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Chapitre Un

Approximation du champ moyen :


Etude du modèle d’Ising spin-1

1.1 Le modèle d’Ising (1925)


Les travaux les plus importants en mécanique statistique sont faits sur les réseaux.
Les propriétés magnétiques de certains cristaux solides et les interactions entre les
atomes aux nuds d’un réseau font l’objet de recherches intensives en Physique Statis-
tique depuis 1920. Le modèle d’Ising introduit en 1925 par Ising et Lenz vise à décrire
le comportement de ces objets magnétiques[1].

1.1.1 Définition
Le modèle d’Ising représente une simple approche pour simuler une substance ma-
gnétique physique. Il est l’un des rares modèles de Physique Statistique de particules
en interaction qui puisse être résolu analytiquement. A deux dimensions, le système
idéal décrit par ce modèle subit une transition de phase[2].
Dans le modèle, on considère N points fixes d’un réseau périodique de dimension
d(d = 1, 2, 3) pouvant avoir une structure cubique ou hexagonale. Des conditions
spécifiques aux bords du réseau doivent être précisées. Ces conditions peuvent être
simplement périodiques comme ci-dessous.

. . . .
. . . .
. . . .
. . . .

Figure 1.1 – Conditions aux bords périodiques d’un réseau carré.

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Le modèle d’Ising (1925) 2

On associe à chaque site i ∈ {1, ..., N } du réseau une variable si qui peut prendre
les valeurs ±1. On peut aussi utiliser d’autres variables de spin comme ±1/2, ±3/2,
···.
Si si = +1 alors on dit que le ime site a un spin "up".
Si Si = −1 alors on dit que le ime site a un spin "down".
Un ensemble de variables si de spins spécifie une configuration du réseau dont
l’énergie est donnée par le Hamiltonien d’interaction :

X N
X
H=− Jij si sj − hi si (1.1)
<i,j> i=1

où < i, j > désigne une paire de spins proches voisins nn.


Il est la somme de deux termes, l’un d’interaction avec un champ magnétique
extérieur hi et l’autre dû aux interactions entre molécules, interactions magnétiques J
dépendant du spin localisé et à l’apparition d’une aimantation rémanante en absence
de champ extérieur .
D’autre part l’énergie du système dépend du moment magnétique des spins. Le
moment magnétique associé à un spin ⃗s est donné par

⃗ = −gµB ⃗s
µ (1.2)
eℏ
où µB = . (1.3)
2m
Dans cette expression, g est un facteur numérique proche de 1, appelé facteur de
Landé, µB est le magnéton de Bohr et les valeurs possibles pour une projection du
spin sont entières ou demi-entières, ne variant que par valeurs entières .
En général, le spin et les autres degrés de liberté de l’atome sont indépendants,
seulement liés par les questions de symétrie de la fonction d’onde totale de sorte que
l’énergie d’un ensemble de molécules dans un champ magnétique pourra s’écrire :

N
X
Ĥ = − gµB si hi (1.4)
i=1

où les interactions sont prises en compte par un terme phénoménologique, lié à une
interaction dite d’échange, et qui est d’origine purement quantique. On écrit :

X N
X
H=− Jij si sj − gµB si hi (1.5)
<i,j> i=1

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Le modèle d’Ising (1925) 3

où < i, j > désigne une paire de spins proches voisins. Le facteur Jij donne la valeur
du couplage entre les sites i et j. L’interaction peut être à courte portée (premiers
voisins sur un réseau cubique par exemple) ou à longue portée (tous les spins du
réseau interagissent entre eux). On peut considérer uniquement la composante du spin
dans la direction du champ (modèle dit d’Ising) ou toutes les composantes (modèle
d’Heisenberg), ou deux composantes (modèle XY) [1].
Le nombre de modèles qui ont été considérés (et le sont encore) est grand. Nous nous
limiterons ici au modèle d’Ising surtout en dimensions 1 et 2. En guise de simplification,
nous pouvons considérer le Hamiltonien d’interaction sous la forme suivante :

X N
X
H=− Jij si sj − h si . (1.6)
<i,j> i=1

La sommation fait intervenir 2N configurations possibles de spins spécifiées par les


valeurs de si des N sites de spins et N z/2 termes correspondant au nombre de liens
< i, j > sur le réseau, z est le nombre de proches voisins d’un site donné [3].
d = 2 −→ z = 4 pour un réseau carré,
d = 3 −→ z = 6 pour un réseau cubique simple,
d = 3 −→ z = 8 pour un réseau cubique à face centrée.
La géométrie du réseau affecte Jij et z. Dans le cas d’interactions isotropiques, on
a Jij = J et
X N
X
H = −J si sj − h si . (1.7)
<i,j> i=1

Tous les si de l’équation précédente commutent entre eux et H est ainsi diagonali-
sable dans la représentation où les si le sont ; les valeurs et les fonctions propres sont
donc connues. Le hamiltonien ne change pas dans une opération de renversement de
spins lorsque h = 0.
Lorsque J > 0, on a le modèle d’Ising ferromagnétique et dans le cas où J < 0, on
obtient le modèle d’Ising antiferromagnétique.

1.1.2 Les états fondamentaux du modèle d’Ising


Les états fondamentaux du modèle d’Ising sont généralement déterminés à une
très basse température. Pour J > 0, on a un réseau ferromagnétique dont les états
fondamentaux sont "tout +" ou "tout -".
Ces états sont trouvés de la façon suivante : En considérant le modèle d’Ising en
champ nul (h = 0) et en considérant un lien < i, j >, le Hamiltonien par lien s’écrit :
HL = −Jsi sj

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+ + + + - - - -
+ + + + - - - -
ou
+ + + + - - - -
+ + + + - - - -

Figure 1.2 – États fondamentaux dans un réseau carré 4 × 4 (J > 0).

Si Sj HL
+1 +1 -J
-1 +1 +J
+1 -1 +J
-1 -1 -J

Table 1.1 – Différentes valeurs de HL .

