Vous êtes sur la page 1sur 20

Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

Madame de Lafayette,
La Princesse de Clèves
(édition Nouveau bac 1re)

GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Isabelle Lasfargue-Galvez

L’œuvre : présentation ..................................................................................................... 2

 Le contexte culturel et littéraire ............................................................................................... 2


 Être une femme aux XVIe et XVIIe siècles ............................................................................... 3
 La langue de Madame de Lafayette ........................................................................................ 4

L’édition Classiques & Cie Lycée ............................................................................ 6

Exercices & sujets : les corrigés .............................................................................. 7

 Des clés pour vous guider ........................................................................................................... 7


 Les lectures d’images ................................................................................................................. 14

 Les sujets d’écrit et d’oral ......................................................................................................... 17

1 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

L’ŒUVRE
Présentation

Le contexte culturel et littéraire

➢ Les salons précieux


On y parle littérature, mais aussi philosophie : l’amour est le thème le plus abordé. On y
manifeste un goût pour le raffinement du langage, du comportement. On y improvise des jeux
littéraires, on y écoute de la poésie. C’est aussi le lieu où règnent les femmes qui revendiquent,
face aux hommes, une égalité d’accès à la culture, une liberté de choix de vie, notamment en
ce qui concerne le mariage.
Mme de La Fayette a été formée dans ces salons. Le terme « précieux » n’avait pas alors la
connotation péjorative que Molière lui donnera dans sa pièce Les Précieuses ridicules, jouée
en 1669. Cependant, quand elle commence à écrire, ces salons ne font plus florès. Néanmoins
l’esprit de la préciosité n’est pas absent des œuvres de la romancière.

➢ Les mentors de Mme de Lafayette


Les contemporains de Madame de Lafayette étaient convaincus qu'une comtesse, mère de
deux enfants, assidue des salons précieux, n'était guère capable de rédiger romans et
nouvelles. Au mieux on penchait pour l'hypothèse d'une création collective.
En fait, si Madame de Lafayette est bien l'auteure de ses livres, elle doit beaucoup à ses
formateurs, à commencer par Ménage, qui surveille la rédaction de La Princesse de
Montpensier. Par la suite, Huet1 et Segrais2 participent aux travaux de Zaïde (1671) – roman
qui est publié sous le nom de Segrais – et même de sa plus grande œuvre La Princesse de
Clèves (1678), marquée aussi par son grand ami La Rochefoucauld. Le moraliste donne en
particulier à la romancière une vision pessimiste des hommes et son goût pour une écriture
soignée.

➢ Le jansénisme et les écrivains du XVIIe siècle


Malgré son caractère austère et pessimiste notamment au sujet de la liberté humaine, le
jansénisme eut une grande influence sur les élites intellectuelles du XVIIe siècle qui virent dans
cette vision de la destinée humaine une explication de leur propre vision pessimiste de
l’homme, de ses passions et de sa vanité. Pascal, La Rochefoucauld, Racine et Madame de
Lafayette ont été marqués par ce courant de pensée.

1. Pierre Daniel Huet (1630-1721), homme d’Église, érudit et critique littéraire très influent.
2. Jean de Segrais (1624-1701), écrivain, auteur notamment de nouvelles.
2 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

Être une femme aux XVIe et XVIIe siècles

Au XVIe comme au XVIIe siècle, les femmes ont un statut de personne mineure. La fille est sous
l’autorité de son père, l’épouse sous celle de son mari. Les femmes ne décident donc rien.

➢ La femme mariée
Les stratégies matrimoniales sont un des motifs récurrents du roman. Ce sont le père et la
mère, voire d’autres membres de la famille, qui décident du mariage des jeunes filles, comme
le fait Madame de Chartres dans le roman.
Dans le mariage, il n’est nullement question d’amour mais d’argent. « Il faut de temps en
temps fumer ses nobles terres », écrit Madame de Sévigné, suggérant par la métaphore
agricole du fumier qui fertilise la terre que l’alliance entre les grandes familles est une affaire
de sang et d’argent. Le mariage est donc une véritable institution patrimoniale.

➢ Les femmes et la galanterie : un espace de liberté ?


Condamnée à un mariage sans amour, la femme mariée peut être tentée par la galanterie.
Cependant, sur ce point encore, hommes et femmes sont inégaux. Si la société accepte qu’un
homme ait des relations adultères, elle le condamne pour une femme.
Dans La Princesse de Montpensier, lors de la scène de la rivière, la princesse est courtisée par
le duc d’Anjou : elle se doit alors de lui répondre avec la plus grande politesse, qu’elle ait envie
ou non de le laisser monter dans sa barque. Pour représenter le séjour des deux hommes à
Champigny, Bertrand Tavernier, dans son adaptation de la nouvelle, a imaginé une scène de
dîner où Marie converse avec contrôle selon les codes qui sont assignés à son sexe : répondre
avec esprit et charme mais, surtout, ne pas se soucier des affaires des hommes quand bien
même on feint de s’intéresser à son avis.
D’ailleurs, malgré le maintien dont elle fait preuve durant ce dîner, elle suscite la jalousie de
son mari qui lui reproche d’avoir tout manigancé pour apparaître dans la barque « comme
une estrade où se montrer ».

➢ La Princesse de Clèves : une œuvre féministe ?


Bien que la romancière expose des faits qui peuvent permettre à ses lecteurs de comprendre
la réalité de la condition des femmes au XVIe siècle et à sa propre époque, elle ne tient pas un
discours féministe. À aucun moment, elle ne remet en question la société dans laquelle elle
vit et l’absence de liberté des femmes. En condamnant son héroïne à l’amour passionnel, elle
ne prend pas parti pour la jeune femme et ne lui imagine pas une vie plus libre.

