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13 ans auparavant sont parues les Maximes (titre intégral : Réflexions ou sentences et maximes
morales, 1665) du duc de La Rochefoucauld. Il s’agit d’un recueil de courtes sentences morales
dénonçant la fausseté, la superficialité des vertus humaines qui ne sont pour l’auteur qu’un masque
de l’amour-propre ou de l’intérêt. Rapprochement avec la Princesse : 1) pessimisme, notamment
pessimisme anthropologique ; 2) il s’agit dans les deux cas d’œuvres écrites par de grands
personnages dans un contexte ludique et social ; 3) La Rochefoucauld est depuis 1665 l’ami
inséparable de Mme de Lafayette, sûrement un de ces inspirateurs et de ses conseillers, et il a même
parfois été considéré comme le co-auteur du livre : « M. de la Rochefoucauld et Mme de Lafayette
ont fait un roman des galanteries de la cour d’Henri second, qu’on dit être admirablement bien écrit.
Ils ne sont pas en âge de faire autre chose ensemble. » (Mlle de Scudéry)
Presque trente ans auparavant ont parus les dix volumes d’Artamène ou le Grand Cyrus des
Scudéry, Georges et Madeleine (1649-1654) : il s’agit là du modèle du roman-sentimental fleuve
dont La Princesse de Clèves va prendre le contre-pied (→ concision, sécheresse du style, fin
malheureuse). Mais l’univers mental de la galanterie imprègne le roman : idéal de courtoisie et
d’élégance dans les paroles et les manières, refus de l’amour-passion au profit d’un amour tendre
maîtrisé, socialisé et désincarné, le goût des jeux amoureux mondains, la méfiance envers l’amour
physique, la vision désenchantée du mariage.
c) Sur le plan personnel
Mme de Lafayette, née en 1634 a quarante-quatre ans. Sa situation mondaine est brillante : elle a
l’oreille d’un des principaux ministres de Louis XIV, Louvois, elle a du crédit à la cour et elle est
une des principales agents d’influences de Mme Royale, régente du duché de Savoie. Elle est
réputée pour son intelligence, ses qualités mondaines et sa science des affaires (elle a largement
contribué à restaurer les finances de la famille de son mari : elle est extrêmement riche). Elle est,
depuis 13 ans, l’amie inséparable du célèbre duc de La Rochefoucauld, elle est entourée aussi bien
par les grands noms que par les intellectuels et est alliée à la puissante famille princières des Condé.
Sa situation personnelle est plus difficile : elle vit séparée de son mari dont elle ne s’est jamais
sentie vraiment proche et sa santé, depuis ses vingt ans, est extrêmement mauvaise et le sera jusqu’à
sa mort.
→ Deux aspects indissociables de sa personnalité : séduisante, brillante, drôle, active, influente,
efficace / déçue, dépressive, neurasthénique, constamment alitée.
c) L’écriture en commun
Oui, Mme de Lafayette a bien écrit la Princesse, mais elle ne l’a pas écrit toute seule. Comme LR
pour ses Maximes, l’écriture naît dans un contexte social : l’écriture est d’abord un jeu partagé. Par
ailleurs, Mme de Lafayette soumettait ses écrits à ses amis pour correction (de style et d’intrigue) :
Huet, Segrais et sûrement également LR ont donc participé à la mise en forme définitive du roman.
a) Des mémoires ?
« Il n'y a rien de romanesque, ni de grimpé ; aussi n'est-ce pas un roman, c'est proprement des
mémoires et c'était, à ce que l'on m'a dit, le titre du livre, mais on l'a changé. » Mme de Lafayette à
Lescheraine, secrétaire de Mme Royale, en 1678)
→ cadre historique longuement décrit dans l’incipit, présence de personnages réels (presque tous en
dehors du prince de Clèves et de Mlle de Chartres, la princesse).
→ sobriété du style, dépassionné, à la façon d’un historien.
b) Une nouvelle ?
Genre nouveau qui naît à cette époque et qui se distingue du roman traditionnel (galant ou héroïque)
par sa brièveté et un souci nouveau de vraisemblance. Segrais est un représentant de ses nouveaux
nouvellistes.
Cf. Pierre-Daniel Huet, Traité de l’origine des romans (1670), préface de Zayde.
→ Mme de Lafayette opère la synthèse de ces trois genres (en plus de la tragédie racinienne et du
roman galant) pour fonder un type de récit nouveau, celui du roman d’analyse à la française.