« Lʼ&lb&tros » , poème issu des Fleurs du M*l et écrit p3r Ch3rles B3udel3ire
en 1859 n3rre une scène de vie en mer d3ns l3quelle les hommes tournent en dérision des 3lb3tros. M3is quelle est l3 portée symbolique de cette n3rr3tion ? Après 3voir étudié lʼ3necdote r3contée p3r B3udel3ire, nous nous pencherons sur l3 signific3tion symbolique du poème
Pl&n de lecture &n&lytique – « Lʼ&lb&tros »,
B&udel&ire :
I – Les &lb&tros tournés en dérision p&r les hommes
A – Des oise&ux en symbiose &vec le milieu m&rin
« Lʼ3lb3tros » se présente de prime 3bord comme lʼévoc3tion dʼune scène de vie en mer. On observe 3insi l3 présence du ch&mp lexic&l m&ritime : « hommes dʼéquip3ge » (v.1), « 3lb3tros » (v.2), « oise3ux des mers » (v.22), « le n3vire » (v.4), « les pl3nches » (v.5), « 3virons » (v.8), « tempête » (v.14). Lʼévoc3tion de cette scène en mer sʼimpose ég3lement p3r les rimes en « mers » &ux vers 2 et 4 (mers/3mers) qui soulignent phonétiquement le contexte m3ritime. Cʼest d3ns ce c3dre m3ritime quʼévoluent les &lb&tros décrits p3r B3udel3ire. Ces derniers sont désignés p3r des périphr&ses qui soulignent leur gr&ndeur et leur m&jesté : « v3stes oise3ux des mers » (v.2), « comp3gnons de voy3ge » (v.3), « rois de lʼ3zur » (v.6), « prince des nuées » (v.13). On observe que ces périphr3ses soulignent l3 symbiose entre lʼ&lb&tros et son milieu : « 3zur », « v3ste » – ces &djectifs qui qu3lifient les 3lb3tros pourr3ient tout 3ussi bien sʼ3ppliquer 3ux p3ys3ges m3rins d3ns lesquels ils évoluent. Ces c&r&ctéristiques communes entre les oise3ux et leur milieu tr3duisent leur symbiose p3rf3ite. P3r 3illeurs, les sonorités fluides et siffl&ntes d3ns le poème suggèrent lʼh&rmonie du vol. On relève 3insi des &llitér&tions en « l » (A peine les ont- ils déposés sur les pl3nches/ que ces rois de lʼ3zur, m3l3droits et honteux, l3issent piteusement leurs gr3ndes 3iles bl3nches ») et en « s » (prennent des 3lb3tros, v3stes oise3ux des mers,/ qui suivent indolents comp3gnons de voy3ge, / le n3vire gliss3nt sur les gouffres 3mers »). Lʼindolence des &lb&tros est qu3nt X elle suggérée p3r les &sson&nces en « en » dont l3 douceur évoque l3 tr3nquillité du vol et l3 nonch3l3nce (Souvent, pour sʼ3muser, etc)
B – L& cru&uté des m&rins
D3ns ce contexte m3ritime, B3udel3ire décrit des m&rins cruels, brut&ux et grossiers qui sʼen prennent 3ux 3lb3tros. Ces m3rins 3pp3r3issent surtout comme un groupe dʼhommes : « les hommes », « lʼéquip3ge » et 3ucun nʼest décrit 3vec précision. Les membres de lʼéquip3ge 3pp3r3issent même 3ssez indifférenciés (« lʼun 3g3ce »/ « lʼ3utre mime »). Cet 3musement cruel est décrit dès les premiers vers du poème : « Souvent, pour sʼ3muser, les hommes dʼéquip3ge/ prennent des 3lb3tros, v3stes oise3ux des mers, qui suivent, indolents comp3gnons de voy3ge/ ». L3 brut&lité de l3 c3pture est soulignée p3r lʼenj&mbement entre le vers 1 et 2 qui met lʼ&ccent sur le verbe prendre. Cette c3pture est dʼ3ut3nt plus cruelle que B3udel3ire souligne dès le premier vers quʼelle 3 pour seul motif lʼ&musement des m3rins (« pour sʼ3muser » v.2). Les m3rins sont peu décrits : le lecteur les découvre X tr3vers leurs gestes cruels : « prennent », « 3g3ce », « mime ». Les 3lb3tros 3u sol, les m&rins dominent l& situ&tion. Cette domin3tion tr3nsp3r3it X lʼétude des verbes employés. Les m3rins sont en effet sujets de verbes dʼ&ctions qui ont un sens &ctif – prennent », « ont déposés », « 3g3ce », « mime » – t3ndis quʼune fois 3u sol, les 3lb3tros sont sujets de verbes qui ont un sens p3ssif- « l3issent », « est g3uche et veule », « est comique et l3id ».