3 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

La langue de Madame de Lafayette

➢ La litote
Procédé issu de l’éthique précieuse où la réserve et la retenue sont de mise, tant dans le
langage que dans les attitudes, la litote, qui dit le plus par le moins, est très suggestive dans la
prose de Madame de Lafayette.
Par exemple, lorsque la princesse comprend que Nemours a renoncé à la reine d’Angleterre
pour elle : « elle (la reine dauphine) eût aisément remarqué que les choses qu’elles venaient
de dire ne lui (à la princesse) étaient pas indifférentes. » La litote marque dans l’esprit de la
princesse des sentiments qu’elle refuse de voir, mais suggère au contraire au lecteur
l’intensité et la violence de ces sentiments.

➢ L’hyperbole
La litote cohabite avec l’hyperbole, elle aussi issue de l’éthique précieuse, sans la contredire,
même si elle semble plonger le lecteur dans un monde féerique. La préciosité, en effet, dans
la lignée de l’éthique courtoise, préconise la quête de l’idéal sentimental, représenté par la
Carte du Tendre. C’est donc le plus bel amour qui doit être recherché, les sentiments les plus
raffinés, dits avec les mots les plus soignés. Mais, de plus, l’hyperbole se substitue à la
description. L’écriture se fait donc encore une fois art de la suggestion et non de la précision.
Par exemple, « La liberté de se retrouver seules la nuit dans le plus beau lieu du monde » (p
186) : c’est ainsi que Mme de Lafayette décrit le pavillon de Coulommiers avant l’épisode de
la féerie sentimentale de Coulommiers ou deuxième aveu du roman. Et l’expression sera
reprise plus loin quand Nemours y découvrira la princesse.

➢ Les périodes
La prose de Mme de Lafayette est souvent ponctuée de longues phrases qui prennent la forme
de périodes oratoires dont le rythme est particulièrement soigné. L’auteure y articule avec
brio les propositions subordonnées, dans des effets de parallélisme, de balancement et de
chute.
Par exemple, dans la scène du bal : « Ce prince était fait ... étonnement » (p. 49). On a une
phrase au style concaténé, où chaque proposition est développée par une autre. La
proposition principale est suivie d’une consécutive, elle-même prolongée par une temporelle,
elle-même précisée par une autre temporelle, étoffée par deux relatives, le tout est alors
relancé par une indépendante coordonnée à la principale par « mais », qui vient à la fois
relancer l’idée et la conclure par un effet de chute sur l’expression « grand étonnement ». La
cohésion de la phrase est rendue par la répétition de « il était difficile » et par la reprise
synonymique de « surprise » par « grand étonnement ». La complexité syntaxique de la
phrase épouse ce qui se passe dans la conscience des deux protagonistes comme si on suivait,
en simultané, leurs émotions respectives.
On peut trouver également des phrases plus simples, mais qui par la répétition d’éléments clé
déploient les effets d’accélération ou d’intensité. Par exemple, lors de la féerie de
Coulommiers : « Voir au milieu de la nuit ... par nul autre amant. » (p. 189). La diaphore de
4 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

« voir » par « la voir », dans une cadence mineure, puis l’anaphore de « la voir », dans une
cadence majeure, contribuent à l’expression de l’intense émotion de Nemours. Et la reprise
finale de tout ce qui précède par « c’ » crée un effet de chute signifiant. Par ailleurs la phrase
qui introduit cette période « On ne peut exprimer ... » a donc un effet de prétérition !

5 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

L’ÉDITION
Classiques & Cie Lycée
À l’occasion de la réforme du lycée et de la mise en place du « Nouveau Bac » français, la
collection Classiques & Cie a été entièrement repensée de manière que chaque ouvrage offre
aux enseignants une séquence complète sur l’œuvre et le parcours associé, tels que définis
dans les nouveaux programmes.
La nouvelle édition de La Princesse de Clèves comprend ainsi le texte du roman, associé à une
proposition de parcours « Individu, morale et société », ainsi qu’à de nombreux autres
enrichissements pédagogiques.

➢ L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte ? » et « Pourquoi vous
allez aimer ce roman », l’avant-texte amène l’élève progressivement à la lecture du récit.

➢ Au fil du texte : « Des clés pour vous guider »


Soigneusement annoté, le texte du roman est enrichi, à intervalles réguliers, de pages « Des
clés pour vous guider », qui permettent d’interroger des passages clés de l’œuvre. Trois
premières questions, littéraires, associées à une aide, sont suivies d’une question de
grammaire et d’une proposition d’activité (écrit d’appropriation, approfondissement
documentaire, etc.).

➢ Le parcours « Individu, morale et société »


Ce parcours permet d’analyser et d’étudier, à travers neuf extraits de romans, des
personnages en conflit avec les codes sociaux ou la morale de leur époque.

➢ Le dossier « Nouveau Bac »


Le dossier inclut un groupement de textes complémentaire sur le thème de monstres, des
prolongements artistiques et culturels (adossés à un encart couleurs), ainsi qu’une rubrique
« Objectif bac » permettant de s’entraîner sur les nouvelles épreuves du bac.

6 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

EXOS & SUJETS


Les corrigés

Des clés pour vous guider

➢ 1. Un incipit historique (p. 23)


Du début à « l’homme du monde le mieux fait et le plus beau. »
1. Comment sont développés les deux premiers substantifs du récit, « magnificence » et
« galanterie » dans la suite du texte ?
• Exemples de termes qui développent la magnificence :
– les intensifs « Tant d’éclat » ; « tant de belles personnes » « tant de dispositions » ;
– les superlatifs « ne pas moins violente, éclatante », « de plus beau dans les plus grandes
personnes et les plus grands princes » ;
– le lexique de l’excellence, de l’idéal : « admirablement », « grandeur », « magnificence »
(2e occurrence), « admirablement bien faits » ;
– le lexique de l’exception : « jamais », « incomparable ».
• Termes et allusions qui développent la galanterie :
– tout ce qui se rapporte à la beauté ;
– la relation entre le roi et la duchesse de Valentinois ;
– le succès des hommes auprès des dames de la cour : Guise est « aimé de tout le monde » ;
Condé est « aimable même aux yeux des plus belles femmes » ; Nevers fait « les délices de la
cour » ; Chartres est distingué « dans la guerre et la galanterie ».
2. Comment la galerie de portraits qui apparaissent dans cet incipit est-elle organisée ?
• Selon une hiérarchie sociale aristocratique : le roi, les reines, les grandes familles, à
commencer par le roi de Navarre, futur Henri IV, dont les plus parfaits représentants sont
distingués en fonction de leur beauté ou de leur galanterie, ou encore leur ambition politique
et/ ou militaire. Hormis les reines, pas de femmes. C’est bien une structure sociale prédéfinie
qui se déploie, une aristocratie patriarcale, une noblesse de sang, héritière de la féodalité.
• Mais cette préséance sociale est en fait un leurre de convenance puisque ce n’est pas
vraiment l’Histoire qui intéresse Mme de Lafayette. Le lecteur attend en fait l’héroïne et se
demande qui parmi cette galerie de personnages va devenir un protagoniste. La chute sur
Nemours donne bien sûr un indice.

