Le Robert définition ce genre comme « une œuvre d’imagination en prose
assez longue, qui représente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaitre leur psychologie, leur destin, leurs aventures ». Quant au dictionnaire Encyclopédique LAROUSSE le roman est défini comme « œuvre d’imagination constituée par un récit en prose d’une certaine longueur ; dont l’intérêt est dans la narration d’aventure, l’étude des mœurs ou des caractères, l’analyse des sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives ou subjectives ». A coté de ces définitions nous pouvons ajouter que le roman genre protéiforme se démarque depuis de la nouvelle et de la poésie par le caractère flou de ses règles. Il peut être défini aussi comme un récit fictionnel en prose assez long (par opposition à la nouvelle qui est un récit bref).
I origine et évolution du genre
Considéré comme un genre non noble, le roman a existé depuis le moyen
Age mais était inconnu avec notamment Les laies de Marie de France, Tristan et Iseult. La particularité de ces ouvrages est qu’ils étaient écrits en vers. Le roman contrairement à la chanson de geste qui célèbre les grands hommes (exemple La chanson de Roland), célèbre le gout de l’aventure et laisse une place au merveilleux en exaltant le rôle de l’amour. A l’origine, c’était un récit en vers composé pour être lu.
Mais à partir du XIVe siècle, le roman en prose apparaitra et sera plus
adapté. Cet aspect se précisera au XVIe siècle avec les œuvres de Rabelais (le Pantagruel et le Gargantua). Cependant c’est au XVIIe siècle que le roman prendra son cachet actuel. Il subira l’influence baroque qui lui donnera ses lettres de noblesse avec le roman sentimental ou pastoral qui met en scène des paysans ou des bergers. Le classicisme jouera un rôle important dans l’évolution du genre. On aura durant cette période la naissance du roman d’analyse psychologique avec La princesse de Clèves de Madame de La Fayette. Ce roman met en évidence la particularité de la vérité et la simplicité du ton et du registre mais aussi le réalisme des faits qui apparait comme une critique des mœurs et de la société. Apres vient le roman didactique avec Télémaque de Fénelon que son auteur qualifie en 1699 « de narration fabuleuse sous forme de poème héroïque comme celle d’Homère et de Virgile. »
Au XVIIIe siècle le roman connaitra son apogée avec l’ascension de la
bourgeoisie. Il sera néanmoins considéré comme un genre mineur par les doctes. Il prendra des titres de mémoires, d’histoire, ou de lettres pour ne pas paraitre toujours comme une fiction entre 1700 et 1750. L’assouplissement de sa technique et sa diversité apparaitront dans les œuvres par exemple de Diderot. Un souci moralisateur voit le jour dans les romans épistolaires. C’est l’exemple des lettres persanes de Montesquieu.
Le roman atteint véritablement ses lettres de noblesse (l’âge d’or) au XIXe
siècle avec la profusion des courants littéraires. La littérature connait alors quelques uns de ses plus grands romanciers : Balzac, Flaubert, Hugo, Zola, Stendhal ... Cette floraison est due à plusieurs raisons :
- Les journaux diffusent des extraits dans leurs numéros
- Le public devient de plus en plus nombreux et intéressant - L’impact de certains romanciers de renommée comme Balzac
Nous retiendrons plusieurs types de romans durant cette période :
- Le roman des mœurs qui retracent la vie en société
- Les romans historiques qui ont souvent un cachet romantique - Les romans d’analyse psychologique - Le roman expérimental etc.
Au XXe siècle le roman devient le genre roi. Il devient incontournable dans
l’histoire de la littérature parce qu’il restitue les faits, les gens (verité historique), il fait comprendre la réalité dans laquelle nous vivons (vérité psychologique). C’est ainsi réfléchissant sur le genre Claude Roy affirme : « Ce que ces histoires imaginaires nous donnent peut-être, c’est la véritable histoire de la vie réelle. » Durant cette période on assiste à la naissance de différents types de romans : « le romans fleuve » qui retrace toute une époque ou une génération, les romans d’aventure, les romans d’analyse … II L’intérêt du roman
Parler de l’intérêt du roman revient à se poser la question quelles sont les
raisons qui poussent le lecteur à aller vers le roman ? Evidemment devant la médiocrité qui règne dans le monde et l’insatisfaction qui anime la nature humaine, le roman témoigne d’un besoin d’évasion, de la recherche d’un ailleurs pour combler le sens de notre vie. Ainsi le lecteur peut trouver de la compensation. C’est ce qui fait penser au romancier Jacques Laurent que « l’existence du roman prouve qu’il nous manque quelque chose sur la terre puisque le roman existe pour combler ce manque ». Cette compensation peut être satisfaite de différentes manières : par identification aux héros quasi mythiques qui nous permettent de vivre des destins extraordinaires que nous avons peu de chance de vivre un jour. On peut accéder à cette compensation par la sublimation. Le roman nous permet d’échapper à notre univers en élevant notre esprit. C’est le sens de la définition que donne Albert Camus du roman : « Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde ci, suivant le désir profond de l’homme, car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le notre. Mais eux, au moins, courent jusqu’au bout de leur destin et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. » L’Homme révolté
