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THÈME 3
La fiction
pour interroger le réel
Que ce soit au cycle 3 ou en 5e, la fiction est avant tout considérée sous l’angle de l’imaginaire, on pourrait presque dire de
l’évasion du réel. Qu’il s’agisse des récits mythologiques, fondateurs, merveilleux, créateurs d’utopies, la littérature révèle aux
jeunes lecteurs des mondes inconnus, insoupçonnés dans la réalité habituelle ; elle assure sa fonction principale pour donner
le goût de lire : permettre l’évasion du réel. Pourtant, étroits sont les liens entre la réalité qui constitue le tissu du quotidien et
la création d’un univers littéraire. Nous avons voulu montrer, dans la manière d’aborder ce thème, que la dichotomie souvent
opérée entre réalisme et fantastique donnait aux élèves l’impression que le réalisme s’attachait à reproduire la réalité, et que le
fantastique plongeait dans un univers étrange éloigné du quotidien. D’une part, ces deux interprétations sont inexactes, d’autre
part, elles ne permettent pas de comprendre que ces deux directions littéraires, si elles semblent diamétralement opposées,
partent en fait toutes deux du réel mais en le traitant différemment.
▶▶ Le réalisme se veut un miroir de la réalité, mais c’est en donnant l’impression du vrai, non en le reproduisant comme
une copie qu’il y parvient. Tout récit réaliste s’ancre dans une histoire, nous fait partager le destin des personnages qui, quelles
que soient les sources puisées dans la réalité, doivent exister de leur vie propre au cœur de la fiction. Si la nouvelle « Deux amis »
de Maupassant nous touche autant, c’est que les deux compagnons de pêche existent devant nous, ont une histoire que l’auteur
leur a donnée, et qui les font échapper au seul témoignage d’un écrivain sur la barbarie de la guerre. Lorsque Flaubert dresse le
portrait de Félicité dans « Un cœur simple », il décrit sans doute le sort de milliers de servantes anonymes mais son personnage
acquiert une dimension unique qui la transfigure à la fin.
▶▶ Dans sa fresque des Rougon-Macquart, Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une
réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les
mécanismes de la nature humaine. D’une observation acharnée du réel – comme en témoignent ses carnets – Zola arrive à une
œuvre romanesque où certaines scènes marquantes, au lyrisme parfois tragique, dépassent largement le simple constat. Le
réalisme ou le naturalisme en littérature sont avant tout une re-construction du réel, dans laquelle prennent vie des personnages
faits de multiples éléments de la vie réelle, mais qui gagnent leur autonomie par le pouvoir de l’écriture. Les descriptions
d’empoisonnement consignées dans les archives médicales ne suffisent pas à faire exister Emma Bovary. C’est encore le pouvoir
visionnaire de l’auteur qui donne à son œuvre le souffle suffisant pour que le cinéma s’en empare. La Bête humaine est avant tout
une immense métaphore, aussi puissante que la machine qu’elle décrit.
▶▶ Or, si même un regard « réaliste » ne reproduit pas le réel mais l’adapte, le recrée pour en donner une construction fictive
vraisemblable, encore plus révélatrice que si elle cherchait à être une pâle copie, le fantastique, lui, procède différemment
tout en partant aussi du réel. Il le prend au départ dans sa banalité rassurante et, peu à peu, opère des glissements vers des
perceptions inquiétantes, semant le doute chez le lecteur, effaçant les repères qui pourraient le raccrocher à ce qu’il connait.
Autant le réalisme prend de la distance pour mieux faire voir le réel, autant le fantastique s’éloigne subrepticement pour
emmener dans un univers qui brouille les pistes et fait perdre tout repère. Et c’est bien cet effacement des lignes entre raison et
folie, entre familier et étrange, qui donne prise au fantastique et fait frissonner le lecteur. À cet égard, il importe de dire que tout
univers qui, d’emblée, plonge, tel un film d’horreur, dans un univers effrayant peuplé de créatures horribles, ne relève pas du
fantastique mais plus du roman noir. C’est l’incertitude, le doute, l’impossibilité de trancher qui donnent au fantastique sa saveur.
Entre une fiction qui « fait comme si c’était vrai » et qui donne l’impression d’être encore plus vraie que la vie réelle, et une autre
qui fait s’éloigner la réalité aux confins de l’irrationnel, le réel ne cesse d’être mis en question, afin, sans doute, de mieux livrer
une part de sa vérité.
