Vous êtes sur la page 1sur 10

Mme de Clèves a pu être qualifiée de « triple héroïne de l’amour, de la vertu et des convenances ».

En quoi votre lecture vous permet-elle de comprendre cette affirmation ?

o Ce sujet interroge la notion d'héroïne, au sens de personnage modèle, exemplaire, idéalisé, remarquable
pour l'intensité de son amour, ses qualités morales et sa parfaite maîtrise des codes sociaux.

o Ce sujet fait également appel à des notions qui seront familières aux élèves ayant étudié l’œuvre à la
lumière du parcours associé. Il fait en effet allusion aux trois mots-clés figurant dans l’intitulé du parcours :
« l’amour » peut être relié à l’individu et à sa capacité à suivre ou à questionner ses sentiments (il s'agit ici
d'un sentiment fondamental mais destructeur) ; « la vertu » se rapproche de la morale et plus
particulièrement ici d’une certaine forme d’idéal ; les « convenances » évoquent le poids que la société fait
peser sur l’individu en lui inculquant ce qu’il convient de faire ou non. Ces réalités, de natures différentes,
semblent donc incompatibles, ce qui fait de la Princesse de Clèves une héroïne forcément contradictoire,
paradoxale.

o La formulation du sujet permet à un élève de lycée de réfléchir d’abord à la validité de cet énoncé à partir
de sa lecture et de son étude de l’œuvre, mais également à la manière dont amour, vertu et convenances
sont liés les uns aux autres dans La Princesse de Clèves. Étant donné sa brièveté, le sujet donne la
possibilité d’être discuté, amenant l’élève à produire une réflexion précise et nuancée sur l’œuvre.

Proposition 1

1. La Princesse est une triple héroïne de l’amour, de la vertu et des convenances, pour les autres
comme pour elle-même...
o Face aux autres (la cour, son mari, Nemours, sa mère), elle est une héroïne de l’amour (une beauté à la
cour), de la vertu (idéal de sa mère ; logique de l’honneur qui lui fait refuser les avances de Nemours) et
des convenances (s’intégrer dans ce monde des apparences trompeuses, apparaître comme une épouse
fidèle).
o Elle se livre elle-même à des examens de conscience qui lui permettent de développer lucidité et
indépendance à la fois amoureuse et morale (lettre, aveu au mari, face à Nemours).
2. … mais elle est aussi une héroïne malgré elle, voire une victime
o Une héroïne qui souffre, à cause de l’amour (jalousie, passion) et de la pression sociale (mariage, respect
des codes sociaux, obligations mondaines).
o Une héroïne qui cherche l’isolement (fuites à Coulommiers, retraites).
o Une héroïne qui fait finalement un apprentissage non linéaire de la vie (désordre intérieur causé par le
tumulte de la cour, déchirements intérieurs à surmonter, choix faits en conscience, dénouement ouvert).

Proposition 2

1. Une héroïne qui voudrait atteindre un idéal vertueux


o Elle voudrait atteindre un idéal de vertu et de fidélité conjugale.
o Elle voudrait atteindre un idéal mondain (relations sociales, spectacle de l’amour).
2. Une héroïne qui souffre à cause de l’amour et des convenances
o Elle est victime de la passion.
o Elle est embarrassée par la pression de la société.
3. Une héroïne qui cherche à s’affranchir de l’amour et des convenances
o Elle est poussée à l’introspection et acquiert une certaine lucidité.
o Elle veut fuir, s’isoler, trouver le repos de l’âme… jusqu’au dénouement final, un retrait héroïque, qui
peut être vu comme un acte vertueux et pur mais dont l’interprétation reste ouverte.
Peut-on dire que le roman "la Princesse de Clèves" de Mme de Lafayette propose une morale de
l'amour ?
En quoi, dans La Princesse de Clèves, la société place-t-elle l'individu face à des contradictions
insurmontables ?

Analyser le sujet

Formuler la problématique

Dans quelle mesure le roman montre-t-il le poids de la société sur les choix moraux des individus et
les difficultés qui en découlent ?

