Vous êtes sur la page 1sur 10

Jean-Jacques Rousseau ( 1712 - 1778 )

- un écrivain et philosophe genevois 1/9


- un des philosophes du siècle des Lumières
http://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8cle_des_Lumi%C3%A8res
http://tecfa.unige.ch/proj/rousseau/relations.htm
- célèbre pour ses travaux sur l’homme, la société ainsi que sur l’éducation.

- Son traîté d’éducation Émile ou de l’Education est publié en 1762 et jugé scandaleux à son époque.
( Ses idées représentaient une menace pour l’église qui tenait un monopole en matière de l’éducation.)

Donnez la définition du genre de traité. Quelles sont ses quaractéristiques ?


http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_(litt%C3%A9rature)
( = un ouvrage à but pédagogique, un manuel d'instructions )

- Dans Émile, Jean-Jacques Rousseau expose sa vision de l'éducation d'un enfant.

Rousseau est novateur par la place qu’il accorde à l’enfance comme phase de formation, de découverte et
d’initiation sociale.
D'après lui, jusqu'à 12 ans, un enfant devrait être « protégé » de toute influence de la société : la course à la
réussite, l'hypocrisie, le vice... Émile évitera au maximum cette perversion en habitant à la campagne, là où les
mœurs sont les plus stables ; sa mission sera d'exercer sa nature, c'est-à-dire être juste, et de fonder une famille
avec Sophie. ( Rousseau n’a pas achevé sa suite, le roman Émile et Sophie. )
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Rousseau

- Les quatre premiers livres décrivent l’éducation idéale d’un jeune garçon fictif, Émile.
( Livre II – 2/12 ans : L'âge de la nature).

Ce que voulait Rousseau, c'est que les enfants vivent une enfance vraie, sans être confrontés trop tôt aux
devoirs et aux réalités du monde des adultes, qu'ils restent « innocents » pour avoir vers l'âge de douze ans,
une éducation sans préjugés. Il fallait, dans cette période, laisser aux enfants leur liberté d'action, les laisser
jouer, s'épanouir avec des jeux de leur âge sans les influencer. Pour Rousseau, les expériences de la vie
quotidienne sont suffisamment fréquentes pour être sources d'apprentissages et de savoir.

Après avoir donné des conseils pour l’éducation des garçons, R. consacre une partie de son ouvrage à
l’éducation des filles. L’auteur analyse les spécificités, les rôles respectifs et les différences de
comportements des deux sexes.
http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89mile,_ou_De_l%E2%80%99%C3%A9ducation/%C3%89dition_1852/Livre_V

Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699 –


1779) - La toilette de matin

1) Retrouvez dans ce tableau tous les détails qui évoquent


une scène d’éducation.

2) Quelle signification symbolique pourrait-on attribuer à la


présence du miroir et du regard de la petite fille ?
http://sd-35759.dedibox.fr/Jean-Jacques_Rousseau_-_Emile_L5_Chap01.mp3

2/9
Texte :

1 Dès qu’une fois il est démontré que l’homme et la femme ne sont ni ne doivent être constitués
de même, de caractère ni de tempérament, il s’ensuit qu’ils ne doivent pas avoir la même
éducation. En suivant les directions de la nature, ils doivent agir de concert, mais ils ne doivent
pas faire les mêmes choses ; la fin des travaux est commune, mais les travaux sont différents,et
5 par conséquent les goûts qui les dirigent. Après avoir tâché de former l’homme naturel, pour ne
pas laisser imparfait notre ouvrage, voyons comment doit se former aussi la femme qui
convient à cet homme. Voulez-vous toujours être bien guidé, suivez toujours les indications de
la nature. Tout ce qui caractérise le sexe doit être respecté comme établi par elle. Vous dites
sans cesse : les femmes ont tel et tel défaut que nous n’avons pas. Votre orgueil vous trompe ;
10 ce seraient des défauts pour vous, ce sont des qualités pour elles ; tout irait moins bien si elles
ne les avaient pas. Empêchez ces prétendus défauts de dégénérer, mais gardez-vous de les
détruire. ( … )

Toutes les facultés communes aux deux sexes ne leur sont pas également partagées ; mais
prises en tout, elles se compensent. La femme vaut mieux comme femme et moins comme
15 homme ; partout où elle fait valoir ses droits, elle a l'avantage ; partout où elle veut usurper les
nôtres, elle reste au-dessous de nous. On ne peut répondre à cette vérité générale que par des
exceptions ; constante façon d'argumenter des galants partisans du beau sexe.

