi-
liers, car une telle action constituerait une illégalité (3).
2°) L'examen des objets trouvés en possession de l'individu arrêté, découlant du
droit de fouille, est licite au même titre que celle-ci.
Toutefois, si ces objets se trouvent fermés de mamere telle que l'examen de
leur contenu ne puisse s'effectuer que moyennant détérioration du système de ferme-
ture, leur visite, contre la volonté de leur détenteur, ne peut être considérée comme
autorisée sans restriction: Elle impliquerait, en effet, la violation d'un droit indivi-
duel et constituerait une dégradation illégale. C'est pourquoi nous estimons que,
dans le silence de la loi, il faut appliquer à ce genre d'investigations les règles
restrictives imposées en matière de perquisitions.
Un agent de police judiciaire ne pourrait donc, par exemple, ni forcer la serrure
d'une valise, ni ouvrir un paquet cacheté, ou une lettre fermée. Un o:fficier de
police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi ne pourrait le faire qu'en cas de
flagrant délit, ou sur mandat du juge d'instruction (4).

SECTION II
Les perquisitions d'office

Par. l"". - Les offeciers publics investis du droit de perquisition.


239. - 1) LE JUGE D'INSTRUCTION. - Le juge d'instruc~
tion, régulièrement saisi d'une alffaire ( 5), est le seul magistrat
investi de la plénitude du droit de perquisition.
(J) Un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du t•• avril J9i9 (J. T. 512) Mcid•
que la fouille d'un individu suspect. apprëhendé par des policiers, relève de la police
prêventive ou administrative et que les règles relatives aux perquisition~ en matière judi-
ciaire ne lui sont pas applicables. Les agents de l'autorité peuvent donc fouiller un individu
appréhendé- par eux san.s être ':ioumis aux dispositions restrictives applicables aux visiteR
domiciliaires.
(2) L. 20 avril 1874 (détention préventive) art. 25: En cas de flagrant délit. seuls le juge d'instruc-
tion le procureur du Roi ou un de ses officiers auxiliaires pourraient ordonner une telle
exploration et la faire exécuter par un médecin (instr. 14, 49, 50. 59).
(3) Voy. code pénal 528. 559 1°.
( 4) Ils devraient donc se borner à .saisir ces objets dans l'état où ils se trouvent f't à les
déposer au greffe. Cette règle céderait cependant, de toute évidence, pour des motifs d'impé~
rieuse sécurité, au cas où de sérieuses présomptions existeraient que l'objet saisi prêscnte un
danger immédiat pour les personnes ou les biens, s'il y avait par exemple tout liE"u de croire
que le paquet saisi pourrait contenir une machine infernale.
( 5} Par réquisitoire du procureur du Roi ou constitution de partie civile ; le juge saisi spontanément
en cas de flagrant délit ne peut perquisitionner qu'au domicile du prévenu ( iostr. 36 e-t 59}.

224
Cette règle implique qu'une perquisition ne peut normalement
être pratiquée que s'il y a instruction judiciaire ouverte, c'est-à-dire
si l'action publique et mise en mouvement à la suite d'un crime
ou d'un délit.
· Le juge d'instruction exerce le droit de perquisition personnel~
leme.nt, dans toute l'étendue de son ressort territorial, et par délé~
gation conférée à son collègue compétent, hors des limites de celui-
ci (1).
L'article 464 du code d'instruction criminelle accorde tout-à-fait exceptionnelle-
ment au juge d'instruction le droit de continuer, hors de son ressort, les perquisitions
entreprises à l'occasion des informations ouvertes en matière de faux monnayage.
Cette disposition est, au demeurant, pratiquement tombée en désuétude.

Il peut opérer des visites domiciliaires en tout lieu où il estime


pouvoir recueillir des éléments utiles pour son information, que ce
soit dans la demeure d'un prévenu (2) ou de toute autre personne
(3).
Il peut notamment dfectuer valablement une perquisition dans le cabinet d'un
avocat, d'un avoué ou d'un notaire; toutefois, une telle perquisition ne peut porter
atteinte au secret professionnel: Elle ne pourrait, par exemple, pas s'étendre à la
correspondance confidentielle entre l'inculpé et son conseil. Dans la pratique, une
perquisition au cabinet d'un avocat, d'un avoué ou d'un notaire se fait en présence
du bâtonnier de l'ordre, du président de la chambre des notaires ou du président
de la chambre des avoués (4).

Les visites domiciliaires ne peuvent cependant être . faites en


méconnaissance des immunités légalement reconnues telles que l'im-
munité diplomatique ou celle qui est conférée aux membres des
chambres législatives par l'article 45 de la Constitution.

240. - 2) LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE AU-


TRES QUE LE JUGE D'INSTRUCTION ET LES AGENTS
DE POLICE JUDICIAIRE. - Les officiers de police judiciaire
autres que le juge d'instruction, c'est-à-dire le procureur du Roi,
ses dfficiers auxiliaires et les officiers inférieurs de police judiciaire
ne possèdent qu'exceptionnellement le droit de procéder d'office à
une perquisition ; en revanche, tous les officiers de police judiciaire
peuvent, en principe ( 5) exécuter une perquisition déterminée s'ils
sont délégués à cette nn par le juge d'instruction, et, en pratique,
ils eiffectuent la quasi-totalité des visites domiciliaires en vertu d'un
mandat du magistrat instructeur, celui-ci ne procédant que très
rarement personnellement à l'exécution d'un acte d'instruction de
cette nature.

(1) Instr. 87 et 90 ; supra n°• 39 et 77.


(2) lnstr. 87.
(3) lnstr. 88.
(4) Rêp. dr. b. v 0 proc. pên, .n° 358 ; v 0 Descente sur Je~ lieux. n° 35.
(5) Sauf disposition Jêga1e contraire; voy. L 7 avril 1919, (Officiers et agents judiciaires près le-i
parquets) art. 10.

225
Les agents de police judiciaire ne peuvent recevoir pareille
délégation ( 1) et leur intervention en matière d'exécution des man~
dats de perquisition se limite au concours qu'ils peuvent être appelés
à apporter à l'officier porteur du mandat. Certains agents de police
judiciaire sont cependant autorisés par des lois spéciales à pratiquer
certaines perquisitions de nature particulière.

241. - a) CAS OU LES OFFICIERS DE POLICE JUDI~


CIAIRE, LES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE OU CER~
TAINS D'ENTRE EUX PEUVENT PROCEDER A D'OFFICE
A UNE PERQUISITION. - De nombreux textes légaux attribuent
aux dfficiers de police ou à certains d'entre eux le droit de procéder
d'office à des perquisitions, dans certains cas spéciaux, bien que, dans
l'ensemble, ce droit conserve un caractère tout~à~fait exceptionnel.
Nous ne pouvons envisager d'analyser tous les cas prévus et l'intérêt
de cette analyse serait, d'ailleurs, restreint (2) : Nous nous bornerons
donc à examiner les principales éventualités, et nous renvoyons, pour
le surplus, aux dispositions légales diverses se rapportant à ce sujet.
Une liste de ces disposition se trouve dans les codes belges de Servais
et Mechelynck, sub. art. 148 du code pénal.
1°) Cas de fl-agrant crime ou délit. Le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires
peuvent, en cas de flagrant crime ou délit, procéder à une perquisition dans .la
demeure du prévenu (3) (mais non dans celles d'autres personnes).
2°) Etablissements de jeux. Les officiers de police, c'est-à-dire tous les officiers
ou agents de police judiciaire (4), peuvent entrer dans les maisons où l'on donne
habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur
en aurait été donnée par deux citoyens domiciliés. La visite peut être effectuée en
tout temps, aussi bien de nuit que de jour (5).
3°) Lieux livrés notoirement à la débauche. Tout officier de police peut égale-
ment entrer en tout temps dans les lieux livrés notoirement à la débauche ( 6), le
caractère de notoriété est laissé à l'appréciation de l'officier, sous le contrôle des
tribunaux. Il doit, cependant, résulter d'éléments probants, d'une enquête préalable,
par exemple; une simple affirmation de l'officier serait insuffisante.
4°) Visites domiciliaires en matière de douanes et accises. Les employés de
l'Administration des Finances sont investis, d'une manière exceptionnellement éten-
due, du droit de procéder à des visites domiciliaires; l'examen des modalités de ce
droit déborde du cadre du présent traité : Nous nous bornerons donc à examiner
sommairement la procédure ordinaire relative aux perquisitions en matière de douanes
et accises, telle qu'elle résulte des articles 200 et 201 de la loi générale du 26 août
1822, c'est-à-dire celle qui gouverne habitudlement les visites domiciliaires en « terri-
toire libre » (7). Cette procédure est intéressante, car elle diffère profondément du
( 1) Voy. Cass. 10 fév. 1917 ; Pas. I. 37 et note R. H. ; supra n° 77.
(2) Certaines de ces lois concernent des matières tout... à--fait particulières. d'autre n'ont qu'une
validité- temporaire, leurs modalités varient à l'infini. ..
(3) lnstr. 36, 19. 50.
(~) Voy. Cass. 8 avril 1929; Pas. 1. 149.
(5) Décr, 19.. 22 juil. 1791 (organisation police municipale et correctionnelle) tit. ter, art, 10. ~I. ~·
(6) Dêcr. 19-22 juil. 1791 clt. art. 10. al. 2.
(7) Territoire non compris dans. le rayon de douane. lequel est constitué par une bande du tcr~it<>:i~e
de l'union économique beigo-luxembourgeoise d'une largeur maximum de 10 km. le long des
frontières de terre et de 5 km. le long de~ frontières de mer ( voy. Rép. dr. b. v 0 Douaries tt
accises, n°• 135 et 136).

226
système du droit commun et est plus souple que celui-ci, tout en assurant des garan-
ties équivalentes au justiciable: Elle soumet la perquisition à autorisation judiciaire,
mals elle n'impose pas, pour autant, comme en droit commun, le déclenchement
des poursuites en justice et l'ouverture d'une instruction. Elle rappelle, à certains
égards, la procédure tendant à l'obtention d'un mandat de perquisition ( « search
warrant » ( 1)) en usage dans les pays de droit anglo-saxon.
Lorsque l'Administration désire procéder à une perquisition dans le territoire
libre, elle doit présenter au juge de paix (2) une requête écrite par laquelle elle
sollicite l'autorisation d'effectuer la visite domiciliaire projetée. Cette requête contient
le nom de l'individu chez lequel la visite doit être faite, la situation du bâtiment ou
enclos à visiter et l'heure de la visite projetée ( 3). La demande doit être faite ou
autorisée par un fonctionnaire ayant le grade de contrôleur au moins.
Le juge de paix autorise la visite par voie d'ordonnance; il ne peut refuser
cette autorisation, à moins qu'il existe des présomptions sérieuses que celle-cl lui
est demandée sans motif valable.
Le juge doit assister à la perquisition, ou déléguer à cette fin un officier public
( officier ou agent de police judiciaire).
Les règles applicables aux perquisitions en « territoire libre » s'étendent égale-
ment aux agglomérations de plus de 2.000 habitants situées dans le rayon des
douanes à plus de 2.500 m. des frontières de terre (4).
Dans les territoires non compris dans ces agglomérations et situés dans le rayon
de douane, les employés peuvent procéder d'office à une perquisition, sans autori-
sation judiciaire; il est simplement requis que la visite soit faite en présence d'un
fonctionnaire du grade de receveur au moins, ou en vertu de l'autorisation écrite de
celui-ci ; un membre de l'Administration communale ou un fonctionnaire commis-
sionné par le bourgmestre doit être présent aux opérations (5).
Le droit de visite des agents des douanes et accises est pratiquement illimité (6)
dans certains cas particuliers, tels que celui de la poursuite ininterrompue de
marchandises fraudées ou celui des fabriques, négoces et autres lieux clos où l'on
exerce l'industrie ou le commerce de produits soumis à l'accise (7).

242. - b) LE MANDAT DE PERQUISITION. - Tout offi-


cier de police judiciaire peut ; en principe, et sauf disposition légale
contraire, être délégué par le juge d'instruction pour exécuter une
perquisition ( 8).
Le mandat de perquisition est soumis aux formes habituelles (9)
en matière de délégation ; il ne doit pas être motivé ; il ne peut avoir
un caractère général et illimité : Il doit préciser l'objet de la perquisi-

( 1) Voï, supra n° 90.


(2) Le juge de paix exclusivement chargé de la présidence du tribunal de police est incompétent pour
accorder pareille autorisation (voy. Cass, 9 mai 1927: Pas. 1. 223).
(3) Le Juge peut. et mlme doit accorder l'autorisation, mime sur pied d'une requête incomplète, par
omission d'un de ces renseignements, s'il s'estime suffisamment éclairé (voy. Cass. 8 avril
1929: Pas. I. 149).
( 4) Voy. Rèp. dr. b. v• Douanes et accises. n° 509.
(5) Loi générale art. 181.
(6) Il peut même être exercé de nuit, à titre exceptionnel. alors que, même en matilre de douanes
et accises, les perquisitions ne peuvent être effectuées que de jour, entre le lever et le
coucher du soleil, sauf lorsque la loi prévoit expressément le contraire.
(7) Voy. sur tout cette matière: Rép. dr. b. v 0 douanes et accises, n° 8 499 et ss.
( 8) L 7 avril 1919 ( officiers et agents judiciaires près les parquets) art. 10, al. 1 ; voy. supra n° 77.
(9) Voy. supra n• 78.

227
tion et désigner l'autorité déléguée de mamere suffisamment· claire
( l ) : Cette désignation peut être faite à la fonction ( 2).
Le commissaire de police délégué pour exécuter une perquisition
peut subdéléguer un commissaire~adjoint ( 3) ; aucune subdélégation
ne peut, par contre, être consentie par un officier de police judiciaire
à un simple agent de police judiciaire ( 4) ; mais celui~ci peut être
autorisé à participer, sous l'autorité d'un officier, aux opérations
matérielles de la perquisition.
Par dérogation aux règles générales définies ci~dessus, le juge
d'instruction ne peut, dans son arrondissement, déléguer pour pro~
céder à la perquisition des papiers, titres ou documents qu'un officier
de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi dans le ressort
duquel la visite doit avoir lieu ( 5).
Le principe de la délégation à la fonction s'applique, toutefois, également en
l'espèce (6).

Cette délégation ne peut être faite que par ordonnance motivée


et dans les cas de 111éœssité seulement.
La jurisprudence se montre très large dans l'appréciation des cas de néces-
sité ; il a été jugé qu'était suffisamment motivée une ordonnance constatant que
le juge d'instruction avait délégué ses pouvoirs parce qu'il « était empêché, par les
devoirs de sa charge, de procéder lui-même à ces fins » (7).
La perquisition ordonnée en vue de la constatation d'une infraction implique
pour l'officier de police judiciaire chargé d'exécuter cette mesure, le droit et le
devoir de rassembler tous éléments de preuve de cette infraction y compris la
recherche de preuves écrites et la saisie de celles-ci. Il n'est pas nécessaire que le
mandat de perquisition le mentionne en termes exprès. (Liège, 20 déc. 1951 ; Pas.,
1952, II, 25).
La loi n'exige pas qu'après avoir indiqué le lieu où la perquisition ou la visite
domiciliaire doit être faite, l'ordonnance de délégation constate que ce lieu est bien
situé dans le ressort de l'officier délégué. (Cass. 17 oct. 1949; Pas., 1950, I, 82).

Toute subdélégat~on est interdit.e.


Un commissaire de police délégué ne pourrait donc valablement subdéléguer
un commissaire-adjoint (8) ; mais celui-ci pourrait être investi directement de la
délégation elle-même, en tant qu'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du
Roi.

Par. 2. - Formes et modalités des perquisitions d'office.


243. - TEMPS DE PERQUISITION. - Les perquisitions ne
( 1) 11 n'est pas requis pour la validité du mandat de perquisition que celui~ci contienne. outre ks
indications du nom et de l'adresse de la personne au domicile de laqueHe la perquisjtJon doit
être pratiquée, celle de son prénom (Cass, 13 oct. 1952; Pas. 1953. 1. 51 ),
(2) Cass. 25 nov, 1940; Pas. I. 303.
(3) Loi communale art. 125 ; Cass. 22 sept. 1936; Pas, I. 363; supra n• 52.
(i) Cas,. 10 fév. 1947; Pas. 1. 37.
(5) L. 20 avril 1874 (détention préventive) art, 24 modifié par l'arr. L. du 1er fév. 1947.
(6) Cass. 25 nov. 1940; Pas. 1. 303.
(7) Cass. 25 nov. 1940 cité. Lièg<, 20 déc, 1951 ; Pas. 1952, Il. 25.
( 8) Cass, 22 sept. 1936 ; Pas. 1. 363,

228
peuvent, sauf dispositions légales contraires, être effectuées que
pendant le jour ( 1 ) .
Le temps de nuit comprend toute la période s'étendant de 9 h.
du soir à 5 h. du matin (2).
Il est cependant de jurisprudence constante qu'une visite domi-
ciliaire commencée pendant le jour peut être poursuivie la nuit, en
dépit de l'opposition du maître de la maison, à condition que les
opérations en cours soient continuées sans interruption ( 3).

244. - EXTENSION DE LA PERQUISITION. - La per-


quisition ne peut jamais être étendue au-delà du but poursuivi par
l'instruction qui l'a motivée : La violation légale de domicile que
représente la perquisition, bien qu'admise dans l'intérêt public, ne
peut en aucun cas être aggravée inutilement ( 4).
Un officier de police judiciaire ne pourrait donc, s'autorisant du
mandat dont il est porteur, entreprendre au cours d'une visite domi-
ciliaire au but précis ( 5) des recherches à caractère général à seule
fin de découvrir toute autre infraction éventuelle : Il doit s'en tenir
strictement aux limites qui lui sont tracées par sc111 mandat et procéder
uniquement aux investigations nécessaires à l'exécution de celui-ci
( 6). Toutes constatations qu'il pourrait avoir effectuées en excédant
ces limites seraient sans valeur.
C'est ainsi qu'à été jugée illégale la saisie d'une boîte de saccharine découverte
au fond d'un tiroir par des agents des douanes et accises, au cours d'une perquisition
autorisée afin de rechercher des spiritueux: L'arrêt (7) déclare cette perquisition
illégale, parcequ'elle avait été étendue à un tiroir où raisonnablement les agents
verbalisants ne pouvaient espérer découvrir des spiritueux et qu'il était dès lors
établi qu'ils avaient excédé leur mandat.
Mais si, au cours d'une perquisition, les officiers qui y procèdent
venaient à découvrir une infraction d'une autre nature que celle qui
donne lieu à leur enquête, sans pour cela excéder les limites de leur
mandat et procéder à des recherches non motivées, ils pourraient
et même devraient constater cette infraction et en donner avis au
procureur du Roi ( 8) ou à tout autre organe compétent du ministère
public (9).
( l) Décret du 4 août 1806, art. l cr.
{2) C. proc. civ. art. 1037. La police peut, au besoin, investir la maison pendant le temps de nuit.
mais non y pénétrer contre la volonté de l'habitilnt.
(3) Rép. dr, b. v 0 proc. pén. n° 353 et réf. cit.
(1) L'exécution d'un mandat de perquisition n'autorise certainement pas la violation du domicile des
voisins pour pénétrer dans l'immeuble où la visite doit être: effectuée (cass. 27 mai 1946:
Pas. !. 217).
( 5) Certaines visites domiciliaires, celles des maisons de jeu ou de débauchr, notamment, ont un
but général : La découverte de: tout~ infraction éventuelle.
(6) Voy. Cass. 8 avril 1946, !'as. !. 139 et la note de M. le Premier Avocat Général Hayoit de
Termicourt.
(7) Cas~. 6 mars 1944 ; Pas. 1. 237.
(8) lnstr. art. 29; Cass, 7 avril 1924; Pa,. 1. 294 ; 10 déc. 1941 ; Pas. 1. 148; 18 mars 1912 ;
Pas. !. 69 ; 8 avril 1916 ; Pas. 1. 139.
(9) Cass. 7 avril 1924: Pas. I. 294: 18 mars 1942; Pas. I. 69; 29 nov. 1948: Pas. I. 683. Contra:
Cass. 12 mars 1923 : Pas. I. 233.

229
245. - FORMES DE LA PERQUISITION. - Aucune règle
de forme n'est imposée en ce qui concerne l'exécution de ]a per~
quisition.
En effet. la seule règle prévue à ce propos par le code d'instruction criminelle,
à savoir la présence aux opérations du prévenu ou de son fondé de pouvoirs ( 1),
n'est pas prescrite à peine de nullité (2).
Conçue comme une règle rigide, l'assistance du prévenu à toute perquisition de
son domicile serait très difficilement réalisable, matériellement parlant ; aussi est-il
préférable qu·elle ne soit pas imposée; mais ceci ne signifie nullement que la
présence du prévenu ne soit pas souhaitable, lorsqu'elle est possible: Elle présente,
en effet, de nombreux avantages : Force probante plus grande des constatations
soumises au contrôle de celui à l'encontre duquel elles sont faites; risques moindres
d'erreurs ou de confusions, etc.
En outre, il est assez surprenant que la présence de la victime de l'infraction
aux opérations de la perquisition ne soit pas prévue et même parfois recommandée
par la loi ; en cas de vol, notamment, qui, mieux que leur légitime propriétaire, est,
en effet, à même d'identi'fler les objets volés?
Bien qu'aucune loi ne prescrive la lecture du mandat de perquisition, le légis-
lateur a cependant voulu que les représentants de la police judiciaire s'apprêtant à
effectuer une visite domiciliaire jusUflent de l'existence de leur mission lorsque leur
qualité pour y procéder se trouve contestée. (Corr. Louvain, 24 mai 1951 ; R.W.,
1951-1952, 738).
L'exécution de la perquisition peut, parfois, entrainer certaines
dégradations matérielles aux immeubles ou aux meubles : Les enquê~
teurs peuvent être contraints de forcer une serrure, par exemple. Le
mandat de perquisition leur confère indiscutablement le droit d'em~
ployer les moyens nécessaires pour en assurer l'exécution. Toutefois,
les dommages et dégradations ne sont admissibles que dans la mesure
où ils contribuent à atteindre le but auquel tend la perquisition ; ils
doivent être strictement limités au minimum et tout doit être mis en
œuvre pour éviter de les occasionner sans nécessité absolue.
L'officier enquêteur décrit dans son procès--verbal les opérations
de la perquisition et y consigne les constatations que celle~ci a permis
d'effectuer.

SECTION III
Les perquisitions du conseintement fonnel

246. - REGLE. - Le principe de l'inviolabilité du domicile


interdit de procéder, contre la volonté de celui qu'il protège, à toute
perquisition qui n'est pas autorisée par la loi.
Mais rien n'interdit au bénéficiaire du droit de renoncer à s'en
prévaloir et d'inviter lui~même les officiers de police à pénétrer dans
sa demeure pour y eiffectuer les recherches nécessaires: Une perqui~

( 1) lnstr. 39.
(2) Voy. Cass. 15 mai 1916; Pas. 1917. I. 97.

230
sition, même non prévue par la loi, est donc valable si elle est effec-
tuée sous le couvert du coaisentement fonnel de celui qui pourrait
invoquer le bénéfice de l'article 10 de la Constitution ( 1).
L'intéressé ayant le droit d'autoriser l'accès de son domicile en
tout temps et à toute personne, il est évident qu'une perquisition peut
être effectuée, avec son consentement, aussi bien de nuit que de jour,
par un agent comme par un officier de police judiciaire.

247. - CARACTERES DU CONSENTEMENT. - Le con-


sentement, pour être valable, doit être libre, donné en connaissance
de cause, exprès et préalable.
1°) Le consentement donné par l'intéressé doit être libre. Il est
évident qu'un accord obtenu frauduleusement, par promesses, violen-
ces ou menaces ne pourrait avoir aucune valeur.
2°) Le consentement doit être donné en connaissance de cause:
Il ne peut exister aucun doute sur la nature et la portée du consen-
tement donné : L'autorisation qui lui serait accordée par l'intéressé
de pénétrer dans sa demeure ne conférerait pas, pour autant, à un
officier de police le droit d'y pratiquer une perquisition ; il faudrait,
en outre, que le consentement s'étende, sans équivoque, à la perqui-
sition elle-même ( 2).
Mais l'intéressé ayant consenti expressément à une perquisition
ne pourrait pas, à notre avis, tirer ultérieurement argument du fait
qu'il ignorait quels étaient ses droits en la matière: Nul n'est censé
ignorer la loi et la circonstance qu'un consentement est sollicité
constitue une indication suffisante que celui qui le sollicite n'a pas le
droit de passer outre en cas de refus.
Certaines décisions (3) exigent, cependant un consentement parfaitement
éclairé, c'est-à-dire la connaissance par l'intéressé de la portée de la renonciation
à laquelle il consent et de ses effets.
Dans l'état actuel de la jurisprudence, cette opinion ne parait pas devoir étrc
suivie.

3°) Le consentement doit être exprès. Une jurisprudence fran-


çaise déjà ancienne ( 4) et quelques décisions belges ( 5) avaient paru
se contenter d'une simple absence d'opposition, de laquelle elles
déduisaient l'existence d'un consentement tacite; cette opinion semble

(1) Jurisprudence constante: Voy. not. Cass. li jan. 1937: Pas. I. 4; 3 juil. 1943: Pas. I.
281 ; Cons. G. Turnhout 28 mars 19-!5: J. T. 416 et note S. Huynen. La mime opinion est
admise en France: voy. Cass. française 12 mai 1923: Dai. pér. 1924. I. 174; 2 jan. 1936:
Dai. pér. I. 46 et note Leloir.
(2) Cass. 6 mai 1942: Pas. I. 116.
(3) Voy. not. Cass. française 12 mai 1923: Dai. pér. 192-1. I. 17-1.
(4) Voy. note Leloir sous C.ss. française 2 jan. 1936: Dai. pér. I. -16.
(5) Gand 7 mai 1921 : Rev. dr. pén. 709.

