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C’est quoi l’architecture aujourd’hui ?

Voilà une question qu’on nous pousse à se poser pendant cinq ans d’études et qu’on souhaite tous continuer à creuser après
le diplôme. Mais durant ces cinq années prenantes, on oublie parfois de se demander ce que c’est vraiment d’être architecte
aujourd’hui ? Qui sont ces femmes et ces hommes qui parviennent à mettre en pratique ces concepts abstraits appris à l’école
dans un monde professionnel complexe en constante évolution ?

La formation HMONP pose cette question. C’est comme si le Diplôme d’Architecte d’Etat avait la force de donner naissance à
des passionnés d’architecture et que l’Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre avait pour tâche encore plus compliquée de les
ramener à la raison en leur demandant de se positionner dans le processus de production architectural. Et ma jeune expérience
professionnelle m’a permis d’entrevoir la dimension de ce processus, ce qui m’a décidé à m’inscrire pour cette formation.

La diversité des actions menées au quotidien de l’agence m’a rapidement amené au sujet du mémoire. Travaillant avec Odile
Burnod depuis maintenant trois ans, je savais que j’allais pouvoir nourrir ma réflexion de plusieurs exemples concret et aborder
différents thèmes. La polyvalence de l’architecte a donc été un choix quasi immédiat car cela correspond non seulement à la
vision que j’avais du métier avant mon diplôme mais aussi parce que je reste persuadé encore aujourd’hui qu’il s’agit là d’un
des meilleurs atouts à faire valoir pour le bien de l’architecture.

Le choix de ce type de sujet, plutôt généraliste, a nécessité une prise de recul par rapport à lui. C’est un sujet vaste qu’il fallait
cadrer. Je me suis alors dit que quelle que soit la problématique, quelle que soit la Mise en Situation Professionnelle, la
réflexion menée au cours de cette formation doit être le marqueur, le trait d’union entre notre parcours universitaire et notre
futur professionnel. C’est dans ce sens que j’ai voulu construire ce mémoire avec une certaine évolution dans le plan. En effet,
les trois chapitres qui s’articulent autour du thème de la polyvalence forment une suite logique allant de mon diplôme à mon
projet professionnel : la pédagogie, la production de l’architecture puis enfin le désir d’entreprendre la suite.

Cette recherche de continuité, sans réelle rupture, est une chose à laquelle je suis attaché de manière générale. C’est
d’ailleurs, je crois, un des rôles importants que l’on attend de la part d’un architecte, tisser des liens entres les choses, se
nourrir du passé tout en pensant à un futur meilleur. La polyvalence, caractérisée par l’ouverture d’esprit, est ce qui doit
permettre à l’architecte d’adopter cette attitude optimiste l’aidant à s’adapter à chaque nouvelle situation, et l’histoire de la
construction nous a montré à plusieurs reprises qu’il s’agit souvent d’une question d’adaptation.

Dans son intervention sur l’histoire de la réglementation lors de la 2nd session de cours à l’école, Christine Simonin nous
évoquait le processus de standardisation des pièces détachées qui a eu lieu au moment de la révolution industrielle. Elle nous
rappelait l’exemple des rails de chemins de fers espacés exactement de 143,5cm. Cette mesure précise ne sortait pas de
nulle part mais était issue d’une longue série d’adaptations. En effet, les rails de chemin de fer étaient calqués sur ceux du
tramway déjà répandu dans plusieurs villes lui-même dérivé des chariots miniers qui cheminaient sur des rails installés sur les
anciens sentiers remontant à l’expansion de l’empire romain. Ce qui est intéressant de savoir, c’est que ces routes romaines
étaient dimensionnées pour le bon déplacement d’un char tiré par deux chevaux côtes à côtes, soit des roues espacées
approximativement de 143,5cm. Et aujourd’hui pour aller plus loin dans la continuité, les propulseurs d’appoint des fusées,
construits en Alabama aux Etats Unis puis acheminés en train jusqu’en Floride, sont dimensionnés par les ingénieurs de la
NASA en s’adaptant à cette mesure de 143,5cm afin de passer les tunnels ferroviaires. Si on remet les éléments bout à bout,
les fusées, à la pointe de l’ingénierie, seraient en partie dimensionnées en fonction de l’espacement de l’arrière train de deux
chevaux côte à côte !

Ce petit aparté illustre bien le fait que l’adaptation dépasse toujours les blocages et qu’on ne part jamais de zéro. Et pour
pouvoir s’adapter au mieux, il faut comprendre le contexte qui nous entoure, en maîtriser les tenants et les aboutissants et
savoir être à la tête des actions menées pour participer à l’évolution de ce contexte. C’est en ce sens que j’ai choisi de mettre
l’accent sur la polyvalence de l’architecte comme garantie pour l’architecture.

