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Explication linéaire de l’arrivée de Mlle de Chartres à la Cour : le portrait de l’héroïne

Introduction

[Présenter le contexte] Le XVIIe siècle fait de la littérature l'espace privilégié d'une réflexion
sur les valeurs et les comportements. Les œuvres littéraires se doivent d'édifier leurs
lecteurs.

[Situer le texte] La publication de La Princesse de Clèves fait date dans l'histoire littéraire :
cette œuvre est considérée comme le premier roman d'analyse psychologique. Au
croisement de l'esthétique classique et du courant de la préciosité, le récit y met en scène
une jeune femme vertueuse confrontée aux tourments de la passion amoureuse. À la
présentation de la cour d'Henri II qui sert de décor au roman succèdent plusieurs portraits,
dont celui de l'héroïne.

[En dégager l'enjeu] Dans l'extrait, le portrait physique et moral de Mademoiselle de


Chartres est l'occasion pour l'autrice de mettre en place les principaux enjeux moraux de
son roman.

Une apparition (l. 1-4)

L'entrée à la cour, où la jeune fille doit être présentée, est une scène théâtralisée marquée
par le jeu des regards qui convergent sur la nouvelle venue (elle « attir[e] les yeux de tout
le monde ») : son entrée semble une apparition qui crée surprise et « admiration ».

Le portrait est évasif : seule la « beauté » de la Princesse de Chartres (qui n'est même pas
nommée) est mentionnée au début. L'emploi de la tournure impersonnelle « il parut » ainsi
que des articles indéfinis (« une beauté parfaite ») accentuent ce caractère. La métonymie1
« une beauté » souligne la perfection physique de l'héroïne, qui semble surpasser les «
belles personnes » qui fréquentent habituellement la cour.

Loin de la cour (l. 4-9)

Le portrait est vite suspendu au profit d'informations sur la « maison » de l'héroïne. À sa


grande beauté s'ajoute son statut social : elle est « une des plus grandes héritières de
France ». Le superlatif marque l'appartenance de la jeune femme à une haute noblesse.

Après un bref portrait de Madame de Chartres, la mère de l'héroïne, caractérisée par ses
qualités morales hors du commun, l'extrait s'attache ensuite à l'éducation qu'elle a
prodiguée à sa fille. La mère de la Princesse s'est ainsi retirée de la cour « plusieurs années
» pour éduquer elle-même sa fille au lieu de la confier à un couvent ou des précepteurs, à
rebours des usages de son époque. Le soin apporté à cette éducation transparaît dans le
lexique employé : « ses soins », « elle travailla », « elle songea aussi ». Les imparfaits à
valeur d'habitude (« elle faisait », « elle lui montrait », etc.) montrent que cette éducation
passe par de fréquents entretiens.

Une éducation hors du commun (l. 9-26)

L'éducation reçue par la princesse vise à « cultiver son esprit et sa beauté », autrement dit
à développer les qualités qui lui permettront de tenir son rang à la cour, mais « pas
seulement », puisque sa mère s'efforce de « lui donner de la vertu ».

1
La métonymie est une figure de style par laquelle on désigne un objet ou un concept en utilisant un terme qui y est associé par un
rapport logique (d'inclusion par exemple).
L'éducation à la vertu de l'héroïne semble porter en premier lieu sur les dangers de la
passion amoureuse. Madame de la Fayette s'inscrit dans une réflexion bien de son temps
sur l'éducation des jeunes filles. Elle critique implicitement l'éducation que « la plupart des
mères » donne généralement aux jeunes filles, qui les laisse ignorantes des dangers de la
« galanterie » et de la séduction. L'emploi du présent de vérité générale (« où plongent », «
ce qui seul peut faire ») signale l'adhésion de Madame de La Fayette au programme éducatif
de son personnage.

Ce passage introduit la réflexion morale sur l'amour qui est au centre du roman. L'amour
apparaît comme incompatible avec la vertu, à moins de s'accomplir dans le mariage. « Les
engagements », c'est-à-dire les relations amoureuses hors mariage sont associées aux «
tromperies » des hommes et

aux « malheurs domestiques » : les femmes ont tout à y perdre selon Madame de Chartres.
L'amour est ainsi mis du côté du danger et du « malheur », tandis que la vertu est associée
à la « tranquillité » et à « l'élévation ».

Une héroïne idéalisée (l. 27-36)

La fin de l'extrait se recentre sur Mademoiselle de Chartres.

Il y est question des « mariages » qu'on lui a déjà proposés. L'exigence de sa mère, qualifiée
d'« extrêmement glorieuse », vient renforcer le portrait flatteur de la jeune fille, « un des plus
grands partis qu'il y eût en France ».

C'est seulement à cet endroit que le lecteur apprend l'âge de la jeune fille (« dans sa
seizième année »), et que le personnage est finalement nommé.

L'arrivée de la jeune fille à la cour conduit à la rencontre avec le « vidame de Chartres »,


personnage haut placé, et déjà mentionné au début du texte. C'est à travers son regard que
le portrait physique de la jeune femme est complété. L'héroïne se distingue par une
perfection que signalent les hyperboles (« un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ») et les
pluriels (« tous ces traits », « charmes »). Le portrait reste abstrait : il insiste davantage sur
la « grâce » de la jeune fille et la surprise que sa beauté suscite que sur le détail de ses «
traits ». Cela permet au lecteur de se constituer une image idéalisée du personnage.

Conclusion

[Faire le bilan de l'explication] L'entrée en scène du personnage principal dans le roman


coïncide avec son arrivée à la cour, qui sera le décor de ses mésaventures. Le lecteur
découvre une héroïne idéale, dont l'éducation hors du commun sera cependant mise à
l'épreuve par l'expérience de la passion amoureuse. Ce portrait initial de l'héroïne introduit
les principaux enjeux du roman, tant au niveau de l'intrigue que de la réflexion morale. En
outre, la future Princesse de Clèves est d'emblée présentée comme une femme sur laquelle
pèsent le regard à la fois admiratif et envieux de la Cour royale et le souvenir d'une mère
vertueuse. Les principaux obstacles à la passion amoureuse sont ainsi installés dès
l'apparition du personnage.

[Mettre l'extrait en perspective] La vision de l'amour et de la vertu qui y transparaît situe le


roman et son autrice dans une morale janséniste, caractérisée par la rigueur et le
pessimisme.

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