Dans l’ensemble du parcours, les éléments surlignés visent à gui- d’apprendre l’alphabet, la plus jeune, en train de jouer. Belle
der les élèves en facilitant le repérage des passages dont ils ont représentation de l’otium, ce temps de loisir où activité rime
besoin pour répondre aux questions. avec enrichissement de l’esprit.
2. Loin de son cabinet de travail, l’homme politique est repré-
1. Le réalisme et l’enfance senté dans son intimité. C’est le père et le penseur qui sont
célébrés ; principe très novateur pour l’époque, l’individu est
Gustave Courbet, considéré dans sa globalité.
Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 p. 118 3. Les vêtements et les souliers modestes de Proudhon rap-
pellent ses origines populaires. La couleur bleue du pantalon,
Peindre un penseur et défendre l’instruction au centre de la toile, évoque le bleu de travail des ouvriers.
des enfants 4. Le feuillage des arbustes, le petit pan de ciel bleu à l’arrière-
1. Proudhon est dans son jardin. Pensif, face au spectateur, plan évoquent une scène printanière pouvant symboliser un
il est entouré de livres et de ses deux filles, l’ainée, en train renouveau, celui d’une société où les filles sont en droit d’ap-
1. Faire connaissance avec l’auteur : portraits reste plus qu’à l’écrire. L’arbre généalogique permet de com-
prendre les interactions entre les nombreux personnages
de l’écrivain et citations
imaginés par É. Zola pour sa fresque humaine et sociale du
xixe siècle. En observant ce document, on comprend l’ampleur
●● Pistes pédagogiques
de la tache qui attend l’auteur.
À travers des citations d’Émile Zola et des portraits de l’auteur,
cette première double page permet aux élèves de rencontrer ●● Proposition d’hypothèse de lecture
à la fois un auteur et un homme. Les citations permettent de Comment la démarche scientifique d’Émile Zola se manifeste-
comprendre quels sont les enjeux de l’écriture pour cet écri- t-elle dans ses projets d’écriture ?
vain majeur du xixe siècle.
●● Proposition d’hypothèse de lecture 5. L’affrontement de deux mondes
Quels différents aspects d’Émile Zola les documents icono-
graphiques et citations montrent-ils ? Texte 3
Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149
2. Une jeunesse pleine de contrastes ●● Pistes pédagogiques
Dans Le Ventre de Paris, Émile Zola inscrit la lutte entre deux
●● Pistes pédagogiques
catégories sociales, les Maigres contre les Gras, au sein même
Il nous a paru essentiel d’ancrer un grand écrivain comme d’une famille, faisant ainsi de l’appétit financier et politique
Émile Zola dans une réalité concrète, celle de son enfance un enjeu qui écrase les liens familiaux. Ce roman révèle les
et de sa jeunesse. En effet, les élèves ont souvent une image bouleversements d’une société où, si certains vivent mieux,
assez réductrice de ce que sont les écrivains. Or le parcours ce n’est qu’au détriment d’une grande majorité de petites
« Une vie, une œuvre : Émile Zola, écrivain témoin » vise à gens appauvries et exploitées. Ainsi, derrière l’histoire de
sensibiliser les élèves au fait qu’un écrivain appartient à une Florent et de la charcutière Lisa Quenu, c’est toute une société
époque, une société et que son œuvre révèle, d’une manière qui est métaphorisée.
ou d’une autre, quelque chose de sa vie.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comprendre la portée politique du roman Le Ventre de Paris.
Comprendre la biographie d’Émile Zola et le rôle qu’ont joué
son enfance et sa jeunesse sur le grand écrivain qu’il est
devenu.
