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Collection LYCÉE dirigée par

Sophie Pailloux-Riggi
Agrégée de Lettres modernes

Livret de l’enseignant

Édition présentée par


Hélène Delalande
Agrégée de Lettres classiques

© Nathan 2013 - www.carresclassiques.com


Sommaire

Avant-propos .................................................................................................... 3

Plan détaillé de séquence


pour la classe de Seconde ................................................................ 4

Réponses aux questions ...................................................................... 7


w Testez votre lecture ...................................................................................... 7
w Pause lecture 1 ............................................................................................... 9
w Pause lecture 2 ............................................................................................... 11
w Pause lecture 3 ............................................................................................... 13
w Pause lecture 4 ............................................................................................... 15
w Analyse d’images ........................................................................................... 17
w Lecture transversale 1 ................................................................................ 19
w Lecture transversale 2 ................................................................................ 20
w Vers l’écrit du bac ......................................................................................... 22
w L’oeuvre en débat ........................................................................................... 25
w Question d’actualité ..................................................................................... 26

Bibliographie .................................................................................................... 27

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Avant-propos
Ce recueil est principalement destiné aux classes de Seconde, pour l’étude de la nouvelle et
des esthétiques réalistes et naturalistes. Il résulte de deux choix déterminants : le caractère
anthologique, qui réunit des auteurs aussi différents que Champfleury et Schwob, que Zola et
Banville, et l’expression complexe des ambivalences d’une modernité rien moins que triom-
phante, avec son lot d’inadaptés, d’injustices sociales et de paradoxes, donnant son unité thé-
matique au recueil, avec plus ou moins de pathos ou de détachement. Ces nouvelles permet-
tent ainsi de restituer l’atmosphère de crise d’une fin de siècle inquiète, qui pourra résonner
avec certaines de nos préoccupations les plus contemporaines. L’anthologie vise également à
faire mesurer la diversité des écritures et des enjeux trop rapidement caractérisés comme
« réalistes » ou « naturalistes » ; on s’attachera en particulier à réfléchir sur l’intensité narra-
tive de la nouvelle, ses critères propres de réussite, l’articulation parfois problématique entre
des choix de composition ou de style, et l’objet du récit.
Pour le dossier iconographique central, la photographie de la fin du XIXe siècle s’est imposée
comme l’interlocuteur implicite et essentiel du réalisme littéraire : non pas enregistrer pas-
sivement le réel, mais le recomposer, en dégager les contrastes, lui restituer une forme de lisi-
bilité, sinon du sens.

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Plan détaillé de séquence
pour la classe de Seconde

OBJECTIFS :
Étude de la nouvelle au XIXe siècle ; réalisme et naturalisme ; réflexion plus générale sur les
enjeux de la représentation du monde et de l’individu (objectivité ou stylisation) ; inscrip-
tion d’une esthétique complexe dans une histoire littéraire mais aussi sociale et culturelle.
PROBLÉMATIQUES :
Comment restituer la complexité du réel dans une forme brève ?
Comment concilier réussite littéraire et tableaux de la misère sociale ?
ORGANISATION :
Séances prévues pour une heure, possibilité de regrouper les séances 2 et 3, 4 et 5, et 7 et 8
pour des cours de deux heures.

Cette séquence s’organise en 11 séances, hors évaluation.

o Séance 1 – Présentation du contexte


Objectifs : donner aux élèves toutes les clés pour réinscrire les huit nouvelles dans le contexte
historique, social et culturel de la fin du siècle : quelle littérature en temps de crise ? Comment
comprendre qu’une esthétique prétendant peindre la société moderne ait paru si scandaleuse ?
Quelle proximité entre ces œuvres littéraires et ce qu’on appelle aujourd’hui les sciences
humaines, quel rôle de la presse (contexte de publication et de diffusion de ces textes) ? Les
élèves doivent pouvoir mesurer à la fois la nécessité historique qui est au principe des esthé-
tiques réalistes et naturalistes, et leurs enjeux à la fois éthiques, épistémiques et esthétiques.
Support : frise chronologique, éléments de présentation des années 1870-1890, histoire,
société, culture, littérature. On pourra insister sur la dimension polémique des grands mani-
festes réalistes et naturalistes, évoquer le scandale Courbet.
Balzac, « Avant-propos » de La Comédie humaine, 1842 ; Zola, extraits du Roman expérimen-
tal, 1880 ; les Goncourt, préface de Germinie Lacerteux, 1865 ; Maupassant, préface de Pierre et
Jean, 1887 ; Zola, préface de La Fortune des Rougon, 1871.
Courbet : L’Après-Dînée à Ornans (1849) ; Les Casseurs de pierres (1850) ; Un Enterrement à
Ornans (1851) ; Le Réalisme, recueil d’articles de Champfleury (1857).
Contenus : rapide point historique (insister sur les turbulences et la recherche d’un équilibre
et la profonde mutation de la société française). Rencontre de deux complexités ; le monde
bourgeois et ses valeurs, la modernité et ses ébranlements, brassages sociaux, ambitions
épistémiques des romanciers, vocation documentaire de la nouvelle (importance de la publi-
cation dans la presse à grand tirage : quel effet sur le statut de ces textes ?) ; présentation
rapide des six écrivains, en prenant garde de ne pas aplanir leurs différences ; insister en parti-
culier sur les effets de génération. Pour éviter que la séance ne soit trop abstraite, proposer
une réflexion sur le scandale Courbet, et sur ce qui a pu (et peut toujours) choquer dans le réa-
lisme. On pourra aussi utiliser l’iconographie de l’ouvrage.
Pour la séance suivante : les élèves doivent répondre aux questions de la rubrique « Testez
votre lecture », pour les nouvelles de Champfleury, de Zola et Rosalie Prudent, de Maupassant.

o Séances 2 et 3 – Diversité des réalismes


Objectifs : montrer trois aspects de l’esthétique réaliste : le conte cruel/le fait divers à peine
transposé/le croquis social polémique. S’interroger sur son rapport à la réalité : la rendre dans
sa singularité ? ou en proposer un modèle lisible (à travers le type ou la généralisation) ?

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Support : Les Trouvailles, Le Chômage et Rosalie Prudent.
Contenus : rapide débat collectif : quelle nouvelle préférez-vous ? Pourquoi ? Quelle nouvelle
vous semble la plus poignante ? la plus drôle ? Étude de la composition des trois nouvelles, et
réflexions sur leurs enjeux, à la fois esthétiques et éventuellement idéologiques. Que veut-on
montrer du réel ? Comment ? Utiliser la « Pause lecture 1 » pour montrer la mécanique struc-
turelle de la nouvelle de Champfleury. Méthode du commentaire composé ; plan du commen-
taire.
Ouverture : petite histoire des « types » dans la littérature ; suggérer des rapprochements
avec d’autres maniaques (Molière, etc.) pour réinscrire le réalisme dans une vaste histoire lit-
téraire.
Réflexion sur le degré d’individualisation des personnages : lequel semble le plus « vivant » ?
Le réalisme, est-ce proposer un modèle du réel, un système de lisibilité du réel ? ou restituer la
vie dans son mystère et son drame, à travers l’individu ?
Pour la séance suivante : les élèves doivent répondre aux questions de la rubrique « Testez
votre lecture », pour les nouvelles Miss Harriet et La Retraite de M. Bougran.

