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A N A LY S E D E L ’ Œ U V R E CHAPITRE 3

CHAPITRE 3 phrases, opère une ellipse de quelques semaines ou mois,


qui fait passer de l’hiver au printemps ; le récit fait ensuite
Depuis « Rien n’était si beau » jusqu’à « et n’oubliant un gros plan sur une journée, avant d’évoquer dans ses
jamais Mlle Cunégonde. » (l. 1-30) deux dernières phrases la guérison de Candide, précise et
indécise (à coup sûr plus de trois semaines). Le cœur du
second paragraphe est donc consacré à une seule journée et
REPÈRES à un seul événement dramatique (la fuite et la punition de
• Comment Voltaire opère-t-il la division de sa séquence Candide), comme le premier met l’accent sur le dialogue
sur l’armée en deux chapitres ? Comment se fait la liaison entre les recruteurs et le héros.
entre les deux ? Les sept paragraphes du chapitre 3 contrastent avec les
Voltaire consacre le chapitre 2 au fonctionnement quotidien deux paragraphes du chapitre précédent. Si la bataille, le Te
de l’armée : enrôlement, entraînement des soldats, disci- Deum et la traversée des villages en ruines se déroulent sur
pline, sanctions. La guerre, quant à elle, est repoussée au un ou deux jours, le récit ne permet pas de mesurer la durée
début du chapitre 3. Cette scansion donne davantage de de la marche vers la Hollande (paragraphes 1-3). Les para-
relief, d’énergie, de rythme à la séquence militaire. Elle met graphes 4, 5, 6 sont censés ne concerner qu’une seule jour-
notamment en valeur la fameuse description des deux née, et le dernier paragraphe, le lendemain.
armées en la reportant au début d’un chapitre. • Quels sont les procédés de l’ironie dans le premier para-
Alors que la distance comique permettrait à Voltaire toutes graphe ?
les facilités de narration, il tient à lier soigneusement les – L’antiphrase : « si beau, si leste, si brillant, si bien
deux chapitres : c’est un Candide supplicié et à peine en ordonné », « harmonie », « le meilleur des mondes ».
voie de guérison qui va assister à la grande bataille entre le – L’hyperbole : « rien… si… si… si… si… », « telle qu’il n’y
roi de France et le roi de Prusse, travestis en roi des Abares en eut jamais en enfer », « le meilleur des mondes »,
et roi des Bulgares. La liaison se fait par le biais du person-
« infectait la surface ».
nage principal, omniprésent dans l’organisation narrative,
– L’accumulation : « si beau, si leste, si brillant, si
et par les indices temporels, à la fois précis (« trois
ordonné » et « Les trompettes, les fifres, les hautbois, les
semaines »), et vagues (« Il avait déjà un peu de peau et
pouvait marcher », chapitre 2, l. 70-72). tambours, les canons ».
– L’énumération : « Les canons, la mousqueterie », « La
baïonnette », « Le tout ».
OBSERVATION – La synecdoque du nombre : « La baïonnette ».
• La vitesse du récit correspond-elle à la durée relative des – La comparaison : « qui tremblait comme un
événements racontés dans les deux chapitres ? philosophe ».
Dans le chapitre 2, Voltaire alterne ralentissements et – L’oxymore : « boucherie héroïque ».
brusques accélérations du récit : le premier paragraphe – La parodie : « meilleur des mondes », « raison
couvre quatre jours. Le second, dans ses deux premières suffisante ».