7 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

3. L’ambiance de cet incipit est-elle historique, idéalisée ou les deux ?


L’ambiance qui se dégage de cet incipit est à la fois historique et idéalisée.
• L’Histoire est présente par ces personnages qui ont tous existé, par des faits réels (la relation
entre Henri II et la duchesse de Valentinois), par l’éthique aristocratique (gloire, devoir et
guerre), par les allusions aux problématiques religieuses.
• Mais la multiplication des procédés hyperboliques déréalise ce contexte historique en
idéalisant ces personnages qui sont tous plus beaux les uns que les autres, dans un lieu, la
cour, qui ressemble au cadre des contes de fées.
4 GRAMMAIRE. « Le roi […] son père » (l. 18-22) : combien y a-t-il de propositions dans cette
phrase ? De quelle nature sont-elles ?
On relève 5 propositions :
– une proposition principale « le roi l’avait épousée » ;
– deux propositions subordonnées conjonctives circonstancielles de temps : « lorsque ... et
que… » ;
– deux propositions subordonnées relatives : « qui mourut », « que sa naissance… ».
5 POUR ALLER PLUS LOIN. Écrivez un incipit qui situe l’action d’une intrigue à un moment
historique de votre choix.
Il s’agit de travailler à la fois sur les codes et les attendus de l’incipit, mais aussi sur les liens
entre roman et Histoire. On peut renvoyer à des romans historiques comme Quatre-vingt-
treize de Hugo.

➢ 2. Première rencontre au bal du Louvre (p. 51)


De « Il arriva la veille des fiançailles. » à « il ne put admirer que Mme de Clèves. »
1. Dans quelle mesure le deuxième paragraphe (l. 724-733) est -il raconté du point de vue
de Mme de Clèves ?
• Mme de Clèves sent le regard des autres « on admira sa beauté », entend le bruit « de
quelqu’un qui entrait », « cherche des yeux » un cavalier et entend l’ordre du roi de prendre
« celui qui arrivait » qu’elle n’a donc pas encore vu.
• Puis on suit son regard quand elle voit « un homme qu’elle crut d’abord » : l’article indéfini
confirme la focalisation interne, le champ de vision est restreint à ce qu’elle aperçoit. On a
donc un réalisme subjectif qui passe par la restriction de champ. L’accord au féminin de
l’adjectif « surprise » dans la tournure impersonnelle qui suit renforce cette subjectivité.
• À la fin du paragraphe, on passe au point de vue de Nemours.
2. Quel rôle Mme de Lafayette donne-t-elle au roi et aux reines dans cette rencontre ?
• Le roi et les reines sont des manipulateurs qui construisent la rencontre comme une
expérience de laboratoire du jeu amoureux en demandant à Mme de Clèves de danser avec
le nouvel arrivant qu’elle n’a pas vu alors qu’eux l’ont vu. Puis ils font en sorte de ménager le
suspense en ne présentant pas immédiatement les deux personnages et en organisant le
dialogue entre eux.

8 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

• La cour s’amuse avec les deux protagonistes qu’elle utilise comme des marionnettes. Mais
derrière ce divertissement galant, c’est toute la mécanique tragique de la passion qui se met
en place.
3. Cette rencontre est-elle un véritable coup de foudre ?
• Nemours et la Princesse ne se sont jamais vus, comme le rappellent le roi et les reines, mais
ils se connaissent par ouï-dire, de réputation. Dans le paragraphe qui précède le passage,
l’auteure écrit que la princesse a « ouï parler » de Nemours, comme « l’homme le mieux fait
et le plus agréable de la cour » et elle en éprouve de la « curiosité et même de l’impatience
de le voir ». Or, comme un rapport de cause à effet, le début du paragraphe suivant explique
qu’elle passe « tout le jour » à se parer, comme si cet excès de préparation était lié à cette
impatience de voir le duc, comme si elle cherchait inconsciemment à paraître la plus belle et
donc à lui plaire.
• Dès lors quand elle le voit pour la première fois c’est comme si elle le reconnaissait sans
jamais l’avoir vu. L’effet est similaire chez Nemours. Dès lors, le coup de foudre visuel est
biaisé, il ne relève pas de la surprise et de la spontanéité.
4. GRAMMAIRE. Quelle est la nature de la proposition qui commence par : « d’une sorte qu’il
était difficile de n’être pas surprise de le voir » (l. 744-745) ?
Il s’agit d’une proposition subordonnée conjonctive complément circonstanciel de
conséquence. On pourrait la remplacer par : « Le prince était extrêmement bien fait. Il était
donc difficile... ».
5. POUR ALLER PLUS LOIN. Recherchez des tableaux ou des scènes de film ou de romans
représentant des scènes de bal et dégagez en les principales caractéristiques.
On peut penser à la scène de bal dans Madame Bovary de Chabrol, mais aussi au Guépard de
Visconti. Pour les tableaux, se reporter aux prolongements artistiques.