Cultiver dans les femmes les qualités de l'homme, et négliger celles qui leur sont propres, c'est
donc visiblement travailler à leur préjudice. Les rusées le voient trop bien pour en être les
20 dupes ; en tâchant d'usurper nos avantages, elles n'abandonnent pas les leurs ; mais il arrive de
là que, ne pouvant bien ménager les uns et les autres parce qu'elles sont incompatibles, elles
restent au dessous de leur portée sans se mettre à la nôtre et perdent la moitié de leur prix.
Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour
donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra
25 mieux pour elle et pour nous.

S'ensuit-il qu'elle doive être élevée dans l'ignorance de toute chose, et bornée aux seules
fonctions du ménage ? L'homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès
d'elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l'asservir l'empêchera-t-il de rien sentir,
de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate ? Non, sans doute ; ainsi ne l'a pas dit la
30 nature, qui donne aux femmes un esprit agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles
pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu'elles connaissent, qu’elles cultivent leur
esprit comme leur figure ; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur
manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement
celles qu'il leur convient de savoir.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou De l'éducation, Livre 5, 1762.

facultés = capacités
préjudice = tort, dommage
dupe = crédule, naïf
judicieux, euse = raisonnable
donner un démenti = contredire
s’ensuivre = survenir comme conséquence
borné = intellectuellement limité
délié, -e = fin, souple
suppléer = remplacer
- Type de texte: discours argumentatif 3/9

- Développement de texte:

- Le passage commence par l’idée de différence des deux sexes. La notion de séparation des sexes
domine le texte à travers toutes sortes de formulations. ( l. 1 à 25)

- Dans le dernier paragraphe Rousseau adopte une position très sexiste sur le rôle des femmes dans la
société, leur rôle dans la famille. Il constate que la place de la femme dans la société est donnée
qu’il n’y faut rien changer.
( Sophie est élevée et éduquée pour être l’épouse d’Émile.)

Pour mieux comprendre le texte, répondez aux questions :

Proposition de corrigé p. 7, 8, 9

1) Dans le texte, Rousseau pose des questions ; quel est le rôle de cette forme
interrogative dans la stratégie argumentative ?

2) Relevez les verbes à l'impératif. À qui s'adressent-ils ? Pourquoi l'auteur a-t-il choisi ce mode
d'énonciation ?

3) Observez les jeux d'opposition dans le vocabulaire qui désigne les femmes et leurs actions .
Quelles en sont les raisons, selon vous ?

4) Reconstituez la progression de l'argumentation du texte, paragraphe par paragraphe, en


reformulant brièvement chacun des arguments de Rousseau.

5) Etudiez comment s’exprime, dans le texte, l’existence d’une double catégorie d’êtres humains.

6) Par le repérage et l’analyse des champs lexicaux et des connotations, précisez quel est le rôle
attribué aux femmes. A quoi voit-on que c’est un homme qui parle ?

7) Le point de vue de Rousseau est-il fondé sur une argumentation logique et solide ?
Quel semble en être le postulat implicite ( = proposition donnée comme vraie et dont l’admission est
nécessaire )? A quoi se réfère-t-il à plusieurs reprises ?

8) Que pensez-vous de ses justifications ?

