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L’abbé Prévost, Manon Lescaut

Les thèmes-clés du roman :

Portrait de Manon Lescaut lisant un livre

1. Passions et Amour

La passion amoureuse est le principal moteur du roman et domine l’ensemble du récit. Sentiment
ambivalent, l’amour est assimilé au bonheur mais est aussi souvent synonyme de destruction et de
tristesse. La passion que Des Grieux entretient pour Manon peut également être synonyme d’illusion
puisqu’elle l’aveugle sur la véritable nature de la jeune femme et lui fait ignorer les dangers dans
lesquels son amour inconditionnel le mène. La relation amoureuse de Des Grieux et Manon est
marquée par des sentiments sincères et profonds qui se révèlent souvent destructeurs et conduisent
les amants vers un destin funeste.

• Un couple mythique comme Adam et Ève, Roméo et Juliette…

• Deuxième coup de foudre encore plus fort que le premier.

• Thèse de la comédie : l’amour rend ingénieux.

• Thème de la tragédie : l’amour peut mener à un destin funeste.

• Mélange des genres romanesque : quête initiatique cachée.

• Réussir à distinguer l’amour et les passions.

• Manon : goût du luxe, du prestige, des divertissements.

• Des Grieux : concupiscence (Désir des biens et plaisirs terrestres, désir sexuel) , orgueil, jalousie.

• M. de G.M. libertin, M. de T. pousse à la vengeance, Tiberge zélé, etc.

2. Plaisir subversif du roman

• Public choqué par cette prostituée comparée à une princesse.

• Charme dangereux de cette quête de liberté légitime.

• Dispositif narratif : rapporter une histoire qu’on nous laisse juger.

• L’Avis de l’auteur insiste sur l’élévation morale.

• Matière romanesque : libertinage, tricherie, évasion de prison, duels.

• L’amour peut-il tout excuser ? Remise en cause de la religion.

• L’Abbé Prévost : ancien prédicateur devenu aventurier (ambivalence).

3. Immoralité et aggravation

• Des Grieux rencontre Manon : moment déclencheur.

• Premier mensonge à Tiberge, fuite, ils couchent ensemble.

• Moment de repentance puis deuxième coup de foudre.

• Tricherie, évasion de prison, fuite, meurtre.

• La spirale s’arrête un temps quand on les croit mariés.


4. Le rôle de l'argent

L’argent joue un rôle important dans l’histoire de Manon Lescaut et de Des Grieux. La question des
finances vient à se poser régulièrement au sein du couple et est à l’origine de nombreuses discordes
et péripéties. Manon est dépensière et vénale et n’hésite pas à dilapider la fortune du couple pour
assouvir ses désirs. En retour, Des Grieux, incapable de résister à sa maitresse, cède au moindre
caprice de cette dernière afin de ne pas la perdre. Manon, en qualité de courtisane, est prête à tout
pour obtenir de l’argent. Elle offre notamment ses charmes à des hommes fortunés bien que
beaucoup plus âgés qu’elle, en échange de bénéfices financiers. Le besoin d’argent du couple et le
goût du luxe de Manon les poussent au vol et à l’escroquerie. Ce sont d’ailleurs ces actions
répréhensibles qui contribuent à précipiter le destin tragique des deux amants.

• La vie parisienne et la quête de plaisir sont coûteuses.

• Des Gieux demande souvent de l’aide financière à Tiberge.

• La beauté exceptionnelle de Manon a une valeur monétaire.

• Son frère Lescaut se comporte comme son proxénète :

Une fille comme elle devrait nous entretenir, vous, elle et moi.

• Manon reçoit des cadeaux et l’argent devient un outil de vengeance.

Il faut nous venger du père, non pas sur le fils, mais sur sa bourse. Je veux l’écouter accepter ses
présents, et me moquer de lui.

