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Classe de Première ES 2
Mme COSTE
Projet de classe : Les humains vus d’ailleurs. Écrire une nouvelle collective sur l’homme en
adoptant un point de vue extraterrestre
Proposition générale :
• Découvrir les visages problématiques de l’étranger, du métèque au réfugié.
• Mener une réflexion sur la rencontre entre les cultures et les civilisations, poser la question d’un
espace à vivre, entre nationalisme et cosmopolitisme.
• Interroger l’usage du point de vue étranger en littérature, son enjeu critique et ses répercussions
philosophiques.
Lectures analytiques
- Publication d’une nouvelle à partir d’un incipit de Bernard Weber (de l’écriture collective à la
publication, en passant par le travail de l’illustration)
- Réflexion à l’aide de concepts : l’ethnocentrisme, le mythe du sauvage, l’œil neuf.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Lectures analytiques
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Proposition générale :
• Interroger le sens du rituel théâtral et la place du spectateur-citoyen dans ce dispositif
• Mener une réflexion sur le théâtre comme espace politique et social
• Découvrir la scénographie à partir d’une expérience réelle de mise en scène
Lectures analytiques
LA 8 : Molière, Acte IV, scène 1, Le Bourgeois gentilhomme, 1670.
LA 9 : Victor Hugo, Acte III, scène 2, Ruy Blas, 1838.
LA 10 : Alfred Jarry, Acte I, scène 2 et 3, Ubu Roi, 1896 ; Albert Camus, Caligula, 1945
(commentaire comparé ou lecture analytique de Ubu seule).
Lecture cursive intégrale : « Le verger », Les • Mises en scène: Ruy Blas, Mise en scène
cinq sens, Rémi de Vos, 2016. Christian Schiaretti, 2012.
Activités
- Organisation du banquet. Les élèves, en groupes, ont joué un des textes étudiés lors d’un repas
convivial de classe.
- Initiation au théâtre d’objets, quelques exercices théâtraux.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Proposition générale :
• Découvrir une pièce majeure du répertoire contemporain
• Penser la théâtralité à travers un sujet problématique, le silence
• Étudier la polarisation de l’univers tragique entre silence, cri et chant
Lectures analytiques
Activités
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
SÉQUENCES
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Projet de classe : Les humains vus d’ailleurs. Écrire une nouvelle collective sur l’homme en
adoptant un point de vue extraterrestre
Proposition générale :
• Découvrir les visages problématiques de l’étranger, du métèque au réfugié.
• Mener une réflexion sur la rencontre entre les cultures et les civilisations, poser la question d’un
espace à vivre, entre nationalisme et cosmopolitisme.
• Interroger l’usage du point de vue étranger en littérature, son enjeu critique et ses répercussions
philosophiques.
Lectures analytiques
- Publication d’une nouvelle à partir d’un incipit de Bernard Weber (de l’écriture collective à la
publication, en passant par le travail de l’illustration)
- Réflexion à l’aide de concepts : l’ethnocentrisme, le mythe du sauvage, l’œil neuf.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Lecture analytique 1 :
Michel de Montaigne, « Des cannibales », chapitre 31, Essais, 1595.
Ils [les cannibales] ont leurs guerres contre les nations qui sont au-delà de leurs montagnes,
plus avant en la terre ferme, auxquelles ils vont tout nus, n'ayant d’autres armes que des arcs
ou des épées de bois, aiguisées par un bout, à la façon des fers de nos épieux. C'est chose
émerveillable1 que la fermeté de leurs combats, qui ne finissent jamais que par meurtre et
5 effusion de sang ; car, pour ce qui est des déroutes et de l'effroi, ils ne savent ce que c'est.
Chacun rapporte pour son trophée la tête de l'ennemi qu'il a tué, et l'attache à l'entrée de son
logis. Après avoir longtemps bien traité leurs prisonniers, et de toutes les commodités dont ils
se peuvent aviser, celui qui en est le maître, fait une grande assemblée de ses
connaissances ; il attache une corde à l'un des bras du prisonnier, par le bout de laquelle il le
10 tient éloigné de quelques pas, de peur d'en être offensé, et donne au plus cher de ses amis
l'autre bras à tenir de même ; et eux deux, en présence de toute l'assemblée, l'assomment à
coups d'épée. Cela fait, ils le rôtissent et en mangent en commun et en envoient des
morceaux à ceux de leurs amis qui sont absents. Ce n'est pas, comme on pense, pour s'en
nourrir, ainsi que faisaient anciennement les Scythes ; c'est pour représenter une extrême
15 vengeance. Et pour preuve qu'il est bien ainsi, [voici un fait] : ayant aperçu que les Portugais,
qui s'étaient ralliés à leurs adversaires, usaient d'une autre sorte de mort contre eux, quand ils
les prenaient, qui était de les enterrer jusqu’à la ceinture, et tirer au demeurant du corps force
coups de trait, et les pendre après, ils pensèrent que ces gens ici de l'autre monde, comme
ceux qui avaient semé la connaissance de beaucoup de vices parmi leur voisinage, et qui
20 étaient beaucoup plus grands maîtres qu'eux en toute sorte de malice, ne prenaient pas sans
cause cette sorte de vengeance, et qu'elle devait être plus aigre2 que la leur, commencèrent
de quitter leur façon ancienne pour suivre celle-ci.
Je ne suis pas marri3 que nous remarquons l'horreur barbaresque qu'il y a en une telle
action, mais oui bien de quoi, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles aux
25 nôtres. Je pense qu'il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu'à le manger mort, à
déchirer par tourments4 et par gênes5 un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le
menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux6 (comme nous l'avons non
seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entré des
voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion), que de le rôtir et
30 manger après qu'il est trépassé.
Chrysippe et Zénon7, chefs de la secte stoïque ; ont bien pensé qu'il n'y avait aucun mal
de se servir de notre charogne à quoi que ce fut pour notre besoin, et d'en tirer de la
nourriture ; comme nos ancêtres, étant assiégés par César en la ville de Alésia, se résolurent
de soutenir la faim de ce siège par les corps des vieillards, des femmes et d'autres personnes
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
35 inutiles au combat. “ Les Gascons, dit-on, s'étant servis de tels aliments, prolongèrent leur
vie. ”.
Et les médecins ne craignent pas de s'en servir à toute sorte d'usage pour notre santé ;
soit pour l'appliquer au-dedans ou au-dehors ; mais il ne se trouva jamais aucune opinion si
déréglée qui excusât la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté, qui sont nos fautes
40 ordinaires.
Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non
pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.
Notes :
1. Émerveillable = étonnante
2. Aigre = pénible
3. Marri = fâché, contrarié, ou encore attristé
4. Tourments = tortures
5. Gêne ou Gehenne = question, torture faite pour arracher des informations
6. Pourceaux = porcs, cochons.
7. Chrysippe et Zénon = philosophes de l’Antiquité grecque
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est
nécessaire et bon, nous le possédons.