Annonce des axes 

Nous allons édudier le texte de manière suivante:

D’abord nous allons montrer les procédés qui caractérisent le discours argumentatif et analyser la
stratégie argumentative de Rousseau.
Ensuite nous allons montrer comment Rousseau conçoit l’éducation des filles.
4/9
I - Discours argumentatif
- implication, certitude, très persuasif, bien organisé

a) implication de l’auteur - le jeu des possessifs et des pronoms

b) modalisation – verbe devoir, impératif, apostrophe, questions oratoires, expression


de la certitude, adjectifs qualificatifs, DD, mise en relief

c) connecteurs logiques : opposition, cause, conséquence, hypothèse, but, restriction


concession
- mais absence de démonstration ( arguments de vérité générale ), manque d’exemples,

la nature comme autorité supérieure dans la stratégie argumentative de l’auteur

1 Dès qu’une fois il est démontré que l’homme et la femme ne sont ni ne doivent être constitués
de même, de caractère ni de tempérament, il s’ensuit qu’ils ne doivent pas avoir la même
éducation. En suivant les directions de la nature, ils doivent agir de concert, mais ils ne doivent
pas faire les mêmes choses ; la fin des travaux est commune, mais les travaux sont différents,et
5 par conséquent les goûts qui les dirigent. Après avoir tâché de former l’homme naturel, pour ne
pas laisser imparfait notre ouvrage, voyons comment doit se former aussi la femme qui
convient à cet homme. Voulez-vous toujours être bien guidé, suivez toujours les indications de
la nature. Tout ce qui caractérise le sexe doit être respecté comme établi par elle. Vous dites
sans cesse : les femmes ont tel et tel défaut que nous n’avons pas. Votre orgueil vous trompe ;
10 ce seraient des défauts pour vous, ce sont des qualités pour elles ; tout irait moins bien si elles
ne les avaient pas. Empêchez ces prétendus défauts de dégénérer, mais gardez-vous de les
détruire. ( … )

Toutes les facultés communes aux deux sexes ne leur sont pas également partagées ; mais
prises en tout, elles se compensent. La femme vaut mieux comme femme et moins comme
15 homme ; partout où elle fait valoir ses droits, elle a l'avantage ; partout où elle veut usurper les
nôtres, elle reste au-dessous de nous. On ne peut répondre à cette vérité générale que par des
exceptions ; constante façon d'argumenter des galants partisans du beau sexe.

Cultiver dans les femmes les qualités de l'homme, et négliger celles qui leur sont propres, c'est
donc visiblement travailler à leur préjudice. Les rusées le voient trop bien pour en être les
20 dupes ; en tâchant d'usurper nos avantages, elles n'abandonnent pas les leurs ; mais il arrive de
là que, ne pouvant bien ménager les uns et les autres parce qu'elles sont incompatibles, elles
restent au dessous de leur portée sans se mettre à la nôtre et perdent la moitié de leur prix.
Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour
donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra
25 mieux pour elle et pour nous.

S'ensuit-il qu'elle doive être élevée dans l'ignorance de toute chose, et bornée aux seules
fonctions du ménage ? L'homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès
d'elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l'asservir l'empêchera-t-il de rien sentir,
de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate ? Non, sans doute ; ainsi ne l'a pas dit la
30 nature, qui donne aux femmes un esprit agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles
pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu'elles connaissent, qu’elles cultivent leur
esprit comme leur figure ; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur
manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement
celles qu'il leur convient de savoir.
facultés = capacités préjudice = tort, dommage dupe = crédule, naïf judicieux, euse = raisonnable
donner un démenti = contredire s’ensuivre = survenir comme conséquence
borné = intellectuellement limité délié, -e = fin, souple suppléer = remplacer
5/9
II - L’éducation des filles

Thèse : L’éducation des filles doit être différente de celle des garçons. (l. 2 à 3 )

Arguments :
1) Les femmes ont des défauts que les hommes n’ont pas. §1
2) Elles n’ont pas les mêmes capacités. §2
3) Elles n’ont pas les mêmes qualités §3
4) Leur éducation doit correspondre à leur rôle dans la société. §4

Procédés:
a) expression de double cathégorie: hommes x femmes
b) champ lexical : insuffisance, infériorité, manque
c) argument de vérité générale: le rôle inférieur de la femme confirmé par la nature

Edudiez l’expression de double cathégorie qui met en relief la supériorité des hommes :

- La femme doit être éduquée pour pour „convenir à l’homme“ l. 6 à 7


… „ voyons comment doit se former aussi la femme qui convient à cet homme.“ …
( Le lecteur comprend: qui correspond aux besoins de l¨homme.)

