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THÈME 3

La fiction
pour interroger le réel
Que ce soit au cycle 3 ou en 5e, la fiction est avant tout considérée sous l’angle de l’imaginaire, on pourrait presque dire de
l’évasion du réel. Qu’il s’agisse des récits mythologiques, fondateurs, merveilleux, créateurs d’utopies, la littérature révèle aux
jeunes lecteurs des mondes inconnus, insoupçonnés dans la réalité habituelle ; elle assure sa fonction principale pour donner
le goût de lire : permettre l’évasion du réel. Pourtant, étroits sont les liens entre la réalité qui constitue le tissu du quotidien et
la création d’un univers littéraire. Nous avons voulu montrer, dans la manière d’aborder ce thème, que la dichotomie souvent
opérée entre réalisme et fantastique donnait aux élèves l’impression que le réalisme s’attachait à reproduire la réalité, et que le
fantastique plongeait dans un univers étrange éloigné du quotidien. D’une part, ces deux interprétations sont inexactes, d’autre
part, elles ne permettent pas de comprendre que ces deux directions littéraires, si elles semblent diamétralement opposées,
partent en fait toutes deux du réel mais en le traitant différemment.

▶▶ Le réalisme se veut un miroir de la réalité, mais c’est en donnant l’impression du vrai, non en le reproduisant comme
une copie qu’il y parvient. Tout récit réaliste s’ancre dans une histoire, nous fait partager le destin des personnages qui, quelles
que soient les sources puisées dans la réalité, doivent exister de leur vie propre au cœur de la fiction. Si la nouvelle « Deux amis »
de Maupassant nous touche autant, c’est que les deux compagnons de pêche existent devant nous, ont une histoire que l’auteur
leur a donnée, et qui les font échapper au seul témoignage d’un écrivain sur la barbarie de la guerre. Lorsque Flaubert dresse le
portrait de Félicité dans « Un cœur simple », il décrit sans doute le sort de milliers de servantes anonymes mais son personnage
acquiert une dimension unique qui la transfigure à la fin.

▶▶ Dans sa fresque des Rougon-Macquart, Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une
réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les
mécanismes de la nature humaine. D’une observation acharnée du réel – comme en témoignent ses carnets – Zola arrive à une
œuvre romanesque où certaines scènes marquantes, au lyrisme parfois tragique, dépassent largement le simple constat. Le
réalisme ou le naturalisme en littérature sont avant tout une re-construction du réel, dans laquelle prennent vie des personnages
faits de multiples éléments de la vie réelle, mais qui gagnent leur autonomie par le pouvoir de l’écriture. Les descriptions
d’empoisonnement consignées dans les archives médicales ne suffisent pas à faire exister Emma Bovary. C’est encore le pouvoir
visionnaire de l’auteur qui donne à son œuvre le souffle suffisant pour que le cinéma s’en empare. La Bête humaine est avant tout
une immense métaphore, aussi puissante que la machine qu’elle décrit.

▶▶ Or, si même un regard « réaliste » ne reproduit pas le réel mais l’adapte, le recrée pour en donner une construction fictive
vraisemblable, encore plus révélatrice que si elle cherchait à être une pâle copie, le fantastique, lui, procède différemment
tout en partant aussi du réel. Il le prend au départ dans sa banalité rassurante et, peu à peu, opère des glissements vers des
perceptions inquiétantes, semant le doute chez le lecteur, effaçant les repères qui pourraient le raccrocher à ce qu’il connait.
Autant le réalisme prend de la distance pour mieux faire voir le réel, autant le fantastique s’éloigne subrepticement pour
emmener dans un univers qui brouille les pistes et fait perdre tout repère. Et c’est bien cet effacement des lignes entre raison et
folie, entre familier et étrange, qui donne prise au fantastique et fait frissonner le lecteur. À cet égard, il importe de dire que tout
univers qui, d’emblée, plonge, tel un film d’horreur, dans un univers effrayant peuplé de créatures horribles, ne relève pas du
fantastique mais plus du roman noir. C’est l’incertitude, le doute, l’impossibilité de trancher qui donnent au fantastique sa saveur.

Entre une fiction qui « fait comme si c’était vrai » et qui donne l’impression d’être encore plus vraie que la vie réelle, et une autre
qui fait s’éloigner la réalité aux confins de l’irrationnel, le réel ne cesse d’être mis en question, afin, sans doute, de mieux livrer
une part de sa vérité.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 71


  Le récit réaliste,
PARCOURS UN GENRE

miroir de la réalité p. 118 à 139

Objectifs et démarches du parcours


Problématique : Comment le récit réaliste, en posant un regard neuf sur la société et les individus de son temps, atteint-il une
forme de poésie ?
▶▶ Ce parcours propose un aperçu des principales intentions réalistes : démythifier des topoï romantiques, retranscrire la violence
et l’injustice d’une société contemporaine de l’écriture, évoquer la vie des plus humbles. C’est que le récit réaliste se veut « miroir
de la réalité » en proposant un regard sans concession sur son temps. Or – et c’est l’objet de la préface de Pierre et Jean en 1887 –,
écrire la réalité, c’est faire des choix d’écriture relevant d’une vision personnelle : plus qu’un miroir, le récit réaliste serait donc
avant tout un prisme. Ce parcours a ainsi pour objectif de sensibiliser les élèves aux dimensions sociale, mais aussi poétique, d’un
mouvement dont on ne peut comprendre les subtilités que si on le relie au contexte historique et économique de la seconde
moitié du xixe siècle.
▶▶ En ce sens, il nous a semblé important de donner à lire un corpus varié. À travers la double page d’accueil ayant pour thème
l’enfance, les élèves pourront se familiariser avec la dimension à la fois humaine et sociale du mouvement. Dire la réalité nue pour
en espérer le changement est, en effet, au cœur des quatre nouvelles de Guy de Maupassant proposées à la lecture. Enfin, des
extraits de Madame Bovary ou encore d’« Un cœur simple » choisis, aussi bien pour leur accessibilité que pour leur représentativité,
permettront à la classe de ressentir, puis d’étudier, la beauté de cette écriture réaliste, jugée parfois, à tort, trop sèche.
▶▶ Ce parcours, adapté à des élèves de 4e, vise à permettre de :
– comprendre les origines littéraires et sociales du mouvement réaliste ;
– cerner les principales caractéristiques des récits qui lui sont associés ;
– donner à lire, mais aussi à voir et entendre, par une iconographie riche et des lectures audio nombreuses, quelques aspects de
la société française du xixe siècle ;
– étudier, à partir des questionnaires proposés, comment l’écriture réaliste diffracte à la fois fidèlement et poétiquement la réalité.

Organisation du parcours et choix des axes de lecture

1. Le réalisme et l’enfance 2. Aux origines, le refus du romantisme p. 120-121

G. Courbet, G. de Maupassant, Une vie


Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 F.-R. de Chateaubriand,
C. Nègre, Les Ramoneurs en marche Mémoires d’outre-tombe p. 120-121
E. et J. Goncourt, Germinie Lacerteux p. 118-119
●● Pistes didactiques
●● Pistes didactiques En comparant un texte de Guy de Maupassant et un texte de
Cette double page ouvre le parcours à travers une théma- François-René de Chateaubriand sur un même sujet – la vie
tique traditionnellement peu associée au mouvement réa- des marins –, les élèves saisissent la distance prise par le réa-
liste, celle de l’enfance. Les élèves sont invités à mesurer com- lisme vis-à-vis de la vision du monde romantique. Ce travail
bien les réalistes s’intéressaient au sort des plus faibles – ceux est prolongé par la comparaison de deux toiles, l’une réaliste
qui n’avaient pas la parole –, ici, les enfants. (G. Courbet, La Vague), l’autre romantique (J. M. W. Turner,
Pêcheurs en mer) sur le même sujet, permettant aux élèves de
●● Proposition d’hypothèse de lecture réinvestir leur découverte et de continuer leurs hypothèses
Comment chaque genre (peinture, photographie, roman) de définition du réalisme.
représente-t-il l’enfant pour mieux défendre son droit à l’ins-
truction et au bonheur ? ●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comment la représentation fidèle de la réalité s’oppose-t-elle
à sa représentation idéalisée ?

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3. L’amour, victime de la réalité sociale d’évènements historiques relativement contemporains, ici, la
guerre franco-prussienne de 1870.
G. de Maupassant, « La rempailleuse » p. 122-125
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Pistes didactiques Comment ce récit témoigne-t-il de la violente réalité de la
Cette nouvelle de G. de Maupassant prolonge la réflexion ini- guerre ?
tiée par l’extrait d’Une vie de la double page précédente. Le
narrateur s’y applique à démythifier l’amour idéal et élitiste 7. Dire la réalité des humbles
véhiculé par le romantisme pour privilégier une vision réaliste
de l’amour miné par l’argent, nouvelle valeur-phare d’une G. de Maupassant,
société en plein essor du fait de la révolution industrielle. « Le donneur d’eau bénite » p. 132-135
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Pistes didactiques
Comment ce récit, témoignant des inégalités sociales de son
temps, met-il en scène le contraste entre la cupidité des fortu- Cette nouvelle de G. de Maupassant, accompagnée de la
nés et la générosité de celle qui n’a rien ? nouvelle « Aux champs » proposée en ressource numérique,
permet aux élèves de cerner l’intérêt que portaient les écri-
vains réalistes aux franges les plus défavorisées de la société
4-5. Le mariage dans le viseur des réalistes - du xixe siècle en évoquant leur misère sociale et affective. Si
L’objet révélateur les derniers mots de la célèbre nouvelle « Aux champs » sont
très noirs, « Le donneur d’eau bénite » offre, au contraire, une
P. A. J. Dagnan-Bouveret, fin digne des contes de fée. Cette différence majeure peut
Une noce chez le photographe faire l’objet d’une réflexion en classe.
G. Flaubert, Madame Bovary ●● Proposition d’hypothèse de lecture
G. de Maupassant, « Première neige » p. 126-127 Lire le récit de cette vingtaine d’années de labeur déses-
péré comme une sorte de conte de fée réaliste qui, s’il se
●● Pistes didactiques
termine bien, ne dresse pas moins le tableau d’une société
Cette double page a pour thème le mariage vu par un peintre où l’argent décide de tout, aussi bien du malheur que de la
et des écrivains réalistes tels que Gustave Flaubert et Guy de réussite.
Maupassant (« Première neige », nouvelle proposée en res-
source numérique). Là encore, l’idéal amoureux est dépassé
par une vision sans concession dévoilant la vanité de la 8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »
société mais aussi l’hypocrisie des sentiments.
G. Flaubert,
●● Proposition d’hypothèse de lecture
« Un cœur simple » p. 136-137
Comment tableau et roman dévoilent-ils l’envers du décor
par l’intermédiaire des objets que le réalisme est toujours très ●● Pistes didactiques
soucieux de représenter avec fidélité ? Ces quatre extraits (dont un audio) du célèbre « conte » de
G. Flaubert permettent d’apprécier l’écriture à la fois réaliste
6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre et poétique de cet écrivain, considéré, malgré lui, comme le
chef de file du réalisme en littérature.
G. de Maupassant, « Deux amis » p. 128-131
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Pistes didactiques Comment, au fil d’une écriture réaliste de plus en plus
Cette nouvelle de G. de Maupassant permet d’aborder une lyrique, le personnage de Félicité acquiert-il une nouvelle
autre caractéristique du réalisme, sa capacité à témoigner dimension ?

Corrigé des questionnaires et des exercices

Dans l’ensemble du parcours, les éléments surlignés visent à gui- d’apprendre l’alphabet, la plus jeune, en train de jouer. Belle
der les élèves en facilitant le repérage des passages dont ils ont représentation de l’otium, ce temps de loisir où activité rime
besoin pour répondre aux questions. avec enrichissement de l’esprit.
2. Loin de son cabinet de travail, l’homme politique est repré-
1. Le réalisme et l’enfance senté dans son intimité. C’est le père et le penseur qui sont
célébrés ; principe très novateur pour l’époque, l’individu est
Gustave Courbet, considéré dans sa globalité.
Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 p. 118 3. Les vêtements et les souliers modestes de Proudhon rap-
pellent ses origines populaires. La couleur bleue du pantalon,
Peindre un penseur et défendre l’instruction au centre de la toile, évoque le bleu de travail des ouvriers.
des enfants 4. Le feuillage des arbustes, le petit pan de ciel bleu à l’arrière-
1. Proudhon est dans son jardin. Pensif, face au spectateur, plan évoquent une scène printanière pouvant symboliser un
il est entouré de livres et de ses deux filles, l’ainée, en train renouveau, celui d’une société où les filles sont en droit d’ap-

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prendre et de jouer avec sérénité. Notons que Victor Hugo (« C’est terrible et beau », l. 23-24). La réalité des pêcheurs est
écrit « Melancholia » (p. 92) en 1856... La gravité du regard de embellie, plus abstraite.
Proudhon semble refléter ce combat social. 3. Le texte réaliste est beaucoup plus documenté : précisions
sur le vêtement des pêcheurs et de leurs femmes (bottes, laine,
Charles Nègre, robes minces), sur leurs instruments de travail et leurs affaires
Les Ramoneurs en marche p. 119 (filets, bouées, aliments, bouteilles d’alcool). Tout semble évo-
quer la violence de leur réalité quotidienne (« si misérables
Photographier le travail des enfants au xixe siècle cependant qu’ils ne mangeaient jamais de viande », l. 21-22).
1. Un ramoneur est un ouvrier chargé de nettoyer le conduit Le registre familier dit leur pauvreté : « carcasses », l. 15, « pour
des cheminées. ne point crever de faim », l. 21 et contraste avec les propos du
2. Il s’agit d’un enfant d’une dizaine d’années à peine. baron. Or, si le texte romantique évoque des métiers de marin
Aujourd’hui, l'instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans. (pilotes, charpentiers, cordiers, mousses), c’est parce qu’il sont
3. G. Courbet peint l’enfance instruite, heureuse, dont l’ave- propices à la rêverie : « mon imagination se jouait dans ces
nir, représenté par la figure paternelle, est celui de la culture ; espaces », l. 3-4.
C. Nègre photographie un enfant sur le chemin du travail suivi Bilan 4. a. Un témoignage de la réalité brute ➝ texte réaliste
de deux ramoneurs, dont l’un a les mains dans les poches, les (comparaison des barques à de « vastes poissons morts », l. 4).
yeux rivés vers le sol, l’autre, un sac lourd sur le dos. L’élan de b. Une vision idéalisée de la vie en mer ➝ texte romantique
l’enfant contraste avec l’attitude résignée des adultes, ce qui (oxymore « saine odeur du goudron », l. 10).
laisse présager un futur bien triste pour le jeune garçon. En ce
sens, C. Nègre et G. Courbet défendent la même cause : l’ins- Gustave Courbet, La Vague
truction est gage de bonheur, la place de l’enfant est à l’école. William Turner, Pêcheurs en mer p. 121
Edmond et Jules Goncourt, Comparer deux tableaux sur un même sujet : la mer
Germinie Lacerteux p. 118-119 houleuse
1. Les barques sont sur le perret, nous ne voyons aucune trace
Le bonheur de petites écolières des pêcheurs, si ce n’est un voilier au loin, très certainement
1. Les écolières sont assimilées, par métaphore ou par compa- car une tempête se prépare.
raison, à des abeilles (« un essaim », l. 2, « un bourdonnement », 2. La toile de G. Courbet offre la représentation de la réalité la
l. 3) puis à des oiseaux (« une envolée », l. 3, « gazouiller », l. 4, plus vraisemblable, même s’il arrivait que malheureusement
« comme d’une cage ouverte », l. 5). Ce qui permet l’analogie des pêcheurs soient victimes de tempêtes. La toile du peintre
est le nombre, la vivacité de ces petites filles (énumération de romantique J. M. W. Turner, à travers le clair-obscur, théâtralise
verbes d’action, l. 5 à 7). Les auteurs font ainsi le tableau d’éco- ce danger.
lières heureuses, libres (« en musardant », l. 12, « s’amusaient »,
l. 15, « riait », l. 18), ce qui rejoint le propos des deux autres ▶▶À l’oral : Exprimer un avis
documents de la double page. Ce travail oral peut faire l’objet d’un travail préparatoire au
2. Cette vitalité contraste avec le deuil de Germinie qui brouillon. Les élèves notent les éléments qu’ils apprécient
semble regarder le groupe avec envie : verbe de perception dans le tableau de leur choix (atmosphère, jeu des couleurs...).
« regardait » (l. 19), expressions « elle ne pouvait quitter des
yeux » (l. 20-21), « il y avait pour elle comme un jour divin » 3. L’amour, victime de la réalité sociale
(l. 23). Le narrateur ne fait pas une description objective mais,
en retranscrivant la sensation du personnage à la vue des éco-
lières grâce au point de vue interne, il est fidèle à la réalité Guy de Maupassant,
subjective de cette mère ayant perdu sa fille. Ceci est une pre- « La rempailleuse » p. 122-125
mière approche de ce que peut être la représentation réaliste.
Une remise en cause de l’amour idéal
2. Aux origines, le refus du romantisme 1. Les convives débattent du grand amour (l. 6-9). Les
hommes pensent que l’on peut aimer plusieurs fois (l. 12-15),
les femmes, plus idéalistes, affirment qu’un vrai amour est
Guy de Maupassant, Une vie unique et éternel (l. 17-21).
François-René de Chateaubriand, 2. L. 74-77 : les femmes sont déçues, la rempailleuse ne cor-
Mémoires d’outre-tombe p. 120-121 respond pas à l’héroïne romantique à laquelle elles s’atten-
daient. L’interjection « Pouah ! » (l. 75) traduit leur mépris.
La vie des marins 3. Il s’agit d’un commentaire ironique puisque la petite rem-
1. Au xixe siècle, la vie des marins est dure : d’après le texte 1, pailleuse est en proie à la colère d’un père qui l’appelle « cra-
les pêcheurs pêchent la nuit et risquent leur vie (l. 19-22) ; pule » (l. 101-102).
dans le texte écho, les autres métiers rattachés à la navigation Bilan 4. La rempailleuse est rudoyée par son propre père,
sont évoqués à travers une fervente activité (énumérations qui aurait dû la protéger, et méprisée par les aristocrates qui,
donnant un effet de profusion, l. 5-10). amatrices d’histoire d’amour sincère, auraient dû l’admirer.
2. Le père de Jeanne est baron, il appartient à la petite
noblesse de province. Sa remarque empreinte de romantisme ▶▶À l’oral : Exprimer un avis
correspond dans le texte écho à la phrase lyrique : « il n’y avait Les élèves peuvent être invités à relire le passage de leur
plus rien qu’un océan sans bornes et des mondes inconnus » rencontre. La rempailleuse est tombée amoureuse du petit
(l. 2-3). Le baron semble se rendre compte du danger (« sur qui Chouquet pour deux raisons : elle a pour idée reçue que
tant d’existences sont en péril », l. 25) mais c’est pour l’exalter les enfants bourgeois sont toujours heureux (l. 115-117) et