9 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

➢ 3. Le portrait dérobé (p. 105)


De « La reine dauphine faisait faire des portraits. » à « et n’attendait point sa réponse. »
1. Comment qualifier le cadre de cette scène : mondain, intime ou les deux à la fois ?
Justifiez votre réponse.
• La scène se situe chez Madame de Clèves. La mention du lit indique qu’on est dans la
chambre même de la princesse, un lieu intime donc, dans les codes d’aujourd’hui.
• Pourtant, cette rencontre est bien mondaine, car la dauphine se rend chez la princesse non
seule, mais avec sa suite. D’ailleurs même Nemours rejoint cette assemblée. Combien sont-
ils ? on ne le sait pas vraiment, mais peut-être cinq ou six (la dauphine et ses suivantes,
Nemours, la princesse, le peintre). On a donc bien un moment de sociabilité mondaine où
« tout le monde » donne son avis sur les portraits, dans un lieu qui devrait être celui de
l’intimité.
2. En quoi peut-on dire que Mme de Lafayette met en scène ce passage ?
• Mme de Lafayette opère d’abord une restriction du champ. Les personnages de la cour
s’estompent peu à peu pour faire un gros plan sur la princesse et Nemours.
• Elle dispose les protagonistes dans le décor : la dauphine assise sur le lit, la princesse debout
devant elle. Le rideau (du lit ?) est à demi fermé ce qui lui permet d’apercevoir, suffisamment
Nemours, qui est « dos contre la table qui était au pied du lit ». Ainsi, contrairement à son
habitude, l’auteure donne des détails sur le cadre, sur la posture des personnages.
3. Qu’est ce qui fait de cette scène un moment extrêmement violent pour Mme de Clèves ?
• La chambre devient un lieu piège où les moindres réactions de la princesse sont épiées par
Nemours et où la princesse est obligée de composer à cause de cette présence importune de
la dauphine, de sa suite et du peintre. Un épisode intime et extrêmement perturbant pour elle
a lieu en public.
• La jeune femme est « troublée » au point de se trahir. L’auteure use d’une litote pour
exprimer la violence des sentiments « n’était pas peu embarrassée ».
• La passion naissante de la princesse la conduit à se dégrader dans une certaine mauvaise foi.
Si elle n’avait pas été déjà soumise à sa passion, elle aurait pu réagir et mettre Nemours en
défaut, quitte à ruiner sa réputation. Son laisser-faire est d’autant plus un signe de faiblesse,
qu’elle reconnaît qu’elle éprouve du bonheur (« elle fut bien aise ») à lui laisser le portrait.

10 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

4. GRAMMAIRE. Quel est l’antécédent du pronom relatif « qui » dans la proposition : « qui
étaient encore attachés sur lui » (l. 791) et quelle est la fonction de ce pronom ?
L’antécédent du pronom qui est « les yeux », sa fonction est sujet de la proposition relative.
5. POUR ALLER PLUS LOIN. Recherchez des portraits de différentes époques représentant des
individus de statut social différent, afin de déterminer quelles sont les fonctions sociales
du portrait.
• Par exemple : Hyacinthe Rigaud, Louis XIV (1701), pour le genre du portrait d’apparat, en
pied, en majesté, en costume, avec les symboles du pouvoir.
• À opposer au portrait bourgeois, dans l’intimité d’un intérieur, plus soucieux de rendre la
psychologie de la personne représentée, comme Le portrait de M. Bertin, d’Ingres (1832) ou
au portrait anonyme de La Jeune Fille à la perle de Vermeer.

➢ 4. L’aveu de la princesse de Clèves (p. 148)


De « Ne me contraignez point, lui dit-elle » à « pour entreprendre de la cacher. »
1. Qu’est ce qui fait le caractère exceptionnel de la scène ?
• La princesse annonce, en guise de préambule, le caractère exceptionnel de l’aveu « que l’on
n’a jamais fait à son mari ». Cette hyperbole relève à la fois de l’éthique précieuse et
aristocratique. La princesse a le sens de la gloire propre à sa caste.
• Le tableau que fait l’auteure de la princesse en larmes et des réactions de son mari est
également hyperbolique : « visage couvert de larmes » ; « d’une beauté si admirable » ;
« mourir de douleur ».
• Clèves reconnaît le caractère exceptionnel de la situation par deux hyperboles, une pour
elle, une pour lui, dans un effet de correspondance : « plus digne d’estime et d’admiration »
« le plus malheureux ».
• Pour les contemporains, cet aveu a été jugé certes exceptionnel, mais surtout complètement
invraisemblable. Voir l’article de Genette dans Figures II, « Vraisemblance et motivation ».
2. Ne peut-on pas dire que, dans cet aveu, Mme de Clèves se trompe de destinataire ?
La princesse en se mettant à genoux adopte la posture d’une pénitente, ce qui traduit, en plus
de ses larmes, son désarroi mais aussi son état de confusion. Car ce geste est celui du
confessionnal. Or son mari n’est pas son confesseur. Dans l’économie du roman, où la religion
est, in fine, quasi absente, c’est la mère de l’héroïne qui aurait été la mieux placée pour
écouter cet aveu. L’échec de l’aveu est donc inscrit dans cette erreur et confusion initiales.
3. Quel est l’état d’esprit de M. de Clèves au début de la scène ? Quel est-il à la fin ?
Il est curieux et inquiet au début du passage, affligé et malheureux au milieu, terrassé par la
jalousie et la volonté absolue de connaître le nom de son rival à la fin.
4. GRAMMAIRE. « je connais trop le monde pour ignorer que la considération d’un mari
n’empêche pas que l’on ne soit amoureux de sa femme » (l.582-584) : dans cette phrase, à
quoi fait référence le pronom indéfini « on » ? Par quoi est-il repris dans la phrase suivante ?
Ce « on » désigne les maris en général mais surtout lui-même. Donc derrière le « on », il y a
un « Je ».
11 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

5. POUR ALLER PLUS LOIN. Recherchez des œuvres où la jalousie amoureuse occupe une part
importante et dégagez-en les passages les plus significatifs.
Par exemple : Othello de Shakespeare ; Britannicus de Racine ; Un amour de Swann de Proust ;
La Jalousie de Robbe Grillet.

