Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
A) Les voyageurs
Les internautes naviguent dans les corridors virtuels du cyberworld, des hordes en rollers
transhument dans les couloirs de bus. Des millions de têtes sont traversées par les particules ondulatoires des
SMS. Des tribus de vacanciers pareils aux gnous d'Afrique migrent sur les autoroutes vers le soleil, le
nouveau dieu !
C'est en vogue : on court, on vaque. On se tatoue, on se mondialise. On se troue de piercings pour avoir l'air
tribal. Un touriste s'envoie dans l'espace pour vingt millions de dollars. "Bougez-vous !" hurle la pub. "À
fond la forme !" On se connecte, on est joignable en permanence. On s'appelle pour faire un jogging. L'État
étend le réseau de routes : la pieuvre de goudron gagne. Le ciel devient petit : il y a des collisions d'avions.
Pendant que les TGV rusent, les paysans disparaissent. "Tout fout le camp", disent les vieux qui ne
comprennent rien. En fait, rien ne fout le camp, ce sont les gens qui ne tiennent plus en place. Mais ce
nomadisme-là n'est qu'une danse de Saint-Guy*.
C'est la revanche d'Abel. Selon la Bible, Caïn, le paysan, a tué son frère Abel, le berger, d'un coup de pierre
à la tête. Ce geste fut à l'origine de l'hostilité entre les cultivateurs et les nomades. Depuis, l'ordre du monde
reposait sur la puissance des premiers : la charrue était supérieure au bâton du pâtre. Mais les temps du néo-
nomadisme sont arrivés !
Le nomadisme historique, lui, est une malédiction de peuples éleveurs poussant leurs bêtes hors de la nuit
des temps et divaguant dans les territoires désolés du monde, à la recherche de pâturages pour leur camp.
Ces vrais nomades sont des errants qui rêveraient de s'installer. Il ne faut pas confondre leurs lentes
transhumances, inquiètes et tragiques, avec les tarentelles que dansent les néo-agités du XXIe siècle, au
rythme des tendances urbaines.
Il est cependant une autre catégorie de nomades. Pour eux, ni tarentelle ni transhumance. Ils ne conduisent
pas de troupeaux et n'appartiennent à aucun groupe. Ils se contentent de voyager silencieusement, pour eux-
mêmes, parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins du monde. Ils vont seuls, avec lenteur, sans
autre but que celui d'avancer.
Comme le requin que son anatomie condamne à nager perpétuellement, ils vivent en mouvement. Ils
ressemblent un peu aux navettes de bois qui courent sans aucun bruit sur la trame des hautes lisses et dont
les allées et venues finissent par créer une tapisserie. Eux ils se tissent un destin, pas à pas. Le défilement
des kilomètres suffit à donner un sens à leur voyage. Ils n’ont pas de signe de reconnaissance, pas de rites.
Impossible de les assimiler à une confrérie : ils n’appartiennent qu’au chemin qu’ils foulent.
Ils traversent les pays autant que les époques et, selon les âges, ils ont reçu des noms différents : moines-
mendiants, troubadours, hobos ou beatniks, ermites des taïgas ou coureurs des bois, vagabonds, wanderer ou
waldganger, errants ou loups des steppes… Leur unique signe distinctif : ne pas supporter que le soleil, à
son lever, parte sans eux.
* danse de Saint-Guy : agitation déraisonnable. Fait référence à un phénomène de folie collective observée en Allemagne
à la fin du Moyen-âge. Des individus se mettaient à danser de façon étrange et sans raison apparente pendant des heures jusqu’à
s’écrouler de fatigue.
Questions :
1. Exposez les différentes manières de voyager dont parle Sylvain Tesson.
2. Y a-t-il selon lui une meilleure façon de voyager ?
3. Faut-il savoir où l’on va pour voyager ?
Dans son roman L’air de Venise, Solange Fasquelle raconte l’amitié naissante entre deux touristes qui font
connaissance à Venise, Carla et Antonella. Cette dernière, une femme d’un milieu modeste approchant la
quarantaine, rêvait de visiter la ville depuis son adolescence, mais elle n’a pu s’offrir, à son grand dam, qu’un voyage
organisé. Tout au long du roman, elle cherche à échapper à son groupe de visiteurs et à leur guide pour vivre une
expérience qui lui paraît plus authentique.
De cette visite au Palais ducal, Antonella attendait une sorte de révélation, la recréation d’un monde,
d’un ordre qu’elle eût été angoissée de subir, qui la fascinait cependant par sa pompe, ses mystères et
l’intensité des sensations qu’elle supposait à une existence sous la Sérénissime République.
Il lui fallait confronter des impressions intérieures subjectives et fragiles, qu’elle désirait conserver et si
possible aviver, avec des lieux vidés peu à peu des émanations qui auraient pu subsister, par le passage
constant des visiteurs. Le silence et la solitude étaient indispensables pour un contact qu’elle sentait prêt à se
dérober au moindre heurt. Certaines salles, certaines galeries, seraient peut-être plus propices que d’autres :
elle devait pouvoir y demeurer le temps nécessaire sans être contrainte par le rythme d’une visite en groupe.
