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ARTS ET MYTHES, Cours de Mme.

Morel

Bibliographie : pour compléter le cours


- Pierre BRUNEL, Dictionnaire des mythes littéraires, Monaco, Edition du Rocher,
réédition 2000.
- Véronique LEONARD-ROQUES, Figures mythiques : fabrique et métamorphoses.

Objectifs :
- Mythe, figure mythique : définitions.
- Quel protocole d’étude ?
- Construction d’outils d’analyse de ces figures mythiques.
- Analyse d’exemples (notamment autour de figures féminines).

Problématique :
- Comment un personnage mythique parviennent-ils à être repris aujourd’hui et
pourquoi nous interpellent-ils toujours.

A. MYTHE ET FIGURE MYTHIQUE  :

B. LE MYTHE : UNE FORME NARRATIVE

Le mythe est devenu un objet d’étude universitaire, notamment à partir du XIXème,


avec des écrivains et philosophes, ou encore des historiens et des anthropologues qui se
penchent dès lors sur le mythe. Ils s’interrogent sur le mythe dans les sociétés modernes, la
place du sacré etc.
Nous observerons que le mythe est un système de représentation qui va être
constitutif d’une culture, ainsi on va se situer dans notre culture gréco-latine avec cet
héritage gréco-latin. Ce système de représentation va répondre à une structure fondamentale
de l’imaginaire. Nous observerons comment les écrivains et artistes vont reprendre une
figure mythique pour l’intégrer à leurs créations artistiques. Il faut bien garder en tête que les
mythes sont avant toute chose une forme narrative : ce sont des histoires, des récits. Si on se
rapporte à l’étymologie, mythos signifie le récit, la fable . La politique d’Aristote reprend ce
terme pour désigner l’intrigue. Une intrigue comprend un agencement avec un début, un
milieu et une fin ; tout comme une construction narrative. Les mythes font penser à des
histoires que l’on peut se raconter.
Par exemple : le mythe d’Œdipe :
Dans la mythologie grecque, Laïos, roi de Thèbes, et Jocaste sa femme consultent
l'oracle de Delphes qui leur prédit que s'ils ont un fils, celui-ci tuera son père et épousera sa mère.
Lorsqu'Œdipe naît, Laïos, terrifié, emmène son fils sur le mont Cithéron et l'attache par les pieds à
un arbre. Œdipe est découvert par des bergers qui lui donnent son nom (qui signifie "pieds enflés")
et le portent au roi et à la reine de Corinthe, Polybe et Mérope. Ces derniers élèvent Œdipe comme
leur fils. Lorsqu'Œdipe atteint l'âge adulte et qu'il est critiqué sur sa légitimité de fils adoptif, il se
met en quête de son passé et va consulter l'oracle de Delphes. Celui-ci évoque le destin qui attend
Œdipe : s'il retourne dans son pays, il tuera son père et épousera sa mère. Le jeune homme décide de
ne plus jamais retourner en Corinthe et prend la route de Thèbes. Sur son chemin, il a une altercation
avec un vieillard qui tourne mal : l'homme meurt. Ce dernier n'était autre que Laïos déguisé. Peu
après, alors qu'Œdipe se trouve aux portes de Thèbes, il entend parler d'un Sphinx qui soumet aux
passants des énigmes et dévore quiconque échoue à les résoudre. Lorsqu'il s'y rend, Œdipe réussit
l'énigme et se débarrasse du monstre. Sa renommée est telle qu'il est porté en triomphe et
proclamé roi de Thèbes. Il épouse Jocaste, la reine veuve (sa mère). Lorsqu’il fait la découverte de
la vérité, Œdipe se crève lui-même les yeux pour ne plus voir les horreurs qu’il a commis et il part
en exil ("Œdipe à Colone" de Sophocle).
Un mythe raconte une histoire sacrée, qui relate un évènement qui a eu lieu dans
le temps primordial, du commencement. C’est toujours le récit d’une création, on
rapporte comment quelque chose a été produit : on rapporte comment quelque chose a
été produit. Ainsi, ces grandes figures mythiques vont faire écho et référence jusqu’à
aujourd’hui et notre imaginaire collectif.

