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Le texte descriptif

César avait alors quarante ans. Les travaux auxquels se livrait dans sa fabrique lui avaient
donné quelques rides prématurées, et avaient légèrement argenté la longue chevelure touffue
que la pression de son chapeau lustrait circulairement. Ses cheveux dessinaient cinq pointes,
annonçait la simplicité de sa vie. Ses gros sourcils n’effrayaient point, car ses yeux bleus
s’harmonisaient par leur limpide regard toujours front d’honnête homme. Son nez cassé à la
naissance et gros du bout lui donnait l’air étonné des gobe-mouches de Paris. Ses lèvres
étaient très lippues, et son grand menton tombait droit. La force générale du corps, la
grosseur des membres, la carrure du dos, la largeur du pied, tout dénotait d’ailleurs le
villageois transplanté dans Paris. Ses mains larges et poilues, ses grands ongles carrés eussent
attesté son origine, s’il n’en était pas resté des vestiges dans toute sa personne. Il avait sur les
lèvres le sourire de bienveillance que prennent les marchands quand vous entrez chez eux ;
mais ce sourire commercial était l’image de son contentement intérieur et peignait l’état de
son âme douce. Sa défiance ne dépassait jamais les affaires, sa ruse le quittait sur le seuil de
sa bourse ou quand il fermait son grand livre. Le soupçon était pour lui ce qu’étaient ses
facteurs imprimés, une nécessité de la vente elle-même. Sa figure offrait une sorte
d’assurance comique, de fatuité mêlée de bonhomie qui le rendait original à voir en lui
évitant une ressemblance trop complète avec la plate figure du bourgeois parisien. Sans cet
air de naïve admiration et de foi en sa personne, il eût imprimé trop de respect ; il se
rapprochait ainsi des hommes en payant sa quote-part de ridicule.

Honoré de Balzac, César Birotteau, 1839

Le texte descriptif

César avait alors quarante ans. Les travaux auxquels se livrait dans sa fabrique lui
avaient donné quelques rides prématurées, et avaient légèrement argenté la longue chevelure
touffue que la pression de son chapeau lustrait circulairement. Ses cheveux dessinaient cinq
pointes, annonçait la simplicité de sa vie. Ses gros sourcils n’effrayaient point, car ses yeux
bleus s’harmonisaient par leur limpide regard toujours front d’honnête homme. Son nez cassé
à la naissance et gros du bout lui donnait l’air étonné des gobe-mouches de Paris. Ses lèvres
étaient très lippues, et son grand menton tombait droit. La force générale du corps, la
grosseur des membres, la carrure du dos, la largeur du pied, tout dénotait d’ailleurs le
villageois transplanté dans Paris. Ses mains larges et poilues, ses grands ongles carrés eussent
attesté son origine, s’il n’en était pas resté des vestiges dans toute sa personne. Il avait sur les
lèvres le sourire de bienveillance que prennent les marchands quand vous entrez chez eux ;
mais ce sourire commercial était l’image de son contentement intérieur et peignait l’état de
son âme douce. Sa défiance ne dépassait jamais les affaires, sa ruse le quittait sur le seuil de
sa bourse ou quand il fermait son grand livre. Le soupçon était pour lui ce qu’étaient ses
facteurs imprimés, une nécessité de la vente elle-même. Sa figure offrait une sorte
d’assurance comique, de fatuité mêlée de bonhomie qui le rendait original à voir en lui
évitant une ressemblance trop complète avec la plate figure du bourgeois parisien. Sans cet
air de naïve admiration et de foi en sa personne, il eût imprimé trop de respect ; il se
rapprochait ainsi des hommes en payant sa quote-part de ridicule.

Honoré de Balzac, César Birotteau, 1839

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