La chaleur était écrasante. A chaque coin de rue une bouffée d’air brûlant l’entourait, se plaquait sur son
corps en sueur : Antonella s’en réjouissait, supposant que le Palais ne serait pas envahi par des hordes de
touristes avec cette température. Elle redoutait leurs cris, leurs rires, les réflexions stupides que provoquait
chez eux la vue d’œuvres d’art.
Si elle avait pu formuler un vœu, c’eût été de trouver les grilles ouvertes, une nuit, pour elle seule : un
frisson la parcourait à l’idée de l’angoisse qu’elle ressentirait pendant cette promenade.
Sur la place Saint-Marc, elle s’arrêta pour prendre un café. A l’instant de franchir le seuil, elle craignait une
déception. Elle se décida pourtant à passer la grande porte gothique qui donnait accès à la cour. Sous les
arcades intérieures qui en faisaient le tour, elle commença à goûter la joie de reconnaître comme un lieu
familier ce palais dont elle savait par cœur l’agencement. Ignorante de l’architecture et de la peinture, elle
était cependant sensible à l’harmonie de l’ensemble et surtout à l’impression de puissance qui s’en
dégageait.
Un bourdonnement confus naquit dans la cour, s’amplifia dans les galeries et les escaliers sans qu’Antonella
en prît conscience. Il fallut l’entrée d’une vingtaine de visiteurs dans la salle du Grand Conseil pour qu’elle
songeât au temps écoulé. Quatre heures sonnaient, les autres l’attendaient sur la place.
Questions :
1. Qu’est-ce qui empêche Antonella de profiter pleinement de Venise ?
2. Selon vous, peut-on véritablement découvrir un lieu lorsqu’on s’y rend en voyage organisé ?
3. Pensez-vous que l’on soit nécessairement
déçu lorsqu’on se rend dans une ville qu’on a
étudiée et fantasmée ?
Montesquieu (1689-1755) est un homme de lettres français. Bien qu’il ait passé une grande partie de sa vie à
fréquenter les salons parisiens, il a également consacré beaucoup d’intérêt et de temps aux voyages. Ses Lettres
persanes ont été publiées anonymement en 1721 à Amsterdam. Il s’agit d’un roman qui présente la correspondance
fictive de 2 Persans (Usbek et Rica) visitant la France de 1712 à 1720. Cette forme épistolaire sert à faire passer,
sous une apparence plaisante, des critiques très acerbes sur la société du temps. Dans la lettre XXX, Montesquieu
raille gentiment un trait de caractère traditionnellement attribué aux Parisiens ; la curiosité naïve et indiscrète pour
tout ce qui sort de l’ordinaire.
Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus
regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir.
Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres ; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se
former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait.
Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme
n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur
chambre, qui disaient entre eux : Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable ! Je trouvais de mes
portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait
de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge : je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare ; et
quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une
grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à
l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit
connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste.
J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime
publique ; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une
compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche ; mais, si quelqu'un
par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement:
Ah ! Ah ! Monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ?
Questions :
1. Montrez comment le fait de voyager à l’étranger fait ressortir nos singularités.
2. Pensez-vous que les différences entre les êtres humains sont profondes ou superficielles ?
Document 4 : Buffets à volonté, tables communes… Comment le Club Med a révolutionné le tourisme, avril 2021
Dans cet article du site de la radio Europe 1, la journaliste Charlotte Barriquand retrace l’histoire du succès
d’une entreprise française qui a bouleversé le tourisme : le Club Med. Immédiatement après la Seconde Guerre
mondiale, deux industriels imaginent des villages de vacances situés dans des destinations de rêve, enfin accessibles
aux classes moyennes. Les séjours reposent sur des formules prépayées, à bas prix, comprenant l’hébergement et
diverses activités. C’est la naissance du tourisme de masse.
Ses villages de vacances sont connus dans le monde entier. L'an dernier, le Club Med a fêté ses 70
ans, mais aussi l'avènement d'une toute autre façon de voyager. Car depuis sa création en 1950, ce concept a
révolutionné les vacances des Français avec la naissance du "all inclusive", des tables communes et des
séances de sport collectives. La France Bouge vous raconte la saga de ce groupe qui a du se réinventer au fil
des années.
Questions :
1. En quoi le Club Med propose-t-il des « vacances pas comme les autres » (1er §) ?
2. Que signifie « all inclusive » ? Pourquoi ce concept rend-il les Clubs Med populaires ? Quels sont les
avantages et les dérives de cette formule ?
