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Landing BADJI, Professeur de Lettres Modernes

Au Lycée Dioudé Diabé dans l’Ile Amorphie

IA Saint-Louis

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Etude panoramique de l’histoire d’un genre littéraire :

Roman

Avant-propos
La question qui fait lyrique à ma bouche est de savoir comment le genre romanesque qui était
considéré comme un genre mineur à une époque récente a pu coloniser l’espace littéraire ? Répondre
une telle interrogation reviendrait dans ce qui suivra à faire une étude diachronique montrant ainsi
l’épanouissement qu’il s’est donné. Contrairement aux autres genres littéraires, le roman s’est enrichie
de manière exponentielle au courant de chaque époque jusqu’à l’installation du Nouveau Roman vers
les années 1950. D’ailleurs c’est que souligne Raymond Queneau dans son œuvre Technique du roman
(1937) quand il dit « Alors que la poésie a été la terre bénie des rhétoriques et des faiseurs de règles,
le roman, depuis qu’il existe, a échappé à toute loi. N’importe qui peut pousser devant lui comme un
troupeau d’oies un nombre indéterminé de personnages apparemment réels à travers une lande longue
d’un nombre indéterminé de pages ou de chapitres. Le résultat, quel qu’il soit, sera toujours un roman ».
Une telle liberté se traduit au regard de l’engouement et de l’appétit que les lecteurs ont porté sur ce
genre. Une autre raison trouve son expression dans l’idée que le roman demeure le seul genre littéraire
qui admettait des diversités de vision, d’opinion, et surtout de point de vue ; c’est-à-dire il était populaire
de par son caractère protéiforme.

A un moment donné, bon nombre d’écrivains voyaient en lui le miroir de la société. Autrement
dit, il avait cette aptitude et cette capacité de relater toutes les imbrications historiques de la vie et du
devenir de l’homme. Une telle appréhension a été soulignée par le critique littéraire, le formaliste russe
Mikhaïl Bakhtine qui nous dit, (dans Esthétique et théorie du roman, 1978, je rappelle à ce niveau
que mon mémoire universitaire était bâti autour de son idéologie à savoir le roman qui se caractérise
par sa polyphonie), que le roman existe dès le moment où le récit repose sur une dynamique qui
représente l’homme dans son devenir1. Dès lors, on voit donc que ce genre romanesque était toujours
au chevet de la société comme une caméra qu’elle soit visuelle ou cachée. C’est probablement dans ce
contexte qu’un des personnages de Stendhal dans Le Rouge et le Noir (1830) déclare « Eh, monsieur,
un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des
cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par
vous accusé d’être immoral ! Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt
le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le
bourbier se former.»2 On voit tout de suite que la vocation réelle du roman était toujours de restituer la
réalité dans son intégralité malgré ses limites à transcrire la totalité de la vérité. D’ailleurs cette situation
à susciter de vives polémiques concernant le vrai visage du roman car pour certains comme Guy de
Maupassant dans la Préface de son roman Pierre et Jean, « Faire vrai consiste donc à donner l’illusion
complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-
mêle de leur succession. J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des
illusionnistes.3». Cela est d’autant plus visible dans sa célèbre citation qui faisait l’objet de critique des
réalistes en disant que « Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photocopie
banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la
réalité même.4». Déjà on voit à ce niveau la problématique du roman que nous aurons l’amabilité de
répondre pour le grand bonheur certes des élèves.

Cette étude a pour objectif de permettre aux apprenants d’avoir un outil d’apprentissage
nécessaire malgré une prolifération d’études portées sur ce genre romanesque. Il est aussi important de
le signaler que cette étude nous aidera dans nos préparations de cours, elle apportera sa pierre angulaire
à la construction de l’édifice humanitaire qui se fait dans les lieux du savoir. Ainsi, conscient de la
dimension de ce champs, conscient aussi de l’exploitation permanente et récurrente qui s’est faite durant
des années, conscient aussi de l’enjeu qui prévaut aujourd’hui avec l’emprise de l’internet, je me suis
dit qu’il est important pour moi de continuer mon projet déjà entamé dans la poésie 5 qui consiste à faire
une étude qui sera certes non exhaustive de l’histoire littéraire du roman. C’est la raison pour laquelle
je me dois de m’interroger sur cette problématique à savoir : d’où vient le mot roman ? Quelle évolution
s’accorde-t-il ? Qu’est-ce qui le caractérise ? Quel rôle s’attribue-t-il dans la vie sociale ? Est-il vraiment
un genre réaliste comme le pensent certains? Quelles sont ses perspectives ? Pourquoi est-il devenu un
genre majeur ? Quelle définition le monde littéraire l’attribue-t-il ? Quelle place occupe-t-il dans la
littérature négro-africaine ? Voilà autant de questions qui aiguisent et hantent notre esprit. Dans ce qui
suivra, nous attacherons tant soit peu de répondre à ces questions même si nous savons très bien que
cette aventure sera handicapée par des pièges et embuches qui, à leur tour, parchemineront un certain

1
Mikhaïl Bakhtine. Esthétique et théorie du roman, 1978, opt,cit.
2
Isabelle Mimouni et all., Classes des lycées, littérature et étude de la langue, Foucher, 2005, opt. Cit. p.22.
3
Guy de Maupassant. Pierre et Jean, Paris, 1888, p.38
4
Guy de Maupassant. Pierre et Jean, Paris, 1888, p.37
5
Mon étude portant sur la Poésie : Une étude panoramique de l’histoire d’un genre littéraire : la poésie.
nombre d’approches sur notre chantier qui se construit autour d’un sentier déjà battu. En revanche, je
dirai que c’est dans la difficulté que l’intellectuel doit se faire et se refaire car nous dit Kant « Aie le
courage de te servir par ton propre entendement ». Autrement dit il essaie d’exhorter ainsi ses confrères
à faire face à un monde où l’hostilité assujettit la liberté.

I. Les origines du roman

L’existence d’une langue différente du latin et du germanique est attestée dès le VIIIe siècle ; le
premier texte est le Serment de Strasbourg (842). Lors du partage de l’Empire de Louis le Pieux entre
ses fils, Louis le Germanique prononce le serment en « roman », de façon à être compris par des troupes
de son frère Charles Le Chauve. Le « roman » représente le stade intermédiaire entre le latin et le
français. Ainsi, il faut souligner que cette langue française est une langue « romane », c’est-à-dire
dérivée du latin (l’adjectif «roman » vient de « Romanus » : Romain), au même titre que l’indien,
l’espagnol, le portugais, et le roumain. Naturellement, la transformation ne s’est pas faite du jour au
lendemain : Il a fallu de longs siècles pour que la langue nouvelle se dégageât de l’ancienne. D’autre
part, le latin n’a pas donné naissance à une seule langue, mais à un grand nombre de dialectes, d’abord
d’importance à peu près équivalente, mais dont l’un, le « francien », s’est imposé peu à peu. Donc du
« roman » se dégage, avec l’apparition des textes littéraires, « l’ancien français », caractérisé par une
autonomie plus grande à l’égard du latin, mais aussi par le maintien de la distinction entre le cas sujet et
régime (j’espère que tout le monde se rappelle, exception faite aux élèves, de ses cours à l’université
concernant la grammaire historique).