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l’enfant se laisse embrasser, ce qui est, pour elle qui n’en a 5. L’objet révélateur
pas l’habitude, une véritable marque d’affection (l. 122-123).
Mais, en réalité, si l’enfant se laisse faire, c’est qu’il regarde Gustave Flaubert, Madame Bovary p. 127
l’argent...
Comprendre la valeur symbolique d’un objet
L’amour miné par l’argent 1. C’est le bouquet d’Emma (texte 4) qui est principalement
1. Les élèves peuvent noter dans deux colonnes différentes évoqué à travers les matériaux qui le composent. On voit bien
les traits physiques et moraux : maigreur, pauvreté, saleté le souci d’effet de réel. Pour le premier, seuls les rubans de
pour la rempailleuse, propreté, beauté, prestance pour le satin blanc sont mentionnés (l. 8).
petit Chouquet ; générosité pour la première, cupidité pour 2. Remontant au Moyen Âge, composé jusqu’au xixe siècle de
le second. Les deux personnages s’opposent. fleurs d’oranger, il symbolise la pureté de la jeune mariée.
2. C’est l’argent qui est à l’origine de leur rencontre et qui sera 3. C’est dans le texte 3 qu’on apprend ce qu’Emma ressent :
le fil de leur histoire. On peut parler de « monde à l’envers » : tout d’abord, de l’étonnement à travers l’exclamative au style
c’est la rempailleuse qui constitue, en se sacrifiant toute sa indirect libre (l. 8-9), puis, une certaine mélancolie (« son-
vie, un héritage qu’elle lègue au bourgeois. geait », l. 12, « se demandait », l. 14) puisqu’avant même d’avoir
commencé sa vie conjugale, elle pense à sa mort.
3. Les Chouquet ont la même réaction de mépris et de
4. Le bouquet réapparait au moment du départ de Tostes où
dégout que les femmes aristocrates au début de la nou-
elle s’ennuie à mourir (texte 4). Les mots liés au passage du
velle. Par trois fois, la rempailleuse est traitée de « gueuse »
temps sont dépréciatifs : « jaunes de poussière » (l. 5), « s’effi-
(l. 230).
loquaient » (l. 6).
4. Le pharmacien donne l’image d’une bourgeoisie de pro- Bilan 5. Emma s’y pique le doigt et le jette au feu. Il devient
vince mesquine et cupide – il revient pour prendre la voiture le symbole d’un mariage malheureux, d’une réalité qui a rat-
mais laisse les animaux (l. 266-281). Le médecin, beaucoup trapé les rêves de bonheur de la jeune femme.
plus humain et sensible durant toute la nouvelle, lui serre
tout de même la main car ils ont une clientèle, des intérêts
communs (l. 281-283). ▶▶À l’oral : Lire une nouvelle intégrale

Bilan 5. Loin du « Pouah ! » initial, la marquise est émue ; Guy de Maupassant,


pour autant, en généralisant le cas – sublime – de la rem- « Première neige » p. 127
pailleuse, elle semble ne pas avoir compris l’injustice sociale
violente dont celle-ci a toujours été victime. À travers la voix
du médecin humaniste et l’évocation d’une bourgeoisie et Ressources numériques ACTIVITÉ

d’une aristocratie insensibles, le narrateur prend parti pour


Texte intégral de « Première neige » AUDIO
cette pauvre rempailleuse dont on ne connait même pas le
nom. lu et à télécharger
« Première neige » est une nouvelle réaliste de G. de
Maupassant facile d’accès dont le sujet, le mariage
­
4. Le mariage dans le viseur des réalistes malheureux d’une jeune fille normande, correspond au
thème de la double page. Le calorifère tant souhaité
P. A. J. Dagnan-Bouveret, par l’héroïne représente le besoin de chaleur humaine
Une noce chez le photographe p. 126 de la jeune femme qui s’ennuie, se refroidit auprès de
son mari.
Montrer l’envers du décor d’une photographie Les élèves peuvent lire ou écouter cette nouvelle à
officielle la maison et répondre à la question en relevant les
1. Cette toile propose deux plans distincts, celui des mariés passages où il est question du calorifère. La mise
posant pour la photo, celui du photographe derrière l’objectif. en commun des réponses permettra d’évaluer la
Le complément circonstanciel du titre suggère que le lieu est compréhension du texte et pourra être l’objet d’une
le vecteur de dévoilement de la réalité. discussion à partir des propositions des élèves.
2. Les mariés, de par leurs vêtements et ceux de leurs invités,
semblent appartenir à une petite bourgeoisie cherchant à se
mettre en valeur le jour du mariage. 6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre
3. D’un côté, le rideau et le tapis ou encore, sur la photogra-
phie, les bouquets de fleurs ; de l’autre, le parquet élimé et la Guy de Maupassant,
vitre cassée. En laissant voir au spectateur l’envers du décor, le « Deux amis » p. 128-131
peintre réaliste démythifie la photographie officielle et l’ap-
parat qu’elle cherche à dégager. ▶▶À l’oral : Repérer la structure d’une nouvelle
On veillera à sensibiliser les élèves au traitement du temps
(analepse, l. 12 à 48), à l’alternance de moments calmes et de
▶▶À l’oral : Comprendre une mise en scène moments plus inquiétants.
de la réalité
Avant de faire élaborer un titre aux élèves, il est souhaitable Une guerre que l’on refuse de voir
de leur demander de formuler à l’écrit les intentions réalistes 1. Informations données au lecteur : une capitale en souf-
du peintre. france pour cadre de l’intrigue, l’amitié de Morissot et Sau-

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vage, des souvenirs heureux du passé « avant la guerre ». Le 7. Dire la réalité des humbles
retour en arrière que permet le point de vue omniscient crée
Guy de Maupassant,
un contraste avec le présent malheureux.
2. L. 116 à 122, le point de vue interne donne un aperçu de
« Le donneur d’eau bénite » p. 132-135
la réalité vue par les deux personnages : « Il n’entendit rien. Ils
étaient bien seuls, tous seuls. […] La petite maison du restau- Ressource numérique AUDIO
rant […] semblait délaissée depuis des années ». Or, la suite
de la narration va les détromper : derrière cette maison se Lecture de la nouvelle « Le donneur d’eau
cachent leurs futurs bourreaux. bénite » (texte intégral)
3. Dès les premières lignes est mentionné un Paris envahi et La lecture audio de l’intégralité de cette nouvelle de
en souffrance. Une première mention de la guerre se trouve G. de Maupassant est disponible à l’écoute en saisissant
ligne 12, mais Sauvage ne fait état que d’« événements » (l. 53). le lienmini proposé.
La demande du laisser-passer (l. 86-88), l’évocation fugace
des Prussiens tournée en boutade (l. 96-106) renvoient à une
Résumer une vie humble
réalité que les deux amis refusent de voir. Or, pour le lec-
teur, c’est avant tout l’aspect désertique du paysage qui est 1. Jean a environ vingt-cinq ans, trente ans tout au plus.
inquiétant. Le front n’est véritablement évoqué qu’à partir de 2. Plusieurs années sont évoquées en huit lignes. On appelle
la ligne 133 ; la violence de la guerre est aussi retranscrite plus cela un sommaire. Pour la scène de reconnaissance qui dure
loin (l. 173-180) mais les personnages, d’après leur conver- tout au plus quelques minutes, trente lignes. La scène capitale
sation au style direct, ne s’en inquiètent pas (« haussa les est donc évoquée plus longuement. Le sommaire permet, au
épaules », l. 153, « tranquillement », l. 169, « en riant », l. 183), contraire, d’évoquer le temps figé du manque.
semblent aveugles tant qu’ils ne sont pas véritablement 3. Ils vivent d’abord de l’argent de la vente de leur maison, de
confrontés aux Prussiens (l. 197). Ce contraste est saisissant. menus travaux à leur passage dans les villes (d’où l’expression
« se louer »), puis de l’aumône (l. 62). Le charron finit donneur
Bilan 4. La syllabe [so] qui fait penser à « sot ». Le narrateur
d’eau bénite. Il s’agit du résumé d’une vie très pauvre.
accentue ainsi leur naïveté, leur bêtise.
Un conte de fée réaliste
Les pouvoirs de dévoilement du réalisme
1. C’est à travers les propos de la mère que le lecteur com-
1. La bataille est évoquée à travers des personnifications
prend que le jeune homme est leur fils. C’est émouvant d’au-
inquiétantes : « grande silhouette du Mont Valérien, qui por-
tant qu’elle le reconnait grâce à sa ressemblance avec le père.
tait au front une aigrette blanche [...] » (avec ambiguïté du
2. La taille, la prestance et surtout le style de vêtement ont
mot « front »), l. 142-144 ; « la montagne jetait son haleine de
été un frein : ils recherchaient un saltimbanque. L’habit est un
mort », l. 149.
grand marqueur social à l’époque, d’où l’attention très grande
2. « Mais ils tressaillirent effarés, sentant bien qu’on venait de des réalistes à son endroit.
marcher derrière eux », l. 184-185. Conscients, cette fois, de la 3. Le fait que le jeune homme se rappelle ses parents à travers
mort qui les attend, ils ne livrent pas pour autant le colonel l’expression de son enfance « Papa Pierre, maman Jeanne ! »
qui leur a délivré le laisser-passer. Ils deviennent des héros. est émouvant. Le registre pathétique est aussi souligné par
3. L’officier allemand donne l’image d’un homme fourbe (il les larmes du personnage et des deux dames qui l’accom-
les incite à trahir, « Donnez-moi ce mot d’ordre et je vous fais pagnent (l. 130 et 132) accompagnées d’une effusion de sen-
grâce », l. 215-216), cruel (il leur rappelle leur famille, l. 229), d’un timents (« suffoquaient d’une joie démesurée », l. 131).
calme monstrueux (« toujours calme », l. 226, « toujours serein », 4. Jean, après trois ans passés avec les saltimbanques, a été
l. 279, « Puis il se remit à fumer », derniers mots du récit). vendu à une vieille dame aristocrate qui s’est prise de pitié
4. Par le registre épique, le narrateur donne, au contraire, pour lui. Il a reçu une bonne instruction et un héritage, ce qui
une vision monstrueuse de la guerre (personnifications déjà l’a sauvé.
citées, énumération de verbes d’action l. 169-180, allitérations Bilan 5. Ce récit réaliste raconte une vie de malheur et de
en [r]). misère qui finit étonnamment bien. La vieille dame aristo-
crate peut être considérée comme une fée-marraine.
Bilan 5. Sauvage et Morissot sont finalement des « héros » car
ils ne trahissent pas leur pays, même au prix de leur vie, « ordi- ▶▶À l’écrit : Expliquer un caractère et un
naires » car, tout au long de la nouvelle, on les voit débon- comportement
naires, refusant de voir la réalité en face.
« Ténacité » : persistance de ce dont on ne peut se défaire mais
aussi ce qui persiste dans le temps. Les parents, en ne renon-
Ressource numérique AUDIO çant pas à la recherche de leur fils, ont été plus tenaces que
le malheur.
Lecture de la nouvelle « Deux amis » Dans un souci de pédagogie différenciée, l’explication pour-
(texte intégral) rait d’abord se faire à l’oral. Par la suite, les élèves pourraient
La comédienne fait une lecture sans accent prussien être invités à reformuler à l’écrit la réponse élaborée collecti-
des paroles au style direct de l’officier ; pourtant, bien vement. Une structure de réponse pourrait leur être propo-
que le narrateur mentionne son « excellent français » sée : quelques phrases pour les sens du mot trouvés dans le
(l.  201), on pourrait, dans la perspective d’un récit dictionnaire, puis, quelques phrases qui expliqueraient le sens
réaliste soucieux de l’effet de réel, lire ces passages du mot dans le contexte et enfin, une conclusion qui pourrait
avec un léger accent. contenir une opinion personnelle sur la ténacité de ces parents
et proposer une autre morale pour ce « conte de fée réaliste ».

76 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


▶▶Graine de savoir 8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »
Entre autres, notons : Morissot, Sauvage avec jeu sur le mot
« sot », Bovary avec jeu sur « bovin », Félicité, prénom qui signi- Gustave Flaubert,
fie « la joie », alors que cette servante sacrifie sa vie au travail, « Un cœur simple » (texte 7 et texte écho) p. 136
mais aussi la rempailleuse qui n’en a pas car elle n’est pas
considérée par la société. Un portrait révélateur de la simplicité de la servante
1. Le portrait commence par :
Guy de Maupassant,
– l’évocation du programme de la journée de travail de Féli-
« Aux champs » p. 135 cité ;
– la description de ses vêtements ;
Ressource numérique ACTIVITÉ
– l’évocation d’un visage qui semble gommer son âge. Elle est
Guy de Maupassant, « Aux champs » servante avant d’être Félicité.
2. Félicité est présentée comme pieuse, travailleuse, sou-
I. Une nouvelle opposant deux mondes
cieuse de la propreté et économe, les qualités de la servante
1. La fermière s’exprime en avalant des syllabes, des idéale.
articles, et en faisant des erreurs de conjugaison.
3. Félicité a connu une vie difficile faite de sacrifices : « misère
Le narrateur, de manière très réaliste, rend compte
de son enfance » (l. 4-5), « déception du premier amour » (l. 5),
du parler paysan. M. d’Hubières emploie, lui, un perte des êtres chers.
vocabulaire juridique (« héritier », « rente ») et développe
Bilan 4. Félicité a un comportement d’automate faisant les
une argumentation. La différence entre les classes
mêmes gestes, à la même heure, toute l’année (imparfait
sociales s’entend. d’habitude, indications temporelles : « dès l’aube […] jusqu’au
2. L’argument est celui de l’argent d’où la réaction soir, sans interruption », l. 1-2, « en toute saison », l. 12). La
scandalisée de la mère  : «  Vous voulez que j’vous phrase composée d’un groupement ternaire au participe
vendions Charlot ? » passé avec auxiliaire exprimé une fois en dénominateur com-
II. Un tableau du monde paysan mun, « puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre, et la porte
1. Le narrateur focalise l’attention du lecteur sur bien close, […] elle enfouissait la bûche sous les cendres et
s’endormait devant l’âtre » (l. 3-4), fait d’elle une véritable Cen-
l’alimentation très simple de cette famille pauvre.
drillon qu’aucune fée n’est jamais venue visiter.
2. « Tout cela » pour parler d’individus, « moutard »,
« mioches » relèvent du registre familier qui laisse
Gustave Flaubert,
entendre le milieu défavorisé de cette famille.
« Un cœur simple », texte 8 (extrait lu)
III. Des inégalités sociales cruelles Émile Adan,
1. Charlot est jaloux de l’aisance sociale de son
illustration pour « Un cœur simple » p. 137
camarade d’enfance car il aurait pu être à sa place. Sa
misère est si grande qu’il reproche à ses parents de ne
pas l’avoir vendu et s’en va en les insultant. Ressources numériques AUDIO
2. Les morales que proposeront les élèves pourront
être variées, tout dépend de leur sensibilité à tel ou Lecture d’un extrait d’« Un cœur simple »
tel aspect du texte : « La misère emporte tout, même + texte de l’extrait à télécharger
l’amour », « Aimer son enfant, c’est savoir s’en détacher Cet extrait, disponible à l’écoute en saisissant le lienmini
pour son bien », « La société française du xixe siècle était proposé, est lu par la comédienne Marie-Christine
trop injuste »... Barrault. Il s’agit de la scène d’« Un cœur simple » au
cours de laquelle Félicité fait courageusement face au
IV. Vidéo d’Olivier Schatzky
taureau.
1. Points communs : le ton de Charlot (« rudement »,
l. 1), un bon nombre de ses paroles, son départ et
la rumeur de la fête donnée en l’honneur de Vallin. Illustrer un épisode narratif
Différences : dans l’adaptation, la mère cherche à se
1. Au centre, au second plan derrière Madame Aubain et ses
justifier au près de son fils puis accable le père au cours
enfants apeurés, Félicité est seule face au taureau, ce qui ne
d’une dispute violente, elle se suicide ensuite. l’empêche pas d’agir.
2. La violence de Charlot envers ses parents (insulte)
2. On trouve les deux figures féminines adultes aux robes si
mais aussi le verbe « disparaître » dont le sujet est différentes puisqu’elles appartiennent à deux milieux sociaux
Charlot mais que le réalisateur a déplacé sur la mère opposés : la paysannerie et la bourgeoisie aisée de province.
ont pu suggérer ce suicide. L’une agit au péril de sa vie, l’autre fuit.
3. Cela provoque un choc. Fidèle à l’intention Bilan 3. Avant de lancer les élèves dans cette activité, il serait
dénonciatrice de G. de Maupassant, O. Schatzky montre bon de leur demander comment une illustration peut mettre
la violence des conséquences de l’injustice sociale sur en avant la bravoure d’un personnage (au centre, au premier
une vie de famille. plan, jeu de couleurs... ?).

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 77


Gustave Flaubert, Félicité, humble, sacrifiée, représentative des paysannes nor-
« Un cœur simple », texte 9 p. 137 mandes, mais aussi Félicité généreuse, transfigurée, capable
de voir la poésie des choses simples.
Un cœur pur face à la cupidité des bourgeois
1. Le mot « héritiers » (l. 1) appartient au champ lexical juri- Activités d’expression p. 138-139
dique.
▶▶Sujet 1 : Écrire la suite d’un dialogue réaliste
2. Les verbes « accourir » (l. 1), « survinrent » (l. 2), le groupe-
ment ternaire sans conjonction de coordination « fouilla [...], L’enseignant peut faire chercher quels pourront être les argu-
choisit [...], regagnèrent » (l. 1-3), l’énumération des objets ments de Lheureux : qualité et finesse des matières, élégance
emportés (l. 4-8) montrent bien l’empressement cupide de de la jeune femme, vente à crédit, prix dérisoire. On peut
Paul et sa femme d’autant qu’ils n’ont pas oublié de mettre également faire imaginer quelles pourront être les questions
en vente la maison sans prévenir Félicité qui y habite depuis d’Emma, ses marques d’hésitation, l’expression de son envie.
tant d’années. ▶▶Sujet 2 : Décrire un objet à travers le regard d’un
3. « Ivre de tristesse » est une métaphore montrant l’immense personnage
chagrin que Félicité connait. Elle est si triste qu’elle semble ne
Le professeur peut faire repérer le passage où il est question
plus savoir que faire, ni où aller, comme le ferait une personne
des écharpes et faire relever les éléments de description à
ivre.
développer. À travers quels verbes de perception le point de
4. Elle trouve du réconfort dans la prière, devant son perro- vue d’Emma sera-t-il évoqué ? Quelles émotions ressentira-t-
quet empaillé (l. 14-15). elle ?
5. Le reflet de la lumière dans l’œil de verre de son perroquet
l’exalte (l. 16-17). ▶▶Dégager les caractéristiques réalistes d’un tableau
Bilan 6. La poésie de ce passage tient dans son lyrisme : Les élèves, en s’aidant des consignes de travail proposées,
registre soutenu (« vapeur d’azur », l. 19, « humant », l. 20, peuvent être laissés en autonomie pour ce travail final.
« sensualité mystique », l. 20, « exhala », l. 23, « cieux », l. 24),
▶▶Exprimer son avis personnel sur un genre
groupements binaires avec rimes internes (« plus [...], plus »,
« comme […] comme », l. 22-23), personnification (« Ses lèvres Cette activité consiste en l’expression d’un avis personnel et
souriaient », l. 21). On est loin d’une vision objective de la argumenté qui nécessite une relecture permettant de faire un
réalité, Félicité est transfigurée pour rendre compte, de la bilan sur le mouvement réaliste.
manière la plus fidèle possible, du moment de grâce qu’elle Afin d’aider les élèves à apprendre à justifier une préférence,
connait au moment de mourir. l’enseignant pourra revoir le vocabulaire de la prise de posi-
tion, de la modalisation : « à mon sens », « selon moi », « en ce
▶▶À l’oral : Justifier un choix qui me concerne », « il me semble que ». Les raisons du choix
Ce débat va permettre aux élèves de faire le point sur ce qui a peuvent être balisées : sensibilité à la beauté du texte, à une
fait la souffrance de la vie de Félicité mais aussi son bonheur : injustice sociale, lecture qui provoque de l’émotion...