6. La misère sociale
Texte 4
3. Un premier roman entre succès et scandale
Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150
Textes 1 et 2 ●● Pistes pédagogiques
Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867 Toujours soucieux de donner à lire une réalité qu’on ne
Émile Zola, préface à Thérèse Raquin, 1867 p. 147 veut pas voir, Émile Zola met en scène, dans L’Assommoir, la
vie de Gervaise. Si l’hérédité portée par ce personnage est
●● Pistes pédagogiques lourde, Gervaise est avant tout une femme courageuse et
Ce premier roman a exposé Émile Zola aux critiques élo- travailleuse. Mais son milieu familial, sa rencontre avec Lan-
gieuses mais également scandalisées de ses contemporains. tier auront raison de ses efforts et finiront par la perdre. Les
Avec Thérèse Raquin, Émile Zola donne à lire une réalité à la différentes influences qui s’exercent sur Gervaise (influence
fois sociale et psychologique. Ce sera le point de départ de du milieu social et influence des sens) démontrent la fatalité
son travail d’écrivain et de ses recherches liant hérédité et sourde qui écrase le peuple.
milieu social. Devant les réactions virulentes à la réception de
●● Proposition d’hypothèse de lecture
son livre, Émile Zola a ressenti la nécessité, lors de la deuxième
édition, d’expliquer ses intentions dans une préface. Le par- Analyser un portrait dans un roman réaliste.
cours en propose un extrait choisi pour illustrer les enjeux de
ce roman. 7. Les bouleversements de l’économie
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Texte 5
Comprendre l’influence des sens et de l’instinct dans le pre-
mier roman d’Émile Zola. Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151
●● Pistes pédagogiques
4. Les Rougon-Macquart, le projet d’une vie À travers ces deux extraits du Bonheur des Dames, nous
pouvons voir comment Émile Zola donne à lire la naissance
●● Pistes pédagogiques de notre société de consommation. Denise va passer d’un
Cette page introduit au grand projet que sont Les Rougon- monde à l’autre, du monde des petits commerçants à celui
Macquart. On comprend que cette œuvre monumentale a été des grands magasins. Sa destinée faite d’embuches n’en sera
élaborée très précisément et que le projet zolien est quasi- pas moins heureuse. Elle affronte les rivalités et les préjugés et
ment scientifique. Une fois le projet abouti, il semble qu’il ne sort gagnante à la fin.
Rendre compte des changements d’un monde. Cet extrait du Docteur Pascal offre une respiration après l’en-
Comprendre le rôle de témoignage d’une œuvre réaliste. semble des extraits proposés. En effet, si Émile Zola s’est atta-
ché à donner à lire et à voir toutes les réalités de sa société et
de son époque, il ne perd pas de vue pour autant que cette
8. Une plongée dans le monde ouvrier société va subir des changements de fond, des progrès scien-
tifiques qui se juguleront aux progrès sociaux pour offrir un
●● Pistes pédagogiques mieux-être, un mieux-vivre aux hommes. Ainsi, derrière le
À travers ces documents sur la genèse de Germinal, la Zola réaliste se révèle un Zola humaniste, incarné par le per-
méthode de travail d’É. Zola est présentée de manière claire. sonnage du docteur Pascal, personnage dans lequel Émile
Les croquis et les notes préparatoires de l'écrivain constituent Zola met beaucoup de lui-même et qui peut être considéré
une source d’étude essentielle pour comprendre son travail. comme son double littéraire.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comprendre le rôle du travail préparatoire dans la méthode Comprendre comment le progrès scientifique peut permettre
d’Émile Zola. un progrès social.
Texte 3
Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149
L'étude de cette page pourrait prendre place dans le
Comprendre la portée politique du roman cadre d'un EPI autour des évolutions sociales en lien
l. 1 à 10 avec, notamment, le professeur d'histoire-géographie
1. Le champ lexical qui domine cet extrait est celui de et le professeur d'arts plastiques. On pourrait proposer
la lumière : « flambaient », « le soleil », « un grand rayon », de travailler sur les différentes représentations de cet
« lumière », « un profil sombre », « flammes d’incendie du affrontement social (en art, en histoire, à partir par
levant », « une vitre s’allumait », « clarté », « une poussière d’or exemple de documents politiques).
volante ».
