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Para ir del problema a la solución, el camino más directo es divagar (Moshe Bar)

“Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses parents, puis tenté, mais en
vain, de se tuer lui-même. L’enquête a révélé qu’il n’êtait medecin comme il le prétendait et,
chose plus difficile encore à croire, qu’il n’êtait rien d’autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et
ce mensonge ne recouvrait rien. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne
pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion à perpétuité.

Je suis entré en relation avec lui, j’ai asisté à son procès. J’ai essayé de raconter précisément,
jour après jour, cette vie de solitude, d’imposture et d’absence. D’imaginer ce qui tournait
dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu’il était supposé passer à son
travail et passait en réalité sur des parkings d’autoroute ou dans les forêts du Jura. De
comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi estrême m’a touché de si près
et touche, le crois, chacun d’entre nous”.

Cette présentation du livre que fait l’auteur, figurant en quatrième de couverture, je l’ai
reprise parce qu’elle donne déjà une assez bonne idée de sa démarche. Rendre
compréhensible ce qui est hors de toute saisie semble avoir êté le desein au départ de
l’écriture de L’ Adversaire. Mais, comment s’y prendre devant une atrocité pareille? La
tromperie meurtrière ne frappe pas seulement par sa démesure, elle frappe aussi la possibilité
même de rapporter une histoire par la force de son irréalité.. Comme l’auteur lui-même
l’avoue dans une lettre de 21 novembre 1996 reproduiute en entier dans J’Adversaire “Mon
problème n'est pas, comme je le pensais au début, l'information. Il est de trouver ma place
face à votre histoire.”

L’Adversaire s’ouvre sur une double perspective. Un paragraphe, tout d’abord, consacré à ce
qu’il faisait au moment des meurtres. Le « je » authentifie la véridicité du fait rapporté en
s’identifiant à l’écrivain Carrère (qui est effectivement l’auteur d’une biographie de Philip K.
Dick) et en mentionnant la presse ; les dates sont là, il n’y a qu’à vérifier. Et puis le point de
vue se décale et, pendant une quinzene de pages, on adopte celui de Luc Ladmiral, un ami de
Jean-Claude Romans et, par extension, de sa famille, c’est-à-dire sa femme et leurs
deuxjeunes enfants, amis des enfants Romand. Ces pages expriment de manière parfaite la
manière dont le sol a littéralement vacilé sous leurs pieds, tant la réalité, dans son horreur
brute puis telle qu’elle s’est peu à peu révélée à eux (dans un premier temps, Romand a
prétendu qu’un intrus s’était introduit chez eux) les a stupéfiés.

Permettre ainsi au lecteur de se mettre à la place des Ladmiral constitue une excellente entrée
en matière: car elle restitue l’impact immédiat des événemnts et elle donne une idée de
l’homme qu’était Romand, un homme que tous croyaient connaître, aucun des mensonges
dans lesquels il s’était enfoui depuis si longtemps n’affleurant à la surface.

À partir de là, pourtant, la biographie de Romand prend son rythme de croisière entre récit
chronologique de vie et récit du procès. Elle progresse par accumulation d’anecdotes, de scènes
et de commentaires plus ou moins digressifs, mais aussi par variations de voix.
charge psicologique qui l’avait accompagné tout au long du XX siècle et qui avait été l’une
des réusites. Des silhouettes barthlebyennes, vaporeuses, interchangeables, infiniment
disponibles mais éternellement velléitaires, privées à jamais d’ennemis qui leur donneraient
consistance, qui orienteraient leur destin, qui les rendraient mémorables. Chacun de ces
personnages filiformes ou évanescents apparaît comme le contraire d’un foudre de guerre, et
c’est là tout son paradoxe : son potentiel romanesque est presque nul, et pourtant le romancier
contemporain ne cesse d’imaginer le monde à partir de lui, comme si cet être sans volonté et
sans adversaire, qui fuit vers “autre chose”, incarnait malgré tout le héros problématique de
notre temps.