o Séances 4 et 5 – La description dans le récit réaliste


Objectifs : montrer que la description n’a pas seulement un caractère purement documen-
taire (restituer la réalité dans son exhaustivité, objets, lieux, personnes…), mais joue aussi un
rôle essentiel dans le récit : donner des informations utiles à la compréhension du personnage,
à la progression de l’intrigue. On pourra également s’interroger sur la réussite d’une descrip-
tion : est-elle un moment fort du récit ?
Support : Miss Harriet et La Retraite de M. Bougran.
Contenus :
• 1re séance : analyse de la structure des deux nouvelles, qui sont les plus complexes. La struc-
ture enchâssée et le dispositif du conte chez Maupassant ; la structure tragique chez
Huysmans. Approfondir la question de l’antihéros réaliste, et des sentiments mitigés qu’il sus-
cite chez le lecteur (compassion/étrangeté) : quelque chose d’irréductible dans leur altérité,
leur incapacité à s’adapter au monde réel.
Lecture des deux descriptions de la « Pause lecture 2 », questions « Retour au texte ». Pour la
fois suivante, éventuellement : qui décrit le paysage, dans les deux cas ?
• 2e séance : suite du travail à partir de « Pause lecture 2 ». Initiation à la lecture en parallèle
de deux textes.
Ouverture : le paysage romantique (Rousseau, Chateaubriand…).
Pour la séance suivante : les élèves doivent répondre aux questions de la rubrique « Testez
votre lecture », pour Les Servantes et Le Père Nicolas.

o Séance 6 – L’art resserré du récit dans la nouvelle : le dénouement


Objectifs : synthèse sur les questions de composition, et l’esthétique singulière de la nouvelle
Supports : reprendre Les Trouvailles, Rosalie Prudent, Le Père Nicolas et Les Servantes.
Contenu : débat : quelle est la meilleure nouvelle ? et le meilleur dénouement ? Y a-t-il un lien
nécessaire entre les deux ?
Caractériser l’idée de dénouement, de fin, d’achèvement de la nouvelle. Chute prévisible/pré-
parée ou non ?
Supports : étude plus approfondie des Servantes, qui permet de montrer la contraction
extrême du temps, le caractère stéréotypé des situations finales, et la puissance d’une conclu-
sion au présent. Commentaire composé de la fin du récit.
Appui sur la « Pause lecture 3 ».
Pour la séance suivante : rédiger un bref texte argumentatif pour faire l’éloge de la nouvelle
préférée dans le recueil, répondre aux questions « Testez votre lecture » pour la nouvelle de
Schwob.

o Séances 7 et 8 – Le réel scandaleux ? Écritures réalistes et justice


Objectifs : initiation à une lecture politique des textes réalistes et naturalistes fondée sur une
analyse littéraire. Peut-on évoquer le réel sans s’engager ? Montrer que les choix de narration
sont déterminants pour faire d’un texte un pamphlet ou un croquis indécidable.

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Contenu : rapprocher trois nouvelles : Le Chômage, Rosalie Prudent et Instantanées, dont la
thématique se prête à la polémique (violences extrêmes de la société : chômage, système
judiciaire, exécution). Laquelle est la plus engagée ? pourquoi ?
Appui sur la « Pause lecture 4 ». Commentaire composé.
Lecture à faire chez soi, partielle ou totale, du Dernier jour d’un condamné.
Séance 7 : Initiation à la dissertation (méthodologie), à partir de ces trois nouvelles : « La lit-
térature doit-elle dénoncer explicitement les injustices ? ».
Ouverture éventuelle sur les engagements politiques de Zola (affaire Dreyfus, importance de
la presse) ; et sur l’exigence avant tout esthétique et poétique de Schwob (donner à lire
d’autres textes, en particulier extraits des Vies imaginaires, qui sont accessibles pour des élèves
de Seconde).
Pour la séance suivante : rechercher des photographies des années 1880-1890 (par exemple,
à partir des sites de musées nationaux…).

o Séance 9 – Histoire de l’art : la photographie


Objectifs : montrer que la photographie n’est pas qu’un enregistrement passif du réel, mais
est un geste esthétique fort, qui engage un certain regard sur le monde, et suscite l’émotion
du public.
Supports : cahier central et questionnaire ; autres photographies collectées par les élèves.
Contenu : rapide histoire de la photographie : explicitation du contexte ; rapport entre pho-
tographie, peinture et littérature, en particulier réaliste, à la fin du siècle. Présentation plus
approfondie des quatre photographies, débat oral.
Ouverture : à partir de quand une photographie devient-elle une œuvre d’art ? Y a-t-il des
œuvres d’art involontaires (cas des clichés ethnographiques du XIXe siècle et du début du
XXe siècle, devenus objets d’art au quai Branly, etc.) ?
Pour la séance suivante : rédiger l’article de presse (fin du questionnaire).

o Séance 10 – Point de vue, voix, style : restituer les singularités d’un milieu
dans la langue
Objectifs : choix narratologiques et stylistique du réalisme : au rebours d’un reflet plat du réel.
Initiation aux questions de point de vue et aux effets de voix.
Support : « Lecture transversale 1 », questionnaire et documents.
Contenu : le réalisme tient moins aux choix thématiques, qu’à leur traitement esthétique, en
particulier au niveau de la narration et de la langue. Choix des points de vue, des types de dis-
cours (discours direct et indirect libre), langue « populaire ».
Débat en classe : réussite de ces procédés ? Empathie ou condescendance ? Y a-t-il une
éthique du réalisme littéraire (et cinématographique, photographique, etc.) ?
Pour la séance suivante : lire les documents, et répondre au questionnaire « l’œuvre en
débat ».

o Séance 11 – Réalisme et émotion


Objectifs : faire réfléchir les élèves à ce qu’est une émotion de lecture, au-delà du divertis-
sement, du document, de la tension narrative…
Supports : documents et questionnaire de « Lecture transversale 2 », et entretien avec
H. Mitterand.
Contenu : débat collectif ; réflexion plus approfondie à l’articulation entre choix
d’écriture/plaisir de lecture/réalités misérables.
Lien possible avec d’autres nouvelles/romans réalistes et naturalistes lus par les élèves.
Évaluation : sujet type Bac (voir propositions de corrigé).

