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Cours 7

Littérature jeunesse

Les titres sur l’adolescence commencent à paraître pendant les années 70. Depuis, la
littérature pour les adolescents s’est affinée et de nouveaux créneaux sont apparus, ados, préados,
post-ado, il s’agit de produits éditoriaux jouant sur l’ambiguïté entre jeunesse et adulte.
Selon un sondage pour le groupe Bayard, 52 % des 10-15 ans sont inscrits en bibliothèque,
70 % ont lu au moins un livre dans les trois derniers mois et 69 % n’imaginent pas un monde sans
livre. Pour la plupart «lecture» est un mot positif mais le goût pour la lecture baisse légèrement avec
l’âge. Les ados sont difficiles à intéresser au niveau documentaire surtout à cause de la concurrence
d’Internet. L’édition a besoin d’un retour au texte et aux idées. Les chercheurs s’interrogent sur la
place de la littérature pour la jeunesse dans l’horizon littéraire, et notamment sur l’image renvoyée à
l’adolescent de lui-même par l’intermédiaire des lectures qui lui sont destinées. Ils font deux
constats.
Le premier est que la littérature de jeunesse n’est plus considérée comme un sous-genre
comme il y a dix ou vingt ans. Ses richesses sont parfois plus grandes que celles de la littérature
adulte.
Le second constat est que cette littérature se porte bien, et qu’il en est de même des
adolescents. Il est possible d’aborder des thèmes avec plus de fougue, et des thèmes très forts
comme la contestation du passé historique proche.
D’un intérêt tout à fait particulier envers les livres pour les enfants et les adolescents
témoigne de même un grand nombre de périodiques pour diverses tranches d’âge, conçus pour
initier les petits à lire. En voici quelques uns.
Pour les tout petits de 3 à 5 ans il y a Blaireau (Gallimard), magazine d’initiation à la lecture
avec une grande histoire, quiz, jeux, comptines, fiches d’activités manuelles. Histoires pour les
petits (Milan Presse), magazine d’histoires à raconter en famille, dès la maternelle destiné aux
jeunes lecteurs, contes et récits à partager. Mes premiers J’aime lire (Bayard presse) proposent
chaque mois un petit roman avec sa cassette audio, des jeux et une BD.
À partir de 7 ans on a J’aime Lire (Bayard Presse) devenue une revue de référence qui aide
les enfants dans l’apprentissage de la lecture. On y trouve une présentation de romans illustrés,
divisés en chapitre, facile à lire pour les lecteurs débutants (l’auteur et l’illustrateur sont présentés à
la fin de l’histoire). En fin de volume, jeux (de Bonnemine) et bande dessinée (Tom Tom et Nana).
Il existe aussi Je lis déjà (Fleurus Presse) en quelque sorte concurrent de J’aime Lire. Y est
présentée une courte histoire illustrée de 8 pages, avec des explications de vocabulaire, jeux, mots
croisés, recettes de cuisine, ainsi qu’une sélection de livres à recommander. Sont ajoutées 4 fiches
dico à collectionner pour améliorer son orthographe et enrichir son vocabulaire. Pour les ados de 9 à
14 ans il y a Je Bouquine (Bayard Presse) qui y trouvent la présentation d’un roman complet, un
dossier littéraire, un reportage sur un thème rattaché au roman.
La bande dessinée est en effet un médium à part entière, sur lequel on peut proposer des
analyses comparables à celles de la littérature. Ce genre offre une grande richesse car les publics et
les sujets abordés sont multiples. La bande dessinée est un art qui possède une narration spécifique
perçue facilement par les enfants et qui est très riche, le texte étant appuyé par l’image. Emmanuel
Proust, spécialiste en littérature pour les enfants, a donc trouvé l’expression «narration dessinée».
Non seulement la civilisation française est inimaginable sans connaissance de tels albums de
référence que Astérix de Uderzo et Gossinny, Tintin de Hergé, Corto Maltese de Hugo Pratt, mais
aussi sert de support pédagogique pour enseigner divers aspects de la langue. Ce n’est pas par
hasard que les Astérix sont traduits même en latin !
