Parcours associé à l’étude du roman
Personnages en marges
 Manon Lescaut, Abbé
Prévost
 Des Grieux
Chevalier, il descend d'une lignée
chrétienne et respectée du XVIIe
siècle. Il est ainsi parfaitement
intégré à la société de son temps.
Néanmoins, l'amour éprouvé pour
Manon le marginalise : elle incarne
sa tentation du péché et des plaisirs
qui l'empêchent d'être un bon
chrétien. Ainsi, on comprend cette
asymétrie entre les aspirations des
deux amants dans ces paroles que
tient Des Grieux :
⇢ « Manon était passionnée
pour le plaisir, j’étais passionné
pour elle »
Des Grieux fait non seulement
face à une exclusion spirituelle
mais aussi à une exclusion sociale.
En effet, Manon est une fille du
peuple. En la prenant pour
maîtresse, Des Grieux est déclassé,
désargenté puis renié par son père
qui désapprouve cette liaison. Cette
exclusion passe notamment par
leur niveau d'éloignement de
l'ordre social, soit les différentes
prisons où on les enferme : d'abord
Plaisir du romanesque
 Manon Lescaut, Abbé
Prévost
 Le Comte de Monte-
Cristo, Alexandre Dumas
 Ressort romanesque
Les rebondissements de l'intrigue,
tels que la déchéance morale et
sociale des deux personnages,
captivent le lecteur. Le noble des
Grieux va-t-il se laisser entraîner
dans cette chute? Va-t-il se
ressaisir? Va-t-il renoncer à son
amour pour Manon?
 Attachement aux
personnages
Malgré leur marginalisation, le
lecteur est touché par le motif juste
qui encourage leur chute : l'amour.
C'est à juste titre que Montesquieu
qualifie le roman "Manon Lescaut"
dans son essai "Mes pensées" :
⇢ « Je ne suis pas étonné que ce
roman, dont le héros est un
fripon et l’héroïne une catin qui
est mené à la Salpêtrière, plaise,
Saint-Lazare et la Pitié-Salpêtrière,
puis le Petit-Châtelet et enfin les
colonies. Cette déchéance ne
désespère pas le protagoniste pour
autant, ainsi :
⇢ J'avais perdu, à la vérité, tout
ce que le reste des hommes
estime ; mais j'étais le maître du
cœur de Manon, le seul bien que
j'estimais.
 Manon
Manon est une femme, la société
de la Régence attend d'elle qu'elle
soit docile et pudique. À contrario,
Manon est un personnage libertin
qui est prêt à tout pour pouvoir
jouir des plaisirs que lui offre la vie
mondaine à Paris, même vendre
son corps. Cette inconstance est à
de nombreuses reprises le moteur
du roman. Manon n'en a que faire
de la fidélité et met ses plaisirs
matériels au-dessus de sa relation
avec Des Grieux, comme elle
l'explique dans une lettre qu'elle lui
adresse :
⇢ « C’est qu’une sotte vertu que
la fidélité. Crois-tu que l’on
puisse être bien tendre lorsqu’on
manque de pain ? »
 Lescaut
Le frère de Manon, vivant de
larcins et de tromperie, incarne un
parce que toutes les actions du
héros, le chevalier des Grieux, ont
pour motif l’amour qui est
toujours un motif noble, quoi que
la conduite soit basse. Manon
aime aussi, ce qui lui fait
pardonner le reste de son
caractère. »
 Fascination pour les bas
fond de la société
Il y a certainement chez le lecteur
une forme de curiosité fascinée
pour les bas-fonds de la société
comme de l'âme humaine que les
aventures vécues par des
personnages à la fois marginaux et
dangereux lui permettent d'assouvir
sans courir le moindre risque. Les
deux personnages côtoient des
milieux interlopes, comme le frère
de Manon :
⇢ « un homme brutal et sans
principe d’honneur »
Il profite d'eux et les encourage
dans la voie du déshonneur en les
conseillant, là, comme l'autre, à se
prostituer, la ligue de l’Industrie,
où se trouve le chevalier est le
monde du jeu et des tricheries. Les
aventures des personnages
principaux s'inscrivent dans un
tissu social mêlé où se rejoignent
ponctuellement de riches
personnages (les amants de
univers social marginal qui entraîne
les deux amants à leur perte. Il les
invite à prendre la voie des plaisirs
et à les financer de façon immorale.
Ainsi, il est comme une allégorie
des malversations d'une aristocratie
décadente après la mort de Louis
XIV. À l'inverse, Tiberge est son
double vertueux, tentant sans cesse
de le délivrer de cette vie de
débauche. Il condamne les plaisirs
que Lescaut leur apporte :
⇢ « La plus terrible punition de
dieu serait de vous en laisser
jouir tranquillement »
 Le Parfum, Patrick
Süskind
 Jean-Baptiste Grenouille
Grenouille semble incapable de
s'adapter au monde. En effet, c'est
un enfant abandonné par sa mère
qui le croyait mort-né, il passe de
nourrice en nourrice puis de
tannerie en parfumerie. Et partout,
une sorte de malaise se crée : il est
censé être rejeté. Effectivement, sa
première nourrice voit en lui un fils
du diable ; Le père Terrier est mal à
l'aise en présence du nourrisson,
qui semble sentir au-delà de ses
vêtements ; les pensionnaires de
Madame Gaillard tentent de le
tuer ; et Madame Gaillard, quant à
elle, lui attribue le don funeste de
seconde vue. Ce n'est pas autant
qu'il éprouve l'envie de se faire
Manon) et des individus prêts à
tout pour en profiter.