L’ère de la lassitude prend le relais de l’ère du soupçon. Nathalie Sarraute reprochait au


roman de ne plus être à la hauteur de “la réalité psychologique actuelle”3. Mais que dire de la
nouvelle réalité psychologique un demi-siècle plus tard ? Si, en 1950, “le personnage n’est
plus que l’ombre de lui-même”4, que reste-t-il de cette ombre aujourd’hui ? L’écrivain lui-
même, quand il se compare à ses prédécesseurs ou à ses contemporains, ne se décrit plus en
train de lutter pour affirmer sa singularité, comme on a pu le dire de l’écrivain tout au long de
la modernité. La référence au conflit cède la place à une lucidité mélancolique fondée sur le
sentiment d’absence au monde. En s’effaçant, il marque l’esprit, dirait-on, plus qu’en
cherchant à s’imposer. Sa fuite est pleine de sens, elle nous parle.

Le personnage contemporain sait bien qu’il n’échappe pas lui-même à ce vieil ordre
conflictuel du monde, mais il le vit comme si ce n’était plus vraiment son affaire, comme si
son drame à lui venait plutôt de la perte de résonance : “Vous aussi, vous vous êtes intéressé
au monde. C’était il y a longtemps ; je vous demande de vous en souvenir”12, écrit Michel
Houellebecq au début d’Extension du domaine de la lutte. Ce réalisme contemporain explore
les limites de la préposition “avec” : il commence là où se manifeste la non-relation au
monde, d’où la fascination pour un type de personnage déconnecté, “hors d’atteinte” pour
prendre une expression emblématique de l’œuvre d’Emmanuel Carrère.

Dominique Rabaté a remarqué très tôt la place centrale de cette formule “hors d’atteinte”
chez Carrère, qui l’emploie de diverses manières dans presque tous ses livres. Il ne s’agit pas
seulement d’un “gimmick”, comme le dira l’auteur13, mais d’un motif structurant, “fantasme
majeur de l’œuvre de fiction”14. Le plus souvent, l’expression est synonyme de grand
bonheur, et même de délivrance : “il ne désirait plus que cela : être hors d’atteinte”15 ; “[i]l
les enviait presque d’être ainsi déchargés de toute responsabilité, hors d’atteinte”16 ; “il
apprend à se retirer en lui-même et à atteindre la zone où il est tranquille, hors d’atteinte”17 ;
“[l]e bonheur c’est de se mettre hors d’atteinte”18. Cette quête du non conflit.

Aucun personnage de Carrère ne résonne davantage ni ne marque autant les esprits que celui
de Jean-Claude Romand. L’adversaire demeure encore aujourd’hui le pivot de toute son
œuvre, et pas seulement parce qu’il inaugure sa nouvelle manière d’écrire. C’est dans ce livre
que Carrère donne à la figure de l’adversaire toute sa grandeur. L’adversaire reprend la
question soulevée dans Hors d’atteinte ?, celle de l’indifférence sociale ou même de
l’absence de toute société – confirmée par la facilité avec laquelle Frédérique s’est détachée
de tous ses liens au prix de quelques mensonges. Sauf qu’ici, ce qui semblait placé sous le
signe du hasard, du jeu et donc de la fiction est placé sous le signe de la nécessité et révèle
tout le potentiel tragique du non conflit. Comment la famille immédiate et les amis de Jean-
Claude Romand n’ont-ils pas assailli de questions ce faux médecin qui partait chaque jour à
Genève, pendant dix-huit ans, en laissant croire qu’il était chercheur à l’Organisation
mondiale de la Santé alors qu’il n’était rien du tout ? Qu’y avait-il de si honteux à avouer son
échec à l’examen d’entrée, et pourquoi n’a-t-il jamais osé ensuite avouer son imposture ? Le
déficit de volonté du personnage est à l’évidence celui de sa société, qui ne pose pas de
questions et entretient le silence. Le bien-nommé Jean-Claude Romand représente la figure
concrète et incontestable de l’être hors d’atteinte, muré en lui-même, prisonnier du
personnage qu’il s’est inventé, mais un tel personnage est un prodigieux analyseur social : ce
loser-imposteur-assassin est à l’ère contemporaine ce que l’exploité-prostitué Lucien de
Rubempré fut pour Lukács à l’ère du capitalisme naissant.

