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Dr BAMBA Salikou

(Maître-Assistant)

COURS D’HISTOIRE DE L’ART


NIVEAU : LICENCE 1

HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’ART


(L’ART EN OCCIDENT : DE LA RENAISSANCE À NOS JOURS)

Année académique : 2023-2024

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Dr BAMBA Salikou
(Maître-Assistant)

COURS D’HISTOIRE DE L’ART


NIVEAU : LICENCE 1

HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’ART


(L’ART EN OCCIDENT : DE LA RENAISSANCE À NOS JOURS)

Année académique : 2023-2024

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COURS D’HISTOIRE DE L’ART
NIVEAU : LICENCE 1

HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’ART


(L’ART EN OCCIDENT : DE LA RENAISSANCE À NOS JOURS)

4
SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................6


I- INITIATION À L’HISTOIRE DE L’ART ........................................................................................9
INTRODUCTION ...................................................................................................................................10
1.1- LES PÉRIODES DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE
ET DE L’HISTOIRE DE L’ART ..........................................................................................................11
1.2- APERÇU PANORAMIQUE DE L’HISTOIRE DE L’ART .........................................................13
CONCLUSION .........................................................................................................................................16

II- L’ART OCCIDENTAL DE LA RENAISSANCE


À LA FIN DU XIXème SIÈCLE................................................................................................................17
INTRODUCTION ....................................................................................................................................18
2.1- LA RENAISSANCE (XVème ET XVIème SIÈCLES) .......................................................................19
2.2- LA PÉRIODE ACADÉMIQUE
(DU XVIIème À LA FIN DU XIXème SIÈCLE ..........................................................................................29
CONCLUSION ........................................................................................................................................88

III - L’ART MODERNE (DU DÉBUT DU XXème SIÈCLE


À LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE) ....................................................................90
INTRODUCTION ...................................................................................................................................91
3.1 - LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR ........................................................................................92
3.2 - LA RÉVOLUTION DE LA FORME .............................................................................................102
3.3- LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE ................................................................................................................127
CONCLUSION .........................................................................................................................................139
IV- L’ART CONTEMPORAIN ..............................................................................................................140
INTRODUCTION ....................................................................................................................................141
4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART ..............................................................................................142
4.2- LE POP ART .....................................................................................................................................149
4.3- L’HYPERRÉALISME .....................................................................................................................154
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES ARTISTIQUES ...............................................159
CONCLUSION .........................................................................................................................................165

V – ICONOLOGIE DE L’ART OCCIDENTAL...................................................................................166


INTRODUCTION ....................................................................................................................................167
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE ...................................................168
5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART ....................................................................................................169
5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE ICONOLOGIQUE ...............................175
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART ..........................................................................178
CONCLUSION .........................................................................................................................................190
CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................................................................191
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................194
TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................................196
TABLE DES MATIÈRES .......................................................................................................................201

5
INTRODUCTION GÉNÉRALE

6
L’intelligence humaine, fait observer en substance René HUYGHE, a du
mal à cerner les choses dans leur globalité. Elle divise le temps en millénaires,
en siècles, en années, en mois, en semaines, en jours, en heures, en minutes, en
secondes, comme elle divise l’espace en plans (premier plan, second plan,
arrière-plan, etc.). En effet, dans la vie quotidienne, pour mesurer le temps, nous
avons recours à des unités allant de la seconde (la plus petite des unités) à
l’année (la plus grande des unités). Si nous procédons à la description des faits
historiques, nous sommes amenés à négliger ces unités utilisées dans la vie de
tous les jours (la seconde, la minute voire l’heure à laquelle nous n’avons
recours qu’exceptionnellement) pour ne considérer généralement qu’une unité
d’ordre supérieur, à savoir le siècle. Si c’est la Préhistoire qui fait l’objet de
notre étude, alors nous en arrivons à ignorer le jour, le mois, l’année et même le
siècle et à ne retenir que les unités plus élevées, notamment le millénaire ou
même la dizaine, la centaine et le millier de millénaires.

S’agissant particulièrement du domaine qui nous intéresse ici, l’Histoire


de l’Art, le terme implique deux données, à savoir :

- HISTOIRE :
En 1694, le premier dictionnaire de l’Académie française définissait
l’histoire comme étant « le récit des choses dignes de mémoire ». De nos jours,
les définitions qu’en donnent les différents dictionnaires ne se démarquent pas
de celles de 1694. Ces dictionnaires ne font que les expliciter. Ainsi on note en
substance que l’histoire c’est le récit d’actions, d’événements relatifs à une
époque, à une nation, à une branche de l’esprit humain, qui sont jugés dignes de
mémoire.

- ART :
Il faut entendre ici les œuvres considérées à partir de leurs qualités
plastiques et en fonction de critères esthétiques (matières, formes, répertoires
des thèmes, etc.).
Ces deux composantes sont intimement liées et doivent avoir la même
importance pour conférer à l’histoire de l’art sa spécificité.
Il est à noter que comme toute histoire, l’histoire de l’art a commencé par
la fable. En effet, dans la plupart des civilisations, un mythe expose l’origine des
techniques et des formes traditionnelles. L’affirmation de l’histoire de l’art en
tant que discipline autonome est due en grande partie à l’importance acquise par

7
les musées comme gardiens du patrimoine culturel tout au long du XIX ème siècle
(transformation du Louvre en musée en 1792 ; en 1750 quelques salles sont
ouvertes. Création de la Museumsinsel (l’île des musées) à Berlin en 1828 ;
ouverture de la National Gallery de Londres en 1838, etc.). L’un des premiers
ouvrages d’histoire de l’art assortis d’une illustration méthodique est L’Histoire
de l’art par les monuments (XVe - XVIe s.), par Séroux d’Agincourt, (Paris, 1811-
1829). Par ailleurs on note la création de la première chaire d’histoire de l’art en
1860 à l’Université de Bonn pour Anton Heinrich Springer.

Pour des raisons de commodité mais aussi et surtout pour être en


conformité avec les moments de rupture et de continuité qui rythment toute
histoire, nous avons articulé notre cours autour de cinq grandes parties. Ces
parties elles-mêmes sont segmentées en chapitres voire en sous-chapitres. De
prime abord, nous procédons à une initiation à l’Histoire de l’Art, en faisant une
comparaison entre les périodes de l’histoire générale et celles de l’histoire de
l’art et en donnant un aperçu panoramique du fait artistique dans le temps et
dans l’espace, ce qui correspond à une sorte de tableau synoptique. Puis, dans un
second temps, nous parcourons les siècles pour examiner l’art, du XVème siècle à
nos jours. Ce faisant, nous nous attardons d’abord, un tant soit peu, sur l’art de
la Renaissance du XVème au XVIème siècle, en Italie et dans le reste de l’Europe ;
et puis nous nous intéressons à la période académique, du XVII ème à la fin du
XIXème siècle, et ce, siècle par siècle, mouvement par mouvement ou tendance
par tendance. Ensuite, nous accordons une attention particulière à l’art moderne
qui se développe durant la première moitié du XXème siècle pour examiner celui
d’aujourd’hui, l’art contemporain, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale,
et enfin, pour terminer, ouvrir une lucarne sur l’iconologie de l’art occidental.

8
I

INITIATION À L’HISTOIRE DE L’ART

9
INTRODUCTION

L’histoire de l’histoire de l’art met en présence deux grandes écoles : celle


des adeptes d’une approche évolutionniste de l’art et celle des partisans d’une
approche de celui-ci fondée sur le milieu socioculturel. Si on s’accorde avec
Jean LAUDE pour dire que toute œuvre d’art informe doublement, qu’elle est
d’abord une image dont le sens premier est celui de son thème, qu’elle est
ensuite le résultat de techniques de fabrication, il faut s’empresser de faire
préciser par Pierre FRANCASTEL que c’est l’artiste qui, par le choix et la
pratique des techniques, confère à l’œuvre, non seulement sa qualité, mais à
proprement parler l’existence. Ce n’est pas simplement parce qu’il nous permet
de nous rappeler l’existence de tel ou tel problème intellectuel contemporain,
que l’artiste fixe notre attention et enrichit notre propre expérience. L’artiste ne
transpose pas seulement dans un système particulier des idées, des valeurs
susceptibles de recevoir d’autres habits. C’est dans la mesure seulement où il
réalise, par la technique, des œuvres harmonieuses et originales, qu’il s’affirme
comme le porte-parole de son entourage, (Paris, 1987, p.17).

10
1.1- LES PÉRIODES DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE
ET DE L’HISTOIRE DE L’ART
Si la durée de l’histoire de la terre est évaluée à plusieurs milliards
d’années, celle de l’apparition de l’homme sur terre remonterait à environ 4
millions d’années. L’histoire de l’humanité a été divisée par commodité, de
façon plus ou moins artificielle, en quatre âges successifs dont les durées varient
d’une région à l’autre. Ce sont :

1- Le Paléolithique (âge ancien de la pierre ou âge de la pierre taillée),


part des origines jusqu’aux environs de 9 000 av. J.-C. ;
2- Le Néolithique (âge nouveau de la pierre ou âge de la pierre polie)
commence au 7ème millénaire au Proche-Orient et au 5ème en Europe av.
J.-C. ;
3- Le Protohistorique se situe dans les derniers millénaires avant l’ère
chrétienne. Il correspond aux âges des métaux, à savoir : l’Âge du
Bronze et l’Âge du Fer (4 000 à 2 500 ans av. J.-C. au Proche-Orient et
1 700 à 800 ans av. J.-C., en Europe) ;
4- L’Historique qui est caractérisé par l’utilisation des documents écrits,
commence pour ainsi dire avec l’Antiquité.

Ces quatre âges sont valables aussi bien pour l’histoire générale que pour
l’histoire de l’art. En revanche, les grandes périodes de l’histoire générale se
démarquent par moment de celles de l’histoire de l’art, notamment à partir du
Moyen Âge (planche 1).

11
Planche 1 : Comparaison entre les grandes périodes de l’histoire générale et les
grandes périodes de l’histoire de l’art.

Période Période
Préhistoire Antiquité Moyen Âge
moderne contemporaine

De 1789 (Prise de la
Apparition de Vème s. 1453 (Prise de
Il y a Bastille : Révolution
l’homme sur la après J.-C. Constantinople
5000 ans Française) à nos
terre (il y a 4 par les Turcs)
jours
millions d’années)

Grandes périodes de l’histoire générale (5 périodes)

Période
Préhistoire Antiquité Moyen Renaissance académi- Art Art
Âge que moderne contemporain

Art 1ère Depuis la fin


préhistorique Il y a 5 s.ème
15 etème Du 17ème moitié du de la 2ème
(il y a 30000 5000 ans après J.-C. 16ème siècles au 19ème 20ème guerre
ans) Siècle siècle mondiale

Grandes périodes de l’histoire de l’art (7 périodes)


Source : BAMBA Salikou

12
1.2- APERÇU PANORAMIQUE DE L’HISTOIRE DE L’ART

L’art préhistorique date du Paléolithique, précisément du Paléolithique


supérieur. En effet, les réalisations artistiques préhistoriques de factures
intéressantes remontent à 30 000 ans. L’apogée de la peinture rupestre se situe
vers 15 000 ans av. J.-C.
Les créations plastiques rattachées à l’Antiquité datent d’environ 5 000
ans. C’est en Egypte, la plus ancienne civilisation connue qu’elles ont vu le jour.
Les représentations obéissent à des critères rigoureux : les parties du corps sont
campées sous leur angle le plus expressif. L’art de la Grèce antique se situe au
1er millénaire av. J.-C. C’est un art fonctionnel et rationnel, conçu et réalisé avec
le souci de l’équilibre des formes. Quant à la civilisation romaine, elle
commence au 7ème siècle av. J.-C. et se termine avec les invasions barbares au
5ème siècle après J.-C. L’art romain se situe dans la continuité de l’art grec.
L’art byzantin est celui de l’empire romain d’Orient. En effet, Byzance est
une colonie grecque fondée au VIIème siècle av. J.-C. Elle est devenue
Constantinople, capitale politique, religieuse et intellectuelle de l’empire romain
d’Orient, en 330, après J.-C., sous le règne de l’empereur Constantin. L’art
byzantin se démarque de l’art antique et s’adapte aux structures politiques et
religieuses de l’empire romain d’Orient devenu chrétien sous Constantin. Il
développe un style, associant un héritage à la fois helléniste et oriental, fondé
sur la symétrie, les formes géométriques et les aplats. L’empire byzantin dure
jusqu’en 1453, année de la prise de Constantinople par les Turcs qui tuent le
dernier empereur, Constantin XII.
L’art islamique se rapporte aux productions artistiques faites depuis
l’Hégire (622 de l’ère chrétienne) jusqu’au XIXème siècle, dans un espace
géographique qui s’étend de l’Espagne jusqu’à l’Inde, avec des populations de
culture islamique. Il est influencé, à ses débuts, par l’art grec et byzantin, puis
par les styles assyrien, sumérien et babylonien, avant de s’approprier les
procédés desdits arts et se trouver un registre propre tirant sa force décorative de
la calligraphie.
L’art médiéval est marqué, en Europe, par deux grands styles, à savoir : le
style roman et le gothique. Le premier se développe aux XIème et XIIème siècles et
le second du XIIème au XVème siècle. Ils sont caractérisés respectivement par les
constructions horizontales et verticales avec des vitraux somptueux.

13
Aux XVème et XVIème siècles l’horizon des Européens recule vers l’ouest
et le sud. En effet la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492
a ouvert tout l’espace vers l’ouest ; Vasco de Gama qui découvre la route
maritime des Indes en 1498 en passant par le Cap-de-Bonne-Espérance en 1497
ouvre l’espace vers le grand sud. Le premier voyage autour de la terre est
effectué de 1519 à 1521 par Ferdinand Magalhaes (Magellan)1 (vers 1480-1521).
Cette période voit naître en Italie ce qu’il est convenu d’appeler la Renaissance,
dans une Europe encore médiévale et fidèle au style gothique dans le domaine
des arts. Le mécénat des papes et des Médicis à Florence, les grandes
découvertes en sciences, l’imprimerie « inventée » par Gutenberg en 1450, etc.,
favorisent l’éclosion de l’esprit scientifique et des arts. Réduisant le rôle du
sacré, la Renaissance donne plus de valeur à l’homme en l’assimilant à la
divinité : l’art acquiert progressivement son autonomie, cesse d’être le médium
entre une collectivité et son dieu, pour s’installer sur le terrain de l’émotion
esthétique.
Le XVIIème siècle est marqué par le Caravagisme (du nom de son créateur,
le peintre Caravage), le Baroque et le Classicisme. Les peintres caravagesques
désacralisent la représentation, simplifient le langage pictural en composant des
motifs qu’ils puisent dans des scènes de la vie populaire. Le Baroque se
développe dans les pays d’Europe à sensibilité catholique. Il s’oppose aux
valeurs de mesure et d’équilibre de la Renaissance. Quant au Classicisme, il
apparaît comme une réaction aux excès du Baroque. Il prône une esthétique qui
se veut « naturelle », un idéal de discipline, d’ordre et de régularité, un souci de
l’équilibre et de l’harmonie.
Le siècle qui suit, le XVIIIème, est celui dit des lumières. Il est celui du
plus grand raffinement dans le portrait. En outre, on voit le paysage occuper
progressivement le premier plan à travers le style très décoratif du Rococo et
l’idéalisme du Néoclassicisme. Dans l’acheminement vers la mise en valeur de
l’individu et vers une plus constante familiarité avec la vie quotidienne, le
paysage a définitivement acquis ses lettres de noblesse.

1
Portugais au service de l’Espagne, Magellan est massacré par les Philippins, l’un de ses 5 bateaux commandé
par Elcano, atteint Lisbonne en 1522. Le second voyage autour de la terre est effectué de 1577 à 1580 par
l’Anglais Francis Drake (v. 1545-1596).

14
Au XIXème siècle, le paysage devient un sujet de représentation en soi avec
le Romantisme. Quant au Réalisme, il confère une dignité nouvelle aux thèmes
considérés comme subalternes dans la hiérarchie des genres : le travail moderne,
la vie quotidienne, la nature morte, le paysage et le portrait sont ainsi traités avec
une très grande originalité. L’invention de la photographie va accélérer le rejet
de l’académisme, la remise en question des règles héritées de la Renaissance
chez les artistes de la seconde moitié du siècle. L’Impressionnisme va rompre
avec les systèmes de l’art académique (sujets religieux, mythologiques ou
historiques, perspective, modelé, clair-obscur, netteté du dessin, etc.). Il va
ouvrir ainsi la voie à l’art moderne et faire prévaloir l’idée que le rôle du peintre
est d’élaborer un style personnel et non de représenter avec exactitude le monde
extérieur.

Le XXème siècle s’ouvre avec l’éclatement des codes traditionnels hérités


de la Renaissance et jusqu’alors conservés dans leur ensemble. L’art se
renouvelle et toutes les formes d’expression deviennent possibles. C’est
l’avènement de l’art moderne. Les lendemains de la deuxième guerre mondiale
correspondent au point de départ de l’art contemporain. L’art du XXIème siècle
s’affranchit de toutes les normes conventionnelles, de toutes les contraintes de la
création plastique.

15
CONCLUSION

L’historien de l’art doit chercher à comprendre les œuvres non pas en


termes de supériorité ou d’infériorité entre les disciplines, les genres et les
matériaux mais en termes de qualité, de perfection plus ou moins grande
d’utilisation des matériaux et des techniques retenus par l’artiste pour leur
élaboration. On peut s’accorder avec José LAVAUD pour dire que l’histoire de
l’art est l’histoire de l’absolu sous sa forme sensible, c'est-à-dire cette tentative
qui entreprend d’exprimer un contenu infini à travers des formes finies, (Paris,
1996, p. 92). Ces formes finies, bien entendu, sont les œuvres jugées par
l’historien de l’art comme étant dignes de mémoire eu égard à leur caractère
marquant, événementiel.

16
II
L’ART OCCIDENTAL DE LA RENAISSANCE
À LA FIN DU XIXème SIÈCLE

17
INTRODUCTION

Traduction littérale du terme italien Rinascita, la Renaissance est une


période d’essor intellectuel et humaniste. Elle prône le retour à la culture gréco-
romaine et la valorisation de l’homme dans son individualité. Elle développe
ainsi à partir du XVème siècle, en Italie, une production artistique, architecturale,
philosophique et scientifique, avant de s’étendre au reste de l’Europe et
s’éteindre au siècle suivant.

Au XVIIème siècle, peintres, sculpteurs et architectes cherchent à


s’exprimer à travers un ensemble de règles. La beauté des formes et des
proportions (nombre d’or) devient une obsession. Cette période est
particulièrement marquée en France par la création d’académies pour toutes les
disciplines. Ce sont entre autres : l’Académie française fondée en 1635,
l’Académie de peinture et de sculpture en 1648, l’Académie royale de musique
en 1669, l’Académie d’architecture en 1671. Le XVIIème siècle, vu sous l’angle
artistique, est celui du Caravagisme et du Baroque en Italie, du Classicisme en
France.
Le XVIIIème siècle est marqué par la mort de Louis XIV en 1715 et la
Révolution Française en 1789. Après la monarchie absolue de Louis XIV, le
siècle verra successivement le déclin puis la chute de la royauté. On dit du
XVIIIème siècle qu’il est le siècle des lumières, parce que le but des philosophes
est « d’éclairer » leurs contemporains en mettant la vérité au jour, à l’aide de la
raison. Les philosophes, hommes des lumières, s’inscrivent ainsi dans la lignée
des humanistes de la Renaissance. Au XVIIIème siècle, résolument tournée vers
l’homme qui en est désormais la fin, la raison doit lui permettre d’accéder au
progrès et au bonheur. Dans le domaine artistique, ledit siècle est dominé par le
style dit Rococo, au début, et le Néoclassicisme à la fin. Ce dernier style se
prolonge jusqu’au début du XIXème siècle.

Le XIXème siècle est celui de la révolution industrielle qui va avoir des


effets considérables. On assiste au développement du machinisme, du chemin de
fer. Les moyens de communication connaissent des progrès notables (création
du téléphone en 1876). On note par ailleurs la naissance et le développement de
l’électricité, l’invention de la bicyclette, la voiture et même l’avion. Cela va
modifier considérablement la perception de l’espace et du temps, et se répercuter
sur les arts. Enfin l’invention de la photographie et du cinéma va transformer le
problème de la création plastique.

18
2.1 - LA RENAISSANCE (XVème ET XVIème SIECLES)

2.1.1- LA RENAISSANCE ITALIENNE

Un renouveau pictural s’élabore à Florence dans un contexte intellectuel


de valorisation de l’homme dans son individualité, amorcé par Masaccio vers
1425, et s’étend aux autres Cités-États italiennes. Les humanistes placent leur
confiance dans le savoir qui permet une maîtrise rationnelle du monde et qui fait
émerger l’individu de la masse. L’artiste bénéficie désormais de beaucoup de
respect, participe au prestige des villes princières et des républiques qui se
disputent les services des plus grands.
L’apogée de la Renaissance se situe à Florence, à Rome et à Venise au
cinquecento (XVIème siècle). Les artistes mis à concurrence voyagent sans répit
d’État en État pour se faire connaître des mécènes et parfaire leur savoir tant
intellectuel que technique. Les nouveautés picturales développées à cette époque
constituent la base de la peinture occidentale jusqu’au seuil du XXème siècle.
2.1.1.1- La peinture

Les traits caractéristiques de la Renaissance italienne, dans le domaine de


la peinture, se situent tant au niveau des supports que des thèmes et des
techniques. En effet, les artistes de ladite période utilisent le panneau de bois et
la toile pour réaliser leurs œuvres picturales. Ce faisant, de décor pour les églises
et les palais, la peinture prend son essor comme art indépendant, autonome,
libérée du joug architectural, pour devenir tableau mobile, tableau dit de
chevalet. L’art profane, destiné à la gloire des princes et des cités, se développe.
Le culte de l’humain s’exprime dans le portrait, les sujets allégoriques érudits et
l’histoire. L’art religieux n’est pas abandonné pour autant. Il s’enrichit de
nouveaux thèmes dans lesquels les peintres déploient leur imagination. La figure
de Dieu s’humanise, le choix des sujets porte sur l’incarnation, la vie et la mort
de Jésus, etc. L’intérêt qu’accordent les artistes à "l’espace de l’homme", et la
nécessité qu’on a de faire de cet espace le décor rationnel du héros humaniste,
vont accélérer l’élaboration et le développement de la perspective. L’inventeur
sera un architecte sculpteur, Filippo Brunelleschi (1377-1446). Ses premiers
exemples de perspective peinte sont deux petits panneaux représentant les vues
du Baptistère de Florence et de la Place de la Seigneurie (1410-1424 environ).
Le premier théoricien de cette découverte est l’architecte, peintre et sculpteur
Leone Battista Alberti (1404-1472), avec son traité De pictura, écrit en 1435
(livre I) et imprimé à Nuremberg en 1511.

19
Le nouveau système d’organisation de l’espace plastique exige des artistes
une parfaite familiarité avec la loi des proportions et avec la science des
raccourcis. En outre, ce système illusionniste requiert une connaissance
théorique de l’anatomie, une maîtrise parfaite du dessin pour définir les formes
et réaliser les détails : voiles transparents, broderies, tissus, fleurs et fruits. Ainsi
le peintre peut disposer les personnages et les motifs à l’échelle selon
l’éloignement à partir de grandes lignes de construction convergeant vers un
point appelé point de fuite, placé sur une ligne imaginaire représentant l’horizon
dans le tableau.

Les compositions, d’abord statiques et souvent triangulaires, tendent vers la


complexité et le mouvement au XVIème siècle. La lumière uniforme et claire, de
source artificielle, provient de la partie supérieure droite et permet la mise en
volume par le clair-obscur. Des effets d’ombre et de lumière plus contrastés au
XVIème siècle estompent les contours et créent un modèle illusionniste dont le
sfumato (enfumé) de Léonard de Vinci montre l’effet extrême.

Les couleurs, mates au XVème siècle, se fondent ensuite grâce à la technique


de l’huile mise au point par le Flamand Jan Van Eyck (1390-1441). La peinture
à l’huile séchant lentement, rend possible les retouches, les glacis
(transparences) et permet ainsi de traduire l’éloignement par la dégradation des
tons et des contours (perspective atmosphérique).

Les artistes de la Renaissance recherchent moins le réalisme que la beauté


et l’harmonie : ils atteignent à la sensation de la vie à travers la qualité du rendu
de la vérité des poses, le mouvement, la présence psychologique, appelée « état
d’âme » par Léonard de Vinci. Ce faisant, ils créent à partir de l’observation de
la nature, mais ne l’imitent pas.

Les principaux peintres italiens de la Renaissance sont :

- Paolo UCCELLO (Paolo di Dono, dit, 1397-1475)


- MASACCIO (Tommaso di Giovanni, dit, 1401-1428)
- Fra ANGELICO (Guido di Pietro, dit, 1387-1455)
- Fra Filippo LIPPI (1406-1469)
- Piero della FRANCESCA (Piero di Benedetto, dit, vers 1416-1492)
- Andrea del CASTAGNO (Andrea d’Agnolo di Francesco, dit, 1423-
1457)
- Antonio POLLAIOLO (1431-1498)
- Antonio del VERROCCHIO (Andrea di Gione, 1435-1488)

20
- Giovanni BELLINI (1430-1516)
- Antonello de MESSINE (vers 1430-1479)
- Andrea MANTEGNA (1431-1506)
- BOTTICELLI (Sandro di Mariano Filippi, dit, 1445-1510)
- Vittore CARPACCIO (vers 1465- 1525)
- Léonard de VINCI (Leonardo di Ser Piero da Vinci, 1452-1519)
- MICHEL-ANGE (Michelangelo Bunarroti, dit, 1475-1564)
- RAPHAEL (Raffaello Santi ou Sanzio, dit, 1483-1520)
- Andrea del SARTO (Andrea d’Agnolo di Francesco, dit, 1486-1530)
- TITIEN (Tiziano Vecellio, 1488-1576)
- VERONESE (Paolo Caliari, dit, 1528-1588).

En ce qui concerne les œuvres, on peut citer en guise d’exemples les


suivantes :
- Christ mort soutenu par un ange, Antonello de Messine, vers 1476, huile
sur bois, 74 x 51 cm, Musée du Prado, Madrid ;
- La Vierge aux rochers, Léonard de VINCI, 1483, huile sur bois,
199 x 122 cm, Musée du Louvre, Paris ;
- La Joconde, (portait de Mona Lisa, dite), Léonard de Vinci, 1503-1506,
huile sur bois, 77 x 53 cm, Musée du Louvre, Paris (planche 2) ;
- L’homme au gant, Titien, vers 1523, huile sur toile, 100 x 99 cm, Musée
du Louvre, Paris.
2.1.1.2- La sculpture

C’est seulement vers la fin du XVème siècle que les innovations apportées
dans le domaine de la peinture depuis le trecento (XIVème siècle) touchent à la
sculpture. Les apports de la Renaissance en matière de sculpture sont la pratique
du relief dit « écrasé » et la perspective linéaire (planche 5). En outre, il y a la
représentation du mouvement ainsi que l’effort pour rendre la sculpture belle
sous tous les angles et non pas seulement de face (planche 4). La Renaissance
remet aussi au goût du jour la sculpture en bronze, pratiquement abandonnée au
Moyen Âge.

Les grands noms à retenir sont :

- Jacopo della QUERCIA (vers 1374-1438)


- Lorenzo GHIBERTI (1378-1455)
- DONATELLO (1386-1466)
- MICHEL-ANGE (Michelangelo Bunarroti, dit, 1475-1564)

21
Des principales œuvres sculpturales on peut retenir entre autres :
- Histoire de Jacob et d’Esaü, 1430-1437, bronze doré, 79 x 79 cm. Porte
du Paradis, Baptistère Saint-Jean, Florence, de Lorenzo GHIBERTi ;
- Statue équestre du condottiere Erasmo da Narni, dit le Gattamelata,
1446-1451, bronze, 340 x 390 cm, Piazza Del Santo, Padoue, de
DONATELLO ;
- Sainte Marie-Madeleine, vers 1455, bois polychrome avec traces de
dorure, h : 188 cm, Museo dell’ Opera del Duomo, Florence, de DONATELLO ;
- Pietà, 1499, marbre poli, Saint Pierre de Rome, de MICHEL-ANGE ;
- David, 1501-1504, marbre, h: 410 cm, Gallerie dell’ Accademia,
Florence, de MICHEL-ANGE (planche 3);
- Vierge à L’Enfant, 1501-1504 env., marbre poli, Notre Dame de Bruges,
de MICHEL-ANGE ;
- L’Esclave rebelle, statue exécutée pour le second projet du tombeau de
Jules II, marbre en partie poli, Musée du Louvre, Paris.
2.1.1.3- L’architecture
Aux XVème et XVIème siècles, l’architecture est l’art majeur vers lequel tous
les autres convergent. Création durable et spectaculaire, exposée aux regards de
tous, l’œuvre architecturale apparaît comme le couronnement d’une carrière et
d’un savoir-faire. Elle est caractérisée par un retour aux formes antiques (voûte,
arc en plein cintre, bâtiment central couvert d’une coupole). La Renaissance est
l’époque des palais italiens à 3 étages avec façade organisée, cours intérieures et
couloirs voûtés. C’est à cette même période que le Pape Jule II entreprend la
reconstruction de la basilique Saint Pierre à Rome, à laquelle travaillent les
peintres et architectes Bramante et Raphaël, et le peintre, sculpteur et architecte
Michel-Ange. La Renaissance italienne voit l’essor de l’architecture civile à
travers les palais, la création de l’église à plan centré avec volume central et
coupole. Les artistes s’inspirent des monuments antiques, s’intéressent à leur
harmonie et à leurs proportions. Le traité de l’architecte antique Vitruve, De
architectura, (première édition en 1486, et traduction française en 1547) est
étudié par eux et considéré comme une référence incontournable.

22
Planche 2 : La Joconde (portrait de Mona Lisa, dite, 1503-1506), Léonard De
Vinci, huile sur bois, 77 x 53 cm, Musée du Louvre, Paris.

Source : Patricia FRIDE R.-CARRASSAT et Isabelle MARCADE, Les


mouvements dans la peinture, Paris, Larousse, 1999, p. 21.

23
Planche 3 : David, Michel-Ange, 1501-1504, marbre, h : 410
cm, Gallerie dell’Academia, florence.

Source : Alain Mérot, dir., Histoire de l’art 1000 – 2000, Paris,


Hazan, 1999, p. 165.

24
Planche 4 : Enlèvement d’une Sabine, Jean
Bologne, 1582, marbre, h : 410 cm, Loggia dei
Lanzi, place de la Seigneurie, Florence.

Source : Alain Mérot, Idem. p. 185.

25
Planche 5 : Madonna delle nuvole, Donatello, vers 1425-1430, marbre, 33,9 x 32,4
cm, Museum of Fine Arts, Quincy A. Shaw Collection, Boston.

Source: Alain Mérot, Ibid. p. 124.