C. DU RÉCIT À L’IMAGE : CONDENSATION ET SYMBOLISATION  :

Explication avec le mythe de Narcisse : on sait qu’il y a cette image du reflet, mais on
ne sait pas réellement quel en est le cheminement. Ainsi le mythe est réduit, condenser à sa
symbolisation : le reflet de Narcisse. Cette tendance à réduire les mythes à des images ou des
moments clés de l’histoire ne signifie pas que l’on perd de la puissance, mais on ne garde que
le moment fort de l’histoire. Ici on est plus forcément dans la structure narrative (= plus
d’histoire d’entière) mais à avoir tendance à condenser, qui donnera des clés de lecture :
contempler sa beauté. Ainsi c’est le symbole, la représentation de quelque chose.
Par exemple : Judith et Lucrèce :
Ces deux femmes, sont réunies en un tableau, de Cranach, exposé en Allemagne et
connu grâce à des notes de Beckett. L’œuvre a disparu en 1945, on ne sait pas si c’est lié aux
bombardements de la guerre ou à un vol de guerre.

« L’âge d’Homme » de Michel Leiris est une œuvre autobiographique. Dans les faits, le
créateur lit le récit lié à ces deux femmes et décide d’en faire une œuvre autobiographique.
Avec cet exemple, on comprend que l’artiste intègre totalement ces deux mythes à son
imaginaire et permet une création.

Les histoires de ces deux femmes :

 La femme sur la gauche est Lucrèce. Elle a été victime d’un


viol par un des plus haut responsable politique de l’époque et
sera connue car elle est allée raconter ce qui lui était arrivé à
son père et mari ; mais afin de ne pas se sentir souillée ou
accusée, elle s’est tuée d’un coup de poignard sous les yeux de
ses proches.
Cette histoire est considérée comme un exemplum, c’est-à-dire
un exemple de vertu, dont les actes doivent êtres imités.
 La femme sur la droite est Judith, qui tient la tête d’Holopherne dans sa main gauche et un
glaive dans la droite. Elle est une héroïne juive : son pays est envahi par les assyriens.
Holopherne est à la tête des envahisseurs. Judith va décider de prendre les choses en
mains pour sauver son pays, avec une servante. Elle se rend seule au camp d’Holopherne
en disant vouloir délivrer des informations sur son peuple (=délatrice). Elle est d’une
grande beauté ce qui facilite le fait qu’elle soit autorisée à approcher Holopherne, avec
lequel elle festoie. Elle va le faire beaucoup boire et profitera de son ivresse pour le
décapiter. Elle reviendra à son pays avec la tête du général ennemi, ce qui va galvaniser
les habitants qui parviendront à mettre en déroute l’armée assyrienne alors privée de son
général.

 On a donc une opposition entre une femme vertueuse et victime et une femme qui elle est
forte et sournoise. Elles s’opposent donc un peu dans leurs mentalités. On a une femme
qui tue est une femme qui se tue.
Texte de Jaques POIRIER, Judith : écho d’un mythe biblique dans la littérature française,
Renne, Presses Universitaires de Rennes,

2004, 204 p.

Il y a une angoisse véritable de la plaie et de la coupure de la gorge qui touche le


traumatisme que Leiris a vécu étant enfant. Il expose à travers ce texte et l’exemple des deux
femmes sa conception de l’amour et de la sexualité. Les conceptions mythiques vont avoir un
but de miroir qui lui renvoie des échos, des reflets. Il convoque donc différentes figures, dans
lesquelles il analyse ses angoisses. Cet ouvrage a une dimension thérapeutique pour panser les
blessures qu’il a enduré. Ces figures mythiques lui servent donc à panser son identité
d’homme blessé. Grâce à l’usage de figures mythiques, Leiris dépasse ses peurs et se répare.
Il y a donc une dimension de thérapie, de catharsis qui s’opère à travers ces références-là.
Chaque artiste développe des éléments à la base des différents supports et scénarios. Les
images ont donc une valeur émotive et permettent une identification et une structuration
(éléments primordiaux de la vie humaine) que les personnages mythiques permettent
d’aborder.
Les figures de Lucrèce et Judith vont subir des déclinaisons et faire naitre de nouveaux
personnages qui leurs sont écho. Ainsi dans l’Age d’Homme, si l’on se base sur la table des
matières de l’œuvre de Leiris, on constate que :

 Toutes les femmes ici citées font référence à des femmes fatales, belles, séductrices et
sournoises. Ainsi on pourra citer Salomé, Dalila ou encore Carmen.
Avec cet exemple de Leiris on constate la manière qu’un artiste a de s’approprier les
figures mythiques. En effet, il y a des réinterprétations constantes de ces figures mythiques,
avec des invariants qui seront repris à de multiples reprises, tel un objet sans cesse repris et
réinvesti. C’est ce qu’on peut appeler la palingénésie, qui est une idée de renaissance et de
régénération. Ce sont des récréations permanentes, qui ont une originalité et une fascination
transhistorique. Ainsi, des personnages seront oubliés un temps, puis reviendront. De manière
générale, plusieurs personnages fascinent au long de l’histoire.

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