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Raphaël, un homme responsable de ses

échecs ?

Dissertation

L’échec de Raphaël dans La Peau de chagrin

Intérêt du sujet • Ce sujet nous invite à nous interroger sur un des personnages les plus forts des
romans balzaciens : pourquoi Raphaël de Valentin est-il l’homme de l’échec ? En est-il seul
responsable ?

« Raphaël avait pu tout faire, il n’avait rien fait ». Cette formule, qui se trouve à la fin de La
Peau de chagrin, éclaire-t-elle votre lecture de ce roman de Balzac ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui
sur le récit d’Honoré de Balzac au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours
associé à cette œuvre et sur votre culture personnelle.

Les clés du sujet


Analyser le sujet
Formuler la problématique
Raphaël de Valentin est-il le seul responsable des nombreux échecs de son existence ?

Construire le plan

Introduction

[Accroche] Les incursions de Balzac dans le fantastique ont été rares. La Peau de chagrin, récit
réaliste et fantastique datant de 1831, lui permet de mener une réflexion philosophique sur la
volonté. [Explication du sujet] Bien que le héros possède de nombreux atouts pour réaliser ses
ambitions, il échoue et achève sa vie sans avoir réussi. Il ne peut que le constater lui-même à la
fin du récit : « Il avait tout pu faire, il n’avait rien fait. » Ces deux propositions reposent sur une
antithèse que l’asyndète rend plus brutale : Raphaël a été incapable de concrétiser ses désirs alors
qu’il en avait la possibilité. [Problématique] Pour autant, le héros est-il seul responsable de ses
échecs ? [Annonce du plan] Après avoir étudié les différents atouts dont dispose le personnage,
nous verrons qu’il n’a pas su les exploiter pour les mettre au service de son ambition ; enfin,
nous montrerons que ses projets se sont heurtés à des obstacles qui ont compromis ses chances
de succès.
I. Un homme riche d’atouts

1. De grandes ambitions

L’ambition de Raphaël prend racine dans son enfance : il vit comme une humiliation
d’appartenir à une famille ruinée et souffre de devoir mener une vie économe et austère.

À vingt ans, il fréquente le grand monde et tombe facilement amoureux, mais se montre
incapable de séduire une femme. Son ambition grandit : « Je voulus me venger de la société, je
voulus posséder l’âme de toutes les femmes. »

Ces expériences développent en lui un sentiment d’échec et une soif de revanche sur le destin,
qui excitent son ambition. Comme il le dit lui-même, « je m’instituai grand homme ».

2. Des modèles

Des personnages illustres servent de guides à Raphaël, notamment Rousseau : à la mort de son
père, Raphaël s’installe à Paris dans le logis occupé au xviiie siècle par ce philosophe et homme
des Lumières (c’est précisément une des raisons qui le décident à s’installer dans cet appartement
délabré).

Raphaël nourrit une admiration politique pour Napoléon qui incarne à ses yeux l’esprit de
conquête. Le grand homme rythme les moments clés de la vie du héros : la dernière pièce qu’il
dépense dans une maison de jeu est un napoléon, la fin du roman le compare à un « Napoléon
déchu ».

Enfin, il envie la réussite sociale de Rastignac, sa richesse et son succès auprès des femmes. Le
jeune Parisien devient son mentor et son compagnon de débauche.

3. Le pouvoir de la peau de chagrin

Après avoir songé au suicide, Raphaël vit une vraie renaissance en acquérant la peau de chagrin
chez un vieil antiquaire.

Dans le magasin d’antiquités, le jeune homme est fasciné par les représentations des grands
hommes qui ont fait progresser l’histoire de l’humanité : les rois, les empereurs, les artistes. La
peau de chagrin, qui a le pouvoir d’exaucer tous ses vœux, lui permettra de devenir l’un d’eux.

L’antiquaire l’informe que le possesseur de cet objet étrange sera « plus riche, plus puissant et
plus considéré que ne peut l’être un roi constitutionnel ». L’énumération et l’hyperbole affirment
la toute-puissance de la peau de chagrin.
II. Un homme incapable de grandes réalisations

1. L’échec littéraire

Dans sa mansarde parisienne, notre héros écrit notamment un essai, Théorie de la volonté, qui ne
connaît aucun succès et sombre dans l’oubli.

