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Dans un épilogue qu’il avait prévu d’insérer à la suite de la section « Tableaux parisiens », dans
l’édition 1861 des Fleurs du mal, Baudelaire, s’adressant à la ville de Paris, écrit : « Ô vous, soyez témoins que
j’ai fait mon devoir / Comme un parfait ________ et comme une âme sainte / Car j’ai de chaque chose
extrait la ___________1. / Tu m’as donné ta _____ et j’en ai fait de l’___. » On trouve aussi dans ses notes
sur des poèmes inachevés, une formule plus condensée et plus frappante encore : « J’ai pétri2 de la _____ et
j’en ai fait de l’or. »
En rapprochant ces deux termes __________, la boue et l’or, Baudelaire propose une définition de son
art - une poésie d’association et de rencontre des _________. Il met en évidence, en ce sens, un des pouvoirs
de la poésie : elle transforme, trans_______ les éléments du réel, d’une part pour les sublimer et en révéler
la beauté cachée, d’autre part pour atteindre une vérité essentielle, la vérité _________ du monde3.
Dans cette opération de transfiguration, qui tient tout autant de la magie que du sacerdoce4, le poète est
un « chimiste » et « une âme sainte » tout à la fois. En effet, au-delà de la morale traditionnelle et commune, il
transforme, non sans provocation, le _____ en œuvre d’art, de la même manière que l’alchimiste transmue le
_______. Il invite ainsi à repenser le monde, à dépasser les frontières imposées par la __________.
1. « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie », III, 27, Les Contemplations de Victor Hugo (1856).
2. « Vénus anadyomène », 1er cahier des Cahiers de Douai d’Arthur Rimbaud (1870).
3. Chant IV, strophe 4, extrait, Les Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse (1874).
4. « Les Usines », extrait, Les Villes tentaculaires d’Emile Verhaeren (1895).
5. « Ode inachevée à la boue », extrait de Pièces de Francis Ponge (1962).
6. « La Limace », extrait de Battre la campagne de Raymond Queneau (1968).
Consignes
- Complétez l’introduction ci-dessus.
- Lisez l’ensemble des textes avec attention.
- Numérotez-les tous les cinq vers ou lignes.
- Préparez sérieusement au brouillon les questions posées sur chaque texte.
- Répondez aux questions de synthèse.
1
____________ : aboutissement d’opérations alchimiques, résultat de distillations successives. Le terme renvoie ici à l’essence,
c’est-à-dire la partie pure, la plus concentrée d’une substance.
2
Pétrir : travail du boulanger qui pétrit sa pâte > poète = un art___ oui mais avant tout un arti__.
3
Cf. Paul Eluard : « La terre est bleue comme une orange », extrait du recueil L’amour, la poésie.
4
Sacerdoce : fonction de prêtre. Par analogie, désigne toute fonction qui exige du dévouement.
1. « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie », III, 27, Les Contemplations de Victor Hugo (1856).
Victor Hugo est reconnu comme le chef de file du mouvement romantique en France. Dans son recueil
Les Contemplations, publié en 1856, il évoque la mort tragique de sa fille Léopoldine, treize ans plus tôt. La
poésie est alors l’occasion pour le poète de méditer sur la fragilité de la vie et de la mort.
Questions Texte 1
Vénus anadyomène8
27 juillet 1870.
Questions Texte 2
3. Chant IV, strophe 4, extrait, Les Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse (1874).
8
Anadyomène : du grec, « surgie des eaux ».
9
Fer-blanc : tôle de fer.
10
Pommadés : couverts de pommade.
11
Déficits : trous.
12
Ravaudés : réparés.
13
Qui saillent : qui sortent, formant ainsi un relief.
14
Echine : colonne vertébrale.
15
Clara Venus : en latin, « Illustre Vénus ».
16
Croupe : bas du dos et postérieur de la femme, par analogie familière avec la croupe du cheval.
17
Ulcère : plaie.
Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, est l’auteur d’un très long poème en prose intitulé Les Chants
du Maldoror. Cet ouvrage, passé inaperçu en son temps, donne la parole à un être indéfinissable, Maldoror,
qui fait, dans ce passage, son portrait.
Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les
escarres18 de la lèpre19 ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la
rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules
ombellifères20. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds
ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles
parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais
comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons 21 de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le
nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand
l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa
bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau. Sous mon aisselle
droite, il y a un caméléon qui leur fait une chasse perpétuelle, afin de ne pas mourir de faim : il faut que chacun
vive. Mais, quand un parti22 déjoue complètement les ruses de l’autre, ils ne trouvent rien de mieux que de ne
pas se gêner, et sucent la graisse délicate qui couvre mes côtes : j’y suis habitué.
Questions Texte 3
Dans ce recueil, le poète belge Emile Verhaeren décrit précisément les grandes villes modernes et
industrielles du XIXe siècle. Il fait état, avec une grande force poétique, de la misère ouvrière mais garde
l’espoir que le progrès, technique et scientifique, amènera des jours meilleurs pour l’humanité. Dans « Les
Usines », la laideur industrielle acquiert ainsi, de façon progressive, une beauté presque surnaturelle,
fantastique.
Les Usines
18
Escarres : croûtes noirâtres et dures qui se forment sur une plaie.
19
Lèpre : maladie infectieuse grave, entraînant des lésions importantes sur la peau.
20
Pédoncules (tiges des fleurs, pieds des champignons) ombellifères (de forme sphérique).
21
Exhalaisons : odeurs qui se dégagent d’un corps.
22
Parti : camp.
23
Poix : matière visqueuse à base de goudron de bois.