  Les métiers vus par les peintres


DOSSIER

du xixe siècle p. 140 à 143

Objectifs et démarches du dossier


▶▶ Nous avons voulu dans ce dossier, qui s’inscrit dans le thème 3 « La fiction pour interroger le réel », proposer des œuvres
picturales donnant à voir des hommes et des femmes au travail. Les élèves découvriront sans doute des métiers disparus dont ils
ignoraient l’existence et des œuvres d’artistes parmi les plus célèbres de la seconde moitié du xixe siècle. Intégré entre le parcours
« Le récit réaliste, miroir de la réalité » et le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Émile Zola, ce dossier permet aux élèves
de réinvestir ou de découvrir par une autre approche des réalités étudiées dans ce thème, en établissant des liens étroits entre
la littérature et la peinture.
▶▶ Nous n’avons volontairement pas présenté les œuvres dans un ordre chronologique (Gustave Courbet, considéré comme le
chef de file du mouvement réaliste, serait alors apparu en premier, et Claude Monet, maitre incontesté de l’impressionnisme, en
dernier) mais dans un ordre thématique : la première double page montre ainsi des travailleurs du monde industriel, la seconde
des ouvriers des villes et des campagnes.
▶▶ Ce dossier peut être exploité dans le cadre du Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle puisqu’il contribue à s’approprier
des repères, à porter un jugement construit et étayé en matière d’art, en décrivant, contextualisant et analysant une œuvre. Pour
cela, des questionnaires guideront les élèves et l’activité interactive numérique leur permettra d’aller plus loin dans l’analyse du
tableau de Gustave Caillebotte.
▶▶ Suggestion de problématique : quelle réalité du monde du travail les peintres de la seconde moitié du xixe siècle donnent-ils
à voir ?

78 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


Corrigé des questionnaires
James Nasmyth, du pont, des mâts des péniches, des cheminées des usines au
Le Marteau-pilon p. 140 fond mais aussi des coltineurs du premier plan.
• Les personnages qui rejoignent la péniche se tiennent droit
Prendre la mesure de l’homme face à la machine et ont retourné la corbeille vide de charbon sur leur tête ; ceux
• Le marteau-pilon occupe le centre de la toile, la moitié de qui la quittent marchent courbés sur les planches étroites et
sa largeur et presque toute sa hauteur. Les hommes qui l’en- tiennent d’un bras leur lourd chargement sur l’épaule.
tourent apparaissent bien petits face à elle (on peut deman- • On comprend donc que les personnages placés au premier
der aux élèves d’estimer sa hauteur à partir de celle des sil- plan retournent à la péniche pour un nouveau chargement.
houettes des ouvriers). • L’ensemble des lignes donne l’impression que les charbon-
• Les couleurs dominantes sont le rouge, pour la chaleur niers sont prisonniers de leur tâche. Il peut faire penser à un
dégagée par la machine, et le noir et les nuances de gris de la réseau de fils enfermant les personnages, à une fourmilière.
vapeur qui s’échappe du marteau-pilon et des usines que l’on
▶▶À vous d’interpréter
distingue au fond.
• Ces différents éléments laissent deviner un travail pénible, Il n’y a pas de réponse type. Le visage n’est pas le propos du
éreintant, harassant, qui exige force, précision et attention. tableau et les personnages sont réduits à des silhouettes ;
c’est la représentation de l’activité qui intéresse le peintre.
Suggestion d’activité complémentaire Edgar Degas,
Proposer aux élèves : Les Repasseuses p. 142
– d’observer la fiche détaillée du marteau-pilon à
vapeur de James Nasmyth conservé au musée des Arts ▶▶À vous d’écrire
et Métiers de Paris : Cet exercice peut être préparé par l’analyse des groupes
http://www.arts-et-metiers.net/musee/marteau-pilon- nominaux ou le repérage des adjectifs qualificatifs selon le
vapeur-par-nasmyth niveau des élèves. À l’issue de l’activité, les élèves liront leur
phrase à leurs camarades et demanderont « Qui suis-je ? », afin
– de faire ensuite une recherche plus approfondie sur
de vérifier quel personnage ils ont choisi.
son fonctionnement.
Recréez l’atmosphère de l’atelier de repassage
Cette activité d’oral permettra de valider la capacité de l’élève
Écho littéraire à « adapter sa lecture et la moduler en fonction de la nature
• Émile Zola compare la machine à un monstre vivant. On fera et de la difficulté du texte » (Socle commun de connaissances,
relever les mots « respiration », « sueur », « organes », « effort » de compétences et de culture). Le professeur pourra séparer
pour justifier la réponse. la classe en deux groupes et demander aux élèves n’ayant pas
L’ouïe est particulièrement mise en valeur, comme le montrent lu de déterminer si la compétence est acquise par ceux qui
les noms « battements », « chocs », « trépidation », « coups » et ont effectué la lecture.
la comparaison « résonnant comme des cloches ».
• À l’oral. On attend un groupe nominal enrichi par au moins Gustave Caillebotte,
une expansion. Les Raboteurs de parquet p. 143
• L’appartement se situe en hauteur : la fenêtre au fond, d’où
Suggestion d’activité complémentaire provient la lumière, laisse apparaitre des toits parisiens au-
Écho sonore delà du balcon en fer forgé.
Écoutez sur le site de l’Ircam un extrait des Fonderies • Les outils sont dispersés dans la pièce. Au tout premier plan,
d’acier, du compositeur russe Mossolov, interprété par une lime est dirigée vers le personnage central et semble
guider le regard du spectateur. Une seconde est saisie par
l’Orchestre Philarmonique de Radio France sous la
l’ouvrier de gauche qui tient un racloir dans sa main droite.
direction de Sylvain Cambreling :
À droite, un marteau sépare les deux raboteurs qui utilisent
http://medias.ircam.fr/x3a9975_zavod-les-fonderies- chacun un rabot et un racloir.
dacier-op-19-alexandre • La lumière se reflète sur les corps des raboteurs qui tournent
• Quels mots de l’extrait d’Émile Zola pouvez-vous le dos à la fenêtre, sur les outils et sur les parties encore mouil-
associer à cette œuvre ? lées du parquet.
• Qu’ajoute pour vous le son à vos impressions visuelles ? • Le personnage du centre se dirige vers le fond de la pièce tan-
dis que celui de droite avance vers le spectateur. La position
Claude Monet, de leurs mains et la couleur du parquet travaillé le prouvent.
Les Déchargeurs de charbon p. 141 • Gustave Caillebotte parvient en une image à recréer l’atmos-
phère du chantier et donne au spectateur l’impression d’assis-
Entrez dans la composition du tableau ter à une scène en mouvement.
• Cette première question oblige à observer précisément le Tous ces éléments pourront être précisés grâce à la ressource
tableau pour en saisir le cadre : les lignes verticales sont celles numérique.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 79


dos au peintre et tous deux sont absorbés par leur travail. On
Ressource numérique ACTIVITÉ
devine que l’homme de droite est le plus âgé, sans doute le
plus expérimenté aussi. Le plus jeune s’est vu confier la tâche
Analyse du tableau Les Raboteurs de parquet de porter les pierres. Sa nuque et son bras font penser qu’il
Dans cette ressource numérique, les élèves découvriront s’agit d’un jeune homme.
l’œuvre plus en détails, à travers des commentaires et
des mises en valeur de certaines parties du tableau Ressource numérique ACTIVITÉ

organisés en trois parties :


I. Le métier de raboteur Commentaire de Jules Vallès à propos
II. Une scène réaliste des Casseurs de pierre
III. Un cadrage et une lumière photographiques. On pourra demander de donner un titre à chacun des
paragraphes (la description du tableau, la réaction des
spectateurs), puis de repérer le vocabulaire péjoratif.
Gustave Courbet,
L’élève doit ici formuler un avis personnel justifié.
Les Casseurs de pierre p. 143
• La partie la plus sombre du tableau se trouve à l’arrière-
plan, mettant ainsi en valeur les deux hommes au travail au
premier plan. Les éléments clairs sont leurs chemises et les
pierres. Le peintre a ainsi mis en lumière des travailleurs à la
Ce dossier peut s’intégrer dans un EPI «  Culture
tâche pénible.
et création artistiques », en lien avec le thème 2 du
• L’homme à droite est agenouillé sur un coussin de paille ;
il est courbé et tient à la main un marteau qui semble bien programme d’histoire de la classe de 4e, « L’Europe
dérisoire. Il porte un chapeau qui le protège sans doute de la et le monde au xixe siècle : l’Europe de la révolution
chaleur. Le jeune homme à gauche charrie un lourd panier de industrielle », ou « Sciences, technologie et société »,
pierres déjà cassées. Les deux hommes doivent avoir effectué en lien avec les sciences, pour mettre en évidence
un long trajet avant d’arriver à cet endroit : le paysage semble les relations entre histoire des arts et histoire des
désert et l’on voit à droite une marmite, du pain et une cuiller, techniques.
pour le repas qu’ils ont apporté.
• Gustave Courbet n’a pas montré le regard des deux hommes
rendus ainsi anonymes ; l’un est de profil, l’autre tourne le

PARCOURS UNE VIE, UNE ŒUVRE   Émile Zola,


écrivain témoin p. 144 à 155

Objectifs et démarches du parcours


Problématique : Comment un écrivain devient-il témoin de son époque à travers ses propos et son œuvre ?
▶▶ Ce parcours « Une vie, une œuvre » présente Émile Zola en tant qu’écrivain témoin à travers des documents biographiques,
des extraits de roman, une sélection d’iconographies et des études préparatoires.
▶▶ L’objectif de ce parcours est de présenter aux élèves un grand écrivain du xixe siècle comme une personnalité ayant eu une vie
professionnelle et privée, une existence concrète dans un siècle qui a jeté les jalons de notre époque. Il est essentiel, selon nous,
d’ancrer Émile Zola (et tous les autres auteurs) dans une réalité afin de comprendre ses motivations d’homme et ses sources
d’inspiration d’écrivain. Cet auteur, chef de file du naturalisme, se prête plus qu’un autre à une réflexion sur les mutations et les
progrès de la société qui l’a vu naitre.
▶▶ Ce chapitre vise à permettre aux élèves de :
– découvrir un grand écrivain du xixe siècle ;
– analyser la méthode de travail d’Émile Zola ;
– découvrir des œuvres majeures du xixe siècle à travers de nombreux extraits ;
– comprendre les bases du projet des Rougon-Macquart ;
– comprendre l’influence des changements de la société du xixe siècle sur l’œuvre d’Émile Zola ;
– comprendre comment une œuvre peut devenir le témoignage d’une époque ;
– découvrir l'œuvre d'Émile Zola ;
– découvrir le travail de l’écrivain, dépassant ainsi le simple documentaire ;
– découvrir l’engagement d’Émile Zola.

80 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


Organisation du chapitre et choix des axes de lecture

1. Faire connaissance avec l’auteur : portraits reste plus qu’à l’écrire. L’arbre généalogique permet de com-
prendre les interactions entre les nombreux personnages
de l’écrivain et citations
imaginés par É. Zola pour sa fresque humaine et sociale du
xixe siècle. En observant ce document, on comprend l’ampleur
●● Pistes pédagogiques
de la tache qui attend l’auteur.
À travers des citations d’Émile Zola et des portraits de l’auteur,
cette première double page permet aux élèves de rencontrer ●● Proposition d’hypothèse de lecture
à la fois un auteur et un homme. Les citations permettent de Comment la démarche scientifique d’Émile Zola se manifeste-
comprendre quels sont les enjeux de l’écriture pour cet écri- t-elle dans ses projets d’écriture ?
vain majeur du xixe siècle.
●● Proposition d’hypothèse de lecture 5. L’affrontement de deux mondes
Quels différents aspects d’Émile Zola les documents icono-
graphiques et citations montrent-ils ? Texte 3
Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149
2. Une jeunesse pleine de contrastes ●● Pistes pédagogiques
Dans Le Ventre de Paris, Émile Zola inscrit la lutte entre deux
●● Pistes pédagogiques
catégories sociales, les Maigres contre les Gras, au sein même
Il nous a paru essentiel d’ancrer un grand écrivain comme d’une famille, faisant ainsi de l’appétit financier et politique
Émile Zola dans une réalité concrète, celle de son enfance un enjeu qui écrase les liens familiaux. Ce roman révèle les
et de sa jeunesse. En effet, les élèves ont souvent une image bouleversements d’une société où, si certains vivent mieux,
assez réductrice de ce que sont les écrivains. Or le parcours ce n’est qu’au détriment d’une grande majorité de petites
« Une vie, une œuvre : Émile Zola, écrivain témoin » vise à gens appauvries et exploitées. Ainsi, derrière l’histoire de
sensibiliser les élèves au fait qu’un écrivain appartient à une Florent et de la charcutière Lisa Quenu, c’est toute une société
époque, une société et que son œuvre révèle, d’une manière qui est métaphorisée.
ou d’une autre, quelque chose de sa vie.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comprendre la portée politique du roman Le Ventre de Paris.
Comprendre la biographie d’Émile Zola et le rôle qu’ont joué
son enfance et sa jeunesse sur le grand écrivain qu’il est
devenu.
6. La misère sociale

Texte 4
3. Un premier roman entre succès et scandale
Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150
Textes 1 et 2 ●● Pistes pédagogiques
Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867 Toujours soucieux de donner à lire une réalité qu’on ne
Émile Zola, préface à Thérèse Raquin, 1867 p. 147 veut pas voir, Émile Zola met en scène, dans L’Assommoir, la
vie de Gervaise. Si l’hérédité portée par ce personnage est
●● Pistes pédagogiques lourde, Gervaise est avant tout une femme courageuse et
Ce premier roman a exposé Émile Zola aux critiques élo- travailleuse. Mais son milieu familial, sa rencontre avec Lan-
gieuses mais également scandalisées de ses contemporains. tier auront raison de ses efforts et finiront par la perdre. Les
Avec Thérèse Raquin, Émile Zola donne à lire une réalité à la différentes influences qui s’exercent sur Gervaise (influence
fois sociale et psychologique. Ce sera le point de départ de du milieu social et influence des sens) démontrent la fatalité
son travail d’écrivain et de ses recherches liant hérédité et sourde qui écrase le peuple.
milieu social. Devant les réactions virulentes à la réception de
●● Proposition d’hypothèse de lecture
son livre, Émile Zola a ressenti la nécessité, lors de la deuxième
édition, d’expliquer ses intentions dans une préface. Le par- Analyser un portrait dans un roman réaliste.
cours en propose un extrait choisi pour illustrer les enjeux de
ce roman. 7. Les bouleversements de l’économie
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Texte 5
Comprendre l’influence des sens et de l’instinct dans le pre-
mier roman d’Émile Zola. Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151
●● Pistes pédagogiques
4. Les Rougon-Macquart, le projet d’une vie À travers ces deux extraits du Bonheur des Dames, nous
pouvons voir comment Émile Zola donne à lire la naissance
●● Pistes pédagogiques de notre société de consommation. Denise va passer d’un
Cette page introduit au grand projet que sont Les Rougon- monde à l’autre, du monde des petits commerçants à celui
Macquart. On comprend que cette œuvre monumentale a été des grands magasins. Sa destinée faite d’embuches n’en sera
élaborée très précisément et que le projet zolien est quasi- pas moins heureuse. Elle affronte les rivalités et les préjugés et
ment scientifique. Une fois le projet abouti, il semble qu’il ne sort gagnante à la fin.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 81


À travers ce roman, c’est toute une société parisienne 9. Une issue à la fatalité
qu’É. Zola autopsie. On retrouve les grands changements
sociétaux amorcés dans Le Ventre de Paris (p. 149). L’œuvre Texte 7
d’É. Zola est ancrée dans sa réalité, dans cette société en chan-
Émile Zola, Le Docteur Pascal, 1893 p. 153
gement dont la nôtre émane.
●● Proposition d’hypothèses de lecture ●● Pistes pédagogiques

Rendre compte des changements d’un monde. Cet extrait du Docteur Pascal offre une respiration après l’en-
Comprendre le rôle de témoignage d’une œuvre réaliste. semble des extraits proposés. En effet, si Émile Zola s’est atta-
ché à donner à lire et à voir toutes les réalités de sa société et
de son époque, il ne perd pas de vue pour autant que cette
8. Une plongée dans le monde ouvrier société va subir des changements de fond, des progrès scien-
tifiques qui se juguleront aux progrès sociaux pour offrir un
●● Pistes pédagogiques mieux-être, un mieux-vivre aux hommes. Ainsi, derrière le
À travers ces documents sur la genèse de Germinal, la Zola réaliste se révèle un Zola humaniste, incarné par le per-
méthode de travail d’É. Zola est présentée de manière claire. sonnage du docteur Pascal, personnage dans lequel Émile
Les croquis et les notes préparatoires de l'écrivain constituent Zola met beaucoup de lui-même et qui peut être considéré
une source d’étude essentielle pour comprendre son travail. comme son double littéraire.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comprendre le rôle du travail préparatoire dans la méthode Comprendre comment le progrès scientifique peut permettre
d’Émile Zola. un progrès social.

Texte 6 10. La force de l’engagement


Émile Zola, Germinal, 1885 p. 153
Texte 8
●● Pistes pédagogiques
Émile Zola, « J’accuse... » p. 154
Avec cet extrait de Germinal, il nous a paru important de
dépasser la recherche documentaire à laquelle se livre Émile ●● Pistes pédagogiques
Zola pour le travail préparatoire de ses romans. En effet, le tra-
Si l’engagement humaniste d’Émile Zola est lisible dans l’en-
vail de l’écrivain n’est pas d’écrire un article encyclopédique.
semble de son œuvre, c’est avec le « J’accuse ... » qu’il est le
Il dépasse le simple reportage, si bien documenté soit-il. À
plus manifeste. En effet, en prenant part – même un peu tard
travers l’étude de procédés littéraires (figures de style, travail
– à l’affaire Dreyfus et en s’engageant pour la défense de cet
sur la langue), l’élève est amené à comprendre la dimension
officier juif d’origine alsacienne accusé à tort, É. Zola met au
littéraire de l’extrait proposé.
service de cette cause toute son éloquence et sa force.
●● Proposition d’hypothèse de lecture Gracié en 1899 et réhabilité en 1906, le capitaine Dreyfus
Comprendre le travail de l’écrivain qui parvient à transformer deviendra le symbole d’une justice bafouée sur fond d’anti-
ses notes et croquis en œuvre littéraire. sémitisme. Pour É. Zola, l’histoire s’arrêtera avant. Après avoir
reçu de nombreuses menaces de mort, il meurt en 1902 d’un
accident domestique, une intoxication due à la fumée de sa
cheminée. Sa mort, encore aujourd’hui, reste un mystère. Le
parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Albert Londres
(p. 208) fait état d’une interrogation similaire : le grand repor-
ter Albert Londres est mort également – accidentellement ?
– suite à une enquête menée en Chine.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Comprendre les enjeux de l’engagement d’Émile Zola dans
l’affaire Dreyfus.