40 Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins
superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid,
nous avons de quai nous vêtir. Tu es entré dans nos cabaties, qu'y manque-t-il, à ton avis ?
Poursuis jusqu'où tu voudras ce que tu appelles commodités de la vie ; mais permets à des
êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles
45 efforts, titre des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin,
quand finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de
nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous
paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras ;
laisse-nous reposer : ne nous entête là de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
LETTRE XXX
RICA AU MÊME.
À Smyrne.
Les habitants de Paris sont d’une curiosité qui va jusqu’à l’extravagance. Lorsque
j’arrivai, je fus regardé comme si j’avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes,
enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres ; si j’étais
aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi ; les femmes mêmes
5 faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m’entourait ; si j’étais aux spectacles, je
trouvais d’abord cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n’a tant été
vu que moi. Je souriais quelquefois d’entendre des gens qui n’étaient presque jamais sortis
de leur chambre, qui disaient entre eux : "Il faut avouer qu’il a l’air bien persan." Chose
admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les
10 boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m’avoir pas assez vu.
Tant d’honneurs ne laissent pas d’être à charge : je ne me croyais pas un homme si
curieux et si rare ; et, quoique j’aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé
que je dusse troubler le repos d’une grande ville où je n’étais point connu. Cela me fit
résoudre à quitter l’habit persan et à en endosser un à l’européenne, pour voir s’il resterait
15 encore dans ma physionomie quelque chose d’admirable. Cet essai me fit connaître ce que je
valais réellement : libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste.
J’eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m’avait fait perdre en un instant l’attention et
l’estime publique : car j’entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois
une heure dans une compagnie sans qu’on m’eût regardé, et qu’on m’eût mis en occasion
20 d’ouvrir la bouche. Mais, si quelqu’un, par hasard, apprenait à la compagnie que j’étais
Persan, j’entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : « Ah ! ah ! Monsieur est
Persan ? c’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? »
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Lecture analytique 4 :
Jacques Prévert, « Étranges étrangers », La pluie et le beau temps, 1955.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
35 Enfants du Sénégal
Départriés expatriés et naturalisés.
Enfants indochinois
Jongleurs aux innocents couteaux
Qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
40 De jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
Qui dormez aujourd’hui de retour au pays
Le visage dans la terre
Et des hommes incendiaires labourant vos rizières.
45 On vous a renvoyé
La monnaie de vos papiers dorés
On vous a retourné
Vos petits couteaux dans le dos.
Étranges étrangers
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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mains sur lui. Nous trouvions des troupes d’hommes et de femmes assises à l’ombre des
vergers ; tous nous saluaient avec amitié ; ceux que nous rencontrions dans les chemins se
rangeaient à côté pour nous laisser passer ; partout nous voyions régner l’hospitalité, le
repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur.
[…] Le caractère de la nation nous a paru être doux et bienfaisant. Il ne semble pas qu’il y ait
dans l’île aucune guerre civile, aucune haine particulière, quoique le pays soit divisé en petits
cantons qui ont chacun leur seigneur indépendant.
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LECTURES CRITIQUES
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Perse. Comme son personnage, mais avec une « envie de savoir » plus grande, il a lu Chardin
20 et Tavernier. C’est cette plongée dans les autres qui l’a rendu lucide sur soi. […] Comme le dit
D’Alembert, dans son Éloge de Montesquieu, en décrivant le travail de préparation pour
l’Esprit des lois : « D’abord il s’était fait en quelque façon étranger dans son propre pays, afin
de mieux connaître. »
La connaissance de soi est possible mais elle implique au préalable celle des autres : la
25 méthode comparative est la seule voie qui y conduise. La Bruyère aspirait à l’universalité en
se contentant d’observer et d’analyser son propre milieu, son environnement immédiat : la vie
de cour en France. Montesquieu inverse l’ordre : pour connaître sa propre communauté, on
doit d’abord connaître le monde entier. C’est l’universel qui devient l’instrument de
connaissance du particulier, plutôt que celui-ci ne conduise, de lui-même, au général. […]
30 Mais cela ne veut pas dire que Montesquieu soit lucide, au sens absolu, sur sa propre
société : il est simplement moins aveugle que d’autres, grâce à ce détour international, et il a
l’avantage de connaître les limites de son savoir.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
ÉCHOS ARTISTIQUES
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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Les élèves ont fait un exposé sur une œuvre architecturale au choix.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Chaque élève s’est chargé d’écrire une rubrique de la nouvelle en s’inspirant de l’incipit
suivant ainsi que du sommaire élaboré par l’auteur. Ils vous apporteront leur nouvelle
complète imprimée.
Texte d’inspiration: Bernard Werber, « Apprenons à les aimer », L’Arbre des possibles,
2002.
Nous avons tous, lorsque nous étions enfants, eu des humains d'appartement qu'on faisait
jouer dans des cages avec des roues tournantes ou bien qu'on gardait en aquarium au milieu
d'un décor artificiel. Pourtant en dehors de ces animaux décoratifs ou ludiques, il existe des
5 humains qui ne sont pas apprivoisés. Ils n'ont rien à voir avec nos humains des égouts ni nos
humains des greniers qui prolifèrent et qu'on doit chasser à l'humanicide. On sait en effet
depuis quelques temps qu'il existe une planète où vivent des humains à l'état sauvage et qui
ne se doutent même pas de notre présence! On situe ce lieu étrange près du raccourci 33. Là
ils vivent en totale liberté. Nous le répétons ils sont différents de nos humains d'appartement
10 ou de nos humains des égouts.
Ils ont créé de grands nids, ils savent utiliser des outils, ils ont même un système de
communication à base de petits piaillements qui leur est spécifique. Beaucoup de légendes
circulent sur cette planète mythique où règnent les humains. On prétend qu'ils ont des
bombes capables de tout faire exploser ou qu'ils utilisent comme monnaie des bouts de
15 papier. Certains racontent que les humains se mangent entre eux ou qu'ils fabriquent des
villes sous la mer. Pour faire la part des choses entre la réalité et la mythologie, notre
gouvernement a envoyé depuis 12008 (sous le fameux programme baptisé: "ne les tuons pas
sans les comprendre") des explorateurs transparents, invisibles à leurs yeux qui ont pu les
étudier. Si vous le souhaitez dans cette leçon de choses nous allons donc faire le bilan de ces
20 recherches mal connues.
En voici le plan :
- Les êtres humains dans leur milieu
- Leurs mœurs, leur mode de reproduction
- Comment les élever en appartement
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Lectures analytiques
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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Ô Paris
Grand foyer chaleureux avec les tisons entrecroisés de tes rues et tes vieilles maisons qui se
penchent au-dessus et se réchauffent
Comme des aïeules
5 Et voici des affiches, du rouge du vert multicolores comme mon passé bref du jaune
Jaune la fièvre couleur des romans de la France à l'étranger.