- Le mot homme est toujours présent dans un système de relation avec le mot femme comme
„compagne“ de l’homme v. 27 ( la compagne est définie dans le dictionnaire comme une personne
avec qui on fait un travail manuel ou un voyage) mais le jeu des possessifs et des pronoms met en
relief la supériorité de l’homme.

- Le lecteur sent une complicité implicite dans l’emploi de nous, vous, … qui met les hommes en
opposition à elle, elles, leur …représentant les femmes:
Rousseau constate que „les femmes ont tel et tel défaut que nous n’avons pas.“ l. 9 et que… „La
femme vaut mieux comme femme et moins comme homme » l.14-15. ... ellereste au- dessous de
nous ... l.16

Rousseau défend l’idée que les aptitudes des filles, leurs capacités naturelles sont inférieures à celles
des hommes. Il en déduit des conséquences:
les filles „ ne doivent pas avoir la même éducation“ l. 2 à 3, „ ne doivent pas faire les mêmes choses“
l. 3 à 4 car les „facultés“( l.13) des hommes „restent au dessous de leur portée“ l. 22 : sont
inaccessibles aux femmes.
l. 14 à 15: „ la femme vaut mieux comme femme et moins comme homme“…
l.14-15. ... elle reste au- dessous de nous

La Nature sert à Rousseau d’argument de vérité générale. « la nature »(l.30 à 34)


D’après lui l’ordre établi par la nature se reflète aussi dans le rôle inférieur de la femme dans le
couple et dans la société.

- „elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement celles qu'il leur convient de savoir. »
l. 33 à 34

Le verbe « convenir » apparaît de nouveau à la fin du texte pour mettre en relief le fait que les
capacités naturelles des femmes n’atteignent pas celles des hommes et que l’éducation des filles doit
être différente de celle des hommes et soumise aux besoins des hommes.
6/9
1 Dès qu’une fois il est démontré que l’homme et la femme ne sont ni ne doivent être constitués
de même, de caractère ni de tempérament, il s’ensuit qu’ils ne doivent pas avoir la même
éducation. En suivant les directions de la nature, ils doivent agir de concert, mais ils ne doivent
pas faire les mêmes choses ; la fin des travaux est commune, mais les travaux sont différents,et
5 par conséquent les goûts qui les dirigent. Après avoir tâché de former l’homme naturel, pour ne
pas laisser imparfait notre ouvrage, voyons comment doit se former aussi la femme qui
convient à cet homme. Voulez-vous toujours être bien guidé, suivez toujours les indications de
la nature. Tout ce qui caractérise le sexe doit être respecté comme établi par elle. Vous dites
sans cesse : les femmes ont tel et tel défaut que nous n’avons pas. Votre orgueil vous trompe ;
10 ce seraient des défauts pour vous, ce sont des qualités pour elles ; tout irait moins bien si elles
ne les avaient pas. Empêchez ces prétendus défauts de dégénérer, mais gardez-vous de les
détruire. ( … )

Toutes les facultés communes aux deux sexes ne leur sont pas également partagées ; mais
prises en tout, elles se compensent. La femme vaut mieux comme femme et moins comme
15 homme ; partout où elle fait valoir ses droits, elle a l'avantage ; partout où elle veut usurper les
nôtres, elle reste au-dessous de nous. On ne peut répondre à cette vérité générale que par des
exceptions ; constante façon d'argumenter des galants partisans du beau sexe.