Corrigé des questionnaires et des exercices


1. Portraits de l’écrivain et citations p. 145 3. Les trois sources de la méthode proposée par Émile Zola
sont :
Faire connaissance avec l’auteur – les livres ;
– les témoins ;
Citations
– l’observation personnelle.
1. Les mots « observateur » et « expérimentateur » appar-
L’intérêt de chacune des sources est :
tiennent habituellement au champ lexical des sciences. Ce
sont des termes que l’on associe à des domaines scientifiques. – pour les livres, ils renseignent l’auteur sur le passé ;
– pour les témoins, ils fournissent à l’auteur des informations
2. Selon Émile Zola, un romancier ne se contente pas d’inven-
sur ce qu’ils ont vu ou sur ce qu’ils savent ;
ter. Il observe et expérimente.

82 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


– pour l’observation personnelle, elle offre à É. Zola un témoi- 3. Un premier roman entre succès et scandale
gnage direct du hic et nunc (ici et maintenant).
4. La citation qui prouve pour É. Zola que le rôle de l’écrivain Textes 1 et 2
dans la société est de combattre l’injustice et porter un mes- Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867
sage humaniste est la dernière citation : « C’est par le livre, Émile Zola, préface à Thérèse Raquin, 1867 p. 147
et non par l’épée, que l’humanité vaincra le mensonge et
l’injustice, conquerra la paix finale de la fraternité entre les Comprendre l’influence des sens et de l’instinct
peuples... ». Texte 1 (l. 1-10)
Portraits 1. Les indices de la force virile de Laurent que l’on peut rele-
5. On demandera à chaque fois aux élèves de justifier le choix ver sont : « son front bas », « une rude chevelure noire », « ses
de cet adjectif : joues pleines », « ses lèvres rouges », « sa face régulière », « une
– exemples pour le portrait p. 144, par Étienne Carjat : déter- beauté sanguine », « ce cou […] large, et court, gras et puis-
miné, sérieux ; sant », « les grosses mains […] étalées », « les doigts […] car-
– exemples pour le portrait 1 p. 145, par Édouard Manet : rés », « le poing fermé devait être énorme […] assommer un
concentré, inspiré ; bœuf », « son cou de taureau ».
– exemples pour le portrait 2 : observateur, attentif. 2. Le portrait de Laurent est fait à travers de regard de
Bilan 6. Cette activité a pour objectif de faire la synthèse des Thérèse. On peut faire noter la première phrase (« Elle contem-
informations prélevées lors de cette première étape du par- plait avec une sorte d’admiration... ») où il est clairement
cours et que les élèves puissent dresser le portrait d’É. Zola indiqué que Thérèse dévisage Laurent. On pourra faire une
écrivain. On sera attentif à ce que les élèves aient bien perçu introduction sur le point de vue interne (ou focalisation
la particularité de la méthode zolienne. interne).
3. Ce portrait de Laurent, vu à travers le regard de Thérèse,
permet de deviner en faux le portrait de Camille, l’époux de
2. Une jeunesse pleine de contrastes p. 146 Thérèse. Si Thérèse observe avec tant de précision Laurent,
c’est qu’il est pour elle un objet de curiosité, une nouveauté
Comprendre la biographie qu’elle découvre pour la première fois. On peut lire, plus haut
dans le roman : « Thérèse, qui n’avait pas encore prononcé
1. Émile Zola est élevé par sa mère et sa grand-mère parce une parole, regardait le nouveau venu. Elle n’avait jamais vu
qu’il est orphelin de père très jeune. Il perd son père à l’âge un homme. Laurent, grand, fort, le visage frais, l’étonnait »
de 7 ans, en 1847. (Thérèse Raquin, chapitre 4).
2. Ses principales activités de collégien sont la lecture inten- On pourra également attirer l’attention des élèves sur l’ono-
sive et l’écriture de poèmes. Il a très tôt le gout de la littérature. mastique. En effet, le choix des prénoms (un prénom mixte
3. Son travail chez Hachette lui permet d’entrer en contact, pour Camille, un prénom à la sonorité rude – avec le [R] – et
par les livres d’abord puis par de véritables rencontres, avec une voyelle plus masculine pour Laurent) participe égale-
des écrivains qui le fascinent. C’est lors de cette expérience ment de cet effet de contraste entre les deux personnages.
professionnelle qu’É. Zola va parfaire son éducation littéraire
Texte 1 (l. 11-23)
et qu’il va rencontrer nombre d’écrivains qui le marqueront.
Cela aura une influence sur la suite de sa carrière et son ambi- 4. Laurent est effrayé parce qu’il pense voir Camille, alors que
tion de devenir écrivain. celui-ci s’est noyé. Il cauchemarde et revit la scène terrible de
la visite à la morgue, pour identifier le cadavre de Camille (« La
4. Ce rôle a été déterminant dans la jeunesse d’É. Zola car
face de sa victime était verdâtre et convulsionnée »).
la lecture et les livres ont orienté sa carrière professionnelle
dans le domaine littéraire. Autodidacte, É. Zola s’est construit 5. L’expression « hanté par la culpabilité » est parfaitement
seul son bagage littéraire. rendue dans cet extrait de Thérèse Raquin. En effet, Laurent ne
parvient pas à vivre sereinement après le meurtre commis sur
5. Face aux critiques que suscite son roman Thérèse Raquin,
Camille, meurtre qu’avec Thérèse ils ont fait passer pour un
Émile Zola explique son œuvre. Pour lui, romancier, aucun
accident. Cette scène le hante, l’empêche de dormir. Laurent
sujet n’est interdit à la littérature. L’auteur a le droit de tout
est pris au piège de sa conscience.
dire, de tout donner à lire. Il revendique « le droit de fouil-
ler l’humanité à son aise ». Ce qui a choqué à l’époque c’est Texte 2
qu’É. Zola prenne pour sujet de son œuvre des milieux sociaux Bilan 6. Le projet d’Émile Zola en écrivant Thérèse Raquin est
et des personnages auxquels la littérature ne s’intéressait pas « d’étudier les tempéraments et non des caractères ». É. Zola
auparavant. explique que son but a été « scientifique avant tout ». En effet,
Bilan 6. Comme on peut le lire dans la biographie, au il ne s’agit ni de Thérèse, ni de Laurent mais d’êtres qui se sont
moment de l’écriture de Thérèse Raquin, les ouvrages lus par comportés, se comportent et se comporteront comme ces
Émile Zola appartiennent au domaine de la science sur l’hé- personnages s’ils étaient placés dans le même schéma. É. Zola
rédité, de la physiologie. Cela peut surprendre car on sépare veut montrer que l’homme n’est pas libre et que son hérédité,
habituellement la science de la littérature. Or, É. Zola s’inté- son milieu social et environnemental déterminent son com-
resse aux comportements des hommes dans leurs milieux portement, ses réactions et ses actions.
sociaux et naturels et ces comportements ont une part Les textes 1 et 2 illustrent bien les propos de la préface car
« biologique » et une part « sociale ». Le travail d’É. Zola ne Thérèse face à Camille réagit selon le désir physique qu’elle
consiste pas à inventer les réactions des personnages qu’il a de lui, sa pulsion de vie, tandis que Laurent a laissé parler
va mettre en scène mais bien de s’approcher au plus près sa pulsion de mort face à Laurent, poussé également par le
de ce que seraient les réactions physiologiques et psycho- désir qu’il avait de Thérèse. Ces comportements sont déter-
logiques de personnes prises dans le tourbillon de sa trame minés par des lois physiques et psychiques qui dépassent les
fictionnelle. personnages, les caractères.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 83


4. Les Rougon-Macquart, le projet d’une vie 2. Florent est envahi par un sentiment d’émerveillement
devant cette cité nouvelle qu’il découvre en revenant à Paris.
Émile Zola, Il est admiratif de cette architecture impressionnante qui
arbre généalogique des Rougon-Macquart p. 148 baigne de lumière tout un quartier. Les Halles tranchent avec
la grisaille de la ville (« trouant la masse des pavillons », l. 3).
Comprendre la démarche scientifique d’Émile Zola Il lève les yeux au ciel comme s’il assistait à une apparition
1. Un arbre généalogique se lit de bas en haut. On part du per- (« Il leva une dernière fois les yeux, il regardait les Halles », l. 1).
sonnage/de la personne qui nous intéresse et on remonte le Florent est saisi d’admiration mais aussi d’étonnement face à
temps en lisant qui ont été ses parents, qui ont été les parents une structure qui transforme le quartier qu’il connaissait et
de ses parents (ses grands-parents). Un arbre généalogique qu’il ne reconnait plus.
permet de comprendre les liens familiaux qui existent entre les l. 11 à 23
membres étendus d’une famille – alliances/mariages compris. 3. Les Maigres représentent les pauvres du peuple, les pauvres
2. Les éléments qui permettent de comprendre l’influence de que la société exploite par un travail dur et usant qui ne leur
l’hérédité sont : permet pas de subvenir au premier des besoins : manger à sa
– le choix de l’arbre généalogique pour présenter les person- faim (« les Maigres, pliés par le jeûne », l. 16-17).
nages ; Les Gras représentent les bourgeois, les commerçants (ceux
– l’utilisation des couleurs ; tenant des commerces de bouche par exemple) qui eux,
– la répartition des différentes couleurs dans l’arbre. n’ont pas le souci de la famine et prospèrent au détriment des
3. La phrase de la citation qui peut servir de légende à l’arbre Maigres (« les Gras, énormes à crever, préparant la goinfrerie
généalogique des Rougon-Macquart est  : « 
comment une du soir », l. 15-16, « encore les Gras, à table, les joues débor-
famille, un petit groupe d’êtres, se comporte dans une société, dantes », l. 18).
en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt indi- 4. Florent et Claude Lantier appartiennent aux « Maigres ».
vidus ». On retrouve le champ lexical de la famille (« famille », C’est d’ailleurs Claude Lantier qui expose cette théorie des
l. 1, « donner naissance », l. 3). É. Zola utilise ensuite le terme Maigres et des Gras à Florent.
d’« hérédité », terme fondamental pour sa théorie et qu’illustre 5. « Quels gredins que les honnêtes gens », mots qui terminent
parfaitement un arbre généalogique. l’extrait, illustrent parfaitement Le Ventre de Paris. En effet,
4. La méthode scientifique est au cœur de ce projet car É. Zola ceux que l’on nomme communément les « honnêtes gens »
appuie la construction de son œuvre monumentale sur un sont les Gras, ceux qui travaillent, certes, mais qui exploitent
arbre généalogique et sur les conséquences de l’hérédité sur des faibles et qui prospèrent par l’argent, la nourriture, les
les différents personnages qu’il va mettre en scène. Après la biens. Ces « honnêtes gens » ne le sont pas car ils affament les
lecture d’ouvrages scientifiques (notamment l’Introduction plus pauvres et sont opportunistes. Ils se rangent toujours du
à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard, côté du pouvoir politique pour s’assurer leurs revenus et être
publiée en 1865), É. Zola affine son projet qu’il présente toujours dans la légalité qui arrange leur commerce. Pour eux,
comme « l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le les brigands, les voleurs, doivent être mis au ban de la société
Second Empire ». alors qu’il s’agit, le plus souvent, de pauvres gens, qui volent
pour se nourrir, vols que l’on qualifie de « vol par nécessité ».
Il est toujours plus facile de critiquer ceux qui ont faim quand
Ressource numérique ACTIVITÉ
on a le ventre plein.
Arbre généalogique des Rougon-Macquart On pourra préciser aux élèves le sens du terme de « gredin » :
Ce document, l'un des arbres généalogiques des Rougon- 1. vx. Mendiant ; 2. Personne dénuée de toute valeur morale
Macquart établis par Émile Zola, peut être observé et ne méritant aucune considération (Trésor de la langue fran-
çaise informatisé, http://atilf.atilf.fr).
dans ses moindres détails en saisissant l’adresse du
Bilan 6. Le Ventre de Paris peut être considéré comme
lienmini. C'est un document essentiel pour comprendre
une métaphore des appétits financiers et politiques parce
le travail de l'écrivain pour l'élaboration de son projet. qu’É. Zola y présente une famille divisée en deux clans, les Gras
Les influences héréditaires sont indiquées par des et les Maigres. Par intérêt financier et par appétit politique,
couleurs et des proportions. La lecture de ce document les Quenu dénonceront Florent. Les Quenu protègent leurs
en classe doit permettre une approche visuelle de la intérêts, quitte à dénoncer un membre de leur famille. Ils sont
théorie zolienne. sans scrupule et sans pitié. Les Maigres sont pour eux une
vermine sans intérêt et qui leur permet juste d’asseoir leur
position.
5. L’affrontement de deux mondes

Texte 3
Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149
L'étude de cette page pourrait prendre place dans le
Comprendre la portée politique du roman cadre d'un EPI autour des évolutions sociales en lien
l. 1 à 10 avec, notamment, le professeur d'histoire-géographie
1. Le champ lexical qui domine cet extrait est celui de et le professeur d'arts plastiques. On pourrait proposer
la lumière : « flambaient », « le soleil », « un grand rayon », de travailler sur les différentes représentations de cet
« lumière », « un profil sombre », « flammes d’incendie du affrontement social (en art, en histoire, à partir par
levant », « une vitre s’allumait », « clarté », « une poussière d’or exemple de documents politiques).
volante ».

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6. La misère sociale 7. Les bouleversements de l’économie

Texte 4 Texte 5
Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150 Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151

Donner à lire une réalité qu’on ne veut pas voir Raconter un monde qui change
l. 1 à 7 l. 1 à 15
1. La raison de cette « bataille du lavoir » est une rivalité 1. La figure de style qui domine le premier extrait est une
jalouse entre deux femmes. En effet, Gervaise, quittée par métaphore filée (« la cathédrale du commerce », l. 1, « la gale-
Lantier, le père de ses enfants, rencontre Virginie, la nouvelle rie centrale », l. 3, « la vie sonore des hautes nefs », l. 15). L’effet
compagne de ce dernier. Elle se sent humiliée par des allu- produit par cette métaphore qui ouvre et clôt cet extrait est
sions à sa rupture et Virginie se montre arrogante. Les deux d’associer ce grand magasin à une cathédrale et de véhiculer
femmes en viennent aux mains. l’image que le commerce devient une nouvelle religion pour
2. Décrire une bagarre entre deux jeunes femmes est aux « un peuple de clientes » (l. 2).
antipodes de la représentation de la femme dans la littéra- 2. Les données chiffrées (« le nombre des rayons était de
ture du xixe siècle et des siècles précédents. Cette image de trente-neuf », « l’on comptait dix-huit cents employés », « deux
la femme violente est contraire aux images véhiculées par la cents femmes », l. 13-14) permettent de donner un ordre de
littérature (femme aimante, femme soupirant, femme mater- grandeur et surtout de montrer la taille démesurée de ce nou-
nelle…). É. Zola a montré une réalité, celle que la société veau type de commerces. Le terme de « grands » magasins
ne voulait pas voir exposée en littérature. C’est cela qui a illustre parfaitement ce nouveau mode de consommation.
choqué. 3. Les deux termes au début et à la fin appartenant au champ
l. 8 à 18 lexical de la religion sont « cathédrale » et « nef ». Le parallèle
3. Les termes de vocabulaire argotique sont : « s’embrasser entre le grand magasin et la cathédrale est d’abord architec-
comme du pain », l. 10, « ils étaient gris », l. 10-11, « une vraie tural mais ensuite, on comprend que le commerce devient
vessie de saindoux », l. 12, « leur brûle-gueule », l. 13. une nouvelle religion pour le peuple de Paris.
On peut attribuer leur emploi à Gervaise qui, sous l’ivresse l. 16 à 26
de l’alcool, se déprave et se laisse aller. Le laisser-aller du lan- 4. Les impressions qui se dégagent de l’illustration montrant
gage est un des indices de son alcoolisation. l’intérieur du hall central du Printemps sont : la grandeur,
4. La phrase qui montre que le comportement de Ger- l’opulence, la richesse, la beauté.
vaise vis-à-vis de l’alcool a changé est « L’odeur ne la gênait Le lieu est magnifique, il semble même surdimensionné par
plus ; au contraire, elle avait des chatouilles dans le nez, elle rapport à la taille des personnages. Le nombre d’étages est
trouvait que ça sentait bon » (l. 15-16). On voit que Gervaise impressionnant et renforce l’impression d’opulence. On a
prend maintenant plaisir à ce qui la dérangeait il y a peu de le sentiment que tout est à portée de main et que rien ne
temps. manque.
Bilan 5. Cette scène a pu scandaliser le public de l’époque 5. Pour séduire les femmes « sans coquetterie », celles qui
parce que Gervaise, une jeune femme, se met à boire comme ne font pas d’achats pour elles (robes, accessoires), Octave
un homme, en compagnie des hommes, laissant son travail Mouret imagine de passer par le biais de leurs enfants. Octave
et ses enfants livrés à eux-mêmes. Elle illustre un pan de la Mouret fait distribuer « à chaque acheteuse, des ballons
société que l’on ne préférait pas voir, ces petites gens vivant rouges » (l. 22-23). Cette nouvelle publicité véhiculée par un
dans la misère et qui s’alcoolisent pour pouvoir supporter jouet d’enfant va attirer de nouvelles clientes qui ne viendront
cette vie. pas dans le grand magasin pour elles, mais pour leurs enfants.
Ici, Gervaise semble – au début – prendre du plaisir à cette Un rayon « pour petits garçons et fillettes » (l. 19) les attend à
ivresse (« elle rigolait toute seule », l. 8, « elle avait des cha- bras ouverts.
touilles », l. 15, « goûtant la jouissance du lent sommeil dont 6. Le synonyme de réclame que l’on peut donner est « publi-
elle était prise », l. 18). Cette sensualité presque érotique cité ».
est accentuée par l’écriture zolienne (« jouissance », « était Bilan 7. Ce texte est très proche de notre réalité actuelle où le
prise »). L’écriture d’É. Zola participe de cette provocation. « shopping » devient un loisir à part entière pour les Français.
En effet, le dimanche, de plus en plus de commerces restent
▶▶À l’oral : Débattre d’une lecture ouverts et les Français s’y rendent volontiers au détriment des
Cette activité doit permettre de s’assurer de la compréhension promenades ou des sorties dans les lieux culturels.
de l’extrait lu en classe ou en autonomie. Les élèves seront Octave Mouret, avec ses ballons rouges, a été le précurseur
amenés à donner leur avis et argumenter. Les premières réac- de ce qui s’est largement développé : les programmes de
tions pourront se rapprocher de la réception de L’Assommoir fidélité dans les magasins, les cadeaux publicitaires qui n’ont
au xixe siècle. Il conviendra au professeur de travailler sur le pas d’autre intérêt que d’attirer des clients et de leur faire
contexte social afin d’affiner une impression première et un consommer des produits dont, le plus souvent, ils n’ont pas
jugement de Gervaise trop hâtif. besoin mais dont ils ont envie.