Quant aux auteurs qui écrivent pour un public jeune, ils pourraient être divisés – de façon
assez artificielle – en deux groupes : ceux qui étant connus comme des classiques contemporains
font parfois des livres pour enfants. Et ceux qui se consacrent entièrement à cette littérature.
Parmi les premiers mentionnons Patrick Modiano, ses livres sur Choura, labrador aux yeux bleus,
qui s’ennuie chez ses maîtres et qui est un chien romantique, Une aventure de Choura et Une
fiancée pour Choura. Catherine Certitude, album de Patrick Modiano (texte) et Jean-Jacques Sempé
(illustrations), raconte surtout la complicité entre une fille et son père, tandis que la mère est
absente. Dans un monde dur, où Catherine doit se plier aux règles de la danse classique et son père
aux lois des affaires, il arrive à l’un comme à l’autre de retirer leurs lunettes pour voir le monde
autrement, «plein de douceur, flou et sans aspérité». Jean-Marie Gustave Le Clézio est auteur de
plusieurs livres pour les enfants: Peuple du ciel, La Grande vie, Villa Aurore, Celui qui n’avait
jamais vu la mer, Voyages au Pays des arbres, Lullaby et autres. Michel Tournier a écrit sa variante
de l’histoire de Robinson Crusoe qui est devenu un des livres les plus lus en France, Vendredi ou la
vie sauvage. En 2007, Erik Orsenna écrit la suite de La Grammaire est une chanson douce, et des
Chevaliers du Subjonctif en retrouvant les personnages de Jeanne et Thomas, aidés par Monsieur
Henri, le tendre musicien, Madame Jargonos, l’inspectrice de la langue française, et bien d’autres
encore, qui partent, cette fois-ci, pour un long périple à la recherche des accents qui ont disparu.
S’estimant maltraités par les habitants de l’île, ils ont fui vers l’Inde, en compagnie de leurs amies
les épices, aussi mécontentes qu’eux de leur sort.
Christian Oster, auteur des romans pour les adultes Une femme de chambre et Mon grand
appartement aime aussi faire des livres pour enfants. Avec son nouvel ouvrage La Princesse
télécommandée composé de quatre histoires, il nous enchante grâce à son humour décapant et ses
jeux de mots bien amenés. L’univers des contes de fée est comme d’habitude le canevas de base de
l’auteur, qui fait évoluer des personnages absurdes dans des environnements qui ne le sont pas
moins. L’histoire qui donne son titre au livre nous parle d’une princesse télécommandée, qui ne
marche plus car une vilaine sorcière lui a retiré ses piles. Le deuxième récit met en scène un prince
qui veut perdre ses parents dans la forêt car ils sont devenus fous. Quant au troisième, c’est peut-
être le plus drôle: la princesse à la brouette a été condamnée par son père à errer avec sa fourchette,
son couteau, son assiette et une brouette, jusqu’à ce qu’elle sache manger convenablement. Enfin,
dans la quatrième histoire, un roi, son conseiller et son serviteur sont transformés en ours.
Dénouements sans queue ni tête, dialogues plein d’humour... Christian Oster, jongleur des mots, – il
suffit de lire les titres de ces récits: Le Chevalier qui cherchait ses chaussettes, La Princesse
enrhumée, Le Loup qui cherchait sa serviette – y offre des récits pleins d’imagination et de
fantaisie.
Daniel Pennac, professeur de français, est aussi connu pour ses romans pour adultes que
pour enfants. Il est auteur de quatre volumes des aventures de Kamo, devenus aujourd’hui presque
des classiques : Kamo et moi, L’Évasion de Kamo, Kamo, l’agence Babel et Kamo, l’idée du siècle.