231
abandonnée : L'ensemble de la doctrine ( 1) exige un consentement
exprès et ce point de vue parait également avoir été adopté par la
jurisprudence.
L'arrêt de la Cour de Cassation du 6 mal 1942 (2), notamment, décide que le
fait, pour l'intéressé, d'ouvrir sa porte sur l'insistance de la police, sans offrir de
résistance, ne couvre pas l'illégalité d'une perquisition sans mandat (3).

Faut-il en déduire que le consentement doit, nécessairement, être


écrit? Bien qu'en principe il semble admissible que la preuve du
consentement puisse être administrée par toutes voies de droit ( 4),
il est évident qu'en pratique cette preuve ne peut guère résulter que
d'un écrit, soit contenu dans le procès-verbal lui-même, soit annexé
à celui-ci : En effet, le procès verbal est l'acte dressé par la police
judiciaire en vue de relater les opérations auxquelles elle a procédé
et de consigner ses constatations ; il serait à peine concevable qu'
alors que toutes ces opérations n'acquièrent de légitimité et ne
trouvent de fondement légal que dans le consentement exprès de
l'intéressé, le procès-verbal ne fasse pas mention de celui-ci ; cette
omission serait jugée, à bon droit, suspecte et laisserait supposer,
presque certainement, l'absence de consentement (5).
La simple constatation par le verbalisant que l'habitant a donné
son consentement formel à la perquisition serait, nous semble-t-il.
elle-même insuffisante, en l'absence de sig1Uature de l'intéressé: le
procès-verbal n'a pas, en effet, pour objet de recevoir et de constater
une renonciation formelle à un droit, et il ne peut donc faire titre de
cette renonciation que si elle est sanctionnée par la signature du
renonçant. II ne peut, au demeurant, jamais appartenir à celui qui
bénéficie d'un avantage de constater lui-même dans un acte l'existence
de cet avantage et de tirer argument de cet acte unilatéral à l'en-
contre de l'auteur de la renonciation ( 6).
L'absence ou le refus de signature doivent donc, à notre sens,
être considérés comme équivalant au refus de consentement.
4°) Le consentement doit, enfin, être préalable: En e:ffet, à
défaut de consentement préalable, la perquisition serait illégale ; or,
si l'intéressé peut empêcher toute illégalité en accordant son autorisa-
tion avant l'exécution de la visite, il n'a certainement pas le pouvoir
de couvrir une illégalité commise par une renonciation ultérieure à
s'èn prévaloir.
(1) Voy. note S. Huynen sous Guerre Turnhout. 28 mars 1945; J. T. 116.
(2) Pas. 1. 116.
(3) Un arrêt de la Cour de cassation en date du 21 décembre 1951 (Pas. 1952. 1. 217) semble
cependant admettre le simple consentement tacite. Un autre: arrêt du 6 avril 1949 (Pas. I. 264)
énonce toutefois que l'absence au procès~verbal de toute mention relative à une opposition de
l'habitant et à l'emploi de moyens de contrainte, ne prouve pas le consentement du demandeur
à la visite domiciliaire. (Cf. aussi App. Gand 1 juin 1951. R.W. 1950-51 col. 1033).
(4) Cass. 19 fév. 1923; Pas. 1. 196.
(5) Un jugement du Cons. G. de Turnhout du 28 mars 1915 (J. T. 116) confirme impllcitcrncnt
cette manière de voir, Cf. aussi Ca.ss. 6 avril 19-19; Pas. 1. 264.
(6) Voy. cependant Cass. 30 sept. 1916; Pas. 1. 338; 24 mai 19•!8; Pas. 1. 335.

232
248. - PERSONNES DONT LE CONSENTEMENT EST
REQUIS. - Le consentement doit, en toute hypothèse, émaner du
maitre de la maison ( 1) : Le principe de l'inviolabilité du domicile
étant essentiellement institué dans l'intérêt de celui~ci, il est évident
que la renonciation au bénéfice de cette inviolabilité doit, avant tout,
provenir de lui.
Par « maitre de la maison», il faut entendre la personne qui a
la jouissance effective de l'immeuble, c'est~à~dire, selon les cas, le
propriétaire, l'usufruitier, le locataire, le sous~locataire, et qui est
considérée comme le chef du ménage ou de la famille ; c'est là, bien
entendu, une question d'espèce laissée à l'appréciation de la police
judiciaire, sous le contrôle du tribunal.
Il est cependant admis par la jurisprudence que la femme peut, en vertu du
mandat domestique, donner valablement son consentement à la perquisition en l'ab-
sence du mari (2). Mais lorsque le mari est présent, il est évident que le consente-
ment de la femme est insUJffisant pour légitimer la perquisition ( 3).

L'application du principe ne souffre guère de difficultés si la


maison est occupée par une seule famille; mais quelle solution faut
il adopter si plusieurs ménages distincts résident dans un même im~
meuble ? Trois cas peuvent se présenter :
a) Une personne à la jouissance privative d'une partie de
maison, une chambre, par exemple, dans un immeuble dont une autre
personne, propriétaire ou locataire principal, à la jouissance générale,
de telle manière qu'il ne soit pas possible d'accéder à la chambre
du premier intéressé sans traverser le logement privé du second :
Dans ce cas, l'autorisation des deux personnes intéressées apparait
indispensable, pour procéder à une visite domiciliaire dans la chambre
occupée par la première ( 4).
b) L'immeuble est divisé en appartements distincts et indépendants
les uns des autres, auxquels on accède par une entrée et un escalier
communs: L'autorisation pourra alors émaner uniquement du maitre
de l'appartement où doit être opérée la perquisition (5).
c) Deux personnes se partagent la jouissance cl' un même local :
Chacune peut alors autoriser séparément la visite de celui~ci, mais
seules sont valables les constatations faites à charge de celle qui a
autorisé la perquisition ( 6).
Le consentement du maître de la maison suffit-il lorsque la perquisition ne le
vise pas directement mais fait partie d'investigations relatives à l'activité de person-
nes habitant sous son toit? Qu'advient-il, par exemple, dans le cas où la visite
domiciliaire a pour objet l'examen d'effets ou papiers dont un membre de la famille
( 1) Rép. dr. b. vo proc. pén. n° !'18. Voy. Cass. 13 oct. 1952 : Pas. 1953. 1. 52.
(2) Cass. 9 lév. 1923; Pas. I. 195; 24 mai 1948: Pas. 1. 235.
(3) App. Gand, 4 janv. 1951 ; R. W. 1950-51, col. 1033.
(i) Voy. Cass, 6 mai 1942; Pas. 1. 116; 27 mai 1946; Pas, 1. 218.
(5) Voy. Rép, dr. b, v 0 proc, pén. n° 135 et réf. cit.
(6) Cass, 2 déc, 1939: Pas. I. 515.

233
a la propriété, la possession ou la détention exclusive? L'autorLo;ation de cette
dernière personne doit-elle être également sollicitée?
D'un autre côté, ne peut-on admettre que le consentement de cette seule per5onne
suffise à légitimer la perquisition lorsque celle-ci la vise exclusivement?
La réponse à ces questions nous parait découler de la notion même de « maitre
de la maison » : Seul celui-ci peut disposer à son gré du logement où il habite ; les
autres personnes demeurant sous son toit, membres de la famille, hôtes ou domesti-
ques, partagent la jouissance de l'habitation dans la mesure consentie par le maitre
de la maison, mais ne peuvent se prévaloir d'aucun droit de disposition à l'égard
du logement lui-même.
C'est donc le maitre de la maison seul qui peut autoriser la perquisition et r.on
autorisation suffit ( 1).
Cette règle est d'ailleurs en parfaite conformité avec l'article 46 du code
d'instruction criminelle qui habilite la police judiciaire à constater tout crime ou délit,
même non flagrant, commis à l'intérieur d'une maison, lorsque le maître de celle-cl le
requiert ( 2) .

249. - EFFETS DU CONSENTEMENT. - Le consentement


représente une renonciation à la garantie constitutionnelle de l'invio-
labilité du domicile: Il importe de préciser la nature et l'étendue de
cette renonciation.
Le consentement est une invitation donnée aux officiers de police
de pénétrer dans le domicile dont on leur ouvre l'accès pour y pro-
céder aux recherches nécessaires intéressant l'enquête qu'ils mènent.
Mais cette invitation ne fait qu'abaisser une barrière, sans détruire
celle-ci : Le consentement rend légitimes et licites des recherches
qui, autrement, seraient illégales ; mais il ne peut être générateur
d'une obligation dans le chef de celui qui l'accorde, ni d'un droit en
faveur de celui qui l'obtient : Il crée, tout au plus, une simple faculté,
précaire et toujours révocable ( 3).
Toute autre interprétation serait, en effet, contraire au principe,
énoncé par l'article 6 du code civil, qu'on ne peut par des conventions
particulières déroger aux lois qui intéressent l'ordre public.
Cette constatation entraine un certain nombre de conséquences
qu'il convient de dégager :
l") Avant le oommencement de la perquisition, l'intéressé à
toujours le droit de revenir sur le consentement donné et de le
révoquer.
L'intérêt de cette observation a été mis en lumière à l'occasion d'une pratique
contestable née pendant la dernière guerre : Pour obtenir une allocation d'un

( l) Remarquons à ce propos que si la jurisprudence considère comme valable l'autorisation donnte


par la femme, c'est parce qu'elle considèn cc-llt•d comme mandataire du maitrt de la mai8on.
(2) Cette prérogative du maître de la maison trouve ses plus fréquentes applications en matitre
de constat d'adultère et de vol domestique.
( 3) L'invitation donnée aux officiers de police ne diffère pas essentiellement de celle qui ~ut étl'~
faite par une: personne à tout particulier de pénétrer dans son domicilt> et eBe est soumi~e au1
mémes usages et conditions que celle!t-ci,

234
produit rationné déterminé, l'intéressé devait affirmer sur l'honneur qu'il ne possédait
en réserve, au maximum, qu'une certaine quantité de ce produit et autoriser expres-
&ément et par écrit les agents de l'Administration à contrôler cette affirmation par
une visite domiciliaire.
En admettant même qu'un tel consentement, ait été considéré comme valable,
l'intéressé conservait toujours le droit de le révoquer et de s'opposer à la visite
domiciliaire prévue ( 1).

2°) Au cours de la perquisition, l'intéressé peut toujours révoquer


le consentement donné et exiger qu'il soit mis fin aux investigations.
Il semble, toutefois, qu'il ne pourrait faire usage de cette faculté que si un
motif légitime, résultant, par exemple, de l'attitude des agents instrumentants, le
justifiait: En interrompant une perquisition sans motif, ou pour une raison illégitime
telle que le désir d'empêcher in extremis une découverte intéressante, il commettrait
un abus de droit (2).

Si, d'autre part, les enquêteurs étaient amenés, au cours de leurs


investigations, à examiner le contenu de locaux, de meubles ou
d'objets fermés, ils ne pourraient évidemment procéder à cet examen
qu'avec l'assistance ou l'accord de l'intéressé.
Ils ne pourraient, par exemple, forcer une serrure, mais devraient inviter
l'intéressé à leur en donner la clef.

3°) Lorsque la perquisition a pris fin, la faculté née du consen~


tement est éteinte et une nouvelle visite domiciliaire requiert un
nouveau consentement indépendant du premier.

SECTION IV

Effets d'une perquisition illégale

250. - GENERALITES ET RENVOI. - Tout d'abord, l'au~


teur d'une perquisition illégale peut être l'objet de poursuites répres~

( 1) Voy. la réponse de M. le Ministre du Affaires Economiques et des Classes Moyennes à la


question de M. le St:nateur Godding { qurstion n° 43 du 27 juin 19-47) ; bulletin des question~
et rtponu3 parlementafres du S aoOt 1917: p. 1071.
(2) Un ar~tt de la Cour d'appel de Gand en date du 23 janvi<r 1951 (R. W. 1950-51 col. 1278)
tnonce: au contraire que: le conscnte:me:nt, une fois donné, ne pe:ut être ni limité, ni retiré. Cette
opinion, higée e:n règle:, nous paraitrait quelque pe:u excessive. Ce n'est pas, en effd, parce qu'un
individu tolère l'intrusion d' enq1.1,tteurs dans son domicile que celui-ci perd son caracthe:
d'inviolabtliU:. Le principe: mf:me: de: celle-ci Implique: que la visite domiciliaire: est subordonnée
au consentement continu du maitre: de la mai.'9on, L'examen des circonstances de fait nlatées
par l'arrêt nous révèle toutefois que se trouvait réalisée: en l'espèce l'hypothèse que: nous avons
signalée, à savoir l'opposition illégitime destinée à empêcher in e:xtre:mis une découverte
intéressante. La solution adoptée par la Cour d'appel de: Gand rejoint donc, en fin de compte:.
celle que nous préconisons. D'autre: part, il est évident que dans la grosse majorfté des cas.
une opposition tardive répondra à des mobiles peu avouables. Sur le terrain pratique, on peut
donc admettre raisonnablement que le consentement. une fois donné. ne peut ttre retiré
qu'exceptionnelleme:nt d pour des motifs valables. Mais le fait que les choses st présentent
ainsi dans la plupart des cas concrets ne diminue pas la valeur du principe lui-même et ne
permet pas, à notre sens, d'~riger tn règle le principe contraire.
Signalons enfin que le même arrêt admet que l'autorisation, une fois donnée, permet de: constater
toute infraction dtcouverte à l'occasion de la perqubition d pas seulement celle: fabant l'objet
des recherch€:s, Cette opinion, fondée sur l'article 29 du code d'instruction crimineJle, doit étre
approuvée sans restrictions.

235
sives; sur la base de l'article 148 du code pénal. qui réprime le délit
de violation de domicile commis par un fonctionnaire public.
D'autre part, les constatations réalisées grâce à la perquisition
illégale sont privées de toute valeur probante; elles ne peuvent être
ÏJnvoquées à titre de preuves, ni sous forme de procès~verbal, ni
sous forme de témoignage, ni sous forme de dénonciation; l'aveu de
l'auteur de l'infraction ne pourrait même pas couvrir l'illégalité
commise; toute poursuite fondée sur les constatations illégales serait
irrecevable (voy. supra n° 92).

CHAPITRE V
LES SAISIES

251. - DEFINITION ET CARACTERES. - La saisie, en


matière de police judiciaire, est la mise sous main de justice de tout
ce qui semble avoir servi ou avoir été destiné à commettre l'infrac~
tian, de tout ce qui parait en avoir été le produit et de tout ce qui
peut servir à la manifestation de la vérité ( 1 ) . Elle répond à un but
essentiel : la protection et la conservation des objets susceptibles de
fournir 1llll élément de preuve de l'infraction.
La saisie peut également, et accessoirement, répondre à d'autres préoccupations
que celle de recueillir et conserver des preuves :
1°) Elle a, parfois, pour but de priver un délinquant de la libre disposition et
de l'usage d'un objet dont il a fait ou pourrait faire un emploi illégal : Tel est
notamment le cas en matière de saisie d'armes prohibées: Cette saisie répond autant
à un souci de sécurité publique qu'à une préoccupation d'instruction.
2°) Elle peut aussi être destinée à sauvegarder les droits de la victime de
l'infraction : Ainsi, la saisie des objets volés répond, en dehors de la question de
preuve, au souci d'empêcher le délinquant de tirer profit du fruit de son délit.

En toute éventualité, la saisie en matière de police judiciaire est


essentiellement une mesure conservatoire et non pas une mesure
d'exécution.
Dans certaillls œs, la saisie n'a pas pour effet de porter atteinte
à un droit individuel: Il en est ainsi lorsqu'elle porte sur des objets
abandonnés par leur propriétaire ou n'étant pas susceptibles d'une
appropriation quelconque.
Par exemple, un révolver trouvé à côté de la victime, un gant ou un mouchoir
perdus par le meurtrier, des débris, douilles de cartouches, cheveux, etc. découverts
sur le lieu du crime, peuvent évidemment être saisis sans qu'aucun droit de propriété
soit lésé.
Mais souvent la saisie porte préjudice au droit de propriété ou
de jouissance de celui qui possède ou détient l'objet à saisir.

( 1) lnstr. 35.

236
Il en est, par exemple, ainsi lorsque sont saisis une automobile dont le conducteur
a provoqué un accident ou une montre trouvée en possession d'un individu soup-
çonné de vol ou de recel.

252. - OBJETS SUSCEPTIBLES DE SAISIE. - Peut, en


règle générale être saisi tout objet utile à 1a manifestation de la
vérité ( 1 ) : Sont considérés comme tels :
l") Les objets paraissant avoir été destinés ou avoir servi à
commettre l'infraction ( 2).
Rentrent dans cette catégorie, notamment, les armes, instruments d'effraction,
appareils quelconques dont l'usage a permis ou facilité l'exécution de l'infraction.
2°) Le produit de l'infraction ( 2).
Celui-ci sera constitué, par exemple, par les faux billets, les objets volés
que~ qu'ils soient, etc.

3°) Tout objet pouvant servir à conviction ou à décharge.


Tels sont, entre autres, tous les objets laissés par le coupable sur la scène
du crime ou du délit et qui pourraient servir à établir sa culpabilité, ainsi que les
pièces ou documents pouvant contribuer à l'administration de la preuve.

La saisie ne peut, cependant, porter atteinte aux droits légitimes


de la défense : EIJe ne peut, dès lors s'étendre à la correspondance
confidentielle entre Je prévenu, son conseil, son avoué ou son notaire
(3).
Toutefois, une telle saisie, bien qu'irrégulière, n'entrainerait pas la nullité des
poursuites, si celles-ci ne se fondaient pas sur les documents irrégulièrement
saisis (4).

Les objets de toute nature ( lettres, télégrammes, colis postaux,


etc.) confiés à l'Administration des Postes ou à la Régie des Télé~
gr:aphes et Téléphones peuvent faire l'objet d'une saisie; cel1e~ci est
toutefois soumise, en pratique, à des formes spéciales ( 5).
Les agents ne sont tenus d'obtempérer à une réquisition tendant à la remise
d'objets confiés à la Poste ou de messages remis au Télégraphe (6) que si cette

( 1) lnstr. 87 in fine.
(2) lnstr. 35.
(3} Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 358. La saisie des actes notariés est, en outre.-, soumise à des.
formalités spéciales (cf. J. H. Suetens. L'instruction. La Chambre du conseil, n° 8 137 et ss.)
L'article 455 du code d'instruction criminelle modifié par l'A.R. n° 246 du 22 fév. 1936 dispose
que « s'il est nécessaire de dt:ssaisir un dépositaire public d'une pièce authentique, la
pièce sera préalablement photographiée et une copie photographique, après vérification
par le président du tribunal de première instance de son arrondissement, qui e:n dressera
procès-verbal. sera mise par Je dêpositaire au rang de ses minutes, pour t:n tenir lieu jusqu'au
renvoi des pièces, et il pourra en délivrer grosse ou expédition, en faisant mention du procès--
verbal qui aura été dressé.
Néanmoins. si la pièce se trouve faire partie d'un registre de manière à ne pouvoir en f:tre
momentanément distraite, le tribunal pourra, en ordonnant l'apport du registre, dispenser de la
formalité établie par Je présent article. »
(i) Cass. 7 juil. l9i7 ; Pas. 1. 323.
(5) Voy. Rép. dr. b. v• Postes et Télégraphes, n°• 154 et ,s,
(6) Signalons que les correspondances téléphoniques ne peuve-nt jamais être interceptées, même dan•
l'intérêt d'une instruction judiciaire.

237
·réquisition émane du juge d'instruction ou d'un magistrat investi des mêmes pouvoirs
que celui-ci ; le réquisitoire doit être écrit et contenir, autant que possible, les nom
et prénoms du prévenu; le magistrat instructeur ou son délégué doivent délivrer un
récépissé ; les objets de correspondance ne peuvent être réintégrés dans le service
qu'après avoir été revêtus de la constatation de leur saisie et avoir été recachetés
au moyen du sceau du magistrat.
Le juge d'instruction pourrait évidemment, au lieu d'établir un réquisitoire,
pratiquer une perquisition dans les locaux de l'Administration ou de la Régie et
saisir les pièces qu'il juge utiles à son instruction, mais il est évident qu'en fait, il
ne procède jamais ainsi.

253. - OFFICIERS PUBLICS INVESTIS DU DROIT DE


SAISIE. - La détermination des règles relatives à l'exercice du
droit de saisie est assez délicate: En effet, d'une part la saisie porte
souvent atteinte à un droit individuel et comporte un élément de
contrainte à l'égard d'une personne donnée, si bien que son utili-
sation devrait être limitée aux cas où elle est autorisée par la loi ;
mais d'autre part elle constitue un acte conservatoire destiné à
empêcher la disparition de pièces à conviction, de telle sorte que son
utilisation, représentant un attribut normal de la mission de police
judiciaire, devrait être admise dans tous les cas où elle n'est pas
défendue par la loi.
Laquelle de ces deux solutions opposées convient-il de retenir
en définitive ? Devons-nous, en d'autres termes, considérer la régie~
mentation légale du droit de saisie comme étant limitative ou exem~
plative?
Ce problème est extrêmement important, car le code d'instruction
criminelle est très peu explicite en ce qui concerne les saisies : Il
n'envisage guère celles~ci que comme un accessoire, un complément
des perquisitions : Il confère dès lors, comme en matière de visites
domiciliaires, la plénitude du droit de saisie au seul juge d'instruction
et prévoit seulement l'extension de ce droit au procureur du Roi et
à ses officiers de police judiciaire auxiliaires dans le cas de flagrant
délit ( 1 ) .
Or, si la visite domiciliaire est une des principales occasions où
des saisies peuvent être elffectuées, il est évident que très souvent
celles~ci peuvent être opérées indépendamment de toute perquisition
d'office, soit parce que l'objet est trouvé hors d'un domicile privé, sur
le théatre de l'infraction ou sur la personne du prévenu, par exemple,
soit parce qu'il est découvert à la suite d'une perquisition du consente~
ment formel.
Si, dès lors, le droit de saisie se voyait conférer une portée. res~
( l) La législation postérieure a maintenu cette confusion entre la perquisition et la saisie (voy. not.
L. 20 avril 1874 (détention préventive) art. 24); toutefois, de nombreux textes ont, dans .certafnE"
domaines spéciaux, accordé expressément le droit de saisie aux officiers et agents de police
judiciaire ou à certains d'entre eux (voy. not. instr. 16: loi g~nérale (douanes et accises) art.
213, 211. 215; loi du i mal 1936 (armes proh!Wcs) art. 5, i 0 ; code rural art. 68; loi du 27 jui11
1937 (aéronautique) art. iO).

238
trictive, il faudrait admettre que seuls le juge d'instruction, et, ex-
ceptionnellement, le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires ( 1 )
pourraient, même en dehors du cas de la perquisition d'dffice, y
recourir, tandis que si nous admettions une application extensive de
ce droit, tout officier ou ag,ent de poliœ judiciaire pourrait en faire
usage, dans tous les cas où l'inviolabilité du domicile n'y met pas
obstacle.
Dans la pratique, l'interprétatioo extensive parait devoir s'im~
poser : En df et, parmi ceux qui contribuent à l'exercice de la police
judiciaire, ce ne sont pas les organes de direction, - le procureur du
Roi ou le juge d'instruction - . qui ont normalement l'occasion de
procéder à des saisies, mais bien les organes d'exécution, - les
officiers auxiliaires et les agents de police judiciaire - . qui décou~
vrent au cours de leurs opérations les objets à saisir. Vu la nécessité
de mettre ces objets d'urgence sous la main de justice, pour empêcher
leur disparition, il est évident que si les o:fficiers de police qui les
découvrent n'avaient pas le pouvoir de les saisir immédiatement,
l'exercice du droit de saisie serait paralysé et le droit lui-même
deviendrait illusoire ; la saisie, étant une mesure oonservatoire, ne
peut être efficace que si elle ne requiert aucun délai, si minime soit il.
Il est, d'autre part, un argument très sérieux en faveur d'une
conception extensive du droit de saisie : C'est celui que nous avons
déjà invoqué (supra n° 238) à propos du droit de fouille et d'examen
des objets trouvés en possession des individus arrêtés : Si les dfficiers
ou agents de police judiciaire ont le pouvoir de priver une personne
de sa liberté corporelle, à titre conservatoire, dans certains cas, il
serait illogique de leur refuser le droit, infiniment moins important, de
saisir, à titre conservatoire également, les pièces à conviction trouvées
en possession de cette personne.
Un arrêt de la Cour de Cassation de France du 11 septembre
1933 (2) s'est prononcé en faveur de l'interprétation extensive du
droit de saisie : Il a admis, en etff et, la validité de la saisie, par des
agents de police, d'objets volés découverts dans une automobile (3).
La jurisprudence anglaise, appelée à résoudre ce problème qui
se posait à elle dans des conditions identiques, a statué dans un sens
similaire ( 4).
Toutefois, certaines décisions de jurisprudence belges, statuant,
il est vrai dans un domaine quelque peu différent, celui du délit de
détournement d'objets saisis, se rallient à une conception plus restric-
tive en matière de saisie: Un arrêt de la Cour d'Appel de

( t) Sur ddégütion du juge d'instruction, en cas de flagrant délit ou dans certaines matières spéciales.
(2) Dai. pér. 1937. I. 41.
(3) Voy. aussi Appel Nime•. 18 nov. 1926: Pas. 1927. III. 91 : Liège, 12 jan. 1938: Pas. Il. 150.
(4) Voy. Elia. v. Pasmore (1931) 2 K. B. 164: 50 T. L. R. 196: Harris and Wilshere'• Criminal
Law p. 366 ; Kenny, Outlines of Criminal Law, p. 526.

