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LA FILLE

Livre VII, fable IV, de Jean de La Fontaine (1621-1695)

            Certaine Fille, un peu trop fière 


            Prétendait trouver un mari 
   Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière,
   Point froid et point jaloux; notez ces deux points-ci. 
            Cette Fille voulait aussi 
            Qu'il eût du bien, de la naissance, 
   De l'esprit, enfin tout; mais qui peut tout avoir? 
   Le destin se montra soigneux de la pourvoir (1): 
            Il vint des partis d'importance.  
   La Belle les trouva trop chétifs (2) de moitié: 
   Quoi moi? quoi ces gens-là? l'on radote, je pense. 
   A moi les proposer! hélas ils font pitié. 
            Voyez un peu la belle espèce! 
   L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse; 
   L'autre avait le nez fait de cette façon-là; 
            C'était ceci, c'était cela, 
            C'était tout; car les précieuses 
            Font dessus tout (3) les dédaigneuses. 
   Après les bons partis les médiocres (4) gens 
            Vinrent se mettre sur les rangs. 
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   Elle de se moquer.  Ah vraiment, je suis bonne 


   De leur ouvrir la porte: ils pensent que je suis 
            Fort en peine de ma personne. 
            Grâce à Dieu je passe les nuits 
            Sans chagrin, quoique en solitude. 
   La Belle se sut gré de tous ces sentiments. 
   L'âge la fit déchoir; adieu tous les amants (5). 
   Un an se passe et deux avec inquiétude. 
   Le chagrin (6) vient ensuite: elle sent chaque jour 
   Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour; 
            Puis ses traits choquer et déplaire; 
   Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire 
   Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron: 
            Les ruines d'une maison 
   Se peuvent réparer: que n'est cet avantage 
            Pour les ruines du visage! 
   Sa préciosité changea lors de langage. 
   Son miroir lui disait: Prenez vite un mari. 
   Je ne sais quel désir le lui disait aussi; 
   Le désir peut loger chez une précieuse. 
   Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru, 
   Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse 
           De rencontrer un malotru (7).

(1) de l'établir par un mariage...


(2) vils, méprisables
(3) surtout, par dessus tout
(4) qui sont de condition sociale moyenne
(5) ceux qui ont déclaré leurs sentiments amoureux, à la différence du sens
actuel
(6) humeur maussade
(7) terme populaire qui se dit des gens en mauvaise santé, mal bâtis.

Source: http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/heron.htm
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Jean de La Fontaine (1621-1695)

La fille - Livre VII fable IV de Jean de La Fontaine

Les Fables choisies mises en vers furent publiées à Paris de 1668 à 1693. La
fable intitulée « La fille » est extraite du Livre VII, dans lequel elle figure en
quatrième position (variable selon les éditions). Elle met en scène une précieuse
trop vaniteuse, épousant à la fin de sa vie un malotru. Cette pièce a
probablement été inspirée du poète latin Martial (V, 17.)

Il s’agit de la seconde partie de cette fable jumelle : “Le Héron”. La moralité


commune à ces deux versions, l’une animale, l’autre humaine, termine la
première fable (Le Héron) et sert de prologue à la seconde (la Fille) :

« Ne soyons pas si difficiles :


Les plus accommodants, ce sont les plus habiles :
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner ;
 Surtout quand vous avez à peu près votre compte. »

Exercice n° 1 :

1. Lisez le sujet de devoir donné par le professeur à ses élèves (en page 4)
2. Lisez le devoir de l’élève de seconde.
3. Dégagez le PLAN sur lequel cet/ cette élève a construit son commentaire :
Introduction – Développement – Conclusion

 Écrivez-le ici :

4. Comment trouvez-vous ce plan ? Que manque-t-il ? Donnez une réponse


écrite ici.
4

Exercice 1

Sujet donné par le prof :

Dans quelle mesure peut-on considérer cette fable comme une caricature pleine
de drôlerie ?  Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les procédés
d'écriture de l'auteur.

