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~ Classe 1E ~
1ère Générale
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Table des matières
- L’interrogation
- La négation
- Les subordonnées conjonctives circonstancielles
2|27
Objet d’étude n°1 : La poésie du XIXème au XXIème siècle……………………………………….. p .5
I. Lectures linéaires OI :
Problématique : Comment, dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire se fait-il alchimiste ?
I. Lectures linéaires OI
Problématique : Comment Olympe de Gouges porte-t-elle son combat pour
l’égalité ?
LL9 : Extrait de l’« Epitre Dédicatoire », Réflexions sur l’esclavage des nègres,
Condorcet, 1781
3|27
Objet d’étude n° 3 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle…………….……………p. 16
I. Lectures linéaires OI
Problématique : En quoi La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette reflète-t-il
les tensions de la société de son temps ?
I. Lectures linéaires OI
Problématique : Comment, dans Juste la fin du monde, la crise personnelle de Louis révèle-t-
elle une crise familiale ?
LL 14 : Le prologue
LL 15 : Le repas, Partie 1, scène 9 (en entier)
LL 16 : La colère d’Antoine, Partie 2, Scène 3
De : « Tu dis qu’on ne t’aime pas » à « coupable de n’y pas croire en silence »
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Objet d’études n°1 : La poésie du XIXème au XXIème siècle
I. Lectures linéaires OI :
Problématique : Comment, dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire se fait-il alchimiste ?
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LL1 : « Le Soleil », « Tableaux parisiens », Les Fleurs du Mal, Baudelaire, 1857
Situé dans « Spleen et Idéal », « Une charogne » est l’un des textes les plus célèbres de
Baudelaire. A rebours de la poésie amoureuse traditionnelle, la promenade du couple
prend un tour inattendu lorsque les amants tombent sur une charogne en putréfaction.
Carcasse de bœuf, Chaïm Soutine, 1925 ->
XXIX
Une charogne8
(…)
7|27
LL3 : « Rêve parisien », Poème CII, Section « Tableaux parisiens », Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire, 1857
Strophes 1 à 3 et 10 à 15
CII
« Rêve parisien » 1
À Constantin Guys 2.
I
De ce terrible paysage, Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges
Tel que jamais mortel n'en vit, De soleil, même au bas du ciel,
Ce matin encore l'image, Pour illuminer ces prodiges,
Vague et lointaine, me ravit. Qui brillaient d'un feu personnel !
1 Avant dernier poème de la section « Tableaux parisiens » des Fleurs du mal (1857), il précède « Le crépuscule du matin ».
2 Constantin Guys : artiste peintre français (1805-1892) auquel Baudelaire a consacré une étude en 1863, Le Peintre de la vie
moderne.
3 Fourbi : astiqué, nettoyé en frottant vigoureusement.
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LL4 : « Aube », Les Illuminations, Arthur Rimbaud, 1895
Composé entre 1872 et 1875, le recueil des Illuminations d’Arthur Rimbaud fut publié de
manière posthume en 1895. « Aube » s’inscrit dans le désir de Rimbaud de voir en la
poésie un moyen pour le poète visionnaire de partager cette autre réalité qu’est le rêve.
« Aube »
12
Wasserfall : allemand : cascade, chute d’eau
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LL 5 : « J’ai tant rêvé de toi », section « A la mystérieuse », Corps et Biens, Robert Desnos, 1930
Célèbre figure du surréalisme, Robert Desnos publie Corps et Biens en 1930. La section « A la
mystérieuse », dont est extrait « J’ai tant rêvé de toi » est consacrée à la femme aimée. Peut-être
s’agit-il de la chanteuse Yvonne de Knops avec qui le poète vit une histoire passionnée mais non
réciproque. Mêlant deux motifs privilégiés par le surréalisme, l’amour et le rêve, Robert Desnos
parvient ici à rendre présente l’absente…
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Objet d’étude n° 2 : La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
I. Lectures linéaires OI
Problématique : Comment Olympe de Gouges porte-t-elle son combat pour l’égalité ?