239
Bruxelles du 26 mars 1942 ( 1), notamment ( 2), a déclaré illégale
la saisie d'un cheval par des gendarmes non revêtus de la qualité
d'officiers de police judiciaire. II ne semble, cependant, pas que la
jurisprudence belge soit déifinitivement flxée en ce domaine ( 3).
1

Tout bien considéré, nous estimons que, quoiqu'il subsiste une


sérieuse incertitude en l'espèce, il convient de se rallier à la concep~
tion extensive du droit de saisie.
Nous devons, dès lors, admettre que tout officier ou agent de
police judiciaire possède, dans l'exercice de ses fonctions habituelles
( 4). le droit de procéder à la saisie des pièces à conviction qu:il
pourrait découvrir.
En réalité, toute la dillkulté provient de la confusion injusti'fiable existant entre
le droit de perquisition et le droit de saisie : Sans doute, les deux mesures d'instruc-
tion sont-elles souvent concommittantes; mais elles n'ont, de toute évidence, en
dehors de cette circonstance fortuite, aucun point commun ; elles ne posent pas
les mêmes exigences pratiques et leurs conséquences sont absolument différentes:
La perquisition entraîne la méconnaissance totale et définitive d'un droit individuel;
la violation de domicile, légale ou illégale, est consommée par le fait de la visite
domiciliaire; d'un autre côté, !a nécessité de pratiquer une perquisition ne présente
pas, normalement du moins, un degré d'urgence tel qu'il ne puisse se concilier avec
le délai indispensable pour obtenir l'autorisation légale. Par contre, le fait de la
saisie n'entraîne pas la violation d'un droit individuel, mais simplement une atteinte
provisoire à celui-ci ; cette atteinte ne prend un caractère de véritable gravité que
si la saisie est maintenue plus ou moins longuement; en revanche, l'urgence de
pratiquer une saisie est normalement telle que tout retard, si minime soit-il, doit
être évité.
Il serait donc logique d'autoriser d'une manière très large la saisie des pièces
à conviction par la police judiciaire, mais de subordonner le maintien de la saisie
à une décision juridictionnelle, ou du moins, afin d'éviter une procédure inutile à
défaut de réclamation, d'accorder à la personne préjudiciée un droit de recours
immédiat et dficace. De toute manière, il serait souhaitable, de lege ferenda, que
le problème de la saisie en matière de police judiciaire fasse l'objet d'une réglemen-
tation légale complète et exempte d'ambiguïtés.

254. - FORMES DE LA SAISIE. - La valeur probante qui


peut être attribuée à une pièce à conviction dépend en grande partie
du caractère non douteux de la provenance de cette pièce : Il est
certain, par exemple, qu'une arme, trouvée en la possession d'un
suspect et ayant servi à commettre un crime fournira à charge de
cet individu une présomption très grave ; mais encore faut~il qu'il
soit prouvé, à supposer établi l'usage criminel de cette arme, qu'elle
a bien été découverte en la possession de l'individu incriminé. C'est,
avant tout, afln qu'aucun doute ne puisse être émis sur les circonstan~
ces de la saisie et l'identité des objets saisis, qu'il est utile que cette
(1) Pas. Il. 83.
(2) Voy. aussi Verviers 8 juil. 1943 ; Pas. 194-1. III. 69; Cass. 16 juin 1947 et note R. H. ;
Pas. I. 277.
(3) Un arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles du 6 novembre 1918 (J. T. 1949. 363) parait ••
ra1lier à la conception extensive du droit de saisie. sans cependant trancher complètement Je
problème posé. Le pourvoi en cassation introduit contre cet arrêt a été rejeté le 11 avril 19i9,
(1} C'est .. â•dire dans tous les cas où il ne doit pas recourir à une perquisition d'office.

240
opération soit entourée de formes garantissant sa régularité. Acces-
soirement, une saisie entourée de formes régulières constitue une
garantie en faveur de la personne à charge de laquelle elle a été
opérée, car elle facilité la restitution ultérieure éventuelle des objets
saisis.
Les articles 37 à 39 du code d'instruction criminelle prévoient
diverses formalités applicables à la saisie : Procès-verbal, clôture
des objets saisis dans un paquet, un vase ou un sac scellés, assistance
du prévenu ou de son fondé de pouvoirs. Ces formalités ne sont pas
prescrites à peine de nullité ( l), mais si elles n'ont pas été observées,
la valeur probante de l'opération peut en être affectée (2).
Dans la pratique, les objets saisis sont inventoriés et sommaire-
ment décrits au procès-verbal ; la personne à charge de laquelle la
saisie est effectuée est invitée, si elle est présente, à apposer sa signa-
ture au bas de celui-ci ; les objets saisis sont clos et cachetés si la
chose est possible, et munis d'une étiquette indiquant leur provenance
et la référence du dossier auquel ils se rapportent ; une liste spéciale
des objets saisis est dressée par l'officier de police et jointe au
dossier ; des précautions particulières sont prises pour la protection
des objets saisis sur lesquels des traces et empreintes pourraient
être relevées ( 3).
Il arrive que des documents utiles à l'enquéte soient remis volontairement,
contre récépissé, à la police judiciaire sans faire l'objet d'une saisie proprement dite:
Ils sont alors simplement versés au dossier.

En matière de faux, le code d'instruction criminelle ( 4) avait


prévu des formalités spéciales pour la saisie des pièces arguées de
faux : Ces formalités sont toutefois considérées comme n'étant ni
substantielles, ni prescrites à peine de nullité ( 5). II est néanmoins
d'usage, dans la pratique, de faire signer la pièce litigieuse « ne
varietur » par la personne à charge de laquelle elle est saisie.
Enfin, certaines lois spéciales ont prescrit des formes particulières
en matière de saisies (voy. par exemple, loi générale (Douanes et
assises) art. 240 et ss. ; Arr. Roy. des 28 fév. 1891, 8 oct. 1894,
13 août 1901 et 24 mars 1931 en matière de falsification de denrées
alimentaires) ( 6) .

255. - GARDE ET RESTITUTION DES OBJETS SAISIS.


II arrive parfois que les objets saisis ne soient pas emportés
par l'officier instrumentant et soient laissés en la possession de la
personne qui les détenait : Bien que cette pratique ne soit pas ex-
( 1) Cass. 14 jan. 1952 ; Pas. I. 263 ; , oy. aussi Cass. française 21 fév. 1883 ; Dai. pér. 1881. J. 92.
(2) Cass. 15 mai 1916: Pas, 1917. J. 97.
(3) Voy. Schuind, Droit criminel. pp. 172 et ss. : Circ. d~ M. le Procureur du Roi de Bruxelles
du 15 janv. 1951 reproduite par Marchal et Jaspar ; Droit criminel. n° 2395.
(1) lnstr. 118.
(5) Cass, 1 nov, 1910; Pas, I. 277.
(6) Voy. infra n° 261.

241
pressément prévue par la loi, elle n'en apparait pas moins fondée et
régulière, par référence aux règles en vigueur en matière de procé-
dure civile.
Dans ce cas, le détenteur des objets saisis est constitué gardien
de ceux-ci et ne peut les enlever ou les détourner sans s'exposer aux
peines prévues par le code pénal ( 1 ) .
Lorsque les objets saisis sont emportés par la police judiciaire,
ils sont déposés par elle au greffe du tribunal correctionnel et le
gre!ffier en assure la conservation ( 2).
La mainievée est ordonnée par l'autorité judiciaire compétente,
c'est-à-dire par le procureur du Roi, par le juge d'instruction ou par
le tribunal. selon les cas ( 2).
L'arrêté Royal du 24 mars 1936 organise la procédure en restitution et assure
la sauvegarde des droits des tiers : Ceux-ci peuvent faire opposition à la restitution,
par lettre recommandée adressée au greffier qui en accuse réception. Lorsque la
mainlevée est ordonnée, le greffier en avise, par lettre recommandée, les opposants (3)
et, éventuellement, les autres personnes qui lui sont indiquées par le ministère public
pouvant, d'après les indications fournies par la procédure, prétendre à des droits sur
la chose. Le délai pendant lequel ces personnes peuvent faire valoir leurs droits est
mentionné dans l'avis; sa durée est ,fixée par le ministère public et ne peut être
inférieure à quinze jours. Les intéressés doivent saisir le juge compétent pour
statuer sur leurs prétentions et rapporter au greffier la preuve de lïntentemcnt d'une
action avant l'expiration du délai; il est alors sursis à la restitution jusqu'à la
solution du litige. Au cours de l'instance engagée, le séquestre de la chose peut être
ordonné à tout moment, conformément à l'article 1961 du code civil, sur la demande
des parties ou du ministère public.

256. - LA FERMETURE DE LOCAUX OU EXPLOITATIONS. - Il peut


arriver, au cours d'une instruction, que la fermeture d'un local s'avère nécessaire
pour les besoins de l'information : Si, par exemple, une chambre contient des em-
preintes ou des traces dont le relevé et l'examen s'imposent, il peut être indispensable
d'interdire l'accès de cette pièce pendant le temps nécessaire aux vérifications.
La fermeture d'un local et l'apposition de scellés sur ses· issues ne sont pas pré-
vues par le code d'instruction criminelle ; il apparaît, néanmoins, qu'il ne s'agit là que
d'une modalité de la saisie, soumise, dès lors, aux mêmes règles d'application que
celle-ci (4) .
En revanche, il peut arriver que la fermeture d'un local ou d'une exploitation,
tels qu'un établissement de jeux de hasard, un débit de boissons, un commerce,
soit estimée utile, pour empêcher, par exemple, l'utilisation ultérieure des lieux à des
fins délictueuses.
Cette mesure a été couramment appliquée pendant la dernière guerre, en matière
d'infractions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays (5).
Est-il permis à la police judiciaire ou au juge d'instruction, en l'absence de
dispositions légales formelles, de prendre une mesure de cette nature ?
( 1) C. proc. civ. 600; c. pén. 507; voy. aussi Cass. 16 juin 1917: Pas. I. 2ï7.
(2) Arr. R. n° 260 du 24 mars 1936 (objets saisis) art. Jer.
(3) L'opposition doit contenir élection de domicile dans le Royaume, sinon l'opposant ne peut
invoquer le défaut de notification (art. 3, al. 2).
( 4) Voy. Gand 29 juil. 1921 : B. J. 1922, 18 et note J. V.
(5) Voy. A. L. 22 jan. 1915, art. 11. par. 2.

242
Une réponse négative nous parait s'imposer : En effet, des fermetures ordonnées
dans ces conditions n'ont plus le caractère d'un acte d'instruction, mais bien d'une
mesure préventive analogue en son principe à la détention du prévenu avant son
Jugement ; il est évidemment interdit d'appliquer une pareille mesure, sauf dans les
cas où la loi le prévoit et dans les formes prescrites par celle-ci.

CHAPITRE VI

LES EXPERTISES

257. - DEFINITIONS ET GENERALITES. - Les experti-


ses sont des investigations particulières, confiées à des personnes
présumées, par leur art ou leur profession capables de recueillir ou
de mettre en évidence certains éléments de fait que les organes ordi-
naires de la justice seraient incapables de recueillir ou de mettre en
évidence eux-mêmes, parce qu'il leur faudrait, pour cela, des connais-
sances techniques spéciales qu'ils ne possèdent pas ( 1).
La police judiciaire offre, à l'heure actuelle, un champ d'action très étendu et
très varié à de nombreuses formes d'expertises: Examens médicaux (autopsies,
explorations corporelles, etc.) ; examens chimiques (toxicologie, etc.) ; examens
physiques (balistique, etc.) ; examens mécaniques (véhicules, machines, etc.) ; exa-
mens des traces et empreintes (dactyloscopie); examen des écritlll'cs (graphologie);
examens comptables, etc.

L'expert est essentiellement un spécialiste appelé à assister tech-


niquement les représentants de la police et de la justice dans l' exé-
cution de leurs recherches.
Ces définitions entrainent deux conséquences essentielles :
1°) L'expert est un auxiliaire de la police et de la justice; il est
investi par un officier de police judiciaire, un magistrat instructeur
ou un tribunal du mandat de prêter le concours de ses connaissances
particulières à l'accomplissement de la tâche spéciale incombant à
cet officier, ce magistrat ou cette juridiction: L'expert n'est donc
pas un organe de la justice, mais un collaborateur, un assistant des
divers org,anes qui contribuent à l'administration de celle-ci; le rôle
de l'expert ne doit donc pas être étudié indépendamment, mais en
fonction de celui de son commettant, c'est-à-dire de l'organe parti-
culier duquel il tient sa mission et dont il n'est que le prolongement.
Lorsqu'un officier de police judiciaire, cherchant à découvrir les causes d'un
décès, commet un médecin légiste pour procéder à J'autopsie et un toxicologue pour
analyser le contenu de divers organes, les recherches auxquelles procèdent ces deux
experts ont pour objet de fournir à cet officier de police la documentation scientifique
nécessaire ·à l'accomplissement de sa mission, c'est-à-dire au progrès de l'information;
lorsqu'un tribunal désigne un expert en vue de déterminer les circonstances d'une
mort dont on impute la responsabilité à un prévenu, l'examen auquel procède
( 1) Instr. 43 et note de M. le Procureur Général Cornil sous Ca,s. 17 mai 1938; Pas. I. 176.

243
l'homme de l'art a pour but de guider cette juridiction dans l'accomplissement de sa
tâche, c'est-à-dire dans l'élaboration du jugement appréciant l'existence ou l'absence
de culpabilité dans le chef du prévenu.
Cette distinction présente une très grande importance, car elle
contribue à la solution d'un problème qui a retenu l'attention des
commentateurs: Celui de la nature du recours à l'expertise par le
juge d'instruction, et plus particulièrement du point de savoir si cette
mesure constitue un acte d'wormation ou un acte de juridiction :
Lorsqu'un organe de la justice s'assure le concours d'un expert, il
cherche simplement à bénéficier de l'avis autorisé de celui-ci dans
l'exercice de ses pvopres fonctions; la nature de l'expertise n'est donc
pas déterminée par le caractère spécifique de cette mesure d'instruc-
tion, mais bien par l'objet des fonctions de celui qui en fait usage :
S'il s'agit d'un officier de police judiciaire, le recours à l'expertise sera
donc un acte d'inform1ation; s'il s'agit d'un tribunal il sera un acte
de juridiction et enfin s'il s'agit d'un magistrat instructeur, d'un juge
d'instruction par exemple, il sera un acte mixte d'information et de
juridiction, la nature des attributions du juge d'instruction ayant,
elle-même, un caractère mixte.
2°) L'expert a pour mission de prêter à son commettant l'appoint
de connaissances techniques ou scientifiques qui font défaut à ce
dernier; le recours à l'expertise ne peut, dès lors, s'étendre aux
domaines qui relèvent de la compétence normale de celui qui en fait
usage : Un officier de police ne peut charger un expert de recueillir
à sa place la déposition d'un témoin, ou de procéder à une perquisi-
tion ; un juge ne pourrait inviter un expert à résoudre un problème
juridique ou à apprécier la culpabilité d'un prévenu ( 1).
D'autre part, l'appel à un expert ne se justifie qu'en cas de néces-
sité: Si l'officier de police ou le juge sont suffisamment compétents
en fait, dans un domaine donné, pour se passer du concours d'un
spécialiste, ils ne doivent évidemment pas demander l'assistance de
celui-ci.
L'expertise a pris, en raison du développement de la technique
moderne, une importance exceptionnelle en matière de procédure
pénale. Les seules dispositions légales existant en ce domaine datant
de 1808, sauf en certaines matières spéciales, l'autorité judiciaire
s'est trouvée dans l'obligation de suppléer presqu' entièrement à la
carence des textes. Dès lors, à peu près toute la réglementation rela-
tive aux expertises actuellement en vigueur est d'origine coutumière
et jurisprudentielle.

258. - OFFICIERS PUBLICS AYANT QUALITE POUR


ORDONNER UNE EXPERTISE. - Il paraitrait logique, en raison
de la nature même de l'expertise, que tous les organes de la police
( 1) Voy. note de M. le Procureur Général Cornil sous Cass. 17 mai 1938: Pas. 1. 176. Cour. Mil.
Litge 29 mai 1947, cité par M. Maurice Polain (J. T. 1947, p. 551. col. 2).

244
judiciaire puissent y recourir, chaque fois qu'ils se trouvent confrontés
avec un problème dépassant les limites de leur compétence technique
ou scientifique ; cependant, il est également évident que ce principe,
fut-il admis, devrait être appliqué en tenant compte des exigences
pratiques, et notamment des di'fficultés matérielles propres à toute
investigation scientifique, et du coût élevé de celle-ci : Il serait donc
normal que le recours à l'expertise soit largement ouvert à la police
judiciaire en tant qu' organisme collectif, mais requière, administra-
tivement parlant, l'approbation de fonctionnaires de grade d'autant
plus élevé que les investigations à accomplir présentent d'importance
et de complication. L'organisation du recours à l'expertise dans notre
procédure pénale positive, bien qu'il s'inspire plus ou moins de ces
exigences, n'y répond cependant pas entièrement:
En vertu d'une coutume constante, le droit d'ordonner une
expertise au cours de l'information appartient en principe au juge
d'instruction seul, et à l'exclusion de tous les autres officiers de police
judiciaire.
Les articles 43 et 44 du code d'instruction criminelle étendent ce droit au
procureur du Roi et, par voie de conséquence, à ses o.fficiers de police judiciaire
auxiliaires, dans le cas exceptionnel du flagrant délit ; mais ces dispositions sont
pratiquement tombées en désuétude.

Toutefois, cette règle rigide a été légèrement assouplie par les


parquets, lorsque les investigations scientifiques à accomplir ne pré-
sentent qu'une importance restreinte: Dans de nombreuses affaires
peu graves, le procureur du Roi fait souvent appel à des experts qu'il
désigne ( 1 ) , pour procéder à des examens sommaires.
Notamment, dans les cas de blessures légères (accidents de roulage, rixes), il
commet un médecin légiste pour examiner la victime, décrire ses blessures, en déter-
miner .la nature, la cause et les conséquences probables (2).

Ces expertises n'ont, à la différence de celles ordonnées par le


juge d'instruction, aucun caractère judiciaire: L'expert ne prête pas
serment avant ses opérations et les frais qu'entraine son intervention
n'entrent pas en taxe; le rapport de cet expert n'est produit en justice
qu'à titre de renseignement (3) (4).
Les simples officiers et les ag,ents de police judiciaire n'ont que
très rarement la possibilité de provoquer des expertises, sauf dans
certaine matières spéciales (voy. not. infra n° 264 en matière de
falsification de denrées alimentaires). Si rien, en principe ne s'oppose
à ce qu'ils requièrent l'assistance de techniciens ou de spécialistes
dont les rapports ou les dépositions pourraient être invoqués en

( 1 ) En pratique parmi les experts de son parquet.


(2) Voy. Rép. dr. b. v0 Expert, n° 160. La légalité du recours à des expertises officieuses par le
procureur du Roi est admise par la Cour de cassation. (Cf. Cass. 24 sept. 1951 ; Pas. 1952, 1. 17.)
(3) Cette distinction n'a d'ailleurs, que des conséquences pratiques limitées (voy. supra n° 87).
(4) Ca,s. 24 sept. 1951 : Pas. 1952. I. 17.

245
justice à titre de renseignements, l'usage ne permet presque jamais
qu'ils le fassent en pratique ( 1).
Cependant, certains spécialistes sont attachés aux laboratoires de la police judi-
ciaire des parquets; ils jouent un rôle considérable en matière d'identification des
suspects au moyen des précédés scientifiques modernes. Ces spécialistes, chefs de
laboratoire et opérateurs, ont qualité d'officiers ou d'agents judiciaires. (Voy. supra
n° 49; et infra n° 259 bis; A.R. du 20 janv. 1951). ·

Le juge d'instruction possède la plénitude du droit d'ordonner


une expertise; il peut commettre des experts chaque fois qu'il le juge
utile ; la loi du 20 avril 1874 a cependant apporté une importante
restriction à ce droit : Hors le cas de flagrant délit, aucune explora~
tion corporelle ne peut être ordonnée, au cours de l'instruction pré-
paratoire, si ce n'est par la chambre du conseil ou par la chambre
des mises en accusation ( voy. infra n° 263).

259. - LE RECRUTEMENT ET LE CHOIX DES EX-


PERTS. - Le champ d'action des expertises pouvant s'étendre,
pratiquement, à toutes les branches de la connaissance scientifique
ou technique, le choix et le recrutement des experts pose un problème
extrêmement difficile à résoudre : Faut-il abandonner la désignation
de l'expert à l'o'ffi.cier public qui a recours à son assistance ou doit-on
fixer limitativement la liste des experts agrées? Doit-on, ou non,
exiger des experts certaines qualifications légales ( grades universi-
taires, par exemple) ? A supposer une liste d'experts établie, convient-
il de rattacher ceux-ci à l'Administration de la Justice en qualité de
fonctionnaires ou, au moins de leur conférer un statut professionnel
particulier ?
Dans la procédure péinale belge, l'expert est, en règle générale,
un spécialiste indépendant chargé par les autorités judiciaires d'une
mission strictement limitée; son choix est laissé à l'appréciation
.souveraine du magistrat qui doit recourir à ses services.
Toutefois, l'application de cette règle est limitée en pratique par
un usage qui consiste à faire presque toujours appel aux mêmes
experts, inscrits sur une liste officieuse établie dans chaque parquet
(2).
Il s'agit là, soulignons-le, d'un simple usage dépourvu en droit
de toute force obligatoire : Les juges d'instruction ne sont nullement
tenus de s'y conformer et ils font d'ailleurs parfois appel à des
experts spéciaux lorsque, par exemple, aucun des experts habituels
n'est compétent pour effectuer les recherches tout~à-fait particulières
qui s'imposent dans un cas donné.

( 1) 11 est, néanmoins. admis qu'une prise de sang soit faite. du consentement de l'inthessé, sur
réquisition- d'un officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi (Cass. 12 déc, 19i9;
Pas. 1950. 1. 245).
(2) Voy. not. Annuaire administratif et judiciaire Bruylant; 1951, pp. 566 et ss.

246.
Certains pays, la Grande-Bretagne, notamment, ont adopté d'une manYère beau-
coup plus étendue que chez nous le système des experts-fonctionnaires adjoints à la
police judiciaire: La police métropolitaine (Scotland Yard), notamment, possède des
services techniques capables de procéder à la plupart des expertises qui requièrent
dans notre système, le recours à des spécialistes étrangers au parquet.
Jusqu'à une époque récente, la police anglaise devait, comme la nôtre, demander
l'assistance d'experts privés (1) ; c'est en 1935 que fut créé le laboratoire de la
police métropolitaine, à Hendon : Son institution avait pour objet d'incorporer la
police scientifique au processus normal de la recherche criminelle et d'assurer aux
enquêteurs l'assistance régulière de spécialistes placés constamment à leur dispo-
tion (2).
Les avantages matériels et administratifs d'une telle organisation sont évidents:
L'expertise n'est plus, comme au temps du code d'instruction criminelle, un procédé
exceptionnel d'investigation; le développement de la police scientillque a fait du
recours aux experts une des conditions essentielles du travail de la police judiciaire ;
il est, dès lors, anormal que celle-ci ne puisse accomplir une part importante de sa
tâche ordinaire sans faire appel à une assistance étrangère à ses cadres.
Toutefois, on pourrait craindre que l'indépendance scienti,flque des experts soit
amoindrie par la perte de leur indépendance juridique; il y a là, à n'en pas douter,
un problème extrêmement difficile à résoudre.

259bis. - LES LABORATOIRES DE POLICE SCIENTIFI~


QUE. - La recherche criminelle ne requiert pas seulement, à notre
époque, le concours d'hommes de l'art, mais elle exige aussi un
équipement scientifique très développé. Des laboratoires de police
scientifique ont, dès lors, été créés (Voy. Arr. R. du 20 janvier 1951).
Ces laboratoires sont appelés à fournir les travaux suivants:
« 1°) La dactyloscopie ; 2°) Toutes les recherches photographiques,
macrophotographiques et microphotographiques y compris la photo~
graphie dans l'infra~rouge et l'ultra~violet; 3°) Les identifications
d'empreintes de toutes sortes; 4°) La balistique courante; 5°) Les
recherches portant sur l'analyse de fibres, de verre, de teintures, de
couleurs, etc.; 6°) L'expertise en écritures; 7°) Des recherches spec~
trographiques. » (Rapport au Prince Royal précédant l'arrêté précité).
Les laboratoires de police scientifique sont rattachés à la police
judiciaire des parquets. Le cadre de leur personnel technique corn~
prend des chefs de laboratoire ayant la qualité d'officiers judiciaires,
ainsi que des opérateurs principaux, opérateurs et opérateurs à
l'essai ayant la qualité d'agents judiciaires. Le chef du laboratoire de
Bruxelles exerce les fonctions de conseiller scientifique auprès de
tous les laboratoires du pays (Arr. R. du 20 janvier 1951, art. 1 et 2).

260. - L'ORDONNANCE D'EXPERTISE, LA DESIGNA~


TION DE L'EXPERT ET LA PRESTATION DE SERMENT DE

~ l) EJle n · a, d'ailleurs. pas perdu le droit de recourir à ceux--cî lorsque ses propres services
techniques ne peuvent résoudre un problè-me scientifique trop particulier ; mais le recours à des
experts étrangers est devenu exceptionnel alors qu'iJ était auparavant •la règle.
(2) Voy. Howgravt-Graham; Light .nd shadc at Scotland Yard. p. 99 et ss.