Copie d'une élève de classe de Seconde (devoir maison)


 
« Dans quelle mesure peut-on considérer « La fille » de la Fontaine comme une
caricature pleine de drôlerie », telle est la question à laquelle je vais tenter de
répondre dans cet écrit.
Tout d'abord, pour explorer pleinement le sujet, il faut s'intéresser au genre de la
caricature.
Qu'est-ce donc qu'un portrait caricatural ? C'est très simple, il s'agit d'une
représentation – le plus souvent sous forme de peinture ou de dessin - d'un
personnage dont on va exagérer les traits pour les rendre ridicules, grotesques
voire laids.  C'est une forme de critique du sujet humain que l'on compare
souvent à la satire, qui elle, a pour but de se moquer d'une personne ou de la
société. Avec l'intention d'en rire ou plus généralement de porter un jugement,
dissimulé sous une couche d'humour.  
Ces deux termes, caricature et satire sont intimement liés dans la fable
intitulée « La Fille », que nous allons étudier. La Fontaine les mêle I'une et
l'autre, très savamment.
 
Cette fable relève de la caricature dans de multiples sens. 
Ce qui saute aux yeux, dès la première lecture, c'est bien sûr, le fait que le
poète dresse un portrait moral de la fille concernée, comme pourrait le faire un
artiste caricaturiste en observant un visage. La Fontaine prend soin de placer
subtilement chacun des détails de la description dans son écrit, de façon assez
implicite.  
Mais avant tout, remettons-nous dans le contexte. Le scénario se base sur une
histoire assez simple.  En deux mots, l'auteur nous conte les mésaventures
amoureuses d'une belle à marier qui refuse les avances de chacun de ses
prétendants et finit par se retrouver dans les bras de tout ce qu'elle avait fuit,
ceux d'un « malotru ».
La Fontaine prend son temps, il étale une panoplie de détails sur la façon de
penser de sa victime (et de toutes celles qui lui sont similaires).  
D'après lui, cette «précieuse » comme il la nomme, est fort difficile, exigeante et
surtout impossible à contenter : « L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ;
L'autre avait le nez fait de cette façon-là ; C'était ceci, c'était cela ; C'était
tout. »
En plus de se montrer impossible à combler, elle apparaît, si on lit entre les
lignes du conteur, comme une femme naïve. Sa tête est remplie d'idéaux
immatures de petite fille à la recherche d'un prince charmant qui n'existera
jamais que dans ses rêves, puisqu'elle le voudrait « Jeune, bien fait et beau,
d'agréable manière, point froid et point jaloux ».

Mais bien sûr, le fabuliste ne s'arrête pas là : il continue à parfaire la silhouette
psychologique de la jeune femme, en ajoutant à sa toile des défauts qui font
s'envoler ses maigres chances de trouver un bon amant, puisqu'elle est
prétentieuse, hautaine, dédaigneuse, et fière.
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Elle s'égare dans son  égocentrisme, que La Fontaine rend encore plus grand
dans sa réplique : « Quoi ? Moi ! Ces gens-là ? L'on radote je pense. À moi les
proposer ! Hélas, ils font pitié ». Cette phrase, prononcée au discours direct par
la précieuse elle-même, témoigne de la taille surdimensionnée de l'ego de cette
demoiselle.  Ce procédé, plutôt théâtral, aide l'auteur à nous faire passer l'idée
qu'il se fait de la personnalité de la future mariée.
 
On a donc là un portrait caricatural très convaincant de la femme à l'époque de
la Préciosité, qui pourrait d'ailleurs être toujours d'actualité.
Tous ces défauts, ces petits traits, ressortent comme peints en rouge sur une
peinture monochrome.  Et c'est là que la caricature semble réussie. Elle est
d'ailleurs  pleine de drôlerie. Les travers de cette fille sont si présents et si
grossièrement décrits qu'ils rendent le personnage ridicule, sans pour autant lui
faire perdre sa vérité. Ce qui nous donne bien envie de rire !
[...]

Pour conclure, on peut voir dans cette fable une caricature amusante, puisqu'elle
est construite à partir de traits de caractère qui sont poussés à l'extrême. Ce qui
rend le tout grotesque, risible. L'auteur nous montre une image de la femme très
stéréotypée. Et pourtant on pourrait trouver des traits communs avec les
femmes d’aujourd’hui...                      

Copie de B.J.

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