Ce n’est pas la “banalité du mal”, comme l’a décrite jadis Hannah Arendt en parlant de la
Shoah, mais quelque chose de plus mystérieux encore, qui tient moins à la pure psychose ou à
ce qu’on voudrait appeler “l’extraordinarité du mal” qu’à “l’absence au monde”32, celle que
Jean-Claude Romand incarne totalement, de façon si stupéfiante, si peu vraisemblable et
pourtant si réelle. Car un personnage aussi fantomatique a besoin, pour exister, d’une société
fantomatique, d’une société où la fragilité du lien social devient non seulement possible, mais
un fait avéré, et même une sorte de révélateur de la violence telle qu’elle surgit de la douceur
même du personnage – car Carrère insiste sur la non conflictualité du tueur (de l’avis de tous,
“un type gentil”33). Le réalisme de ce reportage romanesque plonge le lecteur au cœur de la
contradiction la plus troublante : dans un monde soi-disant déconflictualisé surgit la logique
du crime le plus barbare.

Au sens étymologique, rappelle-t-il, l’adversaire signifie : “celui qui est situé en face”, “qui
est tourné contre”. Il n’existe donc qu’en relation avec soi, indissociable de soi. Sans
adversaire, le joueur de tennis ne peut pas jouer. Carrère insiste sur le sens biblique du mot,
synonyme du “diable” ou du “démon”. Mais en choisissant de parler de l’adversaire plutôt
que de Satan, en préférant la litote à l’emphase, souligne Étienne Rabaté, Carrère interdit de
faire du personnage “l’étranger radical”34. L’adversaire, c’est celui vers qui on se tourne (ad-
versare : tourné vers), et ce vis-à-vis est forcément tout près de soi; c’est le rival intime,
l’ennemi intérieur. Il habite ce que Gilles Deleuze appelle, en parlant du “devenir animal”,
notre “zone de voisinage, d’indiscernabilité ou d’indifférenciation”35. L’adversaire n’est pas
une entité du dehors, il ne relève pas du “contre”, mais du “avec” ; c’est le compagnon
terrifiant qui définit la logique relationnelle du “je”, par un jeu de contrastes et par le
mouvement que cette structure narrative permet entre le “je” et le réel extérieur. Carrère
insiste d’ailleurs sur la présence en lui de cet adversaire.
Le choc de L’adversaire ne tient pas tant au fait divers qu’il met en scène, dont le
romanesque est atténué et relégué aux marges du récit ; il tient à la notion même d’adversaire,
qui est à l’œuvre de Carrère ce que le domaine de la lutte, pour des raisons similaires, est à
l’œuvre de Houellebecq. Le terrain de l’adversaire ne cesse en effet de s’élargir et d’envahir
les zones les plus familières, les plus protégées de l’être, et de se dissoudre dans le brouhaha
contemporain. Relisons Cioran : “Admettre tous les points de vue, les croyances les plus
disparates, les opinions les plus contradictoires, présuppose un état général de lassitude et de
stérilité. On en arrive à ce miracle : les adversaires coexistent – mais précisément parce qu’ils
ne peuvent plus l’être”

l y aura bientôt trois décénies -je commence ce petit mémoire au mois de décembre
2022-, au début des années 1990, un fait divers d’une inhumanité rare allait déférler la
chronique journalistique. On commençait à peine à entrevoir ce qui s’était passé.

Dans un article parut dans Libération le 16 janvier 1993 Florence Aubenas, dêpéchée à
Prévessin-Moëns. faisait état de l’assassinat de plusieurs membres d’une même famille dans
des circonstences bizarres. Un seul des membres de la famille Romand s’en ai tiré bien qu'il
soit à l’hôpital

Doucement, tout doucement, il semble ressusciter. Conduit lundi à l’aube à l’hôpital de


Genève, Jean-Claude Romand paraissait avoir à peine un lendemain à vivre. Les pompiers
viennent alors de le tirer de sa villa en flammes, à Prévessin, un petit bourg français blotti
contre la frontière suisse.