LL9 : Extrait de l’« Epitre Dédicatoire », Réflexions sur l’esclavage des nègres,
Condorcet, 1781
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LL6 : Préambule
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges, 1791
PREAMBULE.
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en
Assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont
les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, [elles] ont résolu
5 d’exposer dans une déclaration solennelle15, les droits naturels, inaliénables16 et sacrés de la femme,
afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social17, leur rappelle
sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir
des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en
10 soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes
simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution18, des bonnes mœurs, et
au bonheur de tous.
La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent
être fondées que sur l’utilité commune.
POSTAMBULE
Femme, réveille-toi ! Le tocsin20 de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais
tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de
superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de
l’usurpation21. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser
5 ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand
cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ?
Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que
sur la faiblesse des hommes. Votre empire22 est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des
injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine fondée sur les sages décrets23 de la
10 nature ! Qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise24 ? Le bon mot du Législateur des
noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps
accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison25, ne vous répètent : « Femmes,
qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? » — « Tout », auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient,
dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence26 en contradiction avec leurs principes ; opposez
15 courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les
étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces
orgueilleux, non serviles27 adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les
trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre
pouvoir de les affranchir28 ; vous n’avez qu’à le vouloir.
20
Cloche que l’on sonne de manière prolongée pour avertir d’un danger.
21
Fait de s’attribuer un bien de façon illégitime, sans y avoir droit.
22
Votre pouvoir, influence.
23
Lois.
24
Action.
25
Qui n’est plus d’actualité.
26
Cette provocation.
27
Soumis.
28
De vous en libérer.
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LL8 : Postambule – Extrait 2 – La condition féminine
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges, 1791
POSTAMBULE
[…] Sous l’Ancien Régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir
l’amélioration des choses dans la substance même des vices ? Une femme n’avait besoin que d’être belle
ou aimable ; quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle n’en
profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune, qui la portait au mépris
des richesses ; alors elle n’était plus considérée que comme une mauvaise tête. La plus indécente se
5 faisait respecter avec de l’or. Le commerce des femmes était une espèce d’industrie reçue dans
la première classe29, qui, désormais, n’aura plus de crédit30. S’il en avait encore, la Révolution serait
perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. Cependant la raison peut-elle
se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme que l’homme achète, comme
l’esclave sur les côtes d’Afrique ? La différence est grande ; on le sait. L’esclave commande au maitre ;
10 mais si le maitre lui donne la liberté sans récompense, et à un âge où l’esclave a perdu tous ses charmes,
que devient cette infortunée ? Le jouet du mépris ; les portes mêmes de la bienfaisance lui sont fermées.
Elle est pauvre et vieille, dit-on ; pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? D’autres exemples encore plus
touchants s’offrent à la raison. Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu’elle
aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l’ingrat la laissera après quelques années, et plus elle
15 aura vieilli avec lui, plus son inconstance31 sera inhumaine ; si elle a des enfants, il l’abandonnera de
même. S’il est riche, il se croira dispensé de partager sa fortune avec ses nobles victimes. Si quelque
engagement le lie à ses devoirs, il en violera la puissance en espérant tout des lois. S’il est marié, tout
autre engagement perd ses droits. Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper32 le vice jusque dans
la racine ? Celle du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l’administration
20 publique33.
29
La noblesse de cour.
30
D’influence.
31
Son désir de changement, son infidélité.
32
Arracher.
33
Du partage des postes dans l’administration publique.
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LL9 : Extrait de l’« Epitre Dédicatoire », Réflexions sur l’esclavage des nègres, Condorcet, 1781
Il est d’usage de placer son œuvre sous la protection d’un grand. Or ici, Condorcet,
philosophe des Lumières, choisit d’ouvrir ses Réflexions sur l’esclavage des nègres par cette
épître dédicatoire34.