➢ 5. La rêverie au pavillon de Coulommiers (p. 195)


De « Le gentilhomme qui était très capable » à « ni imaginé par un autre amant. »
1. À quel type de personnage littéraire M. de Nemours fait-il penser au début de la
scène ?
Nemours ressemble à un héros de roman d’aventures, voire de roman de chevalerie ou de
contes de fée puisqu’il doit venir « à bout » des « hautes palissades » pour accéder au lieu où
se trouve cachée sa princesse ! Mais il ne s’agit pas de la délivrer d’un dragon ! On a donc ici
un discours parodique d’une quête initiatique dont il faut franchir les obstacles.
2. Comment le regard est -il exploité par Mme de Lafayette dans cette scène ?
L’espion regarde Nemours, qui regarde la princesse qui regarde Nemours dans le tableau. La
mise en abîme est totale. La récurrence du verbe voir, souvent en tête de phrase avec un effet
anaphorique, souligne l’extase visuelle de Nemours. Il y a in fine deux tableaux dans la scène.
Celui du siège de Nemours, et le tableau vivant de la princesse qui apparaît dans un jeu de
lumières savant qui la met en valeur.
3. Dans quelle mesure peut-on dire que cette scène est un second aveu de la part de Mme
de Clèves ? Qu’est-ce qui a changé par rapport au premier ?
C’est Michel Butor (dans Répertoire) qui voit dans cette scène, une forte dimension érotique.
Par son regard sur Nemours dans le tableau, par le geste d’entourer le ruban jaune autour de
la canne des Indes, et par sa tenue négligée et très sensuelle, la princesse se laisse aller à ses
fantasmes érotiques et exprime donc son désir pour Nemours. À défaut de pouvoir vivre
physiquement son amour avec Nemours, elle opère un transfert érotique sur les objets qui le
représentent et notamment sur la canne, qui a donc une dimension phallique pour Butor,
dimension dont Mme de Lafayette n’avait peut-être pas conscience.
4. GRAMMAIRE. « Voir au milieu de la nuit [...] n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre
amant » (l. 332-336) : comment cette phrase est-elle construite ?
La phrase est construite sur une répétition diaphorique (voir, puis le voir), puis anaphorique
(le voir, le voir) et un effet de chute à travers la reprise de l’ensemble de la phrase par le
pronom « C’ ». Voir le développement sur la langue de Mme de Lafayette
5. POUR ALLER PLUS LOIN. Voir et être vu : recherchez au cinéma, dans la peinture, en littérature,
des scènes où un personnage en espionne un autre.
On peut penser en littérature à La Jalousie de Robbe-Grillet et au cinéma à Fenêtre sur cour
d’Hitchcock.

12 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

➢ 6. Un dénouement tragique et pessimiste (p. 219)


De « Je veux vous parler avec la même sincérité » à « interdit tout commerce entre nous. »
1. Qu’est-ce qui fait de la princesse de Clèves une héroïne tragique ?
• Le sens du devoir et de l’honneur : « je crois devoir », « je me donnerai la liberté », « raisons
de devoir », « avouer sans honte », « bienséance » « crimes ».
• L’idée de destin : « passion » (multiples occurrences), « miracle », « ma destinée »,
« hasard ».
• Le thème du malheur et de la souffrance : « m’exposer à ce malheur », « douleur mortelle »,
« malheur de la jalousie ».
• La princesse choisit la voie de l’héroïsme tragique qui consiste en une élévation de l’âme
vers le sens moral et l’obéissance à un devoir intériorisé et parfaitement assumé. Elle choisit
donc l’honneur et sa conscience plutôt que l’amour.
2. Quels sont les arguments avancés par Mme de Clèves pour refuser d’épouser M. de
Nemours ?
• Mme de Clèves ne conteste pas la sincérité de l’amour de Nemours à son égard dans l’instant
présent. Mais, ce qu’elle a acquis à l’issue des épreuves qu’elle a dû endurer, c’est une lucidité
de moraliste au sujet de la nature humaine. Elle sait donc, mieux que Nemours, qu’il ne lui
sera pas fidèle, car l’intensité de son amour s’émoussera et qu’elle en souffrira.
• De plus, elle rend Nemours indirectement responsable de la mort de son mari et rappelle
qu’elle vivra avec des « scrupules ».
3. En quoi ce passage est-il une illustration du combat entre la raison et la passion ?
• La phrase clé est « les passions peuvent me conduire mais ne sauraient m’aveugler ». Phrase
bilan qui rappelle toutes les défaites de l’héroïne face à sa passion, mais qui montre également
sa volonté de diriger par la raison cette faiblesse.
• Son discours est donc extrêmement argumenté, rationnel et réfléchi (voir la phrase qui
commence par « Je sais que vous êtes libre... »). Elle oppose amant et mari, forces (physiques
ou émotionnelles) et raisons, conduire et aveugler.
• Cependant on peut noter, que, in fine, le seul moyen de contrôler les passions reste le repos
et le renoncement. En refusant « tout commerce » avec Nemours, la princesse avoue qu’elle
ne saurait pas être constamment rationnelle et sereine.
4. GRAMMAIRE. Quelle est la valeur de la proposition temporelle : « quand nous nous
engagerions ensemble pour jamais » (l. 1065) ?
C’est une proposition subordonnée circonstancielle temporelle à valeur concessive, à cause
du mode conditionnel qui y est employé. On pourrait dire « même si nous nous engageons
ensemble ».