Cette nuit-là, Jean-Claude Romand a avalé de l’essence, des médicaments aussi peut-être.
Puis il a calfeutré les portes, les fenêtres, allumé un brasier. A côté de lui, sur le lit conjugal,
les pompiers découvrent sa femme, Florence, morte. Et dans la chambre des enfants, deux
cadavres carbonisés. Pour le survivant, «état critique et coma profond», diagnostiquent
pendant trois jours les médecins suisses.

Trois jours au cours desquels l’autopsie révèle que Florence Romand et les enfants ont été
assassinés. D’autres enquêteurs, plus haut vers le Jura, découvrent ensuite les parents de Jean-
Claude, dans la maison familiale. Morts eux aussi. Puis, d’un coup, lors d’une banale
vérification, c’est une existence entière qui bascule.

Quien diga que veinte años no son nada debe desconocer el caso de Jean-Claude Romand,
acertijo con rasgos humanos nacido en febrero de
Né en 1954 à Lons-le-Saunier, dans le Jura, Jean-Claude Romand habitait à
Prevessin, dans le pays de Gex, “une plaine large d'une trentaine de kilomètres qui
s'étend au pied des monts du Jura jusqu'au bord du lac Léman”,tout près de la
frontière suisse.

Aunque situada en territorio francés, es de hecho una periferia residencial de Ginebra, una
amalgama de pueblos ricos donde se ha afincado una colonia de funcionarios internacionales
que trabajan en Suiza, cobran en francos suizos y en su mayoría no pagan impuestos.

La plaine, en territoire français, est parsemé de petits jolis vilages qui concentrent une
population dont nombre travaillent à Genève dans des intitutions internationales, une tribu
dorée de cadres supérieurs, de fonctionnaires et de commerçants aisés qui jouent à saute-
frontière entre les On dirait presque, tellement sont nombreux ceux qui travaillent de l’autre
côté de la frontière, qu’elle est un faubourg de la grande ville suisse.

Depuis les années 60 s'y est installée une tribu dorée de cadres supérieurs, de fonctionnaires
internationaux, de commerçants aisés, qui jouent à saute-frontière entre les salaires suisses et
l'art de vivre français. D'emblée, entre soi, on s'y tutoie, on s'y embrasse, on s'y reçoit. On y
affiche sans façon «à l'américaine», dit-on des maisons et des voitures au luxe tranquille.
Lorsque les Romand y arrivent en 1984, ils semblent y avoir trouvé leur terre promise.

Jean-Claude Romand était l’un d’eux, ou, du moins, c’est ce que l’on avait crû jusqu’à ce
matin du 9 janvier 1993 où il tua sa femme et ses deux enfants Caroline et Antoine, puis,
après avoir dejeuné avec ses parents à Clairvaux-les-Lacs, il les tua eux aussi avec son chien.
Quand on l’a sû plus tard, ça a dû être un sacré coup pour tout le monde là-bas. Au soir, dans
un bois proche de Fontainebleau, il a essaié de tuer son amant sans y parvenir.

Todos llevan más o menos el mismo tren de vida”. Todos, sí, incluido Romand, que viajó
plácidamente a bordo de su vagón a prueba de balas –léase preguntas sobre su identidad–
hasta el sábado 9 de enero de 1993, fecha en que optó por un descarrilamiento en tres etapas:
por la mañana asesinó a su mujer, Florence, y a sus dos hijos, Caroline (siete años) y Antoine
(cinco), y dejó los cadáveres en sus lechos respectivos; a mediodía, después de la comida,
acribilló a sus padres y al perro que los acompañaba en una casa de Clairvaux-les-Lacs, en el
Jura; por la noche, en un bosque cercano a Fontainebleau, trató de matar a su amante pero
desistió, aduciendo “que estaba gravemente enfermo y que eso explicaba su arrebato de
demencia”. Contra cualquier pronóstico, el arrebato se prolongó hasta la madrugada del lunes
11 de enero, justo un mes antes de su cumpleaños número 39, cuando Romand prendió fuego
a su hogar en Prévessin. En una de esas crueles vueltas de tuerca que parecen constituir el
mecanismo secreto del orbe, el intento de suicidio fracasó y Jean-Claude quedó como el
único sobreviviente de una masacre que es el punto de partida de El adversario, portentoso
retrato de la banalidad del mal en el que Carrère expone su correspondencia con un Romand
condenado a cadena perpetua en la prisión de Châteauroux. (De donde saldrá si todo va bien,
se nos informa, en 2015.) Una correspondencia iniciada por el autor con una carta de agosto
de 1993 que el criminal retomó hasta septiembre de 1995 con motivo de la publicación de El
curso de invierno, novela implacable adaptada al cine por Claude Miller y proyectada –
admite Carrère– “alrededor de la imagen de un padre asesino que [vaga] solo por la nieve”.
(Como para ratificar el dictum nietzscheano, el abismo al que se asomó el escritor acabó por
devolverle la mirada. Según se cuenta, la aparición de El adversario en 2000 le costó a
Carrère una crisis profunda que dañó sus lazos familiares.)

