Malheur, Mesdames, malheur, car je suis un célibataire sans toit.

Je n’ai
pas la chance d’avoir l’entière forteresse de l’amour avec un grand A. Celle-ci se
construit à base de liens. D’abord les fondations avec les liens familiaux. Ensuite
des liens amicaux qui édifient la structure. Et enfin l'amour charnel qui pose le toit
sur la forteresse. Quant à la charité, amour pour son prochain, elle orne les murs
transformant la forteresse en un magnifique château. Chaque créature, que ce
soit un homme ou un être hybride réel ou fictif, possède ce palais dans son cœur,
prêt à accueillir le roi nommé Amour. Centre des émotions, le cœur fait vivre
l’esprit, les organes, le corps. Chez l’homme, rien ne serait donc plus grand que
l’amour pour autrui. Cependant, chez quelques individus, le palais est déserté
par son bon roi laissant place aux vices.
J’ai une question à vous poser : Peut-on parler de seulement quelques
individus quand la société elle-même est veuve de son roi et mère du vilain
racisme ? Nous sommes dans l’Antiquité, nous sommes au Moyen-Âge, nous
sommes aux Temps Modernes, époques où l’esclavage battait son plein, mais
nous sommes aussi aujourd’hui où l’esclavage moderne fait rage. Tout cela au
nom de quoi ? De la haine ? … Non tout cela au nom de l’argent, au nom de
l'appât du gain. En même temps, tout est mieux avec de l'argent et tous les
moyens sont bons pour y parvenir. Mesdames, c’est avec cette exacte réflexion
que des créatures pires que homme ont commencé à exploiter, à maltraiter, à
faire du profit sur le dos de qui ? Sur le dos d’êtres innocents, arrachés à leur
pays, arrachés à leur patrie, arrachés à leur monde. Quelle humanité leur
restent-ils lorsqu’ils sont de simples outils, de simples choses ? Aucune, ils ne
sont plus humains, ils ne sont plus.
Une citation de la pièce de théâtre Pseudolus écrite par Plaute résume à
elle seule la situation des esclaves : “Quand on les frappe, on se fait davantage
mal à soi-même”. C’est cet égoïsme qui démontre l'animosité et l’absence totale
de considération pour autrui de la part de certains individus. La société a favorisé
et favorise encore l’apparition de violence, de crime entre hommes. Sentiment
opposé à l’amour, l’égoïsme d’êtres incapables d’aimer est donc responsable des
pires atrocités.

Vous pourriez vous dire : Quelle horrible société ! mais heureusement, il

reste la famille. Certes non. Si l'amour des hommes pour autrui est le sentiment
le plus fort alors l'absence d'amour est capable de vous détruire même au sein
du cocon familial. Je crois que Guy de Maupassant dans sa nouvelle La Mère
aux Monstres met en lumière le parfait comportement à abhorrer… On attend
d’une mère qu’elle aime ses enfants de manière inconditionnelle, en les faisant
passer avant elle grâce à un fort amour filial, appelé storgê. La mère de cette
nouvelle nommée “la Diable” a, pour l'argent, vendu ses enfants monstres. En
effet, elle les défigurait à son gré allongeant le crâne, opprimant leurs membres
ou rendant leurs doigts pareils à des pattes d’araignées. Les hommes venaient la
voir pour ses créatures inédites, insolites, absurdes.
La monstruosité se retrouve du côté de ceux dépourvus d’amour pour
autrui. La mère qui fabrique ces créatures et la société qui l’encourage sont de
véritables fléaux pour tout être capable, eux, d’éprouver de l’amour envers toutes
les créatures vivantes puisque grâce à Dieu, certains le peuvent, la haine n’étant
pas systémique.

Les exemples d’amour véritable, pilier de l’être humain ne manquent pas.