Aussi, les éditeurs français font souvent appel aux auteurs de vrais romans policiers pour qu’ils
écrivent pour les petits. Il existe même une collection qui s’appelle Souris Noire dans laquelle les
grands maîtres du polar présentent leurs œuvres : Didier Daeninckx Le Chat de Tigali, Thierry
Jonquet La Bombe humaine, Marc Villard Les Doigts rouges, Jean-Hugues Oppel Dans le grand
bain et beaucoup d’autres.
Nombreux sont ceux qui ont choisi exclusivement le volet de la littérature de jeunesse.
Marie-Aude Murail a toujours écrit et publié des livres depuis plus de 20 ans. Elle commence son
aventure jeunesse en 1985. Des contes, des feuilletons, des nouvelles, des récits, des essais, des
romans d’amour, d’aventure, policiers, fantastiques. Ses livres ont reçu de nombreux prix. Elle a
reçu en 2004 l’insigne de chevalier de la Légion d’Honneur. Quant le journaliste lui a demandé un
jour: «Quel est le mot que vous préférez dans la langue française?» Elle a répondu: «Amour et
humour, disait ma maman. Elle n’avait pas tort.»
Les livres de Susie Morgenstern sont aujourd’hui des best-sellers. Récemment elle a fait
paraître un petit livre (Thierry Magnier Editeur) Je t’aime (encore) quand même qui après Je t’aime
(2003) et Je te haïs (2004) clôt la trilogie. Un petit texte drôle et touchant, qui offre quelques jolis
passages, notamment pendant la recherche en classe du champ lexical du mot «cœur», qui suscite
une mini-bataille verbale entre les deux enfants.
Yak Rivais est l’auteur de très nombreux livres pour enfants et de jeux littéraires. Il a reçu le
prix de l’Humour noir, de l’Anticonformisme et des Mille Lecteurs. Les titres les plus connus sont
La Princesse qui voulait se marier, Formidable et Contes du cimetière aux beaux jours où Yak
Rivais propose sept petits contes où le monde des vivants et celui des morts se confrontent. Au
cimetière Saint-Patrick, quelques personnages issus de la mythologie ou des contes font aussi leur
apparition et le lecteur ne manquera pas de croiser le corbeau de Lafontaine, le Sphinx ou encore
Anubis… À chacun des face-à-face, l’enfant une fois dérouté, une fois amusé, ou encore totalement
blasé s’en sort admirablement bien décousant les énigmes avec son intelligence ou en suivant les
indices des morts. Bref, de petits contes farfelus et drôles, écrits dans un langage proche des enfants
et illustré par Yak Rivais lui-même.
Depuis 1997, Jean-Claude Mourlevat écrit et publie des ouvrages pour la jeunesse. Il écrit
tout d’abord des contes, puis un roman La Balafre. Son livre La Rivière à l’envers raconte le voyage
du garçon Tomek à travers le monde extraordinaire. Chez l’éditeur Thierry Magnier il a sorti trois
livres de petit format: L’Homme qui levait des pierres, un récit sur une belle amitié, entre don et
initiation, L’Homme à l’oreille coupée, et L’Homme qui ne possédait rien. La Ballade de
Cornebique signée Jean-Claude Mourlevat était faite pour la collection «Hors piste». Un jour, après
avoir appris qu’il n’est pas aimé, le bouc Cornebique décide de partir. Vivant et coloré, ce texte
nous entraîne dans un monde imaginaire… très ressemblant avec le nôtre, tant l’absurde des
situations nous est connu.
Les auteurs des livres pour enfants jouent avec la langue, mais parmi tous les écrivains celui
qui y est le plus fort, c’est Pierre Elie Ferrier, dit Pef, auteur-illustrateur. Parmi les artistes
s’intéressant à l’enfance, il est l’un de ceux qui ont le mieux compris que la bataille contre
l’illettrisme était à mener par des actions parallèles à l’enseignement. La Belle lisse poire du Prince
Motordu est devenu en France classique. Le prince de Motordu mène une belle vie tout en parlant
une langue différant des autres. Sur l’injonction de ses parents, il se met à la recherche d’une épouse
et tombe sur la princesse Dézécolle. Avant de le demander en mariage, elle essaie de lui apprendre à
bien parler.