Donc on peut dire ce mot roman s’était affranchi du latin pour désigner la langue vulgaire, la
langue parlée de communication. L’expression « mettre le roman » renvoie à la transcription et à
l’adaptation en langue romane de textes divers, (comme on l’a vu précédemment avec le serment de
Strasbourg), alors que l’on nomme « estoire»6 ou « conte » le récit de fiction. Cependant, dans le
prologue du Chevalier à la Charrette (1176-1181), Chrétien de Troyes (v.1135-1183) affirme
« entreprendre un roman » : nait ainsi un rapprochement entre ce terme roman et une forme narrative
spécifique. D’ailleurs parlant de cet auteur considéré comme le premier véritable romancier français,
Michard et Lagarde écrivent « Chrétien de Troyes est un des écrivains qui ont le plus fait pour que le
mot « roman », qui s’appliquer à l’origine notre langue vulgaire, en vienne à désigner certains ouvrages
écrits dans cette langue 7». Alors nous devons retenir que ce rapprochement qui aboutit à la désignation
générique et moderne du mot roman vient de cette langue reprise dans les textes des auteurs en
l’occurrence Chrétien de Troyes. A présent faisons un inventaire de son évolution.

6
Dominique Rincé et all. . Français premier, toutes séries : Paris, Nathan, 2007, p.334
7
Lagarde et Michard, Collection littéraire, Le Moyen Age, 1963, P.57
II. Evolution du roman français

Selon bon nombre de critiques littéraires, le roman aurait au l’époque médiévale, c’est-à-dire
dépendant d’une langue vulgaire et vernaculaire. Alors que pour certains comme Bakhtine pensent le
contraire montrant alors que roman peut exister à partir du moment où on peut représenter l’homme
dans son être et son devenir. Il conviendrait dans ce qui suit de voir son évolution.

1. Une approche antique et moyenâgeuse

Deux approches peuvent être soumises à notre réflexion. Il s’agit d’étudier d’une part le roman
antique et d’autre part la conception médiévale.

a. La question du roman antique

Pour Bakhtine, le roman existe dès le moment où le récit repose sur une dynamique qui
représente l’homme dans son devenir. Il distingue ainsi l’Iliade (épopée dont la matière est le collectif)
de l’Odyssée, qui, à partir du périple d’Ulysse, ressemblerait déjà à un roman. Pour d’autres, il convient
de réserver l’application à des œuvres plus tardives : le roman prendrai naissance dans des sociétés en
mutation, grecque (entre le Ier et le IIIe siècle av. J.-C.) puis latine (celle de la Rome impériale), qui
accordent plus de place à la notion d’individu et où peuvent s’exprimer un questionnement, un parcours
et une réponse personnels face aux hasards du monde. Très vite, le genre est aussi nettement marqué par
un monde de représentation réaliste. Ainsi, le Satiricon de Pétrone (Ier siècle), roman d’amour est
également un tableau des mœurs sous Néron, au fil des différents milieux que côtoient trois jeunes gens
pendant leur voyage en Italie. Donc tout cela vient remettre en doute la perspective selon laquelle le
roman aurait né au moyen, voire même considéré comme un genre mineur. Il y a lieu de se demander
quand n’est-il alors de l’avènement du roman médiéval ?

b. L’avènement du roman médiéval

Dans l’histoire du roman français, le XIIe siècle constitue un moment fondateur. Cette naissance
du roman s’inscrit dans l’espace, celui des diverses cours, où apparaît un public nouveau, laïc, dont on
s’efforce de prendre en compte les goûts et les valeurs.

Ce roman du XIIe siècle ne ressemble pas à la prose narrative que nous connaissons. Il est écrit
en vers et il faudra attendre le XIIIe siècle pour qu’apparaisse, puis s’impose l’écriture en prose. Le récit
médiéval aborde essentiellement trois « matières » : la « matière de France » qui constitue davantage le
sujet de l’épopée ; la « matière antique » qui donne naissance aux Romans de Thèbes, Enéas et Troie ou
aux diverses versions du Roman d’Alexandre ; et enfin, la « matière de Bretagne » qui nourrit à la fois
le Tristan, et les romans arthuriens, dont le maître de l’œuvre est Chrétien de Troyes ( avec, entre autres
Le Chevalier à la charrette ou Le Conte du Graal, resté inachevé). Ces romans observent un schéma
répétitif : celui d’une errance et d’une quête, à travers lesquelles se découvre et se construit le
chevalier ; ils préfigurent ainsi les romans initiatiques modernes.

Le XIIIe siècle et le XIV siècles prolongent cette période foisonnante : on y trouve de


nombreuses réécritures en prose du Graal, dans de vastes cycles comme le Lancelot-Graal (entre 1220
et 1230) ou le Perceforest (vers 1340). Cependant, avec l’essor d’une certaine bourgeoisie urbaine et
l’évolution des goûts du public de cour, émergent de nouvelles formes : d’une part, une fiction réaliste
(par exemple, Galeran de Bretagne de Renaut) où s’ébauche une certaine vraisemblance
psychologique ; d’autre part, une représentation, largement allégorique, des motifs de la poésie courtoise
avec notamment le Roman de la Rose (vers 1225-1230) de Guillaume de Lorris, repris par Jean de
Meun (vers 1268-1282). De ces mutations naissent deux veines romanesques qui marqueront
durablement le genre : celle du réalisme et celle de l’idéalisation.

c. Un genre mineur au XVIe siècle

Les réécritures, sérieuses ou parodiques, des romans de chevalerie connaissent encore, au XVIe
siècle un énorme succès « populaire ». La production romanesque est aussi marquée par l’influence
considérable de deux œuvres, l’une italienne, Orlando Furioso (1516), et l’autre espagnole, Amadis
(1508). Mais ces aventures, où dominent l’invraisemblance et le merveilleux, contribueront à écarter du
genre un public plus érudit et plus exigeant. De plus, le roman, par son sujet comme par sa facture,
incarne ce passé médiéval, cette « ère de ténèbres », avec laquelle l’humanisme renaissant souhaite
rompre. Seul Rabelais (De Rabelais, on retient avant tout quatre fictions romanesques : Pantagruel
(1532), Gargantua (1534 ou1535), le Tiers Livre (1546), et le Quart Livre (1548-1552) ; l’authenticité
du Cinquième Livre reste pour le moment discutée) réussira à allier la fiction débridée et parodique de
son univers de géants aux ambitions de l’humanisme.

Il est clair que le roman vient d’une langue vulgaire, vernaculaire mais il y a de quoi à demeurer
dubitatif car le roman existait déjà dans l’antiquité gréco-romaine si l’on en croit l’approche de Mikhaïl
Bakhtine. Cependant quand est-il du roman à l’âge classique ?