Comme J > 0, la valeur minimale de l’énergie est −J < 0, les états fondamentaux
sont bien "tout +" ou "tout-".
Pour J < 0, on a un réseau antiferromagnétique dont les états fondamentaux sont
"+-" ou "-+".

+ - + - - + - +
- + - + + - + -
ou
+ - + - - + - +
- + - + + - + -

Figure 1.3 – États fondamentaux dans un réseau carré 4 × 4 (J < 0).

Nous voyons clairement que la valeur minimale de l’énergie du niveau fondamentale


est bien J < 0 donc les états fondamentaux sont "- +" ou "+ -".
Afin de comprendre le comportement du système à étudier, nous avons besoin
de connaître la fonction de partition qui le décrit. Dans le cas du modèle d’Ising, la
fonction de partition est donnée d’une façon générale par :
X
Z(T ) = exp(−βH) (1.8)
{si }
X X X
= ··· exp(−βH{si }). (1.9)
s1 =±1 s2 =±1 sn =±1

Les fonctions thermodynamiques sont obtenues de manière habituelle à partir de


l’énergie libre d’Helmoltz F :

1
F = − ln Z(T ) (1.10)
β

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Approximation de Bragg-Williams sur le modèle d’Ising : Invariance par translation
du réseau cristallin 5

avec β = 1/kB T , kB étant la constante de Boltzmann, kB = 1, 3806.10−23 JK −1 .


molécules ; l’énergie interne du modèle s’écrit :
 
2 ∂ F
U = −kB T ; (1.11)
∂T kB T

la capacité spécifique ou capacité calorifique à volume constant s’écrit :


 
∂U
Cv = (1.12)
∂T v
L’aimantation [3]du système :
  * N +
∂ F 1 X
M (T ) = − = Si (1.13)
∂h kB T N i=1

1.2 Approximation de Bragg-Williams sur le modèle


d’Ising : Invariance par translation du réseau
cristallin
Dans la théorie du champ moléculaire encore appelée théorie de Weiss ou de
CURIE-WEISS [4], le champ subi par un spin donné est le même pour tout autre
spin du réseau. Comme conséquence, la valeur moyenne < si >=< sj >. Ainsi donc
la théorie du champ moyen néglige les fluctuations dans la valeur moyenne du spin
lorsqu’on passe d’un site à un autre sur le réseau.
Soit P↑ ou P+ la probabilité de trouver un site dans l’état "+" et P↓ ou P− la
probabilité de trouver un site dans l’état "−". Il en résulte que P+ + P− = 1 où
X
Pi = 1 (1.14)
i

La valeur moyenne du spin au site i est donné par :

m = < si > (1.15)


X
= Pi s i
i

= P+ − P − (1.16)

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Approximation de Bragg-Williams sur le modèle d’Ising : Invariance par translation
du réseau cristallin 6

Nous obtenons le système suivant :


(
P+ + P− = 1
(1.17)
P + − P− = m

Il vient : P+ = 1+m
2
et P− = 1−m
2
.
Considérons le modèle d’Ising 2D décrit dans un ensemble canonique où le réseau
de spins n’échange pas de particules avec le milieu extérieur. L’énergie interne U du
système s’écrit :

U = <H>
X X
= −J < si sj > −h < si >
<i,j> i
X X
= −J < si sj > −h < si > (1.18)
< i, j > i

Le réseau considéré étant de dimension 2, z = 4 et le nombre total de liens entre


spins proches voisins est 2N avec N le nombre total de spins locaux. On suppose dans
la théorie du champ moyen que les spins sont non correlés [3, 5] :

< si sj > = < si >< sj >


= m2 (1.19)

X N
X
U = −J < si >< sj > −h < si >
< i, j > i=1

X N
X
2
= −J m −h m
< i, j > i=1
Nz
= − Jm2 − hN m (1.20)
2
L’entropie du système constitué de N particules dans l’ensemble canonique est
définie par :
X
S = −kB N Pi log Pi
si
= −kB N [P+ log P+ + P− log P− ]
 
1+m 1+m 1−m 1−m
= −kB N ( ) log( )+( ) log( ) (1.21)
2 2 2 2

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Approximation de Bragg-Williams sur le modèle d’Ising : Invariance par translation
du réseau cristallin 7

L’énergie libre d’Helmoltz s’écrit :

F = U − T S. (1.22)

Remplaçons les équations (1.20) et (1.21) dans (1.22), nous obtenons l’expression
de F en fonction de m.

 
Nz 2 1+m 1+m 1−m 1−m
F (m, T ) = − Jm − hN m + N kB T ( ) log( )+( ) log( )
2 2 2 2 2
(1.23)

où m sera considéré comme un paramètre d’ordre.


∂F
Minimisons l’expression F de l’équation (1.23) par rapport à m ( ∂m = 0). Nous
obtenons l’équation suivante :
 
Jzm + h
m = tanh . (1.24)
kB T
Une telle équation (1.24) se résoud graphiquement. On a le système suivant :


y1 = m
  (1.25)
y2 = tanh Jzm+h
k T
.
B

Considérons le modèle d’Ising sans champ magnétique extérieur (h = 0)


 
Jzm
y2 = tanh .
kB T

Soient les pentes p1 et p2 à l’origine de y1 et y2 respectivement :


p1 = 1, p2 = kJz
BT
= βJz avec β = 1/kB T
Remarque :
Jz
1. Si p2 < p1 on a kT < 1, c’est-à-dire kT > Jz. Il y a une seule solution m = 0,
ce qui correspond à la phase désordonnée ou phase paramagnétique.
Jz
2. Si p2 > p1 on a kB T
> 1, c’est-à-dire kB T < Jz. Nous obtenons trois solutions

(
m=0
(1.26)
m = ±m0 .

Dans ce cas, m = 0 n’est pas une solution physique aux basses températures. La solution
physiquement acceptable est m = ±m0 ; ce qui correspond à la phase ordonnée ou
ferromagnétique.

