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Vous êtes heureux, vous, de ne plus habiter Charleville ! — Ma ville natale est
supérieurement idiote entre les petites villes de province. Sur cela, voyez-vous, je n’ai plus
d’illusions. Parce qu’elle est à côté de Mézières — une ville qu’on ne trouve pas parce
qu’elle voit pérégriner dans ses rues deux ou trois cents de pioupious, cette benoîte
population gesticule prudhommesquement spadassine, bien autrement que les assiégés de
Metz et de Strasbourg ! C’est effrayant, les épiciers retraités qui revêtent l’uniforme ! C’est
épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous
les ventres, qui, chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma
patrie se lève !… Moi, j’aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c’est mon
principe.
Je suis dépaysé, malade, furieux, bête, renversé ; j’espérais des bains de soleil, des
promenades infinies, du repos, des voyages, des aventures, des bohémienneries, enfin :
j’espérais surtout des journaux, des livres… Rien ! Rien ! Le courrier n’envoie plus rien aux
libraires ; Paris se moque de nous joliment : pas un seul livre nouveau ! c’est la mort ! Me
voilà réduit, en fait de journaux, à l’honorable Courrier des Ardennes, propriétaire, gérant,
directeur, rédacteur en chef et rédacteur unique, A. Pouillard ! Ce journal résume les
aspirations, les vœux et les opinions de la population, ainsi, jugez ! c’est du propre !… On
est exilé dans sa patrie !!!
Lettre à Georges Izambard
27, rue de l’Abbaye-des-Champs, à Douai (Nord)
Charleville, [13] mai 1871.
Cher Monsieur !
Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m’avez-vous dit ; vous faites partie des corps
enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. — Moi aussi, je suis le principe : je me fais
cyniquement entretenir ; je déterre d’anciens imbéciles de collège : tout ce que je puis inventer de
bête, de sale, de mauvais, en action et en paroles, je le leur livre : on me paie en bocks et en filles.
Maintenant, je m'encrapule le plus possible. Pourquoi ? je veux être poète, et je travaille à me
rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s’agit
d’arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut
être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n’est pas du tout ma faute. C’est faux de
dire : Je pense. On devrait dire : On me pense. Pardon du jeu de mots.
JE est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et Nargue aux inconscients, qui ergotent
sur ce qu’ils ignorent tout à fait !
L'émancipation créatrice
Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud 1870
Questions :
• Relevez toutes les images de l'adolescence l'enthousiaste du jeune poète
• Montrez que Rimbaud fait preuve d'une distance critique
• Quelles sont ses sources d'inspiration ? .
Définition : parnassien, parnassienne Littéraire. Qui relève du Parnasse (l'ensemble des poètes, la
poésie). 2. Se dit du mouvement de poésie française (xix e siècle) caractérisée, en réaction contre les
épanchements romantiques, par une poésie savante et impersonnelle.
La compagnie des auteurs, émission 1, La vie errante, 38ième minute et 47ième minute
Arthur Rimbaud en Mille morceaux Emission 1 : Le génie
Correction :
• L'amour et la sensualité
• Poèmes politiques ou révoltés
• Bohème et liberté
• Poèmes aux références littéraires et mythologiques
V- En quoi peut-on dire que la création poétique est un acte d'émancipation chez
Rimbaud ?
Conclusion
Synthèse: Récapitulation de la façon dont "Les Cahiers de Douai" représentent un acte
d'émancipation à travers la forme, le contenu et l'influence de Rimbaud.
Ouverture: Réflexion sur la pertinence continue de l'émancipation poétique de Rimbaud dans le
contexte contemporain.
En mai 1870, Rimbaud a quinze ans et a décidé de devenir poète. De cette décision naîtra un
recueil : Les cahiers de Douai (recueil publié après la mort de Rimbaud), dont les thèmes récurrents
sont les amours adolescentes, l'errance, la révolte contre la bourgeoisie de province, contre
hypocrisie religieuse, contre la guerre.
Au cours de cette année 1870 Rimbaud va fuguer, expérimenter une vie de bohème, vie d'errance
et de dénuement. De ses fugues vont naître plusieurs poèmes dont « Ma bohème »
Le sonnet « Ma bohème », dernier poème du recueil, a une place bien particulière. Inspiré par une
forme traditionnelle, qu'il bouleverse parfois, Rimbaud annonce sa révolution poétique.