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Réponses aux questions
w Testez votre lecture ➜ p. 110
l
Les Trouvailles de M. Bretoncel, de Champfleury
1 Le héros de la nouvelle est un « maniaque », plus encore qu’un collectionneur d’antiqui-
tés à la valeur variable. On notera à ce propos l’ironie des premières lignes de la nouvelle.
Comme le suggère le titre, tout est dans la « trouvaille », l’illusion de découvrir des richesses
cachées de tous dans les lieux les plus inattendus. C’est moins l’accumulation de trésors que
la chasse aux trésors elle-même qui définit sa folie douce.
2 Cette question simple vise à faire comprendre aux élèves la structure cumulative de la
nouvelle : répétition du même motif, avec une progression qui rend éclatant le ridicule du
maniaque. Les premières largesses de M. Bretoncel sont spontanées (eau-de-vie, cadeaux pour
les enfants), les suivantes répondent à des sollicitations du paysan, qui évoque des difficultés
financières (l’étoffe pour la robe, au bourg, les 40 francs pour le juge, au Quercy, l’étable et la
désillusion finale) ; sa manie le désigne comme victime facile, il doit donc faire des « traites »
(p. 24), c’est-à-dire à la fois parcourir un trajet et payer des traites au paysan.
l
Le Chômage, de Zola
3 Il n’y a pas de noms propres dans cette nouvelle, à l’exception de la désignation d’un lieu
vaste (Paris) ; il s’agit de figures anonymes, de types, qui renvoient à une situation collective
dramatique : le patron de l’atelier et ses ouvriers, puis un ouvrier, représentatif de tous les
autres, sa femme et sa fille, faiblement individualisées : cet ouvrier est un « bon homme »
(l. 109), ne boit pas ; la petite fille a « sept ans » (l. 145). Le texte bascule ainsi du côté du pam-
phlet : il s’agit moins de restituer un réel incarné par des personnages nettement caractérisés,
que de dévoiler crûment une misère sociale, qui s’insinue dans chaque foyer ouvrier, à l’heure
de la crise et du chômage.
4 L’efficacité polémique de cette nouvelle tient à ce que les personnages refusent de perdre
leur dignité pour survivre, ce qui fait d’eux des héros tragiques, dans ce monde moderne qui
les condamne à mourir de faim : le patron va jusqu’à la ruine, l’ouvrier s’offre pour toutes les
tâches dangereuses, à moitié prix, résiste à la tentation du suicide, reste incapable de mendier ;
sa femme a elle aussi cherché du travail, a tenté d’emprunter de l’argent, est vulnérable à tous
les regards concupiscents ; l’enfant n’envisage aucune solution et constate leur misère.
l
Miss Harriet, de Maupassant
5 Léon Chenal raconte ses souvenirs, après la sollicitation d’une de ses compagnes de
voyage, dans un break (structure très courante dans les nouvelles réalistes puis fin-de-siècle,
de Maupassant à Barbey d’Aurevilly).
6 Cette Anglaise distribue des petits livres de « propagande protestante » (l. 183, p. 39), et
proclame à tout moment son amour pour Dieu. Cette étrangeté conduit à des jugements
confus (athée, hérétique, l. 194, 196, 198, p. 39), à des rumeurs non fondées (son impiété l’au-
rait fait chasser par sa famille), et donc au surnom que lui donne la logeuse : « démoniaque »
(l. 223, p. 40), qui apparaît en décalage total avec la personnalité de la vieille fille (voir le détail
comique de la « profanation », c’est-à-dire du crapaud soigné dans la chambre, p. 40).
7 Elle s’est suicidée par désespoir amoureux, après avoir surpris les caresses de son peintre
et de Céleste, mais aussi, sans doute, pour achever une vie marquée par « l’éternelle injustice
de l’implacable nature » (l. 709, p. 57).
l
Rosalie Prudent, de Maupassant
8 Elle était la bonne de « petits rentiers de province » (l. 25, p. 59), orpheline devenue ser-
vante de petits bourgeois étriqués, pourtant « assez instruite » (l. 30, p ; 60), mais misérable et
dépendant entièrement de ses maîtres : elle gagne « 20 francs par mois » (l. 115, p. 63). Par

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comparaison, une lingère gagne alors 2 francs par jour, un ouvrier 4 francs 50, une livre de pain
coûte 90 centimes en 1890.
9 Ce n’est pas un moment de désespoir qui cause l’infanticide, mais un raisonnement de
mère incapable de choisir lequel de ses enfants elle va tuer pour pouvoir élever l’autre : elle tue
donc les deux.
l
Les Servantes, de Banville
10 Plus qu’une servante, Rosalie a le rôle d’une dame de compagnie, d’une confidente, et
remplit toutes sortes de fonctions utiles dans le foyer. Elle est aussi la maîtresse du mari. Le
début du texte est très intéressant, plein d’ironie : Mme Henriette s’illusionne-t-elle sur ses
propres qualités et sur le sort qui lui est fait ? Est-elle une victime, ou bien est-elle également
visée par l’ironie du narrateur ?
11 La vachère menace la femme de chambre de montrer au maître des lettres compromet-
tantes, qui prouvent que Rosalie a un autre amant.
12 Elle est finalement victime de son dévouement (qualité qui est la première caractérisa-
tion de Rosalie, p. 66), et contracte la petite vérole après avoir soigné et guéri la petite fille de
ses maîtres (l. 170-174, p. 71).
l
Le Père Nicolas, de Mirbeau
13 Elle réagit avec la plus grande placidité (« ça ne fait ren, ren en tout », l. 72, p. 75), malgré
le caractère brutal de cette mort, et se passe du rituel à la fois social et religieux de la veille
mortuaire : le travail aux champs prime.
14 Ce sont les visiteurs qui sont ébranlés face à cette mort : « mine contristée » (l. 71, p. 75),
« ahuris » (l. 90, p. 76), « troublés » (l. 131, p. 77), mais la vieille femme se montre insensible
à ces condoléances rituelles.
l
La Retraite de M. Bougran, de Huysmans
15 Il est employé à un « Ministère », ses fonctions restent imprécises dans le texte. Il incarne
le fonctionnaire ordinaire, avec ses lieux, ses rites, ses références, son jargon.
16 La nouvelle s’ouvre sur son congédiement pour « infirmités résultant de l’exercice de
[ses] fonctions » (l. 7-8, p. 79), mais la raison réelle de cette mise à la retraite reste obscure,
à l’image de toutes les explications administratives et légales pastichées dans cette nouvelle.
17 Il joue désormais sa vie, qui n’est qu’une vie professionnelle, de fonctionnaire ; le garçon
de bureau incarne pleinement cette fiction d’activité administrative.
l
Instantanées, de Schwob
18 Il s’agit d’une scène d’exécution, de décapitation par la guillotine. Il faut noter que la
décapitation elle-même ne fait pas spectacle : c’est tout ce qu’il y a autour, juste avant et
juste après, qui est ici décrit par petites touches.

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w Pause lecture 1 ➜ p. 114
Comment lancer la dynamique d’une nouvelle ?
Les Trouvailles de M. Bretoncel (l. l-65)

Retour au texte
1 Il est agent de change : le lien avec la bourgeoisie d’argent et une modernité capitaliste
est donc clairement établi. Il est caractérisé comme maniaque : ce collectionneur s’illusionne
sur la valeur de ses « curiosités », passionné jusqu’à la bêtise (voir la fin du passage).
2 Trois personnages sont en présence : un chasseur de curiosités, une cabaretière
raisonnable et plutôt compatissante (« voyant un homme fatigué », p. 16, l. 27), qui vend
néanmoins son écumoire, un paysan anonyme qui flaire la bonne affaire.

Interprétations
l
Un type de maniaque
3 Les trois temps sont :
– catégorisation du personnage principal, et définition de cette catégorie moderne (l’amateur
de hautes curiosités) au présent ;
– passage à l’imparfait d’habitude (évocation de la forme que prend la manie chez le person-
nage) et retour à la généralisation au présent ;
– enfin événement, qui vaut début de l’intrigue, avec dramatisation : « Un jour »… « d’habi-
tude ».
On glisse ainsi du plus général à l’anecdote significative et piquante.
4 Ces éléments sont : les illusions sur la valeur de ses trésors, l’accumulation d’objets
hétéroclites, la jouissance de la chasse au trésor, l’épuisement physique pour satisfaire sa pas-
sion.
l
Tel sera pris qui croyait prendre
5 Il s’agit d’un cabaret de campagne, modeste (voir la valeur péjorative des adjectifs). Des
paysans discutent procès et récoltes ; il y a donc un contraste fort entre le lieu et les rêves de
M. Bretoncel.
6 M. Bretoncel est convaincu de sa compétence pour reconnaître un objet d’art dont la
véritable valeur est ignorée par le paysan. Celui-ci identifie une proie facile à dépouiller.
l
Ironie et connivence
7 Un premier achat, révélateur des pulsions maniaques du personnage, est immédiatement
disqualifié par le narrateur, qui est la voix de la raison et de la vérité : la passoire se révèle d’un
médiocre intérêt, et la disposition de ses trous est ridicule. M. Bretoncel sera donc bel et bien
une dupe.
8 Cette obsession est portée par l’agitation de M. Bretoncel (étude des verbes), l’attache-
ment à des mots alimentant sa manie, la métaphore de la chasse. L’ensemble est déconstruit
et ironisé.
9 La métaphore filée de la chasse se renverse (le chasseur finalement attrapé) : duperie,
illusions, apparences et réalité. Héritage de la comédie morale : on fera saisir un type de
maniaque, et les réactions qu’il suscite.

Et vous ?
Lecture critique
On pourra suggérer que ce début donne parfaitement le ton de la nouvelle, et contient déjà
toutes ses potentialités – peut-être même trop, du fait de l’ironie voyante du narrateur et du
caractère mécanique de la duperie qui s’amorce.