J'aime me frotter dans les grandes villes aux autobus en marche
Ceux de la ligne Saint Germain – Montmartre m'emportent à l'assaut de la Butte
Les moteurs beuglent comme les taureaux d'or
10 Les vaches du crépuscule broutent le Sacré – Cœur
O Paris
Gare centrale débarcadère des volontés carrefour des inquiétudes
Seuls les marchands de couleurs ont encore un peu de lumière sur leur porte
La compagnie internationale des Wagons-lits et des Grands Express Européens m'a envoyé
15 son prospectus
C'est la plus belle église du monde
J'ai des amis qui m'entourent comme des garde-fous
Ils ont peur quand je pars que je ne revienne plus
Toutes les femmes que j'ai rencontrées se dressent aux horizons
20 Avec les gestes piteux et les regards tristes des sémaphores sous la pluie :
Bella, Agnès, Catherine et la mère de mon fils en Italie
Et celle, la mère de mon amour en Amérique
Il y a des cris de sirène qui me déchirent l'âme
Là-bas en Mandchourie un ventre tressaille encore comme dans un accouchement
25 Je voudrais
Je voudrais n'avoir jamais fait mes voyages
Ce soir un grand amour me tourmente
Et malgré moi je pense à la petite Jehanne de France.
C'est par un soir de tristesse que j'ai écrit ce poème en son honneur
30 Jeanne
La petite prostituée
Je suis triste je suis triste
J'irai au " Lapin agile " me ressouvenir de ma jeunesse perdue
Et boire des petits verres
35 Puis je rentrerai seul
Paris
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Je suis cet homme tout bossué de sacs et de valises qui va et vient dans sa propre vie, avec
des départs, des retours, portant au coeur des coups, et des bleus plein la tête, avec des
40 cartables de cuir remplis de phrases et des serviettes bourrées de lettres, toujours rêvant de
se blottir dans le sac à main d'une femme, parmi les tubes de rouge à lèvres, les miroirs, les
photos d'enfants et les flacons de parfum.
Cet homme hérissé d'antennes essaie de capter son amour sur les ondes et tend vers lui des
fils où il se prend les pieds. Cet homme-là ne sait pas auprès de qui il dormira le soir-même,
45 ni en quel sens demain matin s'en ira la vie.
Tic-tac de l'encre et du désir... L'existence balance son pendule entre le côté des livres et le
côté de l'amour, les tickets d'envol et les longues stations dans la chambre, le dos tourné et
les bras ouverts, l'homme immobile et le piéton, celui qui ne croit plus au ciel et celui qui
l'espère encore, celui qui fabrique des figures et celui qui veut un visage.
50 Il fut un temps où je poussais dans mes racines de par ici, ne connaissant des lointains que la
rêverie et de la langue les mots les plus approximatifs. Mais j'ai quitté l'allée de buis et le petit
jardin. Je ne m'alimente plus en eau par les racines mais par le ciel.
J'ai fumé la cigarette du voyage. Elle m'a piqué les yeux et fait battre le coeur plus vite. Elle a
laissé sur mes retours et mes réveils un goût de tabac froid. J'ai toussé, j'ai perdu ma voix.
55 J'ai deux grosses valises sous les yeux. Je suis un voyageur brumeux qui n'y voit plus très
clair et qui croit encore nécessaire de s'en aller plus loin.
J'ai fui, j'ai pris le large. L'habitude surtout de n'être nulle part, en apnée dans ma propre vie.
Portrait du poète fin-de-siècle en créature d'aéroport, avec cette tête bizarre qu'a l'homme
des foules en ces lieux-là : cerveau de gélatine blanche, oeil à demi ensommeillé tourné vers
60 le dedans, mais de la fièvre au bout des doigts.
Je m'en suis allé de par le monde, à la recherche de mes semblables : les inconnus, les
passagers, les hommes en vrac et en transit que l'on rencontre dans les aéroports et sur les
quais des gares. Ceux dont on ne sait rien et que l'on ne connaîtra pas. Ceux que malgré tout
on devine, à cause de leurs tickets, leur fatigue, leurs bagages. Ceux de nulle part et de là-
65 bas, qui s'en vont chercher des soleils en poussant leur vie devant eux et en perdant
mémoire.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
La Maison du Berger est un long poème philosophique. Après avoir fait l’éloge de la nature et
invité la femme aimée, Eva, à vivre en bergers – nomades dans la nature –, il expose sa
conception du chemin de fer et du progrès.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Texte c : Paul Verlaine, « Le paysage dans le cadre des portières », La Bonne Chanson,
1869.
Paul Verlaine retrace dans ce poème un des nombreux voyages en train qu’il fit entre Paris et
l’Écluse durant l’été 1869, où il rencontre sa bien-aimée Mathilde Mauté de Fleurville.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
C'était peut-être la première fois qu'il voyait quelque chose de clair. Il se sentait accroché au
dernier wagon du train de luxe pour quelque destination magnifique et regardait distraitement
le paysage qui allait, à rebours, bien plus vite que lui. Avec la somme de tous les détails
perdus on aurait fait un nouveau monde ; mais lui n'avait besoin de rien. De son rôle, qu'il
5 jouait avec le plus grand sérieux, il lui manquait la signification.
Les plus grandes gares n'avaient pas assez de bruit pour l'émouvoir; au coin de toutes les
collines il comprenait mieux l'isolement des maisons blanches. Quand on longeait la mer il ne
voyait que les voiles des barques qui en précisaient l'étendue.
Tout est inerte et trop grand pour ses yeux et son cœur. Sa tête doit rester vide et rien ne
10 pourrait la remplir.
Quand il revenait enfin là d'où il était parti, sa tâche bien remplie, sa journée faite il ne pensait
qu'au petit coin de terre où sa vie contenait, où il aurait la place juste pour mourir.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
ÉCHOS ARTISTIQUES
[Snoring]
[Whistle Blowing]
[Snoring ]
[Snoring Continues]
- Look out the window. And doesn't this remind you of when you were in the boat? And then
later that night, you were lying, looking up at the ceiling, and the water in your head... was not
dissimilar from the landscape, and you think to yourself, "Why is it that the landscape... is
moving, but... the boat is still ?"
And also-- Where is it that you're from?
- Cleveland.
- Cleveland.
- Lake Erie.
- Erie. Do you have any parents back in, uh, Erie?
- They passed on recently.
- And, uh, do you have a wife... in Erie?
- No.
-A fiancee?
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
- Well, I had one of those, but, um, she changed her mind. She found herself somebody else.
- No.
- Yes, she did.
- Well, that doesn't explain... why you've come all the way out here, all the way out
here to hell.
- l, uh, have a job out in the town of Machine.
- Machine? That's the end of the line.
- Is it?
- Yes.