Emancipation créatrice qu'il évoquera dans sa lettre à Georges Izambard de mai 1871. « Il s'agit
d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes »
Ainsi ce poème est un texte essentiel pour comprendre l'émancipation créatrice de Rimbaud
2 mouvements :
Titre : ma bohème vient de « bohémien » c’est-à-dire hors de la société, voyage en liberté (loin de sa fa-
mille et de la société bourgeoise)
I- Enthousiasme de l’errance
Il y a une césure (coupure du vers) après « je m’en allais », cela montre sa fantaisie d’écriture car normale-
ment c’est 6/6 mais lui a fait du 4/8 ;
« Dans mes poches crevées » évoque le fait qu’il est décontracté, son apparence négligée montre qu’il est
sans peur, sans peur des apparences ; le langage familier marque de la fantaisie dans son écriture.
On retrouve le champ lexical des vêtements usés (paletot v.2 , unique culotte v5, souliers blessés v14) , il
s’affranchit de la bourgeoisie, il se moque de l’apparence
Antithèse au vers 2 entre « paletot » et « idéal », la fait de ne rien posséder lui est nécessaire ;
ce dénuement s’apparente donc au bonheur
Au vers 3 on retrouve le vocabulaire du roman de chevalerie avec « Muse » et « féal », vocabu-
laire synonyme de son amour, son enthousiasme et son dévouement pour la poésie. Personnifi-
cation de la déesse de la poésie en « Muse »
Champ lexical de la poésie : muse v3, amour v4, des rimes v7, rimant v12, lyre v13, pied v14
Il y a un complément circonstanciel de lieu « sous le ciel » ce qui compte c’est l’errance et non sa destina-
tion
On retrouve une idée déjà évoquée au début du deuxième tercet : cela montre qu’il erre sans ba-
gage, sans contrainte, malgré sa pauvreté il est heureux
Passons au deuxième mouvement dans lequel le poète insiste encore davantage sur la création poétique :
Au vers 6 « petit- poucet », métaphore du conte, à la différence Rimbaud ne veut pas rentrer chez lui mais
s’en échapper, même s’il est perdu la poésie le guidera car il « égrène des rimes » v6/7
Au vers 7 on retrouve une métaphore qui ajoute à la dimension onirique (le rêve) cela montre qu’il dort de -
hors ( à la belle étoile)
Au vers 8 personnification de l’étoile avec un synesthésie en comparant les étoiles aux femmes ; Personnifi-
cation des étoiles (v.8) => il fait corps avec la nature, évoque son amour, la nature est sa maison/ synesthé-
sie, les étoiles deviennent un son, amenée par la personnification des étoiles en femmes => image poétique
forte, la nature apparaît dans sa bienveillance. Déterminant possessif
Comparaison (v.10) => le vin de vigueur (vin qui donne de l’énergie) et la rosée, lui procure une sensation
de douceur/ sentiment de bien-être / le vin est un produit de luxe, son luxe est de dormir dehors
Remarquons que dans ce premier tercet tous les sens sont convoqués
Au vers 11 il compare la rosée du matin avec le vin de vigueur qui représente le luxe, donc son luxe à lui
c’est dormir dehors, la rosée matinale (la vitalité, l’énergie, la joie)
Oxymore (v.12) « ombres fantastiques » => montre sa fantaisie, tout ce qui vient de la nature est beau,
cette expression renforce la dimension onirique
« Un pied près de mon cœur » => métaphore à double sens : la poésie et le voyage sont près de son cœur/
amour du voyage/ poésie. Deux sens : propre : soigner son cœur ; figuré : construire des vers : ses amours
sont la poésie et l’errance
En mai 1870, Rimbaud a quinze ans et a décidé de devenir poète. De cette décision naîtra un
recueil : Les cahiers de Douai (recueil publié après la mort de Rimbaud) , dont les thèmes
recurrents sont les amours adolescentes, l'errance, la révolte contre la bourgeoisie de province,
contre hypocrisie religieuse, contre la guerre
Au cours de cette même année 1870 il va fuguer, expérimenter une vie de bohème, vie d'errance et
de dénuement. De ses fugues vont naître plusieurs poèmes dont « Ma bohème »
Le sonnet Ma bohème, dernier poème du recueil, a une place bien particulière, inspiré par une
forme traditionnelle, qu'il bouleverse parfois, il annonce sa révolution poétique.Emancipation
créatrice qu'il évoquera dans sa lettre à Georges Izambard de mai 1871. « Il s'agit d'arriver à
l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes »
Texte essentiel pour comprendre l'émancipation créatrice de Rimbaud