 Des aventures
rocambolesques
Même si ce roman avait
initialement mauvaise réputation,
sa popularité grandissante peut être
attribuée aux mésaventures que
subissent les deux héros. En
suivant les méfaits d'une prostituée,
on est rempli d'empathie, mais
aussi de méfiance. Les aventures de
des Grieux traduisent l'aggravation
de ses malversations. Elles sont
bien souvent plus plaisantes que
vraisemblables, avec des coups de
pistolet, des duels, et des évasions,
comme on peut en retrouver dans
le roman "Le Comte de Monte-
Cristo" d'Alexandre Dumas,
lorsque Edmond Dantès s’évade du
château d'If.
 Le thème de la passion
amoureuse
La force des passions entraîne des
Grieux et Manon vers des
aventures qui divertissent le lecteur
: trahison, tromperie, dispute,
retrouvailles, sont autant
d'éléments de l'intrigue qui excitent
le lecteur. De plus, la passion
amoureuse amène le chevalier des
Grieux à bon nombre d'envolées
lyriques telles que :
aimer et accepter : il n'aime pas les ⇢ « Son esprit, son cœur, sa
gens, et leur odeur en particulier : douceur et sa beauté formaient
⇢ « Ce qu’il ressentait le plus une chaîne si forte et si
comme une libération, c’était charmante, que j'aurais mis tout
l’éloignement des hommes » mon bonheur à n'en sortir
Cette misanthropie le pousse même jamais »
à rester dans une grotte pendant
sept ans. C'est à ce moment-là qu'il  Le mélange des genres
découvre l'une des raisons de ce
rejet : il n'a pas d'odeur : L'abbé Prévost jongle habilement
⇢ « [t]out jeune déjà, ils étaient entre les registres tragiques et
habitués à ce que les gens ne le comiques. Il semble à Des Grieux
remarque pas, non par mépris que c'est la fatalité qui l'a amené à
(comme il l’avait cru […]), Mais sa déchéance et non sa propre
parce que rien ne les avertissait faiblesse d'âme, soit :
de son existence » ⇢ « La Fortune ne me délivra
d'un précipice que pour me faire
Son ambivalence le marginalise en tomber dans un autre ».
tant que personnage de roman. Il Manon, quant à elle, malgré sa
possède étonnamment plusieurs condition initiale de fille du peuple,
caractéristiques du héros meurt de façon sublime. Une
romanesque. À l'instar des héros de comédie d'intrigue est tout de
l'Antiquité, Grenouille possède un même perceptible, comme énoncé
don exceptionnel : son odorat. À précédemment, les mésaventures
cela s'ajoute une sorte des personnages ont tendance à être
d'immortalité : plus plaisantes que vraisemblables.
⇢ « et il survécut à la rougeole, à Cette asymétrie entre les attentes
la dysenterie, à la petite vérole, du lecteur et les ressorts
au choléra, à une chute de six romanesques du récit l'amuse. Des
mètres dans un puits […] » Grieux suscite la compassion en
Il est soumis très tôt à la fatalité, jouant sur les points de vue : ils
tout comme les héros de Corneille adoptent tantôt celui du
ou de Racine. Tous le rejettent, le personnage, qu'il était alors, tantôt
maltraitent ou l'exploitent. Il se celui du narrateur qu'il est
présente cependant comme l'anti- désormais. Il cache à Renoncour
héros par excellence. Tout comme certaines informations dont il ne
Don Quichotte, qui voulait faire disposait pas au moment des faits,
renaître les valeurs de la chevalerie comme l'explication du rôle joué
dans un monde éloigné de telles par Monsieur de B dans son
valeurs, Grenouille veut effacer la enlèvement, afin de mieux
puanteur du monde. Tous deux se retransmettre sa douleur lorsqu'il
bercent d'illusion dans une sorte de apprend la vérité. À l'inverse, il use
folie. De plus, il se sert de son don de la prolepse en annonçant un
pour faire le mal et ira jusqu'au événement ultérieur avant de
meurtre afin d'atteindre ses revenir au cours du récit. Le lecteur
objectifs. Enfin, la vilénie de son est alors prévenu de l'issue
âme se traduit par sa laideur. Il a un malheureuse de l'événement, ce qui
pied estropié, son visage est rongé jette une ombre menaçante sur tout
par les maladies, c'est pour cela que ce qui va y conduire.
le narrateur le compare à de
nombreuses reprises à une tique,
animal laid et détesté qui
s'accroche quoi qu'il arrive à tout.
⇢ « Mais contre toute attente, il
survécut à sa maladie. Il n’en
garda que les cicatrices […], qui
le défigurèrent et le rendirent
encore plus laid que jamais. »