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Approximation de Bragg-Williams :Correlations à longue et à courte portée sur le
réseau 8

1 1
y
1
y y
2 y1 2

0 m − m0 0
m m
0

−1 −1

T> 4J T< 4J

Figure 1.4 – Comportement de l’aimantation.

La température kB T = Jz qui sépare les 2 phases (phase paramagnétique et ferro-


magnétique) est une température de transition (kB Tc = Jz ou simplement Tc = Jz
avec z = 4). Elle est une fonction croissante de z c’est-à-dire qu’elle augmente avec la
taille du réseau.
En 1944, avec une résolution analytique, L. Onsager a trouvé exactement Tc =
2, 269J [1]. Eu égard à ce qui précède, on peut conclure que la théorie du champ
moyen surestime la température de transition du modèle d’Ising.

1.3 Approximation de Bragg-Williams :Correlations


à longue et à courte portée sur le réseau
Soit le modèle d’Ising sous champ magnétique extérieur h défini sur un réseau carré
avec des conditions aux bords périodiques, le hamiltonian d’interaction s’écrit :
X X
H = −J si sj − h si avec si = ±1 (1.27)
<i,j> i

Soit N + le nombre de "spin up", N ++ le nombre de liens entre "spin up" proches
voisins sur le réseau, N +− le nombre de liens entre "spins up" et "spins down", N −−
le nombre de spins proches voisins avec "spin down".
Si z désigne le nombre de spins proches voisins d’un spin donné sur le réseau (à
d = 2, z = 4), nous avons les relations :

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Approximation de Bragg-Williams :Correlations à longue et à courte portée sur le
réseau 9

zN + = 2N ++ + N +− La relation marche si l’on fait spin-flip (1.28)


zN − = 2N −− + N +− (1.29)
+ −
N = N +N (1.30)
− +
N = N −N (1.31)
N +− = zN + − 2N ++ = zN − − 2N −− (1.32)
z
N −− = N + N ++ − zN + (1.33)
2
Les nombres N + /N et N ++ /(zN/2) mesurent les correlations à longue portée et
locales sur le réseau.
Définissons le paramètre d’ordre à longue portée L par

N+ 1
= (L + 1) (−1 ≤ L ≤ +1) (1.34)
N 2
et le paramètre d’ordre à courte portée σ par :

N ++ 1
= (σ + 1) (−1 ≤ σ ≤ +1) (1.35)
(zN/2) 2

Ainsi on a :
X zN
si sj = 4N ++ − 2zN + + (1.36)
<i,j>
2

Cette relation est obtenue à partir de :

X
si sj = N ++ + N −− − N +− (1.37)
<i,j>
X zN
si sj = (1 − 2L + 2σ) (1.38)
<i,j>
2
X
si = N + − N − or N + + N − = N
i
X
si = 2N + − N = N L (1.39)
i

1 P
De la dernière relation, on remarque bien que L = si n’est rien d’autre que
N i
l’aimantation moyenne par site dans le modèle d’Ising ferrromagnétique.

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Approximation de Bragg-Williams :Correlations à longue et à courte portée sur le
réseau 10

On peut écrire que :

1 1
E(L, σ) = Jz(2σ − 2L + 1) − hL (1.40)
N 2
L’approximation de Bragg-Williams s’écrit :
2
N ++ N+

≃ (1.41)
zN/2 N

1
On en deduit que : σ ≃ (L+1)2 −1. Dans cette approximation, l’énergie d’interaction
2
s’écrit :
1 1
E(L) = − JzL2 − hL (1.42)
N 2
Jz
 

X X βN  2 L2 +hL
La fonction de partition Z(h, T ) = e−βE = e . Dans la sommation,
si si
nous devons chercher le nombre total de configurations qui partage la même valeur de
L. Ce nombre est déterminé par N + choses tirées parmi N , soit :
+ N!
CNN = + . La fonction de partition s’écrit :
N !(N − N + )!

L=+1
z 2 !
X N! βN JL +hL
Z(h, T ) =     .e 2 (1.43)
N N
L=−1 (1 + L) ! (1 − L) !
2 2

Lorsque N → ∞, log(Z) est de l’ordre du logarithme du plus grand terme de la


sommation. En utilisant l’approximation de Stirling pour N ! il vient :
   
1 z
2
 1 + L̄ 1 + L̄ 1 − L̄ 1 − L̄
log Z(h, T ) = β J L̄ + hL̄ − log − log (1.44)
N 2 2 2 2 2

L̄ étant la valeur de L qui maximise le terme de la sommation. On trouve que L̄


est la racine de l’équation :
 
1 + L̄
log = 2βh + 2β L̄Jz c’est-à-dire : (1.45)
1 − L̄

 
L̄ = tanh β h + Jz L̄ (1.46)

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1
On peut alors réécrire log Z(h, T ) sous la forme :
N

1 − L̄2
 
1 kB T z kB T
F (h, T ) = − log Z(h, T ) = J L̄2 + log (1.47)
N N 2 2 4

1
où F (h, T ) est l’énergie libre d’Helmoltz par site. En absence de champ on a :
N
 
Jz L̄
L̄ = tanh (1.48)
kB T

qu’on peut résoudre graphiquement. La solution comme dans la théorie du champ


moyen s’écrit :
 
Jz
L̄ = 0 <1 (1.49)
kB T


 L0  
 Jz
L̄ = 0 >1 (1.50)

 kB T
−L0

Dans le deuxième cas, la solution L̄ = 0 doit être rejetée. En effet, L̄ = 0 dans


l’équation (1.47) donne un minimum au lieu d’un maximum. La température de tran-
sition est donnée par : kB Tc = Jz


0 (T > Tc )
L̄ = (1.51)
±L0 (T < Tc )

L0 doit être calculé numériquement mais près de T = 0 ou T = Tc , on peut faire


des approximations :
 
−Tc /T T
L0 ≃ 1 − 2e ≪1 (1.52)
Tc
s    
T T
L0 ≃ 3 1− 0<1− ≪1 (1.53)
Tc Tc

Le graphe de L0 est de la forme :