Cultiver dans les femmes les qualités de l'homme, et négliger celles qui leur sont propres, c'est
donc visiblement travailler à leur préjudice. Les rusées le voient trop bien pour en être les
20 dupes ; en tâchant d'usurper nos avantages, elles n'abandonnent pas les leurs ; mais il arrive de
là que, ne pouvant bien ménager les uns et les autres parce qu'elles sont incompatibles, elles
restent au dessous de leur portée sans se mettre à la nôtre et perdent la moitié de leur prix.
Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour
donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra
25 mieux pour elle et pour nous.

S'ensuit-il qu'elle doive être élevée dans l'ignorance de toute chose, et bornée aux seules
fonctions du ménage ? L'homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès
d'elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l'asservir l'empêchera-t-il de rien sentir,
de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate ? Non, sans doute ; ainsi ne l'a pas dit la
30 nature, qui donne aux femmes un esprit agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles
pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu'elles connaissent, qu’elles cultivent leur
esprit comme leur figure ; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur
manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement
celles qu'il leur convient de savoir.

facultés = capacités préjudice = tort, dommage dupe = crédule, naïf judicieux, euse = raisonnable
donner un démenti = contredire s’ensuivre = survenir comme conséquence
borné = intellectuellement limité délié, -e = fin, souple suppléer = remplacer

Conclusion :

Le Traité d'éducation, Émile, aborde aussi l’éducation des filles, mais comme le montre l'extrait du
Livre V, Rousseau n'a pas une très bonne opinion des femmes et il les trouve inférieures à l'homme.

Rousseau adopte des conceptions stéréotypées. Il procède par affirmations, sans véritable
démonstration, sans illustration. Il adopte le point de vue des hommes sur le rôle de la femme dans la
société. L’éducation des filles est subordonnée à leur place dans la société de l’époque.

D’après lui ne faut rien changer dans le système d’éducation des femmes.
Pour aller plus loin : 7/9

Les révolutionnaires en s'appuyant sur le Livre V de L'Émile n’ ont pas reconnu aux femmes le
droit de vote à la Révolution Française même si Olympe de Gouge, dans son Préambule aux Droits
de la Femme et de la Citoyenne de 1792 revendique une amélioration de la place des femmes dans la
société :
« Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des
malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration
solennelle, les droits naturels ... et sacrés de la femme. »
Les Françaises voteront pour la première fois en 1945 .
http://8mars.info/en-france-les-femmes-obtiennent-le-droit-de?lang=fr

En vous appuyant au texte, répondez aux questions : corrigé

1 Dès qu’une fois il est démontré que l’homme et la femme ne sont ni ne doivent être constitués
de même, de caractère ni de tempérament, il s’ensuit qu’ils ne doivent pas avoir la même
éducation. En suivant les directions de la nature, ils doivent agir de concert, mais ils ne doivent
pas faire les mêmes choses ; la fin des travaux est commune, mais les travaux sont différents,et
5 par conséquent les goûts qui les dirigent. Après avoir tâché de former l’homme naturel, pour ne
pas laisser imparfait notre ouvrage, voyons comment doit se former aussi la femme qui
convient à cet homme. Voulez-vous toujours être bien guidé, suivez toujours les indications de
la nature. Tout ce qui caractérise le sexe doit être respecté comme établi par elle. Vous dites
sans cesse : les femmes ont tel et tel défaut que nous n’avons pas. Votre orgueil vous trompe ;
10 ce seraient des défauts pour vous, ce sont des qualités pour elles ; tout irait moins bien si elles
ne les avaient pas. Empêchez ces prétendus défauts de dégénérer, mais gardez-vous de les
détruire. ( … )

Toutes les facultés communes aux deux sexes ne leur sont pas également partagées ; mais
prises en tout, elles se compensent. La femme vaut mieux comme femme et moins comme
15 homme ; partout où elle fait valoir ses droits, elle a l'avantage ; partout où elle veut usurper les
nôtres, elle reste au-dessous de nous. On ne peut répondre à cette vérité générale que par des
exceptions ; constante façon d'argumenter des galants partisans du beau sexe.