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w Vers l’oral du bac
1 On rappellera les comiques de caractère, de situation, de mots. On a ici : un type ridicule ;
une mise en évidence ironique mais claire de sa manie ; la mise en place d’un scénario
comique.
2 À l’écumoire aux trous astucieux répond la modeste plaque d’assurance creuse, aux géné-
ralités du type répond, également au présent, une généralité sur leurs déconvenues. De même
répondent au début du texte la formule de clôture du récit « Et c’est ainsi… », et l’idée d’une
lucidité passagère de M. Bretoncel (qui regrette ses largesses, mais n’en reste pas moins un
maniaque, jusqu’à la prochaine désillusion).

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w Pause lecture 2 ➜ p. 116
Comment une description peut-elle dévoiler les secrets
d’un cœur ou d’une société ?
Miss Harriet (l. 334 à 369, p. 44-45)
La Retraite de M. Bougran (l. 248 à 289, p. 88-89)

Retour au texte
1 Miss Harriet : regard du peintre, puis regard double, enfin regard de Miss Harriet selon le
peintre. La Retraite de M. Bougran : M. Bougran lui-même.
2 On fera noter l’importance du vocabulaire subjectif : connotation des verbes, dimension
évaluative des adjectifs, métaphores… et surtout mise en place d’indices de focalisation. Ces
éléments suggèrent que l’on voit avec les personnages (verbes de vision, moments de con-
templation, pause dans le récit).

Interprétations
l
Miss Harriet : le paysage d’une âme
3 La description du paysage est structurée en quatre temps :
– évocation générale d’une soirée magnifique (« un de ces soirs de bien-être où la chair et l’e-
sprit sont heureux », présent de vérité générale, p. 44-45, l. 335-336) ;
– retour progressif sur la singularité de ce moment (passé simple) ;
– suspension dans l’évocation mêlée du paysage et des émotions de l’Anglaise (imparfait) ;
– scène du coucher de soleil, réaction émue de Miss Harriet, prise sur le vif, comme un cro-
quis, par le peintre.
4 L’émotion est rendue par le jeu des temps : suspension et choc face au paysage ; rythme
des phrases et accumulation des adjectifs et autres expansions du nom ; importance du vocab-
ulaire de la sensation et de la sensualité.
5 La sensualité est ici fortement érotique : notez le choix délibérément ambigu des termes.
C’est un pastiche romantique.
l
La Retraite de M. Bougran : le jardin dénaturé
6 Notez la progression des termes, de la tenue (du propre à l’apprêté) à la perversion (du
mot torture, p. 88, l. 260 à assassiner, p. 89, l. 276) ; relevez les formes verbales en particulier :
une dynamique contrariée. Insistance et précision dans l’accumulation des termes. L’analogie
entre nature et société s’appuie sur la métaphore filée : montrez le renversement, d’abord
c’est la torture humaine qui permet de rendre compte d’un rapport perverti à la nature, puis
ce rapport perverti à la nature devient le signe même d’une modernité perverse, dont l’admi-
nistration est une variante.
7 Sous le regard de M. Bougran se dévoile une nature torturée. Vient ensuite l’explicitation
assumée par le narrateur, qui se distingue radicalement de son personnage. Celui-ci reste à la
surface de la réalité, constatant la perversion du réel, sans l’interpréter pour son propre
compte.
l
Analogies, symboles et significations
8 Non, Maupassant exprime une exaltation intime, reflétée et comme amplifiée par le pay-
sage, ce qui souligne le sentimentalisme excessif de Miss Harriet. Chez Huysmans, la descrip-
tion rend compte d’une modernité pervertissant la nature, comme le langage et les relations
humaines, qui a donc une portée plus large, polémique et presque anthropologique, sans dire
grand-chose sur M. Bougran.
9 Révélation sur l’intériorité de Miss Harriet et effet de contraste entre le peintre et la
vieille fille, qui noue le drame (passion/rire). Révélation sur le fonctionnement du monde
moderne et annonce de l’issue des tortures de M. Bougran : la mort.

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10 Pour Maupassant : superposition des regards.
Pour Huysmans superposition puis séparation, importance d’une saisie poétique et stylistique
du réel, à partir de la sensation ou de l’analyse.
Pour Zola : illumination, comme la joie rêvée, la tentation démoniaque de l’alcool, et le brasier
infernal des souffrances à venir.

Et vous ?
Lecture critique
Valorisez les lectures ironiques ou délibérément emphatiques (pastiche du romantisme) pour
Maupassant, et les lecteurs sérieuses, inquiètes, pour Huysmans.

w Vers l’oral du bac


1 On veillera à détailler la figure de l’analogie, les discordances des regards, entre lucidité et
aveuglement pour M. Bougran et toutes les formes de perversion humaines liées à la moder-
nité.
2 Il trouve le sens de sa vie dans cela même qui la prive de toute signification authentique :
le rituel bureaucratique au lieu de la vie ; le jargon au lieu du langage ; la comédie factice au
lieu de l’action.

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w Pause lecture 3 ➜ p. 119
Finir ou ne pas finir ?
Les Servantes (l. 148 à fin, p. 70-71)

Retour au texte
1 Ce personnage instille une possibilité du chantage et fait redoubler la rivalité au sein de la
maison.
2 Mme Henriette et Rosalie meurent ; Suzanne est promue, un nouveau personnage, la
vachère, arrive ; Simonat se remarie. Ainsi, le double trio bourgeois (avec rôle supplémentaire
de P. Mabru) se reconstitue : Monsieur, Madame, la servante-maîtresse (et la jeune servante).

Interprétations
l
Finir à toute allure
3 Chantage de Suzanne, situation bloquée, puis succession de dénouements : mort de
Rosalie, remariage, prospérité de Suzanne, suspension du récit.
4 Dialogue au discours direct, puis série de passés simples, puis de passés composés : on se
rapproche du présent (occasion de rappeler les valeurs respectives de ces temps). Accélération
du temps jusqu’à la conjonction avec le présent.
l
La forme d’une vie
5 Suzanne se caractérise par une habileté du ton et de la méthode dans l’affichage du
respect de la hiérarchie, une rhétorique simple et efficace (vous/moi/nous). Cette caractérisa-
tion devient très positive en fin de narration.
6 Il s’agit d’un psycho-récit : le narrateur semble entrer dans les pensées de Suzanne, et ne
porte plus de jugement extérieur sur ses actes.
7 L’ironie tragique est une notion issue de la réflexion sur le théâtre (exemple canonique :
Œdipe roi de Sophocle), c’est l’effet produit par un écart déconcertant entre les discours et la
réalité, ce que croit savoir un personnage et son destin en marche. Ici, l’ironie tragique tient au
caractère très mécanique du déroulement des vies rapidement racontées : on note la répéti-
tion du même et l’emboîtement des situations à l’issue prévisible ; c’est justement ce qui a
permis la réussite sociale de Rosalie, ainsi que ses qualités humaines, qui font d’elle un indi-
vidu singulier, qui causeront sa perte (le dévouement à la famille), et elle sera remplacée par
son double (Suzanne la servante habile). Mais la tonalité du récit n’est pas tragique : on note
un effet de détachement, dans l’accélération du récit de la mort de Rosalie et les diverses péri-
péties de la vie familiale. Rosalie est très vite oubliée par les Simonat, et le texte évite tout
pathétique à son sujet (l’individu disparaît dans la catégorie des « servantes », comme le titre
pouvait dès le début le suggérer).
l
Structures complexes et effets de bouclage ironiques
8 Une recherche généralisée du profit caractérise les épouses et maîtresses (tous les per-
sonnages veulent « devenir » ou arriver). Toutefois, Suzanne se distingue par une lucidité plus
grande et sans doute également une perversité suggérée de tous (voir les ennuis de sa maî-
tresse).
9 Les relations humaines sont guidées par l’amour de soi, les calculs et les stratégies : un
véritable « jeu » où il ne faut pas commettre de « fautes ».
10 Le lecteur est confronté à une sorte de relativisme moral qui enregistre un certain type de
fonctionnement social et à la victoire du plus cynique.