3. Pour quelles raisons, dans les années 1980, le concept du Club Med est-il « un peu galvaudé » ?
Vidéo :
CLUB
LED : les
coulisses
d’une
success story
https://www.youtube.com/watch?v=jIEYf0cYLEg
Questions :
1. Combien le Club Med a-t-il accueilli de clients depuis sa création ?
2. Comment sont appelés les organisateurs et les clients ?
3. Pourquoi les codes de ces villages de vacances sont-ils identiques quel que soit le pays visité ?
4. Que pensez-vous de ce concept ?
DOCUMENT 5: Articles « Harmony of the Seas »
ARTICLE 1
« J'ai visité le plus grand paquebot du monde » Paris Match,
Publié le 18/02/2016
La vitesse maximale pouvant atteindre environ 30 km/h. Pas mal pour un navire de cette taille. Un système de bille
d’air a été installé sur la coque pour éviter le frottement sur l’eau. Avec moins d’efforts, cela permet d’aller plus vite
et d’économiser du fuel à hauteur de 3%. Et pour limiter la pollution, un système de cheminée scrubbers élimine les
sulfures en concentrant la fumée. Les particules sont condensées, retraitées puis rejetées sous forme d’eau propre. 500
tonnes de peintures, 90 000 m2 de moquettes, 8 000 m2 de surface de baies vitrées et 4 000 kms de câbles auront été
nécessaires dans la création de ce bateau. Même si une partie est encore à nue, les débuts sont prometteurs.
Séparé en 7 quartiers de vie (Central Park, Broadwalk, Royal Promenade, la zone des piscines, la « Sports Zone »,
Vitality at Sea and Fitness Center et celle pour les plus jeunes baptisée H20), le navire comporte 18 étages. Une
véritable ville flottante avec ces restaurants, son parc d’attractions, ses piscines, ses bars, ses boites de nuit, sa
patinoire, ses terrains de sports, ses boutiques et ses théâtres. Et ces structures sont de plus en plus impressionnantes !
Le Théatre Royal, le plus grand en mer, compte 1 380 places assises avec à l’affiche, la célèbre comédie musicale,
Grease. Un AquaTheatre a également été installé pour des plongeons de haute voltige.
Le parc d’attraction, The Ultimate Abyss, comporte un toboggan gigantesque au pont 16, situé 45 mètres au dessus du
niveau de la mer. Entre toutes ces activités, il y a largement de quoi se restaurer avec 19 restaurants dont un de cuisine
moléculaire au 19ème étage et 21 bars avec le fameux bionic bar où des robots préparent vos cocktails. En tout, seront
disponibles 2747 cabines dont 19 pour des personnes seules. Les cabines standard de 28 m2 coûtent entre 800 et 900
euros tout compris. Et dans un bateau de 75 mètres de haut, tout le monde ne peut pas avoir de chambre avec vue sur
la mer. 9 caméras filment alors l’extérieur pour retranscrire les images à l’intérieur, sur un balcon virtuel. De juin à
octobre, les croisières de 5 et 7 nuits se feront en méditerranée avec des escales entre Palma, Marseille, Florence,
Rome et Naples. Ensuite le navire rejoindra son port d’attache à Miami. Avec ce paquebot, le tourisme de masse entre
dans une ère nouvelle, toujours plus grande et démesurée.
Charlotte Anfray
ARTICLE 2
« Démesure et loisirs tarifés : voyage à bord du Harmony of the Seas », Jean-Pierre Chanial, 01/06/2016
EXCLUSIF - Le Figaro était à bord du «plus grand paquebot du monde» quand il a levé l'ancre la semaine dernière
pour sa croisière inaugurale. Durant tout l'été, le géant naviguera en Méditerranée au départ de Barcelone, son port
d'attache.
Pas un bruit, aucune vibration, pas le moindre tangage ni roulis. C'est une preuve: Harmony of the Seas, 362 m de
longueur, 47 de largeur et 72 de hauteur, n'est pas un bateau, mais une ville, une vraie ville. Elle abrite presque 10.000
habitants, 6410 passagers et 2384 membres d'équipage de 77 nationalités différentes. Dont trois Français, notre
honneur est sauf. S'il n'y avait l'annonce par haut-parleur des plaisirs de la prochaine escale, tous pourraient ignorer
que, chaque nuit, ils glissent sans turbulences entre deux ports.
Les vacanciers ont embarqué comme on entre dans un
palace. Après s'être délestés de leurs bagages, qui seront
déposés en cabine, ils sont accueillis par un bataillon
d'hôtesses, chacune armée d'une tablette suspendue
autour du cou. Accueil individuel tout sourire: «Bonjour
et bienvenue à bord. Votre nom, s'il vous plaît?» Voilà,
c'est fini. Ou presque. Une photo du visage, la carte de
crédit qui glisse, une signature sur l'écran et la tablette
décidément magique donne son feu vert. Moins de dix
minutes se sont écoulées, alors qu'ailleurs
l'embarquement reste le pire moment de la croisière.
Bravo pour ce traitement exemplaire. Il n'y a plus qu'à
pénétrer au cœur du géant, 18 ponts dont 16 pour les
passagers, devenir un habitant de la ville, l'hôtesse à
tablette a promis qu'elle était magique.