26
2.1.2- LA RENAISSANCE DANS LE RESTE DE L’EUROPE
Alors que la Renaissance débute en Italie, les peintres flamands
perfectionnent une technique propice à rendre l’illusion de la réalité en soignant
minutieusement les détails (pelage des animaux, fourrures et modelé des
personnages, bijoux, fleurs, tissus riches et soyeux, etc.). En effet, Jan Van Eyck
(vers 1390-1441) améliore le procédé de la peinture à l’huile par un savant
mélange de pigments, de craie et de médiums plus ou moins siccatifs et par un
jeu à la fois sur le temps de séchage, la couleur et la réflexion de la lumière. Le
souci du détail vrai est la marque des villes telles que Bruges, Gand, Anvers, la
touche de lumière sur le métal du lustre, le poli du miroir mais aussi la nature et
ses paysages, considérés comme de vrais espaces ouverts en perspective sur le
lointain, traités en dégradés de couleurs (perspective atmosphérique) permettent
aux artistes flamands de s’affirmer comme les maîtres d’une peinture dont les
effets lumineux et de texture sont sans précédent. Par ailleurs on assiste à la
naissance du portrait psychologique avec Hans MEMLING (vers1433-1494) et
Rogier Van der Weyden (vers 1399-1464). Il ne faut cependant pas penser que
tous les artistes flamands ont adopté le modernisme. Des peintres comme
Jérôme Bosch (1450-1516) et Pieter Bruegel (1525 ou 1530-1569) se sont
rendus célèbres par des systèmes différents ; le premier passe pour être un
précurseur du surréalisme avec une peinture fantastique où des personnages
minuscules semblent se livrer à des activités de fourmis ; le second se
singularise par des représentations où l’homme et ses activités sont subordonnés
à la nature et à ses rythmes (ex : Chasseurs dans la neige, 1565, huile sur bois,
117 x 162 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne).

En Allemagne, les artistes Albrecht Dürer (1471-1528) et Hans Holbein le


Jeune (1497-1543) s’approprient le système italien et y ajoutent leurs
spécificités : goût du détail, maîtrise du rendu des tissus et des matières,
description presque scientifique de la nature observée dans ses moindres détails.
Albrecht Dürer s’est fait connaître à travers la gravure. Il a porté le burin à la
perfection et est parvenu à une variété de gris inégalée. Mais c’est surtout à la
gravure sur bois qu’il a apporté de grandes innovations en lui conférant un idéal
de clarté et de monumentalité.

La France découvre l’art de la Renaissance au XVIème siècle. C’est d’abord


l’expédition conduite par le roi Charles VIII à Naples qui fait connaître aux
Français l’idéal italien. C’est ensuite la conquête du Milanais par Louis XII en
1499, perdu en 1512, reconquis par François 1er en 1515 jusqu’en 1525 (défaite

27
de Pavie) qui va permettre à l’art de la Renaissance d’avoir droit de cité en
France. En effet François 1er (1494-1547) qui règne de 1515 à 1547, dote son
pays d’une collection prestigieuse de Léonard de Vinci, Raphaël, Titien, etc. Il
invite Léonard de Vinci en 1515 au Clos Lucé près d’Amboise et confie la
décoration de son nouveau palais (1533-1537) à des artistes florentins,
Francesco Primatice (1504-1570) et Fiorentino Rosso (1494-1540).

La Rinascita, comme le disent les Italiens, est cette période de l’histoire


de l’art où les artistes prônent le retour à l’Antiquité gréco-romaine. Elle voit
s’élaborer un renouveau artistique en Italie qui s’étend ensuite à toute l’Europe.

Les nouveautés artistiques ainsi développées constituent la base de l’art


occidental jusqu’à l’aube du XXème siècle. On peut noter entre autres :

- Le tableau de chevalet ;
- La perspective ;
- La peinture à l’huile ;
- Le clair-obscur ;
- Le modelé.

28
2.2 - LA PÉRIODE ACADÉMIQUE (DU XVIIème
À LA FIN DU XIXème SIÈCLE)

2.2.1- LE XVIIème SIÈCLE


2.2.1.1- Le Caravagisme

2.2.1.1.1- Définition et historique

Le Caravagisme est une tendance artistique qui naît en Italie vers 1599 et
s’étend dans le reste de l’Europe pour s’éteindre vers 1632. Du nom de son
créateur, le peintre italien Michelangelo Merisi dit Caravage (vers 1570-1610),
ce courant se fonde sur la peinture de la vie populaire. En effet, les peintres
caravagesques refusent la hiérarchie imposée par le sacré, accordent la même
importance à l’humain et au divin. Ils accentuent le contraste de l’ombre et de la
lumière pour exalter l’expressivité du clair-obscur. Ils transforment le sujet en
simple scène familière, sans idéalisation, ni symbole, scène où les modèles sont
montrés pour emprunter ses termes à Edvard Munch (1863-1944), comme « des
êtres qui respirent, qui sentent, qui aiment et qui souffrent ».

2.2.1.1.2- Caractéristiques

Le Caravage crée la première peinture réaliste au sens moderne du terme.


La peinture de genre, c'est-à-dire celle de la vie quotidienne, simple et populaire
(travaux, loisirs, divertissements…), celle qui raconte la vie des humbles et des
anonymes se développe (planche 7). Les Caravagesques utilisent des tableaux de
grands formats où les personnages sont présentés grandeur nature, à mi-corps ou
en pied. Dieu, les saints et les apôtres ne sont plus représentés sous les traits de
personnages idéaux, accompagnés de leurs accessoires symboliques. Ils
ressemblent à l’homme de la rue, habillés simplement. Le Caravage traduit
l’expression de ses personnages par les gestes, les attitudes et le jeu des regards.

Pour mettre en valeur les sources d’éclairage et exalter l’expressivité du


clair-obscur, Le Caravage représente des scènes qui se déroulent en pleine nuit
ou dans un endroit obscur. La lumière, de source artificielle (une lampe posée
sur le sol ou une petite lucarne dans le plafond), s’accroche sur le volume des
objets et guide l’œil du spectateur vers l’essentiel. Les personnages se détachent
sur le fond sombre et associent le spectateur à la scène représentée par l’absence
de premier plan. Les rouges, les bruns et les noirs sont les couleurs dominantes
(planche 6).

29
2.2.1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux peintres caravagesques sont :

Italie :
- Le Caravage (Michelangelo Merisi dit), vers 1570-1610 ;
- Orazio Borgiani (1578-1616) ;
- Bartolomeo Manfredi (vers 1580-1617 ou 1622) ;
- José de Ribera (1591- 1652).
Espagne :
- Diégo (Velazquez) ou Velasquez (1599- 1660).
Hollande :
- Gerrit Van Honthorst dit Gherardo delle Notti en Italie (1590- 1656) ;
- Rembrandt (1606-1669).
France :
- Valentin (Valentin de Boulogne dit), (1591- 1632) ;
- Georges de La Tour (1593-1652).

Les œuvres représentatives du Caravagisme sont entre autres :

- Jeune garçon avec une corbeille de fruits, Le Caravage, vers 1593-1594,


huile sur toile, 70 x 67 cm, Galerie Borghèse, Rome (planche 16) ;
- Corbeille de fruits, Le Caravage, vers 1598-1599, huile sur toile,
31 x 47 cm, Pinacothèque ambroisienne, Milan ;
- La Vocation de Saint Mathieu, Le Caravage, vers 1599-1600, huile sur
toile, 322 x 340 cm, église Saint-Louis-des-Français, Rome ;
- Mise au tombeau, Le Caravage, vers 1602-1604, huile sur toile, 300 X
203 cm, Pinacothèque vaticane Rome (planche 15) ;
- Le Christ devant le Grand Prêtre, Gerrit Van Honthorst, vers 1617, huile
sur toile, 272 X 183 cm, National Gallery, Londres ;
- Saint Joseph charpentier, Georges de La Tour, vers 1640, huile sur toile,
157 X 101 cm, Musée du Louvre, Paris.

Il est à retenir que Le Caravage est le peintre de la vie populaire. La


tendance qu’il a créée, le « Caravagisme », a marqué l’histoire de l’art par la
manière particulière de traiter la réalité, fondée sur la violence des contrastes
clairs-obscurs. Apprécié et diffusé partout en Europe, ce système a connu
beaucoup d’adeptes (les Caravagesques). Les peintres Caravagesques
désacralisent la représentation, simplifient le langage pictural.

30
Planche 6 : Mise au tombeau, Le Caravage, vers 1602-1604, huile sur toile,
300 x 203 cm, Pinacothèque vaticane, Rome.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 208.

31
Planche 7 : Jeune garçon avec une corbeille de fruits, Le Caravage, vers 1593-1594, huile
sur toile, 70x67 cm, Galerie Borghèse, Rome.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 207.

32
2.2.1.2- LE BAROQUE

2.2.1.2.1- Définition et historique

Le mot baroque dérive du portugais « barroco », c'est-à-dire « perle


irrégulière ». Dans la seconde moitié du XIXème siècle (1860), les théoriciens
partisans de l’antique employaient l’adjectif « baroque » pour désigner ce qu’ils
trouvaient de bizarre, d’extravagant, de contraire à la règle et au goût chez les
maîtres italiens du XVIIème siècle. Aujourd’hui lorsqu’il s’applique à l’art le mot
« baroque » n’a plus cette acception péjorative. En effet, depuis le début du
XXème siècle, les historiens de l’art utilisent ce terme pour désigner
chronologiquement un style artistique général, postérieur à la Renaissance, né en
Italie au XVIIème siècle et qui est passé dans d’autres pays d’Europe, y prenant
des formes diverses.

Né à Rome vers 1630, le Baroque sera diffusé à travers l’Europe dans les
pays catholiques jusqu’en 1710-1720 à la faveur d’un contexte religieux
mouvementé. Le Concile de Trente (1545-1563) ayant réagi contre les attaques
de la Réforme protestante qui menacent l’Église catholique, la contre-réforme,
soutenue par les Jésuites romains, encourage un art triomphal. Les mécènes
(souverains et princes) désireux de reconquérir et d’affirmer leur puissance,
commandent aux artistes leur apologie ou celle de Jésus. L’art baroque
revalorise les images et entraîne l’essor de l’œuvre d’art religieux.

2.2.1.2.2- Caractéristiques

Le Baroque adopte la peinture décorative et monumentale plus que la


peinture de chevalet. L’artiste peint de grandes fresques sur les plafonds et les
voûtes des palais et des églises. Peinture et architecture ne font plus qu’une. Le
peintre accorde son œuvre à la forme et à l’emplacement du mur.

Les thèmes sont ceux de la contre-réforme : le martyre, la vision, l’extase,


la voix et l’histoire des grands hommes de l’Église.

La composition, dynamique et ouverte, décrit une spirale tourbillonnante


ou une diagonale ascensionnelle. L’art baroque refuse l’équilibre des lignes
droites verticales et horizontales. Il installe des courbes et des contre-courbes qui
entraînent les motifs et les figures dans leur mouvement en les détachant. Le
décor se déploie et les draperies volent dans un désordre apparent. Toutefois
l’échange des gestes et des regards confère une unité à la composition. L’image

33
vibre, elle est décentrée, ouverte. Les personnages sortent du tableau : ils
traversent le cadre et s’intègrent au décor mural environnant.

L’espace n’est plus construit en perspective géométrique régulière. Le


peintre agence intuitivement la profondeur dans un seul mouvement d’espace,
de nuages et de personnages qui attire le regard vers le fond de la scène.
L’illusion d’optique, ou trompe-l’œil, rend incertaines les limites entre peinture,
sculpture et architecture. La peinture crée la surprise visuelle en sortant du cadre
et participe d’une union des arts en se combinant à la sculpture en stuc et à
l’architecture.

Le dessin sensuel et virtuose fait surgir la multitude des personnages en


raccourci et en torsion. Le volume des objets et des personnages n’est plus
cloisonné par les lignes du dessin. Le peintre modèle librement les contours. Il
pose de petites touches de peinture pour fondre la forme dans l’atmosphère.

La lumière n’éclaire plus que les zones les plus intéressantes. Dans un
intérieur fermé, elle vient d’une seule source. L’artiste utilise de violents
contrastes de clairs-obscurs. Ce faisant, les couleurs, chaleureuses et lyriques au
début, deviennent plus fraîches, plus légères et plus claires à la fin du XVII ème
siècle.

2.2.1.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Le Baroque a connu beaucoup d’adeptes ; les principaux sont les suivants :

Italie :

- Pierre de Cortone (Pietro Berrettini, dit, 1596-1669) est une figure


représentative du Baroque tant sur le plan pictural, avec ses grandes décorations
de conception théâtrale, que sur le plan architectural.
- Baciccio ou Baciccia (Giovanni Battista Gaulli, dit, 1639-1709) traduit les
ombres par des notes colorées vibrantes.
- Le Père jésuite Andrea Pozzo (1642-1709) s’inspire des Vénitiens pour
peindre les décors baroques les plus emphatiques (planche 8).
- Luca Giordano (1634-1705) de Naples appelé "Luca la Presto" en raison
de l’emportement de sa touche.
- Gregorio de Ferrari (1647-1726) se singularise par ses fresques légères et
aériennes.
- Giambattista Tiepolo (1696-1770), certains ensembles décoratifs raffinés
et clairs marquent son appartenance au style baroque.

34
Angleterre :

- Sir James Thornhill (1675-1734) applique les procédés illusionnistes de


Pozzo.

Pays-Bas :

- Pierre-Paul Rubens (1577-1640) ;

- Frans Hals (1581-1666) ;


- Harmensz Van Rijn Rembrandt (1606-1669) résiste au baroque par
l’utilisation du clair-obscur comme poésie picturale et comme moyen technique
pour renforcer l’image.

Espagne :

- Diego Vélasquez (1599-1660) séjourne à deux reprises en Italie (Venise,


Rome) pour s’initier aux nouvelles formules picturales du Baroque.

- Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682) offre un Baroque à la lumière


diffuse et aux coloris dorés.

- José de Ribera (1591-1652).

France :

- Simon Vouet (1590-1649) figure parmi les rares Français attirés par le
Baroque qu’il combine à une certaine rigueur classique.

Les œuvres marquantes du Baroque sont entre autres :

- Plafond de la galerie Farnèse, Annibal Carrache, 1597-1605, Rome ;


- Le Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille, Rubens,
1622-1625, Musée du Louvre, Paris ;
- Triomphe de la Sagesse divine, Cortone, 1633-1639, plafond du Grand
Salon du palais Barberini, Rome ;
- Le Triomphe du nom de Jésus, Baciccio, 1672-1685, voûte de la nef,
église du Gesü, Rome ;
- La Transverbération de sainte Thérèse, Le Bernin, 1646, marbre poli,
dans l’église Santa Maria della Vittoria, Rome ;
- Allégorie de l’œuvre missionnaire des jésuites, Andrea Pozzo, 1691-1694,
fresque, Voûte de la nef, église Sant’ Ignacio, Rome ;

35
- Tombeau d’Alexandre VII, 1671-1678, Le Bernin, marbre et bronze,
Basilique Saint-Pierre, Rome.

En résumé, le Baroque est un art d’émotion, d’exubérance. Il refuse


l’équilibre des lignes droites verticales et horizontales, privilégie les diagonales,
les courbes et les contre-courbes. C’est un art au service de la foi, un art au
service des idées et des directives du Concile de Trente et de la contre-réforme.

36
Planche 8 : Allégorie de l’œuvre missionnaire des jésuites, Andrea Pozzo, 1691 – 1694,
fresque. Voûte de la nef, église Saint’ Ignacio, Rome (détail).

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 231.

37
2.2.1.3 - Le Classicisme
2.2.1.3.1- Définition et historique

Comme d’autres termes communément utilisés pour désigner une époque


littéraire et artistique, un idéal esthétique et quelque groupement d’hommes
poursuivant un même objectif, le terme " Classicisme" est difficile à cerner. Le
substantif ou l’adjectif classique a un sens multiple : il peut désigner des œuvres
ayant subi l’épreuve du temps, ainsi il y a des classiques dans toutes les
littératures ; il peut désigner des œuvres influencées par l’Antiquité ; il peut
aussi indiquer une certaine sobriété ou réserve, un caractère plus intellectuel de
l’expression s’opposant au caractère affectif ou sentimental.
De l’ensemble des définitions admises du mot « Classicisme », l’on peut
retenir en substance, la notion de perfection, celle d’un modèle tiré de
l’Antiquité, celle enfin d’une conformité à établir avec cette conformité. La
chronologie à peu près universellement admise aujourd’hui chez les historiens
d’art distingue la Renaissance de l’époque Baroque-classique, entre lesquelles
elle insère, plus récemment, le « Maniérisme ». Le Classicisme constitue par
conséquent l’un des courants du XVIIème siècle et, à des degrés divers, concerne
presque tous les pays d’Europe.
À l’aube du XVIIème siècle, le peintre italien Annibale Carrache (1560-
1609) propose un classicisme neuf face aux débordements superficiels du
Maniérisme et le diffuse par le biais d’une académie de peinture fondée à
Bologne en 1582 avec son cousin Ludovic (1555-1619) et son frère Augustin
(1557-1602). L’Académie des Incamminati propose une formation de l’esprit
avec les écrits d’Aristote, l’étude des grands maîtres de la peinture italienne :
Raphael, Michel-Ange, Titien et l’observation de la nature par la pratique du
dessin, d’après le modèle vivant et la caricature, pour en saisir l’expression.
L’art des proportions, de la perspective, des mathématiques, du modelé par des
ombres et effets de raccourci complète l’enseignement. Cet élan classique reste
vigoureux jusque vers 1630 en Italie. Il influence la peinture française
respectueuse des règles de l’équilibre et de l’ordre sous les ministères de
Richelieu (1624-1642) et de Mazarin (1642-1661) et prend la forme d’un
classicisme dynamique et monumental qui incarne le "grand goût" sous le règne
de Louis XIV.

38
Aussi pour les historiens d’art, le Classicisme français apparaît-il comme le
Classicisme type. Ils s’accordent à le diviser en deux périodes. La première est
précisément un classicisme italo-français ; la seconde correspond au règne de
Louis XIV donc à la construction de Versailles.
Les deux grands peintres français qui ont initié la tradition classique,
Nicolas Poussin (1594-1665) et Claude Le Lorrain (1600-1682), passèrent la
majeure partie de leur vie en Italie. C’est donc d’Italie que le Classicisme
français tire son origine. Il ne faut cependant pas penser que l’influence italienne
ne s’est manifestée que chez les peintres formés en Italie. Si Nicolas Poussin par
exemple emprunta à Raphaël, à Titien, à Carrache et à leur école, un peintre
comme Eustache Le Sueur (1616-1655), qui n’a jamais fait le voyage en Italie,
est paradoxalement le plus raphaélesque de ses contemporains.
En architecture, deux noms retiennent l’attention : François Mansart (1598-
1666) et Louis Le Vau (1612-1670). Leurs chefs-d’œuvre les plus accomplis,
respectivement le Château de Maisons-Laffitte (1642-1651) et le Château de
Vaux-le-Vicomte annoncent le style dit Louis XIV.
Le second Classicisme français tire sa force des différentes institutions qui
ont permis une meilleure organisation de la vie artistique. Mazarin (1602-1661)
crée l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648. Colbert (1619-1683)
fonde la Manufacture royale des Gobelins à Paris en 1662, la Manufacture de
Beauvais en 1664. À la demande des artistes d’Aubusson, une de leurs
manufactures devient aussi Manufacture royale en 1664. Le même Colbert
fonde l’Académie de France à Rome en 1666, qui accueille les jeunes artistes
français et leur permet d’étudier sur place les modèles antiques. En 1671, il crée
l’Académie royale d’architecture.
Charles Le Brun (1619-1690) est nommé Premier Peintre du roi en 1662.
De 1663 à sa mort, il dirige la Manufacture des Gobelins.
En Architecture, les réalisations marquantes du second classicisme français
sont la colonnade du Louvre et le château de Versailles. La colonnade du Louvre
est l’œuvre de Claude Perrault en collaboration avec François d’Orbay, début
1667. Le plan général du Château de Versailles a été dessiné par Le Vau. À sa
mort en 1670, il est remplacé par François d’Orbay. Jules Hardouin-Mansart
continuera les travaux en construisant la Galerie des Glaces et en agrandissant le
château.

39
Le style français reflète la conception de l’"honnête homme" qui brille par
son esprit et domine ses passions. L’essor du Classicisme correspond à la
consolidation des États-nations centralisés.

2.2.1.3.2- Caractéristiques
La peinture classique développe des sujets nobles à la gloire de l’action
humaine. La peinture d’histoire s’inspire de l’Antiquité, de la Bible, de la
mythologie et de la littérature de l’époque.
Les lignes posées les unes à côté des autres suivant des compositions
généralement pyramidales, participent à la cohérence du récit par une gestuelle
savamment étudiée et par l’expression des émotions sur les visages. Le paysage,
présenté en toile de fond sous forme de décor aux scènes représentées, permet à
l’artiste de mettre l’accent sur la fragilité humaine face a la force immuable de la
nature (planche 11). Les pleins et les vides des murs et des ouvertures rythment
la représentation. La perspective rejette l’illusionnisme gratuit, par le jeu de
l’équilibre et de l’harmonie entre les lignes verticales et les lignes horizontales.
Le dessin domine la couleur et les couches de pinceau donnent un rendu lisse à
la surface.
C’est à ces mêmes principes de sobriété, d’équilibre et d’harmonie que se
conforment les sculpteurs et les architectes (planche 9). Les édifices présentent
donc généralement des plans symétriques, des lignes et angles droits.

2.2.1.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives


Les principaux artistes du Classicisme sont :
Italie :
- Annibale Carrache (1560-1609) renouvelle le Classicisme en combinant
l’observation de la nature, l’inspiration de l’Antiquité et l’étude des œuvres
tardives de Raphaël. Il inaugure en outre le paysage historique.
- Guido Remi (1575-1642) exprime les tourments humains mais reste fidèle
à l’idéal solennel inspiré de Raphaël par les figures monumentales et sereines.
- L’Albane (Francesco Albani, dit, 1578-1660) développe un style gracieux
qui séduit les amateurs privés.
- Le Dominiquin (Dominico Zampien, dit, 1581-1641) de Bologne,
participe à l’élaboration du Classicisme. Il peint des fresques monumentales
ainsi que des toiles et porcelaines.
- Giovannie Francesco Romanelli (1610-1662) utilise une palette claire.

40
- Le Bernin (Gian Lorenzo Bernini, dit, en France : le Cavalier) peintre
sculpteur et architecte né a Naples (1598-1680).

France :
- Nicolas Poussin (1594-1665) adhère à la philosophie stoïcienne et insuffle
au paysage une puissance qui submerge la figure humaine à force de rigueur et
de méditation. Dans la première moitié du XIXe siècle le maître inspire le " Néo-
poussinisme ", école officielle du paysage français à laquelle appartient Achille-
Etna Michallon (1796-1822)
- Jacques Stella (1596-1657) présente des figures élégantes au modelé
sculptural et se particularise par un éclairage froid et une gamme colorée
assourdie.
- Philippe de Champaigne (1602-1674) réalise des tableaux religieux pour
les couvents et les églises. Son style, un peu austère se reconnaît à la symétrie
des compositions aux draperies savantes et aux coloris frais : bleu et ros
- Le Lorrain (Claude Gellée, dit, vers 1602-1682) passe toute sa vie à Rome
et se consacre aux paysages inspirés de la campagne romaine. Les vues, habitées
par de petites scènes de l’Antiquité et de la Bible, baignent dans une atmosphère
lumineuse et lyrique.
- Laurent de la Hyre (1606-1656). Ses personnages antiquisants évoluent
dans une atmosphère limpide. Le paysage occupe une place grandissante dans sa
carrière.
- Pierre Mignard (1612-1695). Très apprécié pour ces portraits et ses décors
à fresque, l’artiste imprime une douceur un peu excessive à ces figures et
recherche le raffinement des couleurs.
- Gaspard Dughet (1615-1675). Né et mort à Rome, décrit des sites précis
des environs de Rome avec des torrents et des rochers escarpés.
- Eustache Le Sueur (1616-1655) a réalisé la décoration de la chambre des
Muses de l’hôtel Lambert, à Paris.
- Charles Le Brun (1619-1690) se forge au contact du Classicisme
poussinesque avec un sens du dynamisme appris aux côtés de son maître Simon
Vouet. Premier peintre du roi sous Louis XIV, il marque les arts plastiques de
son temps en dirigeant l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648.
- Sculpteurs :
- Jacques Sarazin (1588-1660) ;
- François Girardon (1628-1715) ;
- Antoine Coysevox (1640-1720).

41
- Architectes :
- François Mansart (1598-1666) ;
- Louis Le Vau (1612-1670) ;
- Claude Perrault (1613-1698) ;
- Pierre Puget (1620-1694) ;
- François d’Orbay (1634-1697) ;
- Liberal Bruant (1635-1697) ;
- Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) ;
- André Le Nôtre (1613-1700) (dessinateur de jardins et de parcs).

Des principales œuvres marquantes du Classicisme, on peut citer entre


autres :

- En peinture :
- Le Triomphe de Bacchus et d’Ariane, Carrache, 1597-1604, fresque de la
Galerie Farnèse, Rome ;
- Paysage avec la fuite en Egypte, Carrache, 1602-1603, Galerie Doria
Pamphili, Rome ;
- Le Massacre des Innocents, Reni, 1611, Galeria Nazionale, Bologne ;
- L’Embarquement de la reine de Saba, Le Lorrain, vers 1640, National
Gallery, Londres ;
- Les Bergers d’Arcadie, Poussin, vers 1638-1640, musée du Louvre,
Paris ;
- Le Jugement de Salomon, Poussin, 1649, musée du Louvre, Paris ;
- Le Roi gouverne par lui-même, Le Brun, 1661, Galerie des Glaces,
Château de Versailles ;

- En sculpture :
- Apollon et Daphné, marbre, Le Bernin, 1622-1625, Galerie Borghèse,
Rome ;
- Alexandre et Diogène, bas-relief, Pierre Puget, 1687-1692, Louvre, Paris ;
- Apollon servi par les nymphes, François Girardon et Thomas Regnaudin,
1666-1675, Bosquet des Bains d’Apollon, Château de Versailles (planche 10) ;
- Tête de Méduse, Pierre Puget, Louvre, Paris ;

- En architecture :
- La Colonnade de Saint-Pierre, Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin,
1656-1667, Rome ;

42
- Église de Pèlerinage, Die Wies, Dominikus Zimmermann,
1745-1754, près de Steingaden, Haute-Bavière ;
- La Porte de Brandebourg, Carl Gottard Langhans, 1788-1789, Berlin ;
- Château de Versailles, commencé en 1668 par Louis Le Vau, achevé en
1678, par Jules Hardouin-Mansart ;
- Le Baldaquin de Saint-Pierre, Le Bernin, 1624-1633, Rome.

Il est à retenir que le Classicisme est une réaction aux excès du Baroque.
C’est un nouveau goût pour un idéal de rigueur, de pureté et de simplicité. Le
Classicisme prône une esthétique qui se veut « naturelle », un idéal de
discipline, d’ordre et de régularité, un souci de l’équilibre et de l’harmonie.

43
Planche 9 : Saint-Charles Borromée priant pour la fin de la peste à Milan,
Pierre Puget, vers 1690, marbre, 170 x 125 cm, Musée des Beaux-arts,
Marseille.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 269.

44
Planche 10 : Apollon servi par les nymphes, François Girardon et Thomas Regnaudin,
1666-1673, marbre, Bosquet des Bains d’Apollon, jardins du Château de Versailles.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 262.

45
Planche 11 : Les Bergers d’Arcadie, Nicolas Poussin, 1638-1640, huile sur toile, 85 x 121
cm, Musée du Louvre, Paris.

Source : Patricia FRIDE R.-CARRASSAT et Isabelle MARCADE, Ibid. p. 29.

46
2.2.2- LE XVIIIème SIÈCLE

2.2.2.1- Le Rococo
2.2.2.1.1- Définition et historique
Comme pour le style baroque et pour bien d’autres, le terme « rococo » a
été utilisé au début dans une acception péjorative pour désigner ce qui était
perçu comme familier et vulgaire. Il est aujourd’hui encore dans la langue
française synonyme de vieillerie, de désuétude. Cependant, dans d’autres
langues européennes, ce terme semble avoir acquis ses lettres de noblesse. Des
théoriciens allemands, notamment, tendent à le définir comme une catégorie de
style autonome, différent du Baroque qui précède et du Néoclassicisme qui le
suit.

Au début du XVIIIème siècle, les artistes, s’inspirant des grotesques de la


Renaissance, conçoivent des décorations d’intérieur où l’exubérance des motifs
de fantaisie, exotiques et naturalistes, les place à l’antipode de la science et du
rationalisme du siècle des lumières, et les désaxe par rapport au style baroque.
Ce type d’ornementation reçoit le non de « Rocailles » en référence aux rochers
artificiels incrustés de coquilles qui agrémentaient les jardins à cette époque.
Cette mode s’étend diversement aux arts décoratifs, à l’architecture, à la
sculpture et à la peinture.

Né à Paris dans les années 1700-1710, le Rococo coïncide avec le règne


de Louis XV (1715-1774). Il se développe en Allemagne et en Europe centrale
tandis que l’Italie et L’Angleterre s’y intéressent à un degré moindre. Il prend
fin vers 1760-1770.

Le terme « rococo » lui-même n’est apparu qu’à la fin du XIXème siècle. Il


s’agit à l’origine d’un mot d’atelier dérivé de « rocaille », jugé préférable à celui
de style « pompadour » en usage dans la première moitié du XIXème siècle,
appellation qui insiste sur l’essor que donne à ce style la favorite de Louis XV.

Comme au siècle précédent et au début du XVIIIème (sous Louis XV), les


jeunes peintres vont toujours à Rome mais n’étudient plus seulement les
classiques et se soucient peu de théorie. Le Rococo circule avec les nombreux
artistes qui travaillent dans les cours étrangères. Une clientèle plus large favorise
ce nouveau goût.

47
2.2.2.1.2- Caractéristiques

Contrairement au Baroque, le Rococo correspond à la vogue des tableaux


de petit format plus qu’à celle de la peinture monumentale. Il accorde un rôle
ornemental à la peinture et relance la mode des cartons de tapisseries. Les
œuvres chargées de fantaisie (pittoresque, érotisme et exotisme) s’adressent au
sens plus qu’à l’esprit. La peinture de genre domine et propose de nouveaux
sujets : la chinoiserie et la turquerie qui dépeignent un Orient imaginaire.
L’action devient prétexte aux débordements ornementaux, à l’étalage d’étoffes
chatoyantes et d’accessoires luxueux.

La composition s’organise suivant des obliques et des oppositions de


courbes. Le dessin élégant estompe les contours des figures. La ligne se brise
pour décrire le monde tumultueux qui les environne. Le trait accuse les bords
tranchants des roches, froisse les drapés et tord les arbres. La lumière, cristalline
et artificielle dans les ensembles décoratifs, scintillants et ambrée dans les petits
tableaux, éclaire des demi-tons précieux et clairs (bleu-vert et rose).

2.2.2.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes du Rococo se présentent comme suit :


Allemagne :
- Johann Evangelist Holzer (1709-1740). Sa virtuosité de peintre se
manifeste dans le mouvement parfaitement rythmé sur de longues courbes qu’il
sait donner à ses compositions, par le traitement raffiné des lumières et des
ombres.
Autriche :
- Paul Troger (1698-1762) réalise de nombreuses fresques qui se
caractérisent par la légèreté des figures et la liberté des formes.
- Franz Anton Maulbertsch (1724-1796) associe courbes et raccourcis à
des accords colorés.
France :
- Antoine Watteau (1684-1721) donne à ses tableaux de petit format une
atmosphère de rêve.
- Jean-Marc Nattier (1685-1766) se spécialise dans le portrait
mythologique.
- Jean-Baptiste Chardin (1699-1779) refuse les grands sujets historiques
ou religieux et peint ce qu’il voit : son cadre de vie, sa famille et son intimité.

