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Pierre Choderlos de LACLOS, Les Liaisons dangereuses, 

Lettre 81 (extrait), 1782.

Commentaire linéaire pour l’épreuve orale

Le libertinage connu au XVIIIe s. est un mode de vie caractérisé par la liberté de penser et d’agir, rejetant
les règles de la morale et ne cherchant que le plaisir des sens. Le libertin est hypocrite et se sert de
l’amour pour assurer le triomphe de sa fantaisie. / Ce texte est extrait de la lettre 81 des Liaisons
dangereuses, un roman épistolaire écrit en 1782 par Pierre Choderlos de LACLOS, et racontant les
manipulations de deux anciens amants, le Vicomte de Valmont et la Marquise de Merteuil. / Dans cet
extrait, la Marquise raconte au Vicomte son parcours qui a fait d’elle une libertine. / En quoi Mme de
Merteuil est-elle une femme particulière? /Ce texte est divisé en 3 mouvements, de la ligne 1 à 12: une
véritable science de l’hypocrisie, de la ligne 13 à 18: une éducation particulière et de la ligne 19 à 25: une
libertine en devenir.

1er mvmt:
Dans le premier mouvement, Mme de Merteuil présente le libertinage comme une science de
l’hypocrisie. Elle commence par rendre hommage à sa propre personne et à son caractère unique par le
moyen des pronoms et déterminants de la première personne du singulier ”je” “ma” “me” “mes”
« moi ». De plus, elle souligne sa précocité par le moyen de détails relatifs à son âge "j'étais bien jeune
encore” (l.1), “je n’avais pas 15 ans” (l.10) qui rendent son parcours exceptionnel. Cette idée est appuyée
par le vocabulaire mélioratif "sûre de mes gestes” (l.4), “qui m'a rarement trompée" (l.9), “je possédais
déjà les talents” (l.10).
Par ailleurs, en se comparant aux politiques grâce à la comparaison à la ligne 10 “auxquels la plus grande
partie de nos politiques doivent leur réputation", elle met l’accent sur sa révolte et son désir de se
venger d’une société qui l’a réduite à une condition inférieure grâce au verbe “m’indignais” (l.2) et
l’expression “sans intérêt” (l.1). La métaphore guerrière à la ligne 3 “Munie de ces premières armes” et
le déterminant numéral “première" sont la preuve de sa capacité de rivaliser avec les hommes, voire de
les dépasser. Cette éducation assurée aux femmes de l'époque est rejetée par la marquise qui veut
protéger sa pensée. Cela apparaît par l’emploi  du connecteur d’opposition “mais” (l.1) et des deux GN
“ma pensée” (l.1) “ma volonté"(l.2).
Elle choisit alors une méthode d'apprentissage en plusieurs étapes: d’abord elle commence par une
observation intelligente "j'observais mes discours” (l.4), "avait fixé mon attention"(l.7). Ensuite, elle se
rend maîtresse de ses réactions par l’emploi de la négation restrictive “je ne montrai plus que celle qu'il
m'était utile de laisser voir” (l.6). Par la suite, elle perfectionne son hypocrisie “je m’amusais à me
montrer sous des formes différentes"(l.3), “je réglais les uns et les autres suivant les circonstances, ou
suivant mes fantaisies"(l.5). Ce champ lexical du plaisir est suivi de celui du succès par le moyen du verbe
“gagnai” (l.8), ce qui confirme l'efficacité de sa méthode.

2eme mvmt:
Dans le deuxième mouvement, la marquise fait preuve d’orgueil et d’égocentrisme et affirme son
caractère unique. Les deux négations “n’ayant jamais été au couvent” (l.14), "n'ayant point de bonne
amie” (l.14), montrent qu’elle n’a pas eu le même vécu que les autres filles de son âge, comme si elle
était destinée à être différente. La surveillance et l'éducation stricte suggérées par le GN “une mère
vigilante"(l.16) lui apprennent à ne compter que sur elle-même.
Toutefois, l’ignorance de la jeune fille soulignée par les négations “je n’avais que des idées vagues”, “je
ne pouvais fixer”, “ne me donnait encore aucun indice” (l.16-17), ne constitue pas d’obstacle à son
caractère porté naturellement vers le désir amoureux, comme le montre le champ lexical du désir
“deviner l’amour et ses plaisirs” (l.14) “jouir”(l.19) “ désir de m'instruire"(l.19). L’expression à l’imparfait
de longue durée “ma tête seule fermentait”(l.18) met l 'accent sur le travail effectué par la marquise sur
elle-même. 
 
3eme mvmt:
Dans le 3e mouvement, la marquise use d’un stratagème avec son confesseur désigné ironiquement par
l’expression “le bon Père" (l.24). Elle fait allusion à l'acte sexuel en avouant par un euphémisme “avoir
fait tout ce que font les femmes” (l.22). Cependant, les deux verbes à l'infinitif “me compromettre” (l.20)
et “me trahir"(l.24) prouvent que la jeune fille est hypocrite et qu’elle comprend très tôt qu’il ne faut pas
se laisser juger par la société. Il convient donc de faire semblant de respecter la morale, ce qui justifie
son recours au prêtre tenu de garder sa confession secrète. La réaction du confesseur lui confirme que
l'idée de l’amour charnel est inséparable du péché, ce qui est montré par l'antithèse “le mal si grand” v/s
“le plaisir extrême"(l.25) ainsi que par le superlatif “si grand”. La marquise passe de la théorie à la
pratique, de l'abstrait au concret et cela apparaît à travers deux verbes à l'infinitif “connaitre” v/s
"goûter"(l.25). Elle veut donc expérimenter l’amour non seulement pour satisfaire sa curiosité mais aussi
pour braver les interdits et affirmer son identité de libertine.

En définitive, cette lettre brosse le profil d’un personnage libertin dans tous les sens du terme: Mme de
Merteuil est l’archétype de la libertine qui ne respecte pas les règles de la morale. Au-delà du simple
portrait de l’héroïne du roman, il s’agit d’une peinture des mœurs du XVIIIe s. et de l’éducation des
femmes. Nous pouvons rapprocher le personnage de la marquise de celui de la Princesse de Clèves dans
le rapport qu’entretiennent les deux femmes avec la société et les règles morales qu’elle leur impose.

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