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Et vous ?
Expression écrite
On veillera à composer ce dialogue :
– à la fois dans la structure de la présentation que fait Suzanne (caractère de M. Simonat,
besoins des enfants, hiérarchie des servantes) ;
– et dans l’alternance des répliques.
Caractère de Suzanne : il faudra montrer la supériorité et l’habileté de la servante en place, en
lui faisant presque monopoliser la parole, éventuellement couper la parole de la nouvelle arri-
vante, aux questions naïves. Possibilité de mêler des menaces ou des avertissements voilés à
sa présentation.

w Vers l’oral du bac


1 Il s’agit plutôt d’un effet de bouclage ; surprise dans l’accélération des événements ; pas de
chute à proprement parler, mais une suspension ironique ou cynique du jugement.
2 Jeu sur les stéréotypes ; pastiche d’un portrait de femme idéaliste ou romantique ; excès
dans les contrastes entre les époux.

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w Pause lecture 4 ➜ p. 121
Écrire le réel tout contre le fantasme ?
Instantanées (de l. 35 à 83, p. 104-105)

Retour au texte
1 Il s’agit d’une scène d’exécution, au petit matin : la foule attend, en présence des gen-
darmes. Le corbillard part et les protagonistes se réunissent au café.
2 L’exécution proprement dite fait l’objet d’une ellipse : quelques images brutes se succè-
dent, sans évocation narrative de la mort du condamné.

Interprétations
l
Le choc des images
3 Le passage est écrit au présent : pas de succession des moments, mais juxtaposition d’in-
stants, de choses vues, perte de la cohérence chronologique, qui donne le sentiment d’un
déroulement dépourvu de nécessité, voire absurde.
4 Les adjectifs restituent des sensations de cruauté, d’étrangeté, de maigreur, de malaise et
de maladie : cette scène se place aux confins du fantastique. Les nombreuses notations de
couleur esquissent un croquis malsain.
5 L’ambiance de cette scène est morbide et frôle la folie. Les signes de mort contrastent
avec une vie « ricanante ».
l
Le refus de l’analyse
6 Les plans rapides sur des objets, les notations de couleur aboutissent à une série
d’éblouissements vagues : il n’y a pas de panorama, ni de récit séquentiel.
7 Juxtaposition et vitesse sont les maîtres mots. On notera l’importance des quelques
adverbes qui suggèrent le déroulement non marqué du temps.
8 Les personnages sont tous anonymes et font preuve d’une relative passivité. Ils sont spec-
tateurs de la scène plutôt qu’acteurs.
l
Fantasme, complaisance ou regard critique ?
9 Le narrateur efface toute trace d’investissement subjectif. Il n’est pas le condamné lui-
même, comme chez Victor Hugo. Sa vision extérieure est à la fois éloignée et capable de gros
plan.
10 Le dessin montre des dégradés de noir, qui servent la vision plutôt que la chose vue.
Toutefois, la tête coupée prédomine. Cette insistance sur l’individu (yeux, cri) est absente chez
Schwob, qui met l’accent sur une atmosphère, un paysage décrit par touches.

Et vous ?
Expression écrite
Le pamphlet peut prendre diverses formes. On peut attendre soit une évocation linéaire d’une
exécution : le petit matin (et les connotations négatives attachées à une aube mortelle), l’agi-
tation des fonctionnaires, les angoisses du condamné, l’attente obscène de la foule, la décapi-
tation elle-même, l’évacuation du cadavre. Dans ce cas, il s’agirait d’une réécriture « mar-
quée » du texte de Schwob, avec un jugement négatif explicite sur l’exécution et ses
modalités.
Sinon, on peut attendre un texte qui se concentre sur les enjeux de l’exécution, qui soit moins
narratif que démonstratif : violence du geste de l’exécution, horreur du spectacle, terreur du
condamné, un meurtre légitime.
N.-B. : il ne s’agit pas nécessairement de proposer un pamphlet anti-peine de mort, pour les
élèves, mais de réfléchir sur les ressorts d’une écriture polémique, et sur la possibilité d’évo-
quer l’extrême violence).

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w Vers l’oral du bac
1 Enjeu : le réalisme n’est pas la tentative de décalquer le réel. Ici : effets marqués de l’écri-
ture, choix stylistiques évidents, pour restituer une forme de sidération face à l’événement, et
susciter une émotion forte (mais non pas forcément une réaction éthique, comme chez
Hugo). Précision des lieux, des couleurs, des figures qui s’agitent : authenticité d’une expéri-
ence, au-delà de l’imitation fidèle de la réalité.
2 Terreur : mort donnée définitive, hantise du revenant, mépris du corps du cadavre. Seul
discours direct du texte, au sens également flou, suscitant malaise et inquiétude : une impres-
sion, au sens fort du terme, indécidable.

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w Analyse d’images ➜ p. 124
Photographier, est-ce recomposer le réel ?
Dossier central images en couleurs

Retour aux images


1 Doc. I : un plan cadré sur un personnage costumé en Pierrot qui pose en regardant l’objec-
tif, à côté d’un appareil de photographie ;
Doc. II : un gros plan sur un ouvrier, sur la tour Eiffel, en pleine activité ;
Doc. III et IV : deux photographies de gens ordinaires, saisis dans leur quotidien, en ville et à la
campagne.
2 La photographie de Nadar témoigne d’une volonté explicite de mise en scène : costume,
mise en abîme de l’appareil, et non pas d’un souci réaliste ou documentaire, comme celui
témoigné par les trois autres clichés.

Interprétations
l
Enregistrer le réel ?
3 L’appareil photographie (doc. I), la tour Eiffel, les cordes et le seau de peinture visibles
(doc. II), l’orgue de Barbarie (doc. III) et les volets asymétriques en arrière-plan, les tonneaux,
l’échelle, le sol en terre battue, les tenues (doc. IV), tous ces éléments ancrent la scène dans
le réel.
4 Ces documents témoignent de la réflexion sur le geste même de photographier : saisie du
symbole architectural de la modernité ; petit métier en voie de disparition ; immuabilité du
monde rural.
l
Mises en scènes
5 Effets de cadrage et jeux d’ombres et de lumière (choix délibéré de la géométrie ; costume
blanc en contraste et lumière sur le visage…) suggèrent la distance par rapport au sujet.
6 Plusieurs aspects techniques rendent compte de la volonté de dépasser la simple archive
photographique : posture des figures, souci de l’arrière-plan, effets de naturel (asymétrie) et
composition (verticalité des lignes), jeux d’ombres/lumière.
l
Interroger le rapport à la parole et à l’écriture
7 Les autoportraits sont fréquents. Ici, on constate une mise en rapport du théâtre, dans sa
dimension la plus incarnée (pantomime) et de la photographie : succession des arts visuels
dans une histoire orientée, progressiste, de la modernité ?
8 Cette photographie révèle un paradoxe : d’un côté, la fixité, la rigidité de la pose ; de
l’autre, l’essentiel, qui reste à venir (geste même du photographe, tirage de l’épreuve) : dans la
coexistence de l’objet moderne et de la figure fascinante, inépuisable du Pierrot blanc, qui
concentre toute la lumière (plis, etc.).
9 Image pure, dynamique ; musique inaudible et en voie d’extinction ; regards muets. La
photographie ne prétend pas se substituer aux arts de la parole, mais propose un regard
aiguisé sur le monde.