Texte 4 Texte 5
Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150 Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151
Donner à lire une réalité qu’on ne veut pas voir Raconter un monde qui change
l. 1 à 7 l. 1 à 15
1. La raison de cette « bataille du lavoir » est une rivalité 1. La figure de style qui domine le premier extrait est une
jalouse entre deux femmes. En effet, Gervaise, quittée par métaphore filée (« la cathédrale du commerce », l. 1, « la gale-
Lantier, le père de ses enfants, rencontre Virginie, la nouvelle rie centrale », l. 3, « la vie sonore des hautes nefs », l. 15). L’effet
compagne de ce dernier. Elle se sent humiliée par des allu- produit par cette métaphore qui ouvre et clôt cet extrait est
sions à sa rupture et Virginie se montre arrogante. Les deux d’associer ce grand magasin à une cathédrale et de véhiculer
femmes en viennent aux mains. l’image que le commerce devient une nouvelle religion pour
2. Décrire une bagarre entre deux jeunes femmes est aux « un peuple de clientes » (l. 2).
antipodes de la représentation de la femme dans la littéra- 2. Les données chiffrées (« le nombre des rayons était de
ture du xixe siècle et des siècles précédents. Cette image de trente-neuf », « l’on comptait dix-huit cents employés », « deux
la femme violente est contraire aux images véhiculées par la cents femmes », l. 13-14) permettent de donner un ordre de
littérature (femme aimante, femme soupirant, femme mater- grandeur et surtout de montrer la taille démesurée de ce nou-
nelle…). É. Zola a montré une réalité, celle que la société veau type de commerces. Le terme de « grands » magasins
ne voulait pas voir exposée en littérature. C’est cela qui a illustre parfaitement ce nouveau mode de consommation.
choqué. 3. Les deux termes au début et à la fin appartenant au champ
l. 8 à 18 lexical de la religion sont « cathédrale » et « nef ». Le parallèle
3. Les termes de vocabulaire argotique sont : « s’embrasser entre le grand magasin et la cathédrale est d’abord architec-
comme du pain », l. 10, « ils étaient gris », l. 10-11, « une vraie tural mais ensuite, on comprend que le commerce devient
vessie de saindoux », l. 12, « leur brûle-gueule », l. 13. une nouvelle religion pour le peuple de Paris.
On peut attribuer leur emploi à Gervaise qui, sous l’ivresse l. 16 à 26
de l’alcool, se déprave et se laisse aller. Le laisser-aller du lan- 4. Les impressions qui se dégagent de l’illustration montrant
gage est un des indices de son alcoolisation. l’intérieur du hall central du Printemps sont : la grandeur,
4. La phrase qui montre que le comportement de Ger- l’opulence, la richesse, la beauté.
vaise vis-à-vis de l’alcool a changé est « L’odeur ne la gênait Le lieu est magnifique, il semble même surdimensionné par
plus ; au contraire, elle avait des chatouilles dans le nez, elle rapport à la taille des personnages. Le nombre d’étages est
trouvait que ça sentait bon » (l. 15-16). On voit que Gervaise impressionnant et renforce l’impression d’opulence. On a
prend maintenant plaisir à ce qui la dérangeait il y a peu de le sentiment que tout est à portée de main et que rien ne
temps. manque.
Bilan 5. Cette scène a pu scandaliser le public de l’époque 5. Pour séduire les femmes « sans coquetterie », celles qui
parce que Gervaise, une jeune femme, se met à boire comme ne font pas d’achats pour elles (robes, accessoires), Octave
un homme, en compagnie des hommes, laissant son travail Mouret imagine de passer par le biais de leurs enfants. Octave
et ses enfants livrés à eux-mêmes. Elle illustre un pan de la Mouret fait distribuer « à chaque acheteuse, des ballons
société que l’on ne préférait pas voir, ces petites gens vivant rouges » (l. 22-23). Cette nouvelle publicité véhiculée par un
dans la misère et qui s’alcoolisent pour pouvoir supporter jouet d’enfant va attirer de nouvelles clientes qui ne viendront
cette vie. pas dans le grand magasin pour elles, mais pour leurs enfants.
Ici, Gervaise semble – au début – prendre du plaisir à cette Un rayon « pour petits garçons et fillettes » (l. 19) les attend à
ivresse (« elle rigolait toute seule », l. 8, « elle avait des cha- bras ouverts.
touilles », l. 15, « goûtant la jouissance du lent sommeil dont 6. Le synonyme de réclame que l’on peut donner est « publi-
elle était prise », l. 18). Cette sensualité presque érotique cité ».
est accentuée par l’écriture zolienne (« jouissance », « était Bilan 7. Ce texte est très proche de notre réalité actuelle où le
prise »). L’écriture d’É. Zola participe de cette provocation. « shopping » devient un loisir à part entière pour les Français.
