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Laclos 

: Liaisons dangereuses, lettre 81.

Introduction :

La société de la fin du XVIIIe siècle est traversée par l’avènement d’idées nouvelles annoncées par les
philosophes des Lumières, mais opposées à l’Ancien régime en crise. Choderlos de Laclos écrit Les
Liaisons dangereuses en 1782. Il s’agit d’un roman épistolaire sans voix narrative. L’intrigue est
conduite par deux libertins, la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, qui utilisent leur
connaissance d’une société qu’ils jugent hypocrite, et conformiste. Ils manipulent leurs victimes et se
lancent des défis. Le jeu de la séduction se transforme au fil des lettres en duel sans pitié. Madame
de Merteuil, dans cette lettre 81 adressée au vicomte de Valmont, réagit vivement aux critiques de
celui-ci, qui l’a mise en garde contre les dangers d’une liaison avec un autre libertin. Elle va prouver
au Vicomte qu’elle est supérieure à toutes les autres femmes dans ce texte argumentatif et explicatif.

Problématique : En quoi Madame de Merteuil est-elle une libertine qui se distingue des autres
femmes ?

Annonce de plan

Si Mme de Merteuil se distingue des autres femmes (l. 3 à l. 7), c’est qu’elle s’est formée elle-même
à la dissimulation (l. 8 à l. 23). Elle est ainsi devenue une femme dont les talents égalent ceux des
hommes (l. 24 à l. 26)

Mouvement 1 : Merteuil, une femme différente.

1. Le mépris

Tout d’abord, la marquise affirme sa différence avec les autres femmes. Son mépris pour les femmes
est marqué au travers de l’emploi péjoratif des déterminants « ces » ligne 1 et « autres » ligne 3 et
également par deux questions rhétoriques aux lignes 1 et 2.

Ces éléments confèrent à la lettre un caractère oratoire : le vicomte, dont la prise en compte est
concrétisée par le pronom « vous » et au-delà de ce destinataire, le lecteur,(double énonciation) vont
entendre le discours que Madame de Merteuil fait sur la différence entre elle et les autres femmes.

2. Elle est autonome alors que les autres agissent par conformisme.

La suite du paragraphe donne à voir le portrait qu’elle fait d’elle même. Elle évoque son mode de vie
intransigeant, comme le montre le CL de la loi : elle s’impose par choix et de façon autonome des «
règles » et des « principes », comme le montre l’emploi de la première personne, « je suis mon
ouvrage », « je les ai créés ». Présent de vérité générale : Merteuil se pose en philosophe, dont
l’identité est définie par ce qu’elle fait : « je suis mon ouvrage »

D’autre part, cette morale personnelle a été créée grâce à son intelligence comme le souligne
l’expression « le fruit de mes profondes réflexions ».

3. Elle est active alors que les autres femmes sont passives.

Madame de Merteuil brosse le portrait des autres femmes dont la passivité est soulignée, elles
suivent les principes « reçus » et non pas « créés » comme elle, elles les suivent « sans examen »,
façon de faire qui s’oppose à la « profonde réflexion » de la Marquise. Registre didactique et
polémique, raisonnement par opposition. Antithèse et parallélisme de construction ternaire: « car
ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis
par habitude »
Conclusion partielle : Dès le début du texte le personnage central de Les Liaisons Dangereuses
apparaît comme une femme intelligente et maître de son destin en opposition avec les modèles
féminins présents dans la société de l’époque. Libertine. Après avoir exposé ce qu’elle est, elle
déroule son histoire pour dire comment elle s’est formée par elle-même.

Mouvement 2 : l’art de la dissimulation.

1. Les filles sont éduquées à la passivité.

La condition des femmes et des jeunes filles à cette époque et dans ce milieu, dans cette société de
la fin du XVIIIᵉ siècle est décrite par opposition : Cette condition est désignée par les termes « fille »
et « état ». La passivité de la condition de jeune fille est soulignée, par la voix passive : « j’étais
vouée ».

Cette passivité s’observe également dans la tournure grammaticale des propositions suivantes dans
lesquelles Madame de Merteuil est complément des verbes croire dans « on me croyait », tenir dans
« on s’empressait de me tenir » et cacher dans « on cherchait à me cacher. ».