247
CELUI-Cl. - Le juge d'instruction, lorsqu'il décide de faire procéder
à une expertise, ma nif este cette décision par une ordonnaince, com-
mettant un expert et définissant la mission qui sera dévolue à celui-ci.
En principe, il est souhaitable que le juge définisse de manière aussi précise que
possible la nature et les bornes de la mission dévolue à l'expert; toutefois, il ne lui
est pas toujours possible en pratique de satisfaire à cette exigence : Supposons qu'il
soit amené à rechercher les causes et les responsabilités d'un accident de roulage ;
cette recherche soulève de nombreux problèmes techniques que seul un expert en
matière de véhicules automobiles peut résoudre : Les vices de construction ou le
défaut d'entretien de l'un ou l'autre véhicule sont-ils à la source de l'accident?
Celui-ci doit-il, au contraire, être attribué à l'état de la chaussée? Le cas présente-Hl
d'autres particularités d'ordre technique ayant provoqué la collision? Le plus
souvent, seul l'expert lui-même est susceptible, non seulement de trouver la solution
de ces problèmes, mais même de formuler ceux-ci de manière adéquate au fur et à
mesure de ses recherches. Aussi est-on bien forcé d'admettre parfois, en fait, que le
juge d'instruction ne définisse que très succintement la mission confiée à l'expert:
n peut, par exemple, se borner à charger celui-ci de « faire toutes constatations et
expériences nécessaires en vue de déterminer les responsabilités de tel accident » ( 1),

Le juge d'instruction peut ordonner une expertise d'office dans


tous les cas où, étant régulièrement saisi d'une affaire, il estime utile
de recourir à des investigations techniques ou scienti:fiques spéciales.
Le juge ne peut déléguer son pouvoir d'ordonner une expertise; il doit donc
rendre personnellement l'ordonnance qui prescrit celle-ci ; mais il peut commettre
rogatoirement son collègue compétent, pour procéder à la désignation de l'expert et
recevoir le serment de celui-ci, si les investigations doivent être effectuées hors de
son arrondissement ( 2) ,

L'expert désigné n'est pas récusable par les parties ( 3). Il ne


peut refuser son concours sans s'exposer à des sanctions pénales ( 4).
Habituellement, l'expert est avisé de sa désignation par simple
avertissement.
L'expert doit, préalablement à toute opération, prêter serment
de faire son rapport et de donner son avis en son honneur et
conscience ( 5). La formule n'est pas sacramentelle et peut être rem-
placée par des équipollents ( 6). Elle doit toujours être accompagnée
de l'invocation de la Divinité ( 7).
Le serment doit être prêté entre les mains du juge d'instruction
et est constaté par un procès-verbal signé par le magistrat. l'expert
et le greffier ; ce procès-verbal est joint au dossier d'instruction.
La formalité du serment est considérée comme substantielle et
prescrite à peine de nullité ; son accomplissement est suffisamment

(1) Voy. Cass. 17 mai 1938; Pas. J. 176.


(2) Voy. supra n° 77 et notes.
(3) Voy. Rép. dr. b. v 0 Descente sur les lieux, n° 78.
(4) Voy, L. t•r juin 1849 (Tarif criminel) art. 10. Il n'est toutefois punissable que si le juge
constate qu'il eut pû procéder aux devoirs prescrits (Cass. 7 avril 1952; Pas. 1. 505).
(5) lnstr. H.
(6) Cass. 9 juil. 1877; Pas. 1. 335 ; 30 oct. 1882; Pas. 1. 373.
(7) Rép. dr. b. v 0 Expert 11° 153.

248
constaté par le procès~verbal du juge; il n'est pas nécessaire que
le rapport en fasse mention ( 1 ) .
La cour de Cassation de France a estimé à plusieurs reprises (2) que le défaut
de prestation de serment entraînait la nullité absolue de l'expertise et que l'expert
ne pouvait, en aucun cas, être dispensé de cette formalité ; cette opinion est également
admise en Belgique : Elle apparait, d'ailleurs, indiscutable, compte tenu du caractère
partiellement juridictionnel du recours à l'expertise dans la procédure d'instruction
préparatoire. Mais cette nullité implique-t-elle que le rapport de l'expert non-
assermenté doit être écarté du débat et que cet expert ne peut être appelé à exposer
sous serment ses conclusions devant la juridiction de jugement ? Nous ne pouvons
nous rallier à un tel système, dont la rigueur nous paraîtrait excessive et injustifiée :
Nous avons vu que le procureur du Roi pouvait, en principe, valablement
solliciter l'assistance d'un spécialiste pour résoudre les problèmes techniques qui se
posaient à lui dans l'exercice de ses fonctions (voy. supra n° 258). Sans doute, une
expertise réalisée dans ces conditions a-t-elle un caractère extra-judiciaire et les
conclusions de l'expert ne peuvent-elles être invoquées qu'à titre de renseignements;
mals compte-tenu de ces réserves, il n'y a aucune illégalité dans le fait d'en faire
état: L'expert est une personne susceptible d'éclairer la justice sur les circonstances
d'une infraction et les renseignements qu'il détient ne sont le fruit d'aucun acte
illégal; il n'y a, dès lors, aucune raison valable de refuser son concours à la
manifestation de la vérité. Ce raisonnement nous parait également applicable à tous
é9ards à une expertise ordonnée par le juge d'instruction qui n'aurait pas été précédée
d'une prestation de serment: Sans doute est-elle nulle en tant qu'acte de procédure;
mais ses résultats peuvent, néanmoins, être invoqués à titre de renseignements, soit
sous forme de rapport écrit, soit sous forme de déposition de l'expert à l'audience.

261. - LES OPERATIONS DE L'EXPERT ET LE RAP~


PORT D'EXPERTISE. - Les expertises ordonnées en matière
d'instruction criminelle sont unilatérales, tant à l'égard de la partie
civile qu'à l'égard du prévenu.
Cette règle, qui n'est d'ailleurs pas inscrite dans la loi, est déduite du caractère
unilatéral et secret de l'ensemble de la procédure d'instruction et sanctionnée par la
jurisprudence (3). Elle est toutefois vivement critiquée par la plupart des auteurs,
et il y est même dérogé par certaines décisions judiciaires, au nom du respect des
droits de la défense : Un arrêt de la Cour d' Appel de Liège du 17 mars I 938 (4)
estime notamment que « Si en principe, en matière pénale, les experts ne sont pas
astreints à entendre le prévenu, l'équité et le respect des droits de la défense exigent
toutefois qu'il soit donné à celui-ci d'assister aux opérations pour y requérir telles
constatations ou faire telles observations que de conseil ». Nous reprendrons l'exa-
men de l'ensemble de ce problème infra n° 265.
L'expert étant un auxiliaire du juge d'instruction, celui~ci a le
droit et le devoir de lui indiquer les faits matériels à éclaircir, de
surveiller ses opérations, d'y assister, de lui en rappeler l'objet et de
les diriger ; de son côté, l'expert doit prendre l'avis du juge pour
connaitre de façon précise les faits à vérifier par lui, le but et les
limites de sa mission (Verviers, 5 déc. 1896; Pas. 1897. III. 324).
Le juge a le droit de communiquer à l'expert les renseignements
( 1) Rép. dr. b. v 0 Expert n° 155 et réf. cit.
(2) Cass. française 24 déc. 1904: Pas. 1908. IV. 26; 2 fév. 1907: Pas. IV. 62.
(3) Voy. Cass. 28 mars 1927; Pas. 1. 187; 21 ao0t 1941 : Pas. 1. 324 : 10 janv. 1949; Pas. I. 15.
Rép. dr. b. v 0 expert n° 157; Novelles. Proc. pén. T. I. vol. 1. J. H. Seutens, l'instruction
n• 206. Corr. Mons 3 jan. 1933: Rev. Ass. Resp. p. 1304.
(-t) Rev. dr. pén. 1938. p. 687; Pas. Il. 151.

249
que son instruction lui a permis de réunir et dont l'expert peut, à
son avis, avoir besoin pour l'accomplissement de ses recherches ( I ) .
L'usage s'est établi de donner à l'expert connaissance du dossier
dans certains cas et de lui permettre d'assister à certains actes d'in~
struction ( auditions de témoins, interrogatoires, perquisitions, etc.)
(2).
La jurisprudence admet en outre que l'expert commis a le droit
de recueillir les renseignements utiles à l'accomplissement de sa
mission ; ces renseignements ne constituant point un témoignage en
justice, peuvent être sollicités par lui, même de personnes à la déposi~
tians desquelles le prévenu pourrait s'opposer (3).
Sans doute est-il impossible légalement d'interdire et en pratique d'éviter que
l'expert soit, dans une certaine mesure, associé à l'instruction ; mais cette exigence
légitime ne peut dégénérer en abus : Le rôle de l'expert ne consiste pas à analyser le
dossier et à en déduire des conclusions de culpabilité: l'expert n'a pas qualité pour se
substituer au juge d'instruction (4) ; son rôle consiste à donner un avis motivé sur
un problème technique ou scientifique précis ; il doit examiner celui-ci à la lumière
des données objectives qu'il possède : Pièces à conviction, examen personnel des
lieux, etc. et non sur la foi de renseignements indirects découlant de dépositions de
témoins. Lorsqu'il lui est impossible de faire complètement abstraction de celles-ci,
il ne peut, en tout cas, en tenir compte qu'à titre d'hypothèse et sous réserve de
l'appréciation du juge quant à la valeur des renseignements qu'el!es contiennent:
En effet, il ne lui appartient pas d'attacher à un témoignage une valeur objective qui
constituerait un jugement illégal sur la force probante des dires d'un témoin.
D'autre part, il est du plus haut intérêt pour l'instruction de ne communiquer
des renseignements à l'expert qu'à bon escient: Supposons, par exemple, que le juge
d'instruction charge un médecin-légiste de déterminer l'heure du décès d'un individu
tué d'un coup de révolver, et qu'il ait, par ailleurs, recueilli un témoignage d'après
lequel une détonation aurait été entendue à une heure précise qui semble être celle
du crime: Si l'expert ignore ce renseignement et que ses conclusions le corroborent,
la concordance entre les deux indices renforcera leur valeur probante respective ;
si, au contraire, l'expert connait le renseignement, et que ses conclusions le corro-
borent, cette concordance pourrait être mise sur le compte de l'indiscrétion commise
et la valeur probante des deux indices en serait diminuée .

Le résultat de l'expertise est consigné dans un rapport que l'ex~


pert remet au magistrat instructeur ; cette pièce est versée au dossier
d'instruction. Elle est rédigée dans la langue de la procédure à moins
que le juge, pour des raisons spéciales et dans des matières spéciales
n'ait autorisé (5) l'expert à faire usage de la langue de son choix.
Le rapport d'expertise est, en pratique, toujours écrit; mais un rapport oral,
recueilli par le juge d'instruction dans un procès-verbal, serait néanmoins vala-
ble (6).

Le rapport doit être motivé: Les conclusions de l'expert consti~

( 1) Verviers, 5 déc. 1896 : Pas. 1897. Ill. 324.


(2) Voy. cass. 1er juin 1937: Pas. I. 167: supra n°• 219 et 230.
(3) Cass. 21 août 1941 : Pas. I. 324.
(1) Voy. note L. C. sous Cass. 17 mal 1938: Pas. I. 176.
(5) Par une décision motivée qui n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel (L. 15 juin 1935
(emploi des langues) art. 33).
(6) Voy. Cass. française 27 avril 183B: Bulletin Criminel n° 115: Dalloz Ro!pertoire V 0 Expert
n° 118.

250
tuant pour le juge une simple indication qui ne lie pas sa décision, il
est évident que l'expert ne peut se borner à signaler le résultat auquel
ont abouti ses recherches : II doit aussi mentionner le détail de
celles-ci et développer les arguments sur lesquels il fonde son avis,
de telle sorte que le juge soit en mesure de vérifier son raisonnement
et d'apprécier personnellement et en connaissance de cause le bien-
fondé de celui-ci. Le rôle de l'expert consiste à éclairer le juge sur
les données scientifiques ou techniques du problème posé de façon
à permettre au magistrat de résoudre lui-même celui-ci et non à se
substituer au juge dans la solution de ce problème ( 1).

262. - LES FRAIS D'EXPERTISE. - L'expertise ordonnée


par le juge d'instruction est un acte de procédure et les débours
qu'elle entraine constituent des frais de justice à charge du Trésor
ou de la partie succombante ( 2).
Les experts établissent en conscience l'état détaillé de leurs honoraires ; le
Ministre de la Justice peut toutefois établir des barêmes revisés au cours du dernier
trimestre de chaque année (3). Le coût est mentionné en toutes lettres dans le
rapport avant la signature (4). Les mémoires d'honoraires des experts sont adressés,
en même temps que le rapport, au magistrat requérant qui les arrête si les honoraires
réclamés sont en rapport avec les prestations effectuées conformément à ses réquisi-
tions. Ils sont ensuite soumis à l'approbation du Département de la Justice. Si le
Ministre estime que les honoraires ont été .fixés à une somme trop élevée, il peut
soumettre le cas à la Commission des frais de justice répressive ; celle-ci tranche le
différend. (Voy. Règlement général sur les frais de justice en matière répressive,
art. 78).

263. - LES EXPLORATIONS CORPORELLES. - Le re-


cours à cette forme particulière d'expertise est soumis à une régle-
mentation spéciale que motive sa nature particulièrement délicate :
En vertu de l'article 25 de la loi du 20 avril 1874, les explorations
corporelles ne peuvent être ordonnées, au stade de l'instruction pré-
paratoire et hors le cas de flagrant délit ( 5) que par la chambre du
conseil ou par la chambre des mises en accusation ; en outre, l'inculpé
peut, à ses frais, faire assister à la visite un médecin de son choix.
Le juge d'instruction ne pourrait ordonner lui-même une visite
corporelle, même si l'intéressé y consentait ( 6).
Les termes d' « exploration corporelle » s'appliquent exclusive-
ment aux examens, susceptibles de compromettre la pudeur, ayant
pour objet le corps ou une partie du corps d'un individu vivant.
Aucune distinction n'est faite selon la qualité de la personne à
visiter, qu'ellle soit victime ou inculpée.
( l) Voy, note de M. le Procureur Général Cornil sous Cass. 17 mai 1938 : Pas. I. 176.
(2) Vey. Rép. dr. b. v" Expert n° 195.
(3)R èglement général sur les frai.s de justice e-n rr:atière répressive (A. R. du 28 déc. 1950) art. ter_
(i) Règlement général. art, 71.
(5) Dans le cas de flagrant délit, les articles 43, 49, 50 et 59 du code <l'instruction cri:nlnelle-
rcstent applicables (Hayoit de Termicourt; Détention prèventive; Rcv. dr. pén, 1924 p. 289 et ss.
n• 54).
(6) Schuind: T. !••. p. -!53.

251
Ne constituent donc pas des explorations corporelles et ne sont, dès lors, pas
soumis aux conditions restrictives imposées à celle-ci :
a) Les examens médicaux ordinaires ( 1) (2).
b) La fouille des vêtements portés par un individu (3).
c) Les autopsies (4).
L'ordonnance de la chambre du conseil est rendue sur le rapport
du juge d'instruction, sans être précédée d'un débat contradictoire
( 5). La chambre est appelée à ordonner ou à refuser l'exploration
corporelle, mais elle ne désigne pas le médecin dont le choix appar~
tient au juge d'instruction (6). Elle doit, dans son ordonnance,
désigner les personnes qui seront soumises à la visite ( 7).
Le juge d'instruction n'est, dans le silence de la loi, pas tenu
d'avertir l'inculpé de son droit de faire assister à l'examen un
médecin de son choix. Le médecin éventuellement désigné par
l'inculpé ne doit pas prêter serment ( 8).

264. - LE SYSTEME SPECIAL D'EXPERTISE INSTITUE


EN MATIERE DE FALSIFICATION DE DENREES ALIMEN~
TAIRES. - La loi du 4 août 1890 et l'Arrêté~Royal d'exécution du
28 février 1891, modifié par les arrêtés Royaux des 8 octobre 1894,
13 août 1901 et 24 mars 1931 ont institué une procédure spéciale
d'expertise en matière de falsification de denrées alimentaires, parti~
culièrement intéressante en raison de son caractère pratique et des
facilités de contradiction qu'elle offre à la défense.
Les officiers publics ( 9) chargés de constater les infractions en
ce domaine peuvent prélever aux fins d'analyse des échantillons des
marchandises qui leur paraissent suspectes ( 10) ; certaines précau~
tions spéciales sont prescrites pour la conservation et l'identification
des échantillons prélevés: Emploi de récipients conformes aux pres~
criptions officielles ; mentions particulières sur l'enveloppe extérieure
de ceux~ci ; faculté accordée au propriétaire d'apposer une marque,
autre que son cachet ou son nom, à côté du sceau de l'agent. Celui~ci
doit demander à l'intéressé s'il désire rester en possession d'une

( 1) Hayoit de Termicourt. loc. cit n° 53.


(2) Est légale une prise de sang faite, du consentement formel de l'intéressé, sur réquisition d'un
commissaire de police: Cass. 12 déc. 1919: Pas. 1950. I. 245).
(3) Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 361.
(4) Beltjens; Encycl. loi du 20 avril 1874 art. 25 n° 7. L'inculpé ne pourrait donc faire aHister
à un autopsie un médecin de son choix,
( 5) Hayoit de Termicourt. loc. cit. n° 5-4.
(6) Novelles: Proc. Pén, T. I. Vol. 1.; J. H. Suetens; l'instruction. n°' 213-214.
(7) Brux. 27 Juil. 1876: Pas. Il. 324. La chambre du conseil ne pourrait donc ordonner, avant un
transport du juge d'instruction sur les lieux, la visite des victimes qui seraient désignées par
l'autorité locale ou découvertes lors de ce transport.
(8) De le Court: B. J. 1871: 1171.
(9) Parmi lesquels sont ·inclus les sous-officier.:$ de gendarmerie. brigadiers et gendarmes A-R 15
juil. 1922) : voy. L. 1 août 1890 ( Falsification de denrées alimentaires) art. 2.
(10} Les échantillons destinés à itre analysés doivent être pris en double chaque fois qu'lr est
possible.

252
partie de la marchandise prélevée, et, dans l'affirmative, celle-ci est
divisée si possible en trois parties, enveloppées séparément et confor-
mément aux prescriptions réglementaires; un des échantillons est
laissé a l'intéressé aux fins de contre-expertise; un second échantillon
est éventuellement déposé au greffe du tribunal correctionnel ou du
tribunal de police et le troisième échantillon ( l ) est remis dans les
deux jours au directeur du laboratoire d'analyse désigné à cet effet
(2), ou expédié d'urgence à celui-ci, au cas où, en raison de la
distance, la remise directe serait impossible. Un récépissé descriptif
doit être délivré dans tous les cas par le greffier, le directeur ou le
fonctionnaire délégué, ou le service de messageries. Les formalités
de la prise d'échantillons sont constatées dans un procès-verbal
contenant notamment l'indication du numéro d'ordre de l'échantillon
et des signes extérieurs de l'enveloppe. Une copie en est remise au
prévenu endéans les 24 heures.
Le directeur du laboratoire procède immédiatement à l'analyse
des échantillons. Il dresse un rapport détaillé contenant la description
de ses opérations et les résultats obtenus, ainsi que les conclusions
qui lui paraissent devoir en être déduites. L'enveloppe extérieure de
l'échantillon est annexée à ce document. Le rapport est transmis au
parquet. Lorsque les conclusions démontrent que l'échantillon était
composé de substances ou denrées falsifiées, contrefaites, nuisibles
ou présentant un danger pour la santé publique, une copie du rapport
est transmise par le directeur du laboratoire à l'agent verbalisant.
La preuve des infractions visées par la loi du 24 août 1890 peut toutefois être
également faite par les modes de droit commun, et notamment par une expertise
ordonnée par le juge d'instruction et effectuée selon les formes habituelles (3).

265. - CONSIDERATIONS CRITIQUES. - LE PROBLEME DE L'EX-


PERTISE CONTRADICTOIRE. - La procédure d'expertise est une des parties
les plus discutées de tout notre système d'instruction : Son caractère unilatéral et
l'absence de garanties pour la défense qui en résulte font l'objet de critiques particu-
lièrement sévères ( 4) .
Notons, au préalable, que l'expertise unilatérale et secrète se justi'fie en principe
dans la mesure où elle constitue une mesure d'information, où elle contribue à
l'exercice de la police judiciaire (voy. supra n° 6).
Toutefois, l'expertise ordonnée par le juge d'instruction appartenant, comme
l'instruction elle-même, à la procédure judiciaire et contribuant non seulement au
développement de l'information, mais aussi à l'élaboration des décisions des juridic-
tions d'instruction et même de jugement, il est évident que le problème de l'interven-
tion contradictoire de la défense et de la partie civile aux opérations de l'expert ne
peut être éludé, et doit faire l'objet d'un examen attentif. Nous retrouvons ici, une
fois encore, cette confusion entre l'information et la fonction juridictionnelle qui
rend si difficile la conciliation des droits légitimes de l'accusation et de la défense
au sein de l'instruction préparatoire (voy. supra n° 10).
(1) Ou. éventuellement, l'échantillon, unique s'il n'a pas été possible de diviser le produit.
( 2) Les analyses d'échantillons sont confiées à des laboratoires officiels ou privés agrées à cet
effet par le gouvernement (A-R. 22 juin 1891 ).
(3) Cas!, 15 ;an. 1906; Pas. I. 85 ; Rép. dr. b. v° Falsification des denréts alimentaire!'!, no 90.
(1) Voy. not. Rtp. dr. b. v• Expert n• 158 et supra n• 261.

253
Il existe certes un remède général possible à cet état de choses : La séparation
radicale entre les actes d'information et les actes de juridiction ; l'attribution à deux
autorités distinctes de la mission d'information et de la mission de juridiction, de
telle sorte que chacune de ces deux fonctions puisse être exercée selon ses règles
propres, c'est-à-dire unilatéralement en matière d'information et après débat contra-
dictoire en matière de juridiction.
Ce remède serait applicable sans trop de di'fficultés aux auditions de témoins,
par exemple: l'organisation de deux enquêtes séparées, l'une unilatérale et extra-
judiciaire sous le contrôle du ministère public, d'abord, et l'autre contradictoire et
judiciaire sous le contrôle de la juridiction d'instruction, ensuite, au cours
desquelles les mêmes témoins seraient entendus dans des formes et à des fins diffé-
rentes se concevrait aisément (voy. supra n° 100) et se trouve d'ailleurs réalisée
concrètement dans la procédure anglo-saxonne (voy. supra n° 101).
Théoriquement, la même méthode pourrait être introduite dans le domaine des
expertise: Le ministère public et l'autorité juridictionnelle pourraient s'assurer le con-
cours d'experts séparés qui accompliraient leurs opérations selon les formes propres à
l'information ou à la procédure judiciaire. Les expertises de police judiciaire
pourraient, de ce fait, être réalisées unilatéralement sans que les droits de la défense
en soient lésés et le problème de l'intervention contradictoire des parties en matière
d'expertises serait remis à sa vraie place, c'est-à-dire sur le plan de la procédure
judiciaire sensu stricto.
Malheureusement, cette solution, parfaite sur le plan théorique, se heurte ici
à une difficulté majeure sur le plan pratique: La réalisation d'une expertise requiert,
le plus souvent, la mise en œuvre de moyens si importants et si coûteux qu'il ne
peut être sérieusement question, sauf à titre exceptionnel. d'imposer deux expertises
distinctes, l'une extra-judiciaire et faite au profit exclusif de l'information et l'autre
judiciaire, destinée, après confrontation des thèses opposées, à éclairer le juge sur
le problème technique en litige : Il serait, par exemple, fort difficile, matériellement
et pécuniairement parlant, de soumettre la comptabilité d'un prévenu soupçonné de
banqueroute à une première expertise, unilatérale, dont le seul objet serait de
permettre au ministère public de formuler une accusation en connaissance de cause,
et ensuite à une seconde expertise, judiciaire et contradictoire, dont le but serait de
permettre au juge d'apprécier l'existence ou l'absence de culpabilité dans le chef du
prévenu. D'autre part, même en faisant abstraction de l'obstacle matériel ainsi révélé,
sérieux mais non insurmontable, des considérations techniques rendent pratiquement
impossible, dans certains cas, le renouvellement d'une expertise: Une autopsie, par
exemple, ne peut être pratiquée que pendant un délai très bref après le décès et si la
découverte de l'auteur présumé du meurtre ne survient qu'après l'expiration de ce
délai, toute expertise contradictoire s'avère impossible. L'institution généralisée d'une
procédure contradictoire en matière d'expertises apparaît donc utopique : Le plus sou-
vent, et par la force des choses, J'expertise réalisée en cours d'information et pour les
besoins de celle-ci constituera le seul élément permettant au juge de former sa
conviction à l'égard d'éléments de fait échappant par leur caractère technique à sa
compétence normale. Telle est, probablement, la raison fondamentale pour laquelle
aucune formule vraiment satisfaisante d'expertise contradictoire n'a pu être élaborée,
malgré l'intérêt porté à ce problème par de nombreux commentateurs. Même la
procédure pénale anglo-saxonne, si respectueuse cependant des droits des parties
et du principe de la contradiction, ne possède pas de formes d'expertise sensiblement
plus satisfaisantes que les nôtres : Elle considère les experts comme des témoins
des parties, entendus à l'audience conformément aux rules of évidence; les conclu-
sions de l'expert sont donc soumises à la contradiction de la partie adverse (ce
qui est également le cas chez nous), mais les opérations de l'expert se déroulent, en
principe, unilatéralement ( 1). Or, c'est évidemment au stade des opérations et non
à celui des conclusions que la contradiction serait la plus utile.