En effet, le dimanche, de plus en plus de commerces restent
▶▶À l’oral : Débattre d’une lecture ouverts et les Français s’y rendent volontiers au détriment des
Cette activité doit permettre de s’assurer de la compréhension promenades ou des sorties dans les lieux culturels.
de l’extrait lu en classe ou en autonomie. Les élèves seront Octave Mouret, avec ses ballons rouges, a été le précurseur
amenés à donner leur avis et argumenter. Les premières réac- de ce qui s’est largement développé : les programmes de
tions pourront se rapprocher de la réception de L’Assommoir fidélité dans les magasins, les cadeaux publicitaires qui n’ont
au xixe siècle. Il conviendra au professeur de travailler sur le pas d’autre intérêt que d’attirer des clients et de leur faire
contexte social afin d’affiner une impression première et un consommer des produits dont, le plus souvent, ils n’ont pas
jugement de Gervaise trop hâtif. besoin mais dont ils ont envie.
▶▶À l’oral : Enrichir son vocabulaire ▶▶À l’oral : Découvrir une vidéo d’art
« Merveille » vient du latin mirabilia, « choses admirables ». Ce
terme peut désigner une chose qui cause une grande admi- Ressource numérique VIDÉO
ration, mais aussi une chose qui crée un vif étonnement par
son caractère hors du commun et inexplicable. Une merveille My Nights, d’Agnès Guillaume
est aussi un beignet. My Nights (2014) est une vidéo d’Agnès Guillaume,
À la ligne 106, les sens 1 et 2 sont possibles mais la proximité vidéaste belge, qui revisite le motif du rêve fantastique.
de l’adverbe « miraculeusement » (l. 108) invite à opter pour • Au visage d’une jeune femme qui ouvre et ferme les
le sens 2, élément qui tendrait encore un peu plus la nouvelle yeux à l’arrière-plan se superposent des pigeons qui
vers le merveilleux. passent au premier plan.
• Le nombre de plus en plus grand de pigeons, leur vol
3. Mesmer, à l’image du fantastique, entre raison sur place qui se superpose au visage de la dormeuse
et élucubration ainsi que l’effet de contraste clair/gris foncé rendent la
scène particulièrement angoissante.
Ebenezer Sibly, • My Nights, mes nuits. On peut se demander si
une séance de magnétisme animal (gravure) les pigeons n’émanent pas du rêve ou, au contraire,
« Le doigt magique », s’ils ne sont pas la source des insomnies de la jeune
caricature de la gravure précédente p. 169 femme.
Lire une nouvelle intégrale 8. Dans le texte, ces éléments sont donnés crescendo : on sent
que la peur augmente, passant de l’intérêt à l’effroi.
Jacques Sternberg, On pourra proposer aux élèves de chercher la définition de
« La photographie » p. 176-177 chacun des mots et de les employer dans des phrases pour
qu’ils maitrisent convenablement les nuances dans l’expres-
Comprendre sion de la peur.
L’incipit et le choix du narrateur La chute de la nouvelle
1. Le point de vue adopté dans cette nouvelle est le point de 9. Le narrateur donne à cette apparition une explication liée
vue interne. On peut le justifier par l’emploi de la première à une rupture sentimentale difficile. La femme, ayant diffici-
personne du singulier (« j’avais acquis », l. 1). On pourra faire lement vécu cette séparation, où le narrateur s’était montré
remarquer aux élèves la variété des indices de la première violent (physiquement ? verbalement ? « je rompais, emporté
personne (pronom personnel sujet « je », pronom personnel par une brutalité qui ne me ressemblait pas », l. 44-45) avait
COD « me », pronom personnel objet « moi »). promis de se venger (« elle s’était juré d’avoir un jour ma
L’emploi du point de vue interne (ou focalisation interne) est peau », l. 46-47). C’est l’histoire d’une vengeance qui est mise
très fréquent dans la nouvelle fantastique. Il permet au lec- à exécution.
teur de s’identifier au narrateur et ainsi, efface la frontière 10. La chute de la nouvelle (« d’avoir un jour ma peau ») ne
entre fiction et réalité. donne pas de réponse complète à ce mystère. On pourra faire
chercher une autre chute à cette nouvelle (voir activité d’ex-
La description d’un élément fantastique
pression écrite proposée).
