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RENE CHAR – FEUILLETS D’HYPNOS – 1943

FRAGMENT 128

Introduction :

Accroche et contexte

René Char écrit Les Feuillets d’Hypnos en 1943-1944, durant l’occupation allemande.

Il est un membre actif de la Résistance.

Cette implication politique et historique retentit durablement sur le sens et la forme de sa quête

poétique, dont l’unité vole en éclats.

Ce poème raconte une forme de prise d’otage d’un village : des SS et Miliciens torturent des
villageois pour savoir où se trouve un résistant. Il se dégage du poème de la violence, de la colère, de
l’amour et du soulagement.

Sur le plan formel, c’est un poème en prose composé de 4 paragraphes.

Problématique :

En quoi ce poème est-il un récit personnel engagé ?

Annonce de plan linéaire (découpage en mouvements)

Après avoir planté la cadre du récit (vers 1 à 4), l’auteur relate l’assaut des soldats et l’action de

résistance des villageois (vers 5 à 26). Son récit s’achève par un constat (vers 27).
RENE CHAR – FEUILLETS D’HYPNOS – 1943

FRAGMENT 128

1ier mouvement

La première strophe est consacrée à l’installation du récit.

Première analyse

Le moment

1) Le poème comporte des caractéristiques du récit dès cette première strophe comme le montre
la présence des temps du récit, l’imparfait et le passé simple.
2) La précision sur le cadre spatial du récit à savoir le cœur du village, « boulanger », « village » et
temporel, tôt le matin, « pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà » souligne
aussi cet aspect du texte poétique.

Deuxième analyse

Les personnages

3) Ce début de poème présente également les personnages du récit, d’une part les villageois et
d’autre part les occupants allemands, « deux compagnies de SS et un détachement de miliciens

».

Troisième analyse

L’action.

4) Le rythme de ce récit est rapide, l’énumération « assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans
l’impossibilité de bouger » et les sonorités en « é » lui confèrent un rythme saccadé.

5) De plus, dans ce début de récit, on peut voir la création de suspense, « alors commença l’épreuve
».
RENE CHAR – FEUILLETS D’HYPNOS – 1943

FRAGMENT 128

1ier mouvement

6) A partir de cette phrase courte, on comprend que le récit va progresser chronologiquement.


7) Dans ce premier paragraphe la violence des exécutants est déjà dénoncée par sa mise en mots

comme le montre la métaphore « gueule des mitrailleuses » qui permet de superposer l’image de
la mitrailleuse à l’image d’un animal sauvage.
8) Dès cette première strophe, on observe une stratégie de la part de l’auteur pour créer un effet
de suspense : le récit est planté.

9) Déjà des indices dans le rythme et dans l’emploi d’images montrent que ce récit s’apparente à un
poème en prose.
10) Pour finir, le lecteur peut déjà repérer des éléments qui s’apparentent à une stratégie
argumentative.
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FRAGMENT 128

2ième mouvement

Dans le paragraphe central, on assiste à l’épreuve et à l’action de solidarité.

Première analyse

Apparition du « je »

1) Après l’évocation du cadre du récit et d’un événement perturbateur, le paragraphe central

poursuit le récit en mettant le lecteur en présence d’un nouveau personnage et d’une nouvelle
étape dans la progression du récit : « je » est caché dans le village, sa présence ne doit pas
être révélée.
2) Une alternance de phrases longues et phrases nominales très courtes confère à l’extrait un
rythme fait d’accélérations et de pause pour poursuivre l’effet de suspense.
3) On peut lire la violence opposant « coups », « injures », « bombe » et « corps tuméfié » qui
s’en prennent aux plus faibles, « un vieux, dur d’oreille », « un jeune maçon ».
4) Ces opposants sont déshumanisés grâce à des périphrases pour les nommer, ils sont tour à

tour « les SS » « une voix » « la patrouille ».


5) La présence du registre pathétique suscite chez le lecteur de la pitié et de la compassion pour

les villageois torturés.


6) Au début de cette partie apparaît « je », en position d’attente, de prisonnier ; la scène est vue
au travers de son regard, « Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les
allées et venues nerveuses des occupants ».
7) On comprend que ce personnage est un capitaine, car est évoquée la confiance qu’il a en ses

hommes, « suivraient », « resteraient »; ces verbes conjugués au conditionnel ont valeur de

futur dans le passé, expriment la certitude que le capitaine a en les actions de ses hommes.
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FRAGMENT 128

2ième mouvement

Deuxième analyse

Les résistants

8) De plus, la communauté des résistants est présente au travers du pronom « les miens »,
pronom personnel possessif qui souligne le lien qui unit le capitaine aux résistants.
9) « Je » fait part de ses réflexions : le lecteur peut suivre ses états d’âme, comme le montre
par exemple « cette pensée me rassura ».