2. Le roman à l’âge classique

A cette époque, qui a été toujours décisive pour l’histoire littéraire, une période très féconde,
riche des idées diverses mais qui constitue aussi un courant permettant au roman d’avoir un certain
épanouissent même si d’autres montrent un peu retissant.

a. Un genre suspect mais fécond


 Un mépris durable.
La méfiance du XVIe siècle pour le roman s’est étendue aux siècles suivants. Elle s’accentue
après 1650 avec le rejet des récits héroïques et sentimentaux de la période baroque. Le mépris des doctes
pour ce genre, destiné au pur divertissement ou à un public féminin, est à peu près constant. De même
l’Eglise n’encourage guère ces récits « mensongers » et parfois licencieux, qui pervertissent
l’imagination et introduisent le venin de l’immortalité. Les auteurs eux-mêmes considèrent avec mépris
ce genre qui n’a pas fait l’objet d’une poétique permettant de l’élever au rang d’œuvre d’art.

Madame de la Fayette (La Princesse de Clèves, 1678), ne signera pas son œuvre. Diderot
regretta que l’on n’adopte pas une autre terminologie pour baptiser le roman vrai qu’il appelle de tous
ses vœux (Eloge de Richardson, 1761). C’est d’ailleurs ce qu’il souligne en ces mots « Par un roman
on a entendu jusqu’à ce jour un tissu d’événements chimériques et frivoles, dont la lecture était
dangereuse pour le goût et pour les mœurs. Je voudrais bien qu’on trouvât un autre nom pour les
ouvrages de Richardson, qui élèves l’esprit, qui touchent l’âme, qui respirent partout l’amour du bien
, et qu’on appelle aussi des romans.8». C’est dire que le roman de Richardson a bouleversé l’ordre
traditionnel en allant jusqu’ aux antipodes du roman canonique. Il fait l’éloge du roman de l’anglais
Richardson qu’il qualifie de vrai roman, un roman qui exploite toutes les moralités de la société de son
temps. C’est d’ailleurs ce qui lui fait dire « Mais un homme d’esprit, qui lit avec réflexion les ouvrages
de Richardson, refait la plupart des sentences des moralistes ; et avec toutes ses sentences il ne refait
pas une page de Richardson 9». Donc l’art romanesque de l’auteur anglais préfigure en mettant en avant
toutes les leçons moralisatrices en action grâce à la mise à jour d’une réalité profonde.

Partant de cette réalité, il est important de voir la question fondamentale qui met en valeur le
rapport complexe qu’entretiennent fiction et vérité : peut-on atteindre le vrai à travers le mensonge ?
L’illusion romanesque ne détourne-t-elle pas dangereusement de la réalité ?

 Un éclatant succès

Au-delà de ces réserves, le roman aux XVII e siècles et XVIII e siècle est un genre fécond. Parce
qu’il a continué à s’élaborer en échappant aux codifications du classicisme, il offre un formidable espace
de liberté : il est ouvert à tous les procédés, à tous les registres, à tous les domaines de l’expérience
humaine, de la réalité sociale à l’exploration des âmes10. Ces deux siècles sont ainsi un véritable
chantier d’élaboration du genre.

Le succès accompagne cet élan. Sous Louis XIII, les élites aristocrates et bourgeoises expriment
un engouement sans précédent pour le roman, qui passe au rang d’un véritable art de vivre ; un peu plus

8
Isabelle Mimouni et all., Classes des lycées, littérature et étude de la langue, Foucher, 2005, opt. Cit. p.293.
9
Ibidem.p293
10
Dominique Rincé et all. . Français premier, toutes séries : Paris, Nathan, 2007, p.334
tard, Guilleragues ou Mme de La Fayette l’élèveront au stade d’une vérité supérieure et exaltante ; le
XVIIIe siècle accentuera son pouvoir de représentation en jouant de ses multiples possibilités formelles.

En somme, durant ces deux siècles, pour lesquels la postérité a largement retenu la domination
de la tragédie puis le discours philosophique, on aura beaucoup écrit et lu de romans !

b. Les évolutions du genre


 Entre romanesque et réalisme

Le début du XVIIe siècle, baroque, est marqué par une fièvre du « roman romanesque » : celui-
ci accumule péripéties héroïques et histoires extraordinaires, tout en reflétant les préoccupations
raffinées d’un public mondain. Le roman-fleuve triomphe. Les 5000 pages de L’Astrée (1607-1627)
comme les dix volumes d’Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653), symbolisent cette première veine.
A côté de ces romans de l’idéalisation s’impose aussi un courant plus réaliste, celui du « roman
comique » (Scarron, Le Roman comique, 1651-165). Dans le sillage du Don Quichotte(1605) de
Cervantès et des récits picaresques, le romancier procède à un travestissement grotesque du pur
romanesque : il en dénonce les illusions et affirme ainsi sa propre ambition à représenter le réel, à
partir d’une humanité médiocre ou misérable.

 Le roman « classique »

Au tournant du siècle, le genre se dégage de ce double courant, sous l’effet de l’esthétique


classique qui impose son souci de sobriété et de naturel contre les excès baroques. Madame de la Fayette
(Le Princesse de Clèves, 1678) trouve ainsi dans l’histoire récente, celle du règne d’Henri III, la matière
d’un récit vraisemblable, attentif au cadre et aux événements comme à la cohérence psychologique des
personnages. Elle fonde, avec la Princesse de Clèves (1678), la tradition du roman d’analyse qui
marquera durablement le paysage littéraire français.

 Le foisonnement des formes au XVIII siècle.

Le début du XVIIIe siècle apparaît comme un point de rencontre des tendances précédentes :
Les Aventures de Télémaque de Fénelon (1699) allie ainsi le foisonnement baroque aux perspectives
plus didactiques du récit de voyage, alors que le Diable boiteux (1707) ou Gil Blas (1715-1735) de
Lesage renouent avec l’inspiration picaresque. Commence ensuite une période de bouillonnement
créatif : innovation des techniques narratives, jeu avec les formes, exposition du récit à la première
personne, recherche d’un équilibre entre illusion et distanciation ironique, etc. Deux formes imposent
leur éclatant succès : le roman-mémoires (Manon Lescaut, 1731 ; Les Egarements du cœur et de l’esprit
(1736) de Crébillon) et le roman épistolaire (Lettres persanes, 1721 de Montesquieu ; La Nouvelle
Héloïse, 1761) de Rousseau). Diderot écrit, avec Jacques le Fataliste (1778), le premier anti-roman de
l’âge moderne.
3. Le triomphe du roman au XIXe siècle

Le triomphe du roman au XIXe siècle est inséparable de celui de la bourgeoisie et de ses valeurs.
L’histoire littéraire retient pour le genre deux courants majeurs : le réalisme et le naturalisme. Mais
l’évolution du roman au XIX e siècle offre aussi un visage plus complexe.

a. Voies romantiques

Le roman occupe une place de choix, à l’âge romantique. Le XVIIIe siècle et ses subjectifs
avaient ouvert la voie à l’expression du sentiment personnel chez Senancour (Oberman, 1804),
Constant (Adolphe, 1816) ou Chateaubriand (Atala, 1801, René, 1802). Bientôt, sous l’influence de
Walter Scott, un autre horizon s’ouvre celui du roman historique dont Cinq-Mars de Vigny (1826),
Les Chouans de Balzac (1829), Notre-Dame de Paris d’Hugo (1831), et plus tard Les Trois
Mousquetaires de Dumas assurent le succès. Si le pittoresque permet une forme de dépaysement, le
propos de ces romans est aussi d’expliquer le présent par le passé et d’atteindre une forme de vérité
historique. Il n’y a qu’un pas à franchir pour que, désormais, le romancier se fasse l’historien du présent.

b. Réalisme et naturalisme

La réalité constitue l’ossature même des romans réaliste et naturaliste. Les écrivains de cette
époque se considéraient ainsi comme de traducteurs fidèles du vrai caractérisé par une minutieuse
description des faits sociaux.

