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L’extrait étudié est la tirade de Théramène, de « A peine nous sortions des portes de
Trézène » jusqu’ à « Et que méconnaîtrait l’oeil même de son père ».
Pour une meilleure compréhension de l’œuvre, va voir ma fiche de lecture sur Phèdre de
Racine.
Introduction
Phèdre est une des tragédies les plus célèbres de Racine. La pièce évoque la passion
incestueuse de Phèdre pour son beau-fils Hippolyte.
Phèdre, croyant son époux Thésée mort, a révélé son amour pour Hippolyte. Mais son
beau-fils repousse ses avances et le retour de Thésée conduit Phèdre à accuser
Hippolyte de lui avoir déclaré son amour.
A l’acte IV, scène 2 Thésée maudit son fils et demande à Neptune de le venger.
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♦ A quoi sert le merveilleux dans cette scène ?
♦ Qu’est-ce qui rend cette scène théâtrale ?
Annonce du plan :
Racine, à travers Théramène, crée un récit théâtral (I) pour mettre en valeur un héros
épique (II) qu’il enferme dans un univers tragique (III)
I – Un récit théâtral
La bienséance, une des règles du théâtre classique théorisée par Boileau, consiste à
ne montrer sur scène que ce qui est conforme à l’opinion publique. La bienséance
impose notamment de ne pas représenter sur scène des actes violents ou choquants.
Si elle avait été représentée, la scène 6 de l’acte 5 de Phèdre aurait heurté le bon goût
et la sensibilité des spectateurs du 17ème siècle.
Le récit de Théramène permet donc de raconter la mort d’Hippolyte sans la faire voir
mais en faisant appel à l’imagination du spectateur.
La tirade de Théramène est donc une tirade narrative qui respecte les caractéristiques
traditionnelles du récit :
B – La théâtralité du récit
Le récit passe de l’imparfait «nous sortions», au passé composé («a troublé le repos»)
puis au présent de narration «répond en gémissant» ce qui accentue l’effet dramatique
en donnant l’impression que la scène devient actuelle et se déroule sous nos yeux.
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Cette dramatisation est accentuée par l’émotion de Théramène «Excusez ma douleur.
Cette image cruelle / Sera pour moi de pleurs une source éternelle» : en interrompant le
discours de Théramène, Racine met en scène la douleur du personnage comme s’il
revivait le spectacle de la mort d’Hippolyte.
Racine, à travers le récit de Théramène, utilise une esthétique baroque qui plonge ses
personnages dans un univers surnaturel.
Or on assiste bien dans la scène 6 de l’acte 5 de Phèdre à une explosion des sens.
L’anaphore de «J’ai vu» , le champ lexical du regard ainsi que les déterminants
démonstratifs déictiques («ce cri redoutable», «cette image cruelle») mettent en valeur
la dimension visuelle de la scène : «à nos yeux», «voit», «on dit qu’on a vu même»,
«image», «j’ai vu», «il ouvre un œil», «l’œil même de son père».
De surcroît cette scène visuelle fait appel à l’ouïe par le champ lexical du son :
«silence» (au départ), «effroyable cri», «voix formidable», «gémissant», «ce cri
redoutable», «longs mugissements», «tomber en mugissant», «l’essieu crie», «sa voix
les effraie», «nos cris douloureux», «ce mot» (retour du silence).
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Racine convoque les quatre éléments dans ce tourbillon universel – la terre, l’air, l’eau
et le feu :
«La terre s’en émeut, l’air en est infecte ; /
Le flot qui l’emporta recule épouvanté […]
Se roule et leur présente une gueule enflammée /
Qui les couvre de feu, de sang et de fumée ».
De plus, il utilise les topoi (lieux communs) du merveilleux : les métaphores de la mer
– «dos de la plaine liquide», «montagne humide» – montrent que les choses s’animent
dans un monde soumis à des lois surnaturelles.
B – Un héros épique
Dans cet univers surnaturel et hostile, la grandeur du héros peut s’exprimer.
Hippolyte se caractérise d’abord par une lignée héroïque comme le montre le champ
lexical de la généalogie : «digne fils d’un héros», «l’intrépide Hippolyte», «généreux
sang», «mon sang». Le caractère héroïque est d’abord un héritage.
Cette noblesse apparaît à travers l’importance des chevaux dans le texte, symbole du
héros épique : «chevaux» et «coursiers». Le nom même d’Hippolyte contient le sème
cheval (hippos en grec).
L’hyperbole «Tout fuit» oppose le monde extérieur, animé d’un mouvement centrifuge, et
le héros, qui reste seul sur scène :
«Tout fuit; et sans s’armer d’un courage inutile,
Dans le temple voisin chacun cherche un asile.
Hippolyte lui seul digne fils d’un héros,
Arrête ses coursiers saisit ses javelots».
A – Un tableau pathétique
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La couleur initiale de la scène, «jaunissante» se mue en la couleur rouge du «généreux
sang».
Le participe passé « teints » fait songer au peintre qui vient poser des touches de
couleurs sur un tableau :
« De son généreux sang la trace nous conduit.
Les rochers en sont teints; les ronces dégouttantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes. »
Hippolyte symbolise ainsi l’homme à la fois fils de Dieu et pécheur, fier et noble mais
aussi coupable et misérable.
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Le destin d’Hippolyte est bien marqué par la fatalité car la mort est inscrite dès le début
de la scène 6 : le héros est habité par une mélancolie profonde («pensif», «triste
pensée») qui le mue en personnage tragique rongé par un mal intérieur.
La fatalité est également inscrite dans le nom du héros : Hippolyte veut dire en grec
« les chevaux déliés, qui courent à bride abattue». Dès sa naissance, le héros était donc
promis une telle mort.
La circularité tragique est par exemple exprimée par l’œil d’Hippolyte : «Il ouvre un œil
mourant qu’il referme soudain» ou à travers le rôle des chevaux qu’il a nourris et qui ont
causé sa mort : «Traîné par des chevaux que sa main a nourris».
Néanmoins, la porte du rachat reste entrouverte car Hippolyte émet juste avant sa mort
l’hypothèse d’une rédemption : «si mon père un jour désabusé» (détrompé).
L’héroïsme, la grandeur ne sont qu’une illusion et l’homme est soumis à une misère
inéluctable.
6/6