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Introduction
a. Auteur, œuvre et thème à traiter.
Aujourd’hui, on va parler de l’œuvre Les Liaisons dangereuses, écrite par Choderlos de Laclos.
Il est né à Amiens en 1741 et il est issu d’une famille bourgeoise. Il s’adhère aux idées des
philosophes des Lumières. Il fait carrière dans l’armée, ce qui l’oblige à se déplacer
fréquemment et à se communiquer à travers des lettres, d’où le goût pour le roman
épistolaire. Après la publication de cette œuvre, en 1782, il acquiert la célébrité d’écrivain à
scandale.
L’œuvre, à travers la correspondance entre les différents personnages, raconte les intrigues du
vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil, qui, poussés par ses propres intérêts, ils se
mêlent dans des affaires qui ne les concernent pas. Ainsi, ils vont devenir maîtres de deux
jeunes amants dans l’art de tromper. Le vicomte, mû par sa nature libertine, va séduire une
femme mariée et qui vit sous la morale chrétienne. Tous les deux, autrefois amoureux, vont
s’aventurer dans le jeu dangereux de la séduction.
C’est précisément ce pouvoir de séduction qui fait devenir les personnages de joueurs, dont le
seul objectif est de faire le plus grand nombre possible de victimes, de personnes qui tombent
amoureuses et qui finalement sont abandonnées. C’est la spécialité du Don Juan, un mythe
littéraire qui a donné beaucoup de représentations au fil du temps. On va se centrer donc sur
le stéréotype du Don Juan dans la figure du vicomte de Valmont.
Dans les Lumières, le libertinage devient mode de vie. On développe le goût pour les jeux de
séduction, pour la recherche du plaisir, une morale loin de la prédominante, et une croissante
malfaisance, à côté de l’art du mensonge. Tel que l’encyclopédie Larousse explique, « Dans
l'espace clos des salons et des boudoirs, ils expérimentent leur savoir et leur pouvoir de
séduction, ils établissent un savant dosage de bienséances et d'audace, et manient avec art le
langage. Ils collectionnent naïves et femmes du monde, libertines et vertueuses ».
ii. Origines du mythe et évolution de la figure du Don Juan à travers les époques.
La figure du Don Juan est née vers 1615 en Espagne, avec l’œuvre El burlador de Sevilla y
convidado de piedra, écrite par Fray Gabriel Téllez, connu sous le pseudonyme Tirso de Molina.
On ne peut pas ignorer le fait que le personnage soit né pendant l’époque baroque, car dans
ce moment-là, l’Espagne joint les piliers clés qui donnent naissance au mythe : l’amour, la
morte et la religion. Pendant ce siècle, malgré les enseignements moraux de la Bible, il
commençait à y avoir de gens qui s’écartaient de la morale traditionnelle et le paganisme
rentrait dans l’haute société du moment. Il faut dire aussi qu’il n’y avait qu’un siècle de la
Reconquista du territoire espagnol, qui avait tombé en mains mahométanes. Ceci est
important parce que dans cette religion, la polygamie c’est un fait. Ainsi, on peut dire que la
création du mythe appartient exclusivement à l’Espagne.
Une fois précisé l’origine du mythe, il faut présenter les sources du personnage. L’auteure Rosa
Navarro défend une connexion avec le héros de Virgile, Enée. Elle dit qu’on peut établir un
parallélisme entre le naufrage d’Enée à Cartago et celui de Don Juan à Tarragone. Enée va
entreprendre une liaison amoureuse avec la reine Didon, mais il part la laissant mourir
d’amour. Virgile justifie cette fuite en invoquant qu’il doit accomplir la mission des dieux.
Ovide, de son côté, donne la parole à Didon, qui reproche à Enée d’être un menteur et de
l’avoir quittée. De même, Don Juan est sauvé par la caste Tisbea. Elle va tomber amoureuse de
lui, et il, après sa conquête, il l’abandonne. C’est pour cela que Rosa Navarro affirme qu’Enée a
été le maître de Don Juan. D’autres auteurs voient dans la figure du Don Juan, qui atteint ses
objectifs grâce aux mensonges, une réminiscence avec le dieu grecque Zeus. Dans la
mythologie grecque, Amphitryon était le mari d’Alcmène. Pendant la guerre de Thèbes, Zeus
s’est fait passer pour lui et a pris sa forme pour aimer Alcmène, une nuit qui a duré trois jours,
après quoi elle est tombée enceinte. Louis Viardot et Gregorio Marañon proposent l’idée que
la figure du Don Juan a pu exister réellement. Ils parlent de Cristobal Tenorio, un homme qui
avait eu nombreuses liaisons amoureuses, entre elles avec la fille de Lope de Vega.