- Well, I... received a letter... from the people at Dickinson's Metal Works...
- Oh.
- assuring me of a job there.
- Is that so?
- Yes. I'm an accountant.
- [Indistinct Noise] I wouldn't know, because, uh, I don't read, but, uh, I'll tell you one
thing for sure: I wouldn't trust no words written down on no piece of paper, especially from no
"Dickinson" out in the town of Machine. - You're just as likely to find your own grave.
[Gunfire] Look. They're shooting buffalo. Government says... killed a million of'em last year
alone.
[Whistle Blowing]
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
LECTURES CRITIQUES
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Tomas Marinetti, L’imagination sans fil et les mots en liberté, 11 mai 1913
34
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Les élèves ont traduit leur « voyage en poésie » sous forme d’un livre-objet, représentant leur
cheminement personnel de lecteur dans l’œuvre de Cendrars.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Proposition générale :
• Interroger le sens du rituel théâtral et la place du spectateur-citoyen dans ce dispositif
• Mener une réflexion sur le théâtre comme espace politique et social
• Découvrir la scénographie à partir d’une expérience réelle de mise en scène
Lectures analytiques
LA 8 : Molière, Acte IV, scène 1, Le Bourgeois gentilhomme, 1670.
LA 9 : Victor Hugo, Acte III, scène 2, Ruy Blas, 1838.
LA 10 : Alfred Jarry, Acte I, scène 2 et 3, Ubu Roi, 1896 ; Albert Camus, Caligula, 1945
(commentaire comparé ou lecture analytique de Ubu seule).
Lecture cursive intégrale : « Le verger », Les • Mises en scène: Ruy Blas, Mise en scène
cinq sens, Rémi de Vos, 2016. Christian Schiaretti, 2012.
Activités
- Organisation du banquet. Les élèves, en groupes, ont joué un des textes étudiés lors d’un repas
convivial de classe.
- Initiation au théâtre d’objets, quelques exercices théâtraux.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
38
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
DORANTE.- Monsieur Jourdain, prêtons silence à ces Messieurs ; ce qu’ils nous diront,
35 vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire.
Les musiciens et la musicienne prennent des verres, chantent deux chansons à boire, et sont
soutenus de toute la symphonie.
PREMIÈRE CHANSON À BOIRE
Un petit doigt, Philis, pour commencer le tour.
40 Ah ! qu’un verre en vos mains a d’agréables charmes !
Vous, et le vin, vous vous prêtez des armes,
Et je sens pour tous deux redoubler mon amour :
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
Une ardeur éternelle.
45 Qu’en mouillant votre bouche il en reçoit d’attraits,
Et que l’on voit par lui votre bouche embellie !
Ah ! l’un de l’autre ils me donnent envie,
Et de vous et de lui je m’enivre à longs traits :
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
50 Une ardeur éternelle.
SECONDE CHANSON À BOIRE
Buvons, chers amis, buvons :
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
55 Autant que nous pouvons :
Quand on a passé l’onde noire,
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours.
60 Laissons raisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots :
Les biens, le savoir et la gloire,
65 N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux [8] .
Sus, sus du vin partout, versez, garçons versez,
Versez, versez toujours, tant qu’on vous dise assez.
70 DORIMÈNE.- Je ne crois pas qu’on puisse mieux chanter, et cela est tout à fait beau.
MONSIEUR JOURDAIN.- Je vois encore ici, Madame, quelque chose de plus beau.
DORIMÈNE.- Ouais. Monsieur Jourdain est galant plus que je ne pensais.
DORANTE.- Comment, Madame, pour qui prenez-vous Monsieur Jourdain ?
MONSIEUR JOURDAIN.- Je voudrais bien qu’elle me prît pour ce que je dirais.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
75 DORIMÈNE.- Encore !
DORANTE.- Vous ne le connaissez pas.
MONSIEUR JOURDAIN.- Elle me connaîtra quand il lui plaira.
DORIMÈNE.- Oh je le quitte.
DORANTE.- Il est homme qui a toujours la riposte en main. Mais vous ne voyez pas que
80 Monsieur Jourdain, Madame, mange tous les morceaux que vous touchez [9].
DORIMÈNE.- Monsieur Jourdain est un homme qui me ravit.
MONSIEUR JOURDAIN.- Si je pouvais ravir votre cœur, je serais...
Notes :
1. Pain de rive = pain cuit sur la rive du four, et qui, n’ayant touché les autres pains, se trouve cuit et doré partout.
2. D’un vert qui n’est point trop commandant = d’une acidité qui n’est pas trop forte.
3. Piqué de persil.
4. Chef d’œuvre. Figuré. Ce qui est difficile.
5. Un bouillon perlé = bouillon blanchi d’un lait d’amandes broyées avec un jus de mouton
6. Accompagné de..
7. Qui n’a plus de goût pour certaines choses, qui a de l’aversion, de la répugnance. Expression lexicalisée : Faire le dégoûté
= faire le difficile.
8. Variante 1682
« Quand on a passé l’onde noire,
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours ».
9. Variante 1682 « tous les morceaux que vous avez touchés »
40
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Lecture analytique 9 : Ruy Blas, Acte III, scène 2, Victor Hugo, 1838
41
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
42
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
43
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
MÈRE UBU. — Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupions de
30 dinde, charlotte russe…
PÈRE UBU. — Eh ! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore ?
MÈRE UBU, continuant. – Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, choux-fleurs
à la merdre.
PÈRE UBU. — Eh ! me crois-tu empereur d’Orient pour faire de telles dépenses ?
35 MÈRE UBU. — Ne l’écoutez pas, il est imbécile.
PÈRE UBU. — Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.
MÈRE UBU. — Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.
PÈRE UBU. — Bougre, que c’est mauvais.
CAPITAINE BORDURE. – Ce n’est pas bon, en effet.
40 MÈRE UBU. — Tas d’Arabes, que vous faut-il ?
PÈRE UBU, se frappant le front. – Oh ! j’ai une idée. Je vais revenir tout à l’heure. (Il s’en va.)
MÈRE UBU. — Messieurs, nous allons goûter du veau.
CAPITAINE BORDURE. – Il est très bon, j’ai fini.
MÈRE UBU. — Aux croupions, maintenant.
45 CAPITAINE BORDURE. – Exquis, exquis ! Vive la mère Ubu.
TOUS. – Vive la mère Ubu.
PÈRE UBU, rentrant. – Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu. (Il tient un balai
innommable à la main et le lance sur le festin.)
MÈRE UBU. — Misérable, que fais-tu ?
50 PÈRE UBU . – Goûtez un peu. (Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.)
PÈRE UBU. — Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.
MÈRE UBU. — Les voici.
PÈRE UBU. — A la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j’ai à vous parler.
LES AUTRES. – Eh ! nous n’avons pas dîné.