Aux côtés de Rastignac, Raphaël oublie sa vocation littéraire. Seuls comptent désormais sa
vanité et ses plaisirs égoïstes.

2. Les échecs amoureux

Sa relation avec Fœdora est d’emblée condamnée à l’échec : comme l’en prévient Rastignac,
Raphaël ne parviendra jamais à séduire cette femme orgueilleuse qui résiste à tous les hommes.
C’est seulement par une trahison qu’il parviendra à surprendre son intimité.

Pauline est une femme noble et vertueuse qui incarne la femme idéale. Mais Raphaël lui préfère
une femme inaccessible. Lorsqu’il retrouve Pauline, dans la troisième partie, et qu’ils deviennent
amants, il est déjà trop tard pour enrayer la malédiction de la peau de chagrin.

3. L’échec social

Raphaël ne parvient pas à égaler le succès de Rastignac. Il intègre le monde de l’aristocratie


parisienne, mais adopte aveuglément le « système dissipationnel » de son mentor : en égoïste
absolu, il dépense sans compter, satisfaisant ses besoins et ses plaisirs, sans se soucier d’aider les
autres ni de réaliser ses rêves de gloire. Sa ruine est inéluctable.

Il finit son existence solitaire, rejeté de tous, comme dans le centre thermal d’Aix-les-Bains où il
suscite l’hostilité générale.

III. Un homme empêché de réussir

1. Le piège de l’antiquaire

Certes l’antiquaire prévient Raphaël des dangers de la peau de chagrin. Il lui donne une leçon de
sagesse, l’invitant à modérer sa volonté pour vivre mieux et plus longtemps. Pour lui, le savoir
est la clé du contrôle de soi et de la longévité.

Pourtant, le personnage est ambigu. Figure diabolique, il propose un pacte faussé à Raphaël : il
sait que l’ambitieux Raphaël sera fasciné par le pouvoir de la peau de chagrin et qu’il aura plus à
y perdre qu’à y gagner.

Il est donc à l’origine d’un piège qui prive Raphaël de toute sa liberté et le condamne à la
destruction.

2. La perversité de Rastignac
Dévoré d’ambition, Rastignac ne supporte pas la rivalité et aime jouer avec les êtres humains.

Tout en affirmant vouloir l’aider à réussir, il exerce sur Raphaël une influence néfaste : il le
pousse à faire de nombreuses dépenses, lui fait découvrir les maisons de jeu et le manipule pour
le faire tomber amoureux de Fœdora.

Comme l’antiquaire, habile, Rastignac fait figure de tentateur : Raphaël ne cesse de voir en lui un
frère.

3. Une société incorrigible

La société française elle-même représente le plus grand obstacle de réussite. Balzac montre à
quel point, sous la monarchie de Juillet, la France est gagnée par la corruption et la médiocrité. Il
semble ainsi impossible de changer la société ou d’y nourrir des rêves de grandeur.

L’auteur en fait ainsi une description peu flatteuse tout au long du roman : lors du banquet de
Taillefer, les invités rivalisent de bêtise ; à la fin du roman, seule Fœdora subsiste, cette « femme
sans cœur », à l’image de la société elle-même, froide et égoïste. Comment parvenir à forger de
grands hommes dans un tel contexte ?

Conclusion

[Synthèse] Il est vrai que Raphaël n’a rien pu faire. Mais pouvait-il réaliser ses ambitions ? Les
obstacles n’étaient-ils pas trop grands ? Le héros n’est souvent qu’une victime d’hommes
manipulateurs ou d’une société impossible à réformer.

[Ouverture] Au-delà de l’échec de Raphaël, c’est celui de la société française, étriquée et


décadente, qu’évoque Balzac. Ainsi écrit-il, dans Le Médecin de campagne : « La médiocrité,
monsieur, suffit à toutes les heures de la vie ; elle est le vêtement journalier de la société. »

à noter
En guise d’ouverture, vous pouvez citer une œuvre qui aborde un thème proche et qui élargit
votre réflexion.

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