 Le petit fait vrai

En situant ses romans dans une époque récente, Stendhal s’écarte du genre historique. Si ses
héros, déchirés entre leurs idéaux et la médiocrité que leur impose la société, restent tributaires d’une
vision romantique du monde, il ouvre cependant la voie d’un réalisme nouveau. Il entend fonder sa
fiction sur l’étude du vrai et copier la réalité d’après nature. Dans le Rouge et le Noir (1830), Saint-
Réal affirme ainsi qu’ « un roman, c’est un miroir que l’on promène le long du chemin 11». Il y a lieu de
préciser ici comme quoi cette citation de Stendhal est transcrite de différente manière dans des manuels.
Raison pour laquelle, il est de mon devoir de vous le signaler par mesure de précaution car nous devons,
en tant que transmetteur du savoir, agir dans la rigueur du travail. Ainsi dans ce livre comme dans Lucien
Leuwen, une série de détails « vrais », empruntés à des souvenirs personnels, à des faits divers ou à la
chronique contemporaine, donne à l’œuvre son poids de réalité. Se construit alors un nouveau héros
romanesque, essentiellement confronté aux forces sociales et historiques du monde réel.

11
Isabelle Mimouni et all., Classes des lycées, littérature et étude de la langue, Foucher, 2005, opt. Cit. p. 336
 Individu et société

Chez Stendhal déjà, mais surtout chez Balzac et Zola, ou même Flaubert, s’installe l’illusion
qu’il existe une sorte d’équivalence entre la réalité sociale et la narration romanesque. Dès lors, le
personnage et son parcours expriment une certaine idée des rapports entre individu et société. C’est dans
cet univers cohérent que s’inscrit le personnage. Ainsi réussissent, chez Balzac, ceux qui, tels Vautrin
ou Rastignac (Père Goriot, 1834-1835), savent vivre dans le sens que leur impose la société, alors que
sont broyés ceux qui, tels Eugénie Grandet (Eugénie Grandet, 1833), en méconnaissent le
fonctionnement ou tentent de s’y opposer. Le statut du personnage zolien, (Les personnages des Rougon-
Macquart, c’est-à-dire Histoire naturelle et sociale d’une famille sous Le second Empire), est
sensiblement différent : au-delà de ses déterminismes, il apparait aussi comme une force qui tente d’agir
sur le monde.

 Connaissance du réel

Lorsque Balzac se présente comme l’ « historien des mœurs » de son temps, il donne de
nouvelles ambitions au roman : constituer les archives du présent, transmettre sur cette société le savoir
que détient le romancier analyste et observateur. Zola, à partir de 1865, prolonge la voie balzacienne :
à partir d’enquêtes, d’observations et d’analyses, qui s’appuient sur une démarche scientifique, la
fiction des Rougon-Macquart devient ainsi un instrument de connaissance.

c. Une question d’art et du style.


 Les « illusionnistes »

Mais si le roman n’est pas de l’ordre du réel ou du réalisme, il conviendrait alors de parler d’une
illusion réaliste construite par le romancier sous forme d’un art romanesque. Dans sa préface de Pierre
et Jean (1888), Maupassant souligne conception en montrant que « faire vrai consiste à donner
l’illusion complète du vrai suivant la logique ordinaire des faits, et non les transcrire servilement dans
le pêle-mêle de leur succession 12». Il en conclut que « Ces Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt
des illusionnistes » : la composition, la nécessaire stylisation du réel, le recours aux personnages
mythiques et symboliques pour atteindre l’intensité frappante de la vérité, tout concourt à ce tour de
prestidigitation, garant de l’ « effet du réel » (Barthes).

 L’épreuve de l’écriture

Sans doute renvient-il à Flaubert, qui refuse l’étiquette réaliste, d’avoir posé la question
essentielle du style, justement qu’à évacuer la notion de sujet : « En se posant du point de vue de l’Art
pur, il n’y en a aucun, le style étant à lui seul une manière absolue de voir les choses 13».Ces manuscrits

12
Referez-vous à la note N03.
13
Dominique Rincé et all. . Français premier, toutes séries : Paris, Nathan, 2007, p.336
témoignent de ce travail. Il accorde ainsi une valeur particulière au rythme musical de la phrase, où
s’insèrent clichés et syntagmes figés avec leur charge ironique, et soumet son texte à l’épreuve du
« gueuloir » à voix hante. De ce roman devenu l’aventure d’une écriture, le XXe siècle gardera
durablement l’héritage précieux. Donc le style est une sorte de démarcation personnalisée qui permet à
l’écrivain d’imprimer dans son écriture une touche qui lui est propre.

En résumé, il faut tout simplement dire que le XIX e siècle a été décisif de par sa démarcation
en portant le genre romanesque vers une dimension hautement réaliste. Mais cela a entrainé
immédiatement des conséquences d’autant plus qu’il a été réduit et remis à sa vraie place en le qualifiant
de roman illusionniste. Du coup, les romanciers étaient obligés de s’adonner à la perspective d’une
nouvelle écriture instaurée par Flaubert qui est perçu à son tour comme un romancier de trait d’union
entre le XIXe et XXe siècles.

4. L’éclatement du roman au XXe siècle.

L’éclatement des formes et de la notion même de genre rend particulièrement délicate toute vue
d’ensemble de la production romanesque du XXe siècle. On se limitera ici à la période qui va de Proust
aux années 1970, en notant toutefois que l’on observe depuis deux ou trois décennies le retour à des
formes et des personnages romanesques plus traditionnels.

a. Héritages pluriels

Le XXe siècle n’est pas seulement un siècle de rupture. Il est d’abord l’héritier d’une désormais
longue et féconde tradition romanesque. On peut globalement distinguer trois prolongements majeurs :

 Le réalisme

Dans cet héritage du réalisme figurent bien entendu les vastes fresques sociales et historiques
que constituent les Thibault (1922-1940) de Martin du Gard ou Les Hommes de bonne volonté (1932-
1946) de Romains. L’œuvre de Proust (Du côté de chez Swann, 1913) ou celle d’Aragon prolongent
elles aussi, par bien des aspects, la description balzacienne ou stendhalienne de la société. A y regarder
de plus près, l’illusion réaliste survit très largement à ce XIXe siècle auquel on l’a attachée car, même
si les perspectives et les techniques narratives se sont modifiées, c’est bien encore sur elle que se
construisent le monde de Zénon dans L’Œuvre au noir (1968) de Yourcenar ou l’univers complexe de
Giono dans Un roi sans divertissement (1947). Et le Nouveau Roman lui-même n’aboutira-t-il à une
forme de réalisme nouveau si ce n’est que l’on ne croit plus à une perception unifiée du réel et qu’il faut
en ce cas inventer un autre terme, comme celui de « réalisme objectif » parfois avancé ?