Pour comprendre le contexte, il faut savoir faire preuve de pédagogie. C’est le premier thème que j’aborde. Ce rôle est
omniprésent dans le travail de l’architecte, c’est à lui qu’il revient, comme le dit Louis Kahn dans Silence et Lumière, de ‘’faire
sentir aux autres leurs propres désirs, ce qui n’est pas encore exprimé, ce qui n’a pas été fait’’. Voilà ce que c’est d’être
pédagogue, et pour moi, je le répète, c’est une attitude à adopter en permanence, aussi bien au sein d’une agence que face
à son client.

Au sein d’une agence, le partage des connaissances et une bonne communication aboutissent à un partage efficace du savoir-
faire. C’est un processus qui permet de créer une cohésion d’équipe amenant chaque membre à aller au-delà de ce qu’il
maîtrise déjà et in fine avoir confiance en son travail pour pouvoir par la suite le restituer au mieux face à l’ensemble des
acteurs extérieurs à l’agence.
Dans mon mémoire je rappelle l’exemple d’Umberto Napolitano de l’agence LAN qui nous présentait son travail pour le
concours du Grand Palais. Savoir écouter, lire entre les lignes, être fort de propositions inattendues, tout cela place l’architecte
comme un porte-parole de sa pensée. Je fini cette première partie en insistant sur le fait que l’architecte doit participer à la
diffusion de l’architecture. La pédagogie est donc bel et bien partout, permettant à l’architecte d’assoir son rôle de meneur de
jeu.

Car l’architecte ne suit pas le projet, il le dirige. Et même si le dessin est encore considéré par beaucoup comme sa fonction
première, c’est le premier acte de projet, représenter une idée. Le dessin est un outil pour le projet et chacun des outils utilisés
par l’architecte doit être au service du projet. Aujourd’hui, le progrès technologique élargie notre palette d’outil. Ceci doit
participer à la polyvalence d’une part en multipliant nos moyens de représentations d’idées et d’autre part en renforçant nos
liens entre le nombre toujours grandissant d’intervenants gravitant autour d’un projet.

Dans un entretien pour AMC, Marc Barani déclare ‘’qu’aujourd’hui, les nouvelles idées, qui se multiplient face aux mutations
techniques, économiques et sociales, doivent s’élaborer à partir des connaissances internes à la discipline architecturale, mais
s’ouvrir aussi à d’autre champs... Cependant, même si l’architecture n’appartient pas qu’aux architectes, ils sont les seuls
formés à cette discipline et les mieux placés pour opérer une synthèse entre tous les champs disciplinaires concernés par
l’acte de bâtir.’’

Il est donc question d’être au cœur de la production architecturale par la participation active à l’innovation, en apportant une
intelligence à chaque étape du projet et entre chaque intermédiaire. Dessiner juste pour être compris, écouter et observer pour
apprendre et restituer, optimiser les outils pour plus d’efficacité, dialoguer pour avancer, comprendre les détails au profit d’une
meilleure synthèse, voilà l’ampleur du rôle de l’architecte polyvalent pour la bonne gestion des projets qu’il entreprend.

Cette vision d’ensemble et l’intérêt porté à chaque chose, amène l’architecte à respecter tous ceux qui lui donnent accès à
ces savoirs. Ce respect est à communiquer à chacun pour alimenter une dynamique collective. Cette idée m’amène à citer
une phrase de Frank Lloyd Wright que je garde en mémoire depuis que j’ai quitté l’école de Nancy.

‘’Ce dont on a le plus besoin aujourd’hui dans l’architecture est la chose même la plus nécessaire dans la vie, l’intégrité.
Exactement comme dans l’être humain, l’intégrité est la qualité la plus importante pour un bâtiment... Si nous l’atteignons,
nous aurons rendu un grand service à la nature morale de notre société démocratique… Luttez pour l’intégrité quand vous
construisez, ainsi vous luttez pour l’intégrité non seulement de la vie de ceux qui réalisèrent le bâtiment mais socialement une
relation réciproque sera inévitable.’’

Cette formation HMONP a débuté en posant la question de la nécessité de l’architecte dans notre société. Je ne pourrai pas
être en mesure de donner une définition précise de l’architecture ni de l’architecte, mais je sais aujourd’hui qu’il s’agit d’une
personne aux savoirs multiples lui confiant, certainement une responsabilité lourde à porter, mais surtout une énergie
nécessaire pour porter les enjeux sociaux, politiques, et écologiques de notre société.

Frank Lloyd Wright nous demande de lutter, pour moi j’espère que le combat ne fait que commencer.

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