Cultiver dans les femmes les qualités de l'homme, et négliger celles qui leur sont propres, c'est
donc visiblement travailler à leur préjudice. Les rusées le voient trop bien pour en être les
20 dupes ; en tâchant d'usurper nos avantages, elles n'abandonnent pas les leurs ; mais il arrive de
là que, ne pouvant bien ménager les uns et les autres parce qu'elles sont incompatibles, elles
restent au dessous de leur portée sans se mettre à la nôtre et perdent la moitié de leur prix.
Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour
donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra
25 mieux pour elle et pour nous.

S'ensuit-il qu'elle doive être élevée dans l'ignorance de toute chose, et bornée aux seules
fonctions du ménage ? L'homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès
d'elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l'asservir l'empêchera-t-il de rien sentir,
de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate?Non, sans doute; ainsi ne l'a pas dit la
30 nature, qui donne aux femmes un esprit agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles
pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu'elles connaissent, qu’elles cultivent leur
esprit comme leur figure ; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur
manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement
celles qu'il leur convient de savoir.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou De l'éducation, Livre 5, 1762.
facultés = capacités
préjudice = tort, dommage
dupe = crédule, naïf
judicieux, euse = raisonnable
donner un démenti = contredire
s’ensuivre = survenir comme conséquence
borné = intellectuellement limité
délié, -e = fin, souple
suppléer = remplacer

8/9
1) Dans le texte, Rousseau pose des questions ; quel est le rôle de cette forme
interrogative dans la stratégie argumentative ?

Questions oratoires : mise en relief, certitude de l’auteur sur les objectifs de l’éducation des filles.

l. 26 S'ensuit-il qu'elle doive être élevée dans l'ignorance de toute chose, et bornée aux seules
fonctions du ménage ? L'homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès
d'elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l'asservir l'empêchera-t-il de rien
sentir, de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate ? Non, sans doute ; ...

2) Relevez les verbes à l'impératif. À qui s'adressent-ils ? Pourquoi l'auteur a-t-il choisi ce mode
d'énonciation ?

a) il s’adresse aux hommes:


l. 11 à 12: Empêchez ces prétendus défauts de dégénérer, mais gardez-vous de les détruire. ( … )

b) il s’adresse aux mères:


l. 23 Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour
donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu'elle en vaudra
à 25 mieux pour elle et pour nous.

L’auteur met en relief le rôle des hommes et des mères dans l’éducation des filles. La repartition de
leurs devoirs.

3) Observez les jeux d'opposition dans le vocabulaire qui désigne les femmes et leurs actions .
Quelles en sont les raisons, selon vous ?

Les jeux d’opposition sont bien visibles depuis la ligne 3.


Dans la conclusion du texte R. en déduit des conséquences :

30 nature, qui donne aux femmes un esprit agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles
pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu'elles connaissent, qu’elles cultivent leur
esprit comme leur figure ; ce sont les armes qu'elle leur donne pour suppléer à la force qui leur
manque et pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses, mais seulement
celles qu'il leur convient de savoir.

Les jeux d’opposition mettent en évidence la différence des deux sexes, leur place différente dans la
société.

4) Reconstituez la progression de l'argumentation du texte, paragraphe par paragraphe, en


reformulant brièvement chacun des arguments de Rousseau.

Thèse : L’éducation des filles doit être différente de celle des garçons.

Arguments :
1) Les femmes ont des défauts que les hommes n’ont pas. §1
2) Elles n’ont pas les mêmes capacités. §2
3) Elles n’ont pas les mêmes qualités. §3
4) Leur éducation doit correspondre à leur rôle dans la société. §4

5) Etudiez comment s’exprime, dans le texte, l’existence d’une double catégorie d’êtres humains.