5. Libertinage et décadence

Le libertinage est un thème clé du roman, en lien avec son contexte de publication. L’Histoire du
Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut met en scène le libertinage des mœurs incarné
principalement par la figure de Manon. Cette dernière en quête de plaisirs et d’argent s’affranchit de
la morale et des bonnes mœurs pour assouvir ses désirs. C’est d’ailleurs cette quête qui finit par
conduire les amants à leur perte. Le genre littéraire du roman libertin nait au XVIIIe siècle dans un
contexte de relâchement des mœurs après le règne de Louis XIV. Notre récit qui se situe, lui, à la
veille de la régence mais nous montre néanmoins déjà les principes qui caractérisent la société de
cette époque. La cour, libérée de l’étiquette, retrouve l’ambiance de la fête et du faste et s’ouvre aux
nouvelles idées. Le libertinage de mœurs gagne alors les milieux aisés de la société. Les divers riches
prétendants de Manon incarnent cette société parisienne de débauche libertine.

• 1715, mort de Louis XIV, la monarchie absolue se relâche.

• XVIIe siècle : critique des courtisans (La Bruyère, La Fontaine…)

• XVIIIe siècle, les Lumières évaluent les systèmes politiques.

• L’Abbé Prévost observe la décadence de l’Ancien Régime.

• Personnages nobles peu fiables : M. de B., M. de G.M. père et fils.

• Dans l’association de tricheurs : on y trouve la plus haute noblesse.


• Des Grieux cite de nombreux exemples de vies dissolues :

À chaque faute dont je lui faisais l’aveu, j’avais soin de joindre des exemples célèbres, pour en
diminuer la honte.

6. Un ordre social en question

• L’Abbé Prévost n’est pas révolutionnaire ni philosophe des Lumières.

• Mais observateur de la société, moraliste désabusé.

• L’Abbé Prévost dénonce la Pitié-Salpêtrière (l’Hôpital).

• le Nouveau-Monde entouré de déserts n’offre aucune échappatoire.

• L’ordre social écrasant empêche le couple de se marier.

7. Marges de la société

La marginalité est un autre aspect clé du roman de l’Abbé Prévost. Les personnages de Des Grieux et
Manon vivent en marge des normes de la société de leur temps. Manon est une femme libre,
audacieuse et indépendante, souvent associée à des activités considérées comme immorales telle
que la prostitution. Des Grieux, fils de bonne famille ayant suivi des études se trouve, lui, happé par
le train de vie débauché de sa maitresse. Transgressant à de nombreuses reprises les mœurs et la
morale, les deux amants échappent alors aux conventions et aux attentes établies au sein de la
société. Cette marginalité permet néanmoins de rendre les deux héros touchant par leur humanité et
suscite ainsi l’empathie du lecteur.

• Manon, en marge de la société, destinée au couvent.

• Des Grieux se destine à l’Ordre des chevaliers de Malte.

• Leur rencontre va les détourner de leur chemin tout tracé.

• Lescaut, seul parent de Manon, passerelle vers les marges.

• Il fait entrer Des Grieux dans une association de tricheurs.

• Toutes les classes sociales sont corrompues.

• Prisons de plus en plus en marge : cercles concentriques des Enfers ?

8. Des prisons délétères

• Des Grieux d’abord séquestré par son père et son frère

• Des Grieux à Saint-Lazare se lie avec le Supérieur et s’enfuit.

• Manon souffre beaucoup à l’Hôpital, en ressort très amaigrie.

• Les prisons ne font qu'aggraver la situation.

• Le Petit Châtelet : Des Grieux libéré par son père.


• Les colonies américaines : au-delà, il n’y a que le désert.

9. Un héroïsme dégradé

• L’ordre de la croix de Malte date des croisades.

• Des Grieux n’a rien d’un chevalier des chansons de geste.

• Dans sa fuite de Saint-Lazare, il tue un portier par accident.

• Ses rares moments de courage le conduisent aussitôt à des échecs :

• Arrêté par M. de G.M., il ne parvient pas à dégainer.

• La fuite dans le désert n’a rien d’épique non plus.