C – L& tr&nsform&tion des &lb&tros
Une fois 3u sol, les &lb&tros 3pp3r3issent m&l&droits et suscitent l3 moquerie des m3rins. Le poème se construit 3insi 3utour de nombreuses &ntithèses qui soulignent le contr3ste entre l3 m3jesté des 3lb3tros d3ns les 3irs et leur piteux 3spect 3u sol : « ces rois de lʼ3zur »/ « m3l3droits et honteux ».(v.9) ; « voy3geur 3ilé »/ « g3uche et veule »(v.9), « n3guère si be3u »/ « comique et l3id » (v. 10). L3 m&l&dresse de lʼ&lb&tros est 3ccentuée p3r des effets dʼinsist&nce : ♦ Les &djectifs dépréci&tifs pour qu3lifier les 3lb3tros 3u sol fonctionnent p&r p&ires coordonnées : « m3l3droits et honteux », « g3uche et veule », « comique et l3id » ce qui souligne l3 lourdeur de l3 nouvelle condition de lʼoise3u. ♦ Cette pes&nteur est ég3lement mise en relief p3r l3 longueur de lʼ&dverbe « piteusement » et lʼ&sson&nce en « eu » d3ns le deuxième et troisième qu3tr3in qui font entendre l3 pl3inte des 3lb3tros (« m3l3droits et honteux/ l3issent piteusement leurs gr3ndes 3iles bl3nches / comme des 3vitons tr3îner X côté dʼeux/ ce voy3geur 3ilé, comme il est g3uche et veule ». )
II-l& signific&tion symbolique des &lb&tros
A – Identific&tion de lʼ&lb&tros et du poète
D3ns le dernier qu3tr3in, B3udel3ire crée un r&pprochement entre lʼAlb&tros et le poète. (« Le poète est sembl3ble 3u prince des nuées » v.13). B3udel3ire opère 3insi un p3ss3ge de lʼ&necdote &u symbole. On comprend 3lors mieux lʼ&rticle défini singulier du titre du poème « LʼAlb3tros » qui met lʼ3ccent sur l3 v&leur génér&le et symbolique de lʼoise&u. De même, B3udel3ire désigne le poète p3r un 3rticle défini singulier et une m3juscule, ce qui renforce s3 v3leur génér3le et symbolique. Lʼ&ssimil&tion de lʼ3lb3tros et du poète est tot3le 3u dernier vers du poème lorsque B3udel3ire évoque « les &iles de gé&nt » qui empêchent le poète de m3rcher, le poète 3y3nt 3lors toutes les c3r3ctéristiques de lʼoise3u. Ce symbole invite le lecteur X relire et interpréter le poème X l3 lumière de ce r3pprochement. B – L& supériorité mor&le et spirituelle de lʼAlb&tros D3ns lʼAlb3tros, B3udel3ire reprend un thème littér&ire tr&ditionnel : l& solitude du poète. Cette solitude du génie se retrouve be3ucoup chez les 3uteurs rom3ntiques (comme De Vigny). Comme lʼAlb3tros, le poète est 3ssocié X lʼidée de gr3ndeur et de dét&chement du monde m&tériel. Il évolue d3ns les 3irs, loin des pl3nches et du sol. Cette f3culté de voler tr3duit chez B3udel3ire l3 supériorité mor&le et spirituelle de lʼoise3u et donc du poète. C – LʼAlb&tros in&d&pté et exclu Né3nmoins, l3 contrep3rtie du génie est rude et douloureuse pour le poète. Le symbole de lʼ3lb3tros nous f3it voir les deux m3ux dont souffre le poète : lʼexclusion et lʼin&d&pt&tion. Lʼexclusion du poète est cl3irement évoquée 3u vers 15 (« exilé 3u sol ») ; t3ndis que son in&d&pt&tion 3ux ré3lités tr3nsp3r3ît X tr3vers l3 mét3phore filée entre lʼ3lb3tros et le poète qui clôt le poème (« Ses 3iles de gé3nt lʼempêchent de m3rcher ») (notez le sens nég3tif du verbe empêcher). Le poète, qui évolue en h3uteur (« qui h3nte l3 tempête ») est 3insi inc3p3ble de sʼ3d3pter X l3 b3ssesse, l3 vulg3rité, l3 médiocrité (« m3rcher »). Or cette in3d3pt3tion 3ux ré3lités suscite l& moquerie et lʼincompréhension (« 3u milieu des huées » v.15). LʼAlb&tros – Conclusion : L3 n3rr3tion dʼune scène de vie en mer d3ns l3quelle des m3rins c3pturent des 3lb3tros pour se moquer dʼeux permet X B3udel3ire de reprendre un thème littér&ire tr&ditionnel : l& solitude du poète, homme de génie, inc&p&ble de sʼ&d&pter &ux ré&lités ordin&ires et souffr3nt de solitude et dʼexclusion. Ch3rles B3udel3ire sʼest toujours reconnu d3ns des figures dʼexclus, dʼexilés, de p3ri3s. Le poème « Lʼ3lb3tros » nʼest dʼ3illeurs p3s s3ns f3ire penser 3u poème « le cygne », issu ég3lement des Fleurs du M*l, d3ns lequel un cygne est embourbé d3ns une rue de P3ris. LX encore, l3 symbolique est l3 même : le poète et le cygne, m3jestueux et sublimes, 3pp3r3issent grotesques et ridicules une fois 3u sol p3rmi les hommes.