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L0

Tc
On peut calculer les fonctions thermodynamiques :
1. Energie libre d’Helmoltz F (0, T )

0  (T > Tc )
1 
1 − L20

F (0, T ) = z 2 kB T (1.54)
N JL + log (T < Tc )
2 0

2 4

2. Aimantation M (0, T )

1 0 (T > Tc )
M (0, T ) = (1.55)
N L0 (T < Tc )

3. Energie interne U (0, T )


(
1 0 (T > Tc )
U (0, T ) = z 2 (1.56)
N − JL0 (T < Tc )
2

4. Chaleur spécifique C(0, T )



1  0 (T > Tc )
C(0, T ) = z dL20 (1.57)
N  − J (T < Tc )
2 dT

La chaleur spécifique dans l’approximation de Bragg-Williams se présente comme


suit :
C(0,T)/Nk
3/2

0
Jz T

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1.4 Théorie du champ moyen : Principe variation-


nel
Le calcul d’une fonction de partition d’un système n’est pas toujours facile. Dans
le cas de particules en interaction, l’approximation la plus simple qui permette une
description du phénomène est l’approximation du champ moyen. Le principe de cette
approximation est donné ci-dessous.
1. Principe Variationnel
Considérons un système en équilibre thermodynamique. La valeur moyenne
d’une grandeur représentée par l’opérateur A est :

< A >= T rρA (1.58)

où ρ = e−βH /Z avec T rρ = 1 est l’opérateur densité du système. H est le


hamiltonian d’interaction et Z la fonction de partition du système donné par :
 X −βH
Z = T r e−βH = e (1.59)
s

L’entropie S du système est donnée par −T rρ ln ρ

T rρ (ln ρ) = T rρ (−βH − ln Z)
T rρ (ln ρ) = −βT rρH − ln Z
T rρ (ln ρ) = −β < H > − ln Z (1.60)

1
or − ln Z = F ⇐⇒ βF = − ln Z. Il vient que :
β

βF = β < H > +T rρ ln ρ (1.61)

Comme en général on ne sait pas calculer Z, on doit se contenter d’une valeur


approchée de F que nous notons F̄ de l’énergie libre. Cette énergie obtenue à
partir d’un opérateur densité ρ. On pourra écrire :

β F̄ = β < H >0 +T rρ0 ln ρ0 où T rρ0 ln ρ0 = β F̄ − β < H >0 (1.62)

En utilisant le lemme :

T rρ0 ln ρ0 ≥ T rρ ln ρ (1.63)

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On aboutit en utilisant les équations (1.61) et (1.62) que :

F̄ > F (1.64)

L’énergie libre approximative est supérieure à l’énergie libre F qui est exacte.
L’idée variationnelle consiste à chercher l’opérateur ρ0 qui minimise F̄ . Dési-
gnons par H0 le hamiltonien d’essai. ρ0 est défini par : ρ0 = e−βH0 et Z0 =
T re−βH0 . Ecrivons β F̄ en faisant apparaître explicitement H0 :
T rρ0 ln ρ0 + β < H0 >0
| {z }
β F̄ = β < H − H0 >0 + βF0

β F̄ = βF0 + β < H − H0 >0 (1.65)

1
avec bien sûr F0 = − ln T re−βH0 .

β
Dans les applications deux cas peuvent se présenter :
- Soit ρ0 est connu et défini à partir d’un H0 . Dans ce cas il faut minimiser
F̄ = F0 + < H − H0 >0
- Soit l’opérateur densité ρ0 est défini sans passer par H0 . Ici, il faudra mini-
miser : β F̄ = β < H >0 +T rρ0 ln ρ0
2. L’approximation du champ moyen
Soit le hamiltonian du modèle d’Ising :
X
H = −J si sj avec si = ±1 (1.66)
<i,j>

On ne sait calculer l’énergie libre d’un tel système. Nous allons déterminer une
expression approchée. Chaque spin étant dans le champ crée par ses voisins, on
peut écrire H sous la forme :
X X
H=− hi si où hi = J sj (1.67)
i j

les sites j étant les sites proches voisins du site i. En négligeant cette dépen-
dance, on pourra écrire :
X
H0 = −h si (1.68)
i

Ainsi, on définit une classe d’hamiltoniens approximatifs dépendant du para-

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mètre h. L’énergie libre approximative à minimiser est donc :

F̄ = F0 + < H − H0 >0
= F0 + < H >0 − < H0 >0 (1.69)

Cherchons les différents termes de cette sommation :


1
F0 = − ln Z0 ; (1.70)
β
P
Z0 = T re−βH0 = T reβh i si ;
X P XY
Z0 = eβh i si = eβhsi ;
{s} {s} i
!
Y X Y
eβhsi eβh + e−βh

Z0 = =
i si =±1 i
Y
Z0 = (2 cosh βh) = (2 cosh βh)N (1.71)
i
1
F0 = − ln (2 cosh βh)N (1.72)
β

N étant le nombre de sites sur le réseau où le nombre de spins du système.


X
< H >0 = −J < si sj >0 (1.73)
i,j

En supposant que les spins proches voisins ne sont pas correlés (spins décorre-
lés), on a :

< si sj >=< si >< sj > (1.74)

P
βh k sk
P
{si } si e
−βH0
T rsi e
< si >0 = = P (1.75)
T re−βH0
P βh k sk
{si } e
X XY
βhsi
si e eβhsk
{si =±1} {sk } k̸=i
< si >0 = X XY
βhsi
e eβhsk
{si =±1} {sk } k̸=i
X
si eβhsi
{si =±1} e+βh − e−βh
< si >0 = =
e+βh + e−βh
X
eβhsi
si =±1
< si >0 = tanh (βh) (1.76)

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Théorie du champ moyen : Principe variationnel 16

La valeur moyenne du hamiltonien H suivant la densité d’essai ρ0 donne :


X X
< H >0 = −J < si >0 < sj >0 = −J < si >20
<i,j> <i,j>
z
< H >0 = − JN tanh2 (βh) (1.77)
2

La sommation porte sur le nombre total de paires spins proches voisins sur le
réseau qui fait N z/2.
X
< H0 >0 = −h < si >0 = −hN tanh(βh) (1.78)
i

L’énergie libre approximative pourra s’écrire :

N z
F̄ = − ln (2 cosh βh) − N J tanh2 (βh) + hN tanh(βh) (1.79)
β 2

Il faudra maintenant minimiser cette énergie par rapport à h.