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2. Cette lutte est la conséquence d’un nouveau système éco-
Ressource numérique ACTIVITÉ
nomique né avec l’industrialisation et la production de masse.
En effet, au xixe siècle, la société se transforme en profondeur
« Émile Zola, Au Bonheur des Dames » et les relations entre employés/ouvriers et patrons sont sou-
Cette ressource numérique permet aux élèves, à travers mises à des notions de production et surtout de rentabilité.
des extraits du roman questionnés et des documents Les ouvriers sont très peu payés et leurs conditions de travail
iconographiques regroupés en quatre thèmes, de sont extrêmement difficiles, ainsi que le montre notamment
découvrir le portrait et le parcours du personnage de Germinal qui est le roman de la mine.
Denise dans le roman Au Bonheur des Dames. 3. Émile Zola avait raison en déclarant que ce roman était
Cette ressource permet une approche de ce roman et visionnaire car aujourd’hui les relations entre employés et
de comprendre l'évolution personnelle et sociale de patrons sont tendues. Le fort taux de chômage exerce une
Denise. Elle offre la possibilité de lancer une lecture pression constante sur les salariés qui ont des réticences à
cursive dont elle propose des étapes. défendre leurs droits. Les patrons peuvent agiter ce spectre
du chômage pour garder leurs salariés malgré des conditions
I. L'émerveillement de Denise de travail difficiles et les personnes les moins qualifiées sont,
L'extrait permet de comprendre le titre du roman Au comme toujours, les plus vulnérables.
Bonheur des Dames car il s'agit de la description par 4. Le croquis du Voreux, réalisé par É. Zola, a aidé l’écrivain à
énumération de tous les types d'articles que l'on peut avoir une vision d’ensemble de la fosse et de la mine. Il a pu
trouver dans ce grand magasin. Tous ces articles vont ainsi élaborer son roman autour d’un lieu construit et pensé
contribuer à faire le « bonheur » des dames. autour de la mine. L’effet de réel qui en découle participe au
II. Un temple de la mode réalisme du roman.
La comparaison qui montre que le magasin est à la fois Bilan 5. Ces documents illustrent parfaitement la méthode
de travail d’É. Zola : en effet, comme il l’expliquait dans
un monument et un dépaysement pour les clients est
Nouvelle campagne, 1896 (voir citation page 145 du manuel),
« c'était comme une nef de gare » (l. 1). En effet, la
l’observation personnelle fait partie de ses trois sources de
comparaison avec cet élément architectural associe le travail. En se rendant sur les lieux de l’action de son futur
grand magasin à un monument – parisien, ce magasin roman, É. Zola se plonge dans la vie des personnages qu’il
se trouvant à Paris. Mais l'élément comparant, « une va mettre en scène. Il interroge les gens, il s’intéresse à leur
nef de gare », l’associe également à une invitation au façon de vivre, de travailler. É. Zola intègre tous ces éléments,
voyage, au dépaysement. il les organise ensuite dans son roman afin de recréer l’uni-
La métaphore qui associe l'architecture au tissu est vers désiré. Si les romans zoliens semblent être très fidèles à
« une dentelle compliquée  » (l. 5). Le bâtiment du une certaine réalité, il ne faut pas non plus négliger le travail
magasin s'associe à son contenu (« dentelle »). de l’écrivain et le fait que tout ce qui est observé et noté l’est
par le prisme d’É. Zola.
III. Une vendeuse de qualité
On pourra proposer aux élèves la lecture du « Le savez-vous ? »
Pour exercer son métier, Denise doit faire preuve de qui permet de comprendre la méthode de travail d’É. Zola. En
nombreuses qualités comme la patience, l'endurance, effet, très organisé, l'auteur procède par étapes. Les élèves
la courtoisie, la politesse, la gentillesse. pourront retrouver tout au long du parcours des éléments
Face aux nombreux allers-retours qu'elle dit effectuer permettant de comprendre la genèse de son œuvre.
pour présenter des tenues aux clientes, elle ne doit pas
montrer de signe d'agacement ni de fatigue. Elle doit se
Texte 6
montrer souriante et de bon conseil. Émile Zola, Germinal, 1885 p. 153
L'expression qui le prouve est « sans se permettre un
Comprendre le travail de l’écrivain
geste d'humeur » (l. 10).
1. Lignes 1 à 15, le vocabulaire technique utilisé par Émile
IV. Un bonheur inespéré Zola est : « la baraque », « la cage de fer », « deux berlines »,
Les derniers mots du roman sont « toute-puissante ». « des bois de taille », « du porte-voix », « du câble ». Ce vocabu-
Ils révèlent que Denise a atteint un but inespéré pour laire est la preuve de l’enquête d’É. Zola sur le terrain, la mine,
elle au début du roman : sa force, son intelligence et car ce vocabulaire n’est pas du vocabulaire courant. É. Zola a
sa persévérance lui ont permis d'accéder à un bonheur dû se renseigner pour savoir à quoi il faisait référence et pour
intime et professionnel. pouvoir l’utiliser correctement dans son œuvre.
2. Les éléments de la photographie que l’on retrouve dans le
texte sont : la cage de fer (l. 4), les ouvriers qui « s’empilaient »
8. Une plongée dans le monde ouvrier (l. 9), les câbles de fer (l. 15), les berlines dans lesquelles s’en-
tassent les ouvriers (l. 8).
Émile Zola, croquis du « Voreux » et topographie 3. Lignes 16 à 25, les éléments qui rendent compte de la
cadence de travail sont : « [la cage] replongea, puis jaillit de
générale de Germinal p. 152 nouveau », « au bout de quatre minutes », « cela s’emplissait,
s’emplissait encore ».
Comprendre le rôle du travail préparatoire
4. Le champ lexical de la faim présent dans le texte est :
1. Les deux camps qui s’affrontent dans Germinal sont les « engloutir », « dévora », « d’une gueule plus ou moins glou-
salariés et les patrons. C’est le roman de la lutte des classes tonne », « toujours affamé », « de boyaux géants » « capable de
sociales. digérer un peuple », « s’emplissait », « vorace ».

86 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


La mine est associée à un monstre qui dévore les ouvriers à un 3. La phrase « la vérité est en marche, rien ne l’arrêtera »
rythme infernal. Tous les termes filent la métaphore qui pro- affirme que même si É. Zola ne parvient pas à faire éclater la
duit un effet terrifiant. vérité, son combat ne restera pas vain. Il sera poursuivi par
Bilan 5. É. Zola parvient à dépasser le simple reportage car, d’autres « justiciers » comme lui, qui continueront le combat,
aux informations techniques, au jargon professionnel, il asso- comme É. Zola le poursuit après la famille de Dreyfus. Cette
cie l’écriture littéraire en filant des métaphores, en créant affaire ne saurait plus être étouffée par une justice frileuse,
une atmosphère. Ce n’est pas une enquête journalistique, ni des gouvernements antisémites.
un documentaire sur le monde ouvrier minier mais bien une Bilan 4. La courte phrase « J’attends » à la fin de la lettre sonne
œuvre littéraire qu’É. Zola crée. comme un couperet. La lettre « J’accuse » d’É. Zola est longue
(« Mais cette lettre est longue, monsieur le Président », l. 10),
9. Une issue à la fatalité car elle est comme une plaidoirie de tribunal. Maintenant
qu’É. Zola a présenté toute l’affaire, qu’il a exposé ses argu-
Texte 7 ments, il attend une réponse du Président. Il n’y a plus de
Émile Zola, Le Docteur Pascal, 1893 p. 153 débat à avoir et É. Zola ne laisse aucune contre-argumentation
suivre sa lettre. C’est le sens de la courte phrase « J’attends ».
Expliquer les raisons d’espérer
1. Le docteur Pascal travaille sur l’hérédité. On remarque que Activité d’expression p. 155
le docteur Pascal travaille, comme É. Zola, sur l’hérédité. Le
docteur Pascal serait comme le double fictionnel de l’auteur. ▶▶Rédiger une description à la manière d’Émile Zola
É. Zola a transposé dans ce personnage son propre travail de Cette activité d’écriture a pour objectifs de mettre les élèves
recherche et les connaissances qu’il a acquises par ses lec- face à la méthode d’Émile Zola et de l’expérimenter eux-
tures (voir page 148). mêmes afin d'en comprendre l'intérêt et la pertinence. En leur
2. Malgré le fait d’être confronté à la maladie et à la mort, demandant d’introduire des termes techniques dans leurs
le docteur Pascal garde espoir car il pense que la science, descriptions, on incitera les élèves à se documenter et ainsi, à
la médecine et la recherche peuvent améliorer la condition reproduire les premières étapes de la méthode zolienne. Puis,
physique de l’Homme. Il rêve pour l’Homme de « ne plus quand il s’agira de mettre en avant le travail de l’écrivain, en
être malade, ne plus souffrir, mourir le moins possible » (l. tant qu’artiste, on travaillera l’utilisation des figures de style
6-7). Cette confiance en l’avenir lui vient des progrès de la (telles les métaphores et les comparaisons).
médecine qui auront, selon lui, des conséquences sociales : Pour réaliser cette activité, on pourra procéder par étape
« Lorsque tous seraient sains, forts, intelligents, il n’y aurait (comme le fait É. Zola). On pourra proposer aux élèves de
plus qu’un peuple supérieur, infiniment sage et heureux » (l. se documenter sur le lieu qu'ils ont choisi de décrire, soit en
10-11). utilisant des usuels, des ouvrages spécifiques, des ressources
numériques, soit en se rendant directement sur les lieux.
10. La force de l’engagement Ensuite, on pourra suggérer aux élèves d'établir un croquis,
un plan du lieu qu'ils souhaitent décrire en intégrant des élé-
Texte 8 ments très précis et pourquoi pas une échelle de dimension.
Émile Zola, « J’accuse... » Enfin, le travail sur le vocabulaire spécifique pourra être réa-
Caran d’Ache, caricature « Un dîner en famille » p. 154 lisé en classe, avec l'aide du professeur.
Le travail sur brouillon parait essentiel dans ce type d'activité
Comprendre les enjeux de l’engagement où il s'agit de dépasser la simple énumération descriptive. On
1. La deuxième vignette de la caricature de Caran d’Ache fait pourra, pour ce faire, relire les extraits proposés page 149 et
une ellipse narrative avec la première vignette. On comprend l'extrait « Le temple de la mode » dans la ressource numérique
que les membres du diner ont parlé de l’affaire Dreyfus à table proposée page 151 (lienmini.fr/jdl4-T309).
et que cette conservation s’est terminée par une bagarre. Ce
« dîner en famille » symbolise la France divisée par l’affaire
Dreyfus car la France représente cette famille, cette patrie
qu’une simple conversation à table ayant pour sujet « l’affaire
Dreyfus » suffit à transformer en deux camps opposés.
2. Pour Émile Zola, les deux camps qui s’affrontent sont :
– « les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse »
(l. 4) ;
– « les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite »
(l. 5).
É. Zola appartient au deuxième camp, ceux des justiciers.
On peut remarquer l’emploi du futur et non du conditionnel
(« qui donneront leur vie »). É. Zola s’engage véritablement
dans ce combat de la vérité (« Je n’ai qu’une passion, celle de
la lumière », l. 12).

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 87


  La Bête humaine,
ATELIER D’EXPRESSION

de l’écrit à l’écran p. 156 à 161

Objectifs et démarches de l’atelier


▶▶ « La Bête humaine : de l’écrit à l’écran » est un atelier d’expression qui invite les élèves à découvrir deux œuvres du patrimoine
national : le roman naturaliste écrit par Émile Zola en 1890 et l’adaptation cinématographique réalisée par Jean Renoir un demi-
siècle plus tard, dans la veine du réalisme poétique.
▶▶ Les personnages, l’intrigue principale et les ressorts dramatiques sont présentés aux élèves dans des activités de repérage et
d’analyse qui font dialoguer extraits du roman, extrait de la bande-son et extraits vidéo. L’objectif n’est pas de donner aux élèves
une connaissance exhaustive du roman ou du film, mais bien de les conduire à une réflexion, nourrie d’un va-et-vient régulier
entre l’un et l’autre, sur les langages : la langue littéraire et l’expression cinématographique.
▶▶ L’atelier est émaillé de notes sur le vocabulaire du cinéma qui permettent aux élèves de comprendre la spécificité du langage
cinématographique et qui les aideront par la suite à écrire leur film.
▶▶ L’atelier fait travailler la réception des œuvres et conduit les élèves à devenir des lecteurs et des spectateurs éclairés qui
s’interrogent sur le sens des choix stylistiques et techniques : réflexion sur le point de vue (p. 157, 158, 159), sur les discours
rapportés et les dialogues du film (p. 157, 161), choix narratifs (p. 158, 159).
▶▶ Pour la réalisation du court-métrage, les élèves prennent appui sur ce qu’ils savent de l’intrigue et des personnages et mettent
en œuvre les procédés cinématographiques qu’ils ont découverts. Il importe qu’à chaque étape les choix soient négociés et
motivés. Tout au long du travail de préparation avant le tournage, l’enseignant invite les élèves à expliciter leurs choix : pourquoi
opter pour tel cadrage ? Pourquoi décider de filmer ou de ne pas filmer la Lison ? etc.
▶▶ Cet atelier permet aux élèves :
– de se constituer une culture littéraire et artistique (préambule au programme du cycle 4) ;
– de comprendre et d’utiliser les langages pour penser et communiquer, en particulier la langue française et le langage
cinématographique (domaine 1 SCCC) ;
– d’utiliser des outils pour apprendre : recours au numérique pour la prise de vue, le montage et la diffusion du court-métrage
(domaine 2 SCCC).

Corrigé des questionnaires et des exercices


La Bête humaine, de Jean Renoir, Découvrir
photographie du tournage du film  p. 156 1. La photographie en noir et blanc est prise de nuit. Au pre-
Vocabulaire du cinéma. Le chef opérateur se trouve derrière mier plan sur la gauche se tient une grande partie de l’équipe
la caméra, au premier plan sur la gauche. Les acteurs princi- de tournage. Au second plan se trouvent Jean Renoir et les
paux (Jean Gabin et Simone Simon) occupent le milieu de acteurs. Des rails filent du premier plan vers l’arrière-plan où
l’image, ils se trouvent dans le champ de la caméra. L’homme est arrêtée une locomotive et partagent la photographie en
vêtu de noir qui se tient près de l’actrice est Jean Renoir, le deux. De part et d’autre s’élèvent tas de charbon, baraque-
metteur en scène. On imagine qu’il donne des consignes de ments et bâtiments administratifs. La présence de l’équipe de
jeu aux acteurs. Les autres personnes présentes sur le tour- tournage indique qu’il ne s’agit pas d’un photogramme du
nage sont des techniciens dont la fonction n’est pas claire- film.
ment identifiable. On peut cependant supposer que la femme 2. Il s’agit de Janques Lantier et Séverine Roubaud sur une voie
au second plan est la scripte : le document qu’elle tient à la de chemin de fer, sans doute lors d’un rendez-vous amoureux.
main est celui sur lequel elle consigne tous les détails de la 3. Les personnages masculins sont tous liés à l’univers fer-
scène qui a été tournée ou va l’être. roviaire, du président (Grandmorin) au simple mécanicien
(Lantier) en passant par le sous-chef de gare (Roubaud). Tout
Ressource numérique ACTIVITÉ
le décor de la photographie souligne ce point commun : rails,
locomotives, piliers métalliques, tas de charbon, etc.
« Les métiers du cinéma » Grandmorin, Roubaud et Lantier sont également réunis par
Cette ressource composée de plusieurs diapositives la figure féminine de Séverine, incarnée par Simone Simon
comprenant des textes et des images consacrés à la debout au milieu de la photographie, dont ils sont respective-
présentation de différents métiers du cinéma peut ment le parrain, le mari et l’amant.
s’inscrire dans le parcours Avenir dont l’objectif est de
permettre « à chaque élève de construire progressivement
son orientation et de découvrir le monde économique et
professionnel ».

88 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


1. Jacques Lantier et la Lison
I. Jacques et la Lison
Jean Renoir, La Bête humaine (photogrammes) 1. « Les bons soins tendres d’un mécanicien » sont
Jean Renoir, La Bête humaine (extrait) p. 157 traduits par tous les gestes et toutes les attentions de
Lantier pour la Lison : « Sans cesse, on le voyait l’essuyer,
Analyser l’astiquer » (l. 5-6), « il profitait de ce qu’elle était
1. C’est du point de vue de Lantier que le spectateur découvre encore chaude pour la mieux nettoyer » (l. 7-8), « Il ne
la carrosserie de la locomotive et le paysage du photo- la bousculait jamais non plus » (l. 8-9). La comparaison
gramme 1 : le mécanicien se penche au dehors par l’ouverture avec les bêtes fumantes souligne la tendresse des gestes
à gauche, surveille le trajet afin d’anticiper les obstacles et de de Lantier : « bouchonner » signifier « frictionner », mais
faire les éventuels réglages. Le réalisateur utilise ici la caméra aussi « dorloter », « câliner ».
subjective puisqu’il met le spectateur à la place de Lantier. En 2. Alors que Jacques a toujours été satisfait de la Lison,
contre-champ, le réalisateur, après avoir montré ce que voit
de sa régularité, qu’il s’est jusqu’alors senti heureux
Lantier, filme le visage du personnage penché à la fenêtre
(photogramme 2). en la conduisant et qu’il avait toujours eu une relation
harmonieuse avec elle (« Aussi tous deux avaient-ils
Sur le photogramme 4, Lantier est vu par Pecqueux le chauf-
feur qui partage la cabine avec lui. L’extrait vidéo montre bien toujours fait si bon ménage… », l. 10-11), l’inexplicable
les deux hommes au travail, duo complice et efficace. consommation de graisse semble bouleverser son
rapport à la locomotive. Il éprouve de la rancune (« il
Ressource numérique VIDÉO avait sur le cœur », l. 14-15), de l’« inquiétude » (l. 16),
de la « défiance » (l. 17) à l’égard de la Lison. La dernière
Extrait du film La Bête humaine, de J. Renoir phrase de l’extrait montre que l’arrivée de Séverine dans
L’extrait correspond aux toutes premières minutes du la vie de Lantier éloigne celui-ci de sa machine.
film : muet, à l’exception de deux consignes criées
par le mécanicien, l’extrait est marqué par le son in, II. La Lison délaissée
assourdissant. L’extrait permet aux élèves de comprendre 1. Le comportement de Jacques vis-à-vis de la Lison a
les différents points de vue et notamment de repérer qui complétement changé. À la tendresse et aux bons soins
voit ce qui est montré sur les photogrammes 1 et 4. d’autrefois succèdent, dans cette scène, l’exaspération,
la brusquerie et les insultes : « il la rudoyait » (l. 5) ;
2. À l’exception du deuxième photogramme, la locomotive « Jamais elle ne montera […] parlait pas en route » (l. 7),
est omniprésente : elle occupe plus de la moitié de l’image. « Et, ce qu’il n’avait pas fait trois fois dans sa vie…en
Le réalisateur en montre la carrosserie et l’intérieur. C’est un marche » (l. 12-13), « Sale rosse ! murmura-t-il » (l. 23).
personnage à part entière : plus loin, lorsque Lantier présente 2. Jacques décide de graisser la locomotive en marche :
la Lison à Séverine, il en parle comme d’une femme. il court, à tout moment, le risque de tomber à cause
3. La force motrice et la robustesse de la machine sont percep- des secousses, de la vitesse, du vent et de la neige.
tibles sur les photogrammes 1 et 2 et les plans dont ils sont tirés. La comparaison « balayer comme une paille » montre la
L’extrait vidéo permet de voir que l’impression de vitesse est par-
fragilité de Lantier et le terrible péril auquel il s’expose.
ticulièrement bien rendue par le visage de Lantier cinglé par le
vent et le bruit du ferraillement des roues sur les rails. Les photo- III. La mort de la Lison
grammes 4 et 5 attirent l’attention sur tous les cadrans de mesure
1. « blanches » qualifie « haleine », « rouges » qualifie
que surveille le mécanicien et qu’il règle minutieusement.
« braises » et « noires » qualifie « fumées ».
4. C’est une relation presque amoureuse qui unit Lantier à
2. Les passages à surligner sont indiqués ici en gras.
sa machine : « Jacques, par tendresse, en avait fait un nom
de femme » qu’il prononce « avec une douceur caressante » La Lison, renversée sur les reins, le ventre ouvert,
(extrait du texte d’É. Zola, l. 12-13). Lorsqu’il montre sa perdait sa vapeur, par les robinets arrachés, les
machine à Séverine qui s’étonne du nom qu’elle porte, le per- tuyaux crevés, en des souffles qui grondaient, pareils
sonnage du film évoque ses sentiments : « Ah bah quand on à des râles furieux de géante. Une haleine blanche
aime quelqu’un, on n’a pas idée de l’appeler par un numéro, en sortait, inépuisable, roulant d’épais tourbillons
hein ? » (dialogues du film, l. 4-5). au ras du sol, pendant que du foyer, les braises
5. La figure de style employée est la personnification. La Lison tombées, rouges comme le sang même des entrailles,
est personnifiée dans l’extrait du roman et dans les dialo- ajoutaient leurs fumées noires. La cheminée, dans
gues du film : c’est, pour Lantier, une personne à part entière, la violence du choc, était entrée en terre ; à l’endroit
presque une femme à qui il prodigue des soins et accorde une où il avait porté, le châssis s’était rompu, faussant
grande attention.
les deux longerons ; et, les roues en l’air, semblable
à une cavale monstrueuse, décousue par quelque
Ressource numérique ACTIVITÉ
formidable coup de corne, la Lison montrait ses
« La Lison dans La Bête humaine » bielles tordues, ses cylindres cassés, ses tiroirs et
Cette ressource numérique propose trois passages leurs excentriques écrasés, toute une affreuse plaie
supplémentaires de l’œuvre d’É. Zola, tirés des chapitres bâillant au plein air, par où l’âme continuait de sortir,
5, 8 et 10, et permet aux élèves de comprendre que la avec un fracas d’enragé désespoir.
locomotive est un personnage central du roman, tout à 3. « Une haleine blanche en sortait, inépuisable, roulant
la fois machine, animal et femme. d’épais tourbillons au ras du sol » (l. 3-4).