24
Salpêtre : petits cristaux blanchâtres présents sur les murs humides.
Et la misère en guenilles25 de ces faubourgs,
Ronflent terriblement les fours et les fabriques.
25
Guenilles : haillons, vêtements usés et abîmés.
26
Lieues : une lieue est une unité de mesure équivalant à quatre kilomètres environ.
27
Tridents : fourches à trois dents.
28
Plâtras : débris de plâtre.
29
Scories : déchets liés à la métallurgie (fabrication des métaux).
30
Hagards : hébétés, égarés.
31
Dressoirs : étagères ou buffets sur/dans lesquels on entrepose la vaisselle.
32
Fols : fous.
33
Pintes : récipients contenant environ un litre de bière.
34
Ales : bières anglaises blondes.
35
Couleur topaze : jaune comme la pierre précieuse.
36
Indigents : pauvres, miséreux.
Des usines et des fabriques symétriques.
Ici : entre des murs de fer et de pierre,
Soudainement se lève, altière37,
La force en rut38 de la matière :
Des mâchoires d’acier mordent et fument ;
De grands marteaux monumentaux
Broient des blocs d’or, sur des enclumes,
Et, dans un coin, s’illuminent les fontes
En brasiers tors39 et effrénés qu’on dompte.
L’aube s’essuie
A leurs carrés de suie
Midi et son soleil hagard
Comme un aveugle, errent par leurs brouillards ;
Seul, quand au bout de la semaine, au soir,
La nuit se laisse en ses ténèbres choir40,
L’âpre effort s’interrompt, mais demeure en arrêt,
Comme un marteau sur une enclume,
Et l’ombre, au loin, parmi les carrefours, paraît
De la brume d’or qui s’allume.
Questions Texte 4
a. Relevez les éléments qui dans les 2ères strophes, mettent en évidence la laideur et la misère des
quartiers industriels de la ville.
b. Quels éléments, mentionnés dans la 1ère strophe, sont repris dans la 3ème ? Quel effet ces reprises et
leurs variations créent-elles ?
c. Montrez que les quatre dernières strophes transfigurent le monde des usines et lui confèrent une
certaine beauté visuelle.
d. Langue : avec quel nom l’adjectif « altière » (vers 47) s’accorde-t-il ? Indiquez sa fonction
grammaticale.
37
Altière : fière.
38
En rut : en état d’excitation sexuelle.
39
Tors : tordus.
40
Choir : tomber.
5. « Ode inachevée à la boue », extrait de Pièces de Francis Ponge (1962).
Le poète Francis Ponge est célèbre pour son recueil de poèmes en prose Le Parti pris des choses. Dans
ce recueil, il cherche à décrire le plus exactement possible la nature des objets du quotidien. Il exploite pour
cela les ressources du langage poétique. Dans Pièces, il poursuit cette recherche.
Ode inachevée à la boue
Ainsi devient un lieu sauvage le carrefour le plus amène47, la sente48 la mieux poudrée49.
La plus fine fleur50 du sol fait la boue la meilleure, celle qui se défend le mieux des atteintes du pied ; comme
aussi de toute intention plasticienne 51. La plus alerte52 enfin à gicler au visage de ses contempteurs 53. Elle
interdit elle-même l’approche de son centre, oblige à de longs détours, voire à des échasses.
Ce n’est peut-être pas qu’elle soit inhospitalière ou jalouse; car, privée d’affection, si vous lui faites la moindre
avance, elle s’attache à vous.
Chienne de boue, qui agrippe mes chausses et qui me saute aux yeux d’un élan importun ! […]
Questions Texte 5
41
La méprise, la condamne.
42
Limoneux : qui contient ou transporte des débris organiques.
43
Roué : parcouru par les roues, qui a subi le supplice de la roue. Par analogie : brisé de douleur et de fatigue.
44
Sarcelle : oiseau des marais.
45
Gué : endroit peu profond d’un cours d’eau.
46
Opiniâtre : têtue.
47
Amène : charmant.
48
Sente : petit chemin.
49
Poudrée : couvert de poussière.
50
Fleur du sol : poudre.
51
Plasticienne : artistique.
52
Alerte : prompte, rapide.
53
Contempteurs : personnes qui critiquent.
6. « La Limace », extrait de Battre la campagne de Raymond Queneau (1968).
Dans Battre la campagne, Raymond Queneau évoque avec humour les transformations du monde rural
à l’ère de l’industrialisation. Il évite la nostalgie du passé autant que la célébration du progrès technique.
La Limace
Questions Texte 6.
a. Après avoir lu l’ensemble des poèmes, faites une synthèse des images et éléments surprenants que les
poètes ont convoqués et décrits. En quoi permettent-ils de voir autrement le monde qui nous entoure ?
b. Araignée, poux, limace ; pourquoi l’animal est-il l’objet d’une telle attention de la part des poètes
selon vous ? Après avoir répondu à cette question, vous ferez un relevé efficace des animaux
emblématiques du recueil des Fleurs du mal et préciserez leur fonction. Enfin, vous direz dans quelle
mesure les figures animales convoquées dans d’autres recueils de poésie sont eux-aussi symboliques (cf.
le pélican dans l’œuvre de Musset, le rossignol dans les Poèmes saturniens de Verlaine, le hibou dans Le
Bestiaire ou Cortège d’Orphée d’Apollinaire, par exemple).
54
Dédale : labyrinthe.
55
Bourraches : plantes à fleurs bleues.
56
Fringale : faim (fam.).
57
Sagace : qui fait preuve de finesse d’esprit.
58
Sargasses : algues brunes flottantes.