10. Ressorts de la comédie

• Scènes d’évasions comiques : oubli de la culotte du costume, etc.

• Moqueries du père et du frère de Des Grieux (cocu d’une farce).

• Rebondissements comiques (fuite avec la cassette, dîner de dupes…)

• L’amour donne des ressources aux amoureux.

• L’amour ne connaît pas les barrières sociales.

• Épisode du Prince italien : Manon aime mettre en scène.

11. Détournement du tragique

• Des Grieux annonce une fin tragique sans être un héros tragique.

• Stratégie pour atténuer ses responsabilités.

• Différent de Phèdre, accablée par la vengeance de Vénus…

• Manon par contre est écrasée par des forces qui la dépassent.

• Manon cite Iphigénie de Racine.

• Liberté romanesque : pas d’unité de temps, de lieu, d’action, libertés avec la vraisemblance et les
bienséances.

12. Liberté et destinée

Le thème de la liberté est également central dans le roman. S’étant affranchis des normes imposées
par la société de leur temps, Manon et Des Grieux décident de vivre selon leurs propres désirs,
indépendamment du respect des attentes sociales, religieuses et familiales perçues comme autant de
remparts à leur liberté. Les deux amants cherchent constamment à se libérer de ces contraintes afin
de vivre librement leur amour. La quête constante de liberté de la part de Manon et Des Grieux fait
notamment écho aux aspirations portées par le mouvement des Lumières en Europe au XVIIIème
siècle.

La fatalité

La notion de fatalité est centrale dans le roman et joue un rôle important dans le déroulement des
événements du récit. Les personnages sont souvent confrontés à leur destin et semblent comme pris
dans des situations qui leur échappent, malgré leurs efforts pour s’y soustraire, les conduisant de
manière inévitable vers une fin tragique. Dès le premier regard, Des Grieux semble captivé par
Manon et son innocence originelle fait place à une passion intense et presque incontrôlable qui le
mène à prendre tous les risques. La fatalité s’illustre également à travers le fait que les amants,
malgré les coups du sort, se retrouvent inexorablement, comme attirés par une force surpuissante.
La mise en scène de la fatalité comme une force omnipotente planant sur le récit illustre la fragilité
de l’existence et de la liberté des individus. Elle donne à voir au lecteur des personnages dont les
actions et le destin sont déterminés par des forces qui les dépassent et semblent contrôler le cours
des événements, donnant ainsi une tonalité tragique à l’ensemble du récit.

• Rencontre avec Manon : Providence ou Hasard ?

• Le coup de foudre a-t-il provoqué ou détourné le destin ?

• Des Grieux retrouve sa voie après la mort de Manon.

• Protestants et jansénistes parlent de « prédestination ».

• Dogme officiel catholique : le libre arbitre.

• Pour les philosophes, déterminisme.

• Discours détournés par les milieux libertins et athées.

• Des Grieux retrace après-coup les enchaînements.

13. Habileté du narrateur

• Situation d’énonciation : Des Grieux raconte son histoire après-coup.

• Sous le récit autobiographique, la tragédie de Manon.

• Opéra de Puccini et Massenet : point de vue décentré de Des Grieux.

• Des Grieux a appris la rhétorique scolastique, la théologie, etc.

• Bon tricheur, il sait dissimuler son jeu et sait mentir.

• Le registre pathétique est une arme redoutable.

Je lui fis une vive peinture de mes agitations, de mes craintes, du désespoir où [...] j’allais retomber,
si j’étais abandonné par mes amis aussi impitoyablement que par la fortune.
14. L'art impossible du moraliste

• L’abbé Prévost croit-il lui-même en son rôle de moraliste ?

• La littérature peut-elle plaire et instruire ?

• La littérature détourne-t-elle du droit chemin ?

• Exemple de Didon dans l’Énéide de Virgile : la fidélité de Didon n’est-elle qu’un prétexte pour
songer à Manon ? (pas sûr).

• Le bateau de Tiberge est détourné par des pirates : ce ne sont pas ses qualités de moraliste qui
corrigent Des Grieux.