De plus, l’emploi du pronom personnel indéfini « on » montre que de nombreuses personnes ont
cherché à influencer Madame de Merteuil. Ainsi, le lecteur peut comprendre que c’est une norme
dans cette société que d’éduquer les filles en leur imposant des principes, « les discours qu’on
s’empressait de me tenir » et en les contraignant, dès le plus jeune âge, à un mode de vie dans lequel
la volonté est anéantie par le « silence » imposé et « l’inaction »

2. Merteuil s’est éduquée elle-même à la dissimulation, telle une comédienne.

Dans ce discours explicatif et argumentatif, en opposition à cet esclavage des femmes, comme le
montre le connecteur « tandis que », la Marquise de Merteuil rend compte de son intelligence au
travers de termes désignant l’activité intellectuelle tels que « observer et réfléchir », « recueillais
avec soin » « utile curiosité » « apprit » « instruire ».

Son intelligence va consister à apprendre à dissimuler tous ses états d’âmes, dans un véritable
programme d’entraînement de comédienne : « Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à
prendre l’air de la sérénité, même celui de la joie » « j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des
douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l’expression du plaisir. »

Le CL de la dissimulation oppose ainsi, de façon répétée, l’apparence trompeuse et la vérité cachée


des sentiments : « dissimuler », « cacher, « prendre l’air de » et « réprimer ».(cf film « Valmont », de
Milos Forman)

3. Une volonté exceptionnelle

Sa capacité à dissimuler est obtenue par une volonté inflexible au prix d’importants efforts qui lui
permettent de modeler son apparence comme le montrent tous les verbes de volonté et d’efforts
tels que « obtenir », « tâcher de », « j’ai porté le zèle » et le verbe « je me suis travaillé ».

Ces traits de personnalité conduisent ce personnage à mentir et à tromper, ce qui est à l’époque
aussi moralement condamnable. Cependant, le personnage est fier de sa qualité puisqu’elle la
qualifie de « puissance » et qu’elle explique à deux reprises au Vicomte qu’elle l’a manipulé lui aussi,
« que depuis vous avez loué si souvent. » et « dont je vous ai vu quelquefois si étonné. » Effet
oratoire pour impressionner Valmont mais aussi le lecteur.
Conclusion partielle à rédiger.

Mouvement 3 Merteuil, égale des hommes.

D’une part, Madame de Merteuil se compare aux « politiques » qui sont des hommes experts en
dissimulation et en mensonge. Elle se met donc en valeur en soulignant qu’elle est leur égal, voire
qu’elle leur est supérieure, car la femme plus âgée et plus expérimentée qu’elle est devenue est
également plus puissante. On peut également déceler une critique polémique des hommes
politiques qui usent du mensonge pour parvenir à leur fin à cette époque. « Je possédais déjà les
talents auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent leur réputation »

Antithèse : la fragilité apparente de cette jeune fille est mise en relief par la négation hyperbolique
« je n’avais pas quinze ans » et par les expressions « bien jeune », « sans intérêt », « je n’avais à moi
que ma pensée », « ne plus me laisser pénétrer » qui s’opposent à la puissante assurance qu’elle
possède en réalité comme le souligne l’expression « sûre de mes gestes ». C’est précisément parce
qu’elle est une femme que Merteuil parvient à ce niveau exceptionnel de puissance : avertissement
implicite à Valmont, et revendication féministe.

D’autre part, Merteuil apparaît comme un personnage qui domine les autres en les manipulant
comme le montre la métaphore guerrière « munie de mes premières armes ».

Enfin, elle met en valeur son pouvoir intellectuel de philosophe, au moment de l’écriture de la lettre,
au travers de la proposition coordonnée « et je ne me trouvais encore qu’aux premiers éléments de
la science que je voulais acquérir. » Mais Laclos met en exergue, implicitement, l’immoralité de cette
« science » diabolique dont Merteuil se fait un orgueil. Eloge ambigu du personnage.

Conclusion

Bilan  : Le personnage de la Marquise de Merteuil ne correspond pas aux représentations


traditionnelles des personnages féminins de cette époque car elle fait l’apologie immorale du
mensonge et de la dissimulation, elle insiste sur le rôle important que jouent l’intelligence et
l’autonomie dans l’éducation d’une femme, elle se présente comme un personnage insoumis, libertin
et tout-puissant qui se libère des contraintes sociales exercées sur les femmes.

Ouverture  : Cet extrait, qui met en scène le personnage de la Marquise de Merteuil, appartient bien
à la thématique de la marginalité. Le personnage de Mme de Merteuil s’inscrit dans la lignée des
femmes libertines du 18ème siècle comme Manon Lescaut.

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