El burlador de Sevilla y convidado de piedra : Un jeune seigneur espagnol nommé Don Juan, le
grand séducteur et prédateur sexuel, séduit à Naples la duchesse Isabela en prétendant être
son fiancé et elle le découvre. Après cela, il fait naufrage sur la côte de Tarragone où l’attend
Tisbea. Don Juan la séduit et la profite cette même nuit; et il s’enfuira plus tard. Don Juan
réussit à tromper aussi Mme Ana de Ulloa et s’enfuit à nouveau. Puis elle répète l’exploit avec
Armint. Don Juan rentre à Séville, où il rencontre le tombeau de Don Gonzalo (le père d'Ana) et
se moque du défunt, l'invitant à dîner. Cependant, la statue de celui-ci arrive au rendez-vous
(le convive de pierre). Ensuite, le même Don Gonzalo invite Don Juan et la statue se venge en
le traînant aux enfers sans lui donner le temps pour le pardon des péchés.
Dom Juan ou le Festin de Pierre : Il s’agit d’un ouvrage écrit par Molière et publié en 1665. Cet
auteur, inspiré par le personnage de Tirso de Molina, reproduit les jeux amoureux du
protagoniste d’une dimension plus philosophique et accentuant l’athéisme de Don Juan.
iii. Traits de la figure du Don Juan par rapport au personnage le Vicomte de Valmont.
a. Présentation du personnage de Laclos dans l’ensemble.
Le vicomte de Valmont, comme il s’est déjà balancé, est un expert séduisant. La marquise de
Merteuil, au début de l’œuvre, lui propose de conquérir une jeune fille innocente et déjà
concédée à un autre homme avec lequel elle avait entretenu une relation dite marquise.
Valmont refuse parce qu’il a déjà en tête la séduction d’une dame mariée. Tout au long de
l’œuvre, nous pouvons connaître la nature trompeuse du vicomte. Enfin, il cède aussi à la
demande de la marquise. Quand ses efforts pour séduire la femme mariée portent leurs fruits,
celle-ci meurt; et lui, réalisant qu’il avait vraiment de l’amour pour elle, est vaincu dans un duel
et meurt aussi.
J’avais tout fait préparer (et cela par elle-même), pour pouvoir entrer sans bruit.
Elle était dans son premier sommeil, et dans celui de son âge ; de façon que je suis
arrivé jusqu’à son lit, sans qu’elle se soit réveillée. J’ai d’abord été tenté
d’aller plus avant, et d’essayer passer pour un songe ; mais craignant l’effet et le
bruit qu’elle entraîne, j’ai préféré d’éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et
1
Abuser d’elle, par référence au roman de Richardson. Clarisse, héroïne innocente et bafouée cherche
refuge auprès d’un libertin, Lovelace qui la laissera mourir après avoir abusé d’elle en lui ayant donné de
l’opium, puis mourra lui-même au cours d’un duel.
suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais. (Lettre 96 ; p. 219)
Machiavélisme et sadisme des plans et de l’expression de Valmont.
Carpe Diem : la figure du Don Juan est toujours limitée par le temps, il est obligé
par sa condition à dépasser des objectifs dans un délai concret. Il suit la devise de la
Renaissance du carpe diem et considère que la vie est trop courte pour perdre son
temps. En outre, le carpe diem est aussi lié avec le fait que toute aventure du Don
Juan commence comme une compte à rebours vers sa fin, sa mort, son châtiment et
sa rédemption. On pourrait parler aussi de philosophie du présentisme : il a tout son
temps disponible, il a une liberté complète d’opinion et d’action, il veut jouir du
présent, vivre au jour la vie. L’homme a toute sa vie devant soi, c’est pourquoi il
commence à oublier les serments sur l’art de bien mourir et prône l’art de bien
vivre.
L’amour comme conquête de guerre : De même qu’on trouve chez le Don Juan
de Molière des comparaisons avec Alexandre Magne, on trouve aussi chez Valmont
toute une comparaison entre la conquête amoureuse et la guerre. Ce trait est très
évident dans quelques lettres dirigées à la Marquise, où il emploie du langage du
domaine militaire pour décrire la conquête de ses victimes.
[…] Portant toute son attention, toutes ses forces à se défendre d’un baiser, qui
n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de
n’en pas profiter ! J’ai donc changé ma marche, et sur le champ j’ai pris poste.