55 PÈRE UBU. — Comment, vous n’avez pas dîné ! A la porte tout le monde ! Restez,
Bordure. (Personne ne bouge.)
PÈRE UBU. — Vous n’êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de
côtes de rastron. (Il commence à en jeter.)
TOUS. – Oh ! Aïe ! Au secours ! Défendons-nous ! malheur ! je suis mort !
60 PÈRE UBU. — Merdre, merdre, merdre. A la porte ! je fais mon effet.
TOUS. – Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
PÈRE UBU. — Ah ! les voilà partis. Je respire, mais j’ai fort mal dîné. Venez, Bordure. (Ils
sortent avec la Mère Ubu.)
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
ACTE II SCÈNE 5
Il mange, les autres aussi. Il devient évident que Caligula se tient mal à table. Rien ne le force à
jeter ses noyaux d'olives dans l'assiette de ses voisins immédiats, à cracher ses déchets de
viande sur le plat, comme à se curer les dents avec les ongles et à se gratter la tête
frénétiquement. C'est pourtant autant d'exploits que, pendant le repas, il exécutera avec
5 simplicité. Mais il s'arrête brusquement de manger et fixe avec insistance Lepidus l'un des
convives.
Brutalement.
CALIGULA. — Tu as l'air de mauvaise humeur. Serait-ce parce que j'ai fait mourir ton fils ?
LEPIDUS, la gorge serrée. — Mais non, Caïus, au contraire.
10 CALIGULA, épanoui. — Au contraire ! Ah ! que j'aime que le visage démente les soucis du
cœur. Ton visage est triste. Mais ton cœur ? Au contraire n'est-ce pas, Lepidus ?
LEPIDUS, résolument. Au contraire, César.
CALIGULA, de plus en plus heureux. — Ah ! Lepidus, personne ne m'est plus cher que toi.
Rions ensemble, veux-tu ? Et dis-moi quelque bonne histoire.
15 LEPIDUS, qui a présumé de ses forces. — Caïus !
CALIGULA. — Bon, bon. Je raconterai, alors. Mais tu riras, n'est-ce pas, Lepidus ? (L'œil
mauvais.) Ne serait-ce que pour ton second fils. (De nouveau rieur.) D'ailleurs tu n'es pas de
mauvaise humeur. (II boit, puis dictant.) Au..., au... Allons, Lepidus.
LEPIDUS, avec lassitude. — Au contraire, Caïus.
20 CALIGULA. — A la bonne heure! (Il boit.) Écoute, maintenant. (Rêveur.) Il était une fois un
pauvre empereur que personne n'aimait. Lui, qui aimait Lepidus, fit tuer son plus jeune fils
pour s'enlever cet amour du cœur. (Changeant de ton.) Naturellement, ce n'est pas vrai.
Drôle, n'est-ce pas ? Tu ne ris pas. Personne ne rit ? Ecoutez alors. (Avec une violente
colère.) Je veux que tout le monde rie. Toi, Lepidus, et tous les autres. Levez-vous, riez. (Il
25 frappe sur la table.) Je veux, vous entendez, je veux vous voir rire.
Tout le monde se lève. Pendant toute cette scène, les acteurs, sauf Caligula et Caesonia,
pourront jouer comme des marionnettes.
Se renversant sur son lit, épanoui, pris d'un rire irrésistible.
Non, mais regarde-les, Caesonia. Rien ne va plus. Honnêteté, respectabilité, qu'en dira-t-on,
30 sagesse des nations, rien ne veut plus rien dire. Tout disparaît devant la peur. La peur, hein,
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Caesonia, ce beau sentiment, sans alliage, pur et désintéressé, un des rares qui tire sa
noblesse du ventre. (Il passe la main sur son front et boit. Sur un ton amical.) Parlons d'autre
chose, maintenant. Voyons. Cherea, tu es bien silencieux.
CHEREA. — Je suis prêt à parler, Caïus. Dès que tu le permettras.
35 CALIGULA. — Parfait. Alors tais-toi. J'aimerais bien entendre notre ami Mucius.
MUCIUS, à contrecœur. — A tes ordres, Caïus.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
TEXTES ÉCHOS
Texte écho E : Le banquet de Platon, 380 av. J-C., traduction de Victor Cousin
Nous commençâmes donc à souper, et Socrate ne venait point. Agathon perdait patience, et
voulait à tout moment qu’on l’appelât ; mais j’empêchais toujours qu’on ne le fît. Enfin
Socrate entra, après nous avoir fait attendre quelque temps, selon sa coutume, et comme on
avait à moitié soupé. Agathon, qui était seul sur un lit au bout de la table, le pria de se mettre
5 auprès de lui. – Viens, dit-il, Socrate, que je m’approche de toi le plus que je pourrai, pour
tâcher d’avoir ma part des sages pensées que tu viens de trouver ici près ; car je m’assure
que tu as trouvé ce que tu cherchais, autrement tu y serais encore. Quand Socrate eut pris
place : – Plût à Dieu, dit-il, que la sagesse, Agathon, fût quelque chose qui pût passer d’un
esprit dans un autre, quand on s’approche, comme l’eau qui coule à travers un morceau de
10 laine d’une coupe pleine dans une coupe vide ! S’il en était ainsi, ce serait à moi de m’estimer
heureux d’être auprès de toi, dans l’espérance de me remplir de l’excellente sagesse que tu
possèdes ; car pour la mienne, c’est quelque chose de bien médiocre et de fort équivoque :
ce n’est qu’un songe ; la tienne, au contraire, est une sagesse magnifique, et qui donne les
plus belles espérances, ayant déjà jeté à ton âge le plus vif éclat, témoin avant-hier les
15 applaudissements de plus de trente mille Grecs. – Tu te moques, Socrate, reprit Agathon ;
mais nous examinerons tantôt quelle est la meilleure de ta sagesse ou de la mienne ; et
Bacchus sera notre juge : présentement ne songe qu’à souper.
Socrate s’assit, et quand lui et les autres convives eurent achevé de souper, on fit les
libations, on chanta un hymne en l’honneur du dieu ; et, après toutes les cérémonies
20 ordinaires, on parla de boire. Pausanias prit alors la parole :
– Eh bien, voyons, dit-il, comment boire sans nous incommoder. Pour moi je déclare que je
suis encore fatigué de la débauche d’hier, et j’ai besoin de respirer un peu, ainsi que la
plupart de vous, ce me semble ; car hier vous étiez des nôtres. Avisons donc à boire sans
inconvénient. — Tu me fais grand plaisir, dit Aristophane, de vouloir qu’on se ménage ; car je
25 suis un de ceux qui se sont le moins épargnés la nuit passée. — Que je vous aime de cette
humeur, dit Éryximaque, fils d’Acumènos. Il ne reste plus qu’à savoir où en est Agathon. —
Où vous en êtes, dit-il, pas très fort. — Tant mieux pour moi, reprit Éryximaque, si vous autres
braves vous êtes rendus ; tant mieux pour Aristodème, pour Phèdre et pour les autres, qui
sommes de petits buveurs. Je ne parle pas de Socrate, il boit comme il veut ; il lui sera donc
30 indifférent quel parti on prendra. Ainsi, puisque vous êtes d’avis de nous ménager, j’en serai
moins importun, si je vous remontre le danger qu’il y a de s’enivrer. Mon expérience de
médecin m’a parfaitement prouvé que rien n’est plus pernicieux à l’homme que l’excès du
vin : je l’éviterai toujours tant que je pourrai, et jamais je ne le conseillerai aux autres, surtout
quand ils se sentiront encore la tête pesante de la veille. Tu sais, lui dit Phèdre de
48
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
35 Myrrhinos en l’interrompant, que je suis volontiers de ton avis, surtout quand tu parles
médecine ; mais tu vois que tout le monde est raisonnable aujourd’hui.