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• Comment comprenez-vous l’expression : « Candide, qui cription sèche du spectacle n’en est pas pour cela amoindri,
tremblait comme un philosophe » (l. 10) ? peut-être même au contraire. On pourrait parler ici d’élo-
La comparaison vaut comme antiphrase puisque le philo- quence laconique. Cette sobriété permet d’articuler l’ironie
sophe se définit par la maîtrise des émotions. et l’horreur sans tomber dans le pathos.
• « Boucherie héroïque » (l. 11) : comment nomme-t-on • Comment se fait l’articulation entre la guerre et la philo-
cette figure de style ? sophie ?
Cette figure de style se nomme oxymore. Au niveau des indices textuels, le rappel parodique de quel-
• Quelles articulations logiques structurent le deuxième ques formules « leibniziennes » réinscrit la problématique
paragraphe ? quel effet produisent-elles ? philosophique du conte dans le récit de la bataille, et trans-
Les articulations logiques relèvent du temps (« Enfin, tan- forme cette dernière en machine de guerre contre l’opti-
dis que », « d’abord »), de l’espace (« ici », « là »), et de misme. Voltaire a toujours considéré la guerre comme la
l’indéfini (« d’autres »). Elles soulignent l’opposition entre forme la plus constante du mal sur terre. Nul hasard si,
l e s chassé du paradis terrestre, c’est elle que Candide rencontre
Te Deum et le carnage et produisent un effet d’accumula- en premier.
tion. • Montrez comment la description de la guerre entremêle la
• Relevez les termes qui appartiennent au vocabulaire phi- focalisation zéro et la focalisation interne.
losophique. En quoi leur emploi est-il ici parodique ? La guerre est décrite ici à la fois du point de vue du héros et
Termes philosophiques : « meilleur des mondes », « raison du point de vue du narrateur. La description admirative des
suffisante », « raisonner des effets et des causes », « besoins deux armées, par exemple, est aussi bien la preuve de l’iro-
naturels ». Leur emploi est parodique dans la mesure où ils nie voltairienne que de la naïveté de Candide, qui va passer
sont utilisés dans un contexte qui les dégrade. Le « meilleur brusquement, comme souvent dans le conte, de l’émerveille-
de mondes » est prouvé par un carnage, le principe leibni- ment optimiste à l’horreur. La traversée des villages massa-
zien de « la raison suffisante » (voir chapitre 1, note 2 du crés est faite explicitement du point de vue du personnage.
Petit Classique) est employé de manière comique ; « l’enchaî- Il en est de même de ses espérances crédules sur la
nement nécessaire des effets et des causes » est trivialisé par Hollande, à la fin du passage. Mais le contraste entre le
la baïonnette, et les « besoins naturels » peuvent, de manière carnage et le Te Deum, l’emploi des figures de rhétorique,
plus floue, renvoyer à la théorie des droits naturels attachés ajoutent constamment au point de vue du héros la conni-
à la nature humaine. vence ironique du narrateur avec son lecteur.
• En quoi la guerre est-elle à la fois horrible et absurde ?
Justifiez votre point de vue.
INTERPRÉTATIONS
L’horreur de la guerre est soulignée, dans le premier para-
• Dans le deuxième paragraphe, peut-on relever un champ graphe, par le nombre des tués, considérable pour l’époque
lexical de l’émotion ? Qu’en concluez-vous ? (trente mille soldats : autant que dans le désastre de
On ne trouve aucun champ lexical traduisant l’émotion du Lisbonne, un peu plus loin) ; dans le deuxième, par la fuite
narrateur ou du héros devant le massacre. L’effet de la des- épouvantée de Candide, la nature des victimes (femmes,

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enfants, vieillards), et par la cruauté des sévices exercés sur


des populations civiles. Tout l’art de Voltaire consiste à
réunir horreur et absurdité, car ni le lecteur ni le soldat ne
connaîtront jamais les causes de ces affrontements sanglants ;
car chaque armée remercie Dieu de sa victoire indécise ; car
la doctrine optimiste, selon Voltaire, prétend faire émerger
du bien de ces ruisseaux de sang. D’autant que le massacre
des coquins et des innocents permet à Candide de s’enfuir, ce
qu’il n’avait pas pu faire dans le chapitre précédent ! La
bataille lui a donc permis d’exercer son libre arbitre…

CHAPITRE 5
Depuis « Le lendemain » (l. 66) jusqu’à la fin.

REPÈRES
• Quel est le sujet des deux séquences qui précèdent ce pas-
sage ?
Les deux séquences qui précèdent ce passage décrivent suc-
cessivement le bateau dans la tempête (paragraphe 1) et
l’arrivée dans la ville détruite (paragraphes 2, 3, 4).
• Décrivez l’attitude de Pangloss et de Candide dans ces
deux séquences.
Dans ces deux séquences, Pangloss et Candide restent fidèles à
eux-mêmes. Candide veut se jeter à la mer pour sauver l’ana-
baptiste, son bienfaiteur (paragraphe 1) ; il demande de l’aide
(paragraphe 4). Pangloss, lui, empêche Candide d’agir et se
contente de discourir, même quand les vies de l’anabaptiste et
de Candide sont en jeu. La ratiocination optimiste s’oppose
donc à la solidarité et à l’action pratique. L’optimisme appa-
raît comme une passivité et une démission. Cette grande

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