 L’analyse psychologique.

Là encore, il convient de distinguer un héritage direct, celui d’un Mauriac par exemple, et une
évolution, pour laquelle, malgré une certaine parenté, le terme d’analyse psychologique semble ne plus
tout à fait convenir. Au psychologique pur se substituent désormais l’aventure d’une conscience chez
Proust, les soubresauts de l’inconscient ou l’étude des « tropismes » chez Sarraute (« disent les
imbéciles », 1976). A l’analyse menée par le romancier succèdent la voix du monologue intérieur, celle
des sous-conversations ou d’un « je » indéterminé (comme dans La Chute, 1956, de Camus).

 L’aventure de l’écriture

Gide, avec Les Faux-Monnayeurs (1925), avait écrit le roman du roman : il se situe au
croisement de l’œuvre d’un Diderot et de celle d’un Flaubert. Perec fait aussi du roman l’aventure
d’une écriture lorsqu’il relève le défi de La Disparition (1969), celle du « e » dans son texte. Surtout,
Céline (Mort à crédit, 1936), ou Simon ambitionnent, comme le proposait Flaubert, d’écrire ce roman
où « le style (est) à lui seul une manière de voir les choses ».

b. Ruptures et innovations
 La crise du genre

Dès 1918, les surréalistes récusent violemment le genre romanesque jugé « bourgeois ». Ils
refusent le contrôle qu’impose la construction narrative alors qu’ils entendent donner libre cours aux
forces vives de l’imagination et de l’inconscient. A partir des années 1950, le Nouveau Roman et, bien
au-delà de ce courant, une grande partie de la modernité romanesque rejettent les formes traditionnelles
du genre, la notion de personnage et l’illusion réaliste. L’approche du réel-si réel il y a- n’est plus
qu’une vision fragmentaire, morcelée, éclatée. Le langage apparaît comme impuissant à dire ce rapport
complexe entre un sujet et ce qu’il perçoit comme réalité (Le Procès-verbal, 1936, de Le Clézio). La
notion même de réalité est d’ailleurs mise à mal. Le roman est entré dans « l’ère du soupçon 14» et on
préfère souvent lui substituer le terme, plus vague de « récit ».

 Les innovations de l’écriture

Paradoxalement, une telle situation n’aboutit pas à la mort du roman, mais à une fascination
révolution de l’écriture romanesque. Elle concerne d’abord la composition du récit qui, souvent, adopte
plus une progression linéaire : on privilégie les constructions complexes, le flot incontrôlé du rêve, de
la pensée et de la mémoire ou la simple juxtaposition des faits, sans logique apparente. La voix du
narrateur qui assurait une certaine cohérence illusoire disparaît au profit de la polyphonie narrative
Giono (Un roi sans divertissement, 1947), d’une énonciation indéfinie et fluctuante ou d’une voix à
l’agonie (Beckett, Malone meurt, 1951). Le roman renouvelle aussi la langue romanesque par
l’introduction d’une écriture plus proche de la parole brute (Céline, Mort à crédit, 1936) ou par le refus

14
Sarraute. L’Ere du soupçon, Paris, Gallimard, 1956. Optc, p.315
des artifices littéraires. L’apparente déconstruction du langage chez Simon, Beckett, ou encore Le
Clézio dit enfin cette facture comme irréductible entre l’homme et le monde.

En somme, force est de croire que l’évolution du roman français s’est faite selon une évolution
de leur mentalité, de leur manière de faire, d’agir, de sentir et de voir les choses. C’est d’ailleurs ce qui
fait dire au personnage de Montesquieu dans les Lettres persanes que « les Français changent de mœurs
selon l’âge de leur roi».15. Ainsi, le roman s’est défini par rapport au rythme des courants littéraires
mais sa dimension réaliste connaît un succès sans précédent jusqu’au XXe siècle. Cependant, dès cette
époque, le roman africain a aussi fait ses apparitions tout en imprimant ses marques dans la société qui
l’a vu naître. Alors qu’en est-il de son évolution ?

III. L’évolution du roman africain

Avec les mouvements qui se sont déchainés un peu partout dans le monde surtout celui de la
Négro- renaissance en passant par le mouvement de la Négritude et la littérature colonialiste, le continent
africain n’a pas attendu l’accession à l’indépendance de la plupart de ses Etats pour témoigner de sa
problématique romanesque. Il faut le rappeler ici, s’il y avait un genre qui témoignait réellement ou du
moins qui imprimait les marques de la société traditionnelle africaine c’est bien sur la littérature orale
surtout avec le conte. C’est, en effet, dans cette jonction entre la tradition africaine et les techniques du
roman traditionnel africain qu’est né le roman négro-africain.

Vu les falsifications des thèses colonialistes (Pierre Loti, Le roman d’un spahi, 1881), vu aussi
le besoin pressant et présent des sociétés africaines à se décoller de leurs propres ailes, le roman africain
paraîtra en corrélation avec l’évolution des mentalités socio-politiques des sociétés à travers les âges
prenant ainsi une portée psychologique, morale et sociale. D’ailleurs bon nombre d’intellectuels et
d’écrivains noirs vont s’engager dans l’aventure de l’écriture pour témoigner leurs positions et porter un
choix sur le devenir de cette société à la prise avec l’Occident. C’est ainsi qu’apparaîtrons au fil de la
progression du roman négro-africain trois étapes coïncidant avec l’évolution socio-politique du
continent : la première période (1920-1945), la deuxième période (1945-1960), et la troisième
période (1960 à nos ours).

1. La première période (1920-1945)

Cette période est qualifiée de consentement car elle constitue une période décisive. Elle apparaît
comme une époque d’assimilation avec la culture occidentale. De ce mariage entre les cultures, les
romanciers africains ont jugé nécessaire de chanter les louanges de la culture de l’autre perçue comme
un salut salutaire. Même si l’œuvre de René Maran Batouala (1921) constitue une exception, le roman
négro-africain de la première génération va s’accoupler avec l’idéologie occidentale leur permettant de
chanter mutuellement leurs aspirations au regard de l’évolution des sociétés. Ainsi beaucoup d’auteurs

15
Montesquieu. Les Lettres persanes, Lettre 99, 1721.
séduits par la civilisation européenne vont porter cette culture au faîte de leur culture même. Ils sont
pour la plupart des instituteurs au service de l’école coloniale. Il s’agit entre autres d’Amadou Mapathé
Diagne qui publie Les trois volontés de malic en 1920. Certains écrivains tirailleurs en l’occurrence
Bakary Diallo nous feront un témoignage sur la grandeur et la puissance coloniale dans son roman
Force bonté publié en 1926.

