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Établissement : Cned (UO Lycée Rennes)

Candidat : ..............................................................................................................................................................
N° de candidat au baccalauréat : ........................................................................................................................

Épreuve Anticipée de français

Récapitulatif des œuvres et textes étudiés

Voie générale

Session 2024

Mme Andrea POTERIE


Directrice Cned-Lycée

ÉDUCATI
L’
ON
TÈRE DE

NATION

CNED
AL
IS

MIN E

CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS 1


1. Informations

Note à l’attention de l’examinateur


Nous attirons votre attention sur les difficultés auxquelles sont confrontés les inscrits de l’enseignement
à distance : le programme proposé est conséquent pour un public qui travaille seul, parfois éloigné
de centres de documentation ou de bibliothèques, et qui a souvent d’autres activités et contraintes
familiales, professionnelles ou médicales.

Note à l’attention du candidat


Vous devez télécharger votre récapitulatif en deux exemplaires :
• l’un que vous apporterez le jour de l’épreuve,
• l’autre que vous allez expédier au centre d’examen dès réception de votre convocation (qui vous
parviendra au cours du mois de mai). L’adresse de celui-ci figurera sur votre convocation de
baccalauréat.
Vous prendrez bien soin d’indiquer sur vos récapitulatifs vos nom, prénom et numéro de candidat.
L’enveloppe portera, en outre, la mention Épreuve Anticipée de Français ou ÉAF.
Il est à noter que certains rectorats demandent au candidat d’envoyer deux récapitulatifs au centre
d’examen.
Dans la partie individuelle, vous veillerez à noter l’oeuvre que vous aurez choisie pour la deuxième
partie de l’épreuve : l’entretien.

La coordination pédagogique de lettres

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2. Récapitulatif des œuvres et textes étudiés
Ministère de l’Éducation Nationale
Centre national d’enseignement à distance
Unité opérationnelle lycée Rennes (035 2154 B)
Baccalauréat - Session 2024
Les extraits étudiés sont regroupés à la fin de ce recueil.

Objet d’étude : La poésie du XIXe au XXIe siècle


Œuvre intégrale - Arthur Rimbaud, Les Cahiers de Douai (1870)
1. « Vénus anadyomène »
Extraits étudiés
2. « Le Dormeur du val »

Parcours « Émancipations créatices »


3. Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, « Un Rêve » (1842)
Textes étudiés
4. Raymond Queneau, L’Instant fatal, « Si tu t’imagines » (1946)

Lecture cursive : Guillaume Apollinaire, Calligrammes (1918)

Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle


Œuvre intégrale – Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731)
5. La rencontre (de « J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens »
à « tous ses malheurs et les miens »)
Extraits étudiés
6. Les plaintes d’un amant (de « Ah ! Manon, Manon ! » à « je m’en ris,
tout m’est égal »)

Parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque »


7. 
Stendhal, Le Rouge et le noir, Première partie, chapitre 4 (de « En
approchant de son usine » à « son livre qu’il adorait ») (1830)
Textes étudiés
8. 
Flaubert, Madame Bovary, Deuxième partie, chapitre 12 (de « Emma ne
dormait pas » à « les auvents de la pharmacie ») (1857)

Lecture cursive : Laurent Gaudé, Salina, les trois exils (2018)

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Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Œuvre intégrale – Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde (1990)
9. « Le prologue » (du début à « jusqu’à cette extrémité‚ mon propre
maître. »)
Extraits étudiés
10. «
 Le soliloque d'Antoine », deuxième partie, scène 3 (de « Rien en toi
n'est jamais atteint » à « il ne m'arrive jamais rien »)

Parcours « Crise personnelle, crise familiale »


11. Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, acte II, scène 11 (de « Mario :
Quoi ! ce babillard qui vient de sortir » à « Je ne suis pas tranquille. »)
Textes étudiés (1730)
12. Victor Hugo, Lucrèce Borgia, acte III, scène 3 (de « Gennaro : Vous êtes
ma tante. » à « Vous l’entendez, madame, il faut mourir ! ») (1833)