Troisième analyse

L’intériorité du personnage principal

10) Au fur et à mesure du passage, les pensées du personnage sont livrées de plus en plus
intensément comme le montre la métaphore « une rage insensée s’empara de moi » ou
encore « j’eus honte de souhaiter sa mort ».
11) Le lecteur est donc invité à partager le regard et l’intériorité du « je ».
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2ième mouvement

Quatrième analyse

La violence des soldats

12) Dans ce paragraphe central alternent du bruit, des cris, « voix hurlante », des paroles
rapportées directement « où est-il ? Conduis-nous » et des silences, « silence », « tairait
». Ce contraste amplifie la violence des agresseurs.
13) Des phrases nominales courtes, incisives, percutantes par la répétition des sons en « k », «
d » et « p », « et coup de pieds et coups de crosse de pleuvoir » alternent comme dans le

premier paragraphe avec des phrases plus longues et plus lentes pour créer du suspense.

14) De plus des sonorités créent un rythme pour souligner la colère du narrateur face à ce
moment de torture comme par exemple l’assonance « a », et les allitérations en « r » et « s
», « Une rage insensée s’empara de moi, chassa mon angoisse ».
15) Dans la phrase suivante, l’allitération en « m » est peut être présente pour souligner le
contact entre les mains et l’arme, « Mes mains communiquaient à mon arme leur sueur
crispée ».
16) Ces nombreux éléments permettent de donner les sentiments à entendre dans ces phrases.

17) Le destin évoqué dans la phrase suivante, avec l’emploi de termes comme « calculais » ou
encore l’adverbe « fatalement » indique le sens qui paraît irréversible que prend le récit.
18) Cette rupture est créée par la présence de l’adverbe « alors » et du passage au passé
simple, « apparut ».
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FRAGMENT 128

2ième mouvement

Cinquième analyse

Les villageois

19) Les villageois sont évoqués avec des images qui insistent sur l’unité de leur groupe, « marée
», « rassemblement », « plan concerté ».
20) Ils sont les plus faibles « femmes », « enfants », « vieillards » mais leur union l’emporte sur
l’hypnose du début du texte car ils paralysent, « paralysant ».
21) Le complément circonstanciel de manière « avec une prudence infinie » souligne la douceur

du groupe.

22) Dans ce passage, les plus « faibles » du village arrivent à vaincre les plus forts et les plus
cruels dans un acte pacifiste.

Sixième analyse

Le miracle

23) L’aspect miraculeux de l’action est également évoqué avec le verbe « apparut », puis la
métaphore de l’eau qui coule comme une source, « jaillissant » et « ruisselant » soulignée
par l’allitération en « l », « ruisselant littéralement sur les S.S., les paralysant ».

24) Le point de vue choisi ici est toujours interne au personnage du poète, le moment d’extase se

poursuit au travers de ce point de vue ; ainsi, le narrateur partage avec le lecteur ce


sentiment de plénitude et d’apaisement comme le soulignent les échanges de regards, « yeux

», « regardaient ».
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FRAGMENT 128

2ième mouvement

25) L’emploi des pluriels souligne à nouveau l’unité du groupe, « regardaient », « passaient », «

ces êtres », une comparaison souligne à nouveau le caractère miraculeux de la scène, «


comme un jet de lampe ».
26) La force de l’unité du groupe est évoquée à nouveau grâce à une métaphore à la fin du
dernier paragraphe, comme un bilan de la scène à laquelle le narrateur-poète a invité le
lecteur à assister, « Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se
rompre ».
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3ième mouvement

La dernière phrase « J’ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du

sacrifice. » sonne comme un constat émerveillé.

Première analyse

1) Le verbe aimer au passé composé, « j’ai aimé » permet d’affirmer cet état d’esprit du
narrateur comme un constat.
2) Le complément circonstanciel de manière, « farouchement » insiste sur la force un peu
animale et le caractère spontané de cet élan.

3) Le complément circonstanciel « bien au-delà du sacrifice » souligne que ce sentiment

dépasse l’engagement de résistant, il s’agit d’un amour absolu.


4) L’allitération en « s » crée du rythme dans cette dernière phrase et met en valeur le mot «
sacrifice ».
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FRAGMENT 128

Conclusion

Bilan

René Char, dans « Feuillets d’Hypnos », évoque dans un texte poétique une expérience personnelle

à caractère autobiographique : son témoignage de capitaine dans la Résistance pendant la prise du

village de Céreste durant la seconde guerre mondiale.

Le poème en prose permet à l’auteur d’associer récit et poésie dans un texte musical qui invite le
lecteur à partager l’expérience de la résistance et la connaissance d’un moment d’extase lié à un
témoignage de solidarité.

Ouverture

Ces éléments permettent d’associer ce poème à ce parcours intitulé « Les Mémoires d’une âme ».

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