Il n’y eut personne qui ne fût de ce sentiment. On résolut de ne point faire de débauche, et de
ne boire que pour son plaisir. – Puisque, ainsi est, dit Éryximaque, qu’on ne forcera personne,
et que nous boirons comme il plaira à chacun, je suis d’avis, premièrement, que l’on renvoie
40 cette joueuse de flûte qui vient d’entrer ; qu’elle aille jouer pour elle, ou, si elle l’aime mieux,
pour les femmes dans l’intérieur. Quant à nous, si vous m’en croyez, nous lierons ensemble
quelque conversation. Je vous en proposerai même la matière, si vous le voulez.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Extrait 1 :
SI tu as neuf ans et que tu vis à Lisbonne,
tu vas au Mc Donald's le dimanche.
Si tu as neuf ans et que tu vis à Cuba,
tu vas sucer la bite d'un touriste italien.
5 Si tu as neuf ans et que tu vis à Bruxelles,
tu vas au Mc Donald's le dimanche.
Si tu vis en Bolivie,
tu vas à la mine pour les Américains.
Si tu as neuf ans et que tu vis à Florence,
10 tu vas au Mc Donald's le dimanche.
Si tu vis en Afrique,
tu couds des ballons pour Nike.
Si tu as neuf ans et que tu vis à New York,
tu vas au Mc Donald's le dimanche.
15 Si tu as neuf ans et que tu vis en Thaïlande,
tu dois te laisser enculer par un Australien.
Après, deux avions se paient deux gratte-ciel
et les gens s'étonnent.
Extrait 2 :
Voici les succédanés de laitue, les succédanés de tomate et surtout ce morceau ovale et dur
de couleur marron qui voudrait se faire passer pour un bout de vraie viande. À quoi il faut
ajouter les liquides jaunes et rouges dont la formule n’a rien à voir ni avec la moutarde ni avec
la sauce tomate.
5 Forcément, le mélange explosif de tous ces éléments placés dans cette petite boîte
prodigieuse nommé Happy Meal provoque une grande quantité de gaz nocifs chez l’enfant
qui l’ingère, avec une évidente répercussion éructo-cérébrale.
Celui qui mange ça, ne pourra plus jamais penser correctement de sa vie.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Image : Mosaïque, 450 ap. J-C environ, Art romain, Collection du Château de Boudry
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Image 1 : Ubu Roi, Mise en scène Jérémie Le Louët, Cie Dramaticules, 2014.
Dans cette mise en scène, Ubu, représenté par une bouteille d’huile, dialogue avec Mère Ubu, incarnée
dans un balai.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
LECTURE CRITIQUE
Lecture critique G : Entretien avec Rodrigo García, Cloître des Célestins, Festival
d’Avignon, traduit de l’espagnol par Laurent Berger, 2003.
53
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
À l’attention des élèves, collez ici une photographie de votre représentation lors du banquet.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Proposition générale :
• Découvrir une pièce majeure du répertoire contemporain
• Penser la théâtralité à travers un sujet problématique, le silence
• Étudier la polarisation de l’univers tragique entre silence, cri et chant
Lectures analytiques
Activités
55
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
1. Notaire
Jour. Été. Bureau de notaire.
HERMILE LEBEL. C'est sûr, c'est sûr, c'est sûr, je préfère regarder le vol des oiseaux.
Maintenant faut pas se raconter de racontars : d'ici, à défaut d'oiseaux, on voit les voitures et
le centre d'achats. Avant, quand j'étais de l'autre côté du bâtiment, mon bureau donnait sur
5 l'autoroute. C'était pas la mer à voir, mais j'avais fini par accrocher une pancarte à ma
fenêtre : Hermile Lebel, notaire. À l'heure de pointe ça me faisait une méchante publicité. Là,
je suis de ce côté-ci et j'ai une vue sur le centre d'achats. Un centre d'achats ce n'est pas un
oiseau. Avant, je disais un zoiseau. C'est votre mère qui m'a appris qu'il fallait dire un oiseau.
Excusez-moi. Je ne veux pas vous parler de votre mère à cause du malheur qui vient de
10 frapper, mais il va bien falloir agir. Continuer à vivre comme on dit. C'est comme ça. Entrez,
entrez, entrez, ne restez pas dans le passage. C'est mon nouveau bureau. J'emménage. Les
autres notaires sont partis. Je suis tout seul dans le bloc. Ici, c'est beaucoup plus agréable
parce qu'il y a moins de bruit, l'autoroute est de l'autre côté. J'ai perdu la possibilité de faire
de la publicité à l'heure de pointe, mais au moins je peux garder la fenêtre ouverte, et comme
15 je n'ai pas encore l'air conditionné, ça tombe bien.
Oui. Bon.
C'est sûr, c'est pas facile.
Entrez, entrez, entrez ! Ne restez pas dans le passage enfin, c'est un passage !
Je comprends, en même temps, je comprends qu'on ne veuille pas entrer.
20 Moi, je n'entrerais pas. Oui. Bon.
C'est sûr, c'est sûr, c'est sûr, j'aurais bien mieux aimé vous rencontrer dans une autre
circonstance mais l'enfer est pavé de bonnes circonstances, alors c'est plutôt difficile de
prévoir. La mort, ça ne se prévoit pas. La mort ça n'a pas de parole. Elle détruit toutes ses
promesses. On pense qu'elle viendra plus tard, puis elle vient quand elle veut. J'aimais votre
25 mère. Je vous dis ça comme ça, de long en large : j'aimais votre mère. Elle m'a souvent parlé
de vous. En fait pas souvent, mais elle m'a déjà parlé de vous. Un peu. Parfois. Comme ça.