Lecture cursive : Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur (1669)

Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle


Œuvre intégrale – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et
de la citoyenne (1791)
13. Le Préambule
Extraits étudiés
14. Le Postambule

Parcours « Écrire et combattre pour l’égalité »


15. 
Voltaire, Candide ou l’Optimisme, extrait du chapitre 19 (de « En appro-
chant de la ville » à « il entra dans Surinam ») (1759)
Textes étudiés 16. 
Cyrano de Bergerac, Histoire comique des États et Empires du Soleil,
« Le gouvernement du bonheur » (de « Elle achevait ceci » à « il est
condamné à la mort triste ») (1662)

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3. Partie individuelle : œuvre choisie par le candidat

Pour le candidat
Notez ci-dessous l’œuvre que vous aurez choisie pour la deuxième partie de l’épreuve : l’entretien.
Vous choisirez votre œuvre parmi celles proposées par le Cned au titre des lectures cursives obligatoires
ou parmi celles qui ont été étudiées en cours dans l’année :

Œuvres étudiées en lecture intégrale Œuvres étudiées en lecture cursive

– Arthur Rimbaud, Les Cahiers de Douai – Guillaume Apollinaire, Calligrammes

– Abbé Prévost, Manon Lescaut – Laurent Gaudé, Salina, les trois exils

– Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde – Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur

– Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la


femme et de la citoyenne

Œuvre choisie
Titre : ........................................................................................................................................................................
Auteur : ....................................................................................................................................................................

Vous devez apporter votre œuvre le jour de l’épreuve.

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4. Annexes

TEXTES ÉTUDIÉS DANS LE CADRE DES ŒUVRES INTÉGRALES ET DES PARCOURS

Arthur Rimbaud, Les Cahiers de Douai


« Vénus anadyomène »
1 Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

5 Puis le col gras et gris, les larges omoplates


Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût


10 Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;


– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

« Le Dormeur du val »
1 C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

5 Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,


Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme


10 Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;


Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

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Parcours « Émancipations créatrices »
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, « Un Rêve » (1842)
1 J'ai rêvé tant et plus, mais je n'y entends note.
Pantagruel, livre III.
Il était nuit. Ce furent d'abord, - ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, -
une abbaye aux murailles lézardées par la lune, - une forêt percée
5 de sentiers tortueux, - et le Morimont grouillant de capes et de chapeaux.
Ce furent ensuite, - ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, - le glas
funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres
d'une cellule, - des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait
chaque fleur le long d'une ramée, - et les prières bourdonnantes
10 des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.
Ce furent enfin, - ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, - un
moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, - une
jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, - et
moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.
15 Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les
honneurs de la chapelle ardente ; et Marguerite, que son amant a
tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre
quatre cierges de cire.
Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée
20 comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes
sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les
ruisseaux débordés et rapides, - et je poursuivais d'autres
songes vers le réveil.

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Raymond Queneau, L’Instant fatal, « Si tu t’imagines » (1946)
1 Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
5 xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
10 ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
15 que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
20 et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
25 fillette fillette
ce que tu te goures

les beaux jours s'en vont


les beaux jours de fête
soleils et planètes
30 tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
35 la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
40 les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
45 allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures

CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS 9


Abbé Prévost, Manon Lescaut
« La rencontre »
1 J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt !
j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette
ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras,
et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif
5 que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune,
qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de
conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que
moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention,
moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un
10 coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais
loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle
fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai
ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit
ingénument, qu'elle y était envoyée par ses parents, pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si
15 éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel
pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien
plus expérimentée que moi : c'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son
penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens.