Je lui appris tout ce qui m’était arrivé depuis mon départ de France, et [...] lui déclarai que les
semences de vertu qu’il avait jetées autrefois dans mon cœur commençaient à produire des fruits.

15. L'énigme Manon

• Manon, grand mystère du roman. Idéalisée par Des Grieux :

Quel sort pour une créature toute charmante, qui eût occupé le premier trône du monde, si tous les
hommes eussent eu mes yeux et mon cœur !

• Soupçons sur Manon : vénale (Qui se laisse acheter au mépris de la morale), refuse la demande en
mariage…

• Et pourtant, elle prouve ensuite un amour authentique et sincère.

• Manon a-t-elle dénoncé son amant ? M. de B. l’a-t-il menacée ?

• Les pensées et la vie culturelle de Manon sont cachées.

• Le passé de Manon, ses parents, nous restent inconnus.

• Manon a certainement subi des maltraitances à l’Hôpital :

Elle me parut pâle et maigrie, en soupant. [...] Elle m’assura que, quelque touchée qu’elle fût de cet
accident, sa pâleur ne venait que d’avoir essuyé pendant trois mois mon absence.

• Sainte-Beuve admire le mystère indémodable de Manon Lescaut :

Manon Lescaut subsiste à jamais, et, en dépit des révolutions du goût et des modes sans nombre qui
en éclipsent le vrai règne, elle [garde] cette indifférence folâtre et languissante qu’on lui connaît.

Saint Beuve, Causeries du lundi, 1853.

16. L’amitié

L’amitié est un autre thème important du roman. Incarnée par la figure de Tiberge, ce dernier
présente un versant de l’amitié s’opposant à celui du héros Des Grieux. Tiberge est fidèle, loyal et
vertueux. Il apporte un soutien indéfectible à son ami et va jusqu’à traverser le Pacifique pour le
rejoindre à la fin du roman. Son amitié peut être qualifiée d’héroïque tant elle brave les nombreuses
déceptions auxquelles Des Grieux l’expose. À l’inverse, Des Grieux ignore à plusieurs reprises les
conseils de Tiberge et l’abandonne même au profit de son aventure avec Manon. Il lui reste
cependant fidèle et le retour de Tiberge annonce pour Des Grieux un retour à la vie morale et
vertueuse après la mort de Manon.

Tous les personnages :

Résumé des personnages principaux :

M. de Renoncour

• « Homme de qualité » qui rédige ses mémoires

• Rencontre Des Grieux à Pacy, puis 2 ans plus tard à Calais.

• Renoncour laisse le lecteur le soin de lire avec un regard critique.

Je dois avertir ici le lecteur que j’écrivis son histoire presque aussitôt après l’avoir entendue, et qu’on
peut s’assurer par conséquent, que rien n’est plus exact et plus fidèle que cette narration

Des Grieux

• Personnage principal du roman, est-il si naïf ?

• Étudie la rhétorique scolastique et la philosophie à Amiens.

• Haute aristocratie. Se destine à devenir chevalier de l'ordre de Malte.


• Amoureux de Manon, prêt à tout pour elle.

• Il voudrait se faire passer pour un héros tragique.

Manon Lescaut

• Pas noble, ses parents sont certainement petits bourgeois.

• A commis une faute ? En tout cas sa famille l'envoie au couvent.

• Prostitution : Manon utilise ses charmes pour obtenir des cadeaux.

• Grande beauté : femme fatale ?

• Mystère du personnage : quand réalise-t-elle son amour ?

• Sa passion pour le divertissement engendre les autres.

• Elle apprend à ses détacher de son goût du prestige, des richesses…

• Qualités évidentes : dévouement, courage, culture.

• Victime de l'ordre social, sa beauté est d'abord un moyen de survie :

Ne vois-tu pas, ma pauvre chère âme, que, dans l'état où nous sommes réduits, c'est une sotte vertu
que la fidélité ? Crois-tu qu'on puisse être bien tendre lorsqu'on manque de pain ?