( 1) La présence d'un expert désigné par l'inculpé est toutefois admise aux opérations de l'expert
de la partie publiqut> (voy. Donneàieu de Vabres, Droit Criminel. n° 1249, note 5), ce qui

254
Ces remarques n'impliquent cependant pas que notre système actuel d'expertise
en matière d'instruction criminelle ne soit pas susceptible de certaines améliorations
tendant à mieux sauvegarder les droits des parties privées :
1°) Il importe, en effet, tout d'abord de remarquer que le problème de la
contradiction ne se pose pas tout à fait de la même manière pour les expertises que
pour les témoignages : Nous avons démontré que le secret de /'information constituait
un obstacle insurmontable à l'introduction de l'enquête contradictoire au sein de l'in-
struction préparatoire de type inquisitorial, parce qu'il répondait à une nécessité
pratique absolue: celle d'empêcher le coupable de détruire les preuves et de contre-
carrer les recherches (voy. supra n°' 6 et 10). Mais il est évident qu'en matière
d'expertise ce risque est beaucoup moins grave, si bien que le secret pourrait sans
grand inconvénient, dans ce domaine, être sacrifié à l'intérêt supérieur d'une bonne
justice.
Dès lors, l'intervention contradictoire des parties prwees aux opérations de
l'expert, pour autant qu'elle soit matériellement réalisable, pourrait être admise en
toute éventualité, que l'expertise contribue à l'information, à l'exercice de la mission
juridictionnelle, ou aux deux simultanément, au sein de l'instruction préparatoire.
Sans doute, cette intervention ne serait-elle pas toujours possible, notamment
lorsque l'inculpé n'est pas encore identifié; mais du moins pourrait-elle être légale-
ment autorisée et même prescrite chaque fois que les circonstances de la cause le
permettent.
2°) Ceci nous amène ensuite à aborder une seconde question : celle des experts
des parties privées: Il est évident qu'en matière d'expertises, la contradiction ne peut
être réalisée avec fruit que si la victime ou le prévenu peuvent se faire assister d'un
spécialiste de leur choix. Il importerait donc de leur reconnaître légalement le droit
de désigner des experts, de déterminer les pouvoirs reconnus à ceux-ci et, tout
spécialement de résoudre le problème que pose le coût extrêmement élevé de leut
intervention ( taxe, Pro Deo, etc.).
Rien n'interdit, en effet, à l'heure actuelle, aux parties pnvees de se faire
assister d'experts privés, mais à leurs frais et sans espoir de remboursement. Cette
situation constitue un avantage injustifié en faveur des victimes et des prévenus
fortunés.
Les experts des parties pnvees devraient être admis à assister aux opérations
des experts officiels (1), chaque fois que les circonstances s'y prêtent ; ils devraient,
en outre, être autorisés en droit à faire eux mêmes et indépendamment toutes recher-
ches qu'ils estimeraient utiles et disposer légalement des moyens nécessaires à cette
fin· (droit de prendre connaissance des pièces à conviction, des rapports des experts
officiels (2), etc.).
L'adoption de ces quelques règles, sans résoudre complètement le problème de
l'expertise contradictoire, permettrait néanmoins d'entourer de garanties plus effica-
ces une forme d'investigation dont l'importance ne cesse de croître et dont l'influence
est particulièrement décisive.

n'est pas le cas chez nous; mais il est évident que beaucoup d'expertises restent néanmoins. en
fait, unilatérales, soit parce que l'information n'a pas encore abouti à une inculpation, soit
parce que le prêvenu se trouve, pour diverses raisons, pécuniaires notamment, dans J'impossibilité
de faire usage de son droit.
( l) Ce droit leur est reconnu en Angleterre, aux Pays--Bas et dans le Grand.-Duch~ du Luxcmbour~
(L. 19 nov. 1929. art. 7) (voy. Donnedicu de Vabres, Droit Criminel. n° 1249, note 5).
{2) Le législateur italien de 1930 autorise un « conseil technique» désigné par l'inculpé à exercer.
après l'expertise, un contrôle sur le rapport de l'expert ( Donncdieu de Vabres. Dr. Crim. n°
1249. note 5) : M. Donnedieu de Vabres signale que « le Code colombien admet la pluralité d~s
experts ( art. 258), la présence des parties à toutes les opérations ( art. 26i). la communication
·du rapport aux parties (art. 266) qui pourront demander des compléments d'explications. et, dès
l'instruction. attaquer le rapport devant Je juge pour dol ou erreur grave (art. 267) ».

255
CHAPITRE VII

LA DOCUMENTATION RELATIVE A LA PERSONNALITE


ET AUX ANTECEDENTS DU PREVENU

266. - GENERALITES. - En vertu d'une coutume constante,


aucun dossier d'information ou d'instruction n'est considéré comme
complet s'il ne contient pas deux documents officiels relatifs aux
antécédents du prévenu : Le bulletin de rienseignemcnts et l'extrait de
casier judiciaire. En outre, des procès-verbaux contenant des ren-
seignements d'ordre général relatifs à la moralité et à la réputation
de l'inculpé sont parfois joints à la procédure.

267. - LE CASIER JUDICIAIRE. - Le Ministère de la Justice


assume la tenue du casier judiciai:l"e central ( 1).
Celui-ci contient mention des condamnations à des peines crimi-
nelles et correctionnelles, ainsi qu'à des peines de police du chef
d'infractions aux dispositions du code pénal, d'ivresse publique ou
de contraventions de roulage, et des mesures de sûreté ( mise à la
disposition du gouvernement, internement, mesures de garde et de
préservation à l'égard des mineurs, etc.) prononcées par les juridic-
tions belges, ou même par les tribunaux étrangers à charge de Belges
lorsque les condamnations ont été notilflées au gouvernement belge
en vertu des traités d'extradition. Il mentionne, en outre, les arrêté
de grâce et les libérations conditionnelles ( 2).
Indépendamment du casier judiciaire général, il existe également
au département de la Justice un casier de la mendicité et du vaga-
bondage, et un casier de l'enfance (3).
Dans les trois jours de la date à partir de laquelle une condam-
nation est devenue définitive, le greffier compétent doit envoyer au
casier judiciaire un bulletin individuel s'y rapportant ; chaque indi-
vidu condamné se voit attribuer un numéro d'ordre et toutes les
condamnations encourues par lui sont mentionnées sur sa fiche. Les
communes doivent, d'autre part, transmettre périodiquement un ex-
trait de l'acte de décès de tout Belge agé de plus de 10 ans et les
bulletins des individus décédés sont retirés du classement ( 4).
Des extraits du casier judiciaire sont fournis aux parquets sur
simple demande (5), si l'individu n'a jamais été condamné antérieure-
ment, l'extrait porte la mention « néant au casier judiciaire».
( 1) Voy. Circ. Min. Just. 31 déc, 1888.
(2) Voy. Rép. dr. b. v° Casier judiciaire. n° 6.
(3) Voy. Rép. dr. b. v° Casier judiciaire, n° 7.
(1) Voy, Circ. Just. 31 déc. 1888 : Rép. dr. b. v 0 casier judiciaire, n° 5.
(5) Voy, Circ. just. 13 fév. 1891 : 21 mai 189-t: 6 déc. 1891: -1 ftv. 1895; Rép. dr. b. v• Ca1iu
Judiciaire-, n° 8.

256
Ces extraits ne sont pas des pièces authentiques; ils ne valent qu'à titre de
renseignements ( 1) ; ils ne peuvent, dès lors, ni servir de base à une condamnation
en récidive, ni permettre l'annulation d'une décision accordant le sursis; ils ne
constituent pas la preuve des condamnations qui y sont mentionnées (2).

268. - LE BULLETIN DE RENSEIGNEMENTS. - Les


communes doivent tenir un régistre contenant la liste des condamna-
tions et autres mesures ( faillite, privation de la puissance paternelle,
destitution de la tutelle, etc.) encourues par les personnes qui y sont
domiciliées; lorsqu'une d'entre elles s'établit dans une autre com-
mune, un extrait de ce régistre est transmis à celle-ci ( 3).
Les administrations communales délivrent aux parquets et à la
police judiciaire, sur simple demande, des bulletins de renseignements
relatifs à leurs administrés, contenant l'identité complète de l'inté-
ressé, quelques indications, très sommaires d'ailleurs, sur sa situation
personnelle, familiale et pécuniaire, et la liste des indications con-
tenues dans le régistre mentionné ci-dessus.
De même que l'extrait de casier judiciaire, le bulletin de renseignements ne
présente aucun caractère authentique (4) ; il ne fait, notamment, pas preuve des
renseignements d'Etat-civil qu'il contient.

268bis. - LE PROBLEME DE L'ENQUETE DE PERSONNALITE. - La


communication des renseignements relatifs aux antécédents judiciaires a pour but
d'éclairer le juge sur la personnalité du prévenu et tend à permettre un tribunal de
mesurer l'importance de la condamnation qu'il convient de prononcer.
Ces renseignements n'ont, cependant, qu'une portée restreinte. Les pénalistes
modernes souhaitent que la personnalité du délinquant fasse l'objet d'une étude
beaucoup plus approfondie et systématique, a fln de réaliser dans une mesure très
1

large l'individualisation de la peine.


II y a là tout en domaine de la procédure pénale appelé à connaître d'importants
développements. Aussi _avons-nous tenu à l'évoquer très brièvement, bien qu'il
dépasse le cadre du présent traité. (Voy. sur la question du dossier de personnalité,
l'intéressant mémoire de Mr. E. Janssens, substitut du Procureur du Roi près le
Tribunal de Bruxelles; Rev. dr. pén. 1953-54, 423 et ss.)

CHAPITRE VIII

LE DOSSIER D'INSTRUCTION

269. - GENERALITES. - Toutes les pièces de la procédure


d'information ou d'instruction, c'est-à-dire, notamment, les procès-

( 1) Voy, Rép. dr. b. v° Casier judiciaire, n° 9.


(2) Voy. Cass. 19 nov. 1906: Pas. 1907. I. 46; 20 nov. 1912; Pas. 1. 449: 7 mai
1928: Pas. 1. 156: Rev. dr. Pén. 552: Cass. 25 fév. 1952: Pas. 1. 375.
(3) Voy. Rép. dr. b. v° Casier judiciaire, n° 11.
(-t) Voy. Cass. 7 mai 1928; Pas. I. 156.

257
verbaux de police judiciaire, les apostilles et réquisitoires du procu-
reur du Roi, les apostilles et les ordonnances du juge d'instruction,
les procès-verbaux d'instruction, les rapports d'expertises, les con-
clusions et autres actes de procédure des parties, les ordonnances
des juridictions d'instruction, les extraits de casier judiciaire et les
bulletins de renseignements sont groupés au sein d'un dossier spécial
à chaque affaire, le dossier d'information ou d'instruction.
Celui-ci constitue, dans notre système de procédure pénale, la
base de la conviction des diverses juridictions, à l'exception de la
Cour d'Assises. Nous avons déjà signalé occasionnellement (voy.
not. supra n°" 165, 180, 182) les diverses règles relatives à l'utilisation
en justice de ce faisceau de documents et notamment les modalités
de sa communication aux juridictions et aux parties.

270. - CARACTERE CONFIDENTIEL DU DOSSIER


D'INSTRUCTION. - DROIT RECONNU AU MINISTERE
PUBLIC SEUL D'AUTORISER LES PARTIES OU DES TIERS
A EN PRENDRE CONNAISSANCE OU COPIE. - D'une ma-
nière générale, J' ensemble du dossier est couvert par le secret de
l'instruction et, en dehors de son utilisation judiciaire normale, nul
ne peut, en principe, en prendre connaissance.
Le ministère public, maitre de l'action publique, est également
dépositaire des pièces de l'instruction et assure la sauvegarde du
secret de celles-ci ( 1) .
Toutefois, le secret de l'instruction n'a plus, dans notre droit,
la valeur d'un principe absolu et intangible : Son maintien est sim-
plement lié à l'intérêt public, ce qui implique que, lorsque celui-ci ne
s'y oppose pas, il peut légitimement être levé dans certains cas
particuliers ( 2).
En vertu d'une tradition constante consacrée par la jurispru-
dence ( 3). c'est le ministère public, dépositaire du secret, qui peut
seul autoriser la levée de celui-ci, car il est seul à-même d'apprécier
si l'intérêt public permet ou non cette dérogation à la règle générale.
Dès lors, le ministère public peut, lorsqu'il estime en conscience
que l'intérêt public ne s'y oppose pas, autoriser la communication
soit aux parties, soit à des tiers ( 4). des pièces d'un dossier d'instruc-
tion, et, corrélativement, permettre aux bénéficiaire de cette commu-
nication de levier expédition ou copie des documents communiqués.
En vertu de l'article '25 du Règlement général sur les frais de justice en
matière répressive (A.R. du 28 déc. 1950), la permission de lever expédition, prendre
connaissance ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peut être accordée

(1) (2) Voy. Concl. de M. le Procureur Général Terlinden av. Cass. 12 juin 1913; Pas. I. 322.
(3) Voy. Cass. 12 juin 1913: Pas. I. 322: App. Brux. 14 mars 1936: Pas. li. 87.
(4) Voy. Brux. 14 mars 1936; Pas. II. 87.

258
que par une autorisation expresse ; les frais des expéditions ou copies sont à charge
des requérants.
Ce texte réserve au procureur général ou à l'auditeur général le droit d'accorder
pareille autorisation ; en pratique, ce sont habituellement le procureur du Roi ou
l'auditeur militaire qui en sont chargés, sous le contrôle des parquets généraux.
Il n'existe qu'une seule dérogation au droit souverain d'appré~
dation reconnu au ministère public en ce domaine, et elle ne présente,
d'ailleurs, qu'une importance restreinte: Les parties peuvent, sur
simple demande, se faire délivrer à leurs frais expédition de la plainte,
de la dénonciation, des ordonnances et des jugements ( l).

( 1) Rtglement général, art. 125.

259
CONCLUSION

La réforme de l'instruction

CHAPITRE PREMIER

LES PROJETS DE REFORME ET LEUR CRITIQUE

271. - POSITION DU PROBLEME. - La réforme de l'instruction prépara-


toire n'est pas un problème nouveau.
Elle préoccupe les juristes depuis des décades. Les praticiens, en effet, sont en
mesure de diagnostiquer les défauts graves de cette procédure, issue du Haut-Moyen-
Age et qui s'est perpétuée jusqu'à nous, à travers les siècles, les régimes et les
révolutions, en faisant preuve d'une étonnante stabilité qui parait défier tous les
efforts entrepris pour l'ébranler.
De nombreux projets de réforme ont vu le jour. Le lecteur en trouvera la liste
avec les références dans l' « exposé critique » consacré au problème qui nous intéresse,
par M• S. Sassera th, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles ( 1).
Cette étude constitue d'ailleurs, avec la mercuriale prononcée par M. le Procu-
reur général Cornil en 1946 (2) et l'ouvrage de M. le Conseiller d'Etat H. Buch,
« La réforme de l'instruction pénale » les plus récentes contributions à la solution
de ce problème séculaire.

272. - LES PRINCIPAUX PROJETS DE REFORME. - Parmi les réformes


qui ont été proposées, nous en retiendrons deux qui nous paraissent essentielles,
comme traduisant les tendances fondamentales qui se sont manifestées :
La première, qui a notamment été préconisée par le projet du Conseil de
législation de 1914, rapporté par le Procureur général Servais, consiste à transférer
au parquet l'ensemble des attributions d'instruction: audition des témoins et des
prévenus, expertises, etc. lesquelles incomberaient dorénavant à un substitut de
l'instruction, tandis que les décisions juridictionnelles d'instruction: mandat d'arrêt,
de perquisition, etc. relèveraient de la compétence d'un juge de l'instruction qui
exercerait en outre, un contrôle a postériori sur l'instruction à l'occasion d'un débat
auquel prendraient part les parties. Certains actes d'instruction, certaines auditions
de témoins, notamment, pourraient éventuellement être refaits contradictoirement
devant le juge. La défense recevrait régulièrement communication des pièces du
dossier. Enifln, les expertises s'effectueraient contradictoirement.
C'est à cette formule, aiffectée de certaines variantes dans les modalités, que se
rallient M• Sasserath et M. le Procureur général Cornil.

( 1) Novelles, Procédure pénale. T. 1. vol. li. n•• 37 <t 39.


(2) J. T. p. 413.

261
La seconde, qui est notamment exposée dans le projet de la Fédération des
avocats de Belgique de 1938 et qui se retrouve dans le projet du C.E.R.E. (1)
de 1939, prévoit, sans modilfl.er le système actuel d'instruction, la réalisation de
l'égalité entre parties par la création d'un droit de requête en faveur de la défense,
lequel serait la contrepartie du droit de réquisition du ministère public : La défense
aurait, de ce fait, la faculté d'inviter le juge d'instruction à accomplir tel ou tel
devoir et le magistrat instructeur ne pourrait rejeter la requête que par ordonnance
motivée.
Les projets se rattachant à cette formule prévoient, également, l'introduction
plus ou moins étendue, des principes de la contradiction dans les interrogatoires,
les expertises, voire même l'audition des témoins.
L'institution du droit de requête, avec faculté d'opposition devant la chambre du
conseil, est également préconisée par M. le Conseiller Buch en conclusion de son
étude.

273. - CRITIQUE DES SOLUTIONS PROPOSEES. - Le projet du conseil


de législation, a pour principal mérite de souligner l'incompatibilité qui existe entre
la fonction de police judiciaire, relevant du pouvoir exécutif, et la qualité judkiaire
du magistrat instructeur chargé d'exercer cette fonction, ainsi que de tenter de remé-
dier à cette incompatibilité en restituant au ministère public la direction de l'infor-
mation.
Le projet du C.E.R.E., d'autre part, souligne à juste titre la nécessité qu'il y a
de permettre à la défense de contribuer activement aux progrès de l'instruction, de
participer à l'orientation de l'enquête par des suggestions dont le magistrat instruc-
teur devrait tenir compte.
Cependant, ni l'un ni l'autre des systèmes proposés ne nous parait susceptible
de remédier aux véritables défectuosités de l'instruction préparatoire ni, par consé-
quent, d'apporter de sensibles améliorations à la situation actuelle.
Les adversaires du projet du conseil de législation font valoir, à juste titre, que
le système consistant à charger de l'instruction un substitut du procureur du Roi
renforcerait dans des proportions excessives et sans contrepartie efficace, les pouvoirs
du parquet au sein de l'instruction, le simple contrôle de celle-ci par un juge risquant
d'être insuffisant et par conséquent illusoire.
Quant au système du droit de requête, il ne pourrait qu'alourdir encore la
procédure d'instruction déjà excessivement formaliste : Comment pourrait-on em-
pêcher, en effet, le prévenu d'entraver la bonne marche de l'information par des
requêtes dilatoires auxquelles il serait aisé de donner une apparence de sérieux, et
de multiplier les incidents de procédure et les sources•de nullités?
Mais, si nous voulons demeurer dans la ligne des thèses qui ont été développées
au cours du présent ouvrage, ( cf. supra n°' 10, 95 et ss.), les critiques que nous
exprimerons à l'égard de l'une et l'autre formule proposées partiront d'un point de
vue quelque peu différent.
L'attribution au parquet de la fonction d'instruction, c'est-à-dire de la mission
d'entendre les témoins, de promouvoir les expertises, d'examiner et de consigner
dans un dossier écrit les preuves sur lesquelles les juridictions d'instruction ou de
jugement seront appelées à statuer équivaudrait à investir le ministère public, partie
en cause, d'un des attributs essentiels de la fonction juridictionnelle.
Celle-ci englobe, en effet, outre l'action de juger au sens strict tous les prélimi-
naires de procédure indispensables à la formation de l'opinion du juge, et, en ordre
principal, l'examen des preuves, l'audition des témoins et l'interrogatoire des prévenus
( cf. supra n° 98).

( 1) Centre d'études pour la réforme d, l'Etat.

262
Loin de constituer un remède à la confusion entre la mission d'informer et
celle de juger, confusion qui forme la base du système inquisitorial, cette réforme
ne ferait que la renforcer au profit de l'accusation. Au lieu de représenter un progrès
vers le système accusatoire, elle accentuerait le caractère inquisitorial de la procé-
dure.
D'un autre côté, l'attribution à la défense d'un droit de contrôle sur l'instruction
préparatoire par le mécanisme de la requête équivalant aux réquisitions de parquet
se heurterait au dilemme irréductible qui stérilise toute amélioration de la procédure
dans le cadre inquisitorial existant: Tout accroissement des prérogatives de la
défense ne peut se faire qu'au détriment de l'exercice normal de la police judiciaire
et risque de nuire gravement à l'efficacité de celle-ci au mépris de l'intérêt public ;
l'accomplissement nécessaire de la mission d'information entraîne inévitablement la
méconnaissance des droits les plus légitimes de la défense.
Telle est en effet la conséquence inéluctable d'un système qui confond au sein
d'une même procédure, et subordonne par conséquent aux mêmes règles l'enquête
de police, destinée à constituer un dossier d'accusation, et l'instruction judiciaire
ayant pour objet d'éclairer le jugement ( cf. supra 11°• 5 et ss.).

274. - MAINTIEN DU SYSTEME INQUISITORIAL PAR LES DEUX


PROJETS EXAMINES. - En fait, il apparait que l'un et l'autre des deux projets
proposés demeure dans le cadre du système inquisitorial et maintient, par conséquent,
sous une forme ou sous une autre, les inconvénients irrémédiables inhérents à ce
système.
En effet, aucun des deux projets n'assure la distinction nécessaire entre l'infor-
mation de police et l'instruction, entre l'examen des témoignages par l'accusation et
l'examen des témoignages par le juge.
Tous deux laissent subsister l'unité inquisitoriale de l'instruction, la confusion
entre la fonction de police judiciaire et la fonction juridictionnelle au sein d'une
enquête unique ; tous deux conserv.ent l'instruction unilatérale et le jugement sur
procès-verbaux écrits.

275. - CARACTERE INQUISITORIAL ET NON ACCUSATOIRE DU


PROJET DU CONSEIL DE LEGISLATION. - Il convient de dissiper un mal-
entendu extrêmement répandu parmi les pénalistes : Le projet du Conseil de législa-
tion est souvent représenté comme l'expression du système accusatoire et les défauts
qu'on y décèle rejaijlissent sur le système lui-même qui suscite, de ce chef, une
indéniable méfiance.
Sans doute s'agit-il là d'.une querelle de terminologie, d'une simple confusion
dans la dénnition de l'expression « système accusatoire » ; mais il importe précisément
de mettre les choses au point.
Le système accusatoire, tel qu'il fonctionne dans les pays anglo-saxons, confère
à la partie publique la direction de l'information, c'est-à-dire la charge de rassem-
bler les preuves, mais ne lui délégue aucun droit d'instruction, c'est-à-dire aucun
droit de recueillir dans des documents écrits ayant force probante en justice les
renseignements et les témoignages découverts par elle.
Bien au contraire, le système accusatoire impose au ministère public l'obligation,
après avoir recueilli les témoignages et autres preuves au cours d'une première
enquête de police, de démontrer intégralement le bien fondé de l'accusation au cours
d'une seconde enquête judiciaire effectuée contradictoirement.
L'instruction demeure donc, en procédure accusatoire, entièrement entre les
mains des juges et, si le ministère public jouit d'attributions plus larges dans l'exer-
cice de la police judiciaire, ses pouvoirs sont profondément réduits par l'interdiction
qui lui est faite d'utiliser comme preuves en justice les procès-verbaux de son
enquête.
263
Or, le projet du Conseil de législation n'investit pas seulement le parquet de
la fonction de police judiciaire proprement dite : il lui transfère toute l'instruction
dont il dessaisit le pouvoir judiciaire, ce qui implique que les décisions juridiction-
nelles d'instruction seraient rendues sur base du dossier d'enquête unilatérale ras-
semblé par la partie publique.
De ce fait, non seulement le projet du Conseil de législation n'assure pas l'adop-
tion du système accusatoire, mais même il s'éloigne plus de celui-ci que l'instruction
préparatoire actuelle, car il reconstitue l'unité entre la poursuite et l'instruction, unité
pratiquement disparue de notre procédure pénale.

276. - PROPOSITION DE RETABLIR LA FORMALITE DU RECOLE-


MENT COMME COROLLAIRE DU SYSTEME DU JUGE DE L'INSTRUC-
TION. - Il importe cependant de souligner que le principe de la double enquête,
de police d'abord, judiciaire ensuite, base essentielle du système accusatoire moderne
tel qu'il est pratiqué dans les pays anglo-saxons, n'est pas demeuré étranger aux
préoccupations des auteurs de projets de réforme : Il se retrouve dans l'idée de
faire renaitre une formalité, inspirée de la procédure d'ancien régime, celle du
récolement, c'est-à-dire de la réaudition des témoins devant le juge de lïnstruction.
Me Sasserath, notamment, fait du récolement contradictoire, !"une des carac-
téristiques de son projet ( 1), lequel est, pour le surplus, inspiré de celui du Conseil
de législation.

277. - EVOLUTION PRATIQUE DE L'INSTRUCTION ACTUELLE


VERS LA DOUBLE ENQUETE. DE POLICE D'ABORD, JUDICIAIRE EN-
SUITE. - Il est, d'autre part, intéressant de relever une certaine évolution dans la
pratique vers le système de la double enquête, de police d'abord, judiciaire ensuite,
au sein de notre procédure d'instruction actuelle.
Avant la mise à l'instruction, une première enquête de police a fréquemment
été déjà réalisée à l'initiative du parquet. De plus, le juge d'instruction, lorsqu'il est
saisi d'un réquisitoire d'informer, charge souvent d'abord la police judiciaire de
recueillir les témoignages et autres éléments de preuve, susceptibles de former
les bases de l'accusation. Puis, lorsqu'il est en possession d'un dossier de police
complet, il procéde à l'audition des témoins essentiels, hors de la présence du pré-
venu comme le veut la coutume, mais immédiatement après chaque audition confronte
le témoin avec le prévenu, communique à ce dernier les éléments de la déposition et
lui laisse toute latitude pour s'expliquer à leur égard et pour contredire au besoin
les a:ffirmations du témoin.
S'il y a lieu, l'expert désigné assiste le juge d'instruction pendant !"enquête (2).