Petit à petit pendant vingt ans il avait créé de toutes pièces un personnage qui colait bien à
Prevessin: diplomé à la faculté de medecine de l’Université de Lyon et medecin à Paris il
était de surcroît chercheur à l‘OMS.

Veinte años –veintiuno, para ser exactos– es el lapso que Jean-Claude Romand consagró al
diseño de una personalidad acorde con la esfera social a la que creía y quería pertenecer.
Inoculado desde los dieciocho con el virus de una mitomanía sin parangón, fue
convirtiéndose en una suerte de Victor Frankenstein de la psique propia y ajena hasta fabricar
una criatura que nadie cuestionaba –lo más perturbador del caso– y que respondía a este
perfil: Jean-Claude Romand, graduado de la Facultad de Medicina de Lyon, investigador de
la Organización Mundial de la Salud con sede en Ginebra y médico residente en diversos
hospitales de París. Una criatura, abundemos, que vivió de malversar las finanzas de su
círculo más íntimo; que emprendía viajes al extranjero efectuados en realidad a través de
guías turísticas consultadas en cuartos de hoteles aeroportuarios que no abandonaba en varios
días; que halló en los bosques del Jura el pretexto ideal para una errancia sin fin en horas de
oficina que emulaba de algún modo el vagabundeo decimonónico del multihomicida que
bautiza Yo, Pierre Rivière, habiendo degollado a mi madre, a mi hermana y a mi hermano…,
el dossier tramado por Michel Foucault y un equipo de expertos del Collège de France y
llevado a la pantalla por René Allio. Una criatura tan extrañamente fascinante, Jean-Claude
Romand, que ha engendrado a su vez a tres entidades cinematográficas: el Vincent de la
magnífica El empleo del tiempo (2001), de Laurent Cantet; el Emilio Barrero de La vida de
nadie (2002), de Eduard Cortés, y el Jean-Marc Faure de El adversario (2002), de Nicole
Garcia, esta última basada directamente en el libro de Carrère. Pero a todo esto, ¿quién era el
creador detrás de la criatura, el autor de una ficción fomentada por una inquietante especie de
solipsismo, la cara que sucumbió al gesto criminal para defender su máscara de amoralidad
impasible? “Era extraordinaria aquella capacidad de desviar la conversación en cuanto se
centraba en su persona –escribe Carrère–. Lo hacía tan bien que uno ni siquiera se daba
cuenta y, si volvía a pensar en ello, era, en definitiva, para admirar su discreción […] Cuando
hablaban de él a horas tardías de la noche, ya no conseguían llamarlo Jean-Claude. Tampoco
lo llamaban Romand. Estaba en alguna parte fuera de la vida, fuera de la muerte, no tenía ya
nombre.” Y ya no lo tenía, se antoja añadir, porque nunca lo había tenido: era el grado cero
de la impostura, el simulacro por excelencia en la acepción baudrillardiana (“El simulacro no
es lo que oculta la verdad. Es la verdad la que oculta que no hay verdad. El simulacro es
verdadero”), alguien que cedió su lugar en el mundo a un disfraz para transformarse en nadie.
Y a nadie, como a ese alguien al que alude el título de un libro de Julio Cortázar, le gusta
andar por ahí, agitando la hojarasca que intenta camuflar uno de nuestros miedos –y anhelos–
más hondos: la posibilidad de ser otros. ~

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