Le lecteur peut trouver dans le roman une sorte d’exorcisme. Le roman
permet de satisfaire à travers des fantasmes certains désirs latents ou refoulés. De ce fait il nous permet de conjurer certaines peurs. Le rôle du roman policier est entre autre d’apprivoiser la peur et de nous libérer de la fascination. C’est ce qui fait dire à Boileau Narcejac : «La peur ; dés qu’elle devient matière à littérature, sécrete comme d’elle-même son antidote, qui est l’explication. Nous ne l’accueillons qu’à titre provisoire. Elle ne sera puissante, dévorante, que si elle est vaine, sinon nous la ressentirons comme une indécence (…) ». Dans le roman le lecteur peut aussi y trouver une ascèse c'est-à-dire une libération spirituelle. Selon Y. M « lire un roman, pour moi, c’est l’expérience à mi chemin de la sensibilité, de la quête et de l’exercice intellectuel ». Enfin l’intérêt du roman réside dans l’éblouissement qu’il peut exercer sur le lecteur en touchant sa sensibilité. C’est ainsi que séduit par le rouge et le noir Julien Gracq laisse entendre ces propos : « Le rouge et le noir a été en littérature, mon premier amour sauvage, ébloui, exclusif, et tel que je ne peux le comparer à aucun autre ». Cet éblouissement qui touche la sensibilité du lecteur apparait dans ces propos de Marc Vargas LLosa : « une poignée de personnages littéraires ont marqué ma vie de façon plus durable qu’une bonne partie des êtres en chair et en os que j’ai connus. » En résumé le roman est d’un grand intérêt pour le lecteur.
III Fonctions du roman
Si le lecteur tire un intérêt certain dans le roman, ce dernier assure des
fonctions qui ont donné lieu à maints débats. Ainsi nous allons répertorier quelques unes de ses fonctions essentielles.
1 Le roman comme connaissance du monde
Le roman conçu par Stendhal comme « un miroir » permet de refléter la
réalité. De ce fait il peut être un témoignage du monde, d’une société ou d’une époque. C’est ce qui fait dire à Balzac pour résumer cette fonction : « En dressant l’inventaire des vices et vertus, en rassemblant les principaux faits de passions, en peignant les caractères ,en choisissant les événements principaux de la société , en composant les types par la réunion des traits de plusieurs caractères homogènes, peut-être pouvais-je arriver à écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens , celle des mœurs » .Le roman éclaire le lecteur et par la même occasion lui permet de découvrir le monde. C’est ce qui fait dire à Louis Aragon a propos du roman que « la lecture d’un roman jette sur la vie une lumière ». En éclairant la vie, le roman dévoile le mystère. C’est pourquoi en parlant de la fonction du roman, Louis Aragon renchérit : « le roman, c’est la clef des chambres interdites de notre maison ». Mais autant le roman s’intéresse au monde, il permet aussi de connaitre l’être qui évolue dans ce monde : l’homme.
2 le roman comme connaissance de l’homme
Cette fonction ontologique du roman semble être indissociable de la première.
Le roman par la grandeur ou la faiblesse de ses héros rend compte de la nature humaine. En effet les personnages de l’auteur nous servent de miroir pour mieux connaitre l’âme humaine. Ainsi Milan Kundera affirme : « le roman est une méditation sur l’existence vue à travers des personnages imaginaires ». Cette analyse réflexive trouve un terrain fertile dans le roman d’analyse. Les romans d’analyse s’attachent d’ordinaire à peindre les hommes, leurs mœurs, leurs sentiments selon une double perspective psychologique et sociologique. L’exemple type est la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette où son héroïne illustre jusqu’à l’invraisemblance une vertu admirable. Le roman et ses personnages étant une vision de l’homme et du monde assume d’autres fonctions.
3 le roman comme interrogation
Les deux premières fonctions qui proposent une analyse psychologique et
sociologique aboutissant à des certitudes ne sont pas seulement les fonctions majeures du roman. La vocation du romancier ne doit nullement être réduite à un donneur de leçon mais il doit aussi savoir blesser la conscience du lecteur pour le pousser à la réflexion. Dans l’homme précaire et la littérature A. Malraux écrit « Bien que chaque paragraphe d’un roman affirme, tout grand roman interroge ». Cette interrogation peut être d’ordre métaphysique ou social en ce sens que tout grand roman met en cause l’image qu’on a du monde et de nous même cf. l’étranger de Camus, la nausée de Sartre.
5 Le roman comme divertissement
Pour certains, c’est le divertissement que le lecteur cherche dans le roman.
Ayant la capacité d’inventer un monde féérique, le romancier permet au lecteur de se divertir. C’est ce qui fait dire à Kleber Haedens que « Lorsque le romancier laisse imprimer le mot ‘’roman’’ sur la couverture de son livre, il prend l’engagement de distraire. S’il ne le tient pas, s’il invite seulement à penser ou à rêver, il est il philosophe, poète mais il n’est pas romancier ».