L'instruction par le juge qui, théoriquement, comme l'enquête de police, tend


à découvrir et rassembler les preuves de la culpabilité, se transforme de cette ma-
nière, par un simple jeu de nuances en une enquête objective destinée à contrôler,
et au besoin à rectifier, la première enquête de police.
Par ce moyen, l'instruction évolue, dans toute la mesure permise par la loi
et la coutume, vers !"examen contradictoire des témoignages dans un but strictement
juridictionnel.

278, - ABSENCE DE SEPARATION EFFECTIVE ENTRE L'ENQUE-


TE DE POLICE ET L'ENQUETE JUDICIAIRE TANT DANS LA FORMULE
DU RECOLEMENT QUE DANS LA PRATIQUE DE L'INFORMATION DE

( I) Cf. Novelles. I. 2. exposé critique n°i. 87 et S5.


(2) Voy. supra n°• 219. 230, 261.

264
POLICE JUDICIAIRE PREALABLE A L'EXAMEN DES TEMOINS PAR LE
JUGE D'INSTRUCTION. - Ni la formule du récolement telle qu'elle est pré-
conisée, ni l'évolution vers l'instruction en deux phases, ne réalisent encore en
revanche l'une des conditions essentielles que postule le système accusatoire, à
savoir l'existence d'une cloison étanche entre l'information de police et /'enquête
judiciaire :
La juridiction d'instruction comme la juridiction de jugement(l) demeurent
libres, dans l'un et l'autre système, de former leur opinion sur la base des procès-
verbaux de l'enquête unilatérale de police.
Sans doute celle-ci ne vaut-elle, en droit, qu'à titre de simple renseignement,
mals le système de l'intime conviction sans aucune restriction rend à peu près
illusoire cette nuance juridique (cf. supra n° 87).

CHAPITRE II

LES BASES JURIDIQUES DE LA REFORME,


LE REJET DU SYSTEME INQUISITORIAL
ET L'ADOPTION DU SYSTEME ACCUSATOIRE

279. - NECESSITE DE FAIRE DISPARAITRE LA CONFUSION ENTRE


L'INFORMATION DE POLICE ET L'EXAMEN JUDICIAIRE DES TE-
MOIGNAGES. - L'étude de notre procédure actuelle d'instruction préparatoire
nous a révélé le vice essentiel, propre au système inquisitorial, qui est à la source
de toutes les dtfficultés et de toutes les critiques qu'engendrent son fonctionnement:
Toute procédure destinée à assurer la rêpression des infractions comporte deux
étapes indispensables :
En premier lieu, l'autorité recherche les éléments de preuve destinés à identifier
et à confondre les auteurs du délit. A ce titre, elle entend, notamment, tous les
témoins susceptibles de l'éclairer. Cette première opération, ou information de police
judiciaire, doit, pour répondre aux ,fins qui lui sont assignées, être dénuée de forma-
lisme, unilatérale et secrète ( cf. supra n° 6).
En second lieu, le prévenu est déféré à la justice et celle-ci doit déduire les
conséquences judiciaires de l'accusation, c'est-à-dire se prononcer sur le bien-fondé
des poursuites.
A cet effet, elle doit examiner les charges produites et notamment les témoigna-
ges susceptibles de démontrer la culpabilité.
Cette seconde opération, ou instruction judiciaire doit, pour répondre aux fins
qui lui sont propres, être organisée sous la forme d'un débat, celui-ci étant considéré,
à juste titre, comme la garantie essentielle d'une bonne administration de la justice.
Ce débat doit notamment permettre aux parties l'examen contradictoire des
preuves produites.
Or, la preuve par témoignages réside dans les souvenirs du témoin et non
dans leur relation écrite plus ou moins fidèle et complète recueillie en dehors du
prétoire (cf. supra n° 10).

( l) A l'exception de la cour d'assises.

265
Les charges ne pourraient, dès lors, en principe être déduites de témoignages
écrits, ceux-ci n'étant pas des preuves, mais devraient pour être valablement con-
statées, résulter de l'examen direct et contradictoire des témoins eux-mêmes.
Il serait donc légitime de considérer cet examen comme le plus fondamental des
droits de la défense.
Or, le système inquisitorial veut que l'information de police et l'instruction
soient confiées à un même magistrat, soient confondues au sein d'une même procédure
judiciaire essentiellement unilatérale et secrète ( cf. supra n° 8).
Dès lors, d'une part, l'information est entravée dans une mesure plus ou moins
large par les exigences du formalisme judiciaire (cf. supra n° 9), mais d'autre part,
et surtout, les témoins sont entendus unilatéralement par le juge ou même par la
police, la preuve par témoignages qui sert de base aux décisions juridictionnelles
d'instruction résulte de la relation écrite indirecte des dépositions des témoins et
non de l'examen contradictoire de ceux-ci (cf. supra n° 10).
La réforme de l'instruction préparatoire ne peut être efficace que si elle dissipe
cette confusion, que si elle restitue à l'information de police et à l'instruction judi-
ciaire le cadre qui leur est propre, les règles et l'organisation respectives qui leur
conviennent à l'une et à l'autre.

280. - ABANDON DU SYSTEME INQUISITORIAL ET ADOPTION DU


SYSTEME ACCUSATOIRE. - La disparition de la confusion qui est à la base
de l'instruction préparatoire ne peut être réalisée que par l'abandon du système
inquisitorial. par la séparation de la fonction de police judiciaire et de la fonction
juridictionnelle d'instruction.
Le soin de rechercher les preuves, de procéder à l'enquête de police, d'accomplir
tout ce qui, dans l'instruction préparatoire, relève de l'exécutif, tout ce qui incombe
normalement à la partie publique, devrait cesser d'être confié à un juge.
Au contraire, tout ce qui se rattache à la fonction juridictionnelle d'instruction,
c'est-à-dire non seulement toutes les décisions comportant emprise sur les droits du
prévenu (détention préventive, renvoi devant la juridiction de jugement, etc.), mais
aussi l'examen des preuves préalable à ces décisions, l'instruction judiciaire et
notamment l'audition contradictoire des témoins demeurerait l'apanage du pouvoir
judiciaire.
Enfin, dans le but d'éviter toute interférence entre l'enquête de police et l'enquête
judiciaire, en vue d'assurer l'autonomie absolue de celle-ci, les procès-verbaux d'au-
dition de témoins par la police ne pourraient être utilisés comme preuves par le
ministère public, les décisions juridictionnelles d'instruction ne pourraient s'appuyer
que sur /'examen contradictoire des témoins effectué par le juge.
En d'autres termes, le seul remède aux défauts manifestes qui entachent l'instruc-
tion préparatoire actuelle réside dans l'adoption du système accusatoire pur, tel
qu'il est notamment pratiqué dans les pays anglo-saxons, mais adapté à nos institu-
tions et à nos traditions judiciaires.
L'accord quasi général de la doctrine paraît réalisé en principe sur la nécessité
d'abandonner le système inquisitorial. Comme J'exprime M. le Procureur général
Cornil ( 1), « On peut affirmer que les textes qui régissent l'instruction préparatoire
ne bénéficient plus d'aucun prestige: dans les rapports faits, en 1914 au nom du
conseil de législation, et en 1924 au nom du Comité permanent de ce conseil, à
l'appui d'un projet de révision du livre 1•r du code d'instruction criminelle, des
hommes tels que M. le Procureur général Servais et M. le premier avocat général

(1) Propos sur le Droit criminel (J. T. 1916, 115).

266
Raoul Hayoit de Termicourt n'ont pas hésité à proclamer que la procédure inquisi-
toriale était actuellement irrémédiablement condamnée:,,.
Même les auteurs qui, comme M. le conseiller Buch, sont partisans du maintien
de la procédure d'instruction en sa forme actuelle, justi'flent leur point de vue par
la considération, d'ailleurs fondée, que cette procédure est, plus que celle dite du
« juge de l'instruction », susceptible de sauvegarder le caractère juridictionnel de
l'instruction et de contenir la puissance de l'accusation.
En revanche, les opinions diffèrent sur ce qu'il conviendrait de substituer à
l'instruction actuelle.
La principale raison de ces divergences réside d'ailleurs dans le fait que la
caractéristique essentielle du système accusatoire, c'est-à-dire la dualité entre l'en-
quête de police et l'instruction judiciaire, n'a pas été sttffisamment mise en lumière,
ce qui a entraîné une méprise sur les conditions requises pour l'adoption de ce
système, méprise qui a notamment fait considérer le transfert de l'instruction au
procureur du Roi comme une solution conforme aux conceptions accusatoires, alors
qu'il s'agit, en fait, de la plus inquisitoriale de toutes les méthodes possibles.
Or, le problème se réduit à un dilemme : Ou bien l'information reste liée à
l'instruction au sein d'une même procédure et le système adopté est inquisitorial, ou
bien l'information et l'instruction forment deux procédures distinctes, le juge ne
pouvant statuer que sur base de sa propre enquête contradictoire, et non sur pied
des dépositions relatées dans les procès-verbaux de police et le système est accusa-
toire.
,L'abandon du système inquisitorial implique donc l'adoption du système accu-
satoire.
Nous allons, dans nos développements ci-après, reprendre et préciser les con-
ditions nécessaires à l'introduction du système accusatoire au sein de l'instruction
préparatoire.

281. - PREMIERE CONDITION DE LA REFORME. L'INSTITUTION


D'UNE JURIDICTION D'INSTRUCTION APTE A ENTENDRE LES TE-
MOINS CONTRADICTOIREMENT AVANT DE STATUER SUR L'ACTION
PUBLIQUE. - Il importerait, tout d'abord, de réorganiser la juridiction d'instruc-
tion de manière à la rendre apte à remplir sa mission scion les méthodes accusatoires.
Dans notre système actuel, les attributions de la juridiction d'instruction sont
réparties entre le juge d'instruction qui entend les témoins sans contradiction, la
chambre du conseil qui statue contradictoirement mais sans entendre les témoins, sur
base de dépositions écrites, et enfin la chambre des mises en accusation qui assume,
sans pouvoir procéder elle-même à une enquête, le contrôle de toute l'instruction sur
pied du dossier écrit de celle-ci.
La réalisation du système accusatoire postule lïnstitution d'une juridiction
d'instruction de première instance habilitée à procéder à l'examen contradictoire des
témoins.
Cette juridiction remplirait le même rôle que les « examining magistrates » en
procédure anglo-saxonne.
Il est souhaitable que soit maintenue en outre une juridiction d'instruction
d'appel susceptible de contrôler la régularité de la procédure d'instruction et de
réformer éventuellement les décisions de première instance.

282. - L'ATTRIBUTION AU JUGE D'INSTRUCTION DE LA PLENI-


TUDE DE LA JURIDICTION D'INSTRUCTION DE PREMIERE INSTANCE.
LE MAINTIEN DES PREROGATIVES DE LA CHAMBRE DES MISES EN
267
ACCUSATION. - Il serait naturellement possible, à la rigueur, de maintenir la
dualité entre le juge d'instruction et la chambre du conseil, le premier faisant l'en-
quête contradictoire en tant que juge-commissaire de la seconde ; mais il est évident
que cette dualité perdrait tout intérêt dans le cas où le juge d'instruction n'exercerait
plus qu'une fonction strictement juridictionnelle, le contrôle de la chambre du
conseil ne se justifiant que par la situation mixte du magistrat instructeur.
L'unification de la juridiction d'instruction de première instance serait donc
possible, et même souhaitable à titre de simplification intéressante du formalisme
de la procédure.
Elle éviterait, enfin, que le juge appelé à statuer n'ait connaissance des
témoignages que par l'intermédiaire d'un procès-verbal qui, fut-il le fruit d'une
enquête judiciaire contradictoire, ne pourrait avoir la valeur de conviction qui
résulterait d'un contact personnel avec les témoins.
Le rôle de juridiction de première instance devrait-il, en pareille hypothèse, être
coniflé à la chambre du conseil ou au juge d'instruction? C'est là manifestement,
un problème de faible importance doctrinale, car sa solution ne peut exercer aucune
incidence sur la compétence de la juridiction d'instruction remaniée. D'un point de
vue strictement pratique, il semble cependant que le passage d'un mode de procé-
dure à l'autre s'effectuerait avec moins de bouleversements si le juge d'instruction
était investi des attributions de la nouvelle juridiction d'instruction, et absorbait
celles actuellement dévolues à la chambre du conseil : La nouvelle procédure n'im-
pliquerait, en effet, de cette manière, aucun remaniement profond de l'organisation
judiciaire actuelle, mais une simple modilication de la compétence des magistrats
instructeurs en fonction, ainsi que des formes de l'instruction, tandis que la solution
contraire exigerait une réorganisation complète de la chambre du conseil et, dans
les grands centres, l'institution de nombreuses chambres supplémentaires.
Il va de soi, cependant, que le juge d'instruction, vu ses nouvelles attributions,
devrait être dégagé de tout contrôle du procureur général et devrait bénéficier, dans
ses fonctions d'instruction, des mêmes garanties d'inamovibilité que dans ses autres
fonctions judiciaires.
L'exercice de la juridiction d'instruction d'appel serait logiquement dévolu,
comme actuellement, à la chambre des mises en accusation.

283. - DEUXIEME CONDITION DE LA REFORME. LA SEPARATION


ENTRE L'EXERCICE DE LA POLICE JUDICIAIRE, DEVOLU AU MINI-
STERE PUBLIC ET L'EXERCICE DE LA FONCTION D'INSTRUCTION,
RELEVANT DU JUGE D'INSTRUCTION. - La réalisation du système accu-
satoire postule, en second lieu, la séparation complète entre l'enquête contradictoire
du juge d'instruction et l'enquête unilatérale de la police judiciaire, entre le droit
d'instruire et le droit d'informer. Il est, en effet, indispensable, pour que les décisions
juridictionnelles ne puissent être déterminées par les résultats de l'information uni-
latérale de police, que toute intervention de l'autorité judiciaire soit exclue dans
l'exercice de la police judiciaire. Ce dernier incombe exclusivement à l'exécutif. Il
est donc normal que le ministère public, légalement chargé de rechercher les infrac-
tions et leurs auteurs, assume la direction de toute l'enquête de police.
En pratique donc, le juge d'instruction n'aurait plus pour mission de rechercher
les témoins et les autres preuves susceptibles de démontrer la culpabilité ; il perdrait
le droit de requérir aux fins d'enquête les officiers de police judiciaire auxiliaires du
procureur du Roi ; il ne serait plus chargé d'identifier les prévenus et de les
inculper, cette tâche incombant au parquet.
Mais tout individu inculpé serait déféré devant lui par le ministère public,
auquel il incomberait également de citer les témoins à charge devant être entendus
lors de l'enquête contradictoire. Le juge d'instruction rendrait, sur base de cette

268
enquête, les dêcisions de non-lieu ou de renvoi devant la juridiction de jugement.
Il serait êgalement seul habilité à ordonner la détention préventive.

284. - TROISIEME CONDITION DE LA REFORME: L'OBLIGATION


FAITE AU JUGE D'INSTRUCTION DE. NE DEDUIRE SES DECISIONS
SUR L'ACTION PUBLIQUE QUE DE L'EXAMEN CONTRADICTOIRE
EFFECTUE DEVANT LUI.- Pour parachever l'adoption des formes de procédure
accusatoire, il conviendrait enfin de prévoir des dispositions susceptibles d'empêcher
que la communication au juge d'instruction du dossier d'enquête unilatérale de police
n'exerce une influence déterminante sur sa décision. L'enquête contradictoire ne
serait, en effet, plus qu'une vaine formalité si les décisions d'instruction pouvaient
être rendues en fait sur pied des simples renseignements recueillis par la police.
Comme nous l'avons vu (supra n°• 4 et 101), la procédure anglo-saxonne
évite cet inconvénient par l'interdiction pure et simple de communiquer au juge les
dossiers de police.
Cette solution radicale serait difficilement réalisable sur le Continent, compte
tenu d'habitudes séculaires dont il serait impossible de faire abstraction en un jour.
La solution qui devrait être apportée à ce problème constituerait cependant la
clef de voûte de tout le système, car permettre la communication des dossiers de
police dans un régime dominé par le principe de l'intime conviction du juge, c'est
renoncer en pratique à la règle que la preuve par témoignages ne peut résulter que
d'une audition contradictoire, c'est restituer en fait le droit d'instruction à l'organe
de l'accusation, c"est retomber en fin de compte dans une forme de procédure inqui•
sitoriale.
Comme il apparait fort difficile d'interdire légalement la communication au juge
du dossier d'information du parquet, il n'existe, à notre sens, qu'une seule solution
à la difficulté : Elle consiste à tempérer le principe de l'intime conviction sur ce point.

La loi devrait prévoir que le juge ne pourrait inférer /'existence de charges


sufllsantes que de /'instruction contradictoire effectuée devant lui et qu'il serait tenu,
dans les motifs de son ordonnance, de préciser les charges et de se référer expressé-
ment à chaque élément de preuve, constaté au procès-verbal d'instruction, duquel il
déduirait la réalité des charges retenues.
Dès lors, le dossier d'information, dont le juge prendrait connaissance à titre
de renseignement, pourrait, dans une certaine mesure, éclairer sa décision, mais non
exercer une influence décisive sur celle-ci.
Par ce moyen, le caractère accusatoire de la procédure serait sauvegardé ; en
outre, le contrôle de la régularité de l'instruction par les juridictions supérieures
serait, de ce fait, grandement facilité.
Enfin, tout risque de voir l'instruction contradictoire réduite à une simple for-
malité se trouverait écarté: L"obligation de déduire exclusivement de celle-ci les
charges permettant le renvoi devant la juridiction de jugement, rendrait, en elffet,
indispensable l'audition détaillée des témoins.

285. - LE CONTROLE DES INTERROGATOIRES. - Nul projet moderne


d'organisation de la procédure pénale ne peut laisser dans l'ombre le problème
essentiel des interrogatoires et de leur contrôle.
Trop d'abus sont, en elffet, signalés un peu partout dans le monde, pour ne
pas entraîner la mise à l'avant-plan de cette question cruciale ( 1).

( 1) Cf. not. A. Mellor; la torture ; « Les horizons littéraires» Paris 19-49. P. Pollet. L'affaire Simone
Wadier ou la torture par le temps. J. T. 1949, p. 348; J. Magno!; raveu dan• la proctdure
ptnale ; Rev. dr. pén. 1950-51. p. 248 et ss.

269
Un code de procédure pénale n'est complet que s'il comporte des dispositions
tendant à éviter à tout prix le recours à l'extorsion d'aveux par la violence ou
d'autres méthodes plus insidieuses.
Non seulement, en e:ffet, l'emploi de pareilles pratiques rend illusoire toutes les
garanties de la procédure pénale en faveur de la défense, mais en sens inverse il
retire à la longue au détriment de l'accusation tout crédit aux aveux librement
effectués, le prévenu regrettant sa franchise pouvant toujours avec de grandes
chances d'être crû, se prévaloir d'une contrainte inexistante (2).
Le problème n'est, d'ailleurs, pas particulier à un système de procédure donné:
Le système accusatoire, comme le système inquisitorial, admet l'aveu à titre de
preuve.
Tout au plus peut-on dire que le second y attache théoriquement plus d'impor-
tance, mais en pratique la différence est légère.
La solution radicale serait évidemment d'interdire la preuve par l'aveu en
matière pénale, de refuser de tenir compte des aveux effectués, de proscrire toute
forme d'interrogatoire.
C'est là une solution impossible pour des raisons évidentes d'intérêt public.
Il faut donc se résigner à admettre l'interrogatoire et l'aveu, tout en les sou-
mettant à une réglementation rigoureuse.
Notre procédure pénale actuelle ne connaît aucune réglementation de ce genre :
La concience professionnelle des officiers et agents de police judiciaire est la seule
garantie susceptible d'éviter les abus, la difficulté de preuve rendant, en pareil do-
maine, tout contrôle judiciaire très aléatoire.
La procédure anglo-saxonne, au contraire, connaît une réglementation précise
que nous avons examinée (supra n° 207) : Elle est fondée sur l'avertissement préala-
ble donné à tout suspect qu'il n'est pas tenu de répondre et sur l'examen contra-
dictoire à l'audience de l'officier ayant procédé à l'interrogatoire préalablement à la
lecture de la déposition de l'inculpé.
Ces garanties sont, sans aucun doute, précieuses. Sont-elles suffisantes ?
L'exemple anglais semble probant, mais il apparaît bien qu'en l'espèce aussi le
respect des prérogatives de la défense dépend dans une large mesure de la conscience
professionnelle des représentants de la police.
Il n'est pas douteux, d'ailleurs, que la qualité du recrutement de la police et
l'efficacité de l'autorité hiérarchique et du contrôle auxquels elle est soumise jouent
un rôle capital dans la prévention des abus auxquels peuvent donner lieu les
interrogatoires de suspects.
A cet égard, le système belge qui, non seulement, met toute la police judiciaire
sous le contrôle supérieur du procureur général, mais place même, en outre, les
services essentiels de police judiciaire sous l'autorité immédiate du parquet, est
excellent et peut être cité en exemple.
La mise à la disposition de la police judiciaire de moyens d'action modernes et
efficaces pour accomplir sa tâche, en réduisant la tentation de rechercher l'aveu à
tout prix, contribue également au résultat souhaité.
Mals il est évident que la sauvegarde d'un droit aussi essentiel que la liberté de
l'aveu, droit lié au respect de la personne humaine, ne peut être abandonné au bon

( 1) Cf. également les observations judicieuses développées par M. le procureur général Cornil dans
so,:i ouvrage << Le droit pénal et la procédure pénale après la tourmente », p. 81.

270
vouloir de la police, quelle que soit la bonne organisation de celle-cl et l'intégrité
de ses représentants.
Il faut que le respect des droits de la défense soit, en outre, sanctionné par des
garanties juridiques efficaces.
A notre sens, le seul moyen de conserver !"aveu à titre de preuve, tout en
rendant les abus radicalement impossibles, consisterait à n"admettre en procédure
pénale que l'aveu judiciaire.
Il n'y aurait pas lieu de retirer à la police le droit d'entendre les prévenus ou
les suspects, leurs explications étant de nature à orienter !"information. Il serait
toutefois souhaitable de réglementer les formes de l'interrogatoire : Fixer, par exem-
ple, une durée limitée à celui-ci; interdire !"interrogatoire pendant la nuit; préciser
les heures pendant lesquelles les détenus peuvent être interrogés ; le respect de
toutes ces prescriptions devrait être constaté par une mention au procès-verbal.
Mais il conviendrait en outre, nous semble-t-il, de réserver à un juge le droit
de recevoir les aveux des inculpés et d'en dresser procès-verbal.
La police pourrait reproduire dans les procès-verbaux les déclarations que lui
a faites l'inculpé, mais non pas faire signer ses aveux par l'intéressé.
Lorsqu'un prévenu serait, selon la formule consacrée, disposé à « entrer dans
la vole des aveux », il devrait être entendu par un juge qui acterait les déclarations
de l'intéressé après s'être assuré de leur caractère volontaire.

CHAPITRE III

LA MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA REFORME

286. - OBJET. - Après avoir défini les bases juridiques de la réforme, il nous
faut exposer les modalités pratiques grâce auxquelles cette réforme pourrait être
réalisée eifectivement.
Nous ne pouvons envisager de résoudre tous les problèmes qui se posent à ce
propos, les aménagements de détail ne présentant, au surplus, qu'un intérêt relative-
ment restreint.
Nous nous bornerons donc à esquisser les grandes lignes d'une procédure
d'instruction fondée sur les principes que nous avons énoncés.
Nous décrivons d'autre part, dans trois tableaux annexés au présent ouvrage,
le déroulement de l'instruction d'une même ~ffaire, tel qu'il s'effectuerait selon notre
procédure actuelle (annexe I), selon la procédure anglo-saxonne (annexe Il) et
enfin selon notre projet ( annexe Ill).

SECTION Ire
Le transfert au ministère public de toutes les attributions
de police judiciaire

287. - GENERALITES. - Cette partie de la réforme serait celle qui entrai-


nerait le moins de diifficultés pratiques, car, ainsi que nous l'avons vu, (supra n•
108) l'évolution générale est en ce sens.
271
Le champ d'action de l'information administrative du parquet s'est considéra-
blement élargi depuis l'époque du code d'instruction criminelle.
Il suffirait de l'étendre à toutes les a:ffaires, qu'elles donnent, ou non, lieu ,1
instruction judiciaire.
Le procureur du Roi ne se bornerait donc plus à diriger la prem1ere enquête,
préalable à la saisine du juge d'instruction, mais garderait la direction de l'informa-
tion, même après la mise en mouvement de l'action publique par l'inculpation du
prévenu.
Les pouvoirs du parquet ne seraient cependant pas accrus : Le juge d'instruction
conserverait seul le droit de prendre les mesures susceptibles de porter atteinte à un
droit individuel: mandat de perquisition et surtout mandat d'arrêt. Toutefois, la
direction de l'information appartenant au procureur du Roi, ces mesures ne seraient
plus décidées spontanément par le juge, mais ordonnées par lui sur requête du
ministère public.
Il va de soi que les décisions en rapport avec les progrès de l'information, telles
que les mandats de perquisition, seraient rendues sur pièces et sans contradiction.
Il serait même souhaitable qu'elles demeurent indépendantes de la mise en mouvement
de l'action publique (cf. supra n° 90).
L'idtervention d'un juge en ces matières ne se justifie en effet que pour la
sauvegarde des droits individuels en général et est sans rapport avec les poursuites
contre un individu déterminé et le respect des droits de la défense.
Au contraire, les mesures en relation avec l'exercice des poursuites, telles que
la détention préventive, impliqueraient l'intentement de l'action publique et la mise
en œuvre d'une procédure d'examen contradictoire des preuves.
En:fin, l'accroissement des attributions du procureur du Roi en la matière
entraînerait nécessairement une intervention personnelle plus active de sa part,
notamment dans l'audition de certains témoins et des prévenus. Actuellement, en
effet, dans les causes faisant l'objet d'une information de parquet, ce sont essentiel-
lement les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi qui accom-
plissent les actes d'information. Dans l'hypothèse où le parquet assumerait seul la
tâche d'information dans toutes les affaires, même les plus complexes, il est évident
que l'accomplissement de certains devoirs, principalement l'interrogatoire des préve-
nus et des principaux témoins par le magistrat dirigeant les recherches, serait utile
et même parfois indispensable.