Tiberge

• Valeurs antiques de l’amitié : compassion, générosité, intégrité.

• Zèle religieux, il se destine à devenir prêtre.

• Il prête régulièrement de l'argent à Des Grieux.

• Il désapprouve l'amour de Des Grieux pour Manon (à tort ?)

• Il s'éloigne quand il apprend que Des Grieux triche au jeu.

• Son rôle moralisateur a peu d'effet.

Je lui déclarai que les semences de vertu qu’il avait jetées autrefois dans mon cœur commençaient à
produire des fruits dont il allait être satisfait. Il me protesta qu’une si douce assurance le
dédommageait de toutes les fatigues de son voyage.

Le père et le frère de Des Grieux

• Frère émissaire du père, intérêts convergents.

• Le père : Ordre de Malte, prêtrise, mariage mais pas mésalliance.

• L'obstination de Des Grieux les oblige à le séquestrer.

• Décision d'envoyer Manon en Amérique, dispute avec le père.


• Retour d'Amérique pour l'enterrement du père.

M. de B.

• Personnage secondaire, fermier général.

• Manon s'adresse à lui pour subvenir aux dépenses du couple.

• A-t-il menacé Manon pour dénoncer Des Grieux ?

Lescaut

• Frère de Manon, se comporte comme son proxénète.

• Il fait entrer Des Grieux dans la ligue de l'industrie.

• Tentateur plein de ressources, il justifie les malversations.

• Lien entre les différentes classes complices dans le crime.

M. de G. M. père et fils

• Le vieux et le jeune libertin.

• Le vieux M. de G.M. représente l'ancienne noblesse de cour.

• Le jeune M. de G.M. représente la nouvelle noblesse libertine.

• Permettent de dénoncer une lente décadence de l'aristocratie.

Le Supérieur de Saint-Lazare

• Sensible à la naissance de Des Grieux, il croit à son repentir.

• Protège, défend Des Grieux, qui le trompe consciemment.

• Des Grieux va même le menacer d’un pistolet.

• Malgré cette trahison, le Supérieur couvrira le meurtre du portier.

M. de T.

• Fils d’un administrateur de l’Hôpital

• Aide à délivrer Manon.

• Même génération que des Grieux : même recherche de plaisirs.

• Incite Des Grieux à se venger de M. de G. M.

Marcel

• Valet
I- Analyse de textes :

1/ Avis de l’auteur :

Si le public a trouvé quelque chose d’agréable et d’intéressant dans l’histoire


de ma vie, j’ose lui promettre qu’il ne sera pas moins satisfait de cette addition.
Il verra, dans la conduite de M. des Grieux, un exemple terrible de la force des
passions. J’ai à peindre un jeune aveugle, qui refuse d’être heureux, pour se
précipiter volontairement dans les dernières infortunes ; qui, avec toutes les
qualités dont se forme le plus brillant mérite, préfère, par choix, une vie
obscure et vagabonde, à tous les avantages de la fortune et de la nature ; qui
prévoit ses malheurs, sans vouloir les éviter ; qui les sent et qui en est accablé,
sans profiter des remèdes qu’on lui offre sans cesse et qui peuvent à tous
moments les finir ; enfin un caractère ambigu, un mélange de vertus et de
vices, un contraste perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises. Tel
est le fond du tableau que je présente.

Les personnes de bon sens ne regarderont point un ouvrage de cette nature


comme un travail inutile. Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera
peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ; et c’est
rendre, à mon avis, un service considérable au public, que de l’instruire en
l’amusant.

Problématique :

Comment l’abbé Prévost utilise la voix de Renoncour pour nous annoncer un


récit plaisant, au service d’un projet de moraliste qui s’avèrera pourtant
profondément ambigu et original?

Introduction
Accroche

• Référence aux moralistes du XVIIe siècle :

La Fontaine, La Bruyère, La Rochefoucauld…

• Emprunts au théâtre, Molière (comédie), Racine (tragédie).