48
- François Boucher (1703-1770) propage le goût rocaille, sinueux et
décoratif.
- Maurice Quentin de La Tour (1704-1788), portraitiste en vogue à la cour
du roi Louis XV, il perfectionne et met en vogue la technique du pastel.
- Jean Honoré Fragonard (1732-1806) se caractérise par le lyrisme de la
touche.
- Jacques Germain Soufflot (1709-1780) est l’architecte qui a construit
l’église Sainte Geneviève de Paris.
Grande Bretagne :
- William Hogarth (1697-1764) s’inspire de Watteau.
- Sir Joshua Reynolds (1723-1792), sa peinture, empreinte de douceur, est
légère et vivante et sa facture inventive.
- Thomas Gainsborough (1727-1788), paysagiste par goût mais
portraitiste par nécessité, ses colories frais et sa touche en hachure donnent un
effet de légèreté.
Italie :
- Giacomo Del Po (1625-1725) développe le rococo original à Naples.
- Carlo Innocenzo Carloni (1686-1775) crée de grands décors en
Allemagne et en Autriche.
- Giovanni Battista Crosato (1686-1758) peint ses meilleures fresques à la
cour de Turin.
- Giambattista Tiepolo (1696-1770) donne un prolongement rococo au
style baroque.

Des œuvres rococos, on peut retenir entre autres :

- Fête d’amour, 1717, Antoine Watteau, huile sur toile, 61 X 75 cm,


Gemäldegalerie Alter Master, Dresde ;
- L’Embarquement pour Cythère, 1717, Antoine Watteau, huile sur toile
125 X 190 cm, musée du Louvre, Paris ;
- Les Champs Elysées, Antoine Watteau, entre 1717 et 1719, Walhace
Collection, Londres ;
- La Marquise d’Antin, Jean-Marc Nattier, 1738, huile sur toile, musée
Jacquemart André, Paris ;
- Sylvie fuyant le loup qu’elle a blessé, François Boucher, 1756, huile sur
toile, 123,5 x 134 cm Musée des Beaux-arts, Tours ;
- Baigneuses, Jean Honoré Fragonard, 1775, Louvre, Paris ;

49
- Les Hasards heureux de l’escarpolette, Jean Honoré Fragonard, 1767,
Huile sur toile 81 x 65 cm, Walhace Collection, Londres ;
- Jeune Fille lisant ou la liseuse, Jean Honoré Fragonard, vers 1776, Huile
sur toile 82 x 65 cm, National Gallery, Washington (planche 12) ;
- L’Église Sainte Geneviève de Paris, Jacques Germain Soufflot, entre
1764 et 1790. Cette église est ensuite rebaptisée Panthéon, 109,50 x 80 m. La
Cathédrale Saint Paul de Londres inspira le dôme du Panthéon.

En conclusion il est à retenir que le Rococo est le style artistique de la


cour du XVIIIème siècle, en France. Il tourne le dos à l’austérité du Classicisme
en célébrant la forme courbe et l’éclat des couleurs brillantes et dorées.

50
Planche 12 : Jeune fille lisant ou La Liseuse, Jean Honoré Fragonard, vers 1776, huile sur
toile, 82 x 65 cm, National Gallery, Washington.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 65.

51
2.2.2.2 – Le Néoclassicisme

2.2.2.2.1 – Définition et historique

À la fin du XVIIIème siècle, la découverte des sites de Pompéi et


d’Herculanum (villes romaines englouties par le Vésuve, au premier siècle de
notre ère) provoque un engouement pour l’Antiquité. L’inspiration de
l’Antiquité romaine s’impose encore une fois dans la vie artistique. Les artistes
se réfèrent aux modèles antiques pour exprimer un idéal éthique et esthétique.
Ce courant, communément appelé Néo-classicisme, s’élabore à Rome entre
1760 et 1770 et se propage en Europe jusque vers 1830. Il prend ses racines dans
la volonté de régénérer la société et réagit contre la fantaisie du style rococo.
L’art selon Denis Diderot (1713-1784), doit éduquer et « rendre la vertu
attrayante, le vice odieux et le ridicule éclatant ». Le Néoclassicisme en revient
aux caractères de clarté, de mesure, de l’équilibre propre au Classicisme, en
s’inspirant directement de la statuaire gréco-romaine.

2.2.2.2.2 – Caractéristiques

Les artistes privilégient les sujets nobles, renouvellent les thèmes de


l’histoire romaine pour glorifier la monarchie, puis les vertus patriotiques de la
Révolution (française).

La composition, solidement structurée est inspirée de la construction


frontale des bas-reliefs antiques et des fresques. Les personnages, grands peu
nombreux et espacés, s’étalent en frise au premier plan. L’espace pictural
s’enrichit des artifices du théâtre tragique par les costumes, les mimiques et les
gestes éloquents. Le décor sobre, fait de motifs géométriques (joints des pierres
de taille pilastres, arêtes), et l’absence d’anecdote mènent à l’essentiel et
accusent la sévérité des tableaux néo-classiques (planche 13). Les peintres
corrigent la nature pour atteindre la perfection. Ce principe est appelé « beau
idéal ». Il s’inspire des maîtres classiques (Raphaël et Nicolas Poussin) et
associe une connaissance irréprochable de l’anatomie et des proportions
influencée par les œuvres les plus parfaites de la statuaire gréco-romaine. Les
figures au modelé sculptural, sont d’abord dessinées nues sur un réseau linéaire
(mise au carreau). Lors de l’élaboration de la peinture, certains personnages sont
parés de drapés majestueux tandis que d’autres conservent la nudité héroïque. La
lumière enveloppe les personnages, éclaire violemment les gentes sur un fond
sombre, en référence au Caravage.

52
La couleur sans raffinements particuliers, signifient l’objet, lui confère son
degré d’importance dans le tableau et sert accessoirement à souligner le modelé.
La facture du tableau est lisse. L’œuvre la plus représentative du mouvement
néoclassique est le Serment des Horaces, peint en 1784 par Jacques Louis David
(1748-1825) (planche 13).

2.2.2.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Parmi les artistes néoclassiques, on peut retenir entre autres :

Allemagne :
- Anton Raphaël Mengs (1728-1779)
Danemark :
- Christoffer Wilhelm Echersberg (1783-1853) étudie auprès de David puis
à Rome.
Grande Bretagne :
- Gawen Hamilton (1723-1798) est l’un des fondateurs du Néoclassicisme.
France :
- Jean François Pierre Peyron (1744-1814) peint dans une gamme froide.
- Jacques Louis David (1748-1825) devient le chef de file du
Néoclassicisme et s’attache à une représentation réaliste du décor et des détails
anatomiques (veines saillantes).
- Jean François Thérèse Chalgrin (1739-1811) est architecte.
- Jean Armand Raymond (1742-1811) est architecte.
- Pierre-Alexandre Barthélemy Vignon (1762 ou 1763-1828 ou 1829)
a construit l’église de la Madeleine à Paris.
- Pierre fontaine (1762-1853) est architecte.
- Charles Percier (1784-1838) est architecte.
- Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), dessinateur hors paire, il
idéalise la figure humaine par une déformation de l’anatomie.
Italie :
- Andrea Appiani (1754-1817) subit l’influence de David.
Suisse :
- Angelica Kauffmann (1741-1807) peint des portraits et des sujets
d’histoire avec grâce et faire lisse.

53
Les œuvres marquantes du Néoclassicismes sont :

- Le Serment des Horaces, Jacques Louis David, 1784, huile sur toile,
330 X 427 cm, musée du Louvre ;
- La Mort de Socrate, Jacques Louis David, 1787, huile sur toile,
130 X 196 cm, Metropolitan Museum, New York;
- Les Sabines, Jacques Louis David, 1799, huile sur toile, musée du Louvre,
Paris,
- La Mort de Marat ou Marat assassiné, Jacques Louis David, 1793, huile
sur toile, 165 X 128 cm, Musées royaux des Beaux-arts, Bruxelles (planche 14) ;
- La Baigneuse de Valpinçon, Jean Auguste Dominique Ingres, huile sur
toile, musée du Louvre, Paris ;
- La Grande Odalisque, Jean Auguste Dominique Ingres, huile sur toile,
musée du Louvre, Paris ;
- Église de la Madeleine, Paris, construite par Pierre-Alexandre Barthélémy
Vignon. Commencée en 1806, achevée après sa mort en 1842 ;
- L’Arc de triomphe du Carrousel, Paris, 1806-1807, construit par Charles
Percier et Pierre Fontaine ;
- L’Arc de Triomphe de l’Etoile, Paris, construit par Jean François Thérèse
Chalgrin, 1806-1836, haut. 50 m, large. 45 m, construit pour commémorer les
victoires de l’Empire, il sera achevé par W. Huyot et G.A. Blouet.

En résumé, il est à souligner que les peintres néoclassiques s’inspirent


directement de la statuaire gréco-romaine. Ce faisant, ils favorisent la ligne, la
forme et l’élégance plutôt que la couleur, considérée comme secondaire. Les
formes sculpturales, que confère à leurs œuvres une telle approche, sont
exemptes de tout sentiment passionnel et de désordre. Elles se conforment à une
composition strictement structurée.

54
Planche 13 : Le Serment des Horaces, Jacques-Louis David, 1784, huile sur toile, 330 x 425
cm, Musée du Louvre, Paris.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 68.

55
Planche 14 : La Mort de Marat ou Marat assassiné, Jacques-Louis David, 1793, huile sur
toile, 165 x 128 cm, Musées royaux des Beaux-arts, Bruxelles.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 343.

56
2.2.3- LE XIXème SIÈCLE

2.2.3.1- Le Romantisme
2.2.3.1.1- Définition et historique
La révolution industrielle (1780-1850) modifie les mœurs autant que
l’environnement et accélère le rythme de la vie. Les artistes se révoltent contre
cette nouvelle société, mécanique, répétitive et prévisible. Ils s’opposent à la
tradition classique et plus précisément au Néoclassicisme en prônant une
esthétique nouvelle qu’il est convenu d’appeler « romantisme ». L’artiste se
laisse guider par la spontanéité des passions et des révoltes. Il peint au nom de
ses idées, ne copie plus la nature, mais traduit selon Delacroix « la libre
manifestation de ses impressions personnelles ».
D’origine Allemande, anglaise et française, le Romantisme s’étend sur
toute l’Europe et devient particulièrement l’un des grands courants français. Des
théoriciens admettent une première phase dite préromantique, de 1770 à 1800,
au cours de laquelle les artistes adoptent de nouveaux thèmes tout en concevant
un style néoclassique. La peinture d’histoire moderne et une nouvelle
conception du paysage marquent les années 1800-1824. L’apogée, celle des
peintres de génie, se situe entre 1824 et 1840.
2.2.3.1.2- Caractéristiques
L’artiste romantique s’enflamme pour des événements issus de l’actualité
(planches 24 ; 26 et 27). Le paysage se charge d’émotions humaines, de mystère
et de poésie : un arbre tortueux reflète l’angoisse, la douleur. Le cheval devient
un motif romantique par l’expression de sa fougue. Le Romantisme est, d’une
part, la redécouverte du Moyen Âge et la projection dans le futur. C’est une
ouverture à de nouveaux pays notamment l’Orient. Le Romantisme est aussi,
d’autre part, le sentiment du pessimisme, du déclin, de l’impossibilité de trouver
sa place dans une société instable : d’où les thèmes du crépuscule, de l’automne,
du rêve, de l’évasion.
L’artiste extériorise ses émotions, son monde intérieur à travers le dessin en
prenant des libertés avec les proportions et en soumettant l’anatomie aux
déformations expressives. De larges taches colorées s’harmonisent les unes par
rapport aux autres et accrochent l’œil du spectateur. La liberté de la touche, les
contrastes d’ombre et de lumière, le jeu des complémentaires qui avivent les
couleurs, le tourbillonnement des groupes en courbes et contre-courbes

57
traduisent plastiquement une sensibilité exacerbée. La peinture prend un
caractère tactile. En effet, la matière du support (mur, bois, toile ou papier) reste
souvent présente et réduit l’illusion de perceptive. L’écriture emportée, la pâte
triturée et épaisse donnent un aspect d’exquise aux œuvres.
Contrairement à la Renaissance, l’artiste ne considère plus le support de
l’œuvre comme une fenêtre ouverte sur un pan de la nature. Un tableau est
considéré désormais comme achevé en fonction de sa cohérence interne décidée
par l’artiste et non de la qualité de sa finition. Le message intelligible des formes
et la matérialité sensible du support sont mis au même diapason.
2.2.3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives
Parmi les artistes romantiques on peut retenir :
Espagne :
- Francisco Goya (1746-1828). Il peint avec exaltation les événements
contemporains de la guerre d’Espagne et crée une atmosphère de cauchemar en
mêlant le fantastique et le réel.
France :
- Théodore Géricault (1791-1824) incarne le génie romantique, mais reste
classique par l’élaboration technique et par le style de ses figures.
- Eugène Delacroix (1798-1863), nerveux et passionné, il veut garder
intacte l’impulsion des premières esquisses. La couleur traduit les formes avec
fougue.
- François Rude (1784-1855), sculpteur
- Frédéric Auguste Bartholdi (1834-1904) Architecte et sculpteur
Grande Bretagne :
- John Constable (1776-1837) traduit l’atmosphère et exécute ses toiles
avec une grande liberté de facture.
- Joseph Mallord William Turner (1775-1851) dont la pâte maçonnée
révèle les métamorphoses colorées poétiques de la lumière.

Les œuvres représentatives du Romantisme sont :


- Les Exécutions du 3 mai 1808, Francisco Goya, 1814, huile sur toile,
250 x 340 cm, Musée du Prado ;
- Le Radeau de la Méduse, 1818, Théodore Géricault, huile sur toile,
491 x 716 cm, musée du Louvre, Paris (planche 18) ;
- La Liberté guidant le peuple ou La Liberté sur les barricades, Eugène
Delacroix, 1831, huile sur toile, 260 x 320 cm, musée du Louvre. Toile illustrant

58
les évènements du 28 juillet 1830 (insurrection qui renversa Charles X pour le
remplacer par Louis-Philippe) (planche 17) ;
- Le Départ des Volontaires de 1792 (dit La Marseillaise), François Rude,
1835-1836, bas relief, 12,70 x 7,90 m, Arc de Triomphe, Paris (planche 15) ;
- Le Maréchal Ney, François Rude, 1853, ronde-bosse en bronze, Place de
l’Observatoire, Paris ;
- La Danse, Jean-Baptiste Carpeaux, 1869, bas-relief, façade de l’Opéra,
Paris, 460 x 250 cm (planche 16) ;
- La Liberté éclairant le monde, Frédéric Auguste Bartholdi, statue en
plaques de cuivre martelées, soutenues par une armature conçue par l’ingénieur
Gustave Eiffel, offerte le 4 juillet 1884 par la France aux États-Unis
d’Amérique. Elle mesure plus de 46 m de haut et est placée au port de New
York. (Réduction en cuivre martelé, sur le Pont de Grenelle à Paris) ;
- La Charette de foin, John Constable, 1821, huile sur toile, 130 x 185 cm,
National Gallery, Londres ;
- Vapeur dans une tempête de neige, Joseph Mallord William Turner, 1842,
huile sur toile, 91 x 122 cm, Tate Gallery, Londres.

Pour conclure, on retiendra qu’avec le Romantisme, l’imagination devient


le moteur de la création, l’émotion dynamite les définitions et brise les règles.
L’artiste, pour la première fois, s’exprime à travers sa peinture, à travers son art
et non plus seulement pour satisfaire les exigences des commanditaires. La
génération qui suit est celle qui se soucie de représenter la réalité visible.

59
Planche 15 : Le Départ des Volontaires de 1792, dit La Marseillaise, François
Rude, 1833-1836, pierre de Chérence, 12,7 x 7,90 m, Arc de triomphe, Paris.

Source : Rodin et son temps 1840 – 1917, Amsterdam, Time-Life Books, pdition
française, 1972, p. 53.

60
Planche 16 : La Danse, Jean – François Carpeaux, 1865 – 1868,
plâtre, 232 x 148 cm, Musée d’Orsay, Paris.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 390.

61
Planche 17 : La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830, huile sur toile, 259 x 325,
Musée du Louvre, Paris.

Source : Tout l’œuvre peint de Delacroix, Paris, Les Classiques de l’Art, Flammarion, PL.
XXVII.

62
Planche 18 : Le Radeau de La Méduse, Théodore Géricault, 1819, huile sur toile,
491 x 716 cm, Musée du Louvre, paris.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 71.

63
2.2.3.2- Le Réalisme
2.2.3.2.1- Définition et historique
L’étude du réalisme en art se heurte à trois grandes difficultés. La première
est d’ordre sémantique : le terme de réalisme sert souvent à désigner toute forme
d’art figuratif ; on le donne comme synonyme de naturalisme quand on ne le
confond pas purement et simplement avec ce dernier terme. Ce premier
problème peut dans certains cas, prendre des proportions philosophiques :
« qu’est-ce que la réalité ? » La seconde difficulté tient à l’approche du
mouvement par les historiens d’art. En effet, au cours de la seconde moitié du
XXème siècle, ceux-ci ont eu tendance à écrire l’histoire de l’art en termes
d’avant-gardisme, privilégiant ainsi certains courants ou tendances et occultant
d’autres à l’intérieur d’un et même vaste mouvement. La troisième difficulté est
simplement d’ordre esthétique : le réalisme est perçu comme étant l’antithèse de
l’art tant par le public que par de nombreux critiques, eu égard au fait que c’est
un art qui élimine le sentiment personnel. Le Réalisme, compris comme un art
anti-idéaliste ou révolutionnaire dans le style comme dans les sujets, et objectif
dans sa description de l’homme et de la nature (que l’artiste atteigne à cette
objectivité en se soumettant à des méthodes scientifiques ou simplement à l’aide
d’une observation réglée), peut être situé entre 1850 et 1900. Le terme est utilisé
en 1855 par Gustave Courbet pour désigner un style de peinture né en France
après la révolution de 18482. Le courant s’étend ensuite à toute l’Europe jusqu’à
la fin du XIXème siècle.
2.2.3.2.2- Caractéristiques
Les réalistes confèrent une dignité nouvelle aux thèmes considérés comme
subalternes dans la hiérarchie des genres. Ils présentent les scènes de la vie
contemporaine à travers de grands formats, réservés généralement à la peinture
d’histoire (planche 19). Le travail moderne, la vie quotidienne, la nature morte,
le paysage et le portrait sont ainsi traités avec une très grande originalité. Les
peintres simplifient et stylisent le dessin pour mettre en exergue sa valeur
expressive. Le sujet est éclairé par une source lumineuse artificielle provenant
généralement d’en haut à gauche. Le peintre élabore son œuvre en partant des

2
1848 : Révolution qui met fin à la Monarchie de Juillet (1830-1848) avec un roi dit bourgeois, Louis-Philippe. Elle voit l’avènement de la

2ème République en France avec Louis Napoléon Bonaparte comme président.

64
couleurs sombres vers les couleurs claires avec une prédilection pour les ombres
épaisses et sombres qui confèrent au tableau un caractère terreux.
2.2.3.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives
Les principaux artistes réalistes sont les suivants :
France :
- Honoré Daumier (1808-1878) affectionne la satire politique et sociale
avec un style très caricatural
- Jean François Millet (1814-1875) peint la vie rude des champs en
choisissant des toiles de petits formats.
- Gustave Courbet (1819-1877) croque sur le vif les métiers et les scènes de
la vie quotidienne du peuple, avec respect.
Espagne :
- José Dominguez Becquer (1810-1841) et son fils Valeriano (1834-1870)
illustrent un style à cheval sur le Romantisme et le Réalisme.
Pays Bas :
- Jozef Israels (1824-1911).
- Jacob Maris (1837-1899).
Les œuvres représentatives du Réalisme se présentent comme suit :
- La République, Honoré Daumier, 1848, esquisse, Musée du Louvre,
Paris ;
- Les Glaneuses, Jean-François Millet, 1857, huile sur toile, 83 x 111 cm,
Musée d’Orsay, Paris (planche 19) ;
- L’Atelier du peintre. Allégorie réelle, Gustave Courbet, 1855, huile sur
toile, 361 x 598 cm, Musée du Louvre, Paris ;
- Les Casseurs de Pierre, Gustave Courbet, coll. privée ;
- Les Cribleuses de blé, 1855, Gustave Courbet, Musée des Beaux-arts,
Nantes ;
- La Rencontre ou Bonjour, Monsieur Courbet ! Gustave Courbet, 1854,
Musée Fabre, Montpellier.

En Résumé, il est à retenir que le Réalisme est un mouvement artistique qui


vise à redonner de la dignité à des sujets quotidiens triviaux. Le peintre se veut
le témoin de son temps. La vérité devient le critère déterminant au détriment de
l’élégance. Gustave Courbet déclare : « Je tiens que la peinture est un art
essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation des
choses réelles et existantes. On ne peut peindre ce qu’on ne voit pas ».

65
Planche 19 : Les Glaneuses, Jean-François Millet, 1857, huile sur toile, 83 x 111 cm,
Musée d’Orsay, Paris.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 76.

66
2.2.3.3- L’Impressionnisme
2.2.3.3.1- Définition et historique
L’Impressionnisme est un mouvement artistique constitué en France dans
la deuxième moitié du XIXème siècle, par de jeunes peintres dont Claude
MONET, Auguste RENOIR, Alfred SISLEY, qui se proposaient de représenter
les objets d’après leurs impressions personnelles sans se préoccuper des règles
héritées de la Renaissance, généralement admises et enseignées dans les écoles
de Beaux-arts. Refusés au Salon officiel où n’étaient sélectionnés pour exposer
que les artistes se conformant à l’académisme, une trentaine de jeunes peintres
regroupés au sein de la Société Anonyme Coopérative d’Artistes, Peintres,
Sculpteurs, Graveurs, présentent leurs œuvres dans l’atelier du célèbre
photographe Félix NADAR à Paris, du 15 Avril au 15 Mai 1874. Le terme
« impressionniste » doit son origine à un journaliste, Louis LEROY. Dans un
article du journal Le Charivari paru le 25 Avril 1874, il rendait compte de cette
manifestation, sous le titre « L’Exposition des Impressionnistes ». Ce mot lui fut
inspiré par le tableau de l’un des exposants, Claude Monet, intitulé Impression,
soleil levant. Louis LEROY en employant le mot « Impressionnistes » a voulu
marquer son mépris pour les peintres qui s’exprimaient au moyen de taches
colorées et qui lui semblaient négliger la forme au profit de leurs impressions
visuelles.
Formés dans des ateliers privés et libres, ces jeunes artistes, révélés au
grand public en 1874 et dès lors baptisés « Impressionnistes », se connaissaient
et se fréquentaient depuis les années 1862. Ils resteront unis jusqu’en 1886, date
de leur dernière exposition de groupe.
2.2.3.3.2- Caractéristiques
Les Impressionnistes ne pratiquent plus la peinture religieuse,
mythologique ou historique comme au temps des Léonard de VINCI, mais
presque exclusivement le paysage avec ou sans personnages : la peinture n’est
plus narration mais évocation. Les thèmes favoris vont être la mer, le ciel et la
mobilité de ses nuages, le soleil et la vibration de ses rayons, le vent ou la brise
qui ride la surface de l’eau, agite imperceptiblement le feuillage des arbres et fait
frissonner l’herbe des prés. Les Impressionnistes sont aussi attirés par la rivière
où miroitent les reflets, l’élément fluide retenant avant tout leur attention.
Cependant, ils ne délaissent pas les champs, les jardins, les maisons, les
hameaux, la route qui y mène, en un mot toute la nature. La ville exerce aussi

67
sur eux sa séduction, Paris notamment : la rue où les silhouettes et les voitures se
bougent en taches vivantes et colorées ; les jardins publics, leurs bassins et leurs
jets d’eau ; la Seine et ses brumes matinales. Cet attrait pour le fugace,
l’éphémère, va pousser les Impressionnistes à évoquer la fumée qui s’élève et
s’évanouit dans l’air, ou encore le brouillard qui enveloppe toutes choses,
dissout les formes réelles pour engendrer la poésie du flou, du mystère. Enfin la
neige et sa blancheur colorée séduisent l’œil impressionniste. Avant d’être une
manière de peindre, l’Impressionnisme est tout d’abord une manière de voir. En
effet, les Impressionnistes ne vont plus représenter les formes telles qu’elles sont
dans leurs structures définies et immuables, mais telles qu’ils les voient à un
moment donné. La lumière, allant de paire avec l’ombre, modifie les teintes
suivant son intensité et ronge par conséquent la forme véritable des objets. Et
c’est cette féerie de la lumière transmise par la féerie de la couleur qui devient le
seul problème pour les peintres (planche 20).
Les Impressionnistes peignent les couleurs qu’ils voient et non celles qu’ils
savent appartenir à tel ou tel objet. Ils simplifient leur palette, en excluant le
noir, les gris, les bruns, les terres, les ocres et se servent uniquement des
couleurs pures les plus proches du spectre solaire, telles que des jaunes, des
orangés, des rouges, des violets, des bleus, des verts. Les ombres ne seront donc
plus noires mais colorées, la lumière y mêlant ses reflets. Les peintres vont
employer les couleurs non en les mélangeant sur la palette mais en les
juxtaposant sur la toile. Ainsi les touches se fragmentent d’abord en taches
colorées juxtaposées, puis elles se dissocient jusqu’à n’être plus qu’une
vibration de multiples virgules enchevêtrées. Un reflet vert sera traduit par des
touches jaunes et bleues dont le mélange optique recomposera un vert pour l’œil
du spectateur. Ce mélange optique s’oppose au mélange pigmentaire, mélange
de couleurs- matières fait sur la palette.
Les observations purement visuelles des impressionnistes sont en accord
avec les découvertes scientifiques de Chevreul (1839)3 : « La lumière est
composée du Total des couleurs au nombre de 7 dont l’ensemble est appelé le
spectre solaire : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge (l’indigo étant
une forme de bleu, il n’y a en réalité que 6 couleurs) ». Chaque couleur tend à
colorer de sa complémentaire l’espace environnant : une tache rouge sera

3
Michel Eugène CHEVREUL (1786-1889), chimiste français né à Angers, publie en 1939 son ouvrage De la loi du contraste simultané des

couleurs et de l’assortiment des objets colorés d’après cette loi dans ses rapports avec la peinture.

68
entourée d’un halo vert, l’ombre se teinte toujours légèrement de cette
complémentaire : un objet rouge verra son ombre colorée de vert ; un objet bleu
verra son ombre colorée d’orangé. À chaque teinte correspond, selon la théorie
de Chevreul, une ombre déterminée. Aussi les tableaux impressionnistes se
présentent-ils comme un hymne à la lumière, à la joie.
2.2.3.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives
Les principaux artistes impressionnistes sont :
- Camille Pissarro (1830-1903) travaille en plein air et présente une
nouvelle vision de l’espace. Il parvient à traduire des effets de lumière
perpétuellement renouvelés : la sensation l’emporte sur la connaissance.
- Edouard Manet (1832-1883) pose la couleur en aplats, bouleverse les
conventions, récuse la nuance inutile. Les passages de l’ombre à la lumière sont
directs : « je veux faire du premier coup ce que l’on voit », disait-il.
- Edgar Degas (1834-1917) connaît et pratique la photographie. Il associe
dans sa peinture l’arabesque de la forme apprise chez Dominique Ingres avec
une vision décentrée, en plongée ou contre-plongée, pour provoquer sur la
surface du tableau la collision inhabituelle des distances.
- Paul Cézanne (1839-1906) s’initie à la peinture de plein l’air et à
l’impressionnisme : la touche est posée en diagonale, systématique et régulière.
- Alfred Sisley (1839-1899) aime à peindre les passagers délicats couverts
de neige ou de brouillard.
- Claude Monet (1840-1926) travaille dehors, d’après nature et réalise ses
sujets en série à différentes heures de la journée, notamment la Cathédrale de
Rouen, vue à midi et le soir (planche 29).
- Fréderic Bazille (1841-1870), c’est lui qui le premier a eu l’idée de la
création d’une société de peintres en dehors du Salon officiel.
- Berthe Morisot (1841-1895). Sa rencontre avec Edouard Manet l’amène,
malgré ses succès au Salon officiel, à rejoindre le groupe des Impressionnistes
dès 1874 dans l’atelier du photographe Nadar.
- Auguste Renoir (1841-1919) renonce à la netteté du dessin, pour laisser le
contour du corps flou et diffus. Le personnage émerge ainsi peu à peu du
paysage qui lui sert de fond.
- Gustave Caillebotte (1848-1894) adopte les sujets des Impressionnistes et
non leur façon de peindre. Le réalisme transparaît dans ses œuvres. Il est, en
outre, le mécène des Impressionnistes.

69
Les œuvres représentatives de l’Impressionnisme sont les suivantes :
- Les Toits rouges – coin de village- effet d’hiver, Camille Pissaro, 1877,
huile sur toile, 54 x 65 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- Le Déjeuner sur l’herbe, Edouard Manet, 1863, huile sur toile,
208 x 264 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- Le Fifre, Edouard Manet, 1866, huile sur toile, 160 x 98 cm, musée
d’Orsay, Paris ;
- Répétition d’un ballet sur scène, Edgar Degas, 1874, huile sur toile,
65 x 81 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- Chevaux de course devant les tribunes, Edgar Degas, vers 1879, huile sur
toile, 46 x 81 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- La Montagne Sainte Victoire au grand pin, 80 x 73 cm, The Phillips
Collection, Washington ;
- La Neige à Louveciennes, Alfred Sisley, 1878, huile sur toile, 65 x 54 cm,
musée d’Orsay, Paris ;
- Impression, soleil levant, Claude Monet 1872, huile sur toile,
48 x 63 cm, musée Marmottan, Paris ;
- La Cathédrale de Rouen à midi, Claude Monet, 1893, huile sur toile,
101 x 65 cm, musée des Beaux-arts Pouchkine, Moscou ;
- La Cathédrale de Rouen le soir, Claude Monet, 1894, huile sur toile,
100 x 65 cm, musée des Beaux-arts Pouchkine, Moscou (planche 20) ;
- Réunion de famille, Fréderic Bazille, 1868, musée d’Orsay, Paris ;
- Le Berceau, Berthe Morisot, 1872, huile sur toile, 56 x 46 cm, musée
d’Orsay, paris ;
- Le Bal du Moulin de la Galette, Auguste Renoir, 1876, huile sur toile,
131 x 175 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- La Balançoire, Auguste Renoir, 1876, huile sur toile, 92 x 73 cm, musée
d’Orsay, Paris ;
- Les Raboteurs de parquets, Gustave Caillebotte, 1875, huile sur toile,
102 x 146 cm, musée d’Orsay, Paris ;

En guise de conclusion, on retiendra que l’Impressionnisme a rompu avec


les systèmes de l’art académique (sujets religieux, mythologiques ou historiques,
perspective, modelé, clair-obscur, netteté du dessin, etc.).
Partant, il a ouvert la voie à l’art moderne, l’art d’aujourd’hui, et fait prévaloir
l’idée que le rôle du peintre est d’élaborer un style personnel et non de
représenter avec exactitude le monde extérieur

70
Planche 20 : La Cathédrale de Rouen le soir, Claude Monet, 1892-1894, huile
sur toile, 100 x 65 cm, Musée des Beaux-arts Pouchkine, Moscou, (auparavant,
collection S. Chtchoukine).

Source : Les Impressionnistes, Saint Pétersbourg, Slavia, 1998, P. 33.