∂ F̄ h
= 0 ⇐⇒ tanh(βh) = (1.80)
∂h zJ

Les valeurs de h solutions de cette équation minimiserait F̄ . On resoud cette


équation en traçant les 2 courbes :

 y1 = tanh(βh)
h (1.81)
 y2 =
zJ
et en cherchant leurs points d’intersection. Le nombre de points d’intersection
1
dépend de la pente de la courbe y2 . La valeur moyenne de l’aimantation par
Jz
site est donnée par m =< si >0 = tanh(βh).
Deux situations se présentent :
1
a- Si > β, c’est à dire T > zJ, la solution est h = 0 donc m = tanh(βh) = 0.
zJ
La valeur moyenne de l’aimantation est nulle, ce qui correspond à la phase
paramagnétique.
b- Si par contre T < zJ on a deux solutions h = 0 (maximum local) et h ̸= 0
(Ce qui correspond à deux solutions symétriques, c’est la phase ferromagné-
tique). La température de transition est Tc = zJ. A d = 2 (réseau carré),
z = 4 et on a : Tc = 4J. La valeur exacte calculée à partir de la valeur exacte
2J
de l’énergie libre par Onsager est kB Tc = √ ≃ 2.269J. La théorie
log(1 + 2)
du champ moyen surestime Tc .

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Approximation de Bethe-Peierls 17

m
+1

Y
1
Y2

−h +h β ch

−1

1.5 Approximation de Bethe-Peierls


C’est une amélioration de l’approximation de Bragg-Williams. En effet l’approxi-
mation N ++ /(N z/2) = (N + /N )2 qui ignore les correlations locales entre spins est
remplacée ici par une meilleur approximation.
On considère un sous-réseau formé d’un site quelconque et de ses proches voisins
et on suppose que ce sous-réseau est immergé dans le reste du réseau comme dans un
liquide. Le liquide influence le sous-réseau à travers un paramètre unique semblable à
la fugacité γ.
Considérons un spin s et ses z proches voisins. P (s, n) est la probabilité d’avoir n
voisins parmi les z avec un spin "up" alors que le spin central se trouve dans l’état s.
1. Si s = +1 alors P (s, n) est associée aux configurations possibles du sous-réseau
où on a n pairs (++) et (z − n) pairs (+−).
2. Si s = −1 alors P (s, n) est associée aux configurations où on a n pairs (+−) et
(z − n) pairs (−−).
Pour un n donné, il y a (zn ) = Czn manières de décider lesquels des voisins représentent
les n spins en question. On supposera que :

1 z
P (+1, n) = ( ) exp(βϵ(2n − z)) × γ n (1.82)
q n
1 z
P (−1, n) = ( ) exp(−βϵ(2n − z)) × γ n (1.83)
q n

avec q un facteur de normalisation et γ introduit pour représenter l’effet du reste du


réseau sur le sous-réseau qui ressemble à la fugacité. A cause de cette similarité, la
presente méthode d’approximation est encore appelée méthode quasi-chimique "quasi-
chemical approximation". La détermination de q necéssite :
z
X
[P (+1, n) + P (−1, n)] = 1 (1.84)
n=0

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Approximation de Bethe-Peierls 18

z
X
(zn ) (γ.e2βϵ )n .e−βϵz + (γ.e−2βϵ )n eβϵz
 
Ainsi, q =
n=0
La signification donnée à P (+1, n) conduit à :
z
1+L N+ X 1 −βϵ z
= = P (+1, n) = e + γ.eβϵ (1.85)
2 N n=0
q
z
1+σ N ++ 1X γ z−1
= = nP (+1, n) = eβϵ e−βϵ + γ.eβϵ (1.86)
2 N z/2 z n=0 q

L’énergie du modèle d’Ising dépend de L et σ exprimés ici en fonction de γ seule-


ment. En supposant que les deux équations précédentes restent valables à travers tout
le réseau, on pourra écrire l’énergie comme fonction de γ et utiliser son expression
pour calculer la fonction de partition.
Xz
P (+1, n) := Probabilité de trouver un "spin up" au centre,
n=0
Xz
1
z
n [P (+1, n) + P (−1, n)] := Probabilité de trouver un "spin up" parmi les z
n=0
voisins. Ces deux probabilités doivent être égales pour permettre une bonne interpre-
tation de la physique du problème.

z z
X 1X
P (+1, n) = n [P (+1, n) + P (−1, n)] . (1.87)
n=0
z n=0

Cette condition permet de déterminer γ. Les relations (1.82) et (1.83) donnent :


z γ ∂  −βϵ z z 
e−βϵ + γ.eβϵ = e + γ.eβϵ + eβϵ + γ.e−βϵ (1.88)
z ∂γ
h z−1 βϵ z−1 −βϵ i
= γ e−βϵ + γ.eβϵ e + eβϵ + γ.e−βϵ e (1.89)

Ce qui donne :
z−1
1 + γ.e2βϵ

γ= (1.90)
γ + e2βϵ

On pourra trouver après la resolution de cette équation L̄ et σ̄ sous les formes :

γx − 1 z
L̄ = avec x= (1.91)
γx + 1 z−1
2γ 2
σ̄ =  1
 −1 (1.92)
(e−2βϵ + γ) γ + γ 1−z

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Approximation de Bethe-Peierls 19

L’énergie interne du réseau d’Ising en absence de champ extérieur est donné par :