Ce sentiment complexe remonte à la Genèse avec Adam & Eve, mais existe
également dans la mythologie. Ce n’est pas une émotion nouvelle, mais le fil
conducteur de l’humanité, garant de sa saine perpétuation. Cette affection pour le
moins particulière s’étend à toutes les créatures vivantes. Le mythe de
Pygmalion est une démonstration presque idyllique d’un type d’amour bien
spécifique l’éros. Le sculpteur tombé amoureux de son chef-d'œuvre demande à
Vénus, déesse de l'amour, de lui donner pour épouse une jeune fille qui
ressemble à sa statue d’ivoire. Signe de bienveillance divine, la déesse accepta
et rendit humaine la sculpture. Cette histoire est une magnifique démonstration
du désir amoureux transcendant la matière créant ainsi l’aphorisme : Tout est
possible quand on aime sincèrement. Qualifier la pureté de l’amour, qui est
même capable de convaincre Aphrodite, de plus noble attribut de l’homme serait
un euphémisme puisque c’est un divin attribut. Le cœur est donc l’organe le plus
puissant de tous et non le cerveau. Car celui qui aime avec conscience n’est
qu’un fou puisqu’il n’a pas compris la science de l’amour.
Toutefois, qui peut réellement expliquer la science de l’amour ? Ce
sentiment inéluctable concerne toute la société puisqu’il est transmis dès
l’enfance. Les contes ne cessent de radoter l’éternelle histoire du prince
charmant avec une sublime princesse. Seulement, certains, adaptés parfois en
film, se distinguent des autres. Mesdames, je suis persuadé que l'amour va
au-delà des races qui d'ailleurs n'existent pas et peut aller au-delà des espèces.
Je ne vous parle bien entendu point de zoophilie, mais d'un amour universel. Si
je devais vous citer qu'un seul exemple, ce serait celui de la petite Sirène
d’Andersen adaptée de façon plus ingénue par Disney. Une Sirène, créature
hybride, développe des sentiments pour un prince. L'amour qui rend aveugle,
l’amour qui rend fou, lui fait perdre sa queue et sa voix pour tenter de conquérir
son prince et d’acquérir une âme immortelle. Malheureusement, dans le conte,
elle n’y parviendra pas, car elle renonça à tuer le prince et par la même occasion,
elle renonça à sa nature de sirène devenant fille de l'air pour sa bonne action.
Cette notion d’amour qui est plus forte que la peur de trépasser conditionne dès
l’enfance à l’idéal amoureux.
 Vous l’avez compris, cet amour est capable de seoir à chaque personne,
mais faut-il chercher cette émotion ? Aujourd’hui, la société est en proie à une
véritable propagande de l'amour. Ne laissant pas la voie ouverte à une
quelconque interrogation sur la phrase : Aimer tout le monde, c’est aimer
n'importe qui. La valeur de l'amitié, amour philia, est inhérente à l'enfance. Que
ce soit dans la cour de récréation avec ses camarades ou dans les dessins
animés où les jeunes s'y identifient pour construire leur identité. Et même lorsque
le sujet d’un rejet de l’amour est traité, celui-ci n’est pas écouté. Par exemple,
l’animé nommé Naruto expose le personnage de Sasuke Uchiha qui dit, pour le
citer "c'est quand on a des liens que l'on souffre". C'est pourquoi, il souhaite les
trancher et par la même occasion briser la forteresse présente dans son cœur.
Seulement, l'obsession d'un seul personnage, Naruto, son ami, l'empêche de la
détruire davantage. Il est sa bouée de secours face à la dangereuse convoitise,
destructrice de palais. Ce n'est pas l'argent que Sasuke cherchait mais la
puissance. Et ce n’est qu'après de moultes batailles qu'il réalisa que la puissance
se trouve dans l'amour.

Ainsi, L'amour philia pour Sasuke, l’éros pour Pygmalion et l'agapè sont
les trois types d'amour les plus répandus. Le premier représente le lien d'amitié,
le deuxième le lien charnel et le dernier n'est que simple charité, amour discret
qui s'affranchit de l'ego. Si vous possédez au moins l'un de ces trois types alors
vous possédez le trésor avec un T majuscule, le plus divin attribut de l'homme .
Quant aux créatures, qu'elles soient réelles ou imaginaires, elles ont pour la
plupart vécu ou vivront des discriminations, malheureusement inhérentes à leur
condition. Comme l’écrit si bien Gabriel Garcias Marquez : “Dans le malheur,
l’amour devient plus grand et plus noble”. Et je crois, en effet, à l’instar de
Darwin, que si l’amour pour toutes les créatures vivantes est le plus noble attribut
de l’homme, c’est que l’adversité a permis l’apparition, - Que dis-je ??! -
l’épanouissement, l’amplification de ce sentiment fabuleux qui se loge dans le
cœur de tout bon homme pour en être la quintessence.
Mesdames, faites-vous partie des personnes plus monstrueuses que
certaines créatures qui sont incapables d’empathie ? Ou bien faites-vous parties
de celles qui ont vu leurs tribulations et ont réussi à les transformer en leur
donnant un amour pur et bénéfique ?
Je suis persuadé que vous choisirez le deuxième choix, à la manière de ce
discours . En effet, le premier mot a été malheur, le dernier sera donc Espoir.