«La vie à bord de Harmony of the Seas a été imaginée et organisée comme s'il s'agissait d'une ville à terre», concède
un des responsables de Royal Caribbean en désignant les deux «avenues» qui percent le paquebot, Central Park
(pont 8) et Boardwalk (pont 6). La première est plantée de milliers de plantes vertes ou fleuries ainsi que de 52 arbres,
des vrais de vrais. Terrasses, boutiques, restaurants, rien ne manque le long de cette artère très urbaine dominée de
chaque côté par cinq étages de cabines à baie vitrée. Comme des immeubles en ville. Boardwalk, verdure en moins,
est une large avenue piétonne bordée de restaurants et de boutiques (pub, pizzeria, glacier, bar jazz). Elle débouche à
l'arrière du paquebot, grand ouvert sur le large. Enfin, la mer, elle est là, on la voit. Réserver au restaurant Wonderland
installé à l'étage en bout de rue. Son chef livre une interprétation très américaine de la cuisine moléculaire, un premier
étonnement. Surtout, la table offre une vue grandiose sur l'horizon libéré qui déroule ses tapis d'infinis. Sous les ors du
couchant, photo, s'il vous plaît.
Cette ville totalement dédiée aux loisirs n'en oublie pas les nécessités de la communauté qui l'habite. Outre la salle de
consultation médicale et sa mini-clinique, le paquebot abrite également une prison de deux cellules (la plupart des
énervés sont confinés dans leur cabine gardée par un agent de sécurité) et même une morgue capable d'accueillir
quatre trépassés. Foin de ces ombres, place à la fête et aux plaisirs de la vie, l'ADN des croisières Royal Caribbean:
23 piscines, bassins pour bambins et jacuzzi, ainsi que 18 restaurants - le plus grand reçoit 1000 couverts, le plus
modeste, une cinquantaine - en attestent. Mission accomplie tout au long de la journée fourmillante d'activités, de jeux
et de rencontres. Pour un peu, on en oublierait de rejoindre sa cabine.
Elle est fonctionnelle, c'est la loi de la marine. Un mini-bureau, un fauteuil, un canapé dans certaines, une grande télé,
une salle de douche avec lavabo et toilettes, prière d'embarquer ses produits de soins. Une grande baie vitrée
coulissante ouvre sur la terrasse bien protégée de ses voisines. Deux transats accueillent les romantiques capables de
passer des heures à laisser filer leur imagination à l'écume des vagues. Reste les escales, une chaque jour. En
Méditerranée cet été comme aux Caraïbes l'hiver, les excursions (payantes) sont si nombreuses que chacun trouve
nécessairement la sienne. Rien d'obligatoire toutefois. Nombreux sont ceux qui regardent la terre ferme d'assez loin,
accoudés au bastingage, cocktail à la main. À quoi bon quitter cette harmonie, toute de sécurité et de convivialité,
deux arts majeurs du bien-être sur un paquebot de croisière? […]
Outre virevolter sur la patinoire avant d'applaudir son spectacle
façon Holiday on Ice, ne pas oublier de s'accouder au Bionic Bar,
une curiosité. Cet estaminet fonctionne sans personnel. Boissons
et cocktails se commandent sur une tablette puis sont préparés
par deux robots, deux bras télescopiques qui dosent chaque
composante, vodka, curaçao, jus de fruit, gin, eau pétillante, etc.,
depuis les dizaines de bouteilles suspendues au plafond, avant de
verser la préparation dans un verre, ultime secousse pour la
dernière goutte comprise. La boisson de Madame est prête.
Bluffant. Signer la note sur la tablette. Le pourboire n'est pas une
obligation.
Tempérons un peu les vertus du paradis, le 25e navire de la Royal Caribbean. Si les plaisirs de la croisière n'y sont pas
comptés, ils sont en tout cas soigneusement comptabilisés. Illustration avec la connexion Internet, Voom,
officiellement la plus rapide et la plus efficace des océans. Admettons. Mais moyennant un forfait minimum de 19,99$
(18€ environ) par jour. De même, la compagnie annonce fièrement 127 cocktails servis dans les 42 bars du paquebot.
Compter 12$ l'unité (une dizaine d'euros) à moins de prendre le forfait qui libère les envies mais coûte entre 22 (sans
alcool) et 67$ (boissons à volonté) par personne et par jour, soit 120 à 350€ la semaine pour chaque passager. Même
principe pour quelques-uns des 18 restaurants où le repas est facturé en sus, entre 30 et 50 euros, au nom d'une
gastronomie plus élaborée, d'une atmosphère plus intimiste. Enfin, ne pas oublier la tentation des boutiques, Hublot,
Cartier, Omega, Bvlgari…, et encore moins les 18% de taxes appliqués sur l'addition finale au titre du service.
Clairement, la compagnie aime les passagers aussi ravis que dépensiers. Le dogme américain «value for money», la
qualité de la prestation doit justifier la dépense, fait merveille. Avec, pour argument majeur, le plaisir de naviguer sur
«le plus grand paquebot du monde». Il est unique. À bord, tout le monde s'émerveille du gigantisme revendiqué. À
terre aussi, quand le paquebot largue les amarres et que les enfants des écoles viennent comme au spectacle applaudir
son départ. La ville flottante s'éloigne. Elle glisse, immobile et silencieuse, un yacht prend son sillage, hommage,
durant la nuit, des bateaux de pêche s'approchent, fascination, au petit jour, un bâtiment militaire en patrouille lui fait
escorte, un cargo au long cours… Harmony of the Seas brille de tous ses feux, des milliers. Aujourd'hui, l'étoile des
mers, c'est lui.