71
2.2.3.4- autres tendances et mouvements
Dominée par les noms de Cézanne, de Seurat, de Signac, de Van Gogh, de
Gauguin, la période qui suit est à la fois un prolongement de l’Impressionnisme
et une rupture avec lui. Tout ce qui se passe entre 1886 (dernière exposition des
Impressionnistes) et 1906 (mort de Cézanne) n’est intelligible qu’en fonction de
ce mouvement.
2.2.3.4.1- Paul Cézanne (1839-1906)
Il n’est pas un intellectuel, il se méfie des théories, des littératures. « En
dehors du contraste et des rapports de tons, dit-il, tout le reste, c’est de la
poésie ». C’est dire que c’est en technicien qu’il faut parler de la peinture. Mais
à quoi bon parler d’elle ? La peinture se fait. Et Cézanne vit et peint loin de
l’effervescence parisienne où écrivains et critiques s’adonnent aux parades
intellectuelles. Contrairement aux inconditionnels de l’Impressionnisme qui
accordaient la primauté à la couleur au détriment de la forme, Cézanne, lui, veut
revenir au dessin, à la forme. Il veut faire de l’impressionnisme quelque chose
de solide : « Le dessin et la couleur ne sont point distincts, dit-il. Au fur et à
mesure que l’on peint, on dessine. Plus la couleur s’harmonise, plus le dessin se
précise. Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude. »
Son influence sera décisive sur le Cubisme qui paraît exécuter son propre
programme : « traiter la nature par le cylindre, le cône, la sphère… ».
Œuvres de Cézanne :
- Les Grandes baigneuses, 1883-85 ;
- Ambroise Vollard, 1899, 100 x 31 cm, Paris, Petit Palais ;
- Les joueurs de cartes, 1890-92 ;
- La Montagne Ste-Victoire au grand pin, Paul Cézanne, 1885-1887, huile
sur toile, 60 x 73 cm, The Phillips Collection, Washington (planche 21).
2.2.3.4.2- Les Néo-impressionnistes
Le Néo-impressionnisme est une tendance postimpressionniste animée par
Georges SEURAT (1859-1891) et Paul Signac (1863-1935). Ils s’apparentent
aux Impressionnistes à certains points de vue : lumière, couleur, goût de la
nature, ils se démarquent d’eux lorsqu’ils demandent à la théorie de précéder la
main du peintre. Ils croient à des recettes formalisables, à des lois, celles du
nombre d’or. Seurat énonce sa théorie comme suit :
« L’art c’est l’harmonie ; l’harmonie c’est l’analogie des contraires, l’analogie des
semblables de ton, de teinte, de ligne : le ton, c'est-à-dire le clair et le sombre ; la

72
teinte, c'est-à-dire le rouge et sa complémentaire le vert, le bleu et sa
complémentaire l’orangé, le jaune et sa complémentaire le violet ; la ligne, c’est à
dire les directions sur l’horizontale.
Ces diverses harmonies sont combinées en calmes, gaies, ou tristes : la gaieté
de ton, c’est la dominante lumineuse ; de teinte la dominante chaude ; de lignes,
les lignes montantes (au-dessus de l’horizontale) ; le calme, c’est l’égalité du
sombre et du clair ; du chaud et du froid pour la teinte, l’horizontale pour la ligne.
Le triste de ton, c’est la dominante sombre ; de teinte, la dominante froide, et de
ligne, les directions abaissées… Le moyen d’expression de cette technique c’est le
mélange optique des tons, des teintes et de leurs réactions (ombres) suivant des
lois très fixes ».

Le terme de Néo-impressionnisme fut employé pour la première fois par le


critique Arsène Alexandre dans un compte rendu paru le 10 décembre dans
l’Événement à propos d’une brochure intitulée « Les impressionnistes en 1886 »,
dans laquelle Félix Fénéon présentait les diverses manifestations
« indépendantes de l’année.
La facture néo-impressionniste consiste en la juxtaposition de la couleur
par petite touche sans mélange préalable sur la palette. L’œil du spectateur fait
ce qu’il est convenu d’appeler le mélange optique. C’est la technique du
divisionnisme ou du pointillisme : les touches de bleu et de jaune juxtaposées
donnent l’impression du vert, etc.
Œuvres de Seurat :
- Un Dimanche à la Grande Jatte, 1884-1885, huile sur toile,
205 x 308 cm, Art Institute, Chicago
- Modèle, 1887, Musée du Louvre, Paris.
2.2.3.4.3- Van Gogh (1853-1890)
Au départ, il dessine et peint des sujets réalistes dans un esprit de charité et
de révolte. Ce sont des paysages tragiques des évocations de la misère paysanne
et ouvrière (Les mangeurs de pommes de terre), dans une technique sombre et
empâtée, utilisant les ocres, les terres. C’est la période hollandaise et belge qui
va de 1880 à 1886. De 1886 à 1888, à Paris, sa palette s’éclaircit, la touche en
virgule apparaît : l’influence des estampes japonaises et de l’Impressionnisme
est reconnaissable (Pont à Asnières, Le Moulin de la Galette, Les Tournesols).
Les portraits, avec l’asymétrie des contours, la fixité des regards, les
pupilles jaunes ou orangées, les cheveux verts sont des icônes hallucinantes :
« J’ai cherché avec le rouge et le vert à évoquer, dit-il, les terribles passions
humaines » (planche 22).

73
2.2.3.4.4- Paul Gauguin (1848-1903)
Gauguin part pour Tahiti en 1890, jusqu’en 1893 ; il y repartira en 1895 et
mourra aux Iles Marquises en 1903. Il est le premier à rompre avec la
civilisation occidentale pour tenter de trouver ailleurs ce dont il a besoin pour
créer. D’où la singularité de son art qui s’écarte à la fois de l’Impressionnisme et
de la construction cézannienne (Un décorateur, non un peintre : ainsi Cézanne
le juge-t-il.) En effet, il use à l’égard du contour et à l’égard de la couleur d’une
grande audace, ne craignant pas de rendre une couleur par une autre,
transformant les lignes de la nature en cernes et en arabesques. Par ses aplats
colorés, il annonce le Fauvisme, par son refus de toute suggestion spatiale, il
annonce l’Art abstrait (planche 23).
Œuvres représentatives de Gauguin :
- Femmes de Tahiti ou sur la plage, 1891, huile sur toile, 69 x 91 cm,
musée d’Orsay, Paris ;
- Le Cheval blanc, 1898, huile sur toile, 141 x 91 cm, musée d’Orsay,
Paris.
2.2.3.4.5- Les Nabis
Après l’Impressionnisme, le premier groupe fondé en France, sur les
bases d’un langage pictural nouveau, est celui des Nabis (en Hébreu : prophète).
Ils élèvent Paul Gauguin au rang de prophète, faisant de lui une référence, un
modèle à suivre.
Créé en 1890, le mouvement regroupe Paul Sérusier (1863-1927), Pierre
Bonnard (1864-1947) et Édouard Vuillard (1868-1947). Ils épurent, simplifient
leur dessin, cloisonnent la couleur. En exaltant les couleurs de la nature, ils
créent l’émotion. Leurs recherches de larges rythmes souples dans la
composition annoncent l’art nouveau et les fait traiter par Cézanne de
« décorateurs et rien de plus ».
Maurice Dénis (1870-1943), leur théoricien, répond à Cézanne en ces
termes : « Avant d’être un cheval, une femme nue, un champ de bataille ou un
paysage, un tableau de peinture est avant tout une surface plane recouverte de
couleurs en un certain ordre assemblées. »

74
Les Nabis s’intéressent à l’affiche, aux décors de théâtre et à la gravure sur
bois. Leurs œuvres représentatives sont :
- Paysage au bois d’amour, dit le talisman, Paul Sérusier, 1888, huile sur
toile, 27 x 22 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- Femme à la robe quadrillée, Pierre Bonnard, papier marouflé sur toile,
160 x 48 cm, musée d’Orsay, Paris ;
- Au lit, Edouard Vuillard, 1891, huile sur toile, 73 x 92 cm, musée
d’Orsay, Paris.
Parallèlement aux Nabis, des individualités tels que Henri de Toulouse-
Lautrec (1864-1901), Henri Rousseau dit le Douanier (1844-1910), Odilon
Redon (1840-1916) et Gustave Moreau (1826-1898) se distinguent par leur
facture et leur style de représentation.
Toulouse-Lautrec fréquente avec assiduité les cabarets parisiens, les bars
du quartier. Il profite de leur extraordinaire décor pour immortaliser dans
l’action et sur le vif, toute la population de noctambules parisiens de la fin du
siècle. Il travaille à la lumière artificielle, au milieu des clients et pendant le
spectacle. Les couleurs vives sont posées en aplats sans nuances : elles
s’inscrivent dans les lignes d’un dessin ferme et expressif, l’angle de vision est
insolite et décentré. On peut citer en exemple : Aristide Bruant dans son
cabaret, 1892, affiche-lithographie, musée Toulouse-Lautrec, Albi ; La
Clownesse Chao-U-Kao, 1895, huile sur carton, 64 x 49 cm, musée d’Orsay,
Paris.
Peintre amateur, Henri Rousseau dit le Douanier se fait connaître grâce
aux toiles qu’il expose chaque année au Salon des Indépendants. Sa peinture
d’autodidacte est faite de dessin simple, la forme est claire et la couleur franche.
Il donne à la peinture naïve ses lettres de noblesse. Son tableau peint en 1907,
La Charmeuse de serpents, huile sur toile, 169 x 189 cm, musée d’Orsay, Paris,
est représentatif de son style.
Quant à Odilon Redon, il est considéré comme un peintre de référence par
les poètes symbolistes. Avec lui l’irréel, l’insolite se matérialisent dans des
dessins au fusain, puis dans des pastels, où les fleurs, les brumes vaporeuses
vibrent autour de visages énigmatiques et de sujets mythologiques d’une subtile
poésie.

75
Il y a enfin Gustave Moreau qui s’oppose à l’Impressionnisme et s’inscrit
dans un registre symboliste par l’importance qu’il donne à l’individu et la place
privilégiée qu’il accorde à l’ombre ainsi que par la facture lisse qu’il adopte.

2.2.3.4.6 – L’Art nouveau (1893-1914)

Le style Art nouveau est né en 1893. Il est issu d’une nouvelle richesse
industrielle, particulièrement marquée à Bruxelles et prônant l’artisanat d’art
pour la décoration intérieure et les innovations dans la construction métallique.
Il se caractérise par de longues courbes sensibles, qui rappellent les antennes
d’un insecte, un calice ou une fine flamme. La courbe est plusieurs fois enlacée
sur elle-même, elle est fluide et se fond dans les autres. Des courbes jaillissent
de tous les coins et couvrent asymétriquement toutes les surfaces disponibles. À
l’exposition universelle de 1900 à Paris, les stations de Métro signées Hector
Guimard, à l’extérieur de l’exposition, firent sensation.

En résumé, il est à retenir que dans le sillage de la révolution


impressionniste, parallèlement au mouvement ou le prolongeant, de nombreux
artistes isolés ou regroupés poursuivent la remise en cause des règles
académiques et ouvrent la voie à l’art moderne.

76
Planche 21 : La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, Paul Cézanne, 1885-
1887, huile sur toile, 60 x 73 cm, The Phillips Collection, Washington.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 89.

77
Planche 22 : Le Café de nuit, Vincent Van Gogh, 1888, huile sur toile, 70 x 89 cm, Yale
University Art Gallery, New Haven.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 417.

78
Planche 23 : Nafea Faaipoïpo (Quand te maries-tu ?), Paul Gauguin,
1892, huile sur toile, 101 x 77 cm, Musée des Beaux-arts, Bâle.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 416.

79
2.2.3.5- L’avènement de la photographie
2.2.3.5.1- Définition
Étymologiquement, le terme photographie vient du grec phôs, photos,
c'est-à-dire lumière et graphein, tracer. C’est l’art et la technique de fixer
durablement, par l’action de la lumière l’image des objets sur une surface
sensible (plaque, pellicule, papier, etc.). C’est aussi la reproduction de l’image
obtenue.
Joseph Nicéphore Niepce (1765-1833) est l’inventeur de la
photographie. Parti de la lithographie à laquelle il s’intéresse dès 1813, et qui est
introduite en France depuis le début du siècle, il réalise en 1822, ce qu’il est
convenu de considérer comme étant la première photographie du monde : une
nature morte constituée d’une table, d’une nappe et des fruits. Le cliché tiré sur
une plaque de verre, a disparu en 1920, heureusement qu’un fac-similé en a été
fait avant cette date par la Société française de photographie.
Le 14 décembre 1829, Jacques Daguerre (1787-1851) s’associe avec
Nicéphore Niepce qui meurt quelques années après, en 1833 précisément.
Daguerre, après avoir payé des droits d’exploitation de l’invention de
Niepce à l’héritier de celui-ci, met au point le premier appareil photographique
baptisé « daguerréotype », en 1838.
Le 15 Juin 1839, un groupe de députés dont François Arago (1786-1853)
propose à la Chambre (des députés) à Paris que l’Etat se rende acquéreur de
l’invention.
Le 15 août 1839, l’Etat français acquiert l’invention et rend le procédé
public au cours d’une séance à l’Académie des sciences.
En 1859 a lieu la première grande exposition publique de la
photographie à Paris.

2.2.3.5.2- La photographie et la peinture


L’avènement de la photographie a suscité de vives réactions dans les
milieux artistiques et littéraires. On peut rappeler ces propos pamphlétaires de
Baudelaire lors de la première grande exposition publique des images de cette
invention de Niepce et Daguerre, en 1859 à Paris. Il a réagi en ces termes :
« En matière de peinture et de statuaire, le credo actuel des gens du monde,
surtout en France… est celui-ci : je crois à la nature et je ne crois qu’à la

80
nature… L’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait
l’art absolu. Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut
son messie. Et alors elle se dit : « puisque la photographie nous donne toutes les
garanties désirables d’exactitude (ils croient cela les insensés !), l’art, c’est la
photographie ». A partir de ce moment, la société immonde se rua comme un
seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal… »4

L’écrivain et critique d’art français, Jules Husson Champfleury (1821-


1889), comme pour expliciter les propos de Baudelaire, écrit :
« Ce que je vois, entre dans ma tête, descend dans ma plume et devient ce que
j’ai vu… l’homme n’étant pas machine, ne peut rendre les objets
machinalement. Le romancier choisit, groupe, distribue, le daguerréotype se
donne-t-il tant de peine ? »5
Les artistes ne restent pas indifférents au nouvel art qu’est la
photographie. En 1862 le peintre Auguste Dominique Ingres fait signer par vingt
six autres le manifeste suivant :
« Considérant que la photographie se résume en une série d’opérations toutes
manuelles, qui nécessitent sans doute quelque habitude des manipulations
qu’elle comporte, mais que les épreuves qui en résultent ne peuvent, en aucune
circonstance, être assimilées aux œuvres, fruits de l’intelligence et de l’étude de
l’art, par ces motifs, les artistes soussignés protestent contre toute assimilation
qui pourrait être faite de la photographie à l’art ».6
Avec un recul historique, on se rend compte que la polémique suscitée
par l’irruption de la photographie dans le microcosme artistique n’est pas un
phénomène nouveau. La plupart des arts sont passés par cette phase
d’illégitimité avant d’atteindre à la légitimité par rapport à la culture officielle.
La phase intermédiaire, la légitimation, que certains appellent l’accrochage,
consiste pour tout art « refusé » à se définir par rapport à un autre qui est
officiellement accepté.
C’est à cette tâche que s’emploient les premiers photographes. En dépit
de la caricature de Daumier, Nadar, de son vrai nom Gaspard Félix Tournachon
(1820-1910) et d’autres adeptes du daguerréotype élèveront la photographie au
niveau de l’art (planche 24).

4
Baudelaire, cité par André Vigneau, Une Brève histoire de l’art, de Niepce à nos jours, Paris, Laffont, 1963,
p. 94.
5
J.H. Champfleury, cité par Gisèle Freund, La photographie en France au XIX e siècle, Paris, La Maison des
Amis des Livres, 1936, p.108.
6
Pétition signée par 26 artistes en 1862 à l’initiative du peintre Dominique Ingres pour s’insurger contre toute
considération de la photographie comme art.

81
Les thèmes jusqu’alors propres à la peinture seront leurs sujets de
prédilection : natures, paysage, nu, etc. Ils feront également leurs, les procédés
picturaux du clair-obscur et du modelé. La rigueur qui préside à la composition
des tableaux servira de modèle à l’image "mécanique". L’œil du photographe
s’identifie désormais à celui du peintre. Ce faisant, la photographie va finir par
élaborer son propre langage après avoir atteint à une légitimité incontestée.
Dominique Ingres se surprend à reconnaître dans les coulisses : « C’est à cette
exactitude que je voudrais atteindre, c’est admirable mais il ne faut pas le dire ».
On ne pouvait pas le dire parce que Charles Baudelaire continuait à voir dans la
photographie le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou
paresseux pour achever leurs études.
Aujourd’hui la photographie a acquis ses lettres de noblesse au point
d’influencer à son tour la peinture (Hyperréalisme américain). Elle a aussi ses
expositions et ses musées.
En écrivant à sa mère pour lui demander de se faire faire un portrait
photographique pour le lui envoyer et en indiquant à la fin de la lettre d’attendre
d’être à Paris pour se faire prendre en photo, car il n’y a qu’à Paris qu’on trouve
des photographes capables de réaliser des images suggestives comme des
dessins, Baudelaire reconnaît là implicitement que Nadar a effectivement réussi
à élever la photographie au niveau de l’art.

2.2.3.5.3- Aperçu historique


La photographie, (du grec phôs, phôtos, lumière, et graphein, tracer), art
de fixer, par l’action de la lumière, l’image des objets sur une surface sensible
(plaque, pellicule, papier, etc.) ; reproduction de l’image, n’apparaît au sens
moderne du mot qu’en 1816 mais sa préhistoire couvre plusieurs siècles.
L’appareil : la lumière du jour pénétrant par un petit trou aménagé dans
le mur d’une pièce obscure, projette sur le mur d’en face l’image inversée de
tous les objets placés à l’extérieur devant cet orifice. Quatre siècles avant J.C.,
Aristote avait déjà noté le phénomène en observant l’image écornée du soleil
pendant une éclipse.
Au XIe siècle le mathématicien arabe Al-Hazan, disciple de Ptolémée,
parle pour la première fois de la chambre noire.
1515 : Léonard de Vinci décrit la camara obscura dans tous les détails.

82
1550 : Jérôme CARDAN remplace le « petit trou » (sténopé) par une
lentille. Albrecht Dürer et les peintres de la Renaissance utilisent la chambre
noire pour dessiner avec exactitude la perspective de leurs tableaux. Après 1650
la chambre noire comporte des lentilles de différentes distances focales, devient
transportable. C’est déjà presque un appareil photo.
La surface sensible : l’action du soleil sur la coloration de certains corps
organiques était connue depuis toujours. L’architecte de Jules César, Marcus
Vitruve déconseillait aux Romains d’exposer leurs tableaux aux rayons du
soleil. Les architectes du Moyen Âge avaient constaté le noircissement des sels
d’argent exposés à la lumière et utilisaient la « lune cornée » (nitrate d’argent)
pour teindre l’ivoire, le bois, les cheveux. Au XIIIème siècle, le Suédois K.W.
SHELLE, l’Allemand J.H. SCHULTZE, le Suisse SENEBIER, le Français
J.A.C. CHARLES et l’Anglais Thomas WEDGWOOD étudièrent ces réactions
photographiques sans parvenir à fixer l’image de la chambre noire.
1814 : Joseph Nicéphore Niepce (1765-1833) ancien officier de la
Révolution, retiré à Saint-Loup de Varenne près de Chalon-sur-Saône, ignorait
tout des découvertes effectuées avant lui. Son abondante correspondance avec
son frère Claude, conservée au Musée de Chalon et à l’Académie des sciences
de l’URSS, fait état de ses recherches.
1816 : est la véritable date de l’invention de la photographie.
Niepce obtient ses premières images sur papier au chlorure d’argent qu’il réussit
à fixer à l’acide nitrique -mais les images sont négatives (lettre du 5 mai 1816).
Deux de ces négatifs existaient encore en 1865.
1822 : Niepce réalise des images à l’aide du bitume de Judée étendu sur
une plaque de verre (ce bitume normalement soluble dans l’essence de lavande
et le pétrole, devient insoluble là où il a été impressionné par la lumière). La
"vue d’une fenêtre" et la "table servie" sont les deux premières photographies
connues. Niepce inventa également la photogravure avec Le cardinal
d’Ambroise, La Sainte Famille.

Héliographie, nom donné par Niepce à la photographie, (du grec Hélios, soleil
et graphein, écrire).
14 décembre 1829 : Louis-Jacques-Mande Daguerre (1789-1851)
propriétaire du diorama, s’associe avec Niepce. Le texte du contrat
reconnaissait la paternité de l’invention à Niepce.

83
1833 : Mort de Niepce.
1839 : Sur proposition de François ARAGO, la Chambre des députés
vote la « loi sur la photographie ». L’État français acquiert l’invention par une
récompense nationale à Messieurs Daguerre et Niepce Fils, et rend la procédure
publique, au cours d’une séance à l’Académie des sciences.
Une aquarelle de Prosper Lafaye est le premier témoignage visuel sur
l’invention de la photographie. Dans le salon de Madame Irisson (au centre), les
peintres Horace Vernet (1789-1863) et Paule Delaroche (de son vrai prénom
Hyppolyte) (1797-1856) commentent le grand événement du jour. Ce dernier
déclare « La photographie est née, la peinture est morte ».
1838-1839 : D’autres chercheurs étaient aussi sur le chemin de la
découverte. Notamment :
- Le Français Hippolyte BAYARD (propriétés de l’iodure d’argent sur
papier. Procédé direct sans négatif) ;
- L’Anglais FOX TALBOT a donné le nom de calotype à son procédé
négatif papier. On dit aussi talbotype.
1842 : 1ère exposition de photographie au Musée et à la bibliothèque de
Nantes.
1855 : 1ère exposition de la photographie dans les locaux de la Société
française de photographie.

1856 : Manifeste des Réalistes : « L’art pour nous est chose réelle
existante, visible, palpable : l’imitation scrupuleuse de la nature ».
1859 : 1ère exposition publique de la photographie (la photographie entre
à l’exposition des Beaux-arts) [cf. propos de Baudelaire].
1860 : Le peintre David Octavius Hill, en collaboration avec Adamson,
utilisa la photographie pour composer un vaste tableau où figuraient deux cent
personnes.
1862 : Manifeste de Dominique Ingres contre la photographie.
1865 : Quelques jours avant Noël, Charles Baudelaire écrit à sa
mère : « je voudrais avoir ton portrait ; c’est une idée qui s’est emparée de
moi ». Et il poursuit : « il faudrait que je fusse présent. Tu ne t’y connais pas ».
Paradoxal car ces propos dénotent d’une intimité avec la photographie, or on sait
ceux qu’il a tenus lors du salon de 1859. Puis il donne sa définition d’un bon

84
portrait : "je voudrais que le visage eût au moins la dimension d’un ou deux
pouces. Il n’y a guère qu’à Paris qu’on sache faire ce que je désire, c’est-à-dire
un portrait exact, mais ayant le flou d’un dessin.
7 mai 1869 : Le même jour et à 600 Km de distance, Louis Ducos du
HAURON (1837-1920) et le poète Charles Cros (1842-1888) intervient chacun
de son côté le premier procédé de la photographie en couleur par trichromie.
Ainsi se trouvent vérifiées les théories trichromes énoncées par Jean
Christophe Le Blon en 1722 et Thomas Young en 18O2, théories elles-mêmes
issues de la découverte des 7 couleurs fondamentales par Isaac Newton en 1666.

À l’exposition universelle de 1900, la « chromophotographie » est reine


mais bien entendu on ne voit aucune photo où les couleurs figurent sur un seul
document (3 monochromes positifs superposés étaient nécessaires). Louis Ducos
du HAURON peut dire : « Le peintre n’a plus besoin d’une palette. Qu’il
commande au soleil ; le soleil, collaborateur soumis, donnera à ses œuvres la
couleur et la vie ».
Août 1881 : Edward Muybridge, sur invitation de Marey, présente à Paris
ses recherches sur les chevaux au galop.
1887 : Edweard Muybridge réalise sous forme d’ouvrage ses études sur
les animaux, « Animal locomotion ».
1888 : Georges Eastman commercialisa des pellicules d’abord sur papier
puis sur celluloïd transparent. Ces pellicules s’utilisent avec un Kodak, appareil
léger et simple. Début de la photo d’amateur pour tous.
1895 : Première projection publique de cinématographie des Frères
Lumière à Paris : naissance officielle du cinéma.
1908 : photographie en couleur (autochrome lumière).
Vers 1935 : couleur avec Agfa et Kodak.
1945 : Flash électronique.
De l’âge de la pierre taillée à celui de l’ordinateur, la photographie est
passée de la chambre noire au numérique.

85
En conclusion, il importe de rappeler qu’en 1839, à l’Académie des
sciences, Arago avait déclaré :
« Au reste, quand les observateurs appliquent un nouvel instrument à l’étude de
la nature, ce qu’ils en ont espéré est toujours peu de chose relativement à la
succession de découvertes dont l’instrument devient l’origine. En ce genre c’est
avec l’imprévu qu’on doit particulièrement compter ».7

Arago ne croyait pas si bien dire car « La photographie, affirmera plus


tard Robert de la Sizeranne, a dépassé les promesses de la science ; elle ne nous
avait promis que la vérité, elle nous a donné la beauté ».

7
Arago, cité par Gisèle Freund, Ibid. p. 28

86
Planche 24 : Nadar élevant la photographie à la hauteur de l’art, Honoré
Daumier, (lithographie extraite du journal Le Boulevard), 25 mai 1862,
Bibliothèque nationale de France, Paris.

Source : Alain Mérot, Ibid. p. 394.

87
CONCLUSION

Les XVème et XVIème siècles, comme on le voit, sont marqués en Europe


par un essor intellectuel et humaniste qu’il est convenu d’appeler Renaissance.
Et qui dit Renaissance sous-entend qu’il y avait mort ou, tout au moins,
décadence.

Le XVIIème siècle est marqué par trois grandes tendances artistiques : le


Caravagisme, le Baroque et le Classicisme. Du nom de son créateur, le peintre
italien Le Caravage, le Caravagisme utilise d’une manière expressive les
contrastes de couleurs, notamment les clairs-obscurs. Ayant pour souci principal
la recherche du plus de réalisme possible, les peintres caravagesques composent
aussi et surtout des motifs naturalistes puisés dans des scènes de la vie populaire.
Quant au Baroque, il se répand dans toute l’Europe catholique au cours du
XVIIème siècle. Les peintres baroques, au service des idées du Concile de Trente
et de la contre-réforme, diffusent l’image vibrante d’un christianisme ouvert sur
le monde et l’infini, à travers des compositions picturales dynamiques, suivant
des lignes diagonales, des formes plastiques faites de courbes et de contre-
courbes. Le Classicisme qui naît en Italie, connaît son apogée en France sous
Louis XIV dans la seconde moitié du XVIIème siècle. Il développe un nouveau
goût pour un idéal de rigueur, de pureté et de simplicité en opposition aux excès
du style Baroque. Les peintres, au service de la gloire royale, séjournent à Rome
et y découvrent les valeurs esthétiques de l’Antiquité gréco-romaine. Le siècle
qui suit, le XVIIIème, est celui du plus grand raffinement dans le portrait.

Au XVIIIème siècle, la vie culturelle se développe dans les salons, les cafés
et les clubs (et non plus à la cour comme sous Louis XIV). À partir de 1737,
dans le domaine des arts plastiques, seront régulièrement organisés en France
des salons de peinture et de sculpture. L’homme se fie à ses instincts, se sent en
harmonie avec la nature, se complaît dans ses particularités et cultive le
sentiment de sa différence. Le but de l’art n’est plus alors de convaincre, mais de
toucher et d’émouvoir. L’émotion devient l’élément central, celui qui lie les
hommes les uns aux autres, mais également qui unit l’homme à la nature. La
préoccupation majeure de l’homme devient la quête du bonheur. Deux
tendances artistiques se sont fait l’écho de cette vision des choses où l’individu
est en proie au sentiment douloureux de son incomplétude, aux passions fatales
et aux tourments de l’absence, c’est le Rococo et le Néoclassicisme. On voit en
effet s’esquisser des thèmes qui seront repris par la génération romantique au

88
début du siècle suivant : la nostalgie, la fuite du temps, l’amour et le souvenir, la
valorisation du Moi, etc.

Le XIXème siècle se caractérise par une accélération de l’histoire. La société


évolue au fil du siècle vers une société de classes. La bourgeoisie accède au
pouvoir, parallèlement le capitalisme se développe. Le prolétariat ouvrier voit le
jour avec la révolution industrielle. L’industrialisation a favorisé l’essor de la
pensée sociale et des idéologies. On assiste au développement du chemin de fer,
au progrès des moyens de communication, à la naissance et au développement
de l’électricité, à l’invention de la bicyclette, la voiture et même l’avion. Avec
Auguste Comte, la doctrine positiviste privilégie l’expérience scientifique et le
raisonnement comme fondement du savoir et comme source fondamentale du
progrès de l’humanité. En art, trois grands courants artistiques marquent le
siècle : le Romantisme, le Réalisme et l’Impressionnisme. Progressivement, l’art
se dégage de la représentation, de la qualité exécutive : il doit porter avec
sincérité la marque d’un esprit supérieur, exprimer des émotions. Le débat se
déplace ensuite sur le choix du sujet. On veut redonner de la dignité à des sujets
quotidiens ou triviaux. La vérité devient le critère déterminant au détriment de
l’élégance. Le fossé entre les artistes officiels (Salons) et les non-conformistes
(Salons des refusés) devient large et profond. Les derniers ne seront le plus
souvent reconnus qu’à titre posthume. Ils n’étaient à l’époque qu’une poignée
d’hommes solitaires à explorer des voies nouvelles. La photographie (première
exposition publique en 1859) et le cinéma (première projection publique des
Frères Lumières à Paris en 1895) viendront s’ajouter aux autres arts et
transformer le problème de la création.

89
III

L’ART MODERNE (DU DÉBUT DU XXème SIÈCLE


À LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE)

90
INTRODUCTION

L’histoire de l’art n’obéissait jusqu’à une date récente qu’à la doctrine


évolutionniste. Elle ne s’attachait qu’aux progrès réalisés dans la manière de
rendre la nature avec autant de vérité que possible. On croyait que l’humanité
avait besoin de milliers d’années pour arriver à dessiner correctement d’après
nature. On se souciait beaucoup moins de la volonté créatrice. Or, c’est de ce
côté que s’orientent, aujourd’hui plus que jamais, les études sur l’art.

L’école historico-culturelle, à l’encontre des doctrinaires évolutionnistes,


admet plutôt des variétés innombrables dans l’histoire de l’art qu’une évolution
enfermée dans une formule.

Les formes plastiques que proposent les artistes occidentaux dès le début
du XXème siècle corroborent les thèses des partisans de l’école historico-
culturelle. En effet, le XXème siècle s’ouvre avec l’éclatement des codes
traditionnels hérités de la Renaissance et jusqu’alors conservés dans leur
ensemble. L’art se renouvelle et toutes les formes d’expression deviennent
possibles.

Par ailleurs, le XXème siècle est celui de la mondialisation des échanges, en


particulier, des échanges culturels : ainsi, par exemple Pablo Picasso dépasse les
frontières européennes, comme les arts africains dépassent celles du continent
noir, et Andy Warhol et Jackson Pollock, celles de l’Amérique.

On assiste, dans la première moitié du XXème siècle, à plusieurs révolutions


au niveau du fait artistique : d’abord la révolution de la couleur initiée par
l’Expressionnisme et le Fauvisme dès le début du siècle, ensuite celle de la forme
sur l’instigation des cubistes, des futuristes et des adeptes de l’Art abstrait, enfin
celle du processus même de la création plastique avec le mouvement Dada et le
Surréalisme.

91
3.1 - LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR

Le début du XXème siècle coïncide avec celui de l’art moderne. Il est


marqué par une première grande révolution : celle menée au niveau de la
couleur avec l’Expressionnisme et le Fauvisme. Ces deux mouvements vont
donner à la couleur ses lettres de noblesse en en faisant un sujet de
représentation en soi.