SECTION II

L'examen contradictoire des témoins et autres preuves


par le juge d'instruction

288. - MOMENT OU S'EFFECTUERAIT L'EXAMEN CONTRADIC-


TOIRE. - L'examen contradictoire des témoins et des autres preuves se déroulerait
normalement après que le procureur du Roi aurait rassemblé les éléments de son
action, c'est-à-dire aurait terminé son information ( 1). Il précèderait donc immédiate-
ment la décision de clôture de l'instruction par renvoi devant la juridiction de
jugement ou non-lieu.

( l) Du moins en ce qui concerne les faits de la prévention. Il n'y aurait aucun inconvénient et il
serait même souhaitable que la clôture de l'instruction ne soit pas retardée par les recherches
accessoires, relatives notamment aux antécédents et à la moralité du prévenu, qui n'ont d.'intérêt
qu'au cours de la procédure de jugement et pourraient être effectuées entre le renvoi et l'examen
au fond.

272
Il y aurait cependant lieu de régler certains P,roblèmes spéciaux relatifs à cette
procédure.
La détention préventive intervient souvent, et doit d'ailleurs normalement inter-
venir en cours d'information. Comme elle ne peut découler que d'une décision
juridictionnelle, le mandat d'arrêt, il serait normal qu'un premier examen contra-
dictoire précède la délivrance de celui-ci par le juge d'instruction. Cet examen
devrait d'ailleurs se limiter à la production d'éléments, et notamment de témoins
établissant l'existence d'indices de culpabilité à charge du prévenu, sans pour autant
que la preuve de charges suffisantes doive être immédiatement rapportée.
L'organisation de pareil examen contradictoire serait cependant souvent impos-
sible dans le délai de 24 heures qui est imparti à la partie publique pour obtenir la
délivrance du mandat.
Dès lors, il faudrait admettre que celui-ci continue à être décerné provisoire-
ment sur simple examen des procès-verbaux d'information, après interrogatoire de
l'inculpé par le juge, bien entendu. Mais l'examen judiciaire indispensable pourrait
être lfixé dans un court délai, dont la durée maxima serait déterminée par la loi
(8 jours par exemple) et l'ordonnance d'arrestation comporterait indication de la
date de l'examen contradictoire. Le mandat d'arrêt ne pourrait être confirmé que
sur base de cet examen. Il pourrait également être prévu par la loi que l'éxamen
contradictoire complet des charges devrait se dérouler dans un certain délai qui
courrait à dater du mandat d'arrêt ( 1).
En fin de compte, l'examen contradictoire se déroulerait donc en principe après
achèvement de l'information. Il pourrait toutefois être entrepris et partiellement
effectué en cours d'information, notamment en cas de détention préventive.

289. - CITATION DES TEMOINS PAR LES PARTIES. FACULTE


LAISSEE AU JUGE DE CONVOQUER D'OFFICE DES TEMOINS SUPPLE-
MENTAIRES OU D'EXIGER UN COMPLEMENT D'INFORMATION. -
L'initiative de l'examen contradictoire incomberait normalement au ministère public,
partie poursuivante.
Celui-ci citerait les témoins de l'accusation. L'examen devrait, naturellement.
porter non seulement sur les témoignages invoqués par la partie publique, mais aussi
sur ceux produits par les parties privées.
La citation des témoins par les parties n'impliquerait cependant pas que le
juge d'instruction ne pourrait statuer que sur base des témoignages produits par
elles : Il serait, au contraire, intéressant de permettre au juge soit de faire appeler
des témoins supplémentaires, soit même de surseoir à statuer en indiquant les points
sur lesquels l'information lui paraîtrait devoir être complétée. Il devrait, par ailleurs,
conserver le droit de désigner des experts : II va de soi que les témoignages recueillis
à l'occasion de l'instruction devraient être rigoureusement actés, voire sténographiée,

290. - MAINTIEN DE L'ABSENCE DE PUBLICITE DE L'INSTRUC-


TION PREPARATOIRE. - II y aurait, nous semble-t-il, intérêt à maintenir
l'absence de publicité de l'instruction préparatoire.
Il importe, en etfet, de limiter le tort causé à une personne, peut-être innocente,
par les poursuites dont elle est l'objet, alors que ces poursuites peuvent aboutir à
une ordonnance de nori-lieu. Si, d'autre part, certains prévenus sont fugitifs, il n'est

(1) Sans préjudice, bien entendu, du maintien de la rêgle de la confirmation mensuelle qui constitue"
une garantie précieuse pour la défense. Compte tenu de l'importance que présente l'atteinte ai.lx
droits individuels résultant de la détention préventive, H serait même souhaitable que le délai
de confirmation soit moins long, qu'il ne s'écoule, par exemple, pas plus de quinze jours entre
deux comparutions, (En Angleterre, ce délai est de huit jours).

273
pas souhaitable qu'ils soient tenus, de manière trop précise, au courant des progrès
de l'instruction à charge de leurs complices.
L'examen des témoins pourrait donc continuer à se dérouler dans le cabinet du
juge d'instruction, mais il s'e.ffectuerait en présence des parties.

291. - PROCEDURE DEVANT LA JURIDICTION D'INSTRUCTION


D'APPEL. - Il serait, de toute évidence, inopportun de recommencer, en cas
d'appel, tout l'examen contradictoire devant la chambre des mises en accusation.
Celle-ci statuerait donc, en principe, sur le dossier d'instruction contradictoire
de première instance.
Toutefois, elle devrait être investie de pouvoir de réentendre des témoins ou
d'entendre des nouveaux témoins en cas de besoin.

292. - AUDITION DES SEULS TEMOINS DES FAITS, A L'EXCLU-


SION DES TEMOINS DE MORALITE. - Afin de ne pas gonfler inutilement
l'objet de l'instruction, ne pourraient être produits que les témoignages relatifs aux
faits de le cause, c'est-à-dire ceux de nature à démontrer l'existence ou l'absence
des circonstances de l'infraction, à l'exclusion des témoignages de moralité ou des
simples opinions sans valeur probante.

293. - REGLEMENTATION DU RECOURS AU TEMOIGNAGE INDI-


RECT. - Il importerait que la loi assure le respect de la notion même de témoignage
contradictoire.
Le témoignage indirect, notamment, porte atteinte à cette notion. En effet, il
n'est que la relation par un tiers, particulier ou officier de police, des paroles du
véritable témoin, lequel ne peut, dès lors, être contre-interrogé. L'utilisation de ce
genre de témoignage devrait donc être réglementée. Elle n'est admissible que dans
deux cas:
1°) à titre subsidiaire, pour con:flrmer ou contrôler la déposition du témoin
principal, préalablement entendu contradictoirement.
2°) à titre supplétif, lorsque le témoin direct est dans l'impossibilité de témoigner
(décès, disparition, éloignement).

294. - FIXATION DES REGLES PRESIDANT A L'EXAMEN CONTRA-


DICTOIRE DES TEMOINS. - Les règles présidant à l'examen contradictoire des
témoins devant le juge d'instruction devraient être fixées par la loi. A l'heure
actuelle, en e'ffet, l'audition contradictoire des témoins devant les juridictions de
jugement (1) n'est soumise à aucune réglementation organique précise et aucune
protection légale suffisante ne garantit l'exercice du droit de défense en ce domaine.
Il y aurait lieu, tout d'abord, de définir les rôles respectifs du juge et des parties.
Il faudrait ensuite réglementer la manière d'interroger. Sans que celà implique pour
autant l'adoption complète du système anglo-saxon de la « Cross-Examination > ou
interrogatoire par les parties, il serait intéressant de s'inspirer des règles de la
procédure anglaise quant à l'interdiction de poser des « leading questions> ou
questions suggérant une réponse déterminée lors de l'interrogatoire au principal,
destiné à obtenir la relation par le témoin des faits dont il a connaissance. Il
conviendrait également de garantir et réglementer en même temps le droit, pour la

( J) La procédure d'assises comporte quelques dispositions à ce sujet, lesquelles consacrent


d'aiJleurs l'inégalitê entre la partie publique et les parties privées {instr. n°• 315 et as.). A
défaut de prescriptions propres. certaines de ces règles sont appliquées par similitude à la
procédure correctionneHe et de police.

274
partie contre laquelle le témoignage est invoqué, de contre-interroger le témoin sous
le contrôle du juge ( 1).
295. - INTERPELLATION DES TEMOINS SUR LEURS DECLARA-
TIONS A LA POLICE JUDICIAIRE. - Il y a lieu de prévoir des variations
entre les déclarations des témoins entendus contradictoirement à l'instruction et celles
faites par eux unilatéralement à la police judiciaire.
La confrontation des déclarations successives d'un témoin présentant un intérêt
évident pour la manifestation de la vérité, il ne serait pas souhaitable que le dossier
d'instruction contradictoire soit constitué sans tenir compte de ce facteur. Il y aurait
donc lieu d'autoriser la jonction à ce dossier des dépositions antérieures du témoin
entendu, à la double condition que ces dépositions aient été opposées à l'intéressé
après son interrogatoire principal lors de la procédure contradictoire et qu'il ait été
invité à se justifier à leur sujet. Par suite de leur jonction au dossier d'instruction,
ces dépositions antérieures acquerraient la même valeur probante que les autres
pièces de ce dossier.

296. - ADMISSION COMME PREUVES DES PROCES-VERBAUX DE


CONSTAT EMANANT DE LA POLICE ET DES RAPPORTS ECRITS D'EX-
PERTISE SANS AUDITION PREALABLE DE L'OFFICIER DE POLICE OU
DE L'EXPERT, A DEFAUT D'OPPOSITION DU PREVENU. - Il n'est pas
désirable que les officiers de police de même que les experts soient, au préjudice
de leurs autres devoirs, appelés constamment à témoigner en justice, leur témoignage
risquant de n'être souvent que la répétition de leurs constatations consignées par
écrit. On pourrait dès lors admettre que les procès-verbaux comportant de simples
constatations matérielles ainsi que les rapports d'expertise soient versés au dossier
d'instruction sans témoignage préalable de leur auteur, pour autant que le prévenu,
interpellé à ce propos, ne s'y oppose pas en indiquant les raisons de son opposition.

297. - PRODUCTION A TITRE DE PREUVE DES AVEUX ECRITS DU


PREVENU. - Seuls pourraient être produits, à titre de preuve, et versés au
dossier d'instruction, les aveux actés par un juge, ainsi qu'il a été exposé supra
n° 285.

298. - PROCEDURE PAR DEFAUT A L'EGARD DU PREVENU FUGI-


TIF. - L'introduction de l'examen contradictoire au sein de la procédure d'instruc-
tion pose un problème corrélatif : Celui du cas où le prévenu est fugitif ou fait
défaut.
A notre sens, afin d'éviter toute manœuvre dilatoire, il y aurait lieu en tout
cas de ne pas admettre le simple défaut de l'intéressé. Au cas où celui-ci s'abstien-
drait de comparaitre, il devrait y être contraint sous les liens d'un mandat d'amener.
Mais si l'inculpé est fugitif, il est évidemment impossible de suspendre l'instruc-
tion jusqu'à ce qu'il ait été retrouvé.
A notre sens, il y aurait lieu, en ce cas, d'adopter la solution suivante: Après
citation de l'intéressé, et constatation de sa fuite, l'instruction serait menée en son
absence et le juge d'instruction statuerait par défaut sur le fond de la prévention
elle-même.
Il n'y aurait, en effet, en pareille hypothèse, aucun intérêt à mettre en branle
une procédure de jugement plus complexe. Après son arrestation ultérieure, le
prévenu pourrait faire opposition et le jugement rendu tomberait par le fait même.
L'instruction effectuée ne serait cependant pas caduque, mais les témoins dont le
prévenu demanderait la réaudition par requête motivée seraient entendus à nouveau

( 1) Les règles anglo-saxonnes sout peut f:tre, sur ce point, exagérément libérales. Nos usages sont,
par contre, trop restrictifs. Il importerait de trouver et définir légalement une solution moyenne.

275
contradictoirement, la procédure étant finalement clôturée par une ordonnance de
renvoi ordinaire.

299. - CONTROLE DE LA REGULARITE DE L'INSTRUCTION PRE-


PARATOIRE. - La procédure d'instruction ainsi conçue comporterait des formes
dont la méconnaissance serait génératrice de nullités. D'un côté, il conviendrait
donc de garantir légalement le respect de ces formes, tandis que d'un autre côté il
importerait d"éviter que !"abus de nullités engendre la paralysie. Il serait, par exem-
ple, peu souhaitable que la validité de la procédure de jugement dépende de la
régularité de l'instruction préparatoire.
Pour éviter ce risque, il nous paraîtrait opportun de reconnaître au prévenu,
comme au ministère public et à la partie civile, un recours devant la chambre des
mises en accusation à rencontre de r ordonnance de renvoi. Le recours du prévenu
pourrait, afln de réduire les risques de manœuvres dilatoires, être limité au cas de
violation des formes substantielles.
Dans I" éventualité où ce recours serait accueilli, la chambre des mises en
accusation pourrait écarter du dossier les procès-verbaux entachés de nullité, voire
recommencer les actes viciés. Son arrêt serait, éventuellement, susceptible lui-même
de pourvoi en cassation.
La nullité de l'instruction ne pourrait, en l'absence de recours ou après rejet de
celui-ci, plus être invoquée lors de la procédure de jugement.

SECTION III
La réforme de l'instruction et le jugement des délits mineurs
300. - GENERALITES. - Le recours à l'instruction préparatoire ne se
conçoit, à raison même de la complexité des règles de cette procédure, qu'en vue de
préparer le jugement des délits majeurs, des crimes graves. La répression de la
masse des délits mineurs et des contraventions appelle nécessairement des règles
plus simples et plus expéditives.
L'abandon du recours à l'instruction préparatoire pour le jugement des délits
mineurs est d'ailleurs un fait acquis, une coutume absolument consacrée (cf. supra
n08 108).
Il n'y aurait aucun intérêt à revenir en arrière sur ce point. Au contraire, il
serait souhaitable d'accentuer encore cette tendance en éliminant la nécessité de
recourir à la procédure d'instruction lorsqu'elle ne se justifie que par des motifs
purement techniques, tels que la délivrance d'un mandat de perquisition ou l'obten-
tion d'une ordonnance de disquali:fication.
Toutefois, cette évolution implique que la juridiction de jugement est directement
saisie du dossier d'information du parquet. Toutes les diJfficultés que nous avons ren-
contrées au sein de l'instruction préparatoire quant à la valeur juridictionnelle des
enquêtes effectuées par la partie publique unilatéralement se trouvent donc trans-
férées en pareil cas, au niveau de la procédure de jugement. Si l'on admet que le
dossier de police judiciaire puisse servir de base à l"appréciation des juges, sans
examen contradictoire à l'audience, ou après un examen complémentaire et facul-
tatif, cela implique que le ministère public se trouve investi de toutes les attributions
du magistrat instructeur, qu'il cumule, en ce domaine, le rôle d'organe de la poursuite
et de juge d'instruction.
C'est donc, en la matière, au niveau de la procédure de jugement seule que
devrait s'effectuer la réforme tendant à retirer aux procès-verbaux de témoignages
toute valeur de conviction. Ce résultat pourrait d'ailleurs être atteint par la même
276
méthode que celle que nous avons préconisée à propos des décisions juridictionnelles
d'instruction (cf. supra n• 284).

CHAPITRE IV

EFFETS DE LA REFORME ·PROPOSEE SUR LES


INSTITUTIONS EXISTANTES

301. - ADOPTION DU SYSTEME ACCUSATOIRE SANS MODIFICA-


TION PROFONDE, NI DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ACTUELLE,
NI DE LA COMPETENCE RESPECTIVE DE SES ORGANES. - Le projet
de réforme que nous avons esquissé ci-dessus n'apporterait aucune modification
profonde aux institutions existantes et ne bouleverserait même pas gravement leur
rôle respectif dans la procédure d'instruction préparatoire. Les seules modifications
institutionnelles proposées se limiteraient au transfert, entre les mains du procureur
du Roi, des pouvoirs d'information de police actuellement détenus par le juge d'in-
struction ainsi qu'à la suppression de la chambre du conseil. Le juge d'instruction
conserverait même l'essentiel de ses prérogatives actuelles dans tout ce qui touche
à la partie de sa mission susceptible d'exercer une influence sur les droits de la
défense, à savoir notamment l'audition judiciaire des témoins et des prévenus.
Les transformations fondamentales ne porteraient que sur la procédure d'instruc-
tion elle-même, celle-ci étant aménagée, en premier lieu, de manière à permettre,
sans préjudice pour l'accusation, l'introduction de l'examen contradictoire des
témoins, et en second lieu, de façon à réaliser effectivement cet examen contra•
dictoire.
Même dans l'esquisse de cette procédure nouvelle, nous nous sommes efforcés
de ne modifier que dans la limite des nécessités la procédure ancienne, de façon à
permettre le passage le plus harmonieux possible d'un système à l'autre.
La procédure proposée assurerait cependant l'abandon total des formes inquisi-
toriales et leur remplacement par des méthodes accusatoires.

277
BIBLIOGRAPHIE

BEKAERT. - Le secret de l'instruction. (J .T. 1950, p. 505).


BRAAS. - Précis d'instruction criminelle et de procédure pénale.
( Bruylant, 1950).
BUCH. - La réforme de l'instruction pénale. (Bruylant, 1950).
CARON. - La police judiciaire. (Novelles, Procédure pénale, 1, 1 :
Larder, 1946).
CONSTANT. - Les mises en accusation. (Novelles. Procédure
pénale, II, 1 ; Larder, 1948).
CORNIL. - Le droit pénal et la procédure pénale après la tour~
mente. (Novelles. Procédure pénale, 1, 1 ; Larder, 1946).
- Propos sur le Droit criminel. (J. T. 1946, 413 et ss.).
DONNEDIEU de VABRES. - Traité de Droit criminel. (Sirey,
1947).
HA YOIT de TERMICOURT. - De la loi sur la détention préven~
tive. (Revue de droit pénal 1924, p. 285 et ss.; 389 et ss.).
- Propos sur le Ministère public. (Revue de droit pénal
1936, 961).
HOEFFLER. - Notions sommaires de procédure pénale anglo~
saxonne. (Revue de droit pénal 1952, p. 433 et ss. et Larder
1952).
MARCHAL et JASPAR. - Droit criminel, T. II (Larder, 1952).
MARECHAL. - Les mandats. La détention préventive. (Novelles.
Procédure pénale, 1, 1 ; Larder, 1946). ·
REPERTOIRE PRATIQUE DE DROIT BELGE. - Verbis action
publique ; casier judiciaire ; commission rogatoire ; détention
préventive ; extradition ; ministère public ; procédure pénale.
SASSERATH. - Exposé critique. (Novelles. Procédure pénale, I.
2 ; Larder, 1946).
SCHUIND. - Traité pratique de droit criminel. (Bruylant, 1944).
SERVAIS. - La police judiciaire des parquets. (J.T. 1921, 586).
SUETENS. - L'instruction. - La chambre du conseil. (Novelles.
Procédure pénale, 1, 1 ; Larder, 1946).
W ALEFFE. - Répertoire décennal de la jurisprudence belge l 926~
1935 et 1936~1946: verbis Chambre des mises en accusation ~
Chambre du conseil ~ Défense sociale ~ Détention préventive
- Ministère public - Officier de police judiciaire - Tribunaux
correctionnels et de police.
278
Table des matières

Préface, p. 1.
Avant-propos, p. V.

INTRODUCTION.

CHAPITRE PREMIER. - LE SYSTEME INQUISITO-


RIAL D'INSTRUCTION PREPARATOIRE.
1. Définition et caractéristiques essentielles de l'instruction prépa-
ratoire, p. 5.
2. L'instruction préparatoire et la séparation des pouvoirs, p. 6.
3. Origines historiques de l'instruction préparatoire. - Le sys-
tème inquisitorial, p. 7.
4. Inexistence du système inquisitorial dans la procédure anglo-
saxonne. - Le système accusatoire moderne, p. 9.

CHAPITRE II. - CRITIQUE DU SYSTEME INQUISI-


TORIAL D'INSTRUCTION PREPARATOIRE.
5. Position du problème, p. 11.
6. Les exigences de l'information de police judiciaire, p. 12.
7. Les exigences de la justice pénale, p. 13.
s·. Impossibilité de concilier les exigences contradictoires de la
police judiciaire et de la justice pénale au sein d'une même
procédure, p. 13.
9. Perturbations apportées par le système inquisitorial dans le
déroulement normal de l'information de police judiciaire, p. 14.
10. Atteintes portées par le système inquisitorial au principe de
l'examen contradictoire des preuves, p. 15.
11. Le système inquisitorial et le principe de la présomption d'in..
nocence du prévenu, p. 17.

TITRE PREMIER. - LES ORGANES DE L'INSTRUC-


TION PREPARATOIRE.

12. Généralités, p. 21.


13. Plan, p. 21.
279
CHAPITRE PREMIER. - LE MINISTERE PUBLIC.
14. Notion, p. 22.
Section I•e. - Le Procureur général près la Cour d'appel.
15. Principes, p. 24.
16. Le Procureur général peut~il exercer personnellement les fonc~
tions conflées à ses subordonnés?, p. 25.
17. Le parquet général. - Le principe de l'indivisibilité du parquet,
p. 26.
Section II. - Le Procureur du Rioi.
18. Principes, p. 27.
Section III. - L'officier du ministère public près le tribUIDal de
police.
19. Généralités, p. 29.
Section IV. - Le ministère public militaire et les services
officiels charges d'exercer l'action publique en certaines ma-
tières.
20. Généràlités, p. 31.
21. L'Auditeur général et les auditeurs militaires, p. 31.
22. L'Administration des finances, p. 31.
23. L'Administration forestière, p. 32.

CHAPITRE Il. - LE JUGE D'INSTRUCTION.


24. Principes, p. 32.
25. Caractère complexe des fonctions du juge d'instruction.
Confusion dans son chef des deux qualités d'officier de police
judiciaire et d'organe de la juridiction d'instruction, p. 34.
26. Difficultés engendrées par la dualité de fonctions du juge
d'instruction, p. 34.

CHAPITRE III. - LE PARTAGE D'ATTRIBUTIONS ET


LES RAPPORTS ENTRE LE JUGE D'INSTRUCTION ET
LE MINISTERE PUBLIC.
27. Le partage d'attributions entre le procureur du Roi et le juge
d'instruction, p. 34.
28. Prérogatives du Ministère public vis~à~vis du juge d'instruc~
tion, p. 35.
29. a) Surveillance exercée par le Procureur général sur l'activité
du juge d'instruction, p. 35.
30. b) Droit de réquisition du Procureur du Roi, p. 37.
31. Garanties d'indépendance du juge d'instruction vis~à~vis du
ministère public, p. 37.
280
32. A) Droits du juge d'instruction à l'égard de sa propre instruc~
tion, p. 38.
33. B) Droit reconnu au juge d'instruction de rejeter par voie
d'ordonnance motivée les réquisitions du procureur du Roi,
p. 38.

CHAPITRE IV. - LA COMPETENCE ET LE RESSORT


TERRITORIAL DU PROCUREUR DU ROI ET DU JUGE
D'INSTRUCTION.
34. Remarque préliminaire, p. 39.
35. Compétence ratione materiae, p. 39.
36. Compétence ratione personae, p. 40.
37. Compétence ratione loci, p. 40.
38. Compétence ratione loci et ressort territorial. - Distinction
entre les attributions judiciaires et les attributions administra~
tives ou de police judiciaire du procureur du Roi et du juge
d'instruction, p. 41.
39. Le ressort territorial du procureur du Roi et du juge d'instruc~
tion, p. 42.
40. Intervention par délégation ou intervention spontanée, p. 43.
41. La compétence du procureur du Roi et du juge d'instruction
est~elle d'ordre public?. p. 43.
42. Observations, p. 45.
43. Caractère d'ordre public des règles relatives au ressort terri~
torial du procureur du Roi et du juge d'instruction, p. 47.

CHAPITRE V. - LES AUXILIAIRES DU MINISTERE


PUBLIC EN MATIERE DE POLICE JUDICIAIRE.
44. Généralités, p. 47.
SectiOlll Jr•. - Les services généraux de police judiciaire.
Par. Jer. - La police judiciaire des parquets.
45. Généralités, p. 49.
46. 1°) L'institution d'officiers et d'agents judiciaires attachés aux
parquets des procureurs du Roi et soumis à la hiérarchie du
ministère public, p. 49.
47. 2°) Le droit de concurrence, et même de prévention de la
police judiciaire des parquets à l'égard des autres corps de
police, et notamment des corps communaux, dans la recherche
des infractions et de leurs auteurs, p. 50.
48. 3°) L'extension du ressort territorial des officiers et agents
judiciaires au ressort de la Cour d'appel, et même, moyennant
mandat expres du Procureur Général, au territoire national
tout entier, p. 51.
281
49. Organisation de la police judiciaire des parquets, p. 52.
50. La police judiciaire féminine, p. 55.
Par. 2. - les corps de police communale.
51. Généralités. - L'organisation de la police judiciaire à l'échelon
local et le problème de la centralisation, p. 55.
52. L'organisation de la police communale, p. 57.
Par. 3. - La Gendarmerie.
53. Organisation, p. 59.
Section II. - Les services .spéciaux de police judiciaire.
54. Généralités, p. 61.
55. La police des chemins de fer, p. 61.
56. La police aéronautique, p. 62.
57. La police maritime, p. 63.
58. La police rurale, p. 64.
59. La police forestière, p. 65.
60. La police des douanes et accises, p. 66.
Section III. - Les fonctionnaires et agents investis d'attribu-
tions de police judiciaire.
61. Généralités et renvoi, p. 67.