Elle disait : les jumeaux. Elle disait la jumelle, souvent aussi le jumeau. Vous savez comment
elle était, elle ne disait jamais rien à personne. Je veux dire bien avant qu'elle se soit mise à
plus rien dire du tout, déjà elle ne disait rien et elle ne me disait rien sur vous. Elle était
30 comme ça. Quand elle est morte, il pleuvait. Je ne sais pas. Ça m'a fait beaucoup de peine
qu'il pleuve. Dans son pays il ne pleut jamais, alors un testament, je ne vous raconte pas le
mauvais temps que ça représente. C'est pas comme les oiseaux, un testament, c'est sûr,
c'est autre chose. C'est étrange et bizarre mais c'est nécessaire. Je veux dire que ça reste un
mal nécessaire. Excusez-moi.
35 Il éclate en sanglots.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Lecture analytique 12 : « 31. L’homme qui joue », Incendies, Wajdi Mouawad, 2003.
31. L'homme qui joue
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
L’HOMME. ... Oui... Je voulais prendre un franc-tireur... Je vous ai vu tirer... je suis monté...
mais je peux vous donner les pellicules...
NIHAD. Moi aussi, je suis photographe. Je m’appelle Nihad. Photographe de guerre. Regarde.
C'est moi qui ai tout pris.
35 Nihad lui montre photo sur photo.
L’HOMME. C'est très beau...
NIHAD. Non ! Ce n'est pas beau. La plupart du temps on pense que ce sont des gens qui
dorment. Mais non. Ils sont morts. C'est moi qui les ai tués ! Je vous jure.
L’HOMME. Je vous crois...
40 Fouillant dans le sac du photographe, Nihad sort un appareil photographique à déroulement
automatique muni d'un déclencheur souple. Nihad regarde dans le viseur et mitraille l'homme
de plusieurs photos. Il tire de son sac un gros ruban adhésif et attache l'appareil photo au
bout du canon de son fusil.
Qu'est-ce que vous faites...
45 L'appareil est bien fixé.
Nihad relie le déclencheur souple à la gâchette de son fusil.
Il regarde dans le viseur de son fusil et vise l'homme.
Qu'est-ce que vous faites ? ! Ne me tuez pas ! Je pourrais être votre père, j'ai l'âge de votre
mère...
50 Nihad tire. L'appareil se déclenche en même temps. Apparaît la photo de l'homme au moment
où il est touché par la balle du fusil.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Lecture analytique 13 : « 38. Lettre aux jumeaux », Incendies, Wajdi Mouawad, 2003.
HERMILE LEBEL. Le temps se couvre. Il va pleuvoir, c'est sûr, c'est sûr, c'est sûr. Vous ne
voulez pas rentrer ? Remarquez, je vous comprends. À votre place je ne rentrerais pas. C'est
5 un beau parc par ici. Dans son testament, votre mère vous réservait une lettre si vous vous
acquittiez de ce qu'elle vous demandait. Vous vous en êtes acquittés grandement. Il va
pleuvoir. Dans son pays il ne pleut jamais. On va rester ici. Ça va nous rafraîchir. Voici la
lettre.
10 NAWAL. Simon,
Est-ce que tu pleures ?
Si tu pleures ne sèche pas tes larmes
Car je ne sèche pas les miennes.
L'enfance est un couteau planté dans la gorge
15 Et tu as su le retirer.
À présent, il faut réapprendre à avaler sa salive.
C'est un geste parfois très courageux.
Avaler sa salive.
À présent, il faut reconstruire l'histoire.
20 L'histoire est en miettes.
Doucement
Consoler chaque morceau
Doucement
Guérir chaque souvenir
25 Doucement
Bercer chaque image.
Jeanne,
Est-ce que tu souris ?
Si tu souris, ne retiens pas ton rire
30 Car je ne retiens pas le mien.
C'est le rire de la colère
Celui des femmes marchant côte à côte
59
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Notre famille,
Les femmes de notre famille, nous sommes engluées dans la colère.
40 J'ai été en colère contre ma mère
Tout comme tu es en colère contre moi
Et tout comme ma mère fut en colère contre sa mère.
Il faut casser le fil.
Jeanne, Simon,
45 Où commence votre histoire ?
À votre naissance ?
Alors elle commence dans l'horreur.
À la naissance de votre père ?
Alors c'est une grande histoire d'amour.
50 Mais en remontant plus loin,
Peut-être que l'on découvrira que cette histoire d'amour
Prend sa source dans le sang, le viol,
Et qu'à son tour,
Le sanguinaire et le violeur
55 Tient son origine dans l'amour.
Alors,
Lorsque l'on vous demandera votre histoire,
Dites que votre histoire, son origine,
Remonte au jour où une jeune fille
60 Revint à son village natal pour y graver le nom de sa grand-mère Nazira sur sa tombe.
Là commence l'histoire.
Jeanne, Simon,
Pourquoi ne pas vous avoir parlé ?
Il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu'à la condition d'être découvertes.
65 Vous avez ouvert l'enveloppe, vous avez brisé le silence
Gravez mon nom sur la pierre
Et posez la pierre sur ma tombe.
Votre mère.
Simon
70 Jeanne, fais-moi encore entendre son silence.
60
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
61
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Tragédie jouée peut-être vers 430 av. J.-C, qui servit un siècle plus tard de modèle à Aristote
dans sa Poétique.
OEdipe vient de convoquer le devin aveugle Tirésias pour apprendre de lui les causes de la
peste sur Thèbes, dont l’oracle de Delphes a révélé qu’elle était liée au meurtre ancien du roi
Laïos, à qui Oedipe a succédé.
TIRÉSIAS. – Je ne dirai rien de plus. Laisse-toi entrainer comme il te plaira, à la plus violente
des colères.
OEDIPE. – Certes, enflammé de fureur comme je le suis, je ne tairai rien de ce que je
soupçonne. Sache donc que tu me sembles avoir pris part au meurtre, que tu l'as même
5 commis, bien que tu n'aies pas tué de ta main. Si tu n'étais pas aveugle, je t'accuserais seul
de ce crime.
TIRÉSIAS. – En vérité ? Et moi je t'ordonne d'obéir au décret que tu as rendu, et, dès ce jour,
de ne plus parler à aucun de ces hommes, ni à moi, car tu es l'impie qui souille cette terre.
OEDIPE. – Oses-tu parler avec cette impudence, et penses-tu, par hasard, sortir de là
10 impuni ?
TIRÉSIAS. – J'en suis sorti, car j'ai en moi la force de la vérité.
OEDIPE. – Qui t'en a instruit ? Ce n'est point ta science.
TIRÉSIAS. – C'est toi, toi qui m'as contraint de parler.
OEDIPE. – Qu'est-ce ? Dis encore, afin que je comprenne mieux.
15 TIRÉSIAS. – N'as-tu pas compris déjà ? Me tentes-tu, afin que j'en dise davantage ?
OEDIPE. – Je ne comprends pas assez ce que tu as dit. Répète.
TIRÉSIAS. – Je dis que ce meurtrier que tu cherches, c'est toi !
OEDIPE. – Tu ne m'auras pas impunément outragé deux fois !