2. Les éléments décrivant la photographie qui confirment ce
Cependant, certains indices permettent de proposer une
caractère ordinaire sont :
hypothèse de lecture. La chute est brutale, nette. Le narrateur
– « rien de bien remarquable » (l. 4-5) ; ne s’exprime plus après avoir révélé la raison de cet événe-
– « elle représentait un grand lac, vraiment très banal » (l. 10-11) ; ment fantastique. On peut donc admettre qu’il n’est plus en
– « une colline déserte pas moins banale » (l. 11-12). mesure de raconter son histoire et que la femme a mis en
3. Cependant tout n’est pas si ordinaire car le narrateur juge application sa menace. L’aurait-elle tué ?
cette image insolite sans pouvoir expliquer pourquoi (« une
▶▶À l’écrit : Proposer une nouvelle chute
impression diffuse […] me dérangeait », « je ne voyais pas
exactement pourquoi je jugeais cette image insolite », l. 8-10). Cette activité doit permettre aux élèves de proposer une nou-
On fera remarquer aux élèves la répétition du terme « inso- velle chute à la nouvelle « La photographie » de Jacques Stern-
lite » comme était répété le terme « banal ». berg et ainsi, de monter qu’ils ont compris les enjeux d’une
D’emblée, le lecteur est face à un objet intrigant. nouvelle fantastique. De nombreux élèves ont tendance à
proposer une chute dans laquelle le narrateur se réveille d’un
4. Le narrateur prend des précautions pour parler du fait que
la barque dans la photographie avance car il se rend compte cauchemar et retrouve ainsi une réalité consciente et rassu-
de l’incongruité de ce qu’il dit. Ces précautions permettent de rante. Le professeur pourra s’appuyer sur les différentes pro-
mettre le lecteur dans la même situation que le narrateur : si ductions de ses élèves afin de leur en montrer les qualités et
le narrateur a du mal à admettre que la barque avance, alors les défauts avec pour objectif de faire produire, in fine, une
c’est qu’il a toute sa raison (on ne peut raisonnablement pas véritable chute fantastique.
croire qu’un élément dans une photographie bouge) et donc
qu’il n’est pas fou. Le lecteur est donc plus enclin à le croire. Étape 1 : l’incipit d’une nouvelle fantastique
Rappelons qu’avec le point de vue interne, le lecteur ne dis-
pose que de la version du narrateur. Se pose alors la question Guy de Maupassant,
de la véracité de ce qui est raconté. « Qui sait ? » p. 178
Le temps de la nouvelle
5. Dans l’esprit du narrateur, cette progression traduit un
Comprendre
sentiment d’oppression, de menace. C’est inéluctable : si la 1. Le point de vue adopté dans cet extrait est le point de vue
barque avance de jour en jour, fatalement, elle va finir par sor- interne, avec un narrateur-personnage. On peut le justifier par
tir du tableau. Si un sentiment désagréable s’empare du lec- les nombreux indices de la première personne.
teur, c’est le fait de la description initiale de la photographie 2. Les mots en gras expriment l’incompréhension du narra-
qui mêlait banalité et insolite. teur. L’originalité de ce texte vient du fait qu’il s’agit d’un inci-
L’expression de la peur pit et que le narrateur n’a pas encore partagé avec le lecteur
6. Le personnage que le narrateur reconnait est une femme, ce qu’il ne comprend pas, le phénomène fantastique dont il
une de ses ex-petites amies. Elle est présentée comme mena- est la victime.
çante et armée. Son corps « massif et menaçant dans son immo- 3. Au début de l’extrait, les types de phrases employés sont
bilité » (l. 35-36) participe de l’effet menaçant qu’elle représente. des phrases exclamatives et des phrases interrogatives.
7. Les éléments qui montrent la peur ressentie par le narra- Les phrases exclamatives (« Mon Dieu ! ») permettent d’expri-
teur sont : mer des sentiments, des émotions.
– « seule la femme m’intéressait » (l. 30) ; Les phrases interrogatives permettent de poser des questions
– « l’inquiétude, puis l’effroi » (l. 31) ; et de rendre compte d’une interrogation (« Mais le pourrai-
– « comment ne pas […] me souvenir de tout sans trembler ? » je ? »). Avec un narrateur interne, les phrases interrogatives
(l. 42-43) expriment un questionnement intérieur.