En quoi le personnage de la princesse de Clèves, en particulier, permet-il d'illustrer les difficultés de la


décision morale ?

Construire le plan

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction

[Accroche] Considéré comme le premier roman d'analyse psychologique moderne, La Princesse de


Clèves montre comment les règles sociales et les valeurs morales influent sur l'individu.

[Explication du sujet] Le roman conduit à se demander dans quelle mesure la société place l'individu
face à des contradictions insurmontables. Ce questionnement semble particulièrement pertinent pour
l'héroïne ; les autres protagonistes paraissent avant tout pris au piège des excès de leurs passions.

[Problématique] De quelle manière le monde dans lequel évolue Mme de Clèves s'oppose-t-il donc à
ses aspirations et pèse-t-il sur ses choix ?

[Annonce du plan] Nous montrerons tout d'abord que la princesse de Clèves est une aristocrate dont
les valeurs sont en contradiction avec le fonctionnement de la cour ; nous verrons ensuite qu'elle est
aussi une épouse confrontée à un dilemme entre amour et fidélité ; nous nous demanderons enfin si
cette jeune femme est poussée au renoncement par la société à laquelle elle appartient.

I. Une aristocrate vertueuse dans un monde d'intrigues

1. Une société du paraître

Le roman de Madame de Lafayette met en scène l'apprentissage de la princesse de Clèves, jeune


aristocrate qui fait ses débuts à la cour du roi Henri II et en apprend les codes. Si la « magnificence »
et la « galanterie » semblent d'abord caractériser cette société, il apparaît très vite que les « intérêts » et
les « cabales » y règnent en maîtres. Rapports de pouvoir et rapports amoureux s'entremêlent, comme
en témoigne le récit des luttes pour obtenir les faveurs de la reine dauphine.

Par ailleurs, la cour des Valois est présentée comme un espace clos où nul n'échappe au regard des
autres. Cette manifestation de la pression sociale qui s'exerce sur les individus contribue à accroître la
tension dramatique. Dès son entrée à la cour, la princesse se trouve au centre des attentions, scrutée et
évaluée.

La tyrannie des regards contraint l'héroïne à apprendre la dissimulation : décidée à ne pas céder à sa
passion pour M. de Nemours, elle doit aussi veiller à cacher cet amour. Lors de leur première
rencontre au bal, elle prétend n'avoir pas deviné l'identité de M. de Nemours, craignant de trahir ainsi
son intérêt naissant.

2. Une moralité de façade

De même, le fonctionnement officieux de la cour, où règne le double jeu, s'oppose à l'éducation


donnée à la princesse par sa mère, Mme de Chartres. Si l'idéal moral de l'honnêteté (recherche de la
vertu, de la mesure et du savoir-vivre) oriente les choix de l'héroïne, les membres de la cour semblent
n'en avoir retenu qu'une partie, celle de la « galanterie » et du bel « esprit ».

La reine dauphine, qui contrôle les intrigues amoureuses, entend ainsi jouer le rôle de mentor auprès
de la princesse à qui elle souhaite dévoiler le fonctionnement de la cour. De manière significative, le
coup de foudre entre Mme de Clèves et le duc de Nemours semble être provoqué par le roi qui enjoint
à la princesse de danser avec le duc, comme si la cour encourageait, de manière symbolique, l'héroïne
à choisir la passion aux dépens de la fidélité conjugale, pourtant requise par la morale religieuse.

Le récit enchâssé de la vie de Mme de Tournon illustre bien l'incompatibilité entre les valeurs de la
princesse et celles de la cour. Femme adultère assumée, Mme de Tournon est à l'opposé de
Mme de Chartres, caractérisée par « la vertu et le mérite ».
MOT CLÉ
Un récit enchâssé s'emboîte dans l'intrigue tout en étant extérieur à l'action principale. Il permet une
mise en perspective.

II. Une épouse déchirée entre passion et fidélité

1. La fidélité à l'éducation maternelle

L'éducation maternelle semble en effet constituer un horizon moral indépassable pour la princesse.