Questions :
1. En quoi ce bateau est-il synonyme de démesure ?
2. Citez quelques éléments qui en font un endroit de rêve pour les passagers.
Fondée en 1958, la chaîne de restauration américaine Pizza Hut s’est développée à l’échelle mondiale en
multipliant les enseignes dans les grandes villes ainsi que sur les sites touristiques les plus visités. Proposant d’un
pays à l’autre les mêmes pizzas, le restaurant doit son succès à ses menus standardisés qui permettent aux touristes de
ne pas être dépaysés.
C’est notamment le cas au Caire en Egypte, où, en face des ancestrales pyramides de Gizeh, au début des années
1990, s’est ouvert un désormais célèbre restaurant Pizza Hut, fréquenté par des touristes avides de retrouver, à
l’autre bout du monde, les mêmes plats que chez eux.
Questions :
1. Décrivez les différentes composantes de l’image
2. Observez le cadrage du logo « Pizza Hut » : que cherche à montrer le photographe à travers cet angle de vue ?
3. Quel contraste cette photographie met-elle en évidence ? Quel message livre-t-elle ?
4. A l’étranger, recherchez-vous à manger local ou bien recherchez-vous des enseignes de restauration que vous
connaissez ? Pourquoi ?
DOCUMENT 7: Phuket, Thaïlande, Nutkamol Komolvanich, 2016
Non contents de prendre en photo les sites visités, de nombreux touristes cèdent à la mode du selfie en posant
devant les monuments, au point que l’on peut se demander s’ils ne sont pas plus intéressés par leur présence sur le
site que par le site lui-même.
C’est cet individualisme touristique que cherche à dénoncer cette photographie qui fit le tour du monde. Sur
une plage de rêve de Phuket en Thaïlande, une mère de famille se prend en photo avec ses enfants à l’aide de son
portable tenu par une perche à selfie. Mais le sourire affiché par la femme, sans doute à l’intention de ses proches via
les réseaux sociaux, tranche avec le reste du décor : un avion touristique est sur le point d’atterrir sur l’aéroport
aménagé à quelques mètres de la plage…
Questions :
1. Comment qualifier l’attitude de la mère ?
2. Pourquoi aucun des enfants ne regarde l’objectif ?
Quel(s) lien(s) pouvez-vous établir entre les 2 images précédentes ? Rédigez un paragraphe argumenté
expliquant votre réflexion.
B) Les frontières
Jean-Marie Gustave Le Clézio (né en 1940) est un écrivain français. Il est l’auteur d’une cinquantaine
d’œuvres de fiction (romans, nouvelles et contes) et d’essais. En 2008, il reçoit le Prix Nobel de Littérature pour
l’ensemble de son œuvre qui porte sur les voyages et analyse notre rapport à l’ailleurs. Dans sa nouvelle « Le
Passeur », Miloz, le personnage central, est un migrant venu de l’est de l’Europe ; il a quitté sa famille, enduré mille
souffrances et découvre finalement que la « terre promise » dont il rêvait repose sur la marginalisation et
l’exploitation des étrangers. Dans l’extrait qui suit, Le Clézio montre la nécessité qui est celle des clandestins de
payer un « passeur » pour entrer illégalement en France. La peur de se faire arrêter par la police et d’être reconduit
à la frontière est aussi évoquée. La nouvelle prête à réfléchir : comme accueillons-nous aujourd’hui les étrangers ?
Les hommes ne se parlent pas. Comment le pourraient-ils ? Chacun parle sa langue, la langue du
village qu’il a laissé, comme il a laissé ses parents, sa femme, ses enfants, pour tenter l’aventure de l’autre
côté. Miloz pense à sa mère et à son père, à la maison du village, aux montagnes dénudées. Mais c’est si loin
déjà qu’il ne sait plus si cela existe encore. Il y a si longtemps qu’il erre sur les routes, dormant sur les bancs
dans les abris des bus, ou bien dans les hôtels de pauvres, gardant serré dans la poche que Lena, sa femme, a
cousue à l’intérieur de son tricot de corps la liasse qui doit lui permettre de passer.
Il ne savait pas que ce serait Tartamella, personne n’a dit de nom. Quand il a débarqué à la gare, avec les
autres, venant de Trieste, il est resté immobile devant l’escalier, éclairé par la lumière du néon. Il a posé sa
valise de carton bouilli à ses pieds, et il a attendu. Les autres hommes ont fait comme lui. Chacun attendait,
sans regarder l’autre, de peur que ce ne soit un policier des frontières.
Puis Tartamella est venu. Il est sorti de la camionnette bâchée, et il a marché jusqu’à la porte de la gare,
en allumant une cigarette.
Comme c’était Miloz qui était le premier, le plus en avant, c’est à lui que le gros homme s’est adressé
d’abord.