3.1.1- L’EXPRESSIONNISME

3.1.1.1- Définition et historique


L’Expressionnisme est un mouvement qui s’est manifesté dans les
domaines de l’architecture, de la littérature, de la musique, du théâtre, du cinéma
et des arts plastiques. Il naît en Allemagne vers 1910 et se démarque nettement
de l’Impressionnisme. D’une part, il se refuse à reproduire le réel et, d’autre
part, cherche à s’éloigner de la logique et du rationalisme. Lotte Eisner,
paraphrasant Casimir Edschmid, théoricien du mouvement, écrit :
« L’Expressionisme réagit contre le dépècement atomique de l’Impressionnisme
qui reflète les chatoyantes équivoques de la nature, sa diversité inquiétante, ses
nuances éphémères ; il lutte en même temps contre la décalcomanie bourgeoise du
naturalisme et contre le but mesquin que poursuit celui-ci de photographier la
nature ou la vie quotidienne. Le monde est là, il serait absurde de le reproduire tel
quel, purement et simplement. L’homme a cessé d’être un individu lié à un devoir,
à une morale, à une famille, à une société ; la vie de l’Expressionnisme échappe à
toute logique mesquine et au ressort des causalités ». (Les Arts, Paris, Centre
d’Étude et de Promotion de la Lecture, 1978, p. 215-216).

L’Expressionnisme pictural révèle volontairement l’anxiété, extériorise une


réalité intérieure violente. Il se démarque des écoles de Paris et de toute la
tradition latine. Allemand et scandinave, il est un art nordique. Wilheim
Worringer dépeint le peintre expressionniste en avançant que pour celui-ci :
« Tout devient bizarre et fantastique. Derrière l’apparence visible d’une chose
rode sa caricature, derrière l’absence de vie d’une autre, une vie spectrale et
inquiétante et, de la sorte, toutes choses réelles deviennent grotesques ». (Ibid. p.
216).

Les artistes expressionnistes sont des individus isolés, en revanche, ils se


sont organisés dans certains centres : le premier groupe, die Brücke (Le Pont),
s’est constitué à Dresde en 1905, et le second, der Blaue Reiter (Le Cavalier
bleu) à Munich en 1911. À l’origine de cette tendance artistique, il y a d’une
part la révolte. En effet, comme dans tous les mouvements d’avant-garde, on
veut détruire une esthétique passéiste considérée comme dépassée et pourtant

92
toujours présente dans les salons. Il y a d’autre part un esprit nouveau qui rejoint
les préoccupations symbolistes à travers les thèmes : le nu dans la nature, le rejet
de la ville oppressante et tentaculaire, la société hypocrite et son absence de
communication, etc. Il y a aussi et surtout la découverte des arts d’Afrique et
d’Océanie dans lesquels les artistes pensent trouver l’élan pur et primitif qu’ils
recherchent. Par ailleurs, le peintre norvégien Edvard Munch et sa peinture
angoissée (planche 25), le Hollandais Vincent Van Gogh et sa touche
passionnée, sont pour eux des précurseurs, des pionniers.

Face aux tracasseries du pouvoir nazi qui voyait en eux les germes d’une
« dégénérescence », de nombreux artistes partent pour les Etats-Unis et c’est
l’interruption de l’Expressionnisme allemand, à partir de l’année 1925.

3.1.1.2- Caractéristiques

Du point de vue thématique, la peinture expressionniste reflète un monde


en crise. En effet les artistes expriment sans gêne la misère physique et morale,
l’érotisme et la mort. Ils peignent des sujets mystiques et, comme nous l’avons
dit plus haut, le nu dans la nature, le rejet de la ville oppressante et tentaculaire,
la société hypocrite, etc. Ils accordent la primauté au visage et négligent l’objet.
Quant à la technique expressionniste, elle consiste en l’organisation de la surface
à peindre en laissant souvent le support apparent. Les personnages sont disposés
au premier plan dans une composition fondée sur le contraste des formes et des
couleurs. Certains éléments anatomiques sont volontairement caricaturés,
exagérés pour mettre en évidence le drame. Les cernes délimitent les formes et
les arabesques accentuent l’émotion. Les couleurs violentes et les tons salis sont
dominés par le noir et le rouge. Les touches de pinceau sont apparentes à travers
des traces empâtées et rugueuses. Les expressionnistes affectionnent aussi la
gravure sur bois fondée sur des procédés à base de traits modulés et très
contrastés, sombres et torturés. Elle leur permet de traduire et de mettre en
exergue ce qu’ils portent et ressentent au plus profond d’eux-mêmes.
En architecture, ce mouvement se caractérise par l’utilisation du verre : il
faut, préconisent les architectes, une architecture de verre qui laisse entrer la
lumière du soleil, de la lune et des étoiles non seulement par quelques fenêtres,
mais par autant de murs que possible entièrement constitués de verre – et de
verre coloré.

93
3.1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives
Les précurseurs de l’Expressionnisme sont :
- Jérôme BOSCH (vers 1450-1516) ;
- Francisco GOYA (1746-1828);
- Caspard David FRIEDRICH (1774-1840);
- Paul GAUGUIN (1848-1903) ;
- Vincent Van GOGH (1853-1890) ;
- James ENSOR (1860-1949) ;
- Edvard MUNCH (1863-1944).
Les principaux artistes expressionnistes sont :
Allemagne :
Die Brücke :
- Emil NOLDE (1867-1956) ;
- Otto MUELLER (1874-1930);
- Ernst Ludwig KIRCHNER (1880-1938);
- Max PECHSTEIN (1881-1955);
- Erich HECKEL (1883-1970);
- Karl SCHMIDT-ROTTLUFF (1884-1976).
Der Blaue Reiter:
- Alexej Von JAWLENSKY (1864-1941) ;
- Vassili KANDINSKY (1866-1944, Français d’origine russe) ;
- Gabriele MÜNTER (1877-1962) ;
- Franz MARC (1880-1916);
- August MACKE (1887-1914).
Autriche :
- Oskar KOKOSCHKA (1886-1980) ;
- Egon SCHIELE (1890-1918).
France :
- Marc CHAGALL (1887-1985) ;
- Chaïm SOUTINE (1893-1943).

94
Les œuvres représentatives de l’Expressionnisme sont entre autres :
- Au Café, Emil NOLDE, 1911, Museum Folkwang, Essen ;
- Auto portrait avec modèle, Ernst Ludwig KIRCHNER, vers 1910, huile
sur toile, 150,4 x 100 cm, Kunsthalle, Hambourg ;
- Tête d’un violoniste, Erich HECKEL, 1907, gravure sur bois ;
- Repos dans l’atelier, Karl SCHMIDT-ROTTLUFF, 1910, Kunsthalle,
Hambourg ;
- Femme à la mèche, Alexej Von JAWLENSKY, 1913, Städtisches
Museum, Wiesbaden ;
- Improvisation, Vassili KANDINSKY, 1910, coll. privée ;
- Cri- paix-couleur rose, Vassili KANDINSKY, 1924, Wallraff- Richartz-
Museum, Cologne ;
- Petit rêve en rouge, Vassili KANDINSKY, 1925, coll. privée ;
- Cheval bleu, Franz MARC, 1911, coll. Privée ;
- Kairouan I, August MACKE, aquarelle, coll. privée ;
- Couple amoureux avec un chat, Oskar KOKOSCHKA, 1917, Kunsthaus,
Zurich ;
- Autoportrait, Egon SCHIELE, 1911, coll. privée ;
- La Fiancée, Chaïm SOUTINE, vers 1922, coll. W. Guillaume, Musée du
Louvre, Paris ;
- Paris par la fenêtre, Marc CHAGALL, 1913, Salomon R. Guggenheim
Museum, New York.

En résumé, on retiendra de l’Expressionnisme qu’il est un mouvement né


en Allemagne au début du XXème siècle. Il regroupe de fortes personnalités
d’intellectuels qui renient la notion de beau supposée chère à la bourgeoisie. Les
peintres usent d’un langage plastique suggestif ; ils gravent leur perception
angoissée du monde dans la couleur autant que dans le trait.

95
Planche 25 : Le Cri, Edvard Munch, 1893, tempera et pastel sur carton, 91 x 74
cm, Nasjonalgalleriet, Oslo.

Source : Alain MÉROT, (dir.) Histoire de l’art 1000 – 2000, Paris, Hazan,
1999, p. 420.

96
3.1.2- LE FAUVISME

3.1.2.1 - Définition et historique

C’est le critique d’art Louis de Vauxcelles qui est à l’origine du mot


« Fauvisme ». En effet, à l’occasion du Salon d’Automne de 1905, au milieu de
la salle où étaient rassemblées les œuvres de Matisse et de ses amis, anciens
élèves de l’atelier de Gustave Moreau à l’École des beaux-arts de Paris, ce
critique d’art, à la vue d’une statuette d’Albert Marquet réalisée dans un style
renaissant, s’écria : « Donatello chez les Fauves ! ». De cette boutade, le
qualificatif « fauve » qui convenait bien à l’art violent de ce groupe de peintres,
est resté. Le mot « fauvisme » devait apparaître un peu plus tard, pour désigner
et définir ainsi en termes de mouvement ce qui était depuis 1899 une dynamique
de recherche pour une dizaine de peintres aux individualités très fortes, groupés
autour de Matisse, qui refusera cependant d’être considéré comme chef de file.

A cette époque ont lieu des rétrospectives qui sont des révélations pour
ces jeunes artistes : Van Gogh chez Bernheim Jeune en 1901, puis au Salon des
Indépendants en 1905 et Cézanne au Salon d’Automne en 1904, 1905, 1907.
L’influence de Delacroix, Turner, Degas, Manet, Odilon Redon, Monet,
Gauguin et d’Edvard Munch, est également déterminante.

Bien que constitué de peintres français, le Fauvisme aura une portée


internationale, mais par son caractère expérimental, il est amené à disparaître
très tôt en faveur de voies nouvelles, s’éteignant ainsi vers 1908. Chacun
désormais cherche sa voie dans l’indépendance et la solitude retenant toutefois
du mouvement ses principes généraux.

3.1.2.2- Caractéristiques

Les sujets favoris des fauves sont : les paysages, les nus, les portraits.
Contrairement aux expressionnistes, ils expriment une certaine joie de vivre ; la
violence de leurs émotions est vécue dans le présent, dépourvue de tout aspect
visionnaire.

Les peintres fauves affirment l’autonomie de la couleur par rapport à


l’objet. Ce faisant, leurs techniques se caractérisent par une distorsion des
volumes, par le refus du ton local, c’est-à-dire les couleurs fidèles à la réalité. Ils
traitent les tableaux en aplats avec des couleurs pures, chaudes, mises en
contrastes puissants les unes avec les autres, traduction des émotions du peintre.
L’exaltation des couleurs vise à amplifier le choc éprouvé et recherché dans la

97
contemplation de la nature. Matisse déclare : « Il faut trouver des sensations
arbitraires permettant de signifier le monde réel » (planche 26).

La perspective n’est pas linéaire, elle est, selon Matisse, une « perspective
de sentiments », eu égard au rapprochement des plans, qui laisse transparaître la
présence de l’artiste (planche 27). L’influence de la sculpture d’Afrique et
d’Océanie se traduit par une schématisation, une plus grande simplification de la
peinture des fauves. En somme, on peut s’accorder avec Matisse pour spécifier
le mouvement fauve comme suit : « Des beaux bleus, des beaux jaunes, des
matières qui remuent le fond sensuel des hommes, c’est le point de départ du
Fauvisme, le simple courage de retrouver la pureté » (Ibid. p. 222).

3.1.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes fauves sont :

- Henri MATISSE (1869-1954) ;


- Georges ROUAULT (1871-1958) ;
- Henri Charles MANGUIN (1874-1949) ;
- Albert MARQUET (1875-1947) ;
- Maurice De VLAMINCK (1876-1958) ;
- Raoul DUFY (1877-1953);
- Kees Van DONGEN (1877-1968);
- Charles CAMOIN (1879-1964) ;
- Othon FRIESZ (1879-1949) ;
- André DERAIN (1880-1954) ;
- Georges BRAQUE (1882-1963).
Les œuvres représentatives du Fauvisme sont :
- Portrait de Madame Matisse à la raie verte, Henri MATISSE, 1905,
huile sur toile, 40 x 32 Cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague ;
- 14 juillet à Saint- Tropez, Henri Charles MANGUIN, 1905, coll.
Manguin, Gal. de Paris ;
- La Plage à Fécamp, Albert MARQUET, 1906, Musée National d’Art
Moderne, Paris ;
- Les Arbres rouges, Maurice De VLAMINCK, 1906, Musée National
d’Art Moderne, Paris ;
- La Rue pavoisée, Raoul DUFY, 1906, Musée National d’Art Moderne
Paris ;

98
- Printemps, Kees Van DONGEN, vers 1908, huile sur toile,
81 x 100,5 cm, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg (auparavant coll. S.
Chtchoukine) ;
- Portrait de Fernand Fleuret, Othon FRIESZ, 1907, Musée National
d’Art Moderne, Paris ;
- La Cathédrale Saint Paul, Londres, André DERAIN, 1906, coll. Perls
Galleries, New-York ;
- L’Estaque, Georges Braque, Musée National d’Art Moderne, Centre
Georges Pompidou, Paris.

Somme toute, il est à retenir que le Fauvisme rend manifestes les tendances
prédominantes de l’art moderne, à savoir l’autonomie de la couleur et
l’intervention des émotions du peintre comme composantes picturales. Les
expressionnistes et les fauves ont permis à la couleur d’être appréciée pour sa
valeur propre. Ils l’ont affranchie de l’objet, lui ont donné son autonomie, son
indépendance. C’est la première grande révolution artistique du XX ème siècle.
Les mouvements qui suivent vont s’intéresser au dessin, à la forme.

99
Planche 26 : La Femme au chapeau, Henri Matisse, 1905, huile sur toile,
80, 6 x 59, 7 cm, Museum of Modern Art, San Francisco.

Source: Jean-Louis FERRIER, Les Fauves, le règne de la couleur, Paris,


Pierre Terrail, 1992, p. 12.

100
Planche 27 : Trois personnages assis dans l’herbe, André Derain, 1906, huile
sur toile, 38 x 55 cm, Paris, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.

Source : Idem, p. 87.

101
3.2 - LA RÉVOLUTION DE LA FORME

Deux mouvements artistiques, à savoir le Cubisme et le Futurisme, par le


traitement de la forme, libèrent au début du XXème siècle le dessin de l’objet.
C’est la seconde grande révolution artistique du siècle que l’Art abstrait
poussera jusqu’à son stade suprême.

3.2.1- LE CUBISME

3.2.1.1-Définition et historique

Le Cubisme doit son nom au critique d’art Louis de Vauxcelles. En effet,


rendant compte d’une exposition de Georges Braque à la Galerie Kahnweiler, il
fut le premier à employer le mot ¨cube¨ dans la revue le Gil Blas du 14
novembre 1908, en y écrivant : « Monsieur Braque méprise la forme, il réduit
tout à des cubes ». Cependant, c’est le tableau de Pablo Picasso Les Demoiselles
d’Avignon, peint en 1907, (planche 28), qui est considéré comme l’acte de
naissance même du Cubisme. À l’origine du mouvement, il y a Paul Cézanne
(1839-1906) qui préconisait de représenter la nature par le cône, le cylindre, la
sphère, et dont une rétrospective a eu lieu en 1907. IL y a aussi la découverte des
masques et statuettes d’Afrique et d’Océanie.

L’évolution esthétique du Cubisme s’est faite en trois phases : la période


cézanienne (1907-1909) qui est marquée par l’influence de Cézanne et des arts
africains et océaniens ; la période analytique ou hermétique (1909-1912) qui
multiplie les angles de vue et fragmente le fond et le sujet. La palette est d’abord
celle de l’objet qui domine la composition, ensuite elle se simplifie, puis se
réduit à des tons de convention. Ce faisant, la gamme des gris et des ocres
envahit la surface au point de rendre la figuration illisible. La période
synthétique (1912-1914) intègre des éléments réels dans le tableau. Braque, dans
Compotier et verre, colle trois morceaux de papier sur un dessin au fusain en
1912. Quant à Picasso, il utilise une toile cirée dans Nature morte à la chaise
cannée, la même année (planche 29).

3.2.1.2- Caractéristiques

Dans la première période du Cubisme, les thèmes sont essentiellement les


paysages, les natures mortes et les portraits. Ils sont interprétés géométriquement
en référence à Cézanne. Le thème principal au cours de la seconde période est la
nature morte inspirée de l’univers des cafés et de la musique : les tables de

102
bistrot, les bouteilles, les verres, le journal, la pipe, la guitare, la clarinette et le
violon. La dernière phase du Cubisme est celle où les motifs imprimés des
produits manufacturés (papier peint, papier faux bois, etc.) puis les objets réels
assument la représentation pour éliminer le travail du pinceau.

Le Cubisme est défini en 1912 par Guillaume Apollinaire comme suit :


« L’art de peindre de nouvelles compositions avec des éléments formels
empruntés non à la réalité de la vision, mais à celle de la conception » (Ibid. p.
95).

Avec la technique des papiers collés, les cubistes redécouvrent la


perception tactile et sont stimulés par les sculptures de l’Afrique au Sud du
Sahara. En effet, lesdites sculptures comportent en général des objets surajoutés
(plumes d’oiseaux raphia, coquillages, écorces d’arbres battues, etc.). Ces objets
sont censés donner la force, la puissance au masque où à la statuette. Le nouvel
espace des cubistes dans lequel cohabitent éléments picturaux déstructurés et
objets réels se généralise et entraîne une série d’expérimentations. Ces
recherches associent à la fois les matériaux détournés et les effets de matières
qui jouent à imiter la réalité : collages de sable, pigments imprégnés de sciure.
Les deux catégories fusionnent et sont intégrées par des reprises au fusain ou des
touches de peinture, créant ainsi des prolongements de lignes ou des échos
plastiques.

Peut-être est-ce Guillaume Apollinaire qui avait vu juste lorsqu’il


présentait l’exposition des toiles de George Braque, le 9 novembre 1908 chez
Kahnweiler après qu’elles avaient été refusées par le jury du Salon d’Automne.
Apollinaire présentait ainsi ladite exposition :
« Qu’on ne vienne point chercher ici le mysticisme des dévots, la psychologie des
littérateurs ni la logique démonstrative des savants ! Ce peintre compose des
tableaux selon son souci absolu de pleine nouveauté, de pleine vérité » (Ibid. p.
94).

Ce qui a été ainsi dit de Braque s’applique incontestablement tous les


artistes de toutes les différentes phases du Cubisme.

3.2.1.3 - Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux peintres cubistes Sont :


- Pablo PICASSO (1881-1973) ;
- Georges BRAQUE (1882-1963) ;

103
- Juan GRIS (1887-1927) ;
- Fernand LEGER (1881-1951) s’oriente vers le cylindrisme ;
- Louis MARCOUSIS (Ludwig Markus, dit, 1878-1941) ;
- Henri Le FAUCONNIER (1881-1946) ;
- Albert GLEIZES (1881-1953) ;
- Jean METZINGER (1883-1957) ;
- Roger de la FRESNAYE (1885-1925) ;
- André LHOTE (1885-1962).
Les principaux sculpteurs cubistes sont :
- Alexander ARCHIPENKO (1887-1964) ;
- Constantin BRANCUSI (1876-1957) ;
- Ossip ZADKINE (1890-1967) ;
- Henri LAURENS (1885-1954) ;
- Raymond DUCHAMP-VILLON (1876-1918).

Les principales œuvres représentatives du Cubisme sont :

- Les Demoiselles d’Avignon, Pablo PICASSO, 1907, Museum of Modern


Art, New York (planchet 28);
- Homme à la mandoline, Pablo PICASSO, 1911, Musée Picasso, Paris ;
- Bouteille de vieux marc, verre et journal, Pablo PICASSO, 1912, Musée
National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris ;
- Route à l’Estaque, Georges BRAQUE, 1908, M.N.A.M., Centre
Georges Pompidou, Paris ;
- Le Guéridon ou Nature morte au violon, Georges BRAQUE, 1911,
M.N.A.M., C.G.P., Paris ;
- Compotier et Verre, Georges BRAQUE, 1912, collection particulière ;
- Le Petit déjeuner, Juan GRIS, 1915, M.N.A.M., Centre Georges
Pompidou, Paris ;
- Baigneuses, Albert GLEIZES, 1912, Musée d’Art Moderne de la ville de
Paris.

Somme toute, on retiendra que les cubistes révolutionnent l’art de peindre.


Ils décomposent les objets et les personnages dont ils éparpillent ensuite les
fragments sur toute la surface de la toile. Après 1912, ils expérimentent la
technique du collage au service d’une représentation synthétique de l’objet.

104
Planche 28 : Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso, 1907, huile sur toile, 244
x 234 cm, Museum of Modern Art, New York.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Histoire de la Peinture,


Paris, Hatier, 2000, p. 104.

105
Planche 29 : Nature morte à la chaise cannée, Pablo Picasso, 1912, huile sur
toile cirée sur toile et corde, 29 x 37 cm, Musée Picasso, Paris.

Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 443.

106
3.2.2- LE FUTURISME

3.2.2.1- Définition et historique

Mouvement d’avant-garde italien, le Futurisme naît officiellement avec la


parution d’un manifeste du poète Filippo Tommaso MARINETTI (1876-1944)
dans Le Figaro, le 20 février 1909 :
« Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté
nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile est plus belle que la Victoire de
Samothrace… détruisons les musées, ces cimetières » (Ibid. p. 226).

À l’origine du mouvement qui, comme son nom l’indique, se veut anti-


traditionaliste, il y a un rejet de l’académisme, du passéisme, de toutes les
valeurs consacrées. Tournés donc vers l’avenir, les artistes font l’éloge d’un
monde technologique prometteur : les découvertes scientifiques transformant la
vie moderne, doivent remplacer les anciennes iconographies. Ce courant se
développe en littérature, au théâtre, au cinéma, en musique, en architecture, en
sculpture et en peinture.

Le premier manifeste futuriste est suivi de beaucoup d’autres. Jamais


courant artistique n’a suscité de si nombreux écrits à savoir entre autres :

- Le Manifeste technique de la peinture futuriste, du 8 mai 1910 ;


- Le Manifeste de la sculpture futuriste, du 11 avril 1912 ;
- Le Manifeste des sons, des bruits et des odeurs, du 11 aout 1913.

3.2.2.2- Caractéristiques

Les futuristes, exaltant la civilisation industrielle, cherchent à exprimer


celle-ci par des thèmes et des techniques qui évoquent un monde en action, en
mouvement. Aussi déclarent-ils :
« Nous recherchons un style du mouvement. Le geste que nous voulons
reproduire sur la toile ne sera plus un instant fixé du dynamisme universel ; ce
sera la sensation dynamique elle-même. Le dynamisme universel doit être donné
en peinture comme sensation dynamique » (Ibid. p. 226).

Dès lors, les thèmes de prédilection des artistes ne peuvent être que les
moyens de transport, les gares, les rue, les signaux lumineux, en somme, tout ce
qui est lié à la ville et à ses activités.

Du point de vue de la technique picturale, les futuristes sont influencés au


départ par les impressionnistes et les néo-impressionnistes. Ils pratiquent

107
d’abord la juxtaposition des tons (larges aplats, petites factures divisionnistes)
avant de trouver dans le Cubisme les bases de leur système. Comme les cubistes,
les futuristes aussi décomposent l’objet, mais à la différence de ceux-ci qui le
reconstituent de manière statique, ils le recomposent simultanément, dans ses
phases successives de déplacement. La représentation du mouvement apparaît
ainsi par l’effet de simultanéité, comme l’ont exprimé les chronophotographies,
et par tous les procédés de composition dynamique qui traduisent la mobilité :
chevauchement des formes, opposition des rythmes heurtés, interpénétrations
des plans, etc. (planches 30 et 31) Dans cette peinture qui fait la synthèse de la
réalité de la vision et de celle de la conception, tout l’accent porte sur
l’irrationnel :
« Étant donné la persistance de l’image dans la rétine, les objets en mouvement se
multiplient, se déforment en se poursuivant comme des vibrations précipitées dans
l’espace qu’ils parcourent. C’est ainsi qu’un cheval courant n’a pas quatre pattes,
mais il en a vingt, et leurs mouvements sont triangulaires » (Le Manifeste
technique de la peinture futuriste du 8 mai 1910).

Ainsi, le Futurisme qui avait emprunté aussi les papiers collés au Cubisme,
retient l’effort de synthèse plastique de la forme et de l’espace et y ajoute
l’intensité des effets colorés et lumineux, aux fins de magnifier tout le
dynamisme de la vie moderne et des technologies nouvelles dans une sensation
de puissance et de mouvement.

L'architecture futuriste prit d'abord forme au début du XXe siècle


comme une architecture antihistorique et caractérisée par de longues lignes
horizontales suggérant la vitesse, le mouvement et l'urgence. La technologie,
mais aussi la violence, furent des thèmes importants du futurisme. Le
mouvement, fondé par le poète Filippo Tommaso Marinetti en 1909, attira
non seulement les poètes, musiciens et artistes en tout genre (comme
Umberto Boccioni, Giacomo Balla, Fortunato Depero ou Enrico Prampolini)
mais aussi un nombre important d'architectes. Le premier manifeste de
l’architecture futuriste fut écrit par Boccioni, mais il demeura inédit. Le
groupe accueillit ensuite Antonio Sant’elia qui, bien qu'ayant peu construit,
transcrivit la vision futuriste en un projet urbain audacieux.

108
3.2.2.3 - Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes, peintres et sculpteurs, futuristes sont au nombre de


cinq :

- Giacomo BALLA (1871-1958) recherche, dans les premières années,


l’expression directe du mouvement par une multiplicité de touches pointillistes
juxtaposées en dégradés.
- Carlo CARRA (1881-1966) n’a appartenu au mouvement que quelques
années. Son intérêt pour le Cubisme analytique l’a fait évoluer des
fragmentations de formes aux apports du collage.
- Umberto BOCCIONI (1882-1916) est à la fois sculpteur et peintre. Son
œuvre de théoricien n’est pas pour autant moins importante. Elle est concentrée
sur l’idée du dynamisme plastique. Ses sculptures étirent les personnages dans
l’espace par un développement exagéré des courbes et les oppositions de pleins
et de vides, (planche 32). Dans ses œuvres picturales, les lignes et les plans, la
lumière et la couleur créent un espace discontinu mais très structuré.
- GINO SEVERINI (1883-1966) s’installe à Paris dès 1906 et reste très
proche du Cubisme, ce qui ne l’empêche pas de réaliser des œuvres dans un
esprit de recherche très personnel.
- Luigi RUSSOLO (1885-1947) est à la fois peintre et musicien, il invente
une machine qui produit toute sorte de son.

À ces cinq pionniers, on peut ajouter les noms d’autres artistes qui ont
flirté un tant soit peu avec le Futurisme. Ce sont : Mario SIRONI (1885-1961),
Giorgio MORANDI (1890-1964), Ottone ROSAI (1895-1957) et Enrico
PRAMPOLINI (1896-1956).

Les œuvres représentatives du Futurisme sont entre autres :

- Petite fille courant sur un balcon, Giacomo BALLA, 1912, Musée d’Art
Moderne, Milan ;
- Cavalier à Cheval, Carlo CARRA, 1915, coll. G. Mattioli, Milan ;
- La Mère, Umberto BOCCIONI, 1912, coll. G. Mattioli, Milan ;
- Formes uniques de continuité dans l’espace, Umberto BOCCIONI,
1913, sculpture, Musée d’Art Moderne, Milan ;
- Le Canon en action, Gino SEVERINI, 1915, coll. P. Guarini, Milan.

109
Malgré tous les écrits et déclarations ou, peut-être, à cause d’eux, la
révolution futuriste semble n’avoir qu’une portée superficielle, car la mise en
œuvre formelle passe par un certain nombre de procédés plastiques qui n’ont
rien de novateur : l’éclatement des formes, comme nous l’avons dit plus haut,
est une résurgence du Cubisme, et la technique par touches ne fait qu’exploiter
le pointillisme de Georges Seurat. En outre, les tendances à l’abstraction et au
dadaïsme, à un moment donné, ont abouti sinon à un déviationnisme, du moins à
une limitation de la portée du Futurisme. Toutefois, ce mouvement n’en a pas
moins marqué l’histoire de l’art du XXème siècle. Il a le mérite d’avoir semé, à
travers les thèmes et l’iconographie, le goût du modernisme en Italie, alors, sous
l’emprise de l’académisme. Par ailleurs, il a révélé, même en dehors de ce pays,
l’importance des notions d’espace et de simultanéité pour l’art moderne, avant
de s’éteindre définitivement en 1917.

110
Planche 30 : Nu descendant un escalier no 2, Marcel
Duchamp, 1912, huile sur toile, 147,3 x 88,9 cm, Museum of
Art, the Louise and Walter Arensberg Collection,
Philadelphie

Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 446.

111
Planche 31: Le Canon en action, Gino Severini, 1915, coll. P. Guarini, Milan.

Source: Gaston DIEHL, La Peinture moderne dans le monde, Paris,


Uffucipress, 1966, p. 66.

112
Planche 32 : Forme unique de continuité dans l’espace, Umberto
Boccioni, 1913, bronze, 101,2 x 86,3 cm, collection particulière,
Rome.

Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 445.

113
3.2.3- L’ART ABSTRAIT

3.2.3.1- Définition et historique

À la suite de l’Expressionnisme, du Fauvisme, du Cubisme et du


Futurisme, la peinture s’écarte définitivement de la description d’une nature
existante. Elle refuse la copie et la figuration du monde extérieur. Le peintre
organise la peinture pour sa propre qualité et sa propre valeur d’expression.
Libérée de l’imitation, la surface de la toile devient le sujet du tableau. L’artiste
utilise librement les formes et les couleurs pour exprimer ses sentiments et ses
sensations, pour traduire son paysage intérieur. Cette peinture, qui n’a de
référent qu’elle-même, relève de l’art abstrait. L’art abstrait naît avec la
première aquarelle du Russe Vassili KANDINSKY. Réalisée en 1910 à
MURNAU en Bavière, cette peinture est sans relation avec les apparences du
monde extérieur. Le peintre raconte lui-même les circonstances dans lesquelles
l’idée lui est venue de se libérer de l’objet :
« Un jour que j’étais à Munich, explique-t-il, j’ai eu une expérience hallucinante.
C’était au crépuscule, je venais de rentrer chez moi (…), mon regard se posa sur
un tableau d’une beauté indescriptible qui était imprégné d’une lumière
intérieure. Pendant un moment, je restai saisi, puis rapidement j’allai vers cette
peinture énigmatique dans laquelle je ne pouvais voir que des formes et des
couleurs dont le contenu m’était incompréhensible. Ma réponse de l’énigme vint
immédiatement : c’était l’un de mes tableaux couchés sur le côté, contre le mur
(…) alors je sus pour de bon que le sujet portait préjudice à mes tableaux ».

Kandinsky ayant tiré la conclusion que les objets nuisent à sa peinture,


dira : « Il faut éliminer l’objet, cet obstacle » (R. Bordier, 1978, p. 123). Si
Kandinsky est le premier peintre abstrait, il ne faut cependant pas perdre de vue
que certaines tentatives de Francis PICABIA datent de 1909. Il est à noter aussi
que dès 1909, les cubistes détruisaient l’objet et le reconstruisaient autrement,
improvisant librement les formes plastiques sans tenir compte de la réalité
objective. Ils ont découvert ainsi implicitement l’inutilité de l’objet et passent
donc pour être les précurseurs de la peinture abstraite. En réalité, ils ne rejetèrent
pas entièrement l’objet, seulement ils ne se laissèrent pas dominer par lui. Force
est de constater que l’attitude de l’artiste à l’égard du modèle, pour ou contre le
réel, fut toujours contradictoire : « Il ne s’agit pas de faire une belle femme, il
s’agit de faire une belle sculpture » fait dire Roger Bordier à Aristide Maillol
(1861-1944), (Idem, p. 125), avant de deviner la réponse d’un artiste abstrait à
ce propos : « Dans ces conditions, même la femme est de trop » (Ibid. p. 125).