13 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

Les lectures d’images

➢ Christophe Honoré, La Belle Personne (p. 279) → photo en 2e de couverture


1. Comment l’image est-elle composée ?
• L’entrée du lycée, avec ses portes ouvertes constitue un cadre dans un cadre :
– au premier plan, on aperçoit des élèves qui sortent. Les bords de ce premier plan sont, à
gauche, la loge et ses vitres, à droite une ombre noire ;
– au second plan, le seuil du lycée avec un croisement entre des élèves qui sortent, à droite,
et une élève qui attend pour entrer, à gauche ;
– à l’arrière-plan, la rue et le trottoir d’en face avec des scooters garés et ce qui semble être
un magasin.
• Les lignes verticales formées par les portes, les murs et les élèves forment un contraste avec
les lignes horizontales formées par le seuil, la rue, les barrières de protection, les lignes de la
façade du fond de l’image.
• En surimpression, au centre de l’image, est inscrit le titre du film, en blanc.
2. Par quels moyens l’opposition entre l’intérieur et l’extérieur est-elle représentée ?
• Par la lumière et les couleurs. Un effet de contre-jour prononcé, crée un contraste fort entre
l’extérieur clair, illuminé, malgré le gris de la façade du mur d’en face, et l’intérieur sombre où
les élèves sont transformés en silhouettes sombres, voire fondues dans le noir. Le seuil est
nettement marqué par un gris plus clair que celui de la rue.
• Par les lignes de composition. La ligne de l’entrée forme une espèce de goulot car l’entrée
est étroite et amène sur un couloir. On a donc l’impression que l’espace s’ouvre à l’extérieur,
alors qu’il enferme à l’intérieur.
• Par les matières. On observe également un contraste de matière : le bois des portes et du
lambris de la loge, opposé au minéral de la rue.
• Par la posture des personnages et le mouvement. La posture de dos, des six élèves bien
visibles, s’oppose à l’élève de face, coincée à gauche. Ils sont en mouvement, tandis qu’elle
semble à l’arrêt.
3. Quelles significations symboliques peut-on accorder à cette image ?
• Tout est fait pour montrer le franchissement d’un seuil, celui du monde extérieur, vers le
monde intérieur du lycée, ou l’inverse. Ces lourdes portes s’ouvrent et se ferment : le lycée
est comme coupé du monde extérieur. L’effet de resserrement créé par les portes, signale un
enfermement, un univers contraint.
• La caméra est placée à l’intérieur du lycée. Elle est fixe et capte ces allées et venues de façon
neutre, semble-t-il. En réalité, le choix du contre-jour crée le sombre à l’intérieur et le clair à
l’extérieur comme pour révéler une opposition entre contrainte et liberté.

14 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

• Il y a plus de sorties que d’entrées, sans doute parce qu’on est plus à un horaire de sorties
(midi ? fin de journée ?). Mais il y a peu de monde. Cet échange sortie/ entrée n’est peut-être
pas réaliste. On peut donc être attentif à la jeune fille à qui semble hésiter à entrer. Peut-être
son hésitation annonce-t-elle celle de l’héroïne, qui arrive au lycée en plein milieu d’année
scolaire et qui devra se faire à ce nouveau monde.

➢ Umberto Boccioni, Rixe dans la galerie, 1910 (p. 280)


→ image p. II du cahier couleurs
1. Quel est le sujet principal du tableau ?
Comme l’annonce le titre, il s’agit d’une bagarre située au milieu du tableau. Mais le regard
ne la discerne pas tout de suite. Il est plus impressionné la foule de personnages dans son
ensemble, voire par le décor.
2. Quelles oppositions (lignes, plans, lumière, dimensions) peut-on voir entre le décor et les
personnes représentées ?
• Le premier plan constitué par la foule s’oppose au second constitué par le décor de la galerie.
À l’arrière-plan, dans une ligne de fuite en diagonale, la foule et le décor semblent se fondre.
• Les lignes verticales de la galerie Victor Emmanuel de Milan créent un fort contraste avec la
foule à leurs pieds. Elles paraissent immenses et démesurées par rapport à la taille des
personnages.
• Les couleurs limitées de la galerie, jaune avec une pointe de rouge sur le café, s’opposent à
la fois au noir des costumes des messieurs et aux vêtements et chapeaux multicolores des
femmes de la foule.
• La lumière est exagérée dans le décor grâce aux réverbères et au café. Les personnages
reçoivent cette lumière. On voit leurs ombres se dessiner au sol.
3. Quelle impression la foule des personnages donne-t-elle ?
• La foule paraît désordonnée, dans un mouvement en spirale qui converge vers la bagarre
des deux femmes. Elle est attirée par la curiosité et le voyeurisme. De nombreux personnages
ont un bras en l’air. Les corps sont penchés comme s’ils allaient tomber.
• Ces personnages sont des bourgeois. Ils incarnent l’élite sociale normalement très guindée.
Or, dans ce tourbillon pour ce combat de rue autour de deux femmes qui se crêpent le
chignon, ils perdent toutes leurs belles manières et se laissent aller à leur curiosité et à leur
excitation les plus effrénées.
• Seul un personnage nous fait face, les bras en l’air, comme désespéré par un tel spectacle.

15 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

➢ Jean Renoir, La Règle du jeu (p. 282) → photo p. IV du cahier couleurs


1. Quelles sont les composantes de ce photogramme ?
• Sept personnages déguisés saluent le public à l’issue d’un spectacle sur une petite scène de
théâtre privé.
• Le théâtre est dressé dans un des grands salons de la propriété. Il est composé d’une scène
surélevée, de rideaux de scène et d’un fond de décor avec un paysage de montagne.
• Les personnages portent un déguisement qui correspond à leur personnalité : Christine,
d’origine autrichienne, est en Tyrolienne, tout comme son mari Robert, à l’extrême droite
(ainsi que deux autres personnages secondaires). Octave est déguisé en ours, Jurieu l’aviateur
en dompteur. Geneviève en bohémienne. Saint-Aubin, à gauche de Christine, en berger.
2. Qui regarde qui et que lit-on dans ces regards ?
• Jurieu, Saint-Aubin et les deux Tyroliens secondaires regardent l’ours Octave. Mais
Geneviève et La Chesnay échangent un regard, qui n’échappe pas à Christine qui les observe
avec suspicion.
• Ainsi, derrière le spectacle, c’est tout le jeu social et sentimental du film qui se joue.
3. Qu’est-ce qui rend ce spectacle ridicule ?
• Cette société se donne en spectacle en portant des costumes ridicules car caricaturaux et
pas toujours réussis : ainsi Jurieu le dompteur a encore un nœud papillon, une chemise et un
pantalon de soirée, tout comme les deux autres Tyroliens secondaires.
• De plus, les personnages sont trop nombreux pour cette scène trop étroite. Le décor de
montagnes autrichiennes est très naïf et irréaliste.
• Il ne faut pas oublier, pour comprendre l’image, le contexte du film. Alors que la guerre est
imminente, cette élite sociale s’amuse, soit à des jeux amoureux soit à des fêtes ridicules, ou
joue à se mentir. Mais, derrière la comédie, la tragédie n’est jamais loin.