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 89


Dans le roman d’Émile Zola, le point de vue est clairement
identifié, c’est celui de Lantier qui se trouve alors sur le talus
et est le témoin de la fugitive scène de crime dans le train en
Les tableaux de Claude Monet et Hans Baluschek marche : « Et Jacques, très distinctement, à ce quart précis de
présentés dans cette ressource numérique peuvent seconde, aperçut » (l. 6-8). Le train passe à vive allure et Lan-
être exploités en lien avec le programme d’histoire- tier regarde s’éloigner « les trois feux de l’arrière, le triangle
géographie (thème 2, «  L’Europe et le monde au rouge » (l. 16-17).
xixe siècle : L’Europe de la “révolution industrielle” »). • Jean Renoir n’a pas filmé la scène de crime qu’Émile Zola
décrit dans le passage suivant : « Et Jacques […] l’assassiné »
(l. 6-14). Pour aider les élèves à faire une lecture expressive
2. Le meurtre de Grandmorin de cette phrase, l’enseignant peut les inviter à repérer ce qui
relève de la description du crime violent (« plantait un cou-
Jean Renoir, La Bête humaine (photogrammes) teau dans la gorge », l. 10-11, « jambes convulsives de l’assas-
siné », l. 13-14) et ce qui concerne les suppositions que fait
Jean Renoir, La Bête humaine (extrait) p. 158-159
Lantier sur ce qu’il voit (« peut-être » répété deux fois, l. 11
et 12). La comparaison entre le passage du roman et les pho-
Ressource numérique AUDIO togrammes montre aux élèves que le réalisateur ne fait pas
seulement une « traduction en images » du roman : il choisit
Bande-son de l’extrait
ce qu’il veut montrer à l’écran (cf. « Le savez-vous ? »).
La musique symphonique qui va crescendo crée un
climat anxiogène. Elle devient rapidement tonitruante,
couvrant en grande partie le son in, faisant presque 3. Les visages de Séverine
disparaitre le bruit du ferraillement des roues sur les
rails, jusqu’au moment que l’auditeur peut percevoir Un regard bouleversant
comme une sorte d’acmé : un évènement tragique vient (photogramme et extrait du chapitre 3) p. 160
de se produire.
Analyser
Analyser 1. Le photogramme montre très précisément la scène décrite
1. Le regard de Séverine accroche celui du spectateur : elle dans l’extrait du chapitre 3. La communication entre Lantier
parait tout à la fois déterminée et anxieuse (photogramme 1). et Séverine est exclusivement non verbale : l’échange et la
Ses yeux semblent perdus dans le vague ou concentrés sur nature des regards tiennent lieu de paroles.
ce qui l’attend. Roubaud fait entrer Séverine de force dans le Émile Zola insiste sur ce rapport muet mais qui cependant en
compartiment : elle devient le complice passif et la specta- dit long : « douceur effarée de ses yeux bleus » (l. 1-2), « il ne
trice du meurtre (photogrammes 3 à 5). la quittait plus du regard » (l. 3), « pour fixer sur lui ses yeux
2. L’acteur jouant Roubaud est filmé en plongée : la caméra en larmes » (l. 8-9), « rencontra de nouveau ses larges yeux »
est placée au-dessus de lui. Cet angle de prise de vue a ten- (l. 10-11). Dans le film, les yeux levés de Séverine sont implo-
dance à écraser le personnage et pourrait symboliser le poids rants. C’est un regard qui sollicite, qui accroche, qui « parle »
de la culpabilité, par anticipation. en quelque sorte. On comprend que Lantier se trouve hors-
champ. Le texte, comme le film, montre le pouvoir de fascina-
3. Grandmorin est assassiné au cours de la séquence entre
tion du regard de Séverine.
les photogrammes 4 et 6. Ce qui a précédé a préparé le spec-
tateur au crime : l’air concentré et agressif de Roubaud (pho- 2. Séverine inspire la pitié du lecteur, Émile Zola la décrit
togramme 2), la contrainte qu’il a exercée sur Séverine pour « pleurante et pâle » (l. 1), avec des yeux dont la douceur est
qu’elle entre dans le compartiment de Grandmorin, enfin le « effarée » (l. 1-2), « terrifiée et suppliante » (l. 11), agrandis par
rideau qu’il baisse précipitamment pour dissimuler le forfait. les larmes. Le visage et les yeux baignés de larmes de la jeune
femme émeuvent Lantier et le troublent. Il en est « étourdi » (l.
Le choix de ne pas montrer le meurtre génère l’angoisse du
4) et se trouve « profondément remué » (l. 1-12) par les regards
spectateur dont l’imagination reconstitue ce qui n’est pas
que lui adresse Séverine.
montré à l’écran.
3. Le travelling optique permet de produire un zoom avant
4. Bien que le crime soit dérobé à la vue du spectateur, celui-ci
qui donne l’illusion d’un mouvement vers l’avant (cependant
sait, lorsqu’il voit sortir Roubaud et Séverine du compartiment,
la caméra ne bouge pas). Le spectateur a l’impression de se
qu’ils ont tué Grandmorin. Les agents découvrent le corps du
rapprocher très près du visage de Séverine qui apparait en
président de la compagnie de chemin de fer, qui n’est d’abord
gros plan à l’écran. Par ce procédé, Renoir montre qu’elle est
pas montré à l’écran, mais qui reste hors-champ. La stupéfac-
un personnage-clé, il invite le spectateur à s’interroger sur sa
tion et l’angoisse que le spectateur lit sur le visage des deux
culpabilité, son pouvoir de manipulation et peut-être sur ses
hommes laissent imaginer l’horreur de leur découverte. Ce
talents d’actrice : est-elle aussi effarée que le disent ses yeux ?
procédé est fréquemment utilisé dans les films d’horreur : la
dramatisation des scènes les plus violentes est souvent ren- La naissance de l’amour
due par le visage terrifié des personnages qui font face à un
(photogramme et extrait du chapitre 5) p. 160
danger, à un monstre, à une situation angoissante, plus que
par l’image même de ce danger. Le hors-champ a ici toute son
Analyser
importance et constitue un ressort dramatique : le spectateur,
grâce au contexte, peut le reconstituer. 1. Le spectateur du film sait qu’elle a été contrainte par son
mari à entrer dans le compartiment de Grandmorin et qu’elle
▶▶À l’oral : Comprendre les choix d’un réalisateur a assisté à la scène. Dans le roman d’Émile Zola, Séverine nie
• La scène est vue de l’extérieur, comme si le spectateur était sa culpabilité à deux reprises (l. 5 et 9). Cependant, la justifi-
placé à bord d’un autre train roulant de conserve avec la Lison. cation de son innocence est suspecte : « Et elle disait cela, non

90 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


pour le convaincre, lui, mais uniquement pour l’avertir qu’elle photogrammes du film : pourquoi tel personnage meurt-il/
devait être innocente, aux yeux des autres » (l. 6-8). est-il tué ? Dans quelles circonstances ? etc.
2. Séverine use de son charme sur Lantier et joue sur l’amour
naissant : « Vous ne me ferez plus la peine de croire que je suis Activité finale p. 161
coupable » (l. 9-10). Le visage éploré de Séverine dans l’extrait
précédent semble alors contrefait : c’est une femme manipu- ▶▶Écrivez et tournez une scène inédite
latrice qui sait le pouvoir qu’elle a sur Lantier (« elle le défiait Avant d’ouvrir la ressource numérique d’accompagnement
bien de parler maintenant », l. 13-14). pour l’écriture et le tournage de la scène, l’enseignant peut
3. Doigts et mains entrelacés des acteurs jouant Lantier et proposer aux élèves de revenir sur la ressource consacrée
Séverine matérialisent « le lien [qui] était noué entre eux ». aux différents métiers du cinéma (lienmini p. 156) et sur les
4. Lantier et Séverine deviennent amants peu après le encadrés consacrés au vocabulaire du cinéma, puis d’écrire la
meurtre. Le charme vénéneux de la jeune femme trouble Lan- feuille de route de l’activité :
tier : leur liaison commence par une invitation au mensonge. – comment s’y prendre pour tourner une scène ?
Lantier sait que Séverine n’est pas tout à fait innocente du – quel est le matériel nécessaire ?
meurtre, qu’elle y a joué un rôle, de complice silencieux à tout – comment et dans quel ordre procéder ?
le moins. Et Séverine a conscience que Lantier n’est pas dupe.
Les deux amants sont unis par le mensonge.
Ressource numérique ACTIVITÉ

Une intention diabolique « Écrire et tourner une scène adaptée


(photogramme et extrait du chapitre 8) p. 161 de La Bête humaine »
• Après avoir travaillé surtout en réception, les élèves
Analyser
sont invités à réaliser une production, et même une
1. Zola a recours au discours indirect libre pour nous faire
production complexe puisqu’elle fait appel à différents
entrer dans la conscience de Séverine : « Puisqu’il voulait le tuer,
pourquoi donc ne le tuait-il pas, cet homme gênant ? » (l. 7-8). langages : l’écrit proprement dit, l’image, le son.
• On attirera l’attention des élèves, souvent impatients
2. De nouveau, Séverine use de son charme et joue sur les
sentiments de Lantier pour l’enhardir et le pousser à tuer son de tourner, sur l’importance de la première étape,
mari : elle lui promet un amour plus fort et l’assure de leur véritable brouillon annoté et réfléchi de leur court-
bonheur une fois le forfait commis (l. 11-12). métrage. Cette étape, ainsi que la troisième, offrent une
3. Lantier et Séverine, cadrés en plan américain (cf. encadré belle occasion de, selon les termes du programme :
« Vocabulaire du cinéma »), apparaissent de dos, serrés l’un – «  formuler par écrit [leur] réception d’une œuvre
contre l’autre : Lantier tient à la main un pied de biche qu’il littéraire et artistique » (ici cinématographique) ;
vient de ramasser, Séverine agrippe Lantier, un bras passé – « utiliser l’écrit pour réfléchir et se créer des outils
sous son aisselle. L’ombre portée est celle de Roubaud qui va pour travailler ».
bientôt apparaitre à l’écran et que les deux amants guettent. • Au cours de la deuxième étape, l’enseignant pourra
4. Le choix du plan américain met au premier plan l’arme que établir un parallèle fécond entre cinéma et écriture
tient Lantier. Tous les ingrédients du meurtre sont alors réu- et montrer que le passage d’une idée à une autre,
nis : la victime dont l’ombre glisse à l’arrière-plan, le meurtrier de même que la succession d’un plan à un autre,
et sa complice ainsi que l’arme pour perpétrer le crime.
doivent être préparés et retravaillés. Il est possible, en
5. Dans le décor nocturne, la main de Séverine cramponnée
prolongement, d’envisager une séance de langue sur les
dans le dos de Lantier forme une tache blanche qui attire
connecteurs logiques et les repères spatio-temporels
l’attention du spectateur : les doigts recroquevillés agrippent
Lantier et semblent exercer une pression pour l’encourager à (cf. leçon p. 348).
agir. Séverine est le commanditaire déterminé du meurtre. Au cours de la deuxième étape et une fois les dialogues
écrits, l’enseignant demandera à quelques élèves de se
▶▶Graine de savoir répartir les rôles et de faire une première lecture : les
Séverine, pourtant jouée par une actrice au physique de enchainements sont-ils fluides ? les monologues et les
femme-enfant, incarne parfaitement la femme fatale : elle dialogues sont-ils cohérents avec l’argument donné au
manipule Lantier dès le début par son charme et ses regards début de l’activité ? etc.
suppliants. Par la suite, elle le pousse au crime en lui promet- • La dernière étape demande une organisation matérielle
tant que leur amour en ressortirait grandi.
et pédagogique rigoureuse : le professeur n’hésitera pas à
▶▶À l’oral faire travailler les élèves dans un espace plus vaste que
Tous les ingrédients semblent réunis pour une fin tragique : la salle de classe : CDI, gymnase, etc. Il pourra s’entourer
liaison adultère, meurtre, tentatives de meurtre, manipula- d’autres professeurs (technologie, EPS, éducation
tion. Tous ces éléments, ainsi que l’esthétique noire des pho- musicale, arts plastiques, documentaliste, par exemple).
togrammes du film devraient conduire les élèves à imaginer • Enfin, la promotion du film pourra être discutée avec
une fin malheureuse. Répartis en groupe, les élèves peuvent la classe : comment organiser une projection au collège ?
écrire la fin probable du scénario. La restitution orale permet- La réalisation de flyers et d’affiches et/ou d’une bande-
tra d’apprécier la cohérence du dénouement qu’ils prévoient. annonce pourra être envisagée avec l’appui du professeur
Il sera alors intéressant de leur demander de motiver leurs
d’arts plastiques.
hypothèses en prenant appui sur les extraits du roman et les

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 91


  Le récit fantastique,
PARCOURS UN GENRE

un autre regard sur le réel p. 162 à 175

Objectifs et démarches du parcours


Problématique : Comment, en brouillant les frontières du familier et du surnaturel, le récit fantastique met-il en scène le
caractère parfois inexplicable du monde ?
▶▶ À travers ce parcours, les élèves pourront saisir l’élément sur lequel se fonde tout récit fantastique, l’angoisse ressentie devant
un réel familier devenu inquiétant, mystérieux. Ainsi, rappeler le contexte de la naissance d’un tel genre est pertinent. Influencé
par le romantisme noir en rupture avec le rationalisme des Lumières, le fantastique interroge l’inexplicable, laisse planer un
doute remettant en cause les lois de la science.
▶▶ Or, c’est ce doute qui fait la spécificité de la littérature fantastique ; comme l’indique Tzvetan Todorov dans Introduction à la
littérature fantastique, tant que la possibilité d’une explication rationnelle et l’éventualité de forces surnaturelles coexistent, le
récit est fantastique. Si l’on quitte l’éventualité merveilleuse, on bifurque vers le genre de l’étrange ; si l’on quitte les lois de la
raison, on bascule dans le genre merveilleux. Il faut que soit maintenue la tension entre ces deux visions du monde pour que le
récit continue d’être fantastique ; de fait, quoi de plus inquiétant que ce trouble ?
▶▶ Pour cela, le parcours s’ouvre sur la question du merveilleux et du rêve. Le romantisme noir, s’il peut s’appuyer un temps sur
le doute, vecteur de suspense – « La dame pâle » d’A. Dumas en est un exemple –, tranche rapidement la question. Comme le
montrent le tableau de J. H. Füssli, Le Rêve du berger, et la nouvelle d’I. Tourgueniev « Un rêve », le rêve, monde à part, est à la
frontière du merveilleux mais appartient bien au réel, il est donc propice au fantastique. Les deux autres nouvelles, « Le portrait
ovale », d’E. A. Poe et « La peur » de G. de Maupassant, permettent d’étudier les principales caractéristiques fantastiques : un réel
familier ou rassurant où s’infiltre l’angoisse, le tout rendu incontestable par un témoignage à la 1re personne du singulier digne
de foi.
▶▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves de :
– se sensibiliser à différentes visions du monde qu’offre la littérature ;
– découvrir les principales caractéristiques du récit fantastique au xixe siècle ;
– cerner la dimension universelle d’un tel genre à travers des nouvelles de différents pays.