Mes amis,
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme
mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus
que les Blancs. Je ne parle ici que de ceux d’Europe, car pour les Blancs des Colonies, je ne vous
5 fais pas l’injure de les comparer avec vous, je sais combien de fois votre fidélité, votre probité35,
votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles de
l’Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu’on le trouverait. (…)
Tous ceux qui se sont enrichis dans les îles aux dépens de vos travaux et de vos souffrances,
ont, à leur retour, le droit de vous insulter dans des libelles36 calomnieux ; mais il n’est point permis
de leur répondre.
10
Telle est l’idée que vos maîtres ont de la bonté de leurs droits ; telle est la conscience qu’ils
ont de leur humanité à votre égard. Mais cette injustice n’a été pour moi qu’une raison de plus
pour prendre, dans un pays libre, la défense de la liberté des hommes.
Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet ouvrage, et que la douceur d’être béni par vous
15
me sera toujours refusée. Mais j’aurai satisfait mon cœur déchiré par le spectacle de vos maux,
soulevé par l’insolence absurde des sophismes37 de vos tyrans. Je n’emploierai point l’éloquence,
mais la raison, je parlerai, non des intérêts du commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n’avoir que des
idées chimériques ; en effet, rien n’est plus commun que les maximes38 de l’humanité et de la
20 justice ; rien n’est plus chimérique que de proposer aux hommes d’y conformer leur conduite.
34
Lettre placée en début d’ouvrage pour le dédier à une personnalité célèbre.
35
Honnêteté
36
Courts écrits diffamatoires (pamphlets).
37
Argumentations qui ne sont logiques qu’en apparence, raisonnements faux.
38
Préceptes moraux, règles de conduite.
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Objet d’étude n° 3 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
I. Lectures linéaires OI
Problématique : En quoi La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette reflète-t-il les tensions
de la société de son temps ?
LL 13 : La mort de Gavroche, Les Misérables, Tome V, Livre 1, Chapitre XV, Victor Hugo, 1862
De : « Il se dressa tout droit » à « cette petite grande âme venait de s’envoler »
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LL10 : L’arrivée d’une princesse, La Princesse de Clèves, Première partie, Mme de Lafayette, 1678
De « Il parut alors une beauté à la cour » à « d’aimer son mari et d’en être aimée »
Après avoir décrit une cour caractérisée par sa « magnificence » et ses galanteries,
Mme de Lafayette dresse un portrait non moins impressionnant de l’héroïne éponyme
de son grand roman La Princesse de Clèves.
Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit
croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on
était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de
Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait
5 laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu39 et le
mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années
sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa
fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi
à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable40. La plupart des mères s'imaginent qu'il
10 suffit de ne parler jamais de galanterie41 devant les jeunes personnes pour les en éloigner.
Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures
de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce
qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs
tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements42 ; et
15 elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et
combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la
naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que
par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut
faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.
39
Disposition à se tourner vers le bien, conformément à un idéal moral.
40
Digne d’être aimée.
41
Ici, les intrigues amoureuses.
42
Les liaisons.
17 | 2 7
LL11 : La rencontre, La Princesse de Clèves, Première partie, Mme de Lafayette, 1678
De : « Elle passa tout le jour des fiançailles à se parer » jusqu’à « s’ils ne s’en doutaient point ».
« Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin
royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu'elle arriva, l'on admira sa beauté et sa parure ; le bal
commença et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la
salle, comme de quelqu'un qui entrait et à qui on faisait place. Mme de Clèves acheva de danser
5 et, pendant qu'elle cherchait des yeux quelqu'un qu'elle avait dessein de prendre43, le roi lui cria
de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu'elle crut d'abord 44 ne pouvoir être
que M. de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l'on dansait. Ce prince
était fait d'une sorte qu'il était difficile de n'être pas surprise de le voir quand on ne l'avait jamais
vu, surtout ce soir-là, où le soin qu'il avait pris de se parer augmentait encore l'air brillant qui était
10 dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir
un grand étonnement.