114
Frantisek Kupka (1871-1957) qui peint, vers 1912, sa première œuvre
abstraite, affirme que l’œuvre d’art doit être composée d’éléments inventés.
C’est dire que pour les abstraits, l’art n’a pas de modèle, ou devient alors son
propre modèle. Il se suffit à lui-même. Il tient tout entier dans sa seule écriture,
hors de toute représentation du monde. Mais si les artistes sont d’accord sur un
point fondamental qui est la primauté de l’élément plastique isolé de recours au
sujet, au motif, aux aspects extérieurs, des personnalités, des tempéraments se
distinguent par rapport aux principes d’école, ou mieux, constituent chacun son
école. Né au début du XXème siècle (1910), l’Art abstrait s’épanouit sous
différentes formes tout au long du siècle jusqu’à nos jours. Ces différentes
approches peuvent être regroupées suivant quatre périodes.

3.2.3.2- Les pionniers (1910-1920)

La première période de l’Art abstrait est marquée par les fondateurs de


ladite tendance.

3.2.3.2.1- Vassili KANDINSKY (1866-1944)

Le peintre anime les surfaces de ses tableaux à travers un double système


d’éléments graphiques décalés et indépendants l’un par rapport à l’autre,
modifiant ainsi la relation figure-fond (droites et courbes noires, et formes
couleurs), (planches 33 et 34). Il utilise parfois le tire-ligne et le compas. Il
choisit des titres non référentiels pour ses tableaux – Impressions,
Improvisations, Compositions – qu’il ne distingue que par numérotation
chronologique. « Toute œuvre, écrit-il dans Du spirituel dans l’art, naît,
techniquement, comme est né le cosmos – par des catastrophes qui, du
hurlement chaotique des instruments, finissent par former une symphonie, la
musique des sphères » (1912).

3.2.3.2.2- Piet MONDRIAN (1872-1944) et le Néoplasticisme

La règle du Néoplasticisme, telle qu’énoncée par le peintre néerlandais,


Mondrian, exige l’emploi de formes rigoureusement abstraites et géométriques
fondées sur l’orthogonalité des lignes ainsi que le traitement lisse, sans
empâtements et en aplats des couleurs pures fondamentales (le jaune, le bleu, le
rouge), associées aux couleurs neutralisantes : le noir, le blanc, le gris. Ainsi
toute notion de subjectivité et donc de dynamisme, de mouvement et de
profondeur, est écarté. L’équilibre des lignes horizontales et verticales, de la
couleur et des non-couleurs, permet la création d’une beauté nouvelle, non

115
dépendante de celle de la nature, (planche 37). Ses premiers tableaux abstraits
datent de 1913. En novembre 1918 paraît le premier manifeste du
Néoplasticisme signé notamment par le peintre et écrivain, et compatriote de
MONDRIAN, Théo Van DOESBURG (1883-1931), le peintre et sculpteur
belge Georges VANTONGERLOO (1966-1965).

3.2.3.2.3 - De Stijl (1917-1932)

Le mouvement De Stijl est né en 1917 aux Pays-Bas. Sa naissance est


associée à la création d’une revue baptisée De Stijl, sous l’impulsion de Théo
Van Doesburg avec la participation active de Piet Mondrian. La revue est un
organe du Néoplasticisme, elle perdure jusqu’en 1932. Le groupe, qui réunit des
artistes comme le peintre Bart Van der Leck, ainsi que des designers et des
architectes, tel Gerrit Rietveld, publiera plusieurs manifestes. C’est au travers du
cubisme que Mondrian a perçu cette nouvelle voie qu’est l’abstraction radicale.
L’artiste était premièrement passé par une phase impressionniste, comme son
complice Van Doesburg avait exploré les chemins du fauvisme. Ces deux
hommes défendent une vision utopique de l’art, dans un climat européen
confronté à la Première Guerre mondiale. Où peut se situer la beauté, à l’heure
où le monde se déchire ? En fondant un langage plastique universel, qui briserait
toute tendance individualiste, les deux artistes souhaitent aussi réconcilier
l’esprit et la nature, cette vérité dissimulée derrière des impressions toujours
fugitives. Le vocabulaire plastique de De Stijl est rigoureux : lignes droites,
couleurs primaires… Seules les combinaisons de lignes ou de volumes verticales
et horizontales sont autorisées. Les artistes ambitionnaient deux choses :
supprimer la subjectivité et s’abstraire de la représentation du réel. Ils étaient
aussi motivés par la recherche de la perfection, perçue comme un synonyme de
la beauté. De Stijl s’est traduit dans l’architecture, la décoration, le mobilier
ainsi que la mode. Van Doesburg disait trouver son inspiration dans le monde
moderne : les trains, l’aviation, les gratte-ciels. Mais le divorce s’amorce avec
Mondrian dès le début des années 1920, au sujet de la possibilité d’introduire
dans les toiles des lignes diagonales.

3.2.3.2.4- Kazimir Severinovitch MALEVITCH (1878-1935)


et le Suprématisme

Né à Kiev, Malevitch y fait ses études à l’Académie des Beaux-arts. En


1912, sa peinture est marquée par le Fauvisme, le Cubisme et le Futurisme. En

116
1913, il expose son tableau Carré noir sur fond blanc. A cette forme
d’abstraction géométrique, il donne le nom de « Suprématisme ». En 1915, il
publie à Saint-Pétersbourg, le Manifeste du Suprématisme et en 1916, expose
ses théories dans un essai intitulé Du Cubisme et du Futurisme au
Suprématisme. Il affirme l’autonomie de la forme abstraite et géométrique. Le
cercle, le carré, le rectangle, etc., se touchent, se superposent ou s’ignorent. En
1919, il peint son fameux tableau Carré blanc sur fond blanc. C’est le stade
suprême de l’abstraction. Il joue ici avec la relation du blanc sur blanc (cosmos,
espace infini) pour évoquer la forme (peinture) par la seule inclinaison des coups
de pinceaux posés différemment : « Le carré est le symbole de la révolution ou
de la sensation pure et, à la fin, du néant ».

3.2.3.2.5- Paul KLEE (1879-1940)

Il est influencé par les lumières de la Méditerranée après un voyage en


Tunisie : « La couleur et moi ne faisons plus qu’un, je suis peintre », écrit-il en
1914. Klee s’oriente donc vers l’abstraction en disposant et en organisant un
réseau d’idéogrammes, de signes et de formes graphiques sur des fonds colorés
doux et sensuels, (planche 35). Professeur à l’école du Bauhaus, il est persécuté
par les nazis et est obligé de quitter l’Allemagne pour se réfugier en Suisse où il
meurt en 1940.

3.2.3.2.6- Robert DELAUNAY (1885-1941) et l’Orphisme

Par l’opposition des couleurs pures complémentaires, et celles des tons


froids et chauds, Delaunay peint des tableaux qui suggèrent un mouvement
perpétuel et les évolutions de la lumière en réseaux de lignes circulaires,
(planche 36). Guillaume Apollinaire qualifie cette peinture d’« orphisme ». Ce
terme désigne, selon lui, une abstraction purement imaginaire, dérivée du
Cubisme, mais rendue lyrique par l’emploi de couleurs pures appliquées selon le
principe du contraste simultané, ou par des analogies avec la musique. Sa
femme, Sonia Delaunay-Terk, également peintre, travaille dans le même
registre.

3.2.3.3- Diffusion de l’abstraction en Europe (1920-1930)

À partir des années 1920 et même peu avant, jusque dans les années
trente, de nouvelles formes d’abstraction foisonnent en Europe.

117
3.2.3.3.1- Le Vorticisme en Angleterre

Ce mouvement est fondé en 1914 en Angleterre par Percy Wyndham


Lewis (1882-1957). Le terme vorticisme est utilisé par le poète Ezra Pound. Il
est issu de vortex, « tourbillon », (lieu où naissent les émotions). Ce mouvement
cherche à se démarquer du Futurisme britannique et du Cubisme par un
rayonnement de lignes évoquant un mouvement giratoire. Les peintres
Christopher N. Nevinson Edward Wadsworth et David Bromberg (1890-1957)
sont des adeptes du Vorticisme.

3.2.3.3.2- Le Rayonnisme

Mikhaïl LARIONOV (1881-1964) fonde à Moscou vers 1909, le


Rayonnisme. Ce mouvement s’éteint en 1915. Le Manifeste du Rayonnisme est
publié en 1913. Il est signé par onze artistes. Larionov et sa compagne, le peintre
Natalia Gontcharova (1881-1962) s’inspirent de sujets de la vie moderne. Ces
sujets éclatent en faisceaux de couleurs aux angles aigus et deviennent
quasiment abstraits. Ils affectionnent les couleurs pures : rouges, bleus, jaunes.

3.2.3.3.3- Le Constructivisme

Mouvement russe d’avant -garde (1913-1922) animé par les frères


Antoine Pevsner (1886-1962) et Naum GABO (1885-1953), le Constructivisme
est présenté dans le « Manifeste réaliste » publié en 1920. Il est écrit dans ledit
Manifeste :
« Nous nions le volume comme expression spatiale. La profondeur est l’unique
forme d’expression de l’espace. Nous rejetons la masse (physique) comme
élément plastique. Nous annonçons que les éléments de l’art ont leur base dans
la rythmique dynamique ».

Gabo et Pevsner vont aller au-delà de la sculpture pour concevoir une


expression totale et unique, (planches 38 et 39) : « Nous nous sommes engagés,
écrira Pevsner, dans des recherches nouvelles dont l’idée directrice est la quête
d’une synthèse des arts plastiques : peinture, sculpture et architecture » (Les
Arts, op cit. p. 88).

Le Constructivisme, dans l’architecture soviétique, s’inscrit parmi les


effets secondaires de la révolution de 1917. Les architectes et les artistes de cette
tendance voulaient instaurer une nouvelle architecture au service de la culture
prolétarienne qui s’esquissait. Ils transposèrent leur idéal de progrès social dans

118
une nouvelle théorie de l’architecture et du design, sur la base de l’idéologie
révolutionnaire et en rejetant les traditions nationales.

3.2.3.3.4 – Le style Art déco (début XXe siècle-vers 1930)

Le style Art Déco se caractérise par une production artisanale et de


l’architecture moderne de façons très diverses et contemporaines. Les objets de
décoration sont élégants et se caractérisent par la pureté de leurs lignes mais
aussi des formes, par des motifs géométriques, parfois d’inspiration exotique ou
historique, ainsi que par des matières nobles. L’abréviation Arts déco remontent
à l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes,
organisée à Paris en 1925. Le degré d’exagération figurative du mouvement
répondait au goût personnel et à l’architecture concernée. Il fut donc accueilli
avec ferveur à Hollywood, où l’on construisit de nombreux cinémas dans ce
nouveau style.

3.2.3.3.5 - Le Bauhaus (1919-1933)

Le Bauhaus est une école d’art et d’architecture dont le premier directeur


fut Walter Gropius. Désireux de réformer l’enseignement artistique (il voulait
accorder un rôle de premier plan à l’architecture), Gropius réussit à créer une
école d’art unique en 1919 à Weimar, en Allemagne, baptisée Bauhaus (maison
du bâtiment). Elle est le résultat de la fusion entre l’école des Beaux-Arts de
Weimar et celle d’artisanat, fondée par Henry van de Velde. L’une des
innovations est l’introduction d’un Vorkurs (cours préparatoire) pour tous les
participants. Le Bauhaus, fermé en 1932, le dernier directeur, Ludwig Mies van
der Rohe, poursuivit l’enseignement encore un an à Berlin dans un institut privé.
Les principes du Bauhaus ont profondément marqué l'esthétique
contemporaine ; un grand nombre d'écoles et d'universités adoptèrent ses
méthodes d'enseignement, comme l'industrie ses conceptions. La plupart de ses
maîtres et de ses anciens élèves, accueillis par les États-Unis peu avant 1939,
continuent à influencer l'art moderne.

Au cours des années 1930, l’abstraction devient un phénomène de mode


grâce aux écrits des pionniers. De nombreux groupes se forment auxquels
adhèrent les artistes à travers l’Europe. Ce sont entre autres : Cercle et Carré, Art
Concret, Abstraction-Création.

119
Planche 33 : Improvisation VII, Vassili Kandinsky, 1910, huile sur toile,
131 x 97 cm, Gallerie Tretiakov, Moscou.

Source : Kandinsky, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1994, PL. 24.

120
Planche 34: Dur et mou, Vassili Kandinsky, 1927, huile sur toile, 100 x 50 cm,
The Museum of Fine Arts, Bostom.

Source: Idem, PL. 59.

121
Planche 35 : Nuit bleue, Paul Klee, 1937, gouache sur toile de coton montée sur
toile à sac, 50,3 x 76,4 cm, Öffentliche kunstsammlung, Bâle.

Source : Klee, Paris, Les Éditions Cercle d’Art, 1995, PL. 51.

122
Planche 36 : Hommage à Blériot, Robert Delaunay, 1914, Coll. Particulière,
Paris.

Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 75.

123
Planche 37: Tableau I, Piet Mondrian, 1921, coll. Müller Wickmann, Bâle.

Source: Gaston DIEHL, Ibid. p. 92.

124
Planche 38: Vision spectrale, Antoine Pevsner, 1959, bronze oxide.

Source: Histoire visuelle de l’art, Paris / Bruxelles, Elsevier


Séquoia, 1979, p. 282 (PL. 4).

125
Planche 39 : Construction linéaire dans l’espace no 2, Naum Gabo, plastique et nylon.

Source : Ibid. p. 282 (PL. 5).

126
3.3 - LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE

Le mouvement Dada et le Surréalisme sont deux expériences artistiques


totales : littérature, poésie, peinture. Elles contestent et remettent en cause les
valeurs traditionnelles de l’art : Dada est un cri de révolte contre l’ordre
bourgeois, le Surréalisme conteste les conventions esthétiques.

3.3.1- LE MOUVEMENT DADA

3.3.1.1- Définition et historique

Le 08 février 1916, le poète roumain Tristan TZARA (1896-1963) lance à


Zurich, au Café Voltaire, le mouvement Dada. Il a trouvé le nom du mouvement
en ouvrant un dictionnaire au hasard. Le mouvement est baptisé en pleine guerre
mondiale (1914-1918) et s’insurge contre des principes de civilisation au nom
desquels tant de massacres sont perpétrés et qui continuent pourtant de s’appeler
raison, logique, humanité, culture, science, traditions, etc. En ce qui les
concerne, il s’agit désormais de mettre en relief l’effondrement de la société et
des valeurs occidentales en n’organisant que des manifestations fondées sur le
défi au « bon goût », la gratuité pure, le scandale. Ils rejettent l’art, la pensée et
ne trouvent désormais concevables que les pseudo-fêtes dont le spectateur devra
sortir ahuri, déçu et furieux.

Le 02 mars 1918 est publié à Zurich le Manifeste dada de Tzara, et un


mois plus tard, à Berlin, le Manifeste dadaïste que signeront Tzara, Franz Jung,
George Grosz, Marcel Janco, Richard Hülsenbeck, Gérard Preisz, Raoul
Hausmann. Mais avant d’être baptisé et constitué en mouvement, le dadaïsme
était un état d’esprit qui se répandait partout simultanément à New York avec
Francis Picabia (1879-1953) et Marcel Duchamp (1887-1968), à Paris avec Jean
Arp (1887-1966) et Man Ray (1887-1968), à Cologne avec Max Ernst (1891-
1976) et à Berlin avec Raoul Hausmann (1886-1971), Hannah Höch (née en
1889), John Heartfield (1891-1968) et Georges Grosz (1893-1959).

En 1920, est organisée la première et dernière foire internationale dada où


sont offertes à la raillerie du public 147 pièces. Cette date correspond par
ailleurs à la dissolution de Dada-Cologne par les autorités. En 1922, a lieu à
Weimar le congrès dada qui est le prélude à la disparition totale du mouvement.

127
3.3.1.2- Caractéristiques

Les dadaïstes remettent en question les limites de la représentation


artistique. Ils renient toutes les références culturelles au passé, rejettent toutes
les normes esthétiques. Sans style propre, ils relèvent, dans leur expression
plastique indifféremment de l’Expressionnisme ou de l’Abstraction. Leurs
trouvailles les plus typiques se firent dans le domaine du photomontage.
L’expérience la plus originale est celle de Marcel Duchamp avec ses fameux
ready-made. La négation de l’art devient alors la connaissance de l’art : l’artiste
n’intervient plus du tout pour créer, façonner ; au contraire il désigne, il choisit
ce qui par d’autres, a été façonné.

En 1913, Marcel Duchamp signe son premier ready-made avec un objet


composé d’une roue et d’une fourche de bicyclette montée sur un tabouret et, en
1917, avec un urinoir dressé verticalement sur une base qu’il envoya au Salon
des Indépendants de New York, et qui, bien entendu, fut refusé. Le jury lui
opposa que son urinoir qu’il avait baptisé Fontaine et signé Richard Mutt, du
nom d’un entrepreneur de sanitaire, était immoral. Par ailleurs, il a estimé qu’on
ne pouvait, en aucun cas, parler d’œuvre d’art puisqu’il s’agissait d’un ustensile
fabriqué en grande série. En effet, l’art, tel que communément accepté, exige
avant tout une technique, une pensée, des dons tout à fait particuliers, et dès lors,
des individus exceptionnels. Il ne saurait être produit par des travailleurs
quelconques, anonymes dans l’usine ou l’atelier.

Avec cette promotion de l’objet proprement dit, ce qui apparaît toutefois


c’est encore moins une mise en cause de l’art que de l’artiste lui-même. Ce
dernier abandonne son rôle, détruit son personnage, et bien qu’il cesse alors de
se prendre au sérieux, se découvre plutôt une mission. En renonçant au « faire »
il montre à ses semblables que nul n’est artiste et que tout le monde l’est.
« Merde à la beauté », dira le peintre et architecte roumain Marcel Janco avant
de se demander : « qui diable en ces jours d’effondrement croyait encore aux
« valeurs éternelles », aux « conserves » du passé, aux académies, aux écoles
d’art ? » (L’Art, op cit, p. 98). Cependant l’artiste demeure un privilégié car il
est celui qui révèle une vérité jusqu’à ce jour insoupçonnée. Kurt Schwitters
(1887-1948), peintre, illustrateur, photographe, se joint aux dadaïstes dès 1917,
rencontre Arp à Berlin en 1918, et conservera des liens étroits avec lui toute sa
vie. Mais il cherche une voie plus individuelle (ses réalisations sont faites à
partir de déchets-morceaux de papier, bouts de bois qu’il ramasse dans les rues).

128
3.3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux adeptes du mouvement Dada sont :

- Francis Picabia (1879-1953) compose des œuvres mécanomorphes


jusqu’en 1922 ;
- Raoul Hausmann (1886-1971) crée le photomontage. Il est peintre et
écrivain de nationalité tchèque ;
- Kurt Schwitters (1887-1948) abandonne les matériaux traditionnels de la
peinture en 1918 et assemble les éléments de rebut dans ses œuvres ;
- Marcel Duchamp (1887-1968) crée en 1913 le « ready-made » qui
rejette la nécessité de la technique pour s’exprimer en art ;
- Jean ou Hans Arp (1887-1966), plasticien et poète français, ses peintures
et collages naissent du hasard et de l’imagination ;
- Hans Richter (1888-1976) s’associe aux dadaïstes de Zurich ;
- Man Ray (1890-1976), peintre et photographe américain, invente le
« rayogramme » et pratique le collage ;
- John Hearfield (1891-1968) développe à Berlin un art militant antinazi ;
- Max Ernst (1891-1976), peintre français d’origine allemande, anime le
groupe Dada de Cologne ;
- George Grosz (1893-1959), peintre américain d’origine allemande,
anime Dada à Berlin.

Des œuvres représentatives du mouvement Dada on peut retenir entre


autres :
- Manifeste Dada, L.H.O.O.Q., Marcel Duchamp, 1919, ready-made
rectifié - Reproduction de la Joconde à laquelle l’artiste a ajouté barbe et
moustache au crayon, 19 x 12 cm, Musée National d’Art Moderne, Centre
Georges Pompidou, Paris ;
- Ready-made-Fontaine, Marcel Duchamp, urinoir renversé, 63 x 48 x 35
cm, New York ;
- Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 95,5 x 73 cm,
Martin G. Newmann Collection, Chicago, (planchet 40) ;
- L’Enfant carburateur, Francis Picabia, 1919, Musée Guggenheim, New
York;
- Construction pour dames nobles, Kurt Schwitters, 1922, collage,
Country Museum of Art, Los Angeles.

129
En résumé, Dada est un cri de révolte contre l’ordre bourgeois. Refusant les
gestes et les outils de la peinture, les peintres dadaïstes adoptent un principe de
provocation artistique, de négation de l’art. Le mouvement vise à détruire le
savoir-faire traditionnel du peintre et à briser les conventions de l’ordre
artistique bourgeois.
André Breton et ses amis, qui étaient restés jusqu’en 1919 assez ignorants
de l’activité dadaïste, vont reconnaître dans le Manifeste Dada 1918 de Tzara
une inquiétude semblable à la leur et partageront sa conviction de la nécessité
d’un « grand travail négatif à accomplir ». Le Surréalisme est en gestation.

130
Planche 40 : Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 96,5 x
73 cm, Martin G. Neumann Collection, Chicago.

Source: Alain MÉROT, Ibid. p. 448.

131
3.3.2- LE SURRÉALISME

3.3.2.1- Définition et historique

En 1921, à Vienne (Autriche), le poète français André BRETON (1896-


1966) rencontre Freud qu’il interroge sur les possibilités de libération du
psychisme profond par les activités automatiques. Parallèlement, il milite à Paris
aux côtés de Louis ARAGON (1897-1982), Paul ELUARD, benjamin PERET,
dans les rangs des dadaïstes qui, venus de Zurich, se manifestent pour la
dernière fois en 1923. Par ailleurs, il a la révélation des arts africains et
océaniens. Aussi cherchera-t-il désormais, par la destruction des images
stéréotypées, à rendre la réalité du rêve et du désir. Il déclare : « La réalité sera
convulsive ou ne sera pas ».

D’abord activité limitée à quelques poètes, le Surréalisme prend forme


comme mouvement avec le premier Manifeste du Surréalisme de BRETON,
publié le 1er décembre 1924, dans le premier numéro de la revue La Révolution
surréaliste.

On avance que le terme « surréaliste » a été employé pour la première fois


par Apollinaire le 18 mai 1917 lors de la présentation du ballet « Parade » d’Erik
Satie mis en scène par les Ballets russes. André BRETON le définit comme
suit :
« Surréalisme, nom masculin. Automatisme psychique pur par lequel on se
propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit ; soit de toute autre manière,
le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en dehors de toute
préoccupation esthétique ou morale. »

3.3.2.2- Caractéristiques

« L’œil existe à l’état sauvage » : Cette phrase de BRETON à propos des


liens entre le Surréalisme et la peinture, indique que les recherches plastiques
qui voudront se réclamer du surréalisme ne pourront que s’opérer à rebours de
ce que l’Occident nomme « civilisation ». Il s’agit dans la pratique d’opter pour
l’automatisme tel qu’il l’entend. Il indique comment conduire ou plutôt ne pas
conduire l’inspiration :
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi
favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-
vous dans l’état le plus passif, ou réceptif que vous pourrez. Faites abstraction de
votre génie, de vos talents et de ceux des autres. Ecrivez vite sans sujet
préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire... »

132
Mais ce processus de l’automatisme ne semble pas suffisant et d’ailleurs
Pierre Naville dans le N°3 de La Révolution surréaliste va nier l’existence d’une
telle peinture :
« Plus personne n’ignore qu’il n’y a pas de peinture surréaliste ; ni les traits de
crayon livrés au hasard des gestes, ni l’image retraçant les figures de rêve, ni les
fantaisies imaginatives, c’est bien entendu, ne peuvent être ainsi qualifiés ».

Pour répondre à Naville, BRETON rédige « Le Surréalisme et la


peinture » publié d’abord dans La Révolution surréaliste, puis en volume
(ouvrage) en 1928. Il y définit le critère devant permettre de reconnaitre la
peinture surréaliste de la même façon que l’automatisme distingue
originellement un texte surréaliste de ce qui « n’est que littérature ». Ce critère
est l’existence d’un « modèle purement intérieur ». Désormais, c’est selon son
abandon du « modèle extérieur » qu’une peinture pourra être présentée comme
surréaliste. C’est à dire que la peinture devra « rendre visible » ce qui échappait
jusqu’alors à la vision objective : introduire dans le visible des éléments qui en
étaient tenus pour étrangers. Cet enrichissement du déjà visible par un visualisé
réalisera l’union recherchée du réel actuel et du subjectif (imaginaire, onirique).
L’objet extérieur que l’on pourra éventuellement reconnaitre dans l’œuvre, ne
sera qu’un support lointain dont le sens sera entièrement modifié par la position
qu’il occupera par rapport aux éléments de l’œuvre. C'est-à-dire par les relations
nouvelles, inédites que l’artiste lui fera entretenir avec les autres composantes en
fonction d’exigences internes.

Afin de laisser libre cours à l’expression de leur inconscient, Picasso, Max


Ernst (1891-1976), Joan Miro (1893-1983), André Masson (1896-1987) ont, de
1924 à 1928, recours à diverses techniques d’écriture automatique.

La technique du collage consiste à faire coexister des éléments figuratifs


(prélevés dans des magazines, des catalogues, des illustrations de romans
populaires, etc.) dans un contexte qui ne leur convient pas : un sens nouveau
surgit de ces rapprochements arbitraires, sens qui n’a aucun rapport avec une
figuration traditionnelle : le dépaysement de l’objet reconnu entraîne un
dépaysement mental et ouvre ainsi le domaine du merveilleux. Le merveilleux
ainsi constitué n’a pas seulement valeur de nouveauté, il implique la substitution
d’un autre monde à celui auquel nous étions habitués. Par le collage, le fictif,
l’imaginaire se trouvent liés au réel : le surréel n’est pas au-delà du réel, mais
derrière lui occulté.

133
Le frottage ou grattage est une technique inventée par Max Ernst en 1925.
Il consiste à appliquer une feuille de papier sur diverses surfaces rugueuses et
inégales et à frotter ensuite le papier avec une mine de plomb afin de faire
apparaître certaines formes de la surface sous-jacente. L’artiste ne décide donc
pas de l’orientation des formes dans son œuvre mais obéit à ce que lui propose
la matière frottée. Ce procédé réduit à l’extrême la part active de celui qu’on
appelait jusqu’alors l’« auteur » de l’œuvre. Le rôle du peintre est de cerner et
de projeter ce qui se voit en lui.

La décalcomanie est le procédé du monotype souvent à la gouache. Son


inventeur Oscar Dominguez (1906-1957) retouche les tirages en employant
souvent d’autres techniques comme le raclage. Son invention date de 1935. Le
procédé consiste à étendre de la couleur sur une surface lisse et à plaquer dessus
en appuyant plus ou moins une feuille que l’on décolle si tôt après. Mais Max
Ernst, Marcel Jean et André Masson le réalisent sur toile. Cependant, les plus
célèbres parmi les peintres surréalistes, sont surtout ceux qui ont opté pour une
iconographie précise de l’imaginaire dans une technique classique, (planche 41).
C’est le cas de Salvador Dali (1904-1989) avec sa méthode paranoïaque-critique
qu’il définit comme étant une « méthode spontanée de connaissance irrationnelle
basée sur l’association interprétative critique des phénomènes délirants ». Il
s’agit en fait d’être à un certain degré d’excitation fabulatrice pour réussir une
fusion de l’imaginaire et du réel dans la création artistique, (planches 42 et 43).

En 1925 a lieu la première exposition des peintres surréalistes : Arp,


Giorgio de Chirico (1888 -1978), Paul Klee (1879-1940), André Masson (1896-
1987), Joan Miro (1893 -1983), Pablo Picasso (1881-1973), Man Ray (1887-
1968), Pierre Roy (1880-1950). En 1926 s’ouvre la « Galerie surréaliste ». Les
deux importantes expositions internationales organisées, l’une à Londres en
1936, l’autre à Paris en 1938, apparurent alors comme l’apothéose du
Surréalisme. Yves Tanguy (1900 -1955), René Magritte (1898 -1967), Salvador
Dali (1904 -1989), Roberto Matta (1911- ), Paul Delvaux, Hans Bellmer (1902 -
1975), Victor Brauner (1903-1966), forment avec le groupe de 1925 les
principaux adeptes du Surréalisme pictural.

À l’approche de la deuxième guerre mondiale l’exode des surréalistes vers


les Etats-Unis est général à quelques exceptions près : Matta, Tanguy et Max
Ernst partent en 1939, Breton et Masson en 1941 ; Miro retourne en Espagne en
1940.

134
3.3.2.3- Les œuvres représentatives du Surréalisme

Les principales œuvres qu’on peut retenir du Surréalisme sont :

- Le Grand Masturbateur, Salvador Dali, 1929, huile sur toile, 110,1 x


150 cm, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid ;
- Construction molle avec des haricots bouillis, Prémonition de la guerre
civile, Salvador Dali, 1936, huile sur toile, 100 x 99 cm, Museum of Art,
Philadelphie ;
- Le Sommeil, Salvador Dali, 1937, huile sur toile, 51 x 78 cm ; musée
Boymans, Rotterdam ;
- La Trahison des images ou Ceci n’est pas une pipe, René Magritte,
1929, Country Museum of Art, Los Angeles ;
- Le Réveil de l’aube, Joan Miro, 1941, aquarelle et huile sur papier, 48 x
38 cm, collection particulière, New York ;
- La Femme chancelante, Max Ernest, 1923, huile sur toile, 130 x 96 cm,
Kunstsammlung, nordrhein-westfalen, Düsseldorf.

Avant notre point final, il est intéressant de noter que le Surréalisme a


succédé au mouvement Dada et a poursuivi des buts différents. Mouvement de
conquête et d’approfondissement de l’inconscient, le Surréalisme dynamite les
codes esthétiques traditionnels. L’automatisme et le hasard guident les gestes
qui créent librement en l’absence de tout contrôle exercé par la raison et en
dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

135
Planche 41 : Le Thérapeute, René Magritte, 1937, coll. Urvater, Bruxelles.

Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 100.

136
Planche 42 : Le Cabinet anthropomorphique, Salvador Dali, 1936, huile sur
panneau, 25,4 x 44,2 cm, Kunstsammlung, Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf.

Source : Salvador Dali, sa vie, son œuvre, Gründ, p. 188.

137
Planche 43 : Nature morte vivante, Salvador Dali, 1956, coll. Reynold Morse
Foundation.

Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 107.

138
CONCLUSION

Les cubistes représentent l’objet non tel qu’il leur apparaît mais tel qu’eux
le conçoivent sous ses différents angles connus, visibles ou pas. Leur manière de
peindre est présentée par Guillaume Apollinaire comme relevant de la réalité de
la conception et non de celle de la vision. Quant aux futuristes, on peut dire
qu’ils font la synthèse des deux réalités : celle de la vision et celle de la
conception. Ces deux mouvements approfondissent les acquis des révolutions
menées au niveau de la couleur par les précédents. En libérant la forme de
l’objet, ils donnent au dessin son autonomie. Cette seconde révolution ouvre la
voie à une peinture et une sculpture autoréférentielle : c’est l’avènement de l’Art
abstrait. L’abstraction est un art qui refuse la copie et la figuration du monde
extérieur. Libérée de l’imitation, la surface de la toile devient le sujet du tableau.
Les formes et les couleurs se multiplient librement, l’espace s’étale dans tous les
sens. L’artiste exprime ses sentiments et ses sensations, il traduit son paysage
intérieur.