1 1 
U (0, T ) = − ϵz 2σ̄ − 2L̄ + 1 (1.93)
N 2
Il reste maintenant à resoudre l’équation (1.90) ci-dessus. Remarquons d’abord que :
* γ = 1 est toujours solution
* Si γ est solution alors 1/γ est aussi solution
* Interchanger γ en 1/γ revient à Interchanger L̄ en −L̄
* γ = 1 correspond à L̄ = 0 et γ = ∞ correspond à L̄ = 1
La solution de l’équation doit être obtenue graphiquement. Le membre de droite a
pour pente à γ = 1

(z − 1) e2βϵ − 1
c= (1.94)
(1 + e2βϵ )2

Pour c < 1, la seule solution est γ = 1. Si c > 1 alors il y a 3 solutions : γ = 1 ; γ0


et 1/γ0 et il faudra éliminer les solutions :

γ=1 Voir raison dans approximation de Bragg-Williams
1/γ0 Car cela revient à renverser chaque spin du réseau

Définissons la température critique Tc par :



(z − 1) e2βc ϵ − 1 1
2 = 1 avec βc = (1.95)
(1 + e2βc ϵ ) kB T


On obtient : kB Tc =
log [z/(z − 2)]

1
Pour T > Tc , γ = 1, L̄ = 0; σ̄ =

1 + e2βϵ
 Pour T < T , γ > 1, L̄ > 0; dans ce cas nous avons une aimantation spontanée.
c

Ici, la chaleur spécifique s’écrit :


 
C(0, T ) 1 d zϵ dσ̄ dL̄
= . U (0, T ) = − − (1.96)
N kB N kB dT N kB dT dT

C(0, T ) contrairement à ce qui est vu dans l’approximation de Bragg-Williams ne


s’annule pas pour T > Tc .

C(0, T ) 2zϵ2 e2ϵ/kB T


= . pour T > Tc (1.97)
N kB (kB T )2 (1 + e2ϵ/kB T )2

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Nature des transitions de phase 20

Le comportement de C(0, T ) est donné ci-après en comparaison avec le résultat de


Bragg-Williams.
En dimension 2, on a z = 4 :
kB Tc = 4ϵ : Approximation de Bragg-Williams
kB Tc = 2ϵ/ log(2) ≃ 3.17ϵ : Approximation de Bethe-Peierls

kB Tc )exact = √ ≃ 2.269ϵ : Solution exacte d’Onsager (1944)
log(1 + 2)

1.6 Nature des transitions de phase


1.6.1 Définition d’une transition de phase
Suite à l’influence de certains paramètres externes sur bon nombre de systèmes
physiques, afin de retrouver leur état d’équilibre, ces systèmes subissent un changement
d’état appelé transition de phase [6]. Une transition de phase est donc un phénomène
faisant passer un système physique d’une phase pure à une autre. Les deux phases
diffèrent par leurs propriétés physiques. Nous distinguons une transition de phase du
premier ordre, une transition du second ordre et enfin une transition d’ordre infinie
[7].
Par exemple, la fusion et la vaporisation sont des transitions du premier ordre ; elles
nécessitent une chaleur latente, ce qui traduit une variation discontinue de l’entropie
lorsqu’on passe d’une phase à une autre [7]. La plupart des transitions magnétiques
et quelques transitions ordre-désordre dans les alliages, les transitions superfluides et
supraconductrices sont du deuxième ordre [1]. Elles sont sans chaleur latente, mais
présentent en général, une anomalie de la chaleur spécifique au point de transition.
1. Transition liquide-gaz au point K décrite par le diagramme (1.5a)

P
P
I
S S He
Pc L
K
II Domaine
L He critique
G Ligne critique
G
0 0 T
(a) Tc (b)
Transition liquide−gaz au point K Transition H e normal− He superfluide ou
la transition λ

Figure 1.5 – Diagrammes de transition de phase.

La courbe de vaporisation se termine au point critique K, où la transition est


du premier ordre. En ce point, il n’y a pas une différence fondamentale entre le

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Nature des transitions de phase 21

liquide et sa vapeur. Au delà de ce point, on dit qu’on a un fluide supercritique


(Voir figure 1.5a).
2. La transition para-ferromagnétique à champ nul, est décrite par le diagramme
de phase (1.7a) et (1.8a), (Voir plus loin à la page 27).
3. La transition He normal-He superfluide (He4 − He3 ) ou la transition λ est décrite
par le diagramme de phase de la figure (1.5b).

1.6.2 Théorie d’Erhrenfest


En 1933, Paul Erhrenfest (1880-1933) proposa d’appeler transition du premier
ordre, les transitions qui s’accompagnent d’une disontinuité dans les grandeurs phy-
siques liées à la dérivée première de l’énergie libre F (Exemple : l’entropie S) et du
deuxième ordre, celles s’accompagnant d’une discontinuité dans une grandeur physique
liée à la dérivée seconde de l’énergie libre F (Exemple : chaleur spécifique)[7]. Selon
Erhrenfest, la phase la plus stable est à haute température pour une transition du
premier ordre.

1.6.3 Théorie de landau


Ce n’est qu’en 1937 qu’une notion féconde fut introduite par Lev Davidovitch Lan-
dau (1908-1968) [7] pour classer les transitions de phases. Landau a pu ainsi montrer
que les transitions du deuxième ordre au sens d’Erhrenfest, étaient celles pour lesquelles
les déplacements atomiques caractérisant la phase de basse température s’annulaient
continûment à Tc . Il remarqua que le passage d’une phase à une autre, lors d’une telle
transition continue, s’accompagnaient d’un changement de symétrie. A ce changement
de symétrie, il associa la notion de paramètre d’ordre. Cette grandeur à caractère ex-
tensif, est nulle dans la phase la phase la plus symétrique et non nulle dans la phase
la moins symétrique.
Dans l’approche de Landau, le paramètre d’ordre est une fonction continue au point
de transition ; cette approche s’applique en principe aux transitions du second ordre.
Néanmoins, certaines transitions du premier ordre au sens d’Erhrenfest sont avec para-
mètre d’ordre. Comme exemple nous pouvons citer la transition ferro-para-électrique
dans le BaT iO3 (Titanate de Baryum) où le paramètre d’ordre est la polarisation.
Bien que basée sur des hypothèses très simples, la théorie de Landau permet d’ap-
préhender l’éssentiel des idées physiques relatives aux transitions de phases. Dans cette
théorie, on développe l’énergie libre F en fonction du paramètre d’ordre m à proxi-
mité du point critique. On ne retient que les termes compatibles avec la symétrie du
système[1, 5].
Le paramètre d’ordre étant supposé continue au point de transition Tc , il est naturel
d’écrire un développement de la fonction F (m, T ) en puissance de m au voisinage de

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Tc .