« Où est-ce que tu vas ? »
Miloz comprend bien l’italien, mais il n’aime pas le parler. Il a dit le nom, tout bonnement :
« Francia. »
« Tu as tes papiers en règle ? »
C’est comme cela que cela devait se passer, c’était convenu, au départ de Trieste, celui qui servait de
relais, au Café de la Piazza della Libertà, en face de la gare des autobus, lui avait dit : « On te demande tes
papiers, tu montres ton argent, c’est tout. »
Alors Miloz a ouvert sa chemise, et il a sorti de la poche intérieure un billet de dix mille plié en quatre.
Mais il ne l’a pas donné tout de suite.
Maintenant, il attend, assis sur la pierre, sur la plage du fleuve. Le ciel est clair, et le soleil vient
d’apparaître, éclairant d’abord les cimes enneigées au fond de la vallée, puis les autres montagnes peu à peu.
Quand la lumière touche les galets du lit du fleuve, ils se mettent à briller, Miloz aime la lumière du matin,
et malgré la fatigue de l’insomnie, et le voyage dans l’arrière de la camionnette depuis Milan, il est heureux
d’être là au moment où le soleil se lève.
Il a un peu peur aussi. Qu’y a-t-il de l’autre côté ? Et si les policiers le prennent, l’enferment en prison,
quand pourra-t-il revenir auprès de Lena, de ses parents ? On dit aussi qu’ils tuent les étrangers, quelquefois.
C’est un Arabe qui lui a dit cela, en français, quand il attendait à la gare de Milan. Il ne parle guère cette
langue, et l’Arabe s’exprimait avec une drôle de voix rauque et dure, et ses yeux brillaient d’une fièvre
dangereuse, alors Miloz a haussé les épaules et il n’a plus écouté. Mais l’inquiétude a grandi au fond de lui,
sans qu’il s’en rende compte. Où va-t-il, maintenant ? Quel profit va-t-il tirer de cette aventure ? Quand
reverra-t-il Lena, Lena aux yeux de topaze ?
Questions :
1. Pourquoi peut-on dire que Miloz est isolé durant son voyage ?
2. Montrez en quoi le rêve d’une vie meilleure dans un autre pays peut se révéler une illusion.
Document 2 : « Nous autres réfugiés », Hannah Arendt, 1943
Hannah Arendt (1906-1975) est une philosophe d’origine allemande. Juive, elle est contrainte à l’exil à
l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 et s’installe aux Etats-Unis ; elle obtient par la suite la nationalité américaine.
Penseuse majeure du XXème siècle, elle s’est principalement intéressée aux questions politiques, en particulier au
totalitarisme. Dans son essai « Nous autres réfugiés », écrit en 1943, elle aborde la question des réfugiés du nazisme,
la plupart juifs, en mêlant réflexion théorique et expérience personnelle. Elle évoque tout ce que les réfugiés laissent
derrière eux, ainsi que le déclassement et la honte dont ils doivent faire ‘expérience dans leur pays d’accueil.
Tout d’abord, nous n’aimons pas que l’on nous traite de « réfugiés ». Nous nous baptisons
« nouveaux arrivants » ou « immigrés ». Nos journaux sont destinés aux « Américains de langue
allemande » et, à ma connaissance, il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’association fondée sur les persécutés
du régime hitlérien dont le nom pût laisser entendre que ses membres fussent des « réfugiés ».
Jusqu’à présent le terme de réfugié évoquait l’idée d’un individu qui avait été contraint à chercher refuge en
raison d’un acte ou d’une opinion politique. Or, s’il est vrai que nous avons dû chercher refuge, nous
n’avons cependant commis aucun acte répréhensible, et la plupart d’entre nous n’ont même jamais songé à
professer une opinion politique extrémiste. Avec nous, ce mot « réfugié » a changé de sens. On appelle de
nos jours « réfugiés » ceux qui ont eu le malheur de débarquer dans un nouveau pays complètement démunis
et qui ont dû recourir à l’aide de comités de réfugiés.
Avant même que cette guerre n’éclate, nous nous montrions encore plus susceptibles quant à l’appellation de
réfugiés. Nous nous efforcions de prouver aux autres que nous n’étions que des immigrés ordinaires. Nous
affirmions être partis de notre plein gré vers des pays de notre choix et nous niions que notre situation eût
rien à voir avec les « prétendus problèmes juifs ». Certes, nous étions des « immigrants » ou de « nouveaux
arrivants » qui avions abandonné notre pays parce qu’un beau jour il ne nous convenait plus, voire pour des
motifs purement économiques. Nous voulions refaire nos vies, un point c’est tout. Or cela suppose une
certaine force et une bonne dose d’optimisme : nous sommes donc optimistes.
En fait, cet optimisme est vraiment quelque chose d’admirable, même si c’est nous qui l’affirmons.