Les générations qui vont suivre vont remettre en cause l’art et ses
procédés de création. Le mouvement Dada est animé par un groupe
d’intellectuels qui veut faire table rase de toute la culture existante ; il manie la
dérision, le nihilisme et la provocation ; il aspire à un retour à l’authentique et
remet la peinture en question. Le mouvement naît simultanément à Zurich,
autour de l’écrivain Tristan Tzara et à New York avec marcel Duchamp, Francis
Picabia et Man ray. Il va connaître son apogée et son déclin à Paris
respectivement en 1920 et 1923. À la suite du mouvement Dada les artistes
surréalistes renouvellent les codes esthétiques. Influencés par la psychanalyse et
les travaux de Sigmund Freud, ils revendiquent en 1924 dans le premier
Manifeste du Surréalisme le rôle de l’inconscient dans la sensation esthétique,
lequel dicte des montages et des combinaisons de signes que le peintre traduit
sur toile. L’automatisme et le hasard guident les gestes qui créent librement en
l’absence de tout contrôle exercé par la raison et en dehors de toute
préoccupation esthétique ou morale. Si Dada prône la négation de l’art sans rien
proposer, le Surréalisme quant à lui dynamite les codes de représentation et
propose l’exploration de l’inconscient, du modèle intérieur pour atteindre à un
automatisme psychique pur qui donne libre cours à la création plastique. Ce
faisant, l’artiste ne se connaît plus de limites ou de frontières, les formes sont
désormais soumises à sa seule volonté créatrice.

139
IV

L’ART CONTEMPORAIN

140
INTRODUCTION

L’art contemporain correspond à l’art de la seconde moitié du XXème


siècle, à partir de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. Notre époque
est celle des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle est
difficile à cerner au plan artistique. Il serait utopique de s’efforcer à tout prix à la
vision choisie pour les périodes précédentes : avec la distance temporelle, une
unité surgissait. Mais pour notre époque, nous sommes exposés au risque d’être
victimes d’un effet de myopie dû à la proximité des artistes, des événements et
des œuvres.

Une vision pour être normale ne doit être ni myope, ni presbyte. Avec un
minimum de recul on peut observer qu’après la seconde guerre mondiale les
peintres américains s’affranchissent de la tradition européenne. Ils
expérimentent des matériaux nouveaux, modernes et affirment l’importance du
geste. Quant aux artistes européens d’après seconde guerre mondiale, ils
évoluent dans des mouvements d’avant-garde. Ils imaginent de nouveaux
moyens pour exprimer une image poétique du monde moderne.

141
4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART
4.1.1- Définition et historique

Le besoin d’exprimer le mouvement, fondamental depuis l’Antiquité,


dans la peinture ou la sculpture, exige le recours à un certain nombre de codes
pour arriver à « représenter » sur une image ou un bloc de marbre l’illusion du
déplacement. Après 1950, c’est à la géométrie élémentaire que certains essaient
alors d’intégrer le mouvement. C’est l’avènement de l’Art cinétique et de l’Op
Art.

Le mot « cinétique », du grec kinesis, caractérise le « mouvement » en


physique et par extension dans l’art. L’Op Art, abréviation d’Optical Art, nom
américain donné par le rédacteur de la revue Time Magazine aux œuvres proches
du cinétisme, dont Joseph Albers est l’initiateur, définit l’illusion optique du
mouvement. Laszlo Moholy-Nagy, artiste d’origine hongroise, est l’un des
précurseurs de l’art cinétique et de l’Op Art par ses recherches d’avant-guerre
comme les artistes sculpteurs d’avant-garde russe, Naum Gabo et Antoine
Pevsner, qui participent à l’éclosion du constructivisme (sculpture d’une
plastique dynamique).

Les années soixante sont marquées par les innovations technologiques et


scientifiques, l’envoi des premiers hommes dans l’espace et l’enthousiasme pour
la vitesse. Les échanges internationaux se développent à la Biennale de Venise,
(créée en 1895), de Sao Polo (inaugurée en 1951) et de Paris (fondée en 1959).

Avec l’Op Art, le nouvel objectif de l’abstraction géométrique consiste à


utiliser la forme pour engendrer des perturbations visuelles et des illusions
d’optique après 1950.

L’art cinétique a pour origine certaines créations spontanées : toiles de


Turner, des futuristes ou dynamisme immobile de Delaunay. Véritable
précurseur, Moholy Nagy, en 1930, intègre déjà les effets lumineux aux
mouvements de la sculpture mobile. De même Calder, avec ses « mobiles »,
refuse l’inertie de la sculpture figée en permettant la mobilité d’éléments
métalliques qui pivotent sur leur axe selon les déplacements d’air, (planche 44).
Enfin, Victor Vasarely dépasse la toile à deux dimensions pour superposer des
volumes transparents et solliciter l’intervention du spectateur, (planche 45).

Un Groupe de recherche d’Art Visuel, le G.R.A.V. naît en 1960 et se


propose d’éliminer la catégorie « œuvre d’art » et de déplacer l’art dans la rue

142
comme un bien de consommation. Il est animé par six artistes : Horacio Garcia-
Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-
Pierre Yvaral. Les années 1965-1968 marquent l’apogée de l’art cinétique. Le
foisonnement des foyers de production et de diffusion de l’art cinétique, stimulé
par son éclatant succès en Europe et aux Etats-Unis, favorise une circulation
internationale des œuvres.

4.1.2 – Caractéristiques

Dans toutes les œuvres de l’Op Art le mouvement est purement optique
jamais réel. Dans l’art cinétique, l’œuvre et/ou le spectateur peut bouger. Tous
les artistes cinéticiens ont réalisé des œuvres cinétiques et optiques. En
revanche, les artistes de l’Op Art n’ont pratiquement jamais réalisé d’œuvres
cinétiques.

Avec l’Op Art, la problématique de l’espace pictural est détournée au


profit d’une lecture illusionniste de la surface plane : les concavités, convexités,
les profondeurs ou les reliefs sont suggérés par des jeux formels de graphismes
et de couleurs. En revanche, avec les artistes cinéticiens, la traduction du
mouvement se développe selon deux tendances souvent combinées par rapport à
la participation du spectateur :

- Soit l’œuvre reste inerte et le déplacement du spectateur entraîne une


multitude de lecture possible ;
- Soit l’œuvre elle-même s’anime et prend vie, grâce aux procédés liés
aux nouvelles technologies et engendre le mouvement.
Ainsi, les créations sont effectuées par les artistes sur petits ou grands
formats selon le matériau utilisé et la destination de l’œuvre. Les petits formats
sont réalisés avec des panneaux striés, imprimés, martelés, en verre ou en métal,
en vue d’être accrochés sur un mur. En revanche, les grands formats sont
polychromes ou en panneaux d’aluminium composés. Ils animent l’architecture
de lieux publics. Les artistes cinéticiens et les op artistes ont recours à des
matériaux nouveaux, notamment : le plexiglas, le métal, les circuits électriques,
les ampoules électriques et les néons. Ils font aussi usage des moteurs et des
sources d’énergie artificielle.
À la différence des artistes cinéticiens, les op artistes n’utilisent jamais de
peinture. En revanche, ceux-ci exploitent la durée, l’espace et la lumière. La
notion de peinture traditionnelle autour d’un sujet disparaît pour faire place à la
peinture de construction, de machine, d’objets, d’environnement, immobiles à

143
rendre mobiles. Les formes plastiques sont conçues de façons géométriques et
élémentaires. Leur permutation permet de créer une variété infinie d’œuvres.

4.1.3 – Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux adeptes de l’Art cinétique et l’Op Art sont :


France:
- Victor Vasarely (Viktor Vasarhelyi, 1908-1997), artiste français
d’origine hongroise, fondateur du cinétisme, met les formes géométriques en
perspective pour créer une impression de volume concave ou convexe, de vague
ou de creux. Le graphisme de chaque panneau varie au gré du déplacement du
spectateur.
- Julio Le Parc (né en 1928) crée des tableaux à reflets lumineux et
organise ses recherches à partir de plaques de métal poli suspendues qui reflètent
la lumière, miroirs concaves et convexes qui modifient les images ; c’est sur le
regard qu’il agit.

- Joël Stein (né en 1926) est l’un des pionniers de l’utilisation du laser.
- Jean Dewasne (1921-1999) réalise de grandes fresques au circuit
géométrique dans des espaces architecturaux.
- François Morellet (né en 1926) suit un système de règles géométriques :
nombre de trames et degré de leur inclinaison par rapport aux angles droits du
carré de la toile.
- Nicolas Schöffer (1912-1980), Français d’origine hongroise, théoricien
du mouvement, il réalise des projections mobiles à partir de ses sculptures
spatio-dynamiques sur lesquelles la lumière projetée réfléchit une autre lumière
colorée qu’il projette sur un écran.
- Jean-Pierre Yvaral (né en 1934), Fils de Vasarely, il travaille sur
ordinateur pour décliner l’image digitalisée selon diverses trames colorées.
- Yaacov Agam (né en 1928), Français d’origine israélienne, invente le
tableau transformable à lamelles, qualifié de peinture « polymorphique » : en se
déplaçant le long du panneau, le spectateur voit progressivement la composition
se transformer et les plans qui lui étaient cachés, alors que disparaissent les
précédents.

144
- Hugo Rodolfo Demarco (1932-1995), d’origine argentine, invente le
tableau à reflets lumineux.
- Raphael Soto (né en 1923), d’origine vénézuélienne, élabore un principe
de réflexion optique systématique de la forme géométrique à partir de points
colorés.
- Carlos Cruz-Diez (né en 1923), d’origine vénézuélienne lui aussi, réalise
des tableaux en lamelles de Rhodoïd translucide qui décompose et recompose la
lumière colorée et provoque des effets optiques.
Italie :
- Luis Tamasello (né en 1915) travaille comme Agam sur le principe de
réflexion de la lumière.
Allemagne :
- Heinz Mack (né en 1931) et Otto Piene (1928) créent le groupe zéro
(1957-1960).

Grande-Bretagne :
- Bridget Riley (née en 1931) juxtapose de fines lignes ondulantes,
strictement parallèles, noires et blanches, insoutenables au regard qui les fixe
plus de quelques secondes.
Hollande :
- Jan Schoonhoven (né en 1914) appartient au groupe « Grœp Nul »
(1957-1967) et réalise des monochromes animés d’effets optiques qui donnent la
sensation de vide et de plein.
Yougoslavie :
- Ivan Picelj (né en 1924) réalise des œuvres scientifiques, abstraites et
géométriques de caractère cinétique à partir de la pureté de la ligne souvent mise
en volume.

Etats-Unis :
- Alexander Calder (1898-1976) a réalisé en fil de fer et en tôle peinte les
poétiques mobiles qu’agite l’air (à partir de 1932-1934, à Paris), (planche 44).

145
Les principales œuvres représentatives de l’Art cinétique et de l’Op Art
sont entre autres :
- Army, Victor Vasarely, 1967-1968, collage de carton sur contreplaqué,
252 x 252 cm, Musée National d’Art Moderne, Paris, (planche 45) ;

- Ambigu, Victor Vasarely, 1969, peinture sur toile, 200 x 191 cm, Galerie
Denise René, Paris ;
- Cheyt-ond, Victor Vasarely, Musée Vasarely, Gordes;
- Environnement et relation, lumière noire, Hugo Rodolfo Demarco,
1968, Galerie Denise René, Paris ;
- Boite couleur-lumière à transformation, Julio Le Parc, 1965, Galerie
Denise René-Hans Meyer, Düsseldorf ;
- Mouvements, Yaakov Agam, 1953, coll. W. Benenson, New York;
- Décoration murale de maison du plateau Beaubourg à Paris, 1970-
1971.
La représentation du mouvement sur la surface de la toile avait préoccupé
les artistes futuristes italiens. Leurs recherches s’étaient limitées à la
décomposition du modèle et à sa reconstitution dans ses différentes phases de
déplacement, de manière simultanée. Avec les cinéticiens et les op artistes
l’image devient mobile et requiert la participation du spectateur par le jeu des
déplacements simultanés. Mais plus que l’image ou la sculpture, ce sont leurs
constituants qui révolutionnent surtout les approches traditionnelles.

146
Planche 44 : Mobile « 31 janvier », Alexander Calder, 1950, tôle
d’aluminium et fils d’acier, MNAM, Paris.

Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 474.

147
Planche 45 : Army, Victor Vasarely, 1967-1968, collage de carton sur
contreplaqué, 2,52 x 2,52 m, Musée national d’Art moderne, Paris.

Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid., p. 121.

148
4.2- LE POP ART

4.2.1- Définition et historique

Le Pop Art se définit comme un mouvement anti-culturel et qui est à la


portée du plus grand nombre : la simplicité et l’accessibilité de son message
permettent de sensibiliser toutes les classes sociales et non pas uniquement
l’intelligentsia. Le critique d’art anglais Lawrence Alloway utilise ce mot pour
la première fois en 1955. La même année et la suivante, il organise deux
expositions manifestes avec l’Independent Group constitué pour rapprocher l’art
de la vie contemporaine. Le Pop Art, forme abrégée de Popular Art, désigne une
production artistique britannique et américaine inspirée par la culture populaire
entre 1955 et 1970. L’art du musée, réservé à une frange culturelle, est remis en
question car les idées qu’il véhicule sont relayées par une contreculture
marginale, celle de l’environnement immédiat, communiqué par les média :
affiches publicitaires, bande dessinée, roman-photo ou photo-roman, télévision,
cinéma. C’est un mouvement essentiellement anglo-saxon. Il apparaît en
Angleterre avant de trouver son épanouissement aux Etats-Unis.

4.2.2- Caractéristiques

Les Pops artistes puisent leurs thèmes essentiellement dans la société de


consommation. Ladite société leur fournit une iconographie permanente. Des
acteurs de cinéma aux denrées alimentaires en passant par les produits
d’entretien, la consommation est « magnifiée » par eux ou peinte objectivement
sans intention de dénonciation, au contraire des démarches voisines
européennes, notamment avec le Nouveau Réalisme et la Nouvelle Figuration.

La dénonciation s’effectue cependant au plan purement artistique et ce, à


l’encontre de l’abstraction dominante de l’après-guerre en Europe et aux États-
Unis. Il est reproché à cette approche plastique d’être trop axée sur les
« pulsions intimes » et le « nombrilisme narcissique » de ses adeptes. Aussi les
artistes du Pop Art refusent-ils de s’impliquer dans leur œuvre. Ce faisant, celle-
ci présente un aspect mécanique par la froide exécution de l’aérographe chez
certains. En effet, les artistes expérimentent les procédés techniques les plus
récents de l’industrie et du commerce : la peinture acrylique, le collage sur toile
de matériaux étrangers à la peinture, la sérigraphie, etc. La figuration s’inspire
de la publicité, des magazines, de la télévision et de la bande dessinée. Les
peintres ne distinguent pas le bon du mauvais goût. L’art témoigne du monde
moderne quotidien, des objets ménagers, de la publicité, des vedettes et du rebut.

149
Les peintres affectionnent le cadrage frontal et les vues perspectives. Les
toiles apparaissent simples et lisibles. Les modelés lissés et les aplats des
affiches se retrouvent sur les tableaux des peintres américains. Le cerne et la
trame de la bande dessinée, le découpage et la mise en page de la planche
contact, le cadrage insolite de la photo sont autant de procédés adoptés en
peinture pour affirmer le fait que ces moyens de communications peuvent être
artistiques.

Par ailleurs, le désir d’incorporer la réalité à la peinture, depuis le


Cubisme synthétique avec Nature morte à la chaise cannée de Pablo Picasso, a
pris la voie de la sublimation des éléments de rebut avec Schwitters pour arriver
à son épanouissement dans le courant « assemblagiste » du Pop Art. Ce courant
intègre des animaux empaillés avec Rauschenberg (planche 46) ou aboutit à de
véritables environnements chez Wesselman et Kienholtz.

4.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes du Pop Art sont :


États-Unis :
- Roy Lichtenstein (1923-1997) prend ses sujets dans la publicité et dans
les produits de la vie courante. Il s’intéresse à la bande dessinée américaine,
subordonne son style à leur traitement graphique froid, recompose le tramage
démesurément agrandi de l’image et restitue en peinture les bulles et les
exclamations (planche 47).
- Andy Warhol (1928-1987) recherche un art anonyme et le trouve par le
biais technique de la sérigraphie et en intégrant la photographie à l’œuvre peinte.

- Tom Wesselmann (né en 1931) pratique le collage et peint en larges


aplats colorés des nus féminins linéaires et sensuels vus dans leur intimité.

- Ronald Kitaj (né en 1932) son style est vivement coloré et pictural.
- James Albert Rosenquist (Né en 1933) opte pour la précision réaliste du
style publicitaire dans de vastes formats.
Grande Bretagne :
- Richard Hamilton (né en 1922) pratique le photomontage et traduit
l’imagerie des magazines américains avec un métier pictural traditionnel.

150
- Peter Blake (né en 1931) se sert de techniques variées, par exemple le
collage, la peinture à l’huile, la Photographie, le dessin.
- Derek Boshier (né en 1937) donne une représentation critique de la
société.
- Allen Jones (né en 1937) réalise des images érotiques, stéréotypées et
bariolées.

Les œuvres représentatives du mouvement Pop Art sont :

- Nine Jackies, Andy Warhol, 1964, acrylique et sérigraphie sur toile,


154,5 x 122,5 cm, coll. Ilena Sonnabend, New York ;

- Flag, Jasper Johns, 1955, encaustique sur toile, coll. Jean Christophe
Castelli ;

- Tracer, Robert Rauschenberg, Mrs Frank Tielman;

- Hot Dog, Roy Lichtenstein, 1964, émail sur tôle, Musée National d’Art
Moderne, Paris ;

- Gold Marilyn Monroe, Andy Warhol, 1962; 211 x 145 cm, museum of
Modern Art, New York;

- Whaam, Roy Lichtenstein, 1963, acrylique, 172 x 406 cm, Tate Gallery,
Londres;

- Canyon (Combine painting, Robert Rauschenberg, 1959, huile sur toile


et matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61cm, The Sonnabend Collection, New
York

- Marylin Turquoise, Andy Warhol, 1964, sérigraphie et acrylique sur toile,


101, 6 x 101,2 cm, collection Stefan T. Eblis.

En résumé, le Pop Art est un mouvement anglo-saxon qui naît en


Angleterre et se développe aux Etats-Unis dans les années 1950-1960. Les
artistes détournent les moyens d’expression de la culture de masse dominante,
utilisent les moyens techniques de reproduction de l’image : sérigraphie,
photographie et puisent les sujets dans la banalité de la vie quotidienne. Ce
mouvement artistique minimise l’expression personnelle, intègre
l’environnement et se développe dans les arts plastiques, la musique et la danse.
Il constitue un véritable phénomène de société et reçoit un large accueil.

151
Planche 46 : Canyon (Combine painting) (détail), Robert Rauschenberg, 1959,
huile sur toile et matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61 cm, The Sonnabend
Collection, New York.

Source: Alain MÉROT, Ibid. p. 488.

152
Planche 47: Whaam! Roy Lichtenstein, 1963, Acrylique, 172 x 406 cm.

Source: Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 122.

153
4.3- L’HYPERRÉALISME
4.3.1- Définition et historique
L’Hyperréalisme est nommé aussi en anglais Photorealism ou
Supperrealism. Il désigne un courant de peinture et de sculpture né vers 1965
aux Etats-Unis. La figuration, « Plus vrai que vrai » et sans émotion, observe le
réel à travers la photographie. Héritier de son prédécesseur, le Pop Art,
l’Hyperréalisme reprend l’agrandissement de l’image figurative en y ajoutant un
souci de ressemblance parfaite. Le précisionnisme de Hopper et Wood avait
déjà, dans les années 1930, donné le sentiment de vouloir copier la réalité en
toute impartialité avec un maximum de fidélité.
Le désir de reproduire le réel tel qu’il est n’est pas nouveau et n’est par
conséquent pas spécifique de ce mouvement : un recul dans le temps permet
d’observer au XVème siècle les savants reflets sur les cuivres des Annonciations
de Van Eyck, ou, plus tard au XVIIème siècle, la transparence du verre et la
matité du pain de la Nature morte à l’échiquier de Baugin. La même virtuosité
picturale et le même effacement de la touche sont perceptibles de part et d’autre.
Mouvement pictural et sculptural, l’Hyperréalisme va à l’encontre de
toutes les remises en question conceptuelles ou minimalistes de l’époque. Il est
favorablement accueilli par le public et les collectionneurs.

4.3.2- Caractéristiques

Pour l’artiste hyperréaliste, le choix du référent ne constitue pas une


priorité puisque qu’il refuse toute sentimentalité ou toute implication
personnelle dans l’exécution de l’œuvre. Les artifices de surface, en
l’occurrence les agents plastiques, ne sont porteurs d’aucun message intelligible,
l’image se voulant dépourvue de toute connotation esthétique ou métaphorique :
la traduction de l’« américanité » dans toute son acception avec ce qui compose
l’univers de l’américain moyen (drugstores, vitrines, enseignes lumineuses,
portraits ou carrosseries automobiles) relève d’une totale objectivité.

Les tableaux sont peints à l’huile ou à l’acrylique. La technique favorise le


rejet de toute subjectivité : les peintres travaillent d’après des projections de
diapositives sur la toile. Ils s’évertuent à rendre la réalité visible avec autant de
précision que possible. Le résultat ressemble à s’y méprendre à une véritable
photographie (planche 48). Alors la question qui se pose est celle-ci : quel
intérêt y a-t-il à mettre quelquefois plusieurs mois pour arriver à réaliser ce

154
qu’un simple déclic de l’appareil photographique permet d’obtenir
instantanément ?

La réponse pourrait être que si l’œil du peintre se substitue à celui de


l’appareil photographique, c’est aux fins de nous faire prendre conscience, d’une
part, de la vanité que l’on pourrait avoir à essayer d’égaler la photographie,
d’autre part, de la vision que nous avons de la réalité non plus directement mais
interprétée à travers ses codes, le cadrage et la prise de vue. En effet, en prenant
la photographie pour base (diapositives et clichés projetés à l’aide d’un
épiscope), les artistes hyperréalistes modifient certains aspects à leur gré
(agrandissement, déformation, netteté). Ils choisissent les cadrages arbitraires et
variés. L’exécution procède de la virtuosité froide du trompe-l’œil traditionnel et
confère un aspect clinquant aux objets représentés.

4.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes hyperréalistes sont :

- Raph Goings (né en 1928) obtient au début des années soixante-dix, un


illusionnisme limpide à l’aide de l’aérographe.

- Robert Bechtle (né en 1932) peint la société des banlieues dans les
grands formats.

- Robert Cottingham (né en 1935) s’intéresse aux placards publicitaires


tronqués et aux enseignes lumineuses.

- Richard Estes (né en 1936) épure la représentation et peint avec de


petites touches sensibles.

- David Parrish (né en 1939) reproduit des motos d’après des diapositives.

- Chuck Close (né en 1940) réalise des portraits en noir et blanc sur de
grands formats à partir de photos d’identité. Ce faisant, il exagère le flou ou la
netteté ainsi que l’aspect figé et déformant de la photographie.

- Don Eddy (né en 1944) s’intéresse aux carrosseries de voitures et aux


vitrines de magasins.

Les principales œuvres représentatives de l’Hyperréalisme sont :

- Femme debout s’appuyant sur une table, John de Andrea, 1973,


sculpture en polyester peint. Galerie Isy Brachot, Bruxelles ;

155
- Palmiers dattiers, Robert Bechtle, 1970-1971, huile sur toile, Nene
Galerie, collection Ludwig, Aix-la-Chapelle ;

- Richard, Chuck close, 1969, acrylique sur toile, Nene galerie, collection
Ludwig, Aix-la-Chapelle (planche 48) ;

- Art, Robert Cottingham, 1971, peinture acrylique sur toile. Collection Dr


Marylinn et Ivan C. Karp, New York ;

- Gordon’s gin, Richard Estes, 1968, huile sur toile, Galerie Isy Brachot,
Bruxelles ;

- Air Stream, Raph Goings, 1970, acrylique sur toile, Nene Galerie,
collection Ludwig, Aix-la-Chapelle ;

- Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et polyester,


collection Saul P. Steinberg, New York (planche 49) ;

- Moto, David Parrish, 1971, huile sur toile, collection Jacky Ickx, Grez-
Doiceau (Belgique).

L’artiste d’aujourd’hui s’interroge, à travers l’objet même qu’il


réalise, sur le processus de sa réalisation, sur les fondements de sa fabrication et
sur son sens. Aussi l’Hyperréalisme répond-il par une mise en question de
l’image, de la vision qui la transmet, des procédés qui la reproduisent. Notre
conditionnement par les mass-médias est tel que nous considérons comme
naturelle l’image photographique. Elle est à réduire à sa plus simple expression
car elle n’est qu’une convention. Elle est le perfectionnement et l’aboutissement
mécanique de la perspective telle que codifiée par les artistes de la Renaissance,
au XVème siècle. L’abandon de l’illusion de la profondeur au profit de la surface
plane a été et demeure l’une des caractéristiques de l’art moderne. Aussi
paradoxal que cela puisse paraître, c’est en utilisant l’appareil photographique
que les peintres hyperréalistes remettent en question cette image si coutumière
comme pour donner raison à Jean Cocteau qui soulignait la tricherie du cinéma
en ces termes : « Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image », ou
encore pour s’accorder avec René Magritte dont le tableau, La Trahison des
images ou ceci n’est pas une pipe, montre bien que toute image est après tout un
mensonge organisé.

156
Planche 48 : Richard, Chuck Close, 1969, Acrylique sur toile, Neue Galerie,
collection Ludwig, Aix-la-Chapelle.

Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

157
Planche 49 : Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et
polyester, collection Saul P. Steinberg, New York.

Source : Ibid.

158
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES ARTISTIQUES

4.4.1- Les années cinquante

Partout dans le monde, les lendemains de la seconde guerre mondiale


correspondent à une tendance à la consommation. Une nouvelle sensibilité est
suscitée par l’essor de la publicité et le développement sans précédent de
l’électroménager domestique. Des élévations sans précédent envahissent le
paysage suburbain. Elles visent à loger en périphéries des villes le plus de gens
possible, dans un habitat à loyer modéré (HLM), susceptible d’accompagner le
« Baby-boom » nécessaire à l’essor industriel et à une main d’œuvre abondante.
Lesdites élévations résultent du fonctionnalisme moderniste des architectes les
plus efficaces qui alignent de grands immeubles sur les plans-masses.

Par ailleurs, Le Corbusier réalise l’« Unité d’habitation » de Marseille


dont la construction s’étendra de 1946 à 1952. Il adapte les 337 appartements en
duplex, selon vingt-trois types différents, à des foyers d’une à dix personnes,
dans ce qu’il qualifie de « Laboratoire social ». Ce grand architecte propose une
nouvelle approche de l’espace collectif avec ses rues intérieures, ses commerces,
son hôtellerie communautaire pour les parents et les visiteurs des résidents.
Cette unité d’habitation comprend aussi une crèche et une école maternelle dont
les larges baies vitrées ouvrent sur le toit-terrasse. Mais dès l’achèvement, tous
les appartements, à l’exception de l’école, sont mis en vente. Il ne faudra pas
moins de sept ans pour qu’ils trouvent des acquéreurs.

Le Corbusier publie en 1950, le premier traité du Modulor mis au point


dès 1943. Ce système de mesure est fondé sur la figure de « l’homme-le-bras-
levé ». Il est réglé sur une unité de 2,16 m et propose de mettre fin au désordre
régnant dans la production industrielle de l’habitat et de vaincre les
contradictions de la « civilisation machiniste ». Il replace un « homme de six
pieds » au cœur de la coordination modulaire internationale. L’année suivante,
Le Corbusier, le visionnaire de la charte d’Athènes (1933) et des quatre
fonctions d’urbanisme (« Habiter », « Travailler », « Cultiver le corps et
l’esprit », « Circuler ») est nommé Planning Advisor de l’Etat du Pendjab en
Inde. Il se voit confier la construction de Chandigarh, sa capitale, qui sort de
terre dès 1958. Plusieurs générations d’architectes iront en pèlerinage visiter
cette « Mecque » de l’architecture moderne.

Avec de larges avenues et de gigantesques bâtiments administratifs,


Brasilia est conçue par les Brésiliens Lucio Costa et Oscar Niemeyer. Elle trace

159
au cœur de la grande forêt amazonienne la logique symbolique d’axes
rectilignes et d’édifices monumentaux de la nouvelle capitale du Brésil. Celle-ci
deviendra bien vite un centre-ville déserté et lunaire, cerné par les bidonvilles.

Aux États-Unis, Franck Lloyd Wright réalise, de 1948 – date de


construction de la Jacobs House à Middleton dans le Wisconsin, son manifeste
de l’architecture organique – jusqu’à sa mort en 1959, plus de 120 maisons et,
au cours des trois dernières années de sa vie, commence la construction du
musée Guggenheim de New York, son œuvre phare dont le projet remonte à
1943. Ferro Saarinen conçoit en 1956 le terminal de la TWA à Kennedy Airport.
Il l’achèvera en 1962. Un an plus tard, la même prouesse est renouvelée dans
l’emploi du béton, quand est lancée l’arche monumentale de Saint Louis. C’est
au contraire une rigueur transparente qui est à l’ouvrage en 1958 quand Mies
Van Der Rohe et Philip Johnson érigent le formidable parallélépipède de verre et
d’acier du Seagram Building.

À Paris, le palais de l’UNESCO est construit de 1953 à 1957, par Marcel


Breuer, l’un des derniers maîtres du Bauhaus, Pier Luigi Nervi, l’Italien des
voiles de béton, et le Français Bernard Zehrfuss. Il est décoré par les œuvres de
plusieurs artistes du monde entier. En 1958, le Centre des nouvelles industries et
technologies (CNIT) jette sur l’esplanade de la Défense, qui prolonge au-delà de
Paris la perspective ouverte par les Champs-Elysées, un voile de béton de 230 m
de portée pour donner forme à la plus grande voûte du monde.

Au contraire, Carlo Scarpa offre ses lettres de noblesse à l’architecture


intérieure par son réaménagement du musée de l’Académie proposé en 1949 et
celui de Castelvecchio de Vérone auquel il travaille de 1956 à 1964. Il construit
en 1956, dans les Giardini de la Biennale, le pavillon du Venezuela et réhabilite,
en 1973, le Palais Querini. En plus des salles d’exposition, il y invente un jardin
et même un nouveau pont sur un petit canal de Venise. Ce calligraphe des
volumes et des plans, d’un raffinement extrême, modelant la lumière et sculptant
le béton avec mesure et rigueur, sait comme personne tirer le meilleur parti de
l’ancien pour régénérer avec ferveur. L’entrée de la faculté d’architecture de
Venise où il enseignait, témoigne de son influence posthume. Elle a été réalisée
d’après un projet de 1972 à 1985, sept ans après sa mort.