« Les plaintes d’un amant »


1 « Ah ! Manon, Manon, repris-je avec un soupir, il est bien tard de me donner des larmes, lorsque
vous avez causé ma mort. Vous affectez une tristesse que vous ne sauriez sentir. Le plus grand de
vos maux est sans doute ma présence, qui a toujours été importune à vos plaisirs. Ouvrez les yeux,
voyez qui je suis ; on ne verse pas des pleurs si tendres pour un malheureux qu’on a trahi et qu’on
5 abandonne cruellement. »
Elle baisait mes mains sans changer de posture. Inconstante Manon, repris-je encore, fille
ingrate et sans foi, où sont vos promesses et vos serments ? Amante mille fois volage et cruelle,
qu’as-tu fait de cet amour que tu me jurais encore aujourd’hui ? Juste Ciel, ajoutai-je, est-ce ainsi
qu’une infidèle se rit de vous, après vous avoir attesté si saintement ? C’est donc le parjure qui est
10 récompensé ! Le désespoir et l’abandon sont pour la constance et la fidélité.
Ces paroles furent accompagnées d’une réflexion si amère, que j’en laissai échapper malgré moi
quelques larmes. Manon s’en aperçut au changement de ma voix. Elle rompit enfin le silence. Il
faut bien que je sois coupable, me dit-elle tristement, puisque j’ai pu vous causer tant de douleur
et d’émotion ; mais que le Ciel me punisse si j’ai cru l’être, ou si j’ai eu la pensée de le devenir !
15 Ce discours me parut si dépourvu de sens et de bonne foi, que je ne pus me défendre d’un vif
mouvement de colère. Horrible dissimulation ! m’écriai-je. Je vois mieux que jamais que tu n’es
qu’une coquine et une perfide. C’est à présent que je connais ton misérable caractère. Adieu,
lâche créature, continuai-je en me levant ; j’aime mieux mourir mille fois que d’avoir désormais le
moindre commerce avec toi. Que le Ciel me punisse moi-même si je t’honore jamais du moindre
20 regard ! Demeure avec ton nouvel amant, aime-le, déteste-moi, renonce à l’honneur, au bon sens ;
je m’en ris, tout m’est égal. »

10 CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS


Parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque »
Stendhal, Le Rouge et le noir, Première partie, Chapitre IV (1830)
1 En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne
répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient
les troncs de sapin, qu’ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque
noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils
5 n’entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha
vainement Julien à la place qu’il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l’aperçut à cinq ou six pieds
plus haut, à cheval sur l’une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action
de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien n’était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être
pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses
10 aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse : il ne savait pas lire lui-même.
Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois. L’attention que le jeune homme donnait à son
livre, bien plus que le bruit de la scie, l’empêcha d’entendre la terrible voix de son père. Enfin,
malgré son âge, celui-ci sauta lestement sur l’arbre soumis à l’action de la scie, et de là sur la
poutre transversale qui soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que
15 tenait Julien ; un second coup aussi violent, donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre
l’équilibre. Il allait tomber à douze ou quinze pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en
action, qui l’eussent brisé, mais son père le retint de la main gauche, comme il tombait :
– Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la
scie ? Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure.
20 Julien, quoiqu’étourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel,
à côté de la scie. Il avait les larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique, que pour la
perte de son livre qu’il adorait.

Flaubert, Madame Bovary, Deuxième partie, chapitre 12 (1857)


1 Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d’être endormie ; et, tandis qu’il s’assoupissait à ses
côtés, elle se réveillait en d’autres rêves.
Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d’où
ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut
5 d’une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts,
des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus
portaient des nids de cigogne. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par
terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait
sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines,
10 dont la vapeur s’envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des
statues pâles, qui souriaient sous les jets d’eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de
pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C’est là qu’ils
s’arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d’un palmier, au
fond d’un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ;
15 et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée
comme les nuits douces qu’ils contempleraient. Cependant, sur l’immensité de cet avenir qu’elle
se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient
comme des flots ; et cela se balançait à l’horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil.
Mais l’enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne
20 s’endormait que le matin, quand l’aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la
place, ouvrait les auvents de la pharmacie.

CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS 11


Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
« Le Prologue »
1 LOUIS. – Plus tard‚ l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚
l’année d’après‚
5 de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚
l’année d’après‚
comme on ose bouger parfois‚
à peine‚
10 devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste
trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
15 prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚
pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
20 – ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un
homme posé ?‚
pour annoncer‚
25 dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
et paraître
30 – peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin
que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne
connais pas (trop tard et tant pis)‚
35 me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et
d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.

12 CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS


« Le soliloque d’Antoine », deuxième partie, scène 3
ANTOINE. […]
1 Rien en toi n’est jamais atteint,
il fallait des années peut-être pour que je le sache,
mais rien en toi n’est jamais atteint,
tu n’as pas mal
5 -si tu avais mal, tu ne le dirais pas, j’ai appris cela à mon tour-
et tout ton malheur n’est qu’une façon de répondre,
une façon que tu as de répondre,
d’être là devant les autres et de ne pas les laisser entrer.
c’est ta manière à toi, ton allure,
10 le malheur sur le visage comme d’autres un air de crétinerie satisfaite,
tu as choisi ça et cela t’a servi et tu l’as conservé.

Et nous, nous nous sommes fait du mal à notre tour,


chacun n'avait rien à se reprocher
et ce ne pouvait être que les autres qui te nuisaient et nous rendaient responsables tous ensemble,
15 moi, eux,
et peu à peu, c'était de ma faute, ce ne pouvait être que de ma faute.
On devait m'aimer trop puisque on ne t'aimait pas assez
et on voulut me reprendre alors ce qu'on ne me donnait pas,
et on ne me donna plus rien,
20 et j'étais là, couvert de bonté sans intérêt à ne jamais devoir me plaindre,
à sourire, à jouer,
à être satisfait, comblé,
tiens, le mot, comblé,
alors que toi, toujours, inexplicablement, tu suais le malheur
25 dont rien ni personne, malgré tous ces efforts, n'aurait su te distraire et te sauver.

Et lorsque tu es parti, lorsque tu nous as quittés, lorsque tu nous abandonnas,


je ne sais plus quel mot définitif tu nous jetas à la tête,
je dus encore être le responsable,
être silencieux et admettre la fatalité, et te plaindre aussi,
30 m'inquiéter de toi à distance
et ne plus jamais oser dire un mot contre toi, ne plus jamais même oser penser un mot contre toi,
rester là, comme un benêt, à t'attendre.

Moi, je suis la personne la plus heureuse de la terre,


et il ne m'arrive jamais rien,
35 et m'arrive-t-il quelque chose que je ne peux me plaindre, puisque, « à l'ordinaire »,
il ne m'arrive jamais rien.

CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS 13


Parcours « Crise personnelle, crise familiale »
Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, acte II, scène 11 (1730)
1 Mario : Quoi ! ce babillard qui vient de sortir ne t’a pas un peu dégoûtée de lui ?
Silvia, avec feu. : Que vos discours sont désobligeants ! m’a dégoûtée de lui ! dégoûtée ! J’essuie des
expressions bien étranges ; je n’entends plus que des choses inouïes, qu’un langage inconcevable ;
j’ai l’air embarrassé, il y a quelque chose ; et puis c’est le galant Bourguignon qui m’a dégoûtée.
5 C’est tout ce qui vous plaira, mais je n’y entends rien.
Mario : Pour le coup, c’est toi qui es étrange. À qui en as-tu donc ? D’où vient que tu es si fort sur le
qui-vive ? Dans quelle idée nous soupçonnes-tu ?
Silvia : Courage, mon frère ! Par quelle fatalité aujourd’hui ne pouvez-vous me dire un mot qui ne
me choque ? Quel soupçon voulez-vous qui me vienne ? Avez-vous des visions ?
10 Monsieur Orgon : Il est vrai que tu es si agitée que je ne te reconnais point non plus. Ce sont
apparemment ces mouvements-là qui sont cause que Lisette nous a parlé comme elle a fait.
Elle accusait ce valet de ne t’avoir pas entretenue à l’avantage de son maître, et, « madame, nous
a-t-elle dit, l’a défendu contre moi avec tant de colère que j’en suis encore toute surprise » et c’est
sur ce mot de surprise que nous l’avons querellée, mais ces gens-là ne savent pas la conséquence
15 d’un mot.
Silvia : L’impertinente ! y a-t-il rien de plus haïssable que cette fille-là ? J’avoue que je me suis
fâchée par un esprit de justice pour ce garçon.
Mario : Je ne vois point de mal à cela.
Silvia : Y a-t-il rien de plus simple ? Quoi ! parce que je suis équitable, que je veux qu’on ne nuise à
20 personne, que je veux sauver un domestique du tort qu’on peut lui faire auprès de son maître, on
dit que j’ai des emportements, des fureurs dont on est surprise ! Un moment après un mauvais
esprit raisonne ; il faut se fâcher, il faut la faire taire, et prendre mon parti contre elle, à cause de la
conséquence de ce qu’elle dit ! Mon parti ! J’ai donc besoin qu’on me défende, qu’on me justifie ! On
peut donc mal interpréter ce que je fais ! Mais que fais-je ? de quoi m’accuse-t-on ? Instruisez-moi,
25 je vous en conjure ; cela est-il sérieux ? Me joue-t-on ? se moque-t-on de moi ? Je ne suis pas
tranquille.

14 CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS


Victor Hugo, Lucrèce Borgia, acte III, scène 3 (1833)
1 Gennaro : Vous êtes ma tante. Vous êtes la sœur de mon père. Qu’avez-vous fait de ma mère,
Madame Lucrèce Borgia ?
Dona Lucrezia : Attends, attends ! Mon dieu, je ne puis tout dire. Et puis, si je te disais tout, je ne
ferais peut-être que redoubler ton horreur et ton mépris pour moi ! Écoute-moi encore un instant.
5 Oh ! je voudrais bien que tu me reçusses repentante à tes pieds ! Tu me feras grâce de la vie,
n’est-ce pas ? Eh bien, veux-tu que je prenne le voile ? Veux-tu que je m’enferme dans un cloître,
dis ? Voyons, si l’on te disait : cette malheureuse femme s’est fait raser la tête, elle couche dans la
cendre, elle creuse sa fosse de ses mains, elle prie Dieu nuit et jour, non pour elle, qui en aurait
besoin cependant, mais pour toi, qui peux t’en passer ; elle fait tout cela, cette femme, pour que tu
10 abaisses un jour sur sa tête un regard de miséricorde, pour que tu laisses tomber une larme sur
toutes les plaies vives de son cœur et de son âme, pour que tu ne lui dises plus comme tu viens de
le faire avec cette voix plus sévère que celle du jugement dernier : vous êtes Lucrèce Borgia ! Si l’on
te disait cela, Gennaro, est-ce que tu aurais le cœur de la repousser ! Oh ! Grâce ! Ne me tue pas,
mon Gennaro ! Vivons tous les deux, toi pour me pardonner, moi, pour me repentir ! Aie quelque
15 compassion de moi ! Enfin cela ne sert à rien de traiter sans miséricorde une pauvre misérable
femme qui ne demande qu’un peu de pitié ! - Un peu de pitié ! Grâce de la vie ! - Et puis, vois-tu
bien, mon Gennaro, je te le dis pour toi, ce serait vraiment lâche ce que tu ferais là, ce serait un
crime affreux, un assassinat ! Un homme tuer une femme ! Un homme qui est le plus fort ! Oh ! Tu
ne voudras pas ! Tu ne voudras pas !
20 Gennaro, ébranlé : Madame…
Dona Lucrezia : Oh ! Je le vois bien, j’ai ma grâce ! Cela se lit dans tes yeux. Oh ! Laisse-moi pleurer
à tes pieds !
Une voix au-dehors : Gennaro !
Gennaro : Qui m’appelle ?
25 La Voix : Mon frère Gennaro !
Gennaro : C’est Maffio !
La Voix : Gennaro ! Je meurs ! Venge-moi !
Gennaro, relevant le couteau : C’est dit. Je n’écoute plus rien. Vous l’entendez, madame, il faut
mourir !