L’histoire de notre lutte est désormais connue. Nous avons perdu notre foyer, c’est-à-dire la familiarité de
notre vie quotidienne. Nous avons perdu notre profession, c’est-à-dire l’assurance d’être de quelque utilité
en ce monde. Nous avons perdu notre langue maternelle, c’est-à-dire nos réactions naturelles, la simplicité
des gestes et l’expression spontanée de nos sentiments. Nous avons laissé nos parents dans les ghettos de
Pologne et nos meilleurs amis ont été assassinés dans des camps de concentration, ce qui signifie que nos
vies privées ont été brisées.
Questions :
1. Quelle est la définition première du mot « réfugié » ?
2. En quoi les réfugiés du nazisme diffèrent-ils, selon Hannah Arendt, des immigrés précédents ?
Questions :
1. Quelles sont les motivations d’Ulysse à rentrer chez lui ?
2. Calypso favorise-t-elle son voyage ?
C) Vers l’horreur
Historique :
Guernica une ville
d’Espagne. Elle est
célèbre pour sa
destruction soutenue
par Hitler, venu à
l’aide de Franco. Le
26 avril 1937, jour
de marché, quatre
escadrilles de la
légion procèdent au
bombardement de la ville de Guernica afin de tester leurs nouvelles armes. L'attaque commence à 16h30, aux bombes
explosives puis à la mitrailleuse et enfin aux bombes incendiaires. Après avoir lâché quelques 50 tonnes de bombes
incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19h45. Après le massacre, 20% de la ville était en
flammes, et l'aide des pompiers s'avérant inefficace, le feu se propagea à 70% des habitations.
« La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est un instrument de guerre offensive et
défensive contre l'ennemi » Picasso
Description :
Au premier plan :
De gauche à droite : une femme avec un enfant dans ses bras, un taureau, un homme allongé avec une épée dans la
main droite, un cheval, une lampe au plafond, une femme apparaissant à une fenêtre et brandissant une lampe à
pétrole, une femme s’enfuyant, un personnage en proie aux flammes d’une habitation. Les expressions sont fortes
(femme criant de douleur, cheval terrorisé, soldat mort…), et accentuées par la déformation des personnages.
Au deuxième plan :
Des architectures intérieures alternent avec des vues extérieures, des portes, des fenêtres, des flammes, des toits, un
dallage, une colombe). La visée est horizontale.
La lumière :
Il y a plusieurs sources lumineuses : la lampe du plafond, la lampe à pétrole, les ouvertures vers l’extérieur (portes et
fenêtres). Le plafonnier symbolise les bombes donc la destruction, la lampe à pétrole symbolise la résistance, l’espoir,
l’éclairage extérieur symbolise la vérité, donc la représentation et la lumière sont séparés.
La couleur / la matière :
Utilisation du noir et blanc et d’une variété de gris (ainsi que des gris colorés). Les personnages sont mis en évidence
par une teinte plus claire que les décors. Il y a une dramatisation de la scène, une accentuation de l’idée de mort. Les
croquis préparatoires étaient, eux, en couleur. Le noir et blanc fait également référence aux coupures et aux images de
journaux que Picasso a utilisées dans ses recherches.
Cette œuvre dénonce le massacre d’innocents par les nationalistes aidés des nazis. Picasso, par la déformation des
personnages, vise une expression accrue.
Le noir et blanc ajoute à la dramatisation de la scène. Il utilise une caractéristique propre au style cubiste : la
représentation simultanée face/profil, il fragmente l’espace au maximum afin d’amplifier l’idée de désordre et affirme
la bi- dimensionnalité du tableau en interdisant toute profondeur (tuiles du toit.)
Questions :
1. Montrez que cette scène est un désordre organisé.
2. Recherchez les dimensions de la toile. En quoi sont-elles significatives ?
3. En quoi cette œuvre exprime-t-elle un voyage vers l’horreur ?
Louis Ferdinand Destouches (1894-1961) dit Louis-Ferdinand Céline est un écrivain et médecin français.
Voyage au bout de la nuit est son premier roman. Paru en 1932, il est célèbre pour son style teinté d’argot qui imite la
langue parlée. L’auteur s’inspire principalement de son expérience personnelle de la Première Guerre mondiale dont
il relate l’absurdité et l’horreur à travers les aventures de Ferdinand Bardamu, son double littéraire.
Dans l’extrait qui suit,situé dans l’incipit, le ton est donné : engagé volontaire pour braver son ami Arthur, très
patriote, le jeune étudiant en médecine s’en va à la guerre avec enthousiasme, alors même qu’il vient de revendiquer
son anarchisme, son rejet de l’état et du nationalisme ; il aime être applaudi et acclamé de la foule. Cependant, plus
la ville s’éloigne, plus l’ivresse du départ laisse place à la triste réalité de la vie de soldat et au grotesque de
l’existence.
Justement la guerre approchait de nous deux sans qu’on s’en soit rendu compte et je n’avais plus la
tête très solide. Cette brève mais vivace discussion m’avait fatigué. Et puis, j’étais ému aussi parce que le
garçon m’avait un peu traité de sordide à cause du pourboire. Enfin, nous nous réconciliâmes avec Arthur
pour finir, tout à fait. On était du même avis sur presque tout.