CHAPITRE VI. - LES JURIDICTIONS D'INSTRUC~


TION.
62. Généralités, p. 67.
63. Organisation et compétence de la Chambre du conseil, p. 68.
64. L'organisation et la compétence de la Chambre des mises en
accusation, p. 68.

TITRE II. - LA FONCTION DE POLICE JUDICIAIRE.


65. Plan, p. 69.
66. La notion de police judiciaire, p. 69.
67. L'information et l'action publique, p. 70.
68. Conséquence de la distinction entre l'information et l'action
publique : action publique subordonnée à une plainte de la
victime. Constatation de l'infraction indépendante de l'exis~
tence de la plainte, p. 71.

CHAPITRE PREMIER. - LES OFFICIERS ET AGENTS


DE POLICE JUDICIAIRE.
Section I"•. - Les officiers et agents de police judiciaire en
général. - Les procè&-verbau:x.
69. Définitions et principes, p. 72.
282
70. Caractéristiques des fonctions d'officier et d'agent de police
judiciaire, p. 73.
71. La compétence des officiers et agents de police judiciaire, p. 73.
72. Le ressort territorial des officiers et agents de police judiciaire,
p. 74.
73. Les pouvoirs des officiers et agents de police judiciaire, p. 75.
74. Les procès-verbaux. - Définition et formes, p. 77.
75. Les rapports des agents de police judiciaire, p. 79.
Section II. - Les officiers supérieurs de police judiciaire. - Le
droit de délégation et le droit de réquisition.
76. Généralités, p. 79.
77. Le droit de délégation, p. 80.
78. Formes de la délégation, p. 82.
79. Le droit de réquisition, p. 83.
80. Formes de la réquisition, p. 83.
81. Exécution de la délégation ou de la réquisition, p. 83.
82. Les commissions rogatoires adressées aux autorités judiciaires
étrangères ou émanant de celles-ci, p. 85.
83. Collaboration directe entre les autorités belges et étrangères en
matière de police judiciaire, p. 88.
84. Les commissions rogatoires adressées aux autorités coloniales
ou émanant de celles-ci, p. 89.

CHAPITRE II. - LE DROIT D'INFORMATION DE LA


POLICE JUDICIAIRE. - SON ETENDUE ET SES LI-
MITES.
85. Généralités, p. 89.
Section 100 •
- Le droit d'information de la police judiciaitt.
86. Le pouvoir général d'information exclusif de tout emploi de la
contrainte, p. 90.
87. Fondement du pouvoir général d'information, p. 91.
88. Le pouvoir général d'information et la procédure judiciaire,
p. 92.
89. Les extensions légales au droit d'information permettant l'usage
de la contrainte, p. 93.
90. Les inconvénients de la saisine obligatoire du juge d'instruc-
tion pour l'accomplissement d'un acte d'information nécessitant
l'emploi de la contrainte, p. 94.
Section II. - Les limites du droit d'information de la police
judiciaire.
91. Obligation absolue de respecter la loi, p. 95.
92. Les conséquences de l'action illégale, p. 96.
93. Justification de la sanction sévère frappant toute illégalité, p. 98.
283
.. CHAPITRE III. - LE DEVOIR D'INFORMATION DE
LA POLICE JUDICIAIRE.
94. Généralités, p. 99.

TITRE III. - LA FONCTION JURIDICTIONNELLE


D'INSTRUCTION.

95. Objet d~ ce titre, p. 101.


96. Les décisions juridictionnelles d'instruction, p. 101. .
97. Décisions juridictionnelles et décisions administratives dépen-
dant du juge d'instruction, p. 101.
98. Les actes d'instruction, p. 102.
99. Opérations communes à la fonction d'information et la fonction
juridictionnelle au sein de l'instruction préparatoire ; les audi-
tions de témoins et les expertises, p. 103.
100. Le véritable fondement de la distinction entre actes d'informa-
tion et actes de juridiction. - Conséquences, p. 103.
101. Respeèt absolu de cette distinction dans la procédure 'pénale
anglaise, p. 104.
102. · Méconnaissance de cette distinction dans la procédure pénale
belge, p. 105.
103. Nécessité d'établir, en procédure pénale positive, une distinc-
tion entre les actes juridictionnels et les actes de police judi-
. ciaire du juge d'instruction. Impossibilité matérielle de réaliser
pareille distinction. Contradiction irréductible entre le système
inquisitorial et le principe de la séparation des pouvoirs, p. 106.
104. Les diverses catégories d'actes d'instruction, p. 108.

TITRE IV. - LE DEROULEMENT DE L'INSTRUC-


TION PREPARATOIRE.

105. Généralités, p. 111.

CHAPITRE PREMIER. - L'INFORMATION OU PAR-


QUET.
106. Le procès-verbal initial, p. 112.
107. L'information du procureur du Roi, p. 113.
108. L~ champ d'action de l'information du procureur du Roi en
procêdure pénale moderne, p. 115.
109. L'information du procureur du Roi et le code d'instruction
criminelle, p. 116.
110. L'information du procureur du Roi en cas de flagrant crime ou
délit, p. 117.
284
111. La clôture de l'information du procureur du Roi, :p. 119.
112. L'information de l'officier du ministère public près le tribunal
de police, p. 120. . . . .
113. L'emploi des langues à l'information du parqµetr P: 121.

CHAPITRE Il. - L'INSTRUCTION JUDICIAIRE.


114. L'information et l'instruction, p. 121.
Section Jr". - La saisine du juge d'instruction.
115. Ouverture de l'instruction et intentement de l'action publique,
p. 122.
116. Les différents modes de saisine du juge d'instruction, p. 122.
117. La saisine du juge d'instruction par constatation directe d'un
crime ou d'un délit flagrant, p. 123.
118. La saisine du juge d'instruction par plainte de la partie lésée
accompagnée de constitution de partie civile, p. 123.
119. Suite. - Formes de la plainte et de la constitution de partie
civile, p. 125.
120. Suite. - Désistement, p. 127.
121. La constitution de partie civile en cours d'instruction, p. 127.
122. La saisine du juge d'instruction par réquisitoire du procureur
du Roi, p. 128. . .
123. Caractère obligatoire de la saisine du juge d'instruction, p. 129.
124. Etendue de la saisine du juge d'instruction, p. 130.
125. Le remplacement du juge d'instruction, p. 130.
Section Il. - Règles d:e l'instructiO!Jl.
126. L'information de police, p. 131.
127. Les actes d'instruction se rattachant partiellement à l'informa~
tion, p. 132.
128. L'emploi des langues à l'instruction, p. 134.
Section III. - La déteintion préventive.
Par. 1u. - Le mandat d'arrêt.
129. Généralités, p. 134.
130. Conditions requises pour décerner mandat d'arrêt, p. 135.
131. Compétence du juge d'instruction pour décerner mandat d'ar~
rêt, p. 136.
132. Procédure d'émission du mandat d'arrêt, p. 137.
133. Formes du mandat d'arrêt, p. 139.
134. Exécution du mandat d'arrêt, p. 139.
135. Recours contre l'ordonnance du juge d'instruction décernant
ou refusant de décerner mandat d'arrêt, p. 140.
Par. 2. - L'interdiction de communiquer.
136. Règles, p. 140.
285
Pat. 3. - La confirmation du mandat d'arrêt.
137. Confirmation dans les cinq jours, p. 141.
138. Confirmations mensuelles, p. 142.
139. Appel des ordonnances confirmant le mandat d'arrêt, p. 143.
Pat. 4. - Mainlevée du mandat d'arrêt par le juge d'instruction.
140. Règle, p. 143.
Par. 5. - La mise en liberté sous caution.
141. Règles, p. 144.
Pat. 6. - Les obligations de l'inculpé en liberté. - Le nouveau
mandat d'arrêt.
142. Règles, p. 145.
Par. 7. - Absence d'influence des irrégularités de la procédure
relative à la détention préventive sur la validité de la décision
de condamnation.
143. Principe, p. 145.
Par. 8. - Quelques procédures particulières en matière de dé-
tention préventive.
144. La détention préventive en matière de douanes et accises,
p. 146.
145. Arrestation à bord des navires belges des individus poursuivis
par la justice belge, p. 147.
146. Le mandat d'arrêt en matière d'extradition, p. 147.
Section IV. - La mise en observation de l'inculpé par applica-
tion de la loi de défense sociale.
147. Règles, p. 148.
Section V. - La clôture de l'instruction.
148. Principe, p. 150.
149. La communication du dossier au procureur du Roi, p. 151.
150. Le rapport du juge .d'instruction et le débat devant la chambre
du conseil, p. 151.
151. La décision de clôture de l'information ou de surséance à sta-
tuer, p; 152.
152. La clôture de l'instruction judiciaire par dessaisissement, non-
lieu, renvoi devant le tribunal de police ou renvoi devant le
tribunal torrectionnel. p. 153.
153. Non-lieu consécutif à la constatation d'un faux matériel dans
un acte authentique, p. 155.
154. La clôture de l'instruction en matière de douanes et accises,
p. 155.
155. La clôture de l'instruction judiciaire par internement de l'in-
culpé en état de démence, de déséquilibre mental ou de débilité
mentale, p. 155.
286
156. Portée de l'ordonnance de clôture, p. 156.
157. Bfets de l'ordonnance de clôture quant aux poursuites, p. 157.
158. Effets de l'ordonnance de clôture quant à la détention préven~
tive, p. 159.
159. Incompétence ,de la chambre du conseil pour statuer sur l'action
civile sauf en matière d'internement par application de la loi
de défense sociale, p. 160.
160. L'opposition contre les ordonnances de la chambre du conseil,
p. 161.
161. Réouverture de l'instruction pour charges nouvelles, p. 162.
Section VI. - La transmission des pièces au procureur général
en matière de crimes, de délits politiques et de délits de presse.
162. L'ordonnance de transmission des pièces, p. 162.
-163. L'ordonnance de prise de corps, p. 163.
Section VII. - Le contrôle de l'instruction.
164. Le droit de surveillance, de réquisition et de recours du par~
quet, p. 165.
165. Le droit de recours des parties privées, p. 167.
166. Les pouvoirs -de la chambre des mises en accusation, p. 167.
l 66h1•. Le contrôle facultatif de la chambre des mises en accusation,
p. 168.
167. Le contrôle obligatoire de la chambre des mises en accusation,
p. 168.
168. La réformation des ordonnances du juge d'instruction, p. 169.
169. La réformation des ordonnances de la chambre du conseil en
général. p. 171.
170. La réformation des ordonnances de la chambre du conseil en
matière de détention préventive et de placement en observation
par application .de la loi de défense sociale, p. 172.
171. L'arrêt de plus ample informé, p. 173.
172. L'évocation, p. 174.
173. Clôture de l'instruction, p. 175.
174. Réouverture de l'instruction pour charges nouvelles, p. 176.
175. Emploi des langues devant la chambre des mises en accusation,
p. 177.
Section VIll. - La clôture de l'instruction ,en matière de
crimes, de délits politiques et de délits de presse.
176. L'arrêt de renvoi, p. 177.
177. L'ordonnance de prise de corps, p. 178.
Section IX. - La procédure devant les juridictions d'instruc~
tion.
178. Généralités, p. 179.
179. Règles de procédure communes à la chambre du conseil et à la
chambre des mises en accusation, p. 180.
287
179h1•. L'emploi des langues devant les juridictions d'instruction,
p. 181. .
180. La procédure devant la chambre du conseil, p. 181.
181. Procédure devant la chambre du conseil simplill.ée en matière
de non-lieu, de renvoi en police, ou sur consentement formel
de l'inculpé, p. 183.
182. La procédure devant la chambre des mises en accusation,
p. 183.
Section X. - V admintistration de la preuve devaillt les juridic-
tions d'instructiœ.
183. Règles générales, p. 185.
184. Règles particulières en matière d'internement par application
.de la loi de défense sociale, p. 186.
Section XI. - Le recours en cassation contre les décisions des
juridictions d'instruction.
185. Généralités, p. 186.

TITRE V. - LES ACTES D'INFORMATION ET D'IN-


STRUCTION.
CHAPITRE PREMIER. - LA DECOUVERTE DE L'IN-
FRACTION.
186. Généralités, p. 189.
Section Ir•. - La constatation directe des infractions.
187. Généralités, p. 189.
188. Nullité des constatations réalisées à la suite d'une provocation
des représentants de la police judiciaire, p. 190.
189. Conditions requises pour qu'il y ait illégalité du chef de pro-
vocation, p. 191.
190. Conséquences de la provocation, p. 192.
Section II. - La dénonciation.
191. Généralités, p. 192.
192. La dénonciation oifHcielle, p. 192.
193. La dénonciation privée, p. 193.
194. La dénonciation anonyme, p. 194.
195. La dénonciation de la partie lésée. - La plainte, p. 195.

CHAPITRE Il. - LE TRANSPORT SUR LES LIEUX.


Section I"•. - Généralités.
196. Objet, p. 196.
197. Actes d'information distincts edfectués à l'occasion du transport
sur les lieux, p. 197.
198. Plan, p. 197.
288
Section II. - La descente de police.
199. Généralités, p. 198.
Section III. - La descente de parquet.
200. Généralités, p. 198.
201. Règles, p. 199 ..

CHAPITRE Ill. - L'AUDITION DES TEMOINS ET DES


PREVENUS.
Section Ire. - Généralités.
202. Rôle et importance, p. 200.
Par. J•r. -- L'obligation de témoigner.
203. Principes, p. 200.
Par. 2. - Le droit au silence du prévenu.
204. Principe, p. 201.
205. La méconnaissance du droit au silence sous l'Ancien-Régime:
La question, p.' 201.
206. La Narco-analyse, p. 201.
207. La protection du droit au silence dans la procédure pénale
anglaise, p. 202.
208. La protection du droit au silence dans la procédure pénale
belge, p. 204.
209. Le droit au silence et l'interrogatoire, p. 205.
Section Il. - L'audition des témoiJD.s et des prévenus l)élr la
police judiciaire.
210. Généralités, p. 206.
211. Lieu de l'audition, p. 206.
212. Formes de l'audition. - Identité, langue, interrogatoire, pro•
cès-verbal, signature, p. 207.
213. Pouvoirs spéciaux de coërcition attribués à certains dfficiers de
police judiciaire en cas de flagrant délit, p. 208.
Section III. - L'auditioin des témoins et l'interrogatoire des
prévenus par le juge d'instruction.
214. Notions générales, p. 209.
215. Ditfficultés d'application de la distinction entre témoins et in-
culpés: Les suspects, p. 209.
Par. 1"'. - L'audition des témoins.
216. Témoins dont l'audition est admise, p. 210.
217. La convocation du témoin, p. 211.
218. Le lieu de l'audition, p. 213.
219. Les formes générales de l'audition, p. 214.
220. Les formalités préliminaires: identité. - Serment, p. 215.
289
221. L'emploi des langues. - Renvoi, p. 215.
222. L'obligation de déposer. - Ses modalités, p. 216.
223. Le procès-verbal, p. 217.
224. La taxe des témoins, p. 218.
225. L'audition en qualité de témoins des membres de la famille
royale, des ministres et des hauts fonctionnaires, p. 218.
Par. ,2. - L'interrogatoire des prévenus.
226. Remarque préliminaire, p. 218.
227. La convocation du prévenu, p. 218.
228. Le lieu de l'interrogatoire, p. 219.
229. La délégation aux :fins d'interrogatoire, p. 219.
230. Les formes générales de l'interrogatoire, p. 219.
231. Les formalités préliminaires: identité. - Choix d'un conseil.
p. 220.
232. L'emploi des langues. - Renvoi, p. 220.
233. Le droit au silence, p. 220.
234. Le procès-verbal. p. 220.

· CHAPITRE IV. - LES PERQUISITIONS.

Section Jre. - Généralités.


235. Définition. - La perquisition et le principe .de l'inviolabilité du
domicile, p. 221.
236. Conséquences : 1 ) La visite des lieux où tout le monde est
admis, p. 222.
237. 2) L'instrusion dans un domicile en vue de porter secours à
l'habitant, p. 223.
238. La fouille et l'examen des objets trouvés en possession des
individus arrêtés, p. 223.
Section Il. - Les perquisitions d'office.
Par. 1er. - Les officiers publics investis du droit de perquisition.
239. 1) Le juge d'instruction, p. 224.
240. 2) Les officiers de police judiciaire autres que le juge d'in-
struction et les agents de police judiciaire, p. 225.
241. a) Cas où les officiers de police judiciaire, les agents de police
judiciaire ou certains d'entre eux peuvent procéder d'office à
une perquisition, p. 226.
242. b) Le mandat de perquisition, p. 227.
Par. 2. - Formes et modalités des perquisitions d'office.
243. Temps de perquisition, p. 228.
244. Extension de la perquisition, p. 229.
245. Formes de la perquisition, p. 230.
290
Section Ill. - Les perquisitions du consentement formel.
246. Règle. p. 230.
247. Caractères du consentement, p. 231.
248. Personnes dont le consentement est requis, p. 233.
249. Edfets du consentement, p. 234.

Section IV. - Effets d'Ullle perquisition illégale.


250. Généralités et renvoi, p. 235.

CHAPITRE V. - LES SAISIES.


251. Définition et caractères, p. 236.
252. Objets susceptibles de saisie, p. 237.
253. Officiers publics investis du droit de saisie, p. 238.
254. Formes de la saisie, p. 240.
255. Garde et restitution des objets saisis, p. 241.
256. La fermeture de locaux ou exploitations, p. 242.

CHAPITRE VI. - LES EXPERTISES.


257. Définitions et généralités, p. 243.
258. Officiers publics ayant qualité pour ordonner une expertise,
p. 244.
259. Le recrutement et le choix des experts, p. 246.
259h1•. Les laboratoires de police scientifique, p. 247.
260. L'ordonnance d'expertise, la désignation de l'expert et la pres-
tation de serment de celui-ci, p. 247.
261. .Les opérations de l'expert et le rapport d'expertise, p. 249.
262. Les frais d'expertise, p. 251.
263. Les explorations corporelles, p. 251.
264. Le système spécial d'expertise institué en matière de falsifica-
tion de denrées alimentaires, p. 252.
265. Considérations critiques. - Le problème de l'expertise contra-
dictoire, p. 253.

CHAPITRE VII. - LA DOCUMENTATION RELATIVE


A LA PERSONNALITE ET AUX ANTECEDENTS DU
PREVENU.
266. Généralités, p. 256.
267. Le casier judiciaire, p. 256.
268. Le bulletin de renseignements, p. 257.
268b1•. Le problème de l'enquête de personnalité, p. 257.
291
CHAPITRE VIII. - LE DOSSIER D'INSTRUCTION.
269. Généralités, p. 257.
270. Caractère confidentiel du dossier d'instruction. - Droit re-
connu au ministère public seul d'autoriser les parties ou des
tiers à en prendre connaissance ou copie, p; 258.

CONCLUSIONS.

LA REFORME DE L'INSTRUCTION.

CHAPITRE PREMIER. - LES PROJETS DE REFORME


ET LEUR CRITIQUE.
271. Position du problème, p. 261.
272. Les principaux projets de réforme, p. 261. ·
273. Critique des solutions proposées, p. 262.
274. Maintien du système inquisitorial par les deux projets exa-
minés, p. 263.
275. Caractère inquisitorial et non accusatoire du projet du Conseil
de législation, p. 263.
276. Proposition de rétablir la formalité du récolement comme corol-
laire du système du juge de l'instruction, p. 264.
277. Evolution pratique de l'instruction actuelle vers la double en-
quête, de police d'abord, judiciaire ensuite, p. 264.
278. Absence de séparation effective entre l'enquête de police et
l'enquête judiciaire tant dans la formule du récolement que
dans la pratique de l'information de police judiciaire préalable
à l'examen des témoins par le juge d'instruction, p. 264.

CHAPITRE Il. - LES BASES JURIDIQUES DE LA RE-


FORME. LE REJET DU SYSTEME INQUISITORIAL ET
L'ADOPTION DU SYSTEME ACCUSATOIRE.
279. Nécessité de faire disparaitre la confusion entre l'information
de police et l'examen judiciaire des témoignages, p. 265.
280. Abandon du système inquisitorial et adoption du système accu-
satoire, p. 266.
281. Première condition de la réforme. - L'institution d'une juridic-
tion d'instruction apte à entendre les témoins contradictoire-
ment avant de statuer sur l'action publique, p. 267.
282. L'attribution au juge d'instruction de la plénitude de la juridic-
tion d'instruction de première instance. Le maintien des préro-
gatives de la chambre des mises en accusation, p. 267.
292
283. Deuxième condition de la réforme. La séparation entre l' exer-
cice de la police judiciaire, dévolu au ministère public et
!'.exercice de la fonction d'instruction, relevant du juge d'in-
struction, p. 268.
284. Troisième condition de la réforme : L'obligation faite au juge
d'instruction de ne déduire ses décisions sur l'action publique
que de l'examen contradictoire effectué devant lui, p. 269.
285. Le contrôle des interrogatoires, p. 269.

CHAPITRE III. - LA MISE EN OEUVRE PRATIQUE


DE LA REFORME.
286. Objet, p. 271.
Section 1re. - Le transrert au ministère public de toutes les
attributions de police judiciaire.
287. Généralités, p. 271.
Section II. - L'examen contradictoire des témoins et autres
preuves par le juge d'ÎillStruction.
288. Moment où s' e:ffectuerait l'examen contradictoire, p. 272.
289. Citation des témoins par les parties. Faculté laissée au juge
de convoquer d'office des témoins supplémentaires ou d'exiger
un complément d'information, p. 273.
290. Maintien de l'absence de publicité de l'instruction prépara-
toire, p. 273.
291. Procédure devant la juridiction d'instruction d'appel. p. 274.
292. Audition des seuls témoins des faits, à l'exclusion des témoins
de moralité, p. 274.
293. Réglementation du recours au témoignage indirect, p. 274.
294. Fixation des règles présidant à l'examen contradictoire des
témoins, p. 274.
295. Interpellation des témoins sur leurs déclarations à la police
judiciaire, p. 275.
296. Admission comme preuves des procès-verbaux de constat éma-
nant de la police et des rapports écrits d'expertise sans audition
préalable de l'officier de police ou de l'expert, à défaut d' oppo-
sition du prévenu, p. 275.
297. Production à titre de preuve des aveux écrits du prévenu,
p. 275.
298. Procédure par défaut à l'égard du prévenu fugitif, p. 275.
299. Contrôle de la régularité de l'instruction préparatoire, p. 276.
Section III. - La rérorme de l'instruction et le jugement dea
délits mineurs.
300. Généralités, p. 276.
293
CHAPITRE IV. - EFFETS DE LA REFORME PROPO~
SEE SUR LES INSTITUTIONS EXISTANTES
301-. Adoption du système accusatoire sans modiflcation profonde,
ni de l'organisation judiciaire actuelle, ni de la compétence
respective de ses organes, p. 277.

BIBLIOGRAPHIE, p. 278.

294
ERRATA ET ADDENDA

Page 24:, note (4), lire: infra n° 17 au lieu de: infra n° 67.
Page 35, alioea 3 : ajouter la référence (2) après les mots : « mettre
lui~même la procédure d'instruction en mouvement».
Page 35, 1110te (1), lire: infra n°" 106 et ss. au lieu de: infra n°" 138
et ss.
·Page 35, note (3), lire: infra n° 124 au lieu de: infra n° 128.
Page 43, note (4), lire: infra n° 115 au lieu de: infra n° 119.
Page 44, note (5), lire: infra n° 42 au lieu de: infra n° 47.
Page 46, note (4), lire: infra n° 86 au lieu de: infra n° 131.
Page 58, iDOte (3), lire: infra n° 242 au lieu de: infra n° 246.
Page 67, note (3), lire: infra n° 241 au lieu de: infra n° 245.
Page 79, alinea 2, lire : Pas. I. 439 au lieu de : Pas. I. 433.
Page 79, note (3), lire: infra n° 187 au lieu de: infra n° 137.
Page 92, note (3), lire: supra n°" 67 et 68 au lieu de: supra n°• 71
· et 72.
~ 93, .note (2), lire : infra n° 126 au lieu de : infra n° 130.
Page 95, note (2), lire : infra 111° 241 au lieu de : infra n° 245.
Page 100, note (1), lire: infra n° 192 au lieu de: infra n° 194.
Page 108, n° 104, 1°, alinea 2, lire : supra n°" 79 et 80 au lieu de :
supra n°" 76 et 77.
Page 109, 4°, almea 1, lire: infra n°" 226 et SS, au lieu de: infra n°"
221 et SS.
Page 120, note ( 1 ), lire : infra n°" 114 et ss. au lieu de : infra n°"
118 et ss.
Page 202, note (1), ajouter: Un arrêt de la Cour d'assises du Lim-
bourg en date du 22 novembre 1955 (J.T., 730; R.D.P., 435) a
toutefois rejeté l'emploi de la narco-analyse, de même que des
procédés d'investigation dénommés « choc amphétaminique » et
« choc électrique » pour déceler une simulation éventuelle, en
considération de l'atteinte qu'ils étaient susceptibles de porter
à l'intégrité de l'individu et du fait que la simulation est un
moyen de défense assimilable aux dénégations, en raison aussi
de l'incertitude et des risques de ces méthodes.

295

Vous aimerez peut-être aussi