(Lettre 96 ; p. 220) Encore exemple de machiavélisme chez Valmont et aussi
exemple de l’analogie qu’il établit toujours entre la conquête amoureuse et la guerre
/ conquête militaire.
Dans le cas de Valmont, nous n’avons pas exactement l’idéal du Don Juan
romantique qui tombe amoureux d’une femme. Nous avons l’idée d’une seule
femme dont il tombe amoureux, mais Valmont ne se rend compte qu’à la fin de ses
sentiments, et son orgueil ne lui permet pas de profiter du bonheur d’être avec la
Présidente. Il aurait pu devenir le stéréotype de héros romantique ; cependant il
reste à mi-chemin entre le Don Juan baroque, sans regrets, et le Don Juan
romantique, qui tombe toujours amoureux d’une femme qui le rachète. De cette
façon, il renonce au bonheur en faveur de la célébrité, mais cette décision le conduit
vers la perdition ; et c’est alors qu’il avoue son amour par la présidente, ses regrets,
et qu’il obtient, en quelque sorte, le pardon des lecteurs.
Oui, Vicomte, vous aimiez beaucoup Mme de Tourvel, et même vous l’aimez
encore ; vous l’aimez comme un fou : mais parce que je m’amusais à vous en
faire honte, vous l’avez bravement sacrifiée. Vous en auriez sacrifié mille, plutôt
que de souffrir une plaisanterie. Où nous conduit pourtant la vanité ! Le Sage a
bien raison, quand il dit qu’elle est l’ennemie du bonheur. (Lettre 145 ; p. 341)
Perfidie de la Marquise, qui trompe le Vicomte le sachant amoureux de la
Présidente. Le Vicomte tombe dans le piège à cause de sa vanité. Sacrifice de
l’amour en faveur des apparences.
Si, comme je le suppose, vous prenez le parti de l’amour, qui me paraît aussi
celui de la raison […] Ce que j’ajoute encore, c’est que je regrette Mme de
Tourvel ; c’est que je suis au désespoir séparé d’elle ; c’est que je paierais de la
moitié de ma vie le bonheur de lui consacrer l’autre. Ah ! Croyez-moi, on n’est
heureux que par l’amour. (Lettre 155 ; p. 362) Valmont avoue ses véritables
sentiments envers Mme de Tourvel et il regrette l’avoir sacrifiée. Possible moment
de rédemption du personnage aux yeux du lecteur.
Châtiment (mort) : le figure du Don Juan montre une méprise absolue pour la
divinité et pour le châtiment qui peut lui infliger à cause de sa malfaisance.
Même si on pourrait dire que Valmont à son châtiment avec la perte de Mme de
Tourvel et avec sa mort, on voit aussi qu’il n’est pas le seul à être puni. Mme de
Merteuil a une punition assez exagérée par rapport à ses crimes ; et on voit aussi
que Mme de Tourvel, qui est presque obsédée avec suivre le chemin de la vertu, a
son châtiment aussi avec une fin vraiment tragique.
Malgré plus de 400 ans d'existence, le mythe du Don Juan reste un motif littéraire fécond dans
de nombreux domaines artistiques. Sur le plan littéraire, de nombreuses œuvres peuvent être
mentionnées. Don Juan raz jeszcze, écrit par Andrzej Bart, est un roman historique inspiré de
l'histoire de la reine Jeanne de Castille qui, après la mort de son mari, erre dans les rues avec
son cadavre. Don Juan arrive pour la convaincre d'enterrer son mari. Sur le plan théâtral, Don
Juan in Soho de Patrick Marber actualise la pièce de Molière. Le personnage de Don Juan est
représenté par un DJ fiancé qui va de fleur en fleur sans la moindre considération pour sa
future épouse. Tenorio, tango y tequila est un recueil de poèmes écrit par Roberto Arróniz
Martínez qui verse aussi sur le mythe. Finalement, en s’introduisant dans le monde
audiovisuel, on peut parler de Don Juan y su bella dama, un feuilleton argentin qui raconte
l’histoire d’amour entre Juan Cané (un séducteur incorrigible qui refuse tout engagement) et
Josefina Molina (qui laisse son petit ami pour aimer Juan librement).
L’œuvre fut un succès imminent et immédiat, mais elle a déclenché un gros scandale. Les
lecteurs voyaient ses vices reflétés dans les vices des personnages et ils essayaient d’identifier
les personnages fictices avec des personnes réelles et connues. L’œuvre montrait des mœurs
dépravées et fut considérée comme une incitation à la faute. Elle fut condamnée en vue de la
« destruction de ce récit dangereux ».