Conformément aux normes aristocratiques de l'époque, la mère de l'héroïne conçoit le mariage comme
une union où les sentiments n'ont pas de place : il importe seulement que les deux époux soient
assortis en termes de statut social.

Mme de Chartres semble avoir joué le rôle d'un véritable directeur de conscience auprès de sa fille.
Lors de son aveu à son mari, dans la troisième partie du roman, Mme de Clèves évoque la mort de sa
mère qui, en la privant de son guide spirituel, l'a rendue vulnérable aux tentations de l'amour.

2. La fidélité à l'époux

Si M. de Clèves est passionnément épris de sa femme, cette dernière n'accepte de l'épouser que par
obéissance au vœu maternel et parce qu'il est le prétendant qu'elle considère avec « le moins de
répugnance ». Elle n'en refuse pas moins l'amour de M. de Nemours au nom de la fidélité conjugale.

Mais l'attirance qu'elle éprouve pour M. de Nemours est source d'une culpabilité constante, qui
perdure même après le décès de son époux. C'est donc le devoir qui prime sur le bonheur pour la
princesse. Ce dilemme entre passion et devoir la rapproche des héroïnes tragiques telle Émilie,
dans Cinna de Corneille, qui doit choisir entre l'homme qu'elle aime et la piété filiale.

À NOTER
Les tragédies du xviie siècle mettent en scène le conflit entre les passions des personnages et leurs
devoirs.

III. Une femme condamnée au renoncement ?

1. L'apprentissage des codes d'une société patriarcale

Mme de Clèves est l'héroïne d'un roman d'apprentissage. Ce type de roman met généralement en scène
un héros masculin qui apprend à se faire une place dans le monde. Dans La Princesse de Clèves,
l'héroïne apprend au contraire à s'en effacer.

Ayant renoncé à l'amour, la princesse donne une preuve spectaculaire de sa sincérité en avouant ses
sentiments à son mari, puis en quittant la cour. Mais ces actes ne lui garantissent pas le bonheur
conjugal : son mari se convainc qu'elle l'a trahi, se consume de jalousie et en meurt.

Une telle situation semble confirmer la vision pessimiste de Mme de Chartres, décrivant à sa fille un
monde cruel où l'amour est dominé par le vice des hommes, et ne peut mener qu'à la souffrance, tandis
que la vertu conduit à « l'élévation ».
2. Le choix de sortir du jeu ?

La fin du roman semble ainsi suggérer que la seule issue honorable pour l'héroïne est de renoncer au
monde. On retrouve ici l'idéal janséniste, proche de la pensée de Madame de Lafayette.

MOT CLÉ
Le jansénisme est un mouvement catholique qui prône une morale austère et affirme que la pratique
de la vertu n'est pas compatible avec la vie mondaine.

Lors de sa dernière entrevue avec M. de Nemours, la princesse, devenue veuve, refuse de l'épouser,
alors que les conventions sociales ne s'y opposent plus. Elle argue notamment que la passion de M. de
Nemours, sans obstacles pour la nourrir, ne peut que s'éteindre, ce qui la conduirait à nouveau au
tourment.

Plutôt qu'une mort symbolique et un renoncement subi, le dénouement peut ainsi s'interpréter comme
l'aboutissement de l'apprentissage du monde de la princesse : elle a éprouvé et vérifié qu'elle ne
pouvait que souffrir ou se compromettre dans la société ; elle choisit donc de refuser d'en jouer le jeu
et d'en sortir.

Conclusion

[Synthèse] La Princesse de Clèves retrace le parcours d'une jeune aristocrate qui découvre le monde
de la cour et ses faux-semblants tout en cherchant à se conformer à l'éducation et aux valeurs morales
qui lui ont été transmises. L'héroïne se retrouve ainsi confrontée à des contradictions insurmontables
dans une société qui la somme de choisir entre amour et vertu.

[Ouverture] Dans les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos, la marquise de Merteuil, à


l'encontre de la princesse de Clèves, choisit de « venger son sexe » et de s'opposer à la morale du
siècle par son libertinage, ce qui la mènera à sa perte.

Vous aimerez peut-être aussi