• Précepte d’Horace : « placere et docere »

• Manon Lescaut = faux récit de vie dans de fausses Mémoires !

Situation

• Ici ambiguïté l'abbé Prévost / Renoncour (l’homme de qualité)

• Annoncer un récit riche en égarements moraux.

• Peinture / portrait moral de Des Grieux, mais de l'aristocratie.

Problématique

Comment l’abbé Prévost utilise la voix de Renoncour pour nous annoncer un


récit plaisant, au service d’un projet de moraliste qui s’avèrera pourtant
profondément ambigu et original?

Mouvements

1) Annonce un portrait plus qu'intéressant.

2) En quoi ce récit sera plaisant et instructif ?

3) Une visée moraliste ?

4) Un ouvrage plus profond qu'il n'y paraît.

Axes pour un commentaire composé


• Annoncer la satire d'une époque.

• Les pouvoirs de la fiction.

• Peindre un portrait moral.

• Des références au théâtre.

• Inviter au regard critique.

• Un divertissement sophistiqué.

• Un projet moraliste ?

• Une dimension subversive ?

Premier mouvement :

Annoncer un portrait plus qu’intéressant !

Si le public a trouvé quelque chose d’agréable et d’intéressant dans l’histoire


de ma vie, j’ose lui promettre qu’il ne sera pas moins satisfait de cette addition.
Il verra, dans la conduite de M. des Grieux, un exemple terrible de la force des
passions.

Une adresse au lecteur

• « le public » est repris par des pronoms « lui promettre … il sera satisfait ».

• Promesse accompagnée de futurs « sera, verra ».

Plaire et instruire mais avec humilité

• Deux adjectifs « agréable et intéressant ».

• Précepte d'Horace : placere et docere.

• Modalisation : le verbe « oser » est modalisateur.

• litote (la double négation renforce le propos) « pas moins satisfait ».


Un portrait indirect

• Une « addition » = supplément aux Mémoires d’un Homme de qualité.

• Fiction enchâssée : L’Abbé Prévost / Renoncour / Des Grieux.

• Nous donner à « voir … la conduite » : portrait moral.

Un exemple à ne pas suivre !

• Terme « exemple », référence a l'exemplum virtutis (modèle)

• Par exemple Légende Dorée (hagiographie : vie d'un saint).

• Des Grieux poussé par « la force des passions ».

Distance à l'égard du genre tragique

• L’adjectif « terrible » = terreur et pitié de la tragédie.

• Des Grieux, jeune aristocrate du début du XVIIIe siècle peu comparable à


Phèdre.

• Regard critique du lecteur sur ce personnage.

Deuxième mouvement :

En quoi ce récit sera-t-il plaisant et instructif ?

J’ai à peindre un jeune aveugle, qui refuse d’être heureux, pour se précipiter
volontairement dans les dernières infortunes ; qui, avec toutes les qualités
dont se forme le plus brillant mérite, préfère, par choix, une vie obscure et
vagabonde, à tous les avantages de la fortune et de la nature ; qui prévoit ses
malheurs, sans vouloir les éviter ; qui les sent et qui en est accablé, sans
profiter des remèdes qu’on lui offre sans cesse et qui peuvent à tous moments
les finir ;

Modèle pour un peintre

• Métaphore filée du peintre avec le verbe « peindre » et l'adjectif « obscur ».

• Le modèle lui-même est « aveugle »

Force de la tragédie

• Héros tragique aveugle (comme Œdipe).

• Verbes d'action très forts : « se précipiter » (tournure pronominale).

• CCT avec la préposition « dans les dernières infortunes ».

• Adjectif très fort « dernières » = les pires.

• Étymologiquement « infortunes » vient de Fortuna (déesse de la chance qui


justement est aveugle).

Schéma à répétition

• Pluriel « les dernières infortunes … des malheurs … remèdes ».

• « accablé par » malheurs personnifiés par la voix passive.

• Schéma narratif avec des péripéties bloquées « sans cesse ».