Etude des pronoms personnels : Nous X elles = hommes X femmes

6) Par le repérage et l’analyse des champs lexicaux et des connotations, précisez quel est le rôle
attribué aux femmes. A quoi voit-on que c’est un homme qui parle ?
Champ lexical du manque, de l’infériorité 9/9

Connotation : Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699 – 1779) - La toilette de matin

Le pronom nous : les hommes + l’auteur

7) Le point de vue de Rousseau est-il fondé sur une argumentation logique et solide ?
Quel semble en être le postulat implicite ( = proposition donnée comme vraie et dont l’admission est
nécessaire )? A quoi se réfère-t-il à plusieurs reprises ?

Arguments de vérité générale : références à la nature : l. 3, l. 8 (2x), l. 24, 30 (2x), 32,


Le rôle de la femme dans la société est donné par la nature, il faut éduquer les filles pour
qu’elles « conviennent » aux hommes (l. 6 à 7)

8) Que pensez-vous de ses justifications ? Voir le contexte historique pour avoir des idées.

XVIIIème siècle : La femme entre nature et société


 
 Le poids des préjugés au XVIIIème siècle
 
 Avant tout, il est essentiel de rappeler que la société occidentale du 18ème siècle est
chrétienne. Les mentalités sont forgées de croyances anciennes, sur les femmes notamment.
Au 18ème siècle, même si la société chrétienne européenne a quelque peu évolué depuis le
Moyen-Age, il est des mythes qui perdurent. Ainsi en est-il du mythe de la femme créée non
en même temps que l'homme, mais à partir de l'homme... Sur ce mythe repose l'essentiel du
comportement des hommes à l'égard des femmes : la femme doit tout à l'homme, elle lui est soumise...
Sans oublier que la femme est le symbole du malheur du genre humain : en effet, n'est-ce pas, Eve qui, dans
la mythologie judéo-chrétienne, incita Adam à manger le fruit interdit ?
Femme faible par sa constitution, femme tentatrice, femme fatale, les femmes, depuis des temps très
anciens, sont cause de nombreux malheurs. A la veille de la Révolution française, les mentalités n'ont pas
beaucoup changé...

En 1789, lors des débats sur les conditions de formation des assemblées primaires, la question du droit de
vote des femmes ne fut même pas soulevée à l'Assemblée Constituante. Elles étaient naturellement
évincées des droits civiques, sous le poids des préjugés sur la nature des femmes et de la perception
de la frontière entre espace privé et public, l'ordre des rapports naturels et sociaux.

Les lieux communs sur la nature des femmes sont nombreux. Littérature, philosophie et médecine ont
croisé leurs approches afin de " naturaliser " à l'extrême la féminité : " constitution délicate ", " tendresse
excessive ", " raison limitée ", " nerfs fragiles "… L'accent est mis sur l'infériorité intellectuelle et
physiologique de la femme. Diderot, dans son essai de 1772 Sur les Femmes, note que l'exaltation de la
beauté féminine et la célébration du sentiment amoureux ne sont que l'envers de l'enfermement de la femme
dans son infériorité physique.

Les femmes ne sont pas considérées comme de vrais individus pour les hommes de 1789.
Elles doivent se contenter d'une activité domestique, extérieure à la société civile, et sont donc
considérées comme des mères ou ménagères, loin des fonctions sociales que certaines désirent.
Cette identification de la femme à la communauté familiale dépouille la femme de son individualité.
La femme est le principe spirituel (l'âme) du foyer, l'homme en est le principe juridique. Le
cantonnement de la femme à la sphère privée s'accentue lorsque l'homme est reconnu dorénavant,
avec la Révolution, comme un sujet autonome, participant directement à la souveraineté politique.

" En vérité, je suis bien ennuyée d'être une femme : il me


fallait une autre âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je
devais naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme
français. [...] Mon esprit et mon coeur trouvent de toute part les
entraves(1) de l'opinion, les fers des préjugés, et toute ma force
s'épuise à secouer vainement mes chaînes. O liberté, idole des
âmes fortes, aliment des vertus, tu n'es pour moi qu'un nom !"

Mémoires de Madame Roland - Jeanne-Marie ou Manon Philippon (1754-1793).


(1) Entrave = obstacle
 
http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/femmes/femmes1.htm

Vous aimerez peut-être aussi