Organisation du parcours et choix des axes de lecture

Johann Heinrich Füssli, 1. Fantastique et merveilleux : des mondes


Le Rêve du berger p. 162 différents
●● Pistes didactiques Alexandre Dumas,
Cette toile de J. H. Füssli, peintre anglais (1741-1825) féru « La dame pâle » p. 163
de sujets fantastiques, illustre un extrait du poème épique
de John Milton, Le Paradis perdu (1667). Rêveur et rêve sont ●● Pistes didactiques
tous deux représentés. Or, si les êtres rêvés relèvent du mer- Ces deux extraits de « La dame pâle » très faciles d’accès per-
veilleux, le rêve en lui-même, expression de l’inconscient du mettent, non seulement de distinguer le genre merveilleux
rêveur, est un phénomène naturel. Entrer dans l’étude du du genre fantastique, mais aussi d’appréhender une caracté-
fantastique par ce biais pictural permet aux élèves de cerner ristique fondamentale du récit fantastique : la mise en place
pour quelles raisons le rêve est un sujet de prédilection pour narrative du doute.
le fantastique : comme lui, il interroge les frontières entre réel
et merveilleux en déployant toute une fantasmagorie (cf. Le ●● Proposition d’hypothèses de lecture
Cauchemar, 1782, du même peintre, ou encore, Goya, Le Som- Comment le fantastique se manifeste-t-il ? Comment le récit
meil de la raison produit des monstres, 1799, ou Ingres, Le Songe bascule-t-il dans le merveilleux ?
d’Ossian, 1813).
●● Proposition d’hypothèse de lecture
2. Du rêve au fantastique
Comment J. H. Füssli mêle-t-il réel et merveilleux dans une Ivan Tourgueniev,
perspective toute fantastique ?
« Un rêve » p. 164-165
●● Pistes didactiques
Cette lecture suivie de la nouvelle d’I. Tourgueniev permet
de prolonger la réflexion ébauchée à partir du tableau de

92 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


J. H. Füssli. Le rêve est bien vecteur de fantastique. Le jeune la question de l’inexplicable a hanté le siècle des Lumières
personnage-narrateur ne sait plus ce qui relève du rêve, de la et séduit les artistes romantiques de la première heure. Des
réalité, et la fin de la nouvelle laisse le lecteur dans un trouble peintres comme J. H. Füssli, des écrivains comme E. T. A.
angoissant. Hoffmann, étaient très intéressés par les théories du méde-
cin-magnétiseur Mesmer. En effet, celles-ci, comme le fantas-
●● Proposition d’hypothèse de lecture
tique, mêlaient souci rationnel et méthode échappant aux
Étudier les éléments montrant que le personnage-narrateur lois de la science.
navigue, par le biais du rêve, entre réalité et fantasme.
●● Proposition d’hypothèse de lecture
Edgar Allan Poe, Cerner les éléments de la gravure que la caricature, dans une
« Le portrait ovale » p. 166-168 perspective rationaliste, singe pour mieux les disqualifier.
●● Pistes didactiques
4. Le fantastique et le doute
Cette nouvelle d’E. A. Poe est intéressante car elle se fonde
sur une toile existant réellement, le portrait de Frances Kee-
ling Valentine par Thomas Sully (p. 167), et montre un person- Guy de Maupassant,
nage-narrateur soucieux d’explications rationnelles que la fin « La Peur » p. 170-173
du récit laisse perplexe. Le doute fantastique y est particuliè-
rement bien amené et mené. ●● Pistes didactiques
Cette nouvelle permet de découvrir le Maupassant, auteur
●● Proposition d’hypothèse de lecture fantastique. En lisant un récit enchâssé relatant deux aven-
Comprendre comme l’éventualité du surnaturel et du mor- tures effrayantes, les élèves pourront mesurer à quel point la
bide s’infiltre peu à peu dans un univers ostensiblement composition sert les principaux éléments fantastiques que
logique et sensé. sont l’intrusion d’une atmosphère inquiétante par l’entremise
d’un élément étrange au sein d’un monde rassurant, la peur
3. Mesmer, à l’image du fantastique, entre raison liée à l’inexplicable et enfin des explications déroutantes.
et élucubration Cette nouvelle qui vient clore le parcours peut faire l’objet
d’un véritable bilan.
Ebenezer Sibly, ●● Proposition d’hypothèse de lecture
une séance de magnétisme animal (gravure) Étudier l’expression littéraire des différentes manifestations
« Le doigt magique », de la peur.
caricature de la gravure précédente p. 169
●● Pistes didactiques
La gravure présentant une séance de « magnétisme animal »,
accompagnée de sa caricature, permet de cerner à quel point

Corrigé des questionnaires et des exercices


Johann Heinrich Füssli, Bilan 4. Le berger assoupi accompagné de son chien appar-
Le Rêve du berger p. 162 tient au monde réel. Les créatures merveilleuses, de par le
titre du tableau et leur mouvement, appartiennent au monde
Le rêve aux frontières du rationnel du rêve. Elles sont surnaturelles, certes, mais ancrées dans la
1. Dans un paysage obscur, un homme aux vêtements réalité d’un rêve, siège de l’inconscient qui intéressait déjà
simples, à demi-allongé, dort. Des créatures surnaturelles les romantiques un siècle avant Sigmund Freud. Ce qui laisse
semblent appartenir à un rêve. songeur – on a bien là le doute fantastique –, c’est que le
2. Les jeunes femmes sont des fées. À la gauche du berger, chien semble voir et/ou entendre ces créatures...
une belle sorcière est accroupie ; non loin d’elle, des elfes dont
l’un regarde de manière espiègle le spectateur. Au premier 1. Fantastique et merveilleux : des mondes
plan à droite, appuyée contre les marches d’un temple, on différents
distingue la reine Mab, fée faiseuse de cauchemars dans le
folklore anglais, attachée par une chaine à un incube, créature Alexandre Dumas,
démoniaque qui s’en prend aux personnes assoupies. « La dame pâle » p. 163
3. Ce sont les fées qui attirent le regard, leur danse forme le
seul halo de lumière qui illumine le reste de la scène. Celle ▶▶Graine de savoir
de droite tient un rameau avec lequel elle touche le berger Les élèves pourront faire appel à leur souvenir de contes mer-
comme pour l’ensorceler. De fait, John Milton, dans le poème veilleux. La lecture du tableau de J. H. Füssli peut aussi les
dont s’est inspiré J. H. Füssli, Le Paradis perdu (1667), compare aider à répondre à la question.
les anges déchus du Pandemonium à des fées ensorcelant un
berger. Leur ronde que laisse percevoir le mouvement de leur Du doute fantastique...
tunique peut aussi représenter l’étourdissement, l’endormis- 1. Kostaki a le teint pâle, ses yeux sont dits « longs », plutôt
sement de la raison que provoquent les rêves. que grands, ce qui lui donne une allure presque surnaturelle

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources 93


(l. 1-2). Son regard est encore évoqué : « regard lancinant » 2. Le présent de l’habitude (« il m’arrive encore d’entendre »,
(l. 5) avec une personnification métaphorique, « me perçait le l. 11), qui devient presque un présent d’énonciation par l’utili-
cœur » (l. 6), qui est peu rassurante. sation de l’adverbe de temps « soudain » (l. 15), provoque une
2. Ce regard de Kostaki trouble la jeune femme qui est ensuite impression d’enfermement dans un cauchemar.
la proie d’une hallucination l’emportant dans un monde ins- 3. Ce grommellement est terrifiant car c’est celui de l’homme
piré de la ballade romantique de G. A. Bürger. Le retour à la qu’il prenait pour son père et dont le cadavre n’a jamais été
raison se fait quand elle ouvre les yeux : « cour intérieur d’un retrouvé.
château moldave, bâti au xive siècle » (l. 12-13). La précision Bilan 4. « Je pleure, les yeux fermés […] et ne puis comprendre
historique contraste avec la mention des fantômes (l. 9). Le [...] », l. 14. Cette phrase laisse le lecteur dans le doute : le jeune
doute fantastique est bien présent. homme dort-il toujours ? Ou est-il réveillé par ce même bruit,
ce qui laisserait entendre que son père dont il a pourtant vu le
… à l’affirmation du merveilleux cadavre n’est pas mort ? C’est ce trouble qui ancre bien cette
3. Il est mort mais ses yeux sont restés vivants (l. 16-17). Il nouvelle dans le genre fantastique.
recule devant un signe de croix et une épée bénie, c’est donc
bien un vampire. Enfin, il est qualifié par trois fois de « fan- ▶▶Graine de savoir
tôme » (l. 22, 27 et 30) sans que plus nul doute ne soit permis. Les éléments communs du jeune homme du tableau d’Edvard
4. Cette nouvelle datant de 1849, en basculant dans le mer- Munch, Mélancolie, avec le personnage-narrateur de la nou-
veilleux, s’inscrit dans la tradition des récits gothiques du velle sont : la solitude, la mélancolie, la présence de la mer,
romantisme noir. un rivage déformé dans lequel le jeune homme plonge son
regard, ce qui n’est pas sans rappeler la disparition du cadavre.
2. Du rêve au fantastique Edgar Allan Poe,
« Le portrait ovale » p. 166-168
Ivan Tourgueniev,
« Un rêve » p. 164-165 Lire la description d’un château et d’un portrait
mystérieux
Un rêve étrange 1. Le personnage-narrateur est mal en point : « blessé » (l. 2),
1. Tout le début de la description présente des éléments vrai- en proie au « délire » de la fièvre (l. 15), mélancolique (l. 24). Il
semblables : « ruelle », « maisons », « porche », « courette »... garde tout de même toute sa réflexion : il fait une hypothèse
2. L’étrange s’insinue à travers l’ellipse : «traversais une cou- sensée (« selon toute apparence », l. 6-7), se met à contempler
rette [...] et entrais enfin dans une sorte de mansarde », l. 4-6. les peintures et à en lires les explications (l. 24-25), analyse ses
Les murs de la pièce s’écartent sans qu’aucune explication propres réactions (l. 40).
ne soit donnée, on a seulement des points de suspension 2. Le château est imposant (« mélange de grandeur et de
(l. 16-17). Mais c’est surtout l’homme associé d’emblée par le mélancolie », l. 4), luxueux (l. 9, l. 13-14) et étrange (l. 18), il
personnage-narrateur, de manière irrationnelle, à son père, correspond au style gothique apprécié des romantiques (cf. la
alors que ce n’est pas lui (l. 2-3 et 8), qui a comportement référence au romantisme noir d’Ann Radcliffe, « dans l’ima-
invraisemblable : il semble faire le reproche au jeune homme gination de mistress Radcliff », l. 6). Le fait qu’il a été déserté
d’être venu sans que leur conversation ne soit retranscrite (« il alors qu’on y trouve de nombreuses œuvres d’art est aussi très
m’en voulait de l’avoir retrouvé », l. 10-11), grommelle, fait les mystérieux d’un point de vue réaliste.
cent pas (l. 13-14). Bilan 3. Il est d’abord étonné, au sens étymologique du
3. Orphelin de père depuis l’âge de sept ans, vivant une vie terme, comme frappé par la foudre (l. 37-38) puis terrifié par
monotone avec sa mère, le personnage-narrateur a peut-être l’aspect vivant qui se dégage des traits de la jeune fille (« avec
besoin d’une présence masculine. une terreur profonde et respectueuse […] », l. 74-75). L’his-
toire semble alors basculer dans le merveilleux mais le récit
Une rencontre bouleversante « vague et singulier » de l’article (l. 79) maintient la nouvelle
4. L’homme rencontré à la terrasse du café ressemble trait dans le fantastique.
pour trait à l’inconnu qui lui était apparu comme son père
dans son rêve (l. 26-27 et l. 31). Lire le récit d’une mort étrange
5. La question retranscrite au style direct (« Est-ce que je ne 1. Les longues heures de pose dans une tour froide et humide
dors pas ? », l. 35) et la réponse avec points de suspension ont raison de la santé de la jeune épouse (l. 96-97).
montrent que le jeune homme cherche à se convaincre. Mais 2. Le fait que le portrait est la réplique exacte de la jeune
ce n’est pas tant qu’il puisse rêvasser qui est étrange mais le femme (l. 104-105) comme si le peintre prenait la vie même
fait qu’il prenne un homme qu’il n’a jamais vu pour son père ; de sa femme pour sa toile (l. 117-119) et qu’elle meurt au
or, cela, il ne le remet pas en question. Même s’il donne l’im- moment même où il termine le tableau sont des éléments
pression, en s’interrogeant, de prendre du recul sur ce qui est semblant faire glisser la nouvelle dans le merveilleux.
en train d’arriver, il est peu rationnel. Bilan 3. L’interprétation merveilleuse semble être la bonne
L’angoisse fantastique puisque le personnage-narrateur trouve le portrait vivant
(« En vérité, c’est la Vie elle-même ! », l. 128). Mais la mention
1. Éléments irrationnels : il est sous le coup de la terreur, et dans l’article, par deux fois, des mauvaises conditions de vie
non de la raison (« Une terreur sans nom s’empara de moi », dans la tour, alors même que le couple y a passé des jours
l. 1), il imagine des intentions au cadavre (l. 2-3). et des nuits, maintient dans le doute. Qu’elle soit morte au
Éléments tangibles : « l’alliance de ma mère » (l. 6), le « contact moment de la dernière touche pourrait être une coïncidence,
glacé » du mort (l. 7). que la peinture soit si réussie pourrait venir du talent du
Ces éléments, en contraste, créent un trouble fantastique. peintre (l. 107-108).

94 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources


▶▶À l’écrit : Résumer un récit confronté à l’un d’eux. On comprend mieux dès lors « rémi-
Le professeur peut d’abord faire dégager aux élèves la com- niscence des terreurs fantastiques » : comme l’enfant, cet
position du récit en leur faisant donner un titre aux parties homme se retrouve dans une situation où il ressent, comme
qu’ils vont délimiter. vrai, le surnaturel le plus incompréhensible et effroyable.

▶▶À l’oral : Enrichir son vocabulaire ▶▶À l’oral : Découvrir une vidéo d’art
« Merveille » vient du latin mirabilia, « choses admirables ». Ce
terme peut désigner une chose qui cause une grande admi- Ressource numérique VIDÉO
ration, mais aussi une chose qui crée un vif étonnement par
son caractère hors du commun et inexplicable. Une merveille My Nights, d’Agnès Guillaume
est aussi un beignet. My Nights (2014) est une vidéo d’Agnès Guillaume,
À la ligne 106, les sens 1 et 2 sont possibles mais la proximité vidéaste belge, qui revisite le motif du rêve fantastique.
de l’adverbe « miraculeusement » (l. 108) invite à opter pour • Au visage d’une jeune femme qui ouvre et ferme les
le sens 2, élément qui tendrait encore un peu plus la nouvelle yeux à l’arrière-plan se superposent des pigeons qui
vers le merveilleux. passent au premier plan.
• Le nombre de plus en plus grand de pigeons, leur vol
3. Mesmer, à l’image du fantastique, entre raison sur place qui se superpose au visage de la dormeuse
et élucubration ainsi que l’effet de contraste clair/gris foncé rendent la
scène particulièrement angoissante.
Ebenezer Sibly, • My Nights, mes nuits. On peut se demander si
une séance de magnétisme animal (gravure) les pigeons n’émanent pas du rêve ou, au contraire,
« Le doigt magique », s’ils ne sont pas la source des insomnies de la jeune
caricature de la gravure précédente p. 169 femme.

Mesmer ou l’explication de l’inexplicable


1. Aux lignes courbes mais nettes, allant des mains de Mes-
mer au visage de sa patiente, s’opposent les volutes floues sur
Suggestion de prolongement
tout l’arrière-plan de la caricature. La profusion des lignes, le Ressource numérique complémentaire : présentation
fait qu’y sont figurés un ange et un corps de femme, montrent de la vidéo My Nights
bien qu’il y a satire. Le lienmini vers la vidéo donne également accès à
2. Le magnétiseur est caricaturé en âne, animal qui, par conno- une courte présentation de My Nights établie avec
tation, symbolise la bêtise. La patiente semble évanouie alors Agnès Guillaume. Cette présentation permet de faire
que dans la gravure elle parait tout à fait consciente. comprendre aux élèves ce qu’est une vidéo d’art,
3. Cela donne l’impression que la patiente est victime d’un notamment ce qui la différencie du cinéma. Elle
charlatan et non d’un médecin. Cette interprétation est ren-
explique également le dispositif technique employé
forcée par la présence du corps affalé d’un homme, face
pour la réaliser.
contre sol, aux pieds de la jeune femme.
Bilan 4. Mesmer a initié une thérapie dont on ne pouvait pas,
tangiblement, comprendre le fonctionnement. Entre science
et spiritisme, entre naturel et merveilleux, le « magnétisme ▶▶À l’écrit : Enrichir son vocabulaire
animal » a séduit certains artistes romantiques comme E. T. A. Champ lexical de la peur : « frisson » (l. 2, 34), « anxieux » (l. 26),
Hoffmann, J. H. Füssli ou encore V. Hugo. « effroyable » (l. 32)/« effrayante » (l. 181), « terreurs fantas-
tiques » (l. 40), « épouvantable horreur » (l. 42), « épouvantés »
4. Le fantastique et le doute (l. 90), « inquiétudes sombres » (l. 58), « panique » (l. 60), « ter-
reur » (l. 153, 190) « terrifiant » (l. 193), « craintes » (l. 164), « tres-
Guy de Maupassant, saillir » (l. 172), « angoisse » (l. 34, 183, 208), « épouvantable
« La Peur » p. 170-173 peur » (l. 183), « affolement indicible » (l. 211).
Une fois que les élèves ont dégagé ce champ lexical, le profes-
Introduire trouble et peur dans l’esprit du lecteur seur peut les inviter à classer ces mots dans l’ordre croissant
1. Ce qui crée un cadre rassurant et vraisemblable : la mer de l’intensité de l’émotion.
calme (l. 2), le ciel étoilé (l. 4), le silence de convives qui Le récit de deux aventures terrifiantes
viennent de diner agréablement (l. 9). Ce qui crée une atmos-
phère étrange : les métaphores ont un comparant inquiétant Une atmosphère inquiétante
(« un gros serpent de fumée noire », l. 4-5, l’eau « semblait se 1. Le champ lexical de l’océan (« tempête », « vagues », « flots »,
tordre », l. 7). « mer », « lames », l. 66-75) évoque les dunes. Cela crée un effet
2. Il s’agit d’un aventurier (« au milieu des dangers incessants », étrange et déroutant.
l. 19), tanné par le soleil (« un grand homme à figure brûlée », 2. Le temps est hostile : « hiver », « ciel […] sombre », « une
l. 17), « à l’aspect grave » (l. 17) et d’un grand « courage » (l. 22). immense rafale », l. 116-124.
3. Selon lui, la peur se manifeste dans l’étrange, le mystérieux, Un élément étrange
l’inexplicable (l. 37-38) 3. Le tambour est qualifié de « mystérieux » (l. 86).
Bilan 4. L’exemple donné est celui de la peur que peut res- 4. Le chien est vieux et aveugle mais, chose étrange, il semble
sentir un homme qui croit aux fantômes lorsqu’il pense être ressembler à une connaissance (l. 156-157).

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La peur et l’inexplicable semble surgir ; seulement, c’est par l’entremise du point de
5. C’est le « roulement fantastique » du tambour (l. 88-89) qui vue interne du personnage que cela est évoqué. Aux élèves
est à l’origine de la peur des Arabes. Coïncidence ? Au même de faire la description de ce monstre en maintenant ce point
moment, l’ami du narrateur meurt, le tambour se fait plus de vue, puis en intégrant au récit des éléments qui laissent à
insistant, ce qui terrorise tous les hommes présents. penser que l’employée de maison a pu se tromper (obscurité
6. Ce sont les hurlements du chien sans cause apparente, de la pièce, fatigue de Ghitta, forme d’un sac pouvant conte-
autre que les hypothèses irrationnelles de ses maitres, qui nir une canne à pêche...).
provoquent la peur du narrateur (l. 179-181). « La peur de Les élèves peuvent être laissés en autonomie grâce au ques-
quoi ? Le sais-je ? C’était la peur, voilà tout » (l. 184). tionnaire proposé dans le manuel qui les aide à travailler. À
Des explications peu convaincantes la fin du travail, une lecture de la suite du texte de D. Buzzatti
peut être intéressante et stimulante.
Bilan 7. Première aventure : à l’explication rationnelle de
l’écho des grains de sable emportés par le vent et frappant le ▶▶Écrire un texte fantastique à partir d’un tableau
sol (l. 108-110) s’oppose le fait que le narrateur, malgré cette L’Apparition, réalisé vers 1890, est un tableau d’Odilon Redon
explication, continue à parler d’« inexplicable phénomène » (1840-1916), peintre symboliste, présentant un univers oni-
(l. 83). Deuxième aventure : le chien retrouvé le lendemain rique cher à l’artiste. Le rêve, le voyage intérieur, l’apparition
(l. 214-217) que ses maitres, terrifiés, ont pris pour le fantôme sont les thèmes centraux de son œuvre.
(l. 199-202), est un élément rationnel mais les hurlements du
S’inspirant certainement de L’Apparition (1874) de Gustave
chien « hanté d’une vision » (l. 174) la nuit anniversaire du
Moreau, autre peintre symboliste, qui reprend alors l’épisode
meurtre (l. 148-150) laissent planer le doute.
biblique de Salomé voyant surgir devant elle la tête décapi-
tée de Jean-Baptiste qu’elle avait demandée à son beau-père,
Activités d’expression p. 175 Hérode Antipas, cette toile énigmatique pourrait représenter
Hérode revoyant sa victime. Hallucination due à la culpabilité
▶▶Décrire à l’écrit le monstre d’une nouvelle devant la réalité de son geste ? Réelle apparition ? Le flou pic-
fantastique tural va de pair avec le flou de l’interprétation.
Dino Buzzatti (1906-1972) est un écrivain italien célèbre Avant de lancer les élèves dans l’écriture, il serait bon de
pour ses nouvelles fantastiques très souvent ancrées dans faire une lecture du tableau pour lister, par la suite, les
un cadre réaliste qui sombre peu à peu dans un fantastique éléments de la description à venir qui pourraient inciter à
aliénant. Dans Le Monstre (1949), Ghitta Freilaber, employée croire en la présence du merveilleux et ceux incitant à une
de la famille Goggi, est confrontée à la peur d’un monstre explication rationnelle. Il s’agit d’un travail difficile, le fait
dont on ne sait s’il existe vraiment. L’incipit de la nouvelle de faire travailler les élèves en binôme peut être riche en
est rapide, efficace. Au sein d’un banal grenier, un monstre échanges.