En outre, une autre attitude du roman s’est faite sentir nous révélant ainsi les mœurs et l’histoire
des africains malgré les marques d’impression qui se sont insurgés dans notre culture. Ce roman se
caractérise par son caractère consensuel. Cette orientation sera encouragée et soutenue par les colons
qui y voient une preuve de la réussite de leur politique coloniale. Toute autre position est ce besoin
qu’on les Africains de s’identifier à des figures prestigieuses d’une époque révolue. Cela s’explique sans
doute par une importance étude accordée aux récits épiques, chroniques ou de contes et légendes qui
exaltent le culte du héros et en restituant la mémoire des temps anciens. Cela permettra à la postérité
d’avoir des repères pour mieux se définir dans une société africaine en pleine mutation. Parmi les
romanciers qui se sont illustrés on peut nommer le sénégalais Ousmane Socé Diop avec son chef-
d’œuvre Karim (1935), le chercheur émérite béninois Paul Hazoumé avec son roman historique
Doguicimi paru en 1938. Donc cette mouvance du roman va permettre d’imprimer dans les romans un
métissage culturel né dans ce brassage des cultures.

2. La deuxième période (1945-1960)

A l’époque de la fin de la deuxième Guerre mondiale qui a touché aussi les pays africains, les
mentalités vont vites changer, les intellectuels noirs se donneront plus de courage pour essayer sans
complaisance de démythifier le mythe du colon. Cela dans le but d’affranchir sans condition prédéfinie
tous les pays africains qui vivaient sous le joug colonial. Tout comme leurs frères qui défendaient avec
leur mouvement national leurs pays, les écrivains de cette époque se portent le garant de la cité africaine
longtemps considérée comme inferieure. En tenant le glaive de la justice, il dénonce en synergie et avec
la dernière énergie le système colonial sur tous les plans.

Ainsi, cette vague de dénonciation trouve ses marques ou du moins ses lettres de noblesse dans
les romans tels que Ville cruelle (1958) d’Eza Boto, Les bouts de bois de Dieu (1960) de Sembene
Ousmane, Chinua Achebe avec Le monde s’effondre (1958), Ferdinand Oyono surtout dans ses deux
œuvres Une vie de boy et Le vieux nègre et la médaille (1956). Tous ces auteurs mais aussi tant d’autres
vont critiquer virulemment l’emprise du système colonial avec son cortège de préjugés, d’hypocrisie,
de violence, et de ségrégation raciale. Il faut dire que de par leurs actions en synergie avec d’autres
surtout en respectant les principes du premier congrès noir en 1956, qu’ils parviendront à donner le
souffle à la population africaine longtemps asservie sans être servie.

Par ailleurs, une autre perspective du roman qualifié de roman de formation a vu le jour à cette
période. Il témoignait alors la problématique de la rencontre orageuse avec la culture étrangère. Dans ce
rapport dichotomique et surtout manichéen, les auteurs de cette mouvance ont voulu démontrer de la
thématique de l’aliénation ainsi que ces diverses variations. On a pu comprendre que les mutations
sociales dans les sociétés africaines plongent ces dernières dans des chemins coquilleux, difficiles pour
eux de s’affirmer ou du moins de choisir sa propre culture au détriment d’une autre culture. C’est
l’exemple du héros Samba Diallo dans le roman L’aventure ambiguë 1961 d’Hamidou Kane, de
Maimouna 1958, d’Abdoulaye Sadji. De même, un roman spécial qualifié d’autobiographie va faire
son apparition sous la plume de Camara Laye intitulé L’Enfant Noir 1954, un roman dans lequel, il
magnifiera l’Afrique idyllique.

Donc de manière générale, cette catégorie de roman a bouleversé les mentalités permettant aux
Africains d’avoir une idée claire sur les malices du système colonial et leur aidant surtout à avoir une
vie libre, paisible et tranquille. Est-il le cas ? Découvrons ça ensemble.

3. La troisième période (1960 à nos jours

Les populations africaines accèdent à l’indépendance tant recherchée et parfois même en payant
le prix fort. Les sociétés noires sont en pleine euphorie ; elles sont à l’aube d’une ère nouvelle qui laisse
miroiter de belles perspectives d’avenir. Mais elles auront vite fait désenchanté du fait de la mal
gouvernance des nouveaux dirigeants. Ce malaise et cette désillusion sociale va transparaître dans les
différentes œuvres qui paraîtront à cette période. Elles sont caractérisées par :

a. Une réorientation du regard

Les romanciers africains vont choisir des nouveaux thèmes : le pouvoir colonial et ses turpitudes
ne sont plus la cible privilégiée des écrivains. Désormais c’est l’Afrique aux prises avec les
indépendances, la société africaine qui se bâtit sur les décombres de la société coloniale qui retiennent
leur attention. Dans cette perspective, le roman négro-africain de l’époque post-coloniale est
principalement un roman des mœurs, qu’elles soient sociales (Le Revenant de Aminata Sow Fall, 1976)
ou politiques (Le Cercle des Tropiques d’Alioum Fantouré, 1972 ; Les Chauves-souris de Bernard
Nanga, 1979, Le Pleurer-Rire de Henri Lopès, 1982). Sous l’orage de Seydou Badian (1972) examine
les conflits des générations ; Le Fils d’Agatha Moudio de Francis Bebey (1967) ; Une si longue lettre
de Mariama Bâ analyse le statut de la femme dans les mariages polygamiques.

b. Une tonalité polémique, critique

Contrairement à leurs ainés, les romanciers africains de l’époque post-coloniale se livrent à une
démystification de l’Afrique traditionnelle (Le Devoir de violence de Yambo Ouologuem, 1968), à la
satire des institutions mises en place par des nouveaux pouvoirs africains (Les Crapauds-brousse de
Thiérno Monénembo, 1979 ; La Vie et demie de Sony Labou Tansi, 1979), à la dénonciation des tares
qui, à leurs yeux, retardent le développement de l’Afrique : gaspillage de ressources, détournements des
fonds publics, corruption généralisée.
c. Une conception singulière du personnage

Ces romanciers se voient de l’obédience de mettre en scène des personnages sans envergure
morale, symboles des défauts de la société africaine : tyrans, détourneurs de fonds publics,
fonctionnaires corrompus, hommes d’affaires véreux, nouveaux riches. En témoignent des œuvres telles
que L’Archer-bassari de Modibo Sounkalo Keita (1985), Chronique d’une journée de répression de
Moussa Konaté (1988), ou Le Jeune homme de sable de Williams Sassine (1979).

d. Une écriture réaliste

Cette écriture est marquée par le souci de donner une représentation fidèle de la vie quotidienne
des Africains et par un intérêt accru pour les milieux défavorisés (La Grève des battù d’Aminata Sow
Fall, 1979), pour le milieu carcéral (Toiles d’araignées d’Ibrahima Ly, 1982 ; Prisonnier de Tomballaye
d’Antoine Bangui, 1980, Les Soleils des Indépendances d’Amadou Kourouma, 1970).

e. L’émergence d’une écriture féminine

C’est une écriture d’émancipation de la femme qui voit sa condition évoluée après les
indépendances. Cette lutte féminine a pour principales figures de proue les Sénégalaises Mariama Bâ
(Une si longue lettre, 1979, Un chant écarlate, 1981), Aminata Sow Fall, et Ken Bugul ( Le Baobab
fou, 1976, Cendres et Braises, 1994), les Camerounaises Calixte Beyala ( C’est le soleil qui m’a brulée,
1987, Tu t’appelleras Tanga, 1988) et Were Were Liking ( Elle sera de jaspe et de corail, 1983),
l’Ivoirienne Véronique Tadjo ( A vol d’oiseau, 1983, Le Royaume aveugle, 1991). Sans complexes, ces
romancières s’attaquent à tous les problèmes qui concernent « le monde des femmes » : poids de la
tradition, violence conjugale, polygamie, drame de la stérilité ou prostitution mais aussi à tous les sujets
sociaux et politiques africains de l’heure.