F (m, T ) = F0 (T ) + a0 (T )m + a(T )m2 + b0 (T )m3 + b(T )m4 + · · · (1.98)

Cette expression de F (m, T ) doit être invariante par les opérations de symétrie du
groupe de la phase de haute température dénommée phase désordonnée[7].
Etant donné Tc la température de transition, on doit avoir : m = 0 si T > Tc et
m ̸= 0 si T < Tc .
Pour T > Tc l’énergie libre est minimale pour m = 0, aussi le développement
précédent ne comporte pas de terme du premier degré en m [1] (car F doit être un
invariant par toutes les opérations de symétrie) ce qui implique que a0 (T ) = 0.
Pour que le point de transition soit lui-même stable, il est nécessaire que F (m, Tc )
soit minimale en m = 0, ce qui impose b0 (T ) = 0 et b(T ) > 0.
Le développement de l’énergie libre (1.98) se réduit à :

F (m, T ) = F0 (T ) + a(T )m2 + b(T )m4 + · · · (1.99)

Des études plus récentes ont montré qu’un tel développement de l’énergie n’est pas
valable dans un petit domaine de température autour de Tc , du fait des fluctuations
critiques du paramètre d’ordre, qui sont importantes au voisinage de la transition du
second ordre [1].

Transition du second ordre


La théorie de Landau décrit une transition de phase supposée initialement continue
et caractérisée par un paramètre d’ordre m nul dans la phase de haute température
et non nul en dessous du point de transition [1]. Selon le développement de Landau,
l’énergie libre se trouve sous la forme (1.99) ; a(T ) représente la concavité en m = 0
de F (m, T ).
Pour la transition ferromagnétique-paramagnétique on a :
a- Pour T > Tc on a a(T ) > 0 et l’énergie libre est minimale pour m = 0, le
système est donc paramagnétique à l’équilibre.
b- Pour T < Tc on a a(T ) < 0 l’énergie libre est minimale pour deux valeurs
différentes non nulles (m = m0 , m = −m0 ), soit deux états qui coexistent. Le
système est donc ferromagnétique.
Au point de transition, cette concavité est nulle et par conséquent a(Tc ) = 0. La
fonction a(T ) la plus simple qui satisfait à toutes ces conditions est a(T ) = α (T −T
Tc
c)

où la constante α > 0. Par ailleurs, b(T ) étant positif à T = Tc et m bornée, il est


légitime de remplacer b(T ) par une constante b > 0. La forme (1.99) de l’énergie libre

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devient alors :
(T − Tc ) 2
F (m, T ) = F0 (T ) + α m + bm4 + · · · (1.100)
Tc

La valeur de m qui rend cette expression minimale est solution de l’équation sui-
vante :
∂F (T − Tc )
= 2α m + 4bm3 (1.101)
∂m Tc
= 0

Les solutions de cette équation sont :


Pour T > Tc on a une seule solution m = 0. Pour T < Tc , elle présente trois
solutions :
(
m=0 q
c −T
(1.102)
m0 = ± α T2bT c

On constate que pour T < T c la solution m = 0 est rejétée, car elle correspond
à un maximum de F (m, T ), c’est-à-dire à un état d’équilibre instable. Le résultat qui
découle de cette approche est qu’au voisinage de Tc , le paramètre d’ordre se comporte
1
comme |Tc − T | 2 .

F−F0 F−F0 F−F0

−m0 m0
0 m 0 m 0 m
a>0 a=0 a<0

Figure 1.6 – Allure générale de l’énergie libre pour différentes valeurs de "a".

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Il est important de remarquer que la symétrie peut être brisée en appliquant au


système un champ magnétique. L’énergie libre devient :

F (m, T ) = F0 (T ) + am2 + bm4 − mH (1.103)

Bien que la fonction ne soit pas symétrique, il s’agit bien d’une transition du second
ordre car au moment de la transition, F (m, T ) présente un seul minimal global.

Transition du premier ordre


La théorie de Landau est aussi utile pour étudier les transitions au voisinage d’un
point triple dans un diagramme de phase [8]. Dans ce cas, on développe l’énergie libre
F jusqu’à l’ordre 6 :

F (m, T ) = F0 (T ) + am2 + bm4 + cm6 + · · · (1.104)

F (m, T ) décrit aussi bien des transitions du premier ordre que des transitions du
second ordre [1]. En effet, c doit être positif car m est borné. La recherche des minima
de F via la condition :
∂F
/m=m0 = 2am0 + 4bm30 + 6cm50 = 0 (1.105)
∂m
conduit à trois solutions physiquement acceptables :
(
m0 = 0
(1.106)
m20 = − 3cb .

Si la condition suivante est respectée : b2 = 3ac, Il vient alors a > 0, b < 0 et


c > 0. Dans ce cardre, on peut passer de la solution triviale du paramètre d’ordre à
une valeur non-nulle de façon discontinue en fonction des paramètres.
Généralement, cet type de transition est observé dans des matériaux magnétiques
dont la courbe d’aimantation présente une hystérésis[1]. En effet, lorsqu’on applique
une induction magnétique à ces matériaux, ils s’aimantent. Lorsqu’on ramène cette
induction magnétique à zéro, on peut observer une aimantation rémanente qui est
attribuée aux joints (paroi de Bloch) entre les domaines organisés.

