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On a des verbes qui connotent l’effort : « Travailla » ; « cultiver » ; « donner ».

Le programme éducatif
semble complet d’où la structure de phrase : « ne… pas…seulement……aussi…et ».L’idée de
restriction est dépassée par l’adverbe « aussi »et par la conjonction de coordination « et ». Elle
l’éduque pour qu’elle plaise en société : « cultiver son esprit et sa beauté » mais elle l’éduque aussi
pour lutter contre les tentations ; elle lui inculque des valeurs morales d’où le mot « vertu ». On peut
se demander si cela ne sera pas un héritage empoisonné. Il y a l’idée, dans ce programme éducatif,
d’un endoctrinement : « à la lui rendre (la vertu) aimable ».

 C’est Mme de Lafayette qui parle à partir de la ligne 8 : « La plupart des mères
s’imaginent…. » et qui critique l’éducation traditionnelle des filles basée sur l’évitement, les
tabous dont l’amour, la galanterie. Elle porte un jugement au présent de vérité générale. Elle
souligne ce qui paraît contre-productif : cacher la vérité pour éviter les écarts de conduite et,
à travers Mme de Chartres, l’écrivaine va proposer un contre-modèle : « Mme de Chartres
avait une opinion opposée ». Grâce à l’imparfait d’habitude, elle va revenir sur le programme
éducatif original de Mme de Chartres : « Elle faisait souvent…Elle lui montrait…Elle lui
apprenait…lui contait…faisait voir ». Elle se base donc sur des exemples concrets ou sur des
peintures de l’amour à valeur d’exemple. C’est aussi une éducation basée sur le
dialogue : « contait…persuader ».
 Toutefois, Mme de Chartres transmet à sa fille une vision pessimiste de l’amour. Elle utilise
pour ce faire la concession : « elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus
aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ». A noter les termes antithétiques
« agréable »/ »dangereux ». Alors que les plaisirs de l’amour sont évoqués rapidement, les
souffrances inhérentes à la passion sont détaillées. La litote « peu de sincérité des hommes »
et les termes explicites « tromperie », « infidélité », « malheurs domestiques » forme une
accumulation de termes négatifs qui vouent la jeune fille à la perte : « Où plongent les
engagements ».
 Elle oppose l’amour et la vertu. L’exclamative indirecte « Elle lui faisait voir aussi combien la
vertu donnait d’éclat ». Amour et vertu sont présentés comme des forces antithétiques ne
pouvant être conciliées que dans l’amour conjugal : « qui seul peut faire le bonheur d’une
femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée ».
 Les difficultés évoquées « conserver cette vertu », avoir une « extrême défiance envers soi-
même seront celles que Mme de Clèves rencontrera. Cette éducation rappelle celle des
jansénistes dans laquelle Mme de Lafayette se reconnaît.

Conclusion : Ce passage crée un horizon d’attente chez le lecteur. Mlle de Chartes, jeune femme
d’exception, a été élevée dans le culte de la vertu et de la sincérité. Son entrée à la Cour d’Henri II,
dominée par les intrigues amoureuses et les mensonges, les manœuvres et l’hypocrisie, constituera
une mise à l’épreuve. C’est pourquoi ce portrait de Mlle de Chartres qui s’efface derrière celui de sa
mère induit un questionnement :L’héroïne résistera-t-elle à toutes les formes de tentation ? Sera-t-
elle protégée ou entravée par cette éducation ? Est-elle un pur « produit » de la société dans laquelle
elle évolue ? Peut-elle s’individuer et si oui dans quelle mesure. Bien d’autres romans présentent des
héroïnes qui, du fait de leur éducation, de leur milieu, ont du mal à trouver leur place. Thérèse Raqui
dans l’œuvre éponyme de Zola qui se sent redevable parce que recueillie et élevée par sa tante,
acceptera de soigner son cousin puis de l’épouser. La rencontre avec celui qui deviendra son amant,
Laurent, révèlera sa vraie nature mais, loin de la libérer, l’enfermera et causera sa perte.

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