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Problématique

Dans un développement construit, montrez comment la mort de la Lison constitue


en même temps un récit épique et fantastique.
Dans ce passage, extrait du chapitre X de La Bête humaine, roman
naturaliste d'Emile Zola, écrit au XIXe siècle, siècle de l’industrialisation et des
changements sociaux, le narrateur évoque "l'agonie" de la Lison, une locomotive à
l'égard de laquelle le héros, Jacques Lantier éprouve les sentiments d’amour d'un
homme envers une femme. La scène de la mort se déroule dans un contexte
pathétique accompagné des tonalités épiques et fantastiques. Autrement dit, une
façon particulière de raconter un événement. Ceci déploie devant nous la
problématique suivante : Comment la mort de la Lison constitue en même temps
un récit épique et fantastique ? En premier lieu, nous nous intéresserons à voir la
dimension épique. Puis, nous traiterons de la dimension fantastique.
A prime abord, il est à reconnaitre que ce texte évoque la terrible vengeance de
Flore, une femme amoureuse de Lantier qui la rejette, de peur de la sacrifier à ses
tendances criminelles. Désespérée par l'attitude de Lantier, cette dernière veut se
venger de sa rivale, Séverine, qui se trouve à bord de la Lison en faisant dérailler le
train. Pour cela, elle immobilise une charrette au milieu de la voie. A travers le
texte, nous constatons que son crime est décrit d’une manière épique, capturant la
grandeur de la catastrophe et suscitant une montée d'émotions chez les lecteurs.
Les détails visuels, sonores et sensoriels renforcent l'aspect épique de la scène,
créant une tension palpable et une atmosphère grandiose. Zola réalise ceci par
l’intermédiaire des images dramatisantes et exagérées qui renvoient à la violence,
l’intensité et l’action comme on le retrouve dans les premières lignes du récit qui
se présentent sous la forme de longues phrases composées de propositions
juxtaposées , ce qui constitue une énumération , dans laquelle les verbes sont
conjugués au passé simple « Elle s’était redressée comme un homme » (l.1)
« Alors, elle courut, elle revint avec la hache qui servait la brandissant, ainsi qu’un
bûcheron brandit sa cognée au milieu d’une forêt de chênes, elle attaqua le
plancher d’une volée furieuse » « D’ailleurs, elle n’écoutait pas, soulevée dans un
élan, sûr de lui, irrésistible. Elle abattait le bois, chacun de ses coups tranchait un
obstacle ». Cette énumération reflète le rythme acuité des actions successives
effectués par Flore. Plus tard, en essayant de sauver Jacques des décombres toute
seule, nous retrouvons des procédés stylistiques tel que l’allégorie accompagné
d’une hyperbole qui l’a décrite à la ligne 22 « une terrible faucheuse s’ouvrant une
trouée parmi cette destruction » « la vie venait d’être arrachée, dans la douleur ».
Ces figures d’analogie et d’amplification démontrent l’atrocité et la force
surhumaine qu’elle possède mais également la puissance mortifère que dégage la
machine agonisante et son pouvoir de faire sombrer tout et tous dans le chaos.
Aussi, nous notons la présence des champs lexicaux de la violence et de la douleur
qui suggère de l’ampleur a cette scène tragique comme « tranchait »,
« écrasement », « cassa en deux », « affreuse tristesse », « en agonie » et qui se
rapproche des épopées vu qu’on identifie le thème de la mort « gros chagrin »
(l.47), « dernier souffle » (l.69), « mourir » (l.67), « la fin tragique » (l.54), « les
révoltes dernières de la vie », « son âme s'en allait » (1.58).
Dans ce récit, les procédés d’amplifications utilisés pour dépeindre l'accident
ferroviaire, l’ont fait glisser vers une esthétique fantastique.
En effet, il faut souligner le fait que le fantastique ne réside pas dans l'irruption
du surnaturel dans le réel, ce qui serait contraire au principe naturaliste, mais plutôt
dans la déformation que la "vision pathologique" du héros fait subir à la réalité.
Cette déformation est aussi une métamorphose, voire une transfiguration et prend
une dimension poétique, lyrique et élégiaque, une déploration. On affirme ceci par
la personnification de la Lison qui rajoute de la vivacité mais qui nous fait douter
sur son entité. Est-elle une machine ou un être humain ? Tout au long du texte,
cette locomotive a été personnifiée par l’utilisation des pronoms féminins à son
égard « la pauvre Lison » (l.48) « elle était morte » (l.61) « moins alerte », «
blessée à mort » (1.47), (1.45) et par des personnifications faites par Jacques
pendant qu’il la décrivait à l’imparfait ; « les larmes lentes coulaient inondant ses
joues » (l.) « cette haleine immense »(l.59) « sa maladie contractée » « s'est
montrée rétive » (l.44), « sa faute » (1.45), , « les membres », « petite plainte
d'enfant qui pleure » (1.51), « vautrée sur le dos » (1.52), « entrailles crevées »
(1.54), « battre comme deux cœurs jumeaux » (1.55), « comme le sang dans ses
veines » (1.56). De plus, on remarque Zola s'écarte du réalisme au profit du
fantastique. II met au cœur de son récit la machine en tant que préfiguration de la
chute de la société en lui attribuant des adjectifs et en l’évoquant en tant qu’un
corps humain, se détournant alors de la connotation méliorative du progrès « Elle
était morte » (I. 61), « membres » (1.62), « organes meurtris » (1.63), « l'affreuse
tristesse d'un cadavre humain »(I. 63-64), « dernier petit souffle » (1.68). Il insère
notamment le paysage de cette machine agonisante dans une vision fantastique et
angoissante : par exemple, lorsque La Lison est bloquée par la neige, une force
surnaturelle terrifiante dont le « souffle enragé de géante » (l.60) de la locomotive
peine à venir à bout, se dégage de la scène. La locomotive ressemble à un navire en
pleine tempête. Une fois le train déraillé, elle devient un « colosse broyé » (l.62).

En guise de conclusion, Zola, loin de se contenter de représenter la réalité de


manière objective, fait de l'accident de la locomotive un événement poignant et
quasi mythique, en mêlant les registres épique et fantastique, en utilisant plusieurs
procédés linguistiques ou stylistiques, au point que le lecteur ne sait plus très bien
s’il a affaire à une machine, à un être humain ou à un animal. Il ne s'agit pas d'une
irruption du surnaturel, mais d'une "vision hallucinatoire". Les éléments épiques
sont présents grâce à l'ampleur de la tragédie et à son impact sur la vie du
protagoniste, tandis que les éléments fantastiques peuvent être trouvés dans la
description de la scène. Cependant, ceci nous conduit à poser la question suivante :
Comment cette scène de catastrophe aux abords réalistes est-elle pathétique aux
lecteurs ?

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