Enfin, pour apprendre plus sur la littérature jeunesse qui vous convient mieux, pour choisir
des livres pour une classe spécifique ou une certaine tranche d’âge, pour constituer un dossier sur
tel ou tel sujet en vous appuyant sur des textes littéraires, ou même pour illustrer un thème
grammatical nous vous conseillons de vous adresser au site du Centre International d’Études en
Littérature de Jeunesse – Ricochet où vous allez trouver une réponse ou une référence que vous
cherchez.

Jean-Claude Mourlevat
L’Homme qui ne possédait rien
(extrait)
Il y avait dans une oasis du désert un homme qui ne possédait rien. Le soir, il s’asseyait sur
la dune et regardait les étoiles monter dans le ciel. Il faisait couler le sable entre ses doigts et se
disait: «Un jour, je serai sable moi-même. En attendant, profitons de l’air qui entre dans mes
poumons quand je respire ; profitons de cette eau fraîche qui coule dans ma gorge ; et profitons de
cette poignée de dattes si douces et si sucrées.»
Un soir comme cela, justement, il vit venir de très loin et dans sa direction un chameau qui
portait une selle, mais qui allait seul, sans maître ni fardeau.
– Où vas-tu ? lui demanda-t-il lorsque le chameau fut à portée de voix.
– Je vais à la ville de Topka, répondit l’animal sans s’arrêter. L’homme, intrigué, le rattrapa
et marcha à son côté:
– Je suis étonné que tu m’aies répondu, dit-il au bout d’un moment, car d’ordinaire les
chameaux ne parlent pas.
– Moi... si, se contenta de grommeler le chameau et il accéléra l’allure.
– Et puis je ne connais pas cette ville de Topka dont tu me parles, continua l’homme.
– Il y a beaucoup de choses que tu ne connais pas, se moqua le chameau, puis, comme
l’homme le suivait toujours, il s’arrêta net :
– Voudrais-tu que je te prenne sur mon dos et que je t’emporte jusqu’à Topka?
– Non, dit l’homme après une hésitation, je ne veux pas. Je préfère rester ici.
– Alors je vais te poser la question autrement, reprit le chameau: voudrais-tu savoir ce qui
arriverait si tu montais sur mon dos et si tu venais à Topka? C’est une grande faveur que je te fais.
– Ça, oui, je veux bien, répondit l’homme.
– Alors, dit le chameau en s’agenouillant, monte sur mon dos et tu le sauras. Ils cheminèrent
une partie de la nuit et toute la journée du lendemain.
– Ta selle n’est pas très confortable et tu ne m’avais pas dit que cette ville de Topka était si
loin, se plaignit l’homme qui commençait à souffrir de la faim, de la soif et de la fatigue.
– Mais tu ne me l’as jamais demandé, répondit le chameau, qui n’était pas bavard.
– Alors maintenant je te le demande ! lança l’homme, très agacé: est-ce que Topka est
encore loin d’ici ?
– De moins en moins à mesure que nous en approchons, plaisanta le chameau, tu es bien
impatient...

Exploitation pédagogique du texte


1. À quel genre littéraire appartient ce texte? Quels sont les indices lexicaux et syntaxiques de ce
genre que vous y avez trouvés?
2. Un texte pareil commence traditionnellement par la description d’une situation et la présentation
du personnage principal. Comment pouvez-vous interpréter en deux phrases la philosophie du
héros de ce texte (deuxième paragraphe du texte)? Est-ce qu’il cherche quelque chose dans sa vie?
Argumentez votre réponse en deux phrases.
3. L’étape suivante du récit c’est une perturbation, un événement qui déstabilise la situation
initiale. Quel est cet événement dans l’histoire racontée? à quoi peut-on s’attendre à l’issue de cette
rencontre?
4. Quel est le type de texte dominant de cet extrait?
5. Analysez la façon de s’exprimer de chacun des personnages: repérez les verbes qui la
caractérisent.

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