Et vous ?
Expression écrite
Plan possible : apparemment, se contenter d’un reflet du réel ? Aspect documentaire des pho-
tographies : enregistrer le réel, témoigner de la modernité (photographie, tour Eiffel) et d’un
passé qui est peut-être en train de s’éloigner (petits métiers).
En réalité, accentuer effets de contraste, possibilité de mise en scène, de cadrage : les photo-
graphies témoignent surtout du regard qui est posé sur les gens et sur la modernité : contraste
noir/blanc qui accentue l’écart entre le costume de Pierrot et l’appareil photo ; choix du

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cadrage et de l’éloignement qui réduit le peintre à une petite silhouette, par rapport au carac-
tère massif et géométrique de la tour Eiffel ; impression de vie et d’émotions des deux photo-
graphies du petit peuple, urbain et rural
L’épreuve est une œuvre d’art, pas le résultat prévisible d’une technique moderne : des visions
du monde, qui engagent une réflexion sur le rapport de l’homme aux changements contem-
porains, sans trancher. Ambivalence du Pierrot : ceci tuera cela ? Ou coexistence de la vie et de
la technique ? réflexion sur l’illusion (costume/reflet de la photo) ? La photographie de Nadar
est sans doute celle qui laisse le plus à penser.
La photographie de Rivière semble anticiper sur certaines œuvres modernistes du XXe siècle,
où la géométrie, les contrastes et les volumes sont essentiels (voir par ex. la Tour Eiffel de
Delaunay, 1911) : là encore, quelle est la portée de cette photographie ? Homme écrasé par la
technique, la force brute de la matière industrielle ? Ou beauté moderne de l’énergie humaine,
dans cette image de l’homme-oiseau suspendu à l’arbre métallique ?
Les autres photographies dégagent une émotion complexe : documents ethnographiques,
mais aussi documents humains, qui laissent place aux individus. On pourra aussi songer aux
portraits du petit peuple de Paris de Doisneau, aux photographies de Lévi-Strauss. Même les
photographies documentaires ne sont pas réductibles à une empreinte mécanique du réel ;
toujours présence d’un regard qui capte une scène, une individualité…

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w Lecture transversale 1 ➜ p. 126
Comment restituer les voix populaires ?
Retour au texte
1 On trouve dans l’ensemble des nouvelles des ouvriers et leurs familles, des paysans, des
aubergistes, des servantes, des garçons de bureau, des aides-bourreaux.
2 Leurs paroles sont essentiellement au discours direct, avec des formes marquées (syn-
taxe, morphologie des mots, vocabulaire).

Interprétations
l
Les classes populaires ont aussi leurs drames
3 Les personnages doivent affronter toutes les formes de misère : économique, sentimen-
tale, existentielle… et en particulier, une expérience de la mort et de la perte.
4 En matière d’amour, Suzanne est une exception, qui joue sa partie avec habileté. Pour les
autres personnages féminins, on relève : une fidélité suggérée à sa famille (la femme du chô-
meur) ; un profond désespoir (Rosalie Prudent) ; une mort par dévouement (Rosalie, dans
Les Servantes) ; un suicide (Harriet la sentimentale) ; une indifférence placide (mère Nicolas).
5 La mort révèle un caractère. C’est le point d’aboutissement d’un drame.
l
À la recherche des voix du peuple
6 Une voix « populaire » contient des inflexions marquées : accentuations, élisions, toutes
déformations des mots ; syntaxe et lexique ; langage simple et resserré sur l’essentiel.
7 La variation des points de vue permet une vision totalisante de la situation. Elle rend
compte du caractère émouvant de la solidarité et de la solitude qui subsistent pourtant dans
la misère. On distingue une gradation dans le pathétique (patron ruiné, ouvrier, femme,
enfant), une voix de plus en plus naïve, simple, allant aux questions les plus essentielles.
8 La dimension pittoresque (regard posé de l’extérieur sur l’autre, pensé comme différent)
de la langue « populaire » s’oppose à la tentative de comprendre l’autre, dans sa diversité,
d’atteindre un universel humain dans le peuple. Exemples : le pittoresque du paysan roué chez
Champfleury et de la paysanne impassible de Banville ; du côté de l’authenticité, malgré
l’aspect lisse des ouvriers exemplaires de Zola, véritables martyrs de la société industrielle ;
idem chez Maupassant (Rosalie Prudent, mais moins chez les personnages secondaires de Miss
Harriet, Mme Lecacheur est caricaturale) ; voix non caractérisée de l’aide-bourreau.
l
Quel regard sur le peuple ?
9 Le sentiment de découvrir un autre monde vaut principalement pour Rosalie Prudent, Miss
Harriet et Le Père Nicolas. Les drames universaux (jalousie, ambition, détresse amoureuse,
deuils) trouvent ici une formulation plus singulière, liée à la situation sociale difficile des pro-
tagonistes. On assiste ici à l’invention d’une forme d’exemplarité qui n’est pas l’apanage des
classes dominantes, ni associée à un idéal social et économique. Mais cette invention est mise
en œuvre avec une certaine ambiguïté : le critère de vérité est associé à la séduction malsaine
d’un exotisme (faire des pauvres l’incarnation d’une altérité radicale, voir en eux la trace d’un
universel ancien qui s’est dissipé dans les couches sociales supérieures).
10 Brunetière reproche au naturalisme français d’exploiter la misère réelle avec, en réalité, la
plus grande indifférence ; de faire du pittoresque avec de la souffrance humaine, au contraire ;
de mépriser son objet.
Un débat éthique possible : quel regard sur les figures du petit peuple dans ces nouvelles ?
Dimension plus ou moins caricaturale (paysan de Champfleury ; personnages de Maupassant ;
parfois étrangeté indécidable chez Banville ; abstraction gênante de l’ouvrier qui ne boit pas et
de la femme dévouée chez Zola, trop mélodramatique peut-être ; figure de la servante trop
habile chez Maupassant…).

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w Lecture transversale 2 ➜ p. 130
Comment faire surgir l’émotion d’une réalité misérable ?
Retour au texte
1 Les principales émotions suscitées par chacune de ces nouvelles sont les suivantes : rire
grinçant, émotion scandalisée, compassion, amusement peut-être cynique, malaise, compas-
sion, ironie et détachement…
2 Le registre de chacune de ces nouvelles pourrait être le comique pour Les Trouvailles de
M. Bretoncel ; le pathétique et le didactisme d’un pamphlet déguisé pour Le Chômage ; l’élé-
giaque pour Miss Harriet ; le dramatique pour Rosalie Prudent ; l’ironie discrète pour les
Servantes ; burlesque noir pour Le Père Nicolas ; le comique puis le tragique pour La Retraite de
M. Bougran ; et enfin, le fantastique pour Instantanées.