M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la
révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils
commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se
souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier 45 de les voir
15
danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini sans leur donner le loisir
de parler à personne et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et
s'ils ne s'en doutaient point.
43
Prendre : Prendre comme cavalier
44
D’abord : Aussitôt 3 Singulier : atypique
18 | 2 7
LL12 : L’aveu, La Princesse de Clèves, Troisième partie, Mme de Lafayette, 1678
De : « Eh bien, monsieur, lui répondit-elle » jusqu’à « incapable de l’être ».
Alors qu’elle tente de résister à sa passion dévorante en fuyant la Cour, la princesse de Clèves est
pressée par son époux de s’expliquer. Déchirante à plus d’un titre, cette scène d’aveu a suscité de
vifs débats lors de la parution du roman éponyme.
L’aveu, (Illustration de La Princesse de Clèves), Alphonse-Charles MASSON, 1878
— Eh bien, monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu
que l'on n'a jamais fait à son mari, mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en
donne la force. Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la Cour et que je veux éviter les
périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n'ai jamais donné nulle
5 marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d'en laisser paraître, si vous me laissiez la liberté
de me retirer de la Cour, ou si j'avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire.
Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver
digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent,
du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il
10 faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on en a jamais eu, conduisez-moi,
ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.
M. de Clèves était demeuré, pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains,
hors de lui-même, et il n'avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de
parler, qu'il jeta les yeux sur elle, qu'il la vit à ses genoux, le visage couvert de larmes et d'une
15 beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l'embrassant en la relevant :
- Ayez pitié de moi vous-même, madame, lui dit-il, j'en suis digne ; et pardonnez si, dans
les premiers moments d'une affliction46 aussi violente qu'est la mienne, je ne réponds pas
comme je dois à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d'estime et
d'admiration que tout ce qu'il y a jamais eu de femme au monde ; mais aussi je me trouve le
20 plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m'avez donné de la passion47 dès le premier
moment que je vous ai vue ; vos rigueurs48 et votre possession49 n'ont pu l'éteindre : elle dure
encore ; je n'ai pu vous donner50 de l'amour, et je vois que vous craignez d'en avoir pour un
autre. Et qui est-il, madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand
vous plaît-il ? Qu'a-t-il fait pour vous plaire ? Quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre
25 cœur ? Je m'étais consolé en quelque sorte de ne l'avoir pas touché par la pensée qu'il était
incapable de l'être.
46
Affliction : Immense tristesse, chagrin, détresse.
47
Vous m’avez donné de la passion : J’ai éprouvé de l’amour pour vous.
48
Vos rigueurs : Votre indifférence
49
Votre possession : Le fait de vous avoir épousée
50
Vous donner : Faire naître chez vous
19 | 2 7
LL13 : La mort de Gavroche, Victor Hugo, Les Misérables, Tome V, Livre 1, Chapitre XV, 1862
De : « Il se dressa tout droit » à « cette petite grande âme venait de s’envoler »
Lors de la révolte de juin 1832, les républicains qui affrontent les gardes nationaux et les
soldats du roi manquent de munitions. Le petit Gavroche, 12 ans, fils des Thénardier, a
décidé de quitter l’abri de la barricade pour aller récupérer les cartouches non brûlées sur
les morts. Les gardes nationaux lui tirent dessus, et ses camarades insurgés, retranchés
derrière la barricade, suivent la scène avec inquiétude.
La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’œil fixé sur les gardes
nationaux qui tiraient, et il chanta :
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées,
et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne52. Là une quatrième balle le manqua
encore. Gavroche chanta :
51
La chanson que chante Gavroche n’a pas été inventée par Victor Hugo, c’est une chanson qui date du XVIIIe siècle
tournant en dérision un arrêt qui interdisait de lire et de citer Voltaire et Rousseau, philosophes des Lumières dont les
écrits étaient considérés comme subversifs et dangereux pour le pouvoir et l’Eglise.