• Subordonnées multipliées « qui prévoit … qui les sent … qui en est accablé …
». Gradation dans les malheurs.

Personnages alliés mais en conflit

• Schéma actanciel avec le pronom indéfini « on » pour les adjuvants. « les


remèdes qu’on lui offre sans cesse ».
• Personnages garants de l’ordre : le père, l'ami Tiberge…

Vers une satire de la société

• Terme de « mérite » ne distingue pas l'inné et l'acquis : avec d'un côté les «
qualités » et de l'autre les « avantages… ».

• Début de XVIIIe siècle, remise en cause de la noblesse : l'abbé Prévost


annonce les errances d'un aristocrate.

Questions philosophiques

• Paradoxe : « refuse d'être heureux », question philosophique, est-ce vraiment


le bonheur qu'il refuse ?

• Adjectifs : « obscure … vagabonde » cela empêche-t-il le bonheur ?

• Question de la liberté avec les CCM « volontairement » et même « préfère


par choix » pléonasme (répète deux fois la même idée).

Troisième mouvement :

Une visée moraliste ?

Enfin un caractère ambigu, un mélange de vertus et de vices, un contraste


perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises. Tel est le fond du tableau
que je présente.

Métaphore filée du peintre moraliste

• Lien logique « enfin » avec le verbe « peindre ».

• Métaphore filée « mélange les vertus et les vices » (couleurs).

• Effets visuels « contraste du bon et du mauvais ».


Un tableau qui inclut un paysage

• Démonstratif « tel est » : montrer le « tableau » terminé.

• Arrière-plan : « le fond du tableau » = plusieurs niveaux de lecture.

• Des Grieux représentatif d’un ensemble plus vaste.

Vers un projet de moraliste

• La Bruyère, grand moraliste, avec le nom commun « caractère ».

• Intrigue un peu avant et après la mort de Louis XIV.

• Fin d’un règne, relâchement des mœurs, décadence de l’aristocratie.

• Les « bons sentiments » s’opposent aux « actions mauvaises ».

• Chiasme : « bon » et « mauvais » se font face en miroir.

Quatrième mouvement :

Un ouvrage plus profond qu’il n’y paraît

Les personnes de bon sens ne regarderont point un ouvrage de cette nature


comme un travail inutile. Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera
peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ; et c’est
rendre, à mon avis, un service considérable au public, que de l’instruire en
l’amusant.

Morale et satire sociale

• On retrouve le « public » du début.

• Valeur classique du XVIIe siècle, le « bon sens ».

• L'’honnête homme est guidé par son humilité et sa modération.

• Mais début des Lumières au XVIIIe siècle : Raison subversive !


Vers un panorama plus général

• Verbe « regarder » au futur : adopter un regard plus large.

• Litote : ce n’est « point un travail inutile » fausse modestie ?

• Référence à la comédie : « l’instruction des mœurs » reprend l’expression «


castigat ridendo mores».

Utilité du divertissement

• D'abord « le plaisir » puis « en l’amusant » (gérondif).

• Le thème même du divertissement dans Manon Lescaut.

• Dans les Pensées de Pascal : des loisirs font diversion, mais des dramaturges
comme Molière veulent rendre le loisir utile.

Mise en abyme de la littérature

• Ici, projet romanesque : l'auteur interroge « la nature » de l’ouvrage.

• Le dispositif complexe du récit rapporté dans de Fausses Mémoires : pour


mieux interroger la fiction.

• Présence du narrateur : « à mon avis » revoie au titre « Avis de l'auteur »


mais l’avis de Renoncour n'est-il pas un masque ?

Conclusion

• Double masque, double fiction : faux récit de vie / fausses mémoires.

• Proposer un divertissement sophistiqué.

• Dépasser les procédés du théâtre (comédie et tragédie).

• Annoncer un portrait moral fascinant.


• Des Grieux personnage multiforme, représentant d'une époque sur laquelle
l’Abbé Prévost nous invite à poser un regard critique…

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