NB : Rappelons ici que nous avons mis l’accent sur le roman négro-africain d’expression
française.

Ainsi, s’appropriant de l’influence de la tradition orale africaine et les techniques canoniques


du roman français ou étranger, les romanciers se sont illustrés selon les impératifs qui s’imposaient en
eux et ce à travers une périodisation du roman. A présent, essayons de donner une approche au genre
tout en relatant ses caractéristiques.

IV. Définition et caractéristiques du roman


1. Qu’est-ce qu’un roman ?

Répondre à une telle question ne saurait être une entreprise aisée d’autant plus que si on se souvient
de l’approche de Bakhtine comme quoi le roman existerait quand il y a un récit qui se repose sur une
dynamique qui représente l’homme dans son devenir. Partant de cela, l’expérience a montré aussi qu’il
était un genre qui se mue et se définie selon les âges, selon aussi les exigences qui prévalaient. C’est la
raison pour laquelle, on peut le considérer sous cet angle :

 Un roman est une œuvre narrative en prose. C’est un récit d’imagination : il est différent en
cela des biographies, des récits documentaires, des mémoires…
 Par rapport à d’autres fictions narratives, le roman se distingue par sa longueur (on peut ainsi
l’opposer à la nouvelle) et par sa vraisemblance (il se différencie sur ce point du conte).
 Le genre romanesque est caractérisé par sa diversité, sa capacité à aborder tous les sujets. Il
comprend par exemple les romans d’amour, les romans policiers, les romans réalistes, les
romans historiques, les romans autobiographiques, les romans d’aventures, les romans
épistolaires…

De ces trois constats aussi pertinents que plausibles, nous pouvons définir donc le roman comme :
une œuvre d’imagination en prose, assez longue présentant des faits, des êtres et des lieux, donnés le
plus souvent comme réels. D’abord considéré comme mineur, le roman s’est affirmé comme un genre
littéraire à part entière : il a gagné la faveur du public et a fait l’objet de recherches esthétiques, de débats
et d’expérimentations qui prouvent sa vitalité.

Dès lors, il convient de rappeler que ces approches suscitent un certains nombres de débats autour
de sa définition et de sa conception. C’est dans ce sens que nous devons faire le point sur les questions
liées à ce genre si reconnu.

2. Les questions liées au genre romanesque.

Depuis le XVIIIe siècle, où il devient un genre reconnu, le roman a fait l’objet de plusieurs débats :

 La question de la morale : au XVIIIe siècle encore, le roman était jugé futile, immoral,
invraisemblable. C’est dans ce sens Diderot nous dit, faisant l’Eloge de Richardson, 1761, que
« le roman est tissu d’événements chimériques et frivoles dont la lecture était dangereuse pour
le goût et pour les mœurs16». Déjà ce caractère jugé immoral du roman se réduit dans cette
position de Diderot qui nous dit encore, parlant du romancier, « Ne le croyez pas, il vous
trompe 17». Ainsi, étant de lecture « facile », libre dans ses inventions, il passait pour provoquer
une évasion dangereuse et donner de mauvaises idées. Dans leurs préfaces, les écrivains ont été
amenés à légitimer leur œuvre romanesque en garantissant sa vérité, son sérieux et
l’enseignement moral qu’on pouvait en retirer.
 Le problème du réalisme : au XIXe siècle, Balzac a pour ambition d’étudier la société de son
temps avec l’exactitude d’un savant. Le « naturalisme » de Zola va plus loin en faisant du
roman le lieu d’expérimentation du déterminisme social. Mais les rapports du roman avec le

16
Diderot. Eloge de Richardson, 1761.
17
Ibidem
réel sont ambigus. Réalité et fiction peuvent-elles se concilier ? Les ambitions réalistes ne
heurtent-elles pas aux choix du romancier et aux exigences de l’œuvre d’art ? Toutes ces
interrogations montrent en effet les limites du roman réaliste. Ainsi, Guy de Maupassant va
relever ces limites en disant que « Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera non pas à nous
montrer la photographie banale de la vie, mais en nous en donner la vision plus complète, plus
saisissante, plus probante que la réalité même 18». Ainsi donc le roman se caractérise de par son
illusion réaliste.
 La contestation : après la deuxième guerre mondiale, plusieurs écrivains mettent en question
le roman « traditionnel ». Le « Nouveau Roman » bouleverse l’intrigue et la chronologie, fait
disparaître le personnage, innove dans le domaine de la narration. Depuis lors, on assiste à un
renouvellement des thèmes et des formes romanesques. Aujourd’hui le roman peut être perçu
comme un genre hybride. Cependant qu’en est-il de ses caractéristiques ?
3. Les caractéristiques du roman

Lire un roman de façon approfondie implique d’être attentif à ses éléments constitutifs afin d’en
dégager le sens.

a. L’intrigue

Un roman est constitué d’actions qui s’organisent en une intrigue. Cette intrigue est composée
de séquences, c’est-à-dire de passages qui forment une unité sur le plan du temps, des lieux, de l’action
et des personnages.

Dans le roman de Ferdinand Oyono, Une vie de boy la « séquence » de la « bastonnade » des
nègres soupçonnés de vol en est un exemple.

On a pu constater qu’une intrigue romanesque possédait une structure-type commune à tous


les récits. Elle peut être représentée par ce schéma :

Etat initial ⇔ Complication (ou force perturbatrice)

Dynamique

Résultat (ou force équilibrante) ⇔ Etat final

Ou plus simplement :

Etat initial ⇔ Transformation⇔ Etat final

Ce modèle, à l’origine de toute invention narrative, peut-être plus ou moins modifié ; certaines
étapes peuvent être difficiles à reconnaître, ou leur ordre changé. Mais retrouver et analyser ce schéma

18
Guy de Maupassant. Pierre et Jean : Paris, Hachette, 1888, p.37
permet d’enrichir l’étude du roman. On s’intéressera surtout aux variantes de cette structure
fondamentale.

b. Les personnages

De tout ce qui compose un roman, c’est sans doute l’élément qui retient le plus l’attention du
lecteur : l’identification au héros, la sympathie ou l’antipathie à l’égard de certains personnages font
partie de tout acte de lecture.