52
Giberne : boîte portée à la ceinture ou en bandoulière, dans laquelle les soldats mettent leurs cartouches
53
En l’ajustant : en le visant avec leur fusil
20 | 2 7
25 cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants
d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n’était pas un enfant, ce
n’était pas un homme ; c’était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. Les
balles couraient après lui, il était plus leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-
cache avec la mort ; chaque fois que la face camarde54 du spectre s’approchait, le gamin lui donnait
30 une pichenette.
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l’enfant feu
follet55. On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la barricade poussa un cri ; mais il y avait
de l’Antée56 dans ce pygmée57 ; pour le gamin toucher le pavé, c’est comme pour le géant toucher
la terre ; Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant58, un long filet
35 de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et
se mit à chanter.
Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre
le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler.
54
Camarde : l’adjectif signifie « qui a le nez plat, écrasé ». La camarde désigne également la mort.
55
Feu follet : lueur, petite flamme fugitive que l’on voit parfois apparaître sur les marais ou dans les cimetières
56
Antée : Géant mythologique qui retrouvait sa force en touchant la terre, sa mère.
57
Pygmée : Individu de très petite taille (en référence au peuple légendaire d’Afrique ou d’Asie que l’on disait
composé d’hommes très petits de taille).
58
Sur son séant : en position assise.
21 | 2 7
Objet d’étude n° 4 : Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
I. Lectures linéaires OI
Problématique : Comment, dans Juste la fin du monde, la crise personnelle de Louis révèle-t-elle une
crise familiale ?
LL 14 : Le prologue
LL 15 : Le repas, Partie 1, scène 9 (en entier)
LL 16 : La colère d’Antoine, Partie 2, Scène 3
De : « Tu dis qu’on ne t’aime pas » à « coupable de n’y pas croire en silence »
22 | 2 7
LL14 : Prologue, Juste la fin du Monde, Jean-Luc Lagarce, 1990
23 | 2 7
LL15 : Le repas, Partie 1, scène 9 (en entier), Juste la fin du Monde, Jean-Luc Lagarce, 1990
Située à la fin de la première partie de Juste la fin du monde, cette scène s’ancre dans le
topos du déjeuner dominical, tout en s’en écartant.
24 | 2 7
ANTOINE. - Elle reviendra.
LOUIS. - Oui, je veux bien, un peu de café, je veux bien.
ANTOINE . - « Oui, je veux bien, un peu de café, je veux
bien. »
35 CATHERINE. - Antoine !
ANTOINE. - Quoi ?
LOUIS. - Tu te payais ma tête, tu essayais.
ANTOINE. - Tous les mêmes, vous êtes tous les mêmes ! Suzanne !
CATHERINE. - Antoine ! Où est-ce que tu vas ?
40 LA MERE. - Ils reviendront.
Ils reviennent toujours.
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LL16 : La colère d’Antoine - Partie 2, scène 3 - Juste la fin du Monde, Jean-Luc Lagarce, 1990
De « Tu dis qu’on ne t’aime pas » à « coupable de n’y pas croire en silence »
Le crime fratricide est au fondement de nombreux mythes. C’est bien lui qui est au cœur de cette
scène dans laquelle Antoine prend un nouveau visage.
26 | 2 7
30 que peut-être, tu n'avais pas tort,
et que en effet, les autres, les parents, moi, le reste
du monde,
nous n’étions pas bons avec toi
et nous te faisions du mal.
35 Tu me persuadais,
j'étais convaincu que tu manquais d'amour.
Je te croyais et je te plaignais,
et cette peur que j'éprouvais
- c'est bien, là encore, de la peur qu'il est question -
40 cette peur que j'avais que personne ne t'aime jamais,
cette peur me rendait malheureux à mon tour,
comme toujours les plus jeunes frères se croient obligés de l'être par imitation et inquiétude,
malheureux à mon tour,
mais coupable encore,
45 coupable aussi de ne pas être assez malheureux,
de ne l'être qu'en me forçant,
coupable de n'y pas croire en silence.
27 | 2 7