Interprétations
l
« Tranches de vie »
3 Dans les deux nouvelles de Maupassant, ce sont les protagonistes eux-mêmes qui évo-
quent un moment fort de leur vie. Leur prise de parole est dramatisée au début de la nouvelle.
Dans Miss Harriet, le contexte est précisément évoqué : un voyage (loin des circonstances
habituelles de la vie en société), des compagnons de voyage engourdis, et la longue confidence
de Léon Chenal répond à la sollicitation d’une femme : « dites-nous quelque chose pour nous
faire rire » (p. 34, l. 39). Dans Rosalie Prudent, on a également une mise en place méthodique
du contexte : résumé efficace de l’affaire, insistance sur un mystère, évocation des person-
nages concernés, contexte du procès, puis soudain rupture : « Alors elle se décida » (p. 60,
l. 40), qui annonce la déposition saisissante de Rosalie. Le discours direct permet une singula-
risation et une caractérisation forte (émotions, positions, etc.) des personnages, encore accen-
tuée par l’effet de discordance avec le cadrage du début de la nouvelle (du « rire » attendu aux
larmes, face à cette histoire d’amour terrible dans Miss Harriet ; de l’horreur du crime à l’ac-
quittement, dans Rosalie Prudent : l’individu déborde largement les stéréotypes habituels, chez
Maupassant). Dans les autres nouvelles, la prise de parole permet de représenter la réalité du
point de vue du personnage (obsession de M. Bretoncel, la mère Nicolas, M. Bougran) ou de
montrer son habileté (le paysan chez Champfleury, Les Servantes), sauf chez Schwob, où les
discours rapportés à la fin de la nouvelle ne dissipent pas l’impression de mystère.
4 Lien avec le document ; anecdote illustrant un fait social (collectionneur manique) ;
reportage généralisé (Zola) ; confidence ou déposition (Maupassant) ; ancrage dans une réalité
bien définie (Banville, Huysmans) ; éléments d’ancrage réels (lieux, faits… chez Schwob).
l
Des héros de la banalité
5 Toutes les nouvelles rapportent des scènes prises dans le mouvement du quotidien, met-
tant en scène des lieux et des personnages ordinaires. C’est la manière dont les événements
sont vécus, qui fait sens dans les récits.
6 Les personnages ne sont pas exceptionnels, au statut supérieur ou aux qualités particuliè-
rement remarquables : ce sont des figures ordinaires. Mais cela n’enlève rien à l’intensité des
drames vécus, au contraire.
l
Des procès-verbaux recomposés
7 Les procédés qui dramatisent l’action sont les suivants : attente des révélations, dans la
scène de procès ; suspens de la narration et annonce d’un drame à venir par celui qui l’a vécu,
dans Miss Harriet ; série des désillusions et progressivité de la déchéance, encore scandée par
les avertissements de la bonne, dans La Retraite ; formes de la répétition dans Les Trouvailles de
M. Bretoncel. Convention tragique : dans la structure ; dans l’exposition ; dans le dénouement ;
dans l’impuissance des personnages face à leur destinée. Textes très abstraits, qui trouvent là
une forme d’incarnation compensatoire.

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8 Dans ces nouvelles, on retrouve la même idée d’une complaisance dans le sordide. Le plus
loin de cela : Schwob. Sinon, pas de misérabilisme, ni d’apitoiement excessif ; les victimes sont
également, à divers moments, l’objet de regards variés (ridicule d’Harriet, etc.).
9 On veillera à ce que la réponse des élèves soit conforme à la consigne.

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w Vers l’écrit du bac ➜ p. 134
Voix intérieures au féminin
Retour sur les nouvelles/
1 On n’entrera pas dans le détail de la terminologie narratologique, bien sûr, mais on sera
attentif à la manière dont la voix du personnage et la voix du narrateur se recouvrent dans ces
textes.
Lafayette : mise en récit des sentiments de la princesse (psycho-récit), avec un système d’hy-
pothèses, qui témoignent de la délibération intime (il lui semblait, elle y voyait, elle y trou-
vait…). Deux temps : la restitution des pensées au moment où elle entend la déclaration de
Nemours, à l’imparfait (suspension du temps à un moment de crise intérieure), puis après son
départ, série de prises de décisions, au passé simple (la pensée comme action, ce qui se révèle
une illusion).
Flaubert : vision avec Emma ; la description du paysage, ainsi que les quelques notations psy-
chologiques qui la ponctuent rendent sensible l’agitation, voire le délire du personnage, en
proie à des sensations et des émotions confuses, et incapable de s’analyser.
Maupassant : d’abord analyse claire du narrateur, puis pensées confuses de l’héroïne, resti-
tuées avec une série de questions, à partir de sensations. Là encore, les pensées ne sont pas
formulées, mais les sentiments du personnage sont confusément restitués à travers ses sensa-
tions et ses émotions, sa manière de percevoir le paysage comme écho d’un paysage intérieur
mélancolique.
Duras : accès par effraction à la conscience de Lol, par l’entremise d’un narrateur qui suppose
et finit par substituer ses hypothèses à la voix intérieure de Lol, qui reste inaccessible.
2 Lafayette : enjeu classique de l’illusion et de la mauvaise foi ; sous l’apparence exigeante
de la délibération et des décisions, l’émotion d’une femme ébranlée.
Flaubert : folie saisie de l’intérieur, sans jugement, une course désespérée et sans issue, souli-
gnée par le paysage fantastique.
Maupassant : légère avance du narrateur, et du lecteur, sur le personnage : l’accès à ses émo-
tions non encore formulées permet de prévoir l’enchaînement dramatique des désillusions de
Jeanne.
Duras : effet de mystère, d’énigme, malgré la multiplication des hypothèses.

Travaux d’écriture/

o Commentaire du texte de Flaubert


Plan possible :
Caractérisation du texte : non pas véritablement une scène dramatique, mais son contrecoup.
Le personnage réagit ici à un refus qui la condamne, et saisit confusément qu’elle est perdue.
Problématique : un texte-tourbillon, à l’image du désespoir d’Emma, qui est restitué non pas
par une analyse ou un commentaire objectif du narrateur, mais à travers les sensations, émo-
tions et pensées d’Emma.
Flaubert superpose ici différents éléments : le récit d’une fuite, l’évocation d’un trouble inté-
rieur qui va jusqu’à l’hallucination, l’annonce symbolique d’une descente aux Enfers.
I. Une crise sans issue : la fuite éperdue d’Emma
1. Composition du passage : une progression temporelle et géographique, non synchronisée.
2. L’écriture de la panique : sensations et perte de maîtrise du corps
3. Le rythme heurté du texte (paragraphes, longueur des phrases, accumulation de termes,
etc) souligne l’intensité incohérente de la scène
II. Le tourbillon des pensées d’Emma : une folie annoncée
1. Le jeu des temps : hésitation entre sidération et série de chocs
2. La description : des sensations externes au chaos intérieur, jusqu’aux hallucinations

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3. Une incohérence intime : le narrateur souligne l’aliénation d’Emma par des négations,
le personnage est désormais incapable de retrouver la maîtrise de soi
III. Perdue : formes et signes d’une condamnation infernale
1. L’intensité d’une souffrance qui a oublié ses origines
2. L’hostilité des éléments et des objets
3. Renversement de la symbolique positive de la lumière : lumières infernales et diaboliques
ici

o Dissertation
Analyse du sujet :
Importance des termes « drame », « se poursuit » et « se dénoue », et « silence ».
Image sous-jacente du drame au sens théâtral du terme : idée d’une crise et de son dénoue-
ment.
Paradoxe : image du théâtre implique la parole ; or ici Mauriac parle du silence.
Donc, deux grandes problématiques possibles, selon le degré d’approfondissement de l’ana-
lyse du sujet :
– si les drames humains sont silencieux, peut-on les dire, de quelque manière que ce soit ?
Est-ce trahir une forme de réalité de la vie que de faire passer ces drames du silence à l’expres-
sion ?
– ou bien : justement, contrairement au théâtre, le roman a les moyens de représenter ce qui
reste silencieux : ce qui se passe dans la conscience des personnages, ce qui est exprimé par
des attitudes muettes… il peut suggérer sans forcément restituer une parole prononcée, et
même suggérer sans dire explicitement. On pourra ainsi montrer que le roman, ou le récit
narratif en général, est le moyen privilégié pour saisir les drames silencieux.
Plans possibles :
I. L’objet même du roman est de saisir le drame de la vie, dans le temps, jusqu’à son
terme
1. Le roman et les moments de crise : des moments essentiels (rencontres, découvertes, pas-
sions, trahisons…)
2. Le roman permet de saisir la crise avant même qu’elle surgisse (effets d’annonce : ex.
Maupassant)
3. Le roman a le temps : il suit le personnage jusqu’au dénouement, le plus souvent la mort
(ex : Miss Harriet, La Retraite de M. Bougran, ou les romans connus par les élèves)
II. La forme romanesque est une mise en ordre ou une mise en évidence, qui met au jour
les drames
1. Le drame intime ou silencieux est replacé dans un cadre collectif, social qui lui donne une
nouvelle portée (éducation et déception de Jeanne ; drame d’Harriet sous l’œil des paysans et
du peintre)
2. Le narrateur peut expliquer, commenter le drame humain (Mme de Lafayette, Flaubert…)
3. Le roman révèle des drames possibles, abolissant les séparations entre les êtres (toutes les
nouvelles du recueil : accéder à l’autre, révéler ses drames)
III. La singularité de l’écriture romanesque est justement de pouvoir saisir l’intériorité
d’autrui, à travers le personnage
1. Voir avec le personnage : le connaître en silence (La Retraite de M. Bougran et Miss Harriet)
2. Entrer dans la conscience du personnage : suivre ses pensées, ses émotions (Madame
Bovary)
3. Même la parole, les discours explicites peuvent laisser du mystère et du silence, qui don-
nent l’impression de la vie même (ex de Rosalie Prudent ; de Lol V Stein)