« C’est vrai, t’as raison en somme, que j’ai convenu, conciliant, mais enfin on est tous assis sur une
grande galère, on rame tous à tour de bras, tu peux pas venir me dire le contraire !... Assis sur des clous
même à tirer tout nous autres ! Et qu’est-ce qu’on en a ? Rien ! Des coups de trique seulement, des misères,
des bobards et puis des vacheries encore. On travaille ! qu’ils disent. C’est ça encore qu’est plus infect que
tout le reste, leur travail. On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des
rouspignolles, et puis voilà ! En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres et qui s’en font pas, avec des
belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux. On nous fait monter sur le pont. Alors, ils
mettent leurs chapeaux haut de forme et puis ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça :
“Bandes de charognes, c’est la guerre ! qu’ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2
et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu’il faut à bord ! Tous en chœur ! Gueulez
voir d’abord un bon coup et que ça tremble : Vive la Patrie n° 1 ! Qu’on vous entende de loin ! Celui qui
gueulera le plus fort, il aura la médaille et la dragée du bon Jésus ! Nom de Dieu ! Et puis ceux qui ne
voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre où c’est fait bien plus vite encore
qu’ici !”
— C’est tout à fait comme ça ! » que m’approuva Arthur, décidément devenu facile à convaincre.
Mais voilà-t-y pas que juste devant le café où nous étions attablés un régiment se met à passer, et avec le
colonel par-devant sur son cheval, et même qu’il avait l’air bien gentil et richement gaillard, le colonel !
Moi, je ne fis qu’un bond d’enthousiasme.
«J’ vais voir si c’est ainsi!» que je crie à Arthur, et me voici parti à m’engager, et au pas de course encore.
«T’es rien c... Ferdinand!» qu’il me crie, lui Arthur en retour, vexé sans aucun doute par l’effet de mon
héroïsme sur tout le monde qui nous regardait.
Ça m’a un peu froissé qu’il prenne la chose ainsi, mais ça m’a pas arrêté. J’étais au pas. « J’y suis, j’y
reste!» que je me dis.
« On verra bien, eh navet ! » que j’ai même encore eu le temps de lui crier avant qu’on tourne la rue avec le
régiment derrière le colonel et sa musique. Ça s’est fait exactement ainsi.
Alors on a marché longtemps. Y en avait plus qu’il y en avait encore des rues, et puis dedans des civils et
leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lançaient des fleurs, des terrasses, devant les
gares, des pleines églises. Il y en avait des patriotes ! Et puis il s’est mis à y en avoir moins des patriotes...
La pluie est tombée, et puis encore de moins en moins et puis plus du tout d’encouragements, plus un seul,
sur la route.
Nous n’étions donc plus rien qu’entre nous? Les uns derrière les autres ? La musique s’est arrêtée. « En
résumé, que je me suis dit alors, quand j’ai vu comment ça tournait, c’est plus drôle ! C’est tout à
recommencer ! » J’allais m’en aller. Mais trop tard ! Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les
civils. On était faits, comme des rats.
Questions :
1. Pourquoi part-on à la guerre ?
2. Quel l’intérêt de l’utilisation de ce langage familier voire vulgaire ?
FAIRE LE LIEN AVEC LE FILM « La Chambre des Officiers » avec le personnage d’Adrien, un
jeune homme qui part sur le front de Meuse et se trouve défiguré par un obus. Il passe les 4 ans de la
guerre à l’Hôpital du Val de grâce à Paris pour que son visage soit reconstruit. Il restera à vie une
« gueule cassée ».
Candide ou l’Optimisme est un conte philosophique paru en 1759, à Genève, sous le nom du Dr Ralph. C’est
en réalité Voltaire, le maître du genre qui a écrit ce conte philosophique. Dans cette fiction divertissante mais aussi
satirique, Voltaire critique la vision optimiste. Ce chapitre propose la vision d’un monde extraordinaire.
Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au
palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent de large ; il est
impossible d'exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces
cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.
Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux
bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la
couronne les menèrent à l'appartement de Sa Majesté, au milieu de deux files chacune de mille musiciens, selon
l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait
s'y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur
le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. "L'usage, dit le grand officier,
est d'embrasser le roi et de le baiser des deux côtés." Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut
avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper.
En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille
colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre, qui coulaient
continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle
du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point,
et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui
lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine
d'instruments de mathématique et de physique.
Après avoir parcouru, toute l'après-dînée, à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi.
Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure chère, et
jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et
quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna
le moins.
Questions :
1. Comment appelle-t-on un monde idéal et imaginaire ? Quelles sont ici ses caractéristiques ?
2. Que peut-on dire des relations humaines dans ce texte ?
2 liens :
http://www.packshotmag.com/films/perrier-extraordinaire-citron-vert/
https://jai-un-pote-dans-la.com/perrier-ose-lextraordinaire-avec-une-campagne-signee-rosbeef/
Questions :
1. Comment le voyage est-il mis en scène ici ?
2. En quoi est-il extraordinaire?
3. Pourquoi avoir choisi le slogan “Drink extraordinaire, drink Perrier?