Landau et les exposants critiques


Proche de la transition, les paramètres caractéristiques du système se comportent
suivant des lois de puissances [1]. Il est donc intéressant de caractériser les transitions
de phase par rapport aux exposants critiques. Etudions ces exposants dans le cadre de
la théorie de Landau.

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Nature des transitions de phase 25

Pour une transition du second ordre, utilisons l’expression (1.103) de l’énergie libre
à champ magnétique faible.
L’exposant β décrit comment le paramètre d’ordre varie par rapport à la tempéra-
ture lorqu’on se rapproche de Tc ; d’après (1.102) on a β = 1/2 pour tous modèles.
La succeptibilité magnétique est donnée par la dérivée première du paramètre
∂m
d’ordre par rapport à H. Soit χ = ( ∂H )T .
Pour détreminer χ minimisons l’expression (1.103) de l’énergie libre par rapport à
m:
∂F ∂H
(m, T ) = 2am + 4bm3 − m−H =0
∂m ∂m
. (1.107)

∂H
A champ magnétique faible on a : ∂m
= 2a + 4bm2 .
- Dans la phase paramagnétique, T > Tc , m = 0 ;

1
χ =
2a
αT c
= |T − Tc |−1 . (1.108)
2
a
- Dans la phase ferromagnétique, T < Tc , m ̸= 0 où m2 = 2b
.

1
χ =
4a
αTc
= |T − Tc |−1 (1.109)
4
On peut écrire χ ∼ |T − Tc |−γ avec l’exposant critique γ = 1.
Lorsque T −→ Tc on a a = 0 et H = 4bm3 . On définit l’exposant critique δ comme
étant l’exposant de m dans l’expression H ∼ mδ , ici δ = 3.
∂S
La chaleur spécifique est donnée par la relation suivante : C = T ∂T où S est
∂F
l’entropie du système donnée par S = − ∂T . Ainsi,

∂ 2F
C = −T 2
 ∂T 2 2

∂ F0 da ∂m ∂m 2 2 ∂m 2 3∂ m
= T − − 4m − 2a( ) − 12bm ( ) − 4bm
∂T 2 dT ∂T ∂T ∂T ∂T 2
(1.110)

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Nature des transitions de phase 26

En remplaçant les expressions de a et de m dans (1.110), C devient :



∂2F
 −T ∂T 20
 si T > Tc
C=
 −T ∂ 2 F + α2 T si T < T

∂T 2 4bTc c

Ceci justifie clairement qu’au voisinage de Tc la chaleur spécifique est discontinue.


L’exposant critique α qui lui est associé est donc nul (α = 0).
En résumé, nous avons trouvé dans le cardre de la théorie de Landau, les exposants
suivants : α = 0, β = 1/2, γ = 1, δ = 3.
Expérimentalement, il a été montré que β = 0.325 et que γ = 1.24 [1]. Ceci montre
les limites de la théorie de Landau qui est une théorie du champ moyen.
Dans le cas d’une transition du premier ordre l’énergie libre est donnée par l’ex-
pression (1.104). On a : a > 0, b < 0 et c > 0. En utilisant la condition de minimisation
de l’énergie libre (1.105) on montre que :
∼ |Tc − T |1/4 si T < Tc

m=
=0 si T > Tc
Il est évident qu’ici β = 1/4 pour T < Tc .

1.6.4 Théories modernes


Bien qu’au départ, la notion de paramètre d’ordre soit définie pour une transition
continue, on peut parfois aussi définir un paramètre d’ordre pour certaines transi-
tions discontinues. Mais il est moins évident de trouver un paramètre d’ordre pour les
transitions liquide-gaz ou pour les transitions entre variétés polymorphes [1].
Le paramètre d’ordre est très simple quand il n’y a pas de brisure de symétrie.
Les groupes de symétrie des deux phases sont identiques et là encore, on ne perd pas
d’élément de symétrie pour passer d’une phase à une autre. On prend généralement
comme paramètre d’ordre la densité (ρl − ρg ) pour le cas de la transition liquide-gaz
ou la concentration pour les mélanges [7].
Dans le cas d’une transition de second ordre au sens d’Erhrenfest, les deux phases
sont de symétries différentes d’une part et nul n’est sous-groupe de l’autre. On ne
perd pas certains éléments de symétrie pour passer d’une phase à une autre, condition
nécessaire pour définir un paramètre d’ordre au sens de Landau [7].
Dans les transitions avec paramètre d’ordre, le groupe de la phase la moins symé-
trique est un sous-groupe de celui de la phase la plus symétrique (qui est généralement
la phase à haute température). Deux situations se présentent :
1. Le paramètre d’ordre, fonction de la température, est discontinue à la transi-
tion. Les chaleurs spécifiques à volume et à pression constante (Cv et Cp ) sont
discontinue en cet point. La transition est du premier ordre au sens d’Erhrenfest
(Voir figure 1.7).

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Nature des transitions de phase 27

m Cv
1

0 Tc T 0 Tc T
(a) (b)

Figure 1.7 – Exemples de singularité à Tc .

2. Le paramètre d’ordre est une fonction continue de la température au point


de transition. La chaleur spécifique et l’entropie y sont continues (Voir figure
1.8). Nino Boccara [9, 3] baptise ces transitions comme étant du second ordre
bien que les anomalies de chaleur spécifique ne soient pas du type signalé par
Erhrenfest. Ainsi la condensation de Bose-Einstein est du premier ordre au sens
d’Erhrenfest alors qu’elle est du second ordre selon Nino Boccara [9, 3].

m Cv
1

0 Tc T Tc T
(a) (b)

Figure 1.8 – Exemple de fonctions régulières analytiques ne présentant pas de diver-


gence.

En conclusion, les théories du champ moyen négligent les fluctuations dans le


parmètre d’odre. Malgré ses limites, elles sont capables de caractériser les transitions
d’une part et de donner un ordre de grandeur de la température de transition d’autre
part.

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Bibliographie

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Marie-Curie (20 Janv. 2006).
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