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Ou :
I. Le roman peut suggérer les drames sans les expliciter
II. Mais il est vrai que les dialogues et moments de révélation sont souvent les
moments dramatiques d’un roman
III. La force du roman, c’est justement de révéler les secrets et les mystères des vies
inconnues

o Écriture d’invention
On pourra relire les textes de Maupassant et de Husymans, ainsi que le texte de Flaubert.

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w L’œuvre en débat ➜ p. 140
Quelle forme donner à l’écriture du réel ?
1 Maupassant : référence à la photographie (prise en mauvaise part comme reflet
paresseux du réel)/vision la plus complète/nécessité de l’illusion maîtrisée.
Gourmont : objectif de photographe/mais cependant le réalisme ne voit que le laid, au
rebours de l’impartialité de la chambre noire ; insistance sur voir, au sens de comprendre, saisir,
interpréter.
Lemaître : peinture, mise en relief, paysages ; impressionniste.
Proust : défilé cinématographique, topographie (relevé de lignes et de surfaces), en mauvaise
part.
Valéry : l’œil du peintre.
Perec : dévoilement, faire apparaître, donner forme (sensible et intelligible) au réel.
2 On ressent chez Maupassant la nécessité de donner sens, de choisir, car l’exhaustivité est
impossible, et l’intelligibilité est nécessaire. Chez Lemaître, s’imposent la clarté par la simplifi-
cation et la mise en relief : il s’agit bien d’épurer le réel pour ne garder que la trame essentielle
au récit.
3 Cette recomposition du réel est :
− sélection du laid (Lemaître) ;
− profondeur et épaisseur temporelle loin de la juxtaposition des scènes (Proust) ;
− introduction d’une réalité qui n’est ni vraisemblable, ni éprouvée, mais qui donne sens à
l’observable (Valéry) ;
− mise en forme du fatras de la réalité pour restituer son mouvement, son histoire, réinven-
ter une cohérence (Perec).
Le jugement de Lemaître se révèle sévère : à la fois esthétique et éthique, conception même
de la littérature. Noirceur réelle du récit de Huysmans, esthétisation d’une modernité qui nie
le langage et le mouvement de la vie : à discuter.
4 Proust et Valéry évoquent le risque du catalogue de choses observées, de l’accumulation
de notations ou de schémas de pensée, au lieu de la vie même, de l’épaisseur du temps, de la
sensation telle qu’elle est réellement éprouvée dans la vie. La nouvelle limite le risque de dis-
persion, car elle centre sur un personnage, un regard, une voix. Elle donne ainsi corps à une
intrigue, ancrée dans une expérience singulière de la vie. Inégal selon les nouvelles ici, à discu-
ter (de Zola à Banville…).

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w Question d’actualité ➜ p. 147
Dire les drames ordinaires : fiction ou documents ?
1 Documents en tout cas non explicitement cités, malgré un ancrage dans une forme de
réalité (croquis tirant vers le fait social, l’étude de caractère ; la scène de procès ; les confi-
dences ; la rencontre pittoresque et terrible, le conte tragique, véritable allégorie de la moder-
nité…).
On pourra discuter avec les élèves de l’efficacité du document : collage brut ou fictionnalisa-
tion ? De quelle efficacité s’agit-il ? (Pas de trace de document dans le texte de Zola…).
2 On insistera sur cette question de la construction du sens, y compris dans le document,
et non pas enregistrement du sens. La question du sujet « bas » est une vieille question rhé-
torique ; ne pas travestir la réalité par l’écriture même, par des effets de stylisation, de défigu-
ration, de transformation du sujet.
3 Zola, à cause de la thématique ; mais ici, restitution et mise en scène de voix fortement
individualisées, dans leur tonalité, dans l’authenticité de la confidence, même si le propos est
très général et rend compte d’une situation de détresse collective.
4 Relevé des caractérisations de ce paysage, qui dénotent et connotent souffrance, absur-
dité, déréliction ; le paysage lui-même semble exhiber les traces d’une misère collective, liée au
contemporain, indépendamment du regard qui se pose sur lui ; pas de détour nécessaire par le
symbole (ici regard politique et esthétique d’un narrateur en prise sur le monde qu’il décrit,
mais qui ne se livre nullement intimement).

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Bibliographie

o Sur le réalisme et le naturalisme


• AUERBACH, E., Mimesis, la représentation de la réalité dans le roman occidental (1946),
Gallimard, « Tel », 1977.
• BARTHES, R., BERSANI, L., HAMON, Ph., RIFFATERRE, M. et WATT, I., Littérature et réalité, Le Seuil,
« Points essais », 1982.
• BECKER, C., Lire le réalisme et le naturalisme, Armand Colin, 2005.
• COLIN, R.-P., Dictionnaire du naturalisme, éd. du Lérot, 2012.
• DUBOIS, J., Les Romanciers du réel, De Balzac à Simenon, Le Seuil, « Points essais », 2000.
• DUFOUR, Ph., Le Réalisme, PUF, « Premiers cycles », 1998.
• GENGEMBRE, G., Le Réalisme et le naturalisme en France et en Europe, Pocket, 2004.
• GOYET, F., La Nouvelle 1870-1925, PUF, 1993.
• HAMON, Ph., Imageries : Littérature et image au XIXe siècle, José Corti, 2007.
• MITTERAND, H., L’Illusion réaliste, PUF, 1994.
• WOLF, N., Le Peuple dans le roman français de Zola à Céline, PUF, 1990.

o Sur chacun des auteurs


• ANDRÈS, P., Théodore de Banville. Un passeur dans le siècle, Champion, 2009.
• BERG, Ch., GEFEN, A., JUTRIN, M. et LHERMITTE, A., Retours à Marcel Schwob : d’un siècle à l’autre
(1905-2005), actes du colloque international de Cerisy-la-Salle (13-20 août 2005), Presses
universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2007.
• BONNET, G., Champfleury, écrivain chercheur, Champion, 2006.
• GLAUDES, P., Octave Mirbeau. Romancier, dramaturge et critique, Littératures, n° 64, 2011.
• LECARME, J., VERCIER B. (éd.), Maupassant, miroir de la nouvelle, actes du colloque de Cerisy-la-
salle, 27 juin-7 juillet 1986, [Paris], Presses Universitaires de Vincennes, « L’Imaginaire du
texte », 1988.
• MITTERAND, H., Zola et le naturalisme, PUF, « Que sais-je ? », 1986.
• SOLAL, J. (éd.), Figures et fictions du naturalisme. Joris-Karl Huysmans, Minard, « La Revue des
lettres modernes », Série Huysmans, n° 1, 2011.

Conception graphique : Annie Le Gallou/Thierry Méléard


Mise en page : Scientech Livre

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