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Nom : …………………………………………
Prénom : ……………………………………..
ETABLISSEMENT :
Ensemble scolaire Albert de Mun
5, Avenue Georges Clémenceau
94130 Nogent-sur-Marne
01.48.73.79.91
Les élèves qui passeront leur oral blanc de français le samedi 09 mars ne pourront
pas être interrogés sur le texte n°10 « Prologue de l’auteur » (Gargantua,
Rabelais)
En revanche, les élèves passant leur oral le mercredi 20 mars pourront être
interrogés sur tous les textes du descriptif.
Questions de grammaire abordées en classe sur lesquelles les élèves peuvent être
interrogés
Liste complète des lectures que les élèves peuvent présenter en entretien
Vénus Anadyomène
Ma Bohême (Fantaisie)
A la musique
[…]
[…]
XLVIII
Anywhere out of the world
N’importe où hors du monde
1 Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-
2 ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre.
5 « Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d’habiter Lisbonne ? Il doit
6 y faire chaud, et tu t’y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l’eau ; on dit
7 qu’elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu’il arrache tous les
8 arbres. Voilà un paysage selon ton goût ; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le
9 liquide pour les réfléchir ! »
11 « Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter
12 la Hollande, cette terre béatifiante ? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as
13 souvent admiré l’image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts
14 de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons ? » Mon âme reste muette. « Batavia te
15 sourirait peut-être davantage ? Nous y trouverions d’ailleurs l’esprit de l’Europe marié à la
16 beauté tropicale. »
18 « En es-tu donc venue à ce point d’engourdissement que tu ne te plaises que dans ton
19 mal ? S’il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. — Je tiens notre
20 affaire, pauvre âme ! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l’extrême
21 bout de la Baltique ; encore plus loin de la vie, si c’est possible ; installons-nous au pôle. Là le
22 soleil ne frise qu’obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit
23 suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons
24 prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous
25 enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d’un feu d’artifice de
26 l’Enfer ! »
27 Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : « N’importe où ! N’importe
28 où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde ! »
Abbé Prévost, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, partie I, 1731
10
1 Je jetai les yeux sur la fille qui était devant moi. Elle était extrêmement jolie, et j’aurais
2 souhaité qu’elle l’eût été assez pour me rendre parjure et infidèle à mon tour. Mais je n’y trouvai
3 point ces yeux fins et languissants, ce port divin, ce teint de la composition de l’amour, enfin
4 ce fonds inépuisable de charmes que la nature avait prodigués à la perfide Manon […].
5 « Retournez à elle, et dites-lui de ma part qu’elle jouisse de son crime, et qu’elle en jouisse, s’il
6 se peut, sans remords. Je l’abandonne sans retour, et je renonce en même temps à toutes les
7 femmes, qui ne sauraient être aussi aimables qu’elle, et qui sont sans doute aussi lâches et
8 d’aussi mauvaise foi. » […]
9 Cette fille qui m’avait apporté la lettre, me voyant prêt à descendre l’escalier, me
10 demanda ce que je voulais donc qu’elle rapportât à M. de G*** M*** et à la dame qui était
11 avec lui ? Je rentrai dans la chambre à cette question ; et, par un changement incroyable à ceux
12 qui n’ont jamais senti de passions violentes, je me trouvai tout d’un coup, de la tranquillité où
13 je croyais être, dans un transport terrible de fureur. « Va, lui dis-je, rapporte au traître G***
14 M*** et à sa perfide maîtresse le désespoir où ta maudite lettre m’a jeté ; mais apprends-leur
15 qu’ils n’en riront pas longtemps, et que je les poignarderai tous deux de ma propre main. » Je
16 me jetai sur une chaise. Mon chapeau tomba d’un côté et ma canne de l’autre ; deux ruisseaux
17 de larmes amères commencèrent à couler de mes yeux. L’accès de rage que je venais de sentir
18 se changea en une profonde douleur. Je ne fis plus que pleurer en poussant des gémissements
19 et des soupirs. « Approche, mon enfant, approche, m’écriai-je en parlant à la jeune fille ;
20 approche, puisque c’est toi qu’on envoie pour me consoler. Dis-moi si tu sais des consolations
21 contre la rage et le désespoir, contre l’envie de se donner la mort à soi-même après avoir tué
22 deux perfides qui ne méritent pas de vivre. Oui, approche, continuai-je en voyant qu’elle faisait
23 vers moi quelques pas timides et incertains. Viens essuyer mes larmes ; viens rendre la paix à
24 mon cœur, viens me dire que tu m’aimes, afin que je m’accoutume à l’être d’une autre que de
25 mon infidèle. Tu es jolie, je pourrai peut-être t’aimer à mon tour. »
Abbé Prévost, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, partie II, 1731
11
1 Je passai la nuit entière à veiller près d’elle, et à prier le Ciel de lui accorder un sommeil
2 doux et paisible. Ô Dieu ! que mes vœux étaient vifs et sincères ! et par quel rigoureux jugement
3 aviez-vous résolu de ne les pas exaucer ?
