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Adam
Premier homme, origine, idée biblique. C’est aussi une stèle verticale, faite en grès,
mesurant deux mètres de haut (1989) avec, en son cœur, un rectangle de pigment, une tablette
noire sur laquelle les choses sont matérialisées et dématérialisées. C’est encore une vacuité ou
une génèse fondamentale, celle de la quête des Champs du vide et de l’idée des “objets non-
construits”, dialogue d’une pierre avec son écriture non-dite, toujours à faire, “dialogue de la
pierre avec son vide central” ou représentation silencieuse “du ciel à l’extérieur et de la terre au-
dedans”, vide, évidée, creusée, exténuée.
Anish Kapoor est né à Bombay en 1954. Il fait ses études en Angleterre dès
1971(Chelsea School of Art), avec la seconde génération de sculpteurs anglais : Edward
Allington, Tony Cragg, Richard Deacon, Antony Gormley, Shirazeh Houshiary, Alison Wilding
et Bill Woodrow. Tous ces sculpteurs sont marqués par les matériaux, associés à une attention
aux problématiques conceptuelles et à une redéfinition de la sculpture. L’enseignement est très
libre, les étudiants ne subissent aucune instruction, mais apprennent par tâtonnements et par
erreurs, à travers l’expérience quotidienne. Houshiary et Kapoor, par exemple, puisent aux
sources de leurs origines respectivement iranienne et indienne, sans que cela les désigne comme
sculpteurs “exotiques” ou comme sculpteurs purement anglais. Ils le sont néanmoins, par défaut,
non par dessein. Kapoor est cependant marqué par son origine, ayant vécu en Inde jusqu’à l’âge
de dix-sept ans. Il retourne sur sa terre natale en 1979 et, incontestablement, son expérience
visuelle se fonde sur une vision indienne du monde.
L’approche conceptuelle de l’artiste démontre que “L’art puise son essence dans notre
culture matérialiste. Les œuvres qui prennent cette culture pour sujet auront, d’après moi, une très
courte existence. J’éprouve le besoin de m’adresser à l’humanité, à un niveau plus profond. Mon
travail s’oriente vers le non-objet”, ce qui apparemment n’empêche aucune absence de matière
première, telles les :
Bipolarités
qui invoquent les questions de contenu et de son apparition, au détriment de l’analyse des
différentes façons dont ce contenu est élaboré. Attitude différente de Richard Long par exemple.
L’aspect physique de l’œuvre devient le simple véhicule pour des fins conceptuelles plus larges.
Pour Kapoor, fortement marqué par la culture indienne et par Jung, les formes sont
processionnelles et se concentrent sur l’opposition binaire, combinée et inconciliable, entre
mâle/femelle, terre/ciel, feu/eau, jour/nuit, corps/esprit… comme éléments fondamentaux de la
condition humaine.
Bipolarités, dont les premières traces sont fixées de rouge et de blanc, poudrées d’une
couche épaisse de pigments, cachant les matériaux,
soit
périssables : riz, pain, terre crue, bois
soit
durables : pierre, fibres de verre, métaux précieux
non-identifiés
tension originelle de l’intériorité
au début, les matériaux sont dissimulés
sous la couleur
aujourd’hui, les couleurs sont occultées
dans la matière
déportées à l’intérieur même de l’objet
accomplissant
une terre
un contenant
vides du non-objet
un réceptacle
un corps
Les sculptures fonctionnent alors comme des modèles de pensée, approchant le monde et
montrant qu’image et objet, processus et matériaux fonctionnent comme un tout sensuel, proche
du sens poétique.
Ou encore le
Champ du vide
seize blocs non équarris, bruts, de dimensions variables, avec des masses de pierre qui
sont épuisées, allégées, demeurant des ciels contenus dans la terre, des inversions exactes aux
lumières platoniciennes. Mais il s’agit encore de ciels obscurs, qui informent sur la crainte, sur le
commencement potentiel de toute forme et de tout contenu, sur la finalité de toute chose, confinée
dans le vide central des montagnes, lieux où commencent toute activité sacrale pour
Abraham
Moïse
Mahomet
Shiva
et pour nous-mêmes
Finalement, pour Kapoor, accomplir le retour aux origines, c’est toujours “matérialiser et
dématérialiser ce bloc de pierre” et “relier l’idée de Conscience intangible à celle du réel”.