CNED – PREMIÈRE – FRANÇAIS 15


Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Le Préambule
1 Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en
Assemblée nationale.
Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes
des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une
5 déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette
déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans
cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir
des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique,
en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des
10 principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes
mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances
maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits
suivants de la femme et de la citoyenne.

Le Postambule
1 Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes
droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de
superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise
et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes
5 pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! femmes,
quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans
la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption
vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il
donc ? la conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les
10 sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot
du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de
cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne
vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre.
S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs
15 principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ;
réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère,
et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de
partager avec vous les trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous
oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.

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Parcours « Écrire et combattre pour l’égalité »
Voltaire, Candide ou l’Optimisme (1759)
1 En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de
son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche
et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état
horrible où je te vois ? - J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit
5 le nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le nègre,
c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous
travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous
voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix
que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons
10 sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils
te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là
la fortune de ton père et de ta mère. "Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas
fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous.
Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous
15 enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai,
nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec
ses parents d'une manière plus horrible.
- Ô Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à
la fin je renonce à ton optimisme. - Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo. - Hélas ! dit Candide,
20 c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal » ; et il versait des larmes en regardant
son nègre ; et en pleurant, il entra dans Surinam.

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Cyrano de Bergerac, Histoire comique des États et Empires du Soleil,
« Le gouvernement du bonheur » (1662)
Le narrateur, « Cyrano », voyage dans les États et Empires du Soleil. Il y rencontre une société d'oiseaux
très bien organisée. Une pie vient de lui expliquer pourquoi elle aime bien les hommes : ils l'ont élevée et
nourrie.
1 Le gouvernement du bonheur
Elle achevait ceci, quand nous fûmes interrompus par l'arrivée d'un aigle qui se vint asseoir entre
les rameaux d'un arbre assez proche du mien. Je voulus me lever pour me mettre à genoux devant
lui, croyant que ce fût le roi, si ma pie de sa patte ne m'eût contenu en mon assiette. « Pensiez-
5 vous donc, me dit-elle, que ce grand aigle fut notre souverain ? C'est une imagination de vous
autres hommes, qui à cause que vous laissez commander aux plus grands, aux plus forts et aux
plus cruels de vos compagnons, avez sottement cru, jugeant de toutes choses par vous, que l'aigle
nous devait commander.

« Mais notre politique est bien autre ; car nous ne choisissons pour notre roi que le plus faible, le
10 plus doux, et le plus pacifique ; encore le changeons nous tous les six mois, et nous le prenons
faible, afin que le moindre à qui il aurait fait quelque tort, se pût venger de lui. Nous le choisissons
doux, afin qu'il ne haïsse ni ne se fasse haïr de personne, et nous voulons qu'il soit d'une humeur
pacifique, pour éviter la guerre, le canal de toutes les injustices.

« Chaque semaine, il tient les États, où tout le monde est reçu à se plaindre de lui. S'il se rencontre
15 seulement trois oiseaux mal satisfaits de son gouvernement, il en est dépossédé, et l'on procède à
une nouvelle élection.

« Pendant la journée que durent les États, notre roi est monté au sommet d'un grand if sur le bord
d'un étang, les pieds et les ailes liés. Tous les oiseaux l'un après l'autre passent par-devant lui ;
et si quelqu'un d'eux le sait coupable du dernier supplice, il le peut jeter à l'eau. Mais il faut que
20 sur-le-champ il justifie la raison qu'il en a eue, autrement il est condamné à la mort triste. »

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