4 Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur
5 qui n’eut jamais d’exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais quoique je le porte
6 sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d’horreur, chaque fois que j’entreprends
7 de l’exprimer.
8 Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse
9 endormie, et je n’osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je
10 m’aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu’elle les avait froides et tremblantes.
11 Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement ; et faisant un effort
12 pour saisir les miennes, elle me dit, d’une voix faible, qu’elle se croyait à sa dernière heure. Je
13 ne pris d’abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l’infortune, et je n’y répondis
14 que par les tendres consolations de l’amour. Mais ses soupirs fréquents, son silence à mes
15 interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes,
16 me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N’exigez point de moi que je vous
17 décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus
18 d’elle des marques d’amour, au moment même qu’elle expirait ; c’est tout ce que j’ai la force
19 de vous apprendre, de ce fatal et déplorable évènement.
20 Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point sans doute assez
21 rigoureusement puni. Il a voulu que j’aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je
22 renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.
1 Memnon conçut un jour le projet insensé d’être parfaitement sage. Il n’y a guère
2 d’hommes à qui cette folie n’ait quelquefois passé par la tête. Memnon se dit à lui-même
3 : «°Pour être très sage, et par conséquent très heureux, il n’y a qu’à être sans passions ;
4 et rien n’est plus aisé, comme on sait. Premièrement, je n’aimerai jamais de femme ;
5 car, en voyant une beauté parfaite, je me dirai à moi-même : ces joues-là se rideront un
6 jour ; ces beaux yeux seront bordés de rouge ; cette gorge ronde deviendra plate et
7 pendante ; cette belle tête deviendra chauve. Or je n’ai qu’à la voir à présent des mêmes
8 yeux dont je la verrai alors, et assurément cette tête ne fera pas tourner la mienne.
9 « En second lieu je serai toujours sobre ; j’aurai beau être tenté par la bonne chère,
10 par des vins délicieux, par la séduction de la société ; je n’aurai qu’à me représenter les
11 suites des excès, une tête pesante, un estomac embarrassé, la perte de la raison, de la
12 santé, et du temps, je ne mangerai alors que pour le besoin ; ma santé sera toujours égale,
13 mes idées toujours pures et lumineuses. Tout cela est si facile qu’il n’y a aucun mérite à
14 y parvenir.
15 « Ensuite, disait Memnon, il faut penser un peu à ma fortune°; mes désirs sont
16 modérés°; mon bien est solidement placé sur le receveur général des finances de Ninive
17 ; j’ai de quoi vivre dans l’indépendance : c’est là le plus grand des biens. Je ne serai
18 jamais dans la cruelle nécessité de faire ma cour ; je n’envierai personne, et personne ne
19 m’enviera. Voilà qui est encore très aisé. J’ai des amis, continuait-il, je les conserverai,
20 puisqu’ils n’auront rien à me disputer. Je n’aurai jamais d’humeur avec eux, ni eux avec
21 moi ; cela est sans difficulté.°»
22 Ayant fait ainsi son petit plan de sagesse dans sa chambre, Memnon mit la tête à
23 la fenêtre.
Prologue de l’auteur
[…]
1 Il faut ouvrir le livre, et soigneusement peser ce qui y est raconté. Alors vous connaîtrez
2 que la drogue qu’il contient est de bien autre valeur que ne le promettait la boîte. C’est-à-dire
3 que les matières traitées ici ne sont pas si folâtres que le titre dessus le prétendait.
4 Et en supposant le cas où vous trouveriez le sens littéral des sujets assez joyeux et
5 correspondant bien au nom, toutefois il ne faut pas en rester là, comme au chant des sirènes,
6 mais il faut interpréter à plus haut sens ce que, peut-être, vous croyiez dit impromptu.
17 Sur ce modèle, il vous convient d’être sages pour respirer, sentir et estimer ces beaux
18 livres de haute valeur, légers à la chasse et hardis au combat, puis, par une étude curieuse et une
19 méditation fréquente, rompre l’os et sucer la substantifique moelle. C’est-à-dire, veux-je
20 signifier par ces symboles pythagoriques, avec l’espoir certain d’être faits avisés et preux à
21 ladite lecture. Car vous trouverez en elle un bien autre goût et une doctrine plus cachée, qui
22 vous révélera de très hautes arcanes et des mystères horrifiques, tant en ce qui concerne notre
23 religion que l’état politique et la vie économique.