TIRÉSIAS. – Parlerai-je encore, afin de t'irriter plus encore ?
20 OEDIPE. – Autant que tu le voudras, car ce sera en vain.
TIRÉSIAS. – Je dis que tu t'es uni très honteusement, sans le savoir, à ceux qui te sont les
plus chers et que tu ne vois pas en quels maux tu es !
OEDIPE. – Penses-tu toujours parler impunément ?
TIRÉSIAS. – Certes ! S'il est quelque force dans la vérité.
25 OEDIPE. – Elle en a sans doute, mais non par toi. Elle n'en a aucune par toi, aveugle des
oreilles, de l'esprit et des yeux !
TIRÉSIAS. – Malheureux que tu es ! Tu m'outrages par les paroles mêmes dont chacun de
ceux-ci 4 t'outragera bientôt !
OEDIPE. – Perdu dans une nuit éternelle 1, tu ne peux nous blesser ni moi, ni aucun de ceux
30 qui voient la lumière.
TIRÉSIAS. – Ta destinée n'est point de succomber par moi. Apollon y suffira. C'est lui que ce
62
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
soin regarde.
OEDIPE. – Ceci est-il inventé par toi ou par Créon ?
TIRÉSIAS. – Créon n'est point cause de ton mal. Toi seul es ton propre ennemi.
35 OEDIPE. – Ô richesse, ô puissance, ô gloire d'une vie illustre par la science et par tant de
travaux, combien vous excitez d'envie ! puisque, pour cette même puissance que la ville a
remise en mes mains sans que je l'aie demandée, Créon, cet ami fidèle des l'origine, ourdit
secrètement des ruses contre moi et s'efforce de me renverser, ayant séduit ce menteur, cet
artisan de fraudes, cet imposteur qui ne voit que le gain, et n'est aveugle que dans sa science
40 ! Allons ! dis-moi, où t'es-tu montré un sûr divinateur ? Pourquoi, quand elle était là, la
Chienne aux paroles obscures, n'as-tu pas trouvé quelque moyen de sauver les citoyens ?
Était-ce au premier homme venu d'expliquer l'énigme, plutôt qu'aux divinateurs ? Tu n'as rien
fait ni par les augures des oiseaux, ni par une révélation des Dieux. Et moi, Oedipe, qui
arrivais ne sachant rien, je fis taire la Sphinx par la force de mon esprit et sans l'aide des
45 oiseaux auguraux. Et c'est là l'homme que tu tentes de renverser, espérant t'asseoir auprès
de Créon sur le même trône !
Mais je pense qu'il vous en arrivera malheur, à toi et à celui qui a ourdi le dessein de me
chasser de la ville comme une souillure. Si je ne croyais que la vieillesse t'a rendu insensé, tu
saurais bientôt ce que coutent de tels desseins.
50 LE CHOEUR. – Autant que nous en jugions, ses paroles et les tiennes, Œdipe, nous
semblent pleines d'une chaude colère. Il ne faut point s'en occuper, mais rechercher
comment nous accomplirons pour le mieux l'oracle du Dieu.
TIRÉSIAS. – Si tu possèdes la puissance royale, il m'appartient cependant de te répondre en
égal. J'ai ce droit en effet. Je ne te suis nullement soumis, mais à Loxias ; et je ne serai jamais
55 inscrit comme client de Créon. Puisque tu m'as reproché d'être aveugle, je te dis que tu ne
vois point de tes yeux au milieu de quels maux tu es plongé, ni avec qui tu habites, ni dans
quelles demeures. Connais-tu ceux dont tu es né ? Tu ne sais pas que tu es l'ennemi des
tiens, de ceux qui sont sous la terre et de ceux qui sont sur la terre. Les horribles exécrations
maternelles et paternelles, s'abattant à la fois sur toi, te chasseront un jour de cette ville.
60 Maintenant tu vois, mais alors tu seras aveugle. Où ne gémiras-tu pas ? Quel endroit du
Cithéron 8 ne retentira-t-il pas de tes lamentations, quand tu connaîtras tes noces accomplies
et dans quel port fatal tu as été poussé après une navigation heureuse ? Tu ne vois pas ces
misères sans nombre qui te feront l'égal de toi-même et de tes enfants. Maintenant, accable-
nous d'outrages, Créon et moi, car aucun des mortels ne succombera plus que toi sous de
65 plus cruelles misères.
OEDIPE. – Qui pourrait endurer de telles paroles ? Va-t'en, abominable ! hâte-toi ! sors de ces
demeures, et sans retour !
TIRÉSIAS. – Certes, je ne serais point venu, si tu ne m'avais appelé.
OEDIPE. – Je ne savais pas que tu parlerais en insensé ; car, le sachant, je ne t'eusse point
70 pressé de venir dans ma demeure.
63
Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
TIRÉSIAS. – Je te semble insensé, mais ceux qui t'ont engendré me tenaient pour sage.
OEDIPE. – Qui sont-ils ? Arrête ! Qui, parmi les mortels m'a engendré ?
TIRÉSIAS. – Ce même jour te fera naître et te fera mourir.
OEDIPE. – Toutes tes paroles sont obscures et incompréhensibles.
75 TIRÉSIAS. – N'excelles-tu pas à comprendre de telles obscurités ?
OEDIPE. – Tu me reproches ce qui me fera grand.
TIRÉSIAS. – C'est cela même qui t'a perdu.
OEDIPE. – J'ai délivré cette ville et je ne le regrette pas.
TIRÉSIAS. – Je m'en vais donc. Toi, enfant, emmène-moi.
80 OEDIPE. – Certes, qu'il t'emmène, car, étant présent, tu me troubles et tu me gênes ! Loin
d'ici, tu ne me pèseras plus.
TIRÉSIAS. – Je m'en irai, mais je dirai d'abord pourquoi je suis venu ici sans peur de ton
visage, car tu es impuissant
à me perdre jamais. Cet homme que tu cherches, le menaçant de tes décrets à cause du
85 meurtre de Laïos, il est ici. On le dit étranger, mais il sera bientôt reconnu pour un Thébain
indigène, et il ne s'en réjouira pas. De voyant il deviendra aveugle, de riche pauvre, et il partira
pour une terre étrangère. Il sera en face de tous le frère de son propre enfant, le fils et l'époux
de celle de qui il est né, celui qui partagera le lit paternel et qui aura tué son père. Entre dans
ta demeure, songe à ces choses, et si tu me prends à mentir, dis alors que je suis un mauvais
90 divinateur.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
LECTURES CRITIQUES
Lecture critique J : Vincent Brayer, Voyage dans les esthétiques de Claude Régy et
Stanislas Nordey, Mémoire de Bachelor, 2010.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
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Descriptif, 1ère ES 1, Mme Coste.
Œuvre photographique :
Silencios, Juan Manuel Echavarria, projet photographique, 2004-2016.
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