ATELIER D’EXPRESSION   Écrire une nouvelle


fantastique p. 176 à 181

Objectifs et démarches de l’atelier


▶▶ À travers différents extraits de nouvelles fantastiques, une nouvelle intégrale et des supports visuels, cet atelier propose à
l’enseignant de faire écrire une nouvelle fantastique à ses élèves et offre pour cela un véritable accompagnement.
▶▶ Il propose différentes manières de mise en œuvre :
– la nouvelle intégrale proposée aux pages 176-177, « La photographie » de Jacques Sternberg, permettra à l’enseignant qui le
souhaite de présenter de manière efficace à ses élèves les caractéristiques de la nouvelle fantastique en un temps limité dans
sa progression annuelle. L’analyse précise de cette nouvelle sera un outil précieux pour définir avec les élèves ce qu’est une
nouvelle fantastique et quels en sont les ressorts ;
– l’enseignant qui désire consacrer plus de temps à cet atelier d’écriture pourra se laisser guider par les étapes 1 à 5 (p. 178 à 181)
en ayant ou non étudié au préalable la nouvelle intégrale. Chaque étape peut se travailler de manière décrochée ou être le relais
de ce qui a été observé et analysé dans l’étude de la nouvelle intégrale. Les étapes présentent cinq caractéristiques de la nouvelle
fantastique qui servent de fil conducteur à l’écriture. En effet, en suivant ces cinq étapes, les élèves construisent pas à pas leur
nouvelle fantastique. Ils lisent différents extraits de nouvelles fantastiques, observent et analysent des procédés d’écriture.
▶▶ Cet atelier vise à permettre aux élèves de :
– lire une nouvelle fantastique intégrale et des extraits de nouvelles fantastiques ;
– comprendre quelles sont les grandes caractéristiques d’une nouvelle fantastique ;
– analyser des procédés d’écriture ;
– acquérir des savoir-faire pour rédiger une nouvelle fantastique ;
– rédiger une nouvelle fantastique.

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Corrigé des questionnaires et des exercices

Lire une nouvelle intégrale 8. Dans le texte, ces éléments sont donnés crescendo : on sent
que la peur augmente, passant de l’intérêt à l’effroi.
Jacques Sternberg, On pourra proposer aux élèves de chercher la définition de
« La photographie » p. 176-177 chacun des mots et de les employer dans des phrases pour
qu’ils maitrisent convenablement les nuances dans l’expres-
Comprendre sion de la peur.
L’incipit et le choix du narrateur La chute de la nouvelle
1. Le point de vue adopté dans cette nouvelle est le point de 9. Le narrateur donne à cette apparition une explication liée
vue interne. On peut le justifier par l’emploi de la première à une rupture sentimentale difficile. La femme, ayant diffici-
personne du singulier (« j’avais acquis », l. 1). On pourra faire lement vécu cette séparation, où le narrateur s’était montré
remarquer aux élèves la variété des indices de la première violent (physiquement ? verbalement ? « je rompais, emporté
personne (pronom personnel sujet « je », pronom personnel par une brutalité qui ne me ressemblait pas », l. 44-45) avait
COD « me », pronom personnel objet « moi »). promis de se venger (« elle s’était juré d’avoir un jour ma
L’emploi du point de vue interne (ou focalisation interne) est peau », l. 46-47). C’est l’histoire d’une vengeance qui est mise
très fréquent dans la nouvelle fantastique. Il permet au lec- à exécution.
teur de s’identifier au narrateur et ainsi, efface la frontière 10. La chute de la nouvelle (« d’avoir un jour ma peau ») ne
entre fiction et réalité. donne pas de réponse complète à ce mystère. On pourra faire
chercher une autre chute à cette nouvelle (voir activité d’ex-
La description d’un élément fantastique
pression écrite proposée).
2. Les éléments décrivant la photographie qui confirment ce
Cependant, certains indices permettent de proposer une
caractère ordinaire sont :
hypothèse de lecture. La chute est brutale, nette. Le narrateur
– « rien de bien remarquable » (l. 4-5) ; ne s’exprime plus après avoir révélé la raison de cet événe-
– « elle représentait un grand lac, vraiment très banal » (l. 10-11) ; ment fantastique. On peut donc admettre qu’il n’est plus en
– « une colline déserte pas moins banale » (l. 11-12). mesure de raconter son histoire et que la femme a mis en
3. Cependant tout n’est pas si ordinaire car le narrateur juge application sa menace. L’aurait-elle tué ?
cette image insolite sans pouvoir expliquer pourquoi (« une
▶▶À l’écrit : Proposer une nouvelle chute
impression diffuse […] me dérangeait », « je ne voyais pas
exactement pourquoi je jugeais cette image insolite », l. 8-10). Cette activité doit permettre aux élèves de proposer une nou-
On fera remarquer aux élèves la répétition du terme « inso- velle chute à la nouvelle « La photographie » de Jacques Stern-
lite » comme était répété le terme « banal ». berg et ainsi, de monter qu’ils ont compris les enjeux d’une
D’emblée, le lecteur est face à un objet intrigant. nouvelle fantastique. De nombreux élèves ont tendance à
proposer une chute dans laquelle le narrateur se réveille d’un
4. Le narrateur prend des précautions pour parler du fait que
la barque dans la photographie avance car il se rend compte cauchemar et retrouve ainsi une réalité consciente et rassu-
de l’incongruité de ce qu’il dit. Ces précautions permettent de rante. Le professeur pourra s’appuyer sur les différentes pro-
mettre le lecteur dans la même situation que le narrateur : si ductions de ses élèves afin de leur en montrer les qualités et
le narrateur a du mal à admettre que la barque avance, alors les défauts avec pour objectif de faire produire, in fine, une
c’est qu’il a toute sa raison (on ne peut raisonnablement pas véritable chute fantastique.
croire qu’un élément dans une photographie bouge) et donc
qu’il n’est pas fou. Le lecteur est donc plus enclin à le croire. Étape 1 : l’incipit d’une nouvelle fantastique
Rappelons qu’avec le point de vue interne, le lecteur ne dis-
pose que de la version du narrateur. Se pose alors la question Guy de Maupassant,
de la véracité de ce qui est raconté. « Qui sait ? » p. 178
Le temps de la nouvelle
5. Dans l’esprit du narrateur, cette progression traduit un
Comprendre
sentiment d’oppression, de menace. C’est inéluctable : si la 1. Le point de vue adopté dans cet extrait est le point de vue
barque avance de jour en jour, fatalement, elle va finir par sor- interne, avec un narrateur-personnage. On peut le justifier par
tir du tableau. Si un sentiment désagréable s’empare du lec- les nombreux indices de la première personne.
teur, c’est le fait de la description initiale de la photographie 2. Les mots en gras expriment l’incompréhension du narra-
qui mêlait banalité et insolite. teur. L’originalité de ce texte vient du fait qu’il s’agit d’un inci-
L’expression de la peur pit et que le narrateur n’a pas encore partagé avec le lecteur
6. Le personnage que le narrateur reconnait est une femme, ce qu’il ne comprend pas, le phénomène fantastique dont il
une de ses ex-petites amies. Elle est présentée comme mena- est la victime.
çante et armée. Son corps « massif et menaçant dans son immo- 3. Au début de l’extrait, les types de phrases employés sont
bilité » (l. 35-36) participe de l’effet menaçant qu’elle représente. des phrases exclamatives et des phrases interrogatives.
7. Les éléments qui montrent la peur ressentie par le narra- Les phrases exclamatives (« Mon Dieu ! ») permettent d’expri-
teur sont : mer des sentiments, des émotions.
– « seule la femme m’intéressait » (l. 30) ; Les phrases interrogatives permettent de poser des questions
– « l’inquiétude, puis l’effroi » (l. 31) ; et de rendre compte d’une interrogation (« Mais le pourrai-
– « comment ne pas […] me souvenir de tout sans trembler ? » je ? »). Avec un narrateur interne, les phrases interrogatives
(l. 42-43) expriment un questionnement intérieur.

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4. Les propos du narrateur qui affirment qu’il n’a pas perdu la Howard Phillips Lovecraft,
raison sont : « Je suis d’ailleurs » p. 179
– « Si je n’étais sûr de ce que j’ai vu » (l. 4) ;
– « il n’y a eu, dans mes raisonnements aucune défaillance » Comprendre
(l. 4-5) ;
1. Le lieu décrit est un château.
– « aucune erreur dans mes constatations » (l. 5-6) ;
– « pas de lacune dans la suite inflexible de mes observations » 2. Les deux sens évoqués dans cet extrait sont :
(l. 6-7). – l’odorat (« Les pierres […] semblaient toujours atrocement
humides », « il régnait une odeur maudite, odeur de charniers
Le narrateur cherche, semble-t-il, à se rassurer, et à rassurer le
toujours renouvelés ») ;
lecteur. S’il n’est pas fou, et il n’est pas fou, alors son histoire est
– la vue (« le château était infiniment affreux », « l’œil, lorsqu’il
vraie. Cependant, immédiatement après, le narrateur met en
se hasardait vers [les hautes voûtes] »).
doute tout ce qu’il vient d’énumérer en écrivant : « Après tout,
qui sait ? » Le doute s’est installé dans l’esprit du lecteur pour 3. Dans cette description, les sens évoqués permettent de
ne plus le quitter. créer une atmosphère angoissante en donnant une odeur
particulière au lieu ainsi qu’une apparence.
5. Le narrateur désire écrire son histoire pour la partager et
pour ne plus être seul avec (« Pour m’en débarrasser, car je la
sens en moi comme un intolérable cauchemar », l. 12-13). De Étape 3 : la description d’un élément fantastique
plus, il veut prouver qu’il n’est pas fou. Cependant, il explique
que seul un être connait son histoire : « Le médecin d’ici » Prosper Mérimée,
(l. 11). Le lecteur peut légitimement douter de la santé men- « La Vénus d’Ille » p. 179
tale de celui qui a déclaré dès le début de la nouvelle ne pas
être fou... Or, il parle d’une maison de santé dans laquelle il Comprendre
a demandé à être interné. Tous ces éléments sont là pour 1. La partie de la statue qui intrigue le narrateur est son visage
brouiller les pistes entre rationalité et folie. car il mêle deux expressions opposées : « Quant à la figure,
jamais je ne parviendrai à exprimer son caractère étrange »,
Étape 2 : le temps et l’espace du fantastique l. 3-4 (on peut rapprocher cette description de celle de la pho-
tographie, p. 176 de cet atelier). Le narrateur essaie de com-
Guy de Maupassant, « La morte » p. 178 parer cette statue à celles qu’il connait déjà (« Ce n’était point
cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs », l. 5-6)
Comprendre mais en reconnaissant l’inutilité de cette comparaison.
1. Cette scène se déroule la nuit (« Quand la nuit fut noire, très 2. Les éléments en gras (« au contraire », « avec surprise »,
noire »). Ce moment est particulier car le narrateur prend la « légèrement », « cependant », « en vérité ») viennent nuancer
peine de répéter l’adjectif « noire » pour insister sur le carac- ou infirmer les propos du narrateur en vert (« j’observais »,
tère exceptionnel de cette nuit mais, également, il ajoute que « plus on regardait »). Le narrateur revient sur ce qu’il dit,
cette nuit-là, il n’y avait « Pas de lune » (l. 12). comme pris dans son incapacité à décrire clairement et objec-
2. La figure soulignée se nomme une énumération. Malgré tivement la statue.
l’obscurité, le narrateur parvient à explorer le lieu en utilisant 3. Les mots en gris (« la malice », « la méchanceté », « dédain »,
toutes les parties de son corps (mains, pieds, genoux, poitrine, « ironie », « cruauté ») sont utilisés crescendo. Plus la description
tête). de la statue se précise et plus les sentiments qui se dégagent
3. L’aveuglement du chagrin est rendu physique ici (« comme de sa physionomie et de son visage sont angoissants. On passe
un aveugle qui cherche sa route », l. 7-8) car le narrateur de la malice à la cruauté. Après avoir bien observé la statue, le
avance dans le noir, au sens propre du terme. Il est perdu dans narrateur ressent un malaise, un « sentiment pénible » (l. 13).
le cimetière comme il est perdu dans la vie depuis la dispa- Ce sentiment vient du fait que la beauté de la statue est mêlée
rition de la femme aimée. Son aveuglement réel lié à la nuit à une impression de cruauté qui se dégage de son visage.
noire symbolise l’aveuglement lié à son chagrin, cette longue 4. Une telle description, dans une nouvelle fantastique, joue
nuit de l’âme. un rôle important car elle installe un cadre fantastique en
Parmi les cinq sens, le toucher est sollicité dans ce texte (« Je associant des éléments que l’on n’a pas l’habitude de voir
touchais. Je palpais comme un aveugle », l. 7-8). Il compense ensemble (beauté/cruauté).
la vue absente (« Je lisais les noms avec mes doigts », l. 10). ▶▶Grammaire pour dire et pour écrire
C’est la longue énumération qui met en évidence que le sens
auquel le narrateur a recours, et ce avec toutes les parties de
J’applique
son corps, est le toucher. Le travail de rédaction proposé peut s’appuyer sur les procé-
4. L’acharnement du narrateur à retrouver coute que coute dés observés dans l’étape 3. On pourra proposer aux élèves
la tombe de la femme aimée, cette force qui l’habite dans de travailler au brouillon sous forme de deux colonnes :
le désespoir montre qu’il éprouve encore des sentiments – l’une présentant les caractéristiques ordinaires d’une arai-
d’amour et de passion pour cette femme. « Je ne la retrouvais gnée (arachnide, huit pattes, gros abdomen, corps velu...) ;
pas » (l. 11) est une phrase très ambigüe car on ne sait pas si – l’autre présentant l’étrangeté de cette araignée (le sourire, le
le pronom « la » désigne la femme aimée ou bien la tombe de regard orienté vers le narrateur...).
celle-ci. Le narrateur est en pleine confusion finalement de ce Le professeur amènera ses élèves à travailler en douceur la
qu’il vient chercher dans ce cimetière. transition entre la description de l’araignée ordinaire et son
5. Le type de phrase qui insiste sur cet effet d’égarement est la aspect étrange. L’analyse du texte 4, extrait de « La Vénus
phrase exclamative : « Des tombes ! des tombes ! », « Toujours d’Ille » de Prosper Mérimée, doit servir d’illustration à ce travail
des tombes ! À droite, à gauche, devant moi, autour de moi, d’écriture.
partout, des tombes ! » (l. 13-15).

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Étape 4 : l’expression de la peur Étape 5 : la chute de la nouvelle
Théophile Gautier, « La cafetière » Villiers de l’Isle-Adam, « Véra » p. 181
Guy de Maupassant, Le Horla p. 180 Comprendre
Comprendre L’auteur parvient à créer un effet de surprise en retardant le
moment de révéler quel objet est tombé du lit nuptial en
1. La peur provoque différents effets sur les personnages : réapparaissant. Il utilise par cataphore des substituts nomi-
– texte 5 : la peur provoque des réactions physiques (« mes naux (« un objet brillant », « cet objet ») ou pronominaux
cheveux se hérissèrent » , « mes dents s’entrechoquèrent », (« l’éclaira », « le saisit »), il décrit le bruit « métallique » que
« une sueur froide inonda mon corps ») ; celui-ci fait en tombant. La chute révèle au personnage et au
– texte 6 : le narrateur met en avant les effets psychologiques lecteur quel est cet objet.
que la peur produit sur lui (« Quelqu’un possède mon âme et Ici, le lecteur vit la découverte en même temps que le comte
la gouverne », « Je ne suis plus rien en moi, rien qu’un specta- d’Athol. Cette clef du tombeau avait été oubliée depuis le
teur esclave et terrifié »). début de la nouvelle, car elle avait été jetée dans le tombeau
Texte 6 de Véra et il n’en avait plus été question depuis. Villiers de l’Isle-
2. L’énumération insiste sur la dépossession de soi-même que Adam propose une chute particulièrement bien amenée.
ressent le narrateur. Il n’est plus maitre de lui-même et cela se
traduit sur tout ce qui le constitue (« mes actes », « mes mou- Activité finale p. 181
vements », « mes pensées »).
3. Dans le texte 6, nous ne pouvons déterminer la source de ▶▶Inventez une nouvelle fantastique à partir
la menace que ressent le narrateur. Ce danger est certaine- d’une image
ment une personne car on note l’emploi de termes comme
« quelqu’un », « il », mais sans pouvoir pour autant déterminer Au terme de cet atelier, le travail de rédaction d’une nouvelle
de qui il s’agit. Cette incapacité à nommer le danger renforce fantastique permettra de mettre en œuvre ce qui a été lu, vu,
le caractère inquiétant de la situation. observé et analysé afin d’en vérifier l’acquisition. Les ensei-
gnants auront pu enrichir cette préparation grâce aux nom-
Gustave Courbet, breuses « Astuces de rédaction » émaillant l’atelier, relevées au
Le Désespéré p. 180 fil des extraits littéraires proposées.
Ainsi, l’activité finale s’organise en trois temps : un temps col-
Comprendre lectif, un temps de travail en groupe et un temps d’écriture
1. Les sentiments qui se dégagent de ce tableau sont la peur, individuel. Chaque élève aura de cette manière l’occasion de
l’angoisse, l’effroi, l’incrédulité. partager et de soumettre à ses camarades ses idées pour la
rédaction d’une nouvelle fantastique.
On se propose de rédiger la dernière étape de manière indi-
Ressource numérique VIDÉO
viduelle car la chute de la nouvelle est l’étape la plus difficile ;
Reportage sur Gustave Courbet cela permettra à l’enseignant de vérifier que la notion est
Le reportage vidéo, intitulé « Courbet, peintre réaliste », acquise pour tous ses élèves.
a été réalisé dans le cadre d’une exposition consacrée
au peintre Gustave Courbet. Il présente le peintre et
sa peinture révolutionnaire. On attribue à Courbet les
propos suivants  : «  Quand j’arrêterai de choquer je
cesserai d’exister ».

2. On ne peut a priori pas déterminer le personnage repré-


senté. Le reportage vidéo proposé en ressource numérique
permet cependant d’apprendre que Gustave Courbet s’est
représenté lui-même, qu’il s’agit d’un autoportrait.
3. On peut parler de «révolution du regard » car le peintre,
Gustave Courbet, « impose la subjectivité de l’artiste sur
la toile, c’est lui qui choisit le sujet, le cadrage... ». En effet,
G. Courbet a traité comme des sujets nobles des scènes de
la vie quotidienne (le reportage cite L’Enterrement à Ornans,
dans lequel il peint les obsèques de gens ordinaires). Il a
accordé un véritable statut à des sujets « bas » (comme le fait
É. Zola en donnant à voir les réalités sociales : voir parcours
« Une vie, une œuvre : Émile Zola, écrivain témoin », p. 150).

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