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En général, je n’aime pas les romans, trouvant qu’ils m’apportent bien peu et
me prennent trop de temps. Celui la m’a passionné. Il faut dire que Flaubert est
un maître dans l’art de décrire les sentiments humains.
Six mois plus tard, en juin 1857, Baudelaire publie « Les fleurs du mal ».
Autant je n’aime pas les romans, autant j’éprouve du plaisir à lire des poèmes.
Je télécharge donc « les fleurs du mal » sur ma tablette et me laisse emporter
par leur charme :
A la chute du jour, le poète s’égare dans une forêt sombre. Il y passe la nuit et
se trouve, au lever du jour, devant une colline qu’il essaie de gravir mais trois
bêtes féroces, une panthère, un lion et une louve, lui en défendent l’approche.
C’est alors que Virgile lui apparait et lui propose un autre chemin qui passe par
l’enfer. Les poèmes décrivent alors ce voyage en enfer sous la forme d’un
dialogue entre Dante et Virgile, en faisant intervenir parfois des concitoyens
historiques ou mythiques, parfois des anges. En fait, la colline est le symbole de
la vie heureuse et facile que Dante aurait eu s’il n’avait pas été banni de
Florence. A 35 ans, il était un homme public important, avait été nommé prieur
de Florence et se considérait au milieu de sa vie. Les trois animaux symbolisent
trois passions qui se déchainent dans son cœur comme dans le monde
politique : la panthère est le symbole de la luxure, le lion est le symbole de
l’orgueil et de l’ambition, la louve est celui de l’avarice.
Pour faire simple, l’enfer de Dante est constitué de dix grandes parties, un
vestibule et neuf cercles concentriques qui vont en diminuant jusqu’au centre
de le terre, comme un cône renversé.
Après avoir franchi les portes de l’enfer, on trouve le vestibule coupé en deux
moitiés par un fleuve, l’Achéron, le fleuve du chagrin. Dans la première moitié,
avant d’arriver au fleuve, se trouvent les âmes sans vertus et sans vices, les
lâches, trop attachés à leur petit confort pour oser de grandes choses, ni dans
le bien, ni dans le mal, dont la peine consiste à se faire piquer éternellement
par des mouches et des guêpes. La seconde moitié, au-delà du fleuve, forme les
limbes composés des neuf cercles.
Le premier cercle contient les enfants morts sans baptême et les âmes
vertueuses ayant vécu avant l’avènement du Christ. Virgile est de ceux là. Leur
peine est de vivre éternellement sans pouvoir contempler dieu.
Les autres cercles sont peuplés par les âmes selon une gradation des péchés
commis durant leur vie, les peines étant de plus en plus lourdes lorsqu’on
descend vers le centre. On trouve dans l’ordre les luxurieux, les gourmands, les
prodigues et les avares, les vindicatifs, les hérésiarques, les violents, les
perfides et les traitres. Bien évidemment, des subdivisions, notamment dans
les trois derniers cercles, permettent encore de varier les peines qui
deviennent de plus en plus effroyables.
Ici, les choses sont claires : le mal est ordonné selon une gradation établie.
Je ne vous cacherais pas que les bouquins de Bernard Henri Lévy m’intéressent.
J’ai apprécié Américan Vertigo, où il décrit son voyage aux Etats Unis, à sa
manière, mais dans l’esprit de Toqueville qui a écrit « Du système pénitentiaire
aux Etats-Unis et de son application » (1832) puis « De la démocratie en
Amérique » (1840). Cet ouvrage qu’il publie en France en 2006 lui a été
commandé par une revue américaine pour le bicentenaire de la naissance
d’Alexis de Toqueville (1805). Par la suite, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt « Ce
grands cadavre à la renverse » où BHL commence par expliquer qu’il n’a pas
voté Sarkozy en 2007, alors que ce dernier, qu’il connait et côtoie à Neuilly, l’en
avait prié, tout simplement parce qu’il est de gauche. Il s’emploie alors à définir
la gauche tout en indiquant ce qui, à ses yeux, lui parait être une évolution
dangereuse. Je n’irai pas plus loin ici car ce n’est pas le lieu. Toutefois, à la
lecture de ces deux livres, je découvre que j’ai un vrai problème avec BHL dès
qu’il aborde la question juive et qu’il parle d’Israël. Il se dit juif laïque, ce qui,
déjà, me semble assez problématique, mais j’ai l’impression que sa laïcité, telle
que je l’entends, s’arrête dès qu’il évoque l’état hébreux. Cet été, j’ai donc
entrepris de lire « Pièces d’identité », un gros pavé de 1300 pages constitué de
textes qu’il a publiés dans diverses revues ou de discours qu’il a tenus dans des
colloques et des séminaires entre 2000 et 2009.
La, je tombe sur un texte de 2008 intitulé « Contre le mal, s’il est absolu, que
faire ? ».
Pour moi, la question du mal dans une morale laïque est une question assez
centrale car, comme l’a dit Nietche, « Dieu est mort ». De toute façon, « si dieu
existe, j’espère qu’il a une bonne excuse » (Woody Allen). Pour revenir à
Nietche, Ainsi parlait Zarathoustra qu’ « en vérité, il ya un avenir, même pour
le Mal ». L’histoire lui a donné raison !
Nietche explique dans le Crépuscule des idoles que « Quand on renonce à la foi
chrétienne, on se dépouille du droit à la morale chrétienne. Celle-ci ne va
absolument pas de soi (…) Le christianisme est un système, une vision globale
des choses où tout se tient. Si on en soustrait un concept fondamental, la foi en
dieu, on brise le tout du même coup : Il ne vous reste plus rien qui ait de la
nécessité ».
Comme je suis très à cheval sur mes principes, je prétends que rien m’est
imposé. Je suis un homme libre, comme tout le monde. Si je choisis d’agir de
telle ou telle façon, c’est mon choix car je suis un être de raison. C’est peut être
un devoir selon les règles que j’ai librement acceptées mais en aucun cas une
obligation.
Alors cette histoire biblique où Adam et Eve sont placés dans un jardin à l’est
d’Eden, où ils peuvent gouter à tous les fruits sauf à ceux de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal, ça ne peut pas marcher pour moi : si le bien et
le mal existe, pourquoi ne pourrait-on pas en avoir connaissance ? Pourquoi
s’imposeraient-ils à nous par delà notre raison ? Et pourquoi paierait-on pour
des fautes qu’on n’a pas commises ? Pourquoi hériterait-on des fautes de ses
ascendants et de ses concitoyens ? Quelle est donc cette morale où l’on
accepte un Mal sans cause et sans faute, avec de la souffrance ou de la
malfaisance héritée ?
Peut-on accepter la souffrance utile ? On sait d’où elle vient : du Christ lui-
même. On sait qu’elle conduit à justifier l’intolérable comme la torture pour
éviter un attentat, la guerre pour éviter un génocide. Certains même justifient
Auschwitz avec ce principe. Mais où est le respect de l’individu ? Et peut-on
bâtir la concorde universelle sur ces bases ?
Je ne crois pas qu’on soit en mesure d’y parvenir. Je pense que, pour
combattre le mal, il faut soutenir trois principes :
Il s’interroge alors sur la question du mal dans une société laïque et sur le mal
absolu. L’actualité et l’histoire récente l’amène à s’interroger sur le principe de
souffrance utile, qui peut conduire à la torture ou à la guerre, et sur le sacrifice
de vies pour un monde hypothétiquement meilleur, ce qu’il réfute.