Pour une étude du personnage de roman, on distinguera d’abord les personnages secondaires
des personnages principaux. Si le personnage principal se signale par une destinée remarquable
(heureuse ou malheureuse), on peut le qualifier de héros. Le personnage de roman mérite d’être étudié
sur plusieurs plans :

 Son être : son identité, son apparence physique, sa psychologie


 Sa fonction : le rôle qu’il joue dans le roman

Les fonctions des personnages romanesques sont déterminées par l’action qu’ils exercent dans
l’intrigue. Voici les quatre fonctions principales :

 Sujet : c’est la fonction du héros de l’histoire


 Objet : c’est celui (ou ce) que le héros cherche à atteindre.

Exemple :

L’aristocratie et les personnages qui l’incarnent sont les buts que Rastignac fixe à son ambition
dans Le Père Goriot de Balzac.

 Adjuvant : c’est celui qui aide le héros à réaliser son désir.

Exemple : François Seurel permet au Grand Meaulnes de retrouver celle qu’il aime dans le roman
d’Alain-Fournuier.

 Opposant : C’est celui qui fait obstacle au projet du héros.

Exemple : L’inspecteur Javert dans Les Misérables joue ce rôle retardant la réhabilitation de Jean
Valjean.

Cette classification connaît de nombreuses variantes et se retrouve de façon plus ou moins


atténuée ou détournée selon les récits (le rôle d’adjuvant peut être tenu par un simple objet : un indice
décisif dans un roman policier, par exemple).

c. L’espace

Un roman peut présenter un espace ouvert et des lieux diversifiés.


Exemple : Le tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne. Ou bien un espace restreint et un
lieu unique.

 L’espace donne sens au roman. On cherchera à définir la fonction des différents lieux dans
le roman en établissant par exemple un réseau d’oppositions.

Exemple : Dans Au bonheur des Dames de Zola, les petites boutiques sombres s’opposent au
grand magasin flamboyant situé de l’autre côté de la rue.

 On dégagera la portée symbolique de certains lieux.


Exemple : Dans La Peste de Camus, la mer est symbole de pureté, d’espoir, de renaissance.
Dans Les Misérables, la fuite de Jean Valjean à travers les égouts de Paris figure
symboliquement les inextricables difficultés de son existence. On évaluera également le
degré de précision accordé à la description de l’espace et du temps que Bakhtine appelle
« chronotope»
d. Le temps

Un roman peut s’inscrire de façon très précise dans une époque, comme presque tous les romans
historiques ; ou bien accorder au contexte historique une place secondaire (c’est le cas, par exemple, de
certains romans psychologiques).

Etudier le temps dans un roman conduit à évaluer la durée des événements rapportés. Cette durée
peut être brève ou au contraire étendue.

Exemple : La nuit des temps de René Barjavel se déroule de -900 000 ans jusqu’à une période
située proche…

Une narration ne rapporte pas toujours les faits dans leur déroulement chronologique. L’ordre
de succession des événements peut s’interrompre pour laisser place à un « retour en arrière ».

Exemple : Dans certains romans policiers, on commence par la fin, puis on remonte la chaine
des événements qui ont conduit à ce dénouement.

Lorsqu’une période de temps n’est pas racontée, on dit qu’il y a une ellipse dans le récit.
L’ellipse met en valeur le fait qui la suit en attirant l’attention du lecteur.

Telle était la situation générale de la pension bourgeoise à la fin du


mois de novembre 1819. Quelques jours plus tard, Eugène de
Rastignac, après être allé au bal de Mme de Beauséant, rentra vers
deux heures dans la nuit. Balzac

La temporalité dans le roman dépend également de la vitesse du récit. Il est important de mettre
en relation la durée de la fiction et de la longueur de la narration. Une longue période peut être racontée
en quelques mots. Au contraire, une rencontre de quelques minutes peut donner lieu à la narration de
plusieurs pages. Ces variations suggèrent une hiérarchie dans les faits et donnent au roman son rythme
propre.

Le rythme du récit dépend enfin du mode adopté pour raconter :

--Soit plusieurs événements diffus et dispersés dans le temps sont envisagés et rassemblés dans
la narration. On a un résumé.

--Soit une action ponctuelle est rapportée comme si elle se déroulait « en temps réel ». On a
alors une scène. Dans le roman, résumé et scène alternent en général.

e. Qui raconte ?

Répondre à cette question amène à s’interroger sur le narrateur et sa présence dans le récit.
Rappelons qu’il existe deux modes de narration :

---Soit le narrateur fait connaître sa présence : il s’adresse au lecteur en faisant référence à l’histoire
qu’il raconte

C’est ainsi qu’on arriva à cette nuit que j’ai appelé la nuit du scandale.

Je vais enfin pouvoir en parler. Jean GIONO

---Soit le narrateur laisse ignorer sa présence. L’histoire, racontée à la troisième personne, semble
« s’écrire toute seule », sans qu’on puisse identifie nettement la présence d’un narrateur. La plupart des
romans réalistes du XIXe siècle suivent ce mode narratif.

Le mode adopté conditionne l’écriture du roman et la conduite du récit agit sur le lien qui
s’établit entre le narrateur et le lecteur. Ce choix narratif est déterminant dans les premières lignes d’un
roman, l’incipit. C’est à travers une manière de raconter particulière que le lecteur prend d’abord
contact avec ce qu’il lit.

L’étude de la narration sur l’ensemble d’une œuvre intégrale amène parfois à distinguer
plusieurs voix narratives. Le changement de narrateur est le procédé sur lequel repose le roman par
lettres, par exemple. On peut trouver aussi à l’intérieur d’un roman des « récits emboités » pris en charge
par d’autres narrateurs que le narrateur principal.

Conclusion

Au demeurant, il importe de souligner dès à présent que le roman se définit aujourd’hui de par
son caractère protéiforme. Ainsi, en faisant l’éventaire de son évolution diachronique, il s’est trouvé
que le roman se définissait selon des époques, des courants littéraires mais aussi par rapport à une
évolution de la société. C’est qui fait que dès sa naissance ; il fut considéré comme un genre mineur
mais cette qualification sera vite revue en question d’autant plus qu’il est devenu le genre de prédilection
au XVIIIe et XIXe siècle. Surtout à cette dernière époque précitée, il connaissait ses lettres de noblesse
car il s’intéressait de plus près à la réalité sociale. Cette conception de la réalité romanesque s’imprime
aussi dans la littérature africaine où les récits des romanciers étaient consubstantiels à la vie des
africains. Cependant, aux défenseurs de la thèse réaliste, il en ressort que le roman n’est rien d’autre
qu’une illusion réaliste. C’est ce qui faire dire à Aragon que « l’art du roman est de savoir mentir ».

Landing BADJI, Professeur de Lettres Modernes

Au Lycée Dioudé Diabé dans l’Ile Amorphie

IA Saint-Louis

Adresse: badjilanding661@yaoo.fr

774422923

WhatsApp: 772570417

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