160
4.4.2- L’apport de new-york

La montée des fascismes chasse une bonne part de l’intelligentsia


européenne qui se retrouve, pendant la guerre, à New York. Un nouveau foyer
de création artistique s’y constitue autour de grands artistes tels que Piet
Mondrian, Max Ernst ou le poète André Breton. Le peinture Roberto Matta
connaît bien Le Corbusier pour avoir travaillé dans son agence, mais aussi
Picasso et les surréalistes ; aussi joue-t-il un rôle d’intermédiaire entre les jeunes
artistes américains et ces mythiques initiateurs de l’avant-garde européenne. Le
peintre Cubain Wifredo Lam, riche de sa connaissance de l’œuvre de Picasso
mais aussi de son ancrage aux arts premiers, renouvelle l’exploit des
Demoiselles d’Avignon avec La Jungle en 1943 (planche 50). Il avait fait le
voyage jusqu’aux Antilles avec André Breton en 1941. Ce tableau est exposé à
l’entrée du Museum of Modern Art de New York. L’apparence des formes
végétales entremêlées et des figures totémiques associées au mystère d’une
cérémonie mystérieuse, tire toute sa force de la diversité culturelle et révèle
une nouvelle facture picturale.

En marge d’une Europe en proie au nazisme, New York devient le centre


où se conçoivent les formes de la liberté d’expression à venir. Ce foyer
cosmopolite donne naissance à une école new-yorkaise dont Jackson Pollock
sera le porte-drapeau. Il est propulsé par les photos du magazine Life avant que
ses peintures ne soient réellement connues. Artiste d’origine modeste, il aime la
route, les voitures et les grands espaces, et importe pour la première fois le
« Star system » cher au show-business dans le monde des arts plastiques.
Comme tous les artistes de sa génération, il est passé par le grand atelier des
décorations publiques des années trente, fortement influencées par les muralistes
mexicains. Entre 1948 et 1950, avec une rare témérité Pollock offre à
l’Expressionnisme abstrait une peinture libérée de toutes les conventions :
« Il me semble, dit-il, que la peinture moderne ne peut exprimer notre époque,
l’avion, la bombe atomique, la radio, à travers les formes héritées de la
Renaissance ou de toute autre culture du passé » (J.-L. Pradel, Paris, 1999, p.
32).

La toile travaillée au sol s’apparente à un ring. Le critique Harold


Rosenberg parle d’« Action painting ». À la suite des expériences de Max Ernst
ou d’André Masson, Pollock utilise le dripping qui consiste à laisser goutter sur
la toile la peinture versée dans des boîtes percées (planche 51). Ainsi est
ménagée une distance en même temps qu’un jeu avec le hasard devant quoi le

161
regard est condamné à errer : « On devrait écouter, précise-t-il, l’immobilité de
la peinture avec la même terreur qui nous fait entendre le silence des déserts et
des glaciers ». Mais, en 1951, Pollock revient à Picasso (et à « Guernica » placé
en « dépôt » au MOMA de New York) auquel il rend hommage par des formes
en noir et blanc. Cinq ans plus tard, il est victime d’un accident de la route et
meurt à quarante-quatre ans, fondateur et héros de l’émergence de l’école new-
yorkaise.

162
Planche 50: La Jungle, Wifredo Lam, 1943, Museum of Modern Art, New
York.

Source: Gaston DIEHL, Ibid. p. 104.

163
Planche 51 : Sept, Jackson Pollock, 1950, coll. C. Cardazzo, Vevise.

Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 157.

164
CONCLUSION

L’art contemporain s’affranchit de toutes les normes conventionnelles, de


toutes les contraintes de la création plastique. Il ne se connaît ni contraintes, ni
limites, ni frontières. Il remet en cause tout ce qui est convention communément
acceptée par les artistes des périodes précédentes. Expressionnisme abstrait, Op
Art, Pop Art, Land Art, Minimal Art, Hyperréalisme, Nouveau Réalisme,
Figuration narrative, Trans-avant-garde italienne, Nouveaux Fauves, Bad
Painting, etc., dans leur diversité s’orientent dans des voies nouvelles avec pour
maître mot : l’innovation. Le trait caractéristique commun à cet art de la seconde
moitié du XXème siècle est qu’il s’en prend aux catégories artistiques, aux
supports de l’art, à l’espace. Il s’exprime sous toutes les formes, avec les
supports les plus insoupçonnés (des néons de Dan Flavin aux installations
d’objets divers, en passant par les compressions de César).

165
V
ICONOLOGIE DE L’ART OCCIDENTAL

166
INTRODUCTION

Images fixes peintes, dessinées ou photographiées, images en


mouvement de la télévision et du cinéma, l’image quelle qu’elle soit est un
complexe d’éléments morphologiques en un certain ordre agencés. Ce complexe
est, à n’en point douter, porteur d’un sens qu’il importe de savoir décoder, lire.
Notre espace socioculturel actuel est envahi par l’image. L’initiation à sa lecture
est devenue une nécessité. La lecture de l’image consiste dans l’identification et
l’appréciation des éléments la constituant. L’iconologie se présente donc comme
un moyen tout indiqué pour l’exercice à sa pratique en milieu universitaire.
Cependant, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le fondement et la portée
réelle d’une méthode d’approche scientifique de ce qui est supposé s’adresser à
notre émotivité. En effet, il n’échappe à personne que l’œuvre d’art peut être
appréciée et interprétée différemment. Pour dire la même chose, en d’autres
termes, l’œuvre d’art est investie des intentions de son auteur qui en est par voie
de conséquence le premier interprète. Elle se prête ensuite aux interprétations de
ses spectateurs. Au bout du compte, le sens d’une œuvre d’art est la somme des
multiples interprétations produites par ce que Marc Le Bot appelle « cette sorte
de machinerie à sens qu’est toute œuvre d’art »8. Par ailleurs, nous observons
que ce qui est en jeu dans l’art, particulièrement en ce vingt-unième siècle, c’est
moins le souci de représenter des objets qui seraient sujets à interprétations que
celui de mettre au premier plan les structures propres à une œuvre. D’où la porte
ouverte aux appréciations les plus subjectives de la part des spectateurs surtout
les moins avertis. Néanmoins, nous pensons que l’œuvre d’art, en tant que
combinaison de formes, ne saurait se limiter aux artifices de sa surface. Les
éléments morphologiques qui la composent ne sont que la partie visible d’un
iceberg. Il faut donc, pour mieux l’appréhender, atteindre à sa dimension cachée.
Aussi notre approche s’articule-t-elle autour de quatre axes essentiels.
Dans un premier volet, nous explicitons les concepts d’iconologie et
d’iconographie ; dans un second, nous levons un coin de voile sur la notion
d’œuvre d’art ; dans un troisième nous procédons à une présentation théorique
de la méthode d’analyse iconologique, enfin dans le quatrième et dernier, nous
donnons deux exemples d’application de ladite méthode à travers un tableau du
peintre cubiste Pablo PICASSO (planche 52) et un autre de l’hyperréaliste
Robert COTTINGHAM (planche 53).

8
M. Le Bot, « François Rouan, l’image dans l’entrelacs », Écrit-Voir, Revue d’Histoire des Arts, Collectif pour
l’histoire de l’art et Publication de la Sorbonne, N o 5, Paris, 1984-1985, p. 5.

167
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE

5.1.1- Définition et historique

L’iconologie comme méthode de l’histoire de l’art s’affirme en 1912, au


Congrès international d’histoire de l’art à Rome. En effet, Aby Warburg y
présenta un rapport sur les fresques réalisées par Francesco Cossa et ses
collaborateurs au Palais Schifanoja de Ferrare. Ces fresques qui, jusqu’alors
n’avaient pas pu être expliquées par les exégètes de l’art et les historiens, ont été
interprétées par Warburg d’une manière très pertinente et convaincante. Celui-ci
défend son approche théorique en ces termes :
« En osant présenter ici cette esquisse provisoire touchant une question de détail,
je voulais en même temps m’exprimer en plaidant pour l’élargissement des
limites méthodologiques de notre érudition de l’art, en ce qui concerne le
matériel d’étude ainsi que son étendue (…) J’espère, qu’au moyen de la méthode
employée par moi pour analyser les fresques du palais Schifanoja de Ferrare, j’ai
démontré qu’une analyse iconologique, qui ose considérer l’Antiquité, le Moyen
Âge et les Temps modernes comme des époques liées entre elles, et analyser les
œuvres des arts les plus libéraux et les plus appliqués comme des documents
d’expression égale, en s’efforçant de jeter de la lumière sur une tache sombre,
éclaire en même temps des grandes suites de développement entre nouées ». 9

Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’ouvrage qui a introduit ce


concept est celui de Cesare Ripa intitulé Iconologia et publié en 1593. Au
départ, l’iconologie est perçue comme étant la science des images qui détermine
les règles pour la représentation figurée des idées abstraites et morales et ce, du
XVIème au XIXème siècle. À partir du siècle suivant, le terme est utilisé pour
désigner une méthode d’interprétation des œuvres d’art. L’adjectif
« iconologique » est employé au début du XXème siècle dans cette acception
quant au substantif « iconologie », il l’est en 1931 et 1939 respectivement dans
les recherches de G. J. Hoogewerff et Erwin Panofsky. Ces pionniers de la
nouvelle méthode du contenu des œuvres d’art ont eu recours au terme de départ
« iconologie » pour distinguer leur méthode de l’iconographie qu’ils définissent
comme étant l’identification et la description des sujets, thèmes, symboles et
attributs dans l’art. Pour Panofsky, l’iconologie est une iconographie
interprétative, qui devient une partie intégrale de l’étude de l’art, au lieu de se
limiter à n’être qu’une constatation préalable à d’autres analyses. Elle procède à
une interprétation de la signification qu’un sujet ou un symbole possède dans

9
Aby WARBURG cité par J. BIACOSTOCKI, « Iconologie », Encyclopædia universalis, volume 8, Paris, 1980, pp.
710-711.

168
une œuvre en tant qu’expression d’une philosophie et d’une conception du
monde.
5.1.2- Rapport entre iconographie et iconologie
Pour Hoogewerff, le rapport entre l’iconographie et l’iconologie est
comme celui entre la géographie et la géologie. Les premières observent,
constatent, décrivent, les dernières s’intéressent à la structure, à la formation
intérieure, au contenu. L’iconographie identifie, décrit et l’iconologie a pour
objet les œuvres d’art sans les classer selon la technique appliquée ou selon la
perfection atteinte mais elle les contemple en les rangeant uniquement d’après
leur signification. Elle cherche à savoir quelle signification sociale on peut
attribuer à certaines formes, manières d’expression et de figuration, dans une
époque déterminée.

5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART

5.2.1- Définition, catégories et genres

5.2.1.1- Définition

Dans le domaine de l’art, une œuvre est une production, un ouvrage


unique réalisé par un artiste dans une technique donnée : ce peut être une œuvre
picturale, une œuvre sculpturale, une œuvre architecturale, une œuvre
graphique, etc. Le terme peut être employé au pluriel et est toujours au féminin
pour désigner des productions artistiques, des ouvrages réalisés par un ou des
artiste(s) dans des techniques données. On écrira donc une œuvre d’art et des
œuvres d’art.

Employé au masculin et au singulier, le terme œuvre (un œuvre) se


rapporte à l’ensemble des œuvres (au féminin et au pluriel) d’un artiste, réalisées
dans une technique particulière. On parlera ainsi de l’œuvre peint de Picasso, de
l’œuvre sculpté de Michel-Ange, de l’œuvre gravé d’Albrecht Dürer, etc.

5.2.1.2- Catégories et genres

Les différentes catégories de représentation plastique sont : les sujets


historiques, les sujets mythologiques et allégoriques, les sujets religieux, le nu,
le portrait et l’autoportrait, le paysage, la peinture de marines, la peinture de
genre, la nature morte, la peinture d’architecture, l’enluminure, la miniature, la
peinture murale, la peinture des voûtes et des plafonds, le polyptique, etc.

169
Les œuvres traitant de sujets historiques traduisent la grandeur de la
royauté, de l’empire ou de la république. Elles magnifient les faits et les gestes
les plus nobles. Les sujets historiques dans les représentations plastiques
remontent à l’Antiquité égyptienne. Les temples et les pyramides sont décorés
par des fresques relatant les victoires des pharaons sur les ennemies.

À partir de la Renaissance, les artistes empruntent à l’art antique gréco-


romain les sujets mythologiques. Ils s’inspirent des sculptures, recherchent
l’idéalisme au service de l’apparat, du luxe des habitations aristocratiques et
royales. Quant à l’allégorie, elle est un procédé de personnification d’une idée
religieuse, morale ou philosophique, etc.

Les sujets religieux sont en rapport avec la foi et la présence divine.


Les scènes bibliques sont traitées sur des supports de prédilection tels que les
retables et les vitraux.

Le nu met en exergue la beauté plastique, formelle du corps humain. Il


évolue avec le temps à travers les sujets historiques, religieux, mythologiques,
pour être idéalisé pendant la Renaissance et chercher à rendre fidèlement la
réalité visible au XIXème siècle avant de devenir un prétexte d’expériences
depuis le siècle dernier.

Le portrait est une représentation où l’artiste vise la ressemblance


physique et psychologique avec son modèle. De l’Antiquité au XIXème siècle, il
a eu ses lettres de noblesse avant de disparaître au fil du temps pour laisser la
place à la photographie. Dans l’autoportrait, l’artiste se choisit comme sujet de
représentation, matérialisant ainsi une sorte de narcissisme.

Le paysage, la peinture de marines et la peinture d’architecture


représentent respectivement la nature de manière autonome, le paysage de la
mer avec ou sans les bateaux et le paysage urbain.

La peinture de genre est celle de la vie quotidienne relative au travail, aux


loisirs, aux divertissements, etc.

La nature morte est la représentation des éléments sans vie notamment des
objets, des fruits, des fleurs, des gibiers. L’artiste met en évidence la valeur
symbolique desdits éléments.

L’enluminure et la miniature prêtent souvent à confusion. L’enluminure


est une forme de peinture ou de dessin que l’artiste de la période médiévale

170
réalisait sur les manuscrits ou dans les livres. Quant à la miniature, elle est une
peinture ou un dessin autonome de petites dimensions qui s’affranchit du livre et
du manuscrit pour devenir une œuvre à part entière.

La peinture murale, la peinture des voûtes et des plafonds se réalisent avec


pour supports respectivement les murs, les voûtes et les plafonds.

Le polyptique est une peinture constituée de plusieurs tableaux à la fois.


Ces tableaux forment ensemble une seule et même œuvre. Ils se présentent sous
forme de paravents, se fermant et s’ouvrant pour s’étendre dans l’espace. Depuis
le XXème siècle, des peintres notamment les adeptes de l’abstraction
affectionnent l’assemblage monumental de tableaux juxtaposés.

5.2.2- Supports, techniques de réalisation et agents plastiques

5.2.2.1- Les supports

Dans le cas de la peinture, un support, autrement appelé projectile, est une


surface sur laquelle l’artiste dispose des formes et des couleurs en un certain
ordre agencées. Le support s’impose au peintre en fonction de la destination de
l’œuvre : il peut être autonome (tableau de chevalet) ou non (mur, plafond, etc.).
La nature du support (souplesse, rigidité, fragilité, etc.) détermine les techniques
de préparation (apprêtage, encollage, enduisage, marouflage) mais aussi et
surtout les procédés picturaux.

5.2.2.2- Les techniques de réalisation

Les techniques sont tributaires des différents domaines d’expression


plastique : peinture, gravure, sculpture, céramique, tapisserie, etc. Nous
prendrons ici en exemple le domaine pictural. Maurice Denis dit qu’un tableau
de peinture « avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une
quelconque anecdote, est une surface plane recouverte de couleurs en un certain
ordre assemblées »10. Ces couleurs à l’origine minérales ou organiques et
aujourd’hui chimiques adhèrent aux différents supports grâce à des liants qui les
fixent. Ce faisant, nous avons les principales techniques suivantes :

- La peinture à l’huile (peinture dont le liant est l’huile et le diluant


l’essence de térébenthine de préférence) ;

- La détrempe est une peinture à la colle avec pour diluant, l’eau ;

10
Maurice DENIS, cité par Roger BORDIER, L’Art moderne et l’objet, Paris, Albin Michel, 1978, p. 121.

171
- La tempera est une peinture à l’œuf ;

- L’aquarelle est une peinture à la détrempe qui se fait directement sans


esquisse préalable (procédé d’alla prima) ;

- Le lavis est un procédé de camaïeu (utilisation d’une seule couleur),


l’eau servant à diluer et à étendre la teinte de départ ;

- Le pastel se présente en bâtonnets de forme ronde ou carrée. Il est connu


depuis le XVème siècle. Il y a le pastel traditionnel composé de pigments
finement broyés, de gomme arabique et de miel ; il y a aussi le pastel
gras ou à l’huile qui est récent.

- L’acrylique est un procédé qui date des années 1950. C’est une matière
soluble à l’eau, utilisée pour les grandes surfaces et prisée par les artistes
du Pop Art. L’acrylique se prête à tous les supports et permet tous les
effets.

5.2.2.3- Les agents plastiques

Les agents plastiques sont : le point, le trait, la ligne, les hachures, la


tache. Traditionnellement, le processus de création pictural consistait à faire
d’abord un dessin donc à organiser des lignes et ensuite à appliquer la couleur
dans les limites du contour des tracés. Le dessin précédait la couleur. Depuis la
Renaissance italienne, deux approches s’opposent : les partisans du dessin
(Poussin, Ingres) et les coloristes (Rubens, Delacroix, Matisse). Il ne faut
cependant pas oublier le troisième groupe qui apporte une solution médiane en
optant pour un geste à la fois graphique et pictural : il s’agit d’André Masson
avec l’automatisme du collage de sable sur le support et de Jackson Pollock avec
sa technique du dripping (égouttage).

La forme renvoie, en peinture, à la surface et à l’aplat. C’est, en d’autres


termes, une étendue d’une seule couleur. Elle est généralement délimitée par des
cernes ou par la rencontre avec une autre forme.

Il existe trois couleurs primaires que sont : le bleu, le jaune et le rouge.


Ces trois couleurs permettent d’obtenir toutes les autres. Il existe aussi trois
formes géométriques primaires qui sont à l’origine de toutes les autres. Ce sont :
le carré, le triangle et le cercle. Les formes géométriques construites sur les
lignes horizontales et verticales (croix, rectangles, etc.) appartiennent à la
famille des carrés. Les formes basées sur des lignes diagonales (losange, trapèze,

172
zigzag, etc.) sont liées à la famille des triangles. Les formes ovoïdes, circulaires
et sinusoïdales se classent dans la famille des cercles.

Les couleurs primaires sont associées aux formes primaires par


Kandinsky11 comme suit : carré et rouge, triangle et jaune, cercle et bleu. Pour
lui, les couleurs aiguës font mieux retentir leurs qualités dans une forme pointue,
c’est le cas du jaune et du triangle, les couleurs profondes sont renforcées par
des formes rondes, c’est par exemple le bleu et le cercle. Le carré donnant un
caractère de stabilité et de solidité et se déployant dans l’espace verticalement et
horizontalement, s’apparente chromatiquement au rouge.

L’artiste organise et met en relation les formes et les couleurs, dans un


souci d’harmonie ou de contraste les unes avec les autres. Ce faisant il adapte
ses outils et ses gestes à l’effet plastique recherché. Pour mettre en exergue un
élément, un détail ou une partie de la représentation, il choisit la nature et la
source de la lumière, de l’éclairage. Enfin de compte l’œuvre produite est une
machinerie à sens où le message intelligible des artifices de surface ne doit pas
faire perdre de vue la matérialité sensible du support utilisé et les techniques de
réalisation.

Accéder aux œuvres d’art dans le cadre de l’enseignement des Arts


plastiques, c’est satisfaire le désir de lever des coins de voile sur leurs
dimensions sous-jacentes. Il importe donc de s’imprégner de la démarche
créatrice pour être à même de se délecter au mieux, esthétiquement et
intellectuellement, desdites œuvres.
5.2.3- La démarche créatrice
La force du créateur réside dans sa disposition à l’émotion autrement dite
inspiration. L’artiste inspiré est pour ainsi dire en proie à une irruption de
sensation profonde. L’acte créateur consiste à exprimer par la forme cette
sensation volcanique. Pour ce faire, l’artiste opère par étapes, par choix
successifs : il trie, regroupe, oriente le travail en fonction de ses intentions. À
chaque étape il est mis en face de plusieurs problèmes nouveaux, donc de
décisions, somme toute imprévisibles à un stade antérieur. Le rendu final,
l’œuvre achevée est donc la somme des résultats provisoires qui jalonnent le
parcours du créateur. Quant à la démarche créatrice, elle est à l’image de la

11
Vassili KANDINSKY (1866-1944), peintre français d’origine russe, il est l’un des fondateurs du groupe
expressionniste Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) à Munich en 1905 et l’un des initiateurs de l’art abstrait en
1910. Il a enseigné en 1932 au Bauhaus en Allemagne, avant de s’établir à Paris, en 1933.

173
marche, c'est-à-dire : une suite de déséquilibres imposant un perpétuel
balancement des bras.
Il apparaît donc que l’émotion qui engendre l’inspiration, et
l’intelligence sont les maîtres d’œuvre de la création artistique. Si l’émotion
opère seule, elle mène à la dérive. En revanche, si le raisonnement prend le pas
sur la sensibilité, on produit une œuvre sans âme, apte à être reproduite puisque
fondée sur des données opérationnelles. Autrement dit, il peut y avoir blocage
chez l’artiste. Pour que la création puisse se faire, il faut que la sensibilité se
manifeste librement en dehors de tout contrôle de la raison. Mais il ne faut
cependant pas tomber dans le piège surréaliste qui veut que la création soit
purement et simplement une dictée de la pensée en dehors de toute censure de la
raison, de toute préoccupation morale ou esthétique : « un automatisme
psychique pur », selon André Breton.
En effet, après la création instinctive où l’artiste a dû suspendre son
jugement, il prend du recul et perçoit mieux ses intentions. Il les achèvera de
manière consciente. Ce faisant, le goût, l’intelligence, la conception que l’artiste
se fait de l’art, son expérience du métier se révèlent très déterminants dans
l’orientation et l’achèvement du travail créateur originel. Aussi sommes-nous
d’accord avec Marcel GIMOND pour dire :
« Tout homme étant un être sensible peut avoir des sentiments ; ce qui
distingue l’artiste, c’est qu’il est capable de donner une forme à ses sentiments
pour émouvoir à son tour » (M. Gimond, Paris, Arted, 1967, p. 38).

Durant des siècles, les artistes et plus particulièrement les peintres se


sont préoccupés à rendre l’environnement extérieur et leur monde intérieur en
images en ayant recours à trois inventions techniques essentielles : la
perspective qui donne, aux représentations sur surfaces planes, l’illusion de la
profondeur ; le modelé qui fait des surfaces plates des volumes dans l’espace
que crée la perspective et le clair-obscur qui anime l’espace du tableau par les
intensités infinies de la lumière. La perspective a été initiée par les peintres
flamands et florentins au XVème siècle, le modelé par les Italiens de la
Renaissance, enfin le clair-obscur au XVIème siècle par Léonard de Vinci.

174
5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE
ICONOLOGIQUE
Toute œuvre d’art informe doublement : elle est avant tout une image
dont la signification primaire, pour reprendre l’expression de Panofsky, est celle
de son thème ; elle est ensuite le résultat de techniques de fabrication. L’une
dans l’autre, ces deux informations instruisent l’observateur attentif et lui
permettent de lever un coin de voile sur la dimension sous-jacente de l’œuvre. Il
lèvera autant de voiles qu’il interprètera l’œuvre à la lumière du contexte
socioculturel de l’appartenance de celle-ci. Pour toutes ces raisons, il convient
de distinguer trois principaux niveaux d’approche dans l’analyse d’une œuvre
d’art : l’identification, la description et l’interprétation.
5.3.1- Identification de l’œuvre
Il s’agit d’inventorier les formes telles les configurations de lignes, de
couleurs et de taches ou les volumes taillés dans la pierre, le bois ou coulés dans
le bronze qui représentent des êtres humains, des animaux, des plantes, des
objets. On essaie ensuite de tracer les liens que ces derniers entretiennent entre
eux en tenant compte de l’aspect général de l’œuvre du point de vue expressivité
(vide ou plein, couleurs chaudes, froides, douces, claires contrastées, etc.). En
somme il s’agit de décrire rapidement le genre (portrait, scènes à personnages,
paysage, intérieur, nature morte, tableau abstrait, etc.).
5.3.2- Description de l’œuvre
Elle consiste dans l’analyse des motifs et de leurs agencements entre
eux. D’abord, on dégage les lignes de composition, le schéma géométrique à
partir duquel sont disposés les personnages, les objets et autres motifs ; dans le
cas où il s’agit d’une œuvre picturale, on tient compte des données matérielles
du tableau, c'est-à-dire : le format, la taille et la forme du champ pictural
(cadrage) qui peut être rectangulaire, carré, rond, ou ovale. On fait ensuite une
analyse de l’espace, de son mode de représentation en ayant à l’esprit ces mots
de René Huyghe qui rappelle en substance que l’intelligence humaine a du mal à
saisir les choses dans leur globalité, qu’elle divise l’espace en plan comme elle
divise le temps en années, en mois en jours, en heures, en minutes, etc. On
relèvera donc la nature de la perspective qui régit l’espace (linéaire,
atmosphérique, cavalière…) et s’il n’y a pas de profondeur, on notera la manière
dont les registres sont superposés. On s’intéressera aussi au point de vue (direct,
plongeant ou d’en bas). Par ailleurs, il convient de mettre en évidence

175
l’utilisation des couleurs et/ou des lignes, le traitement que l’artiste en fait :
utilise-t-il la couleur pure ou mélangée ? Peut-on parler de platitude ou de
modelé, de cerne ou non, d’ombre ou non ? Enfin on ne manquera pas de
mentionner si l’artiste procède par métier lisse ou touche séparée, constructive,
par coups de ciseau apparent ou par polissage, patinage, etc.

5.3.3- Interprétation
5.3.3.1- Dénotation et connotations
Il importe ici de revenir sur le sujet, sur les techniques d’élaboration, en
considérant l’œuvre par rapport à l’ensemble des réalisations artistiques de son
auteur et en tenant compte du milieu socioculturel de celui-ci. On devra avoir à
l’esprit ces mots de Maurice Delafosse : « L’art n’est vraiment de l’art que s’il
correspond, dans son expression comme dans son inspiration, à la civilisation
dont il est le produit pour ainsi dire sublimé »12.
La portée symbolique des couleurs et des éléments constitutifs de
l’œuvre ne devra pas faire perdre de vue les effets purement plastiques voulus et
recherchés par l’artiste et vice versa. Il importe de mettre au même diapason le
message intelligible des formes et la matérialité sensible du support. L’intérêt
pour cette autre dimension de l’œuvre d’art, permet au spectateur de développer
son sens de l’observation, de s’interroger sur le processus de création plastique
et par voie de corollaire de comprendre les structures de l’expression plastique.

5.3.3.2- Commentaire historique

À ce niveau de lecture de l’image, les structures propres à une œuvre, si


elles sont bien comprises, si elles ne nous voilent pas les yeux, révèlent des
informations sur le contexte socioculturel qui a vu naître l’œuvre en question et
ledit contexte éclaire en retour celle-ci. À ce degré d’interprétation, ce qui
s’identifie est un enjeu intellectuel et affectif qu’il convient d’analyser et de
situer dans le courant de l’histoire de la pensée créatrice.

Il importe également de confronter ces différentes données aux réalités


politiques, économiques, religieuses ou philosophiques de l’espace
géographique et temporel dont relève l’artiste. Il est indiqué, ici, de considérer
l’œuvre par rapport à l’ensemble des œuvres de l’artiste, d’une part, et de situer
celui-ci dans le courant général de l’histoire de l’art. On relèvera alors les

12
M. DELAFOSSE, Les Nègres, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 59.

176
convergences et les divergences entre lui et ses contemporains du point de vue
des thèmes et des techniques de réalisation artistique et on mettra en exergue les
influences ou les stimulations reçues mais aussi celles exercées sur d’autres, à
l’effet de mettre l’accent sur son style, son écriture plastique. Enfin, on
s’intéressera à l’impact produit par l’œuvre sur l’entourage de l’artiste et sur les
générations qui lui ont succédé.

177
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART

5.4.1- Guernica de Pablo PICASSO

Planche 52 : Guernica, Pablo PICASSO, 1937, huile sur toile, 349,3 x 776,6 cm, Museo
nacional, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid.

Source : Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1997,
pp. 18-19.

INTRODUCTION

Guernica est une œuvre de Pablo PICASSO, réalisée en 1937, avec de la


peinture à l’huile sur toile. Ce tableau monumental, de dimensions : 349,3 x
776,6 cm, est conservé au Museo nacional, Centro de Arte Reina Sofia, à
Madrid. L’image que nous avons retenue pour notre étude est extraite du livre de
Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1997,
pp. 18-19.

178
Notre analyse de cette œuvre s’appuie sur la méthode panofskyenne, à
savoir : l’iconologie. Il s’agit de procéder, de prime abord, à l’identification du
thème, appelée pré-iconographie par Panofsky, ensuite à la description de
l’œuvre, correspondant à l’iconographie proprement dite, et enfin, à
l’interprétation de l’œuvre, c’est-à-dire : l’iconologie, en termes de
significations des composantes plastiques et des symboles de références.

IDENTIFICATION DU THÈME

La première impression qui se dégage de ce tableau de peinture est que le


spectateur se croirait devant un collage de morceaux d’images prélevées dans
différents journaux. Aussi peut-il redécouper, charcuter l’œuvre à l’effet d’en
retrouver un à un les éléments constitutifs. Ainsi cela donne, au milieu de la
toile, une tête de cheval retournée vers l’arrière et hennissant, le reste du corps
disloqué. On observe ensuite, du côté droit, une tête d’être humain qui vole dans
l’air, bouche béante. Dans la partie gauche du tableau, en haut, un énorme
taureau se retourne, juste au-dessous, une femme, la bouche largement ouverte,
crie à gorge déployée. Elle porte dans ses bras un enfant apparemment mal en
point, nous en voulons pour preuve son visage renversé et les paupières fermées.
Dans la partie droite de la représentation, un personnage féminin, les deux bras
levés, les doigts écarquillés, la tête inclinée en arrière, a le regard levé vers ce
qui constitue l’unique ouverture du tableau et qui ne semble conduire nulle part,
une sorte de fenêtre rectangulaire. Traînant dans la partie gauche, au bas du
tableau, un personnage masculin (eu égard à la forme du bras gauche et à la
main droite tenant un objet pointu), apparaît en « pièces détachées ». Il prolonge
l’élan de la femme de droite qui fonce, tête en avant, pour échapper assurément
à un danger.

L’ensemble des éléments recensés s’identifie à une sorte de caricature


présentant des personnages et des animaux déchiquetés, blessés dans la chaire et
dans l’âme. Leurs cris, celui du cheval et ceux des personnages, semblent
refléter l’intensité des atrocités dont ils sont victimes. L’utilisation des non-
couleurs (noir, gris, blanc), par Picasso, accentue l’atmosphère de terreur et le
caractère macabre de la scène. Le tableau représente donc une scène d’atrocités,
de violence physique et morale dont Guernica, une ville espagnole, au regard du
titre de l’œuvre, fut le théâtre.

179
DESCRIPTION DE L’ŒUVRE

Au plan morphologique, l’œuvre se présente en trois grandes parties


comme s’il s’agissait d’un triptyque. Les parties gauche et droite laissent
apparaître deux rectangles dressés verticalement dans le sens de la largeur du
tableau. À l’intérieur de chacun d’eux, sont disposés respectivement, d’une part,
le taureau retournant la tête, la femme à l’enfant, le bras gauche avec la main
ouverte et la tête de l’homme gisant en bas et, d’autre part, la femme aux bras
levés sous laquelle traîne la jambe gauche de celle qui s’élance de la droite vers
la gauche. Le grand rectangle du milieu est animé par le cheval, le corps du
personnage couché tenant dans sa main droite un objet brisé et pointu, la femme
à droite en mouvement. Les formes anguleuses et les lignes obliques inscrivent
l’