16 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

Les sujets d’écrit et d’oral

➢ 1. Sujet de dissertation (page 283)


Dans quelle mesure les romans, et notamment les romans d’analyse psychologique,
peuvent-ils interroger la condition humaine ?
Vous répondrez à cette question grâce à votre lecture de La Princesse de Clèves et du
parcours de lecture « Individu, morale et société ».

Introduction
« Qu’il est facile de faire des contes ! » écrit Diderot dans Jacques le fataliste. On a en effet
longtemps reproché au roman de n’être qu’aventures amoureuses invraisemblables. Mais
avec La Princesse de Clèves le roman entre dans la profondeur de l’analyse de l’âme humaine,
tâche longtemps dévolue à la tragédie. Sous quelles conditions et par quels moyens, le roman
peut-il être le lieu d’une interrogation à la fois morale, psychologique et existentielle qui
regarde la condition humaine.
1. Roman et réalité
• Les romans peuvent être ancrés dans une réalité historique qu’ils restituent avec plus ou
moins de fidélité et de précision selon les mouvements et les époques auxquels ils
appartiennent. La deuxième moitié du XVIe siècle pour les deux princesses de Mme de
Lafayette, la Régence pour les Liaisons dangereuses, l’époque d’écriture du roman pour
Manon Lescaut. Sans qu’il y ait une volonté de reconstitution historique, les éléments de
structure sociale sont ceux d’une époque donnée. Ils ne sont pas une pure invention, fruit de
l’imaginaire de l’auteur. Ainsi les stratégies matrimoniales chez Mme de Lafayette ou chez
Laclos, la destinée de Manon au début du roman qui devait aller au couvent, chez Prévost, la
petite ville de la campagne normande dans Madame Bovary sont des faits empruntés à la
réalité.
• Mais les romans n’ont pas une fonction documentaire première. Ce qui prime, surtout dans
les romans d’analyse, c’est la quête de l’âme humaine et de ses complexités. S’interroger sur
l’amour, le bonheur, le malheur, la souffrance, la joie, la passion, la jalousie, la colère... c’est
proposer aux lecteurs des thématiques intemporelles et universelles. Les inquiétudes d’une
mère vis-à-vis de sa fille (Mme de Chartres), les émois amoureux d’une jeune fille (Cécile de
Volanges), l’amour fou (La religieuse portugaise, Des Grieux), la jalousie d’un mari (Clèves),
l’ennui (Julie) sont des motifs qui peuvent toucher tout le monde.
2. Roman et romanesque
• Cependant, le roman fabrique du destin sur mesure, comme le dit Camus (L’Homme révolté).
Le roman va vers une fin, est dans une construction qui vise à une signification générale. Alors
que la vraie vie n’a pas de sens prédéfini, en dehors de la finitude, le roman articule les
événements en vue d’un aboutissement orienté. C’est pourquoi, il n’hésite pas à recourir à
des artifices qui sont souvent invraisemblables comme le fait que Nemours se perde et arrive,
comme par hasard au pavillon de Coulommiers. Les rencontres (Manon et Des Grieux), les
morts (Mme de Chartres) arrivent à point nommé pour forcer le destin des personnages. On

17 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

peut donc dire que le roman fabrique du romanesque, comme lorsqu’on dit que « la vie est
un roman ».
• De plus le roman peut idéaliser les faits, les sentiments, comme les personnages. La vie est
sans doute plus médiocre, plus routinière et moins intense. Le côté féerique de la cour
d’Henri II où tout le monde est merveilleusement beau est une déréalisation du réel. Les
aventures de Manon et Des Grieux sont assez extravagantes. On peut aussi se dire que les
sentiments intenses, comme l’amour éperdu de la religieuse portugaise, sont peu probables...
mais rien n’est moins sûr !
3. Roman et condition humaine
• Le roman, malgré la structure et les motifs romanesques, en articulant des destins
particuliers dans une société donnée, fabrique des situations où est problématisée la
condition humaine. Est notamment interrogée l’idée de liberté de l’individu. Comment faire
des choix lorsqu’on est déterminé tant par nos propres faiblesses et passions, que par la
société dans laquelle on vit ? Mademoiselle de Clèves ou Julie, qui se marient pour obéir à
leurs parents, seront à jamais déterminées par ce non-choix.
• Un autre thème existentiel phare est celui du bonheur, problématique philosophique
centrale et éternelle. C’est la finalité des finalités. Qu’est-ce qu’être heureux et comment être
heureux sont les questions fondamentales. Les réflexions finales de Mme de Clèves à ce sujet
sont fondamentales et forment presque une dissertation à elles seules.
Conclusion
En guise de conclusion, on peut prolonger le questionnement sur la vérité psychologique du
roman en utilisant les analyses de Julien Gracq dans En lisant en écrivant : « L'accroissement
du pouvoir séparateur de l'œil interne, de Mme de La Fayette à Stendhal et de Stendhal à
Proust, est sans doute l'indice le plus clair du progrès du "roman psychologique". Mais progrès,
si progrès il y a, non dans le sens d'une "vérité" serrée de plus en plus près : plutôt dans celui
de la libération d'une féerie intime, plus subtile, plus riche, dont l'auteur se donne le spectacle
sur la scène intérieure, et dont son art étend la jouissance à son lecteur sans enrichir sa
connaissance. La psychologie dans la fiction est création pure, doublée d'un pouvoir de
suggestion active ».

➢ 2. Commentaire (page 284)


Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761), VI, 8 (texte 9, p. 250)
Introduction
• La Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire où l’on suit la correspondance amoureuse entre
Julie et Saint Preux. Mais la vie et la société a séparé les deux amants. Devenue Madame de
Volmart, Julie est désormais une épouse et une mère de famille comblées. En retrouvant son
amour de jeunesse, après quatre années de séparation, elle se rend compte de son
insatisfaction profonde et des contradictions de sa vie.
• Il s’agit d’un extrait d’une très longue lettre écrite peu avant la mort de Julie, c’est pourquoi
dans une note, Rousseau parle du « chant du cygne ».

18 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

1. Un lyrisme inquiet
• Si le texte commence sur le mode impersonnel et parle de l’homme en général, à l’aide de
l’indéfini « on », à partir du troisième paragraphe, il prend une tonalité clairement lyrique,
avec la domination du « je ».
• Les exclamatives et les interrogatives sont nombreuses et manifestent à la fois les doutes et
les émotions du personnage.
• La sensibilité de Julie apparaît également à travers le champ lexical des sentiments et des
émotions. Le verbe « sentir » est le verbe clé (« je le sens vide et gonflé »). C’est donc une
sensibilité exacerbée qu’ausculte Rousseau.
2. Un aveu intime
• On entre dans l’intimité émotionnelle d’une femme qui exprime ses souffrances. Elle ose
parler de l’échec de son mariage.
• En ce sens, le texte est un aveu dans lequel Julie rend compte de ses contradictions
profondes, notamment en tant que femme. Comment être mère, fille et femme ? Du point de
vue d’une certaine norme sociale et morale, Julie est une femme comblée, pleine « de
contentement » et pourtant pas « contente ». L’antithèse et l’isolexisme (ou polyptote)
soulignent la contradiction et le paradoxe.
• Elle exprime un dégoût du réel, motif mélancolique du taedium uitae, une « langueur », un
sentiment d’étrangeté (cette peine est bizarre).
3. Une certaine idée du bonheur
• Le texte prend in fine une tournure philosophique. Les trois premiers paragraphes sont très
pascaliens car s’y exprime la puissance de l’illusion et de l’imagination, « le pays des
chimères », marquée par la spirale du désir.
• Une opposition entre le vide et le plein vient concrétiser cette problématique du désir et de
la satisfaction, du manque et du comble : charme / tourments ; perdre / posséder ; obtenir /
espérer ; ici-bas / ailleurs ; trouver / chercher ; sécheresse et langueur / renaître, ranimer.
• Contrairement à l’éthique du XVIIe siècle, les passions ne sont donc pas condamnées. La vie
sans passion, même heureuse, est une vie sans saveur, d’où le constat ans appel que fait Julie
« le bonheur m’ennuie ». La raison n’est pas la seule solution au bonheur. Le désir est présenté
comme une énergie incontournable.
• La contradiction entre l’insatisfaction corrélée au désir et le désintérêt du comble est résolue
par Rousseau par la quête d’un absolu, appelé « l’Être immense ».

➢ 3. Sujet d’oral (page 284)


◼ Explication d’un passage : La Princesse de Clèves, page 103-104, l. 782 à 813.
• Lignes 759-781. La mise en place des circonstances de l’épisode : l’impossible intimité.
Mise en place d’un cadre à la fois intime, mondain et précieux. On est dans la chambre de la
princesse, mais la Dauphine, sa suite, Nemours et un peintre sont présents. Ce lieu clos va
devenir un lieu piège pour la princesse. C’est un lieu où le langage du corps va jouer
pleinement. La princesse, selon le code précieux est « si belle ce jour-là » qu’elle excite le désir

19 • Hatier © 2019
Classiques & Cie lycée • La Princesse de Clèves • guide pédagogique

incontrôlé de Nemours ; ce désir à défaut d’être physique passe par le portrait qui devient un
objet érotique dans un ordre fétichiste.
• Lignes 782-792. L’action en elle-même : le vol du portrait.
Mme de Lafayette dispose ses personnages comme au théâtre. On dirait presque du théâtre
de boulevard avant l’heure.
Le regard est fondamental dans cette scène, comme fenêtre sur l’âme et comme échange
amoureux.
• Lignes 793-805. Réflexions et réactions de deux protagonistes : l’audace de Nemours, la
défaite de la princesse.
Mise en scène du trouble et du combat intérieur de la princesse, qui sous couvert du laisser-
faire et du souci de la bienséance, pour ne pas causer d’esclandre, se retrouve complètement
dégradée par sa passion. On assiste à une défaite morale. Ce lieu intime et public à la fois sert
à la princesse d’excuse sociale. Elle n’a pas pleinement conscience que ce qui vient de se
passer est un véritable plaisir pour elle, le plaisir de se savoir aimée par le plus bel homme de
la cour. Cette absence de lucidité est marquée par l’euphémisme « elle fut bien aise », en fait
elle est très heureuse.
Quant à Nemours, il retrouve son assurance de séducteur et d’homme expérimenté puisqu’il
contraint la princesse à lui accorder une faveur malgré elle. Il se sert pleinement des impératifs
des convenances sociales pour imposer son amour à la princesse. Mais à la fin, il fuit. Cette
couardise finale est bien peu reluisante pour le personnage.

◼ GRAMMAIRE. « qui étaient encore attaché sur lui » (l. 791) : quel est l’antécédent du
pronom relatif « qui » dans cette proposition et quelle est la fonction de ce pronom ?
L’antécédent est « les yeux » et non le nom qui est juste devant le pronom. La fonction de
« qui » est sujet de la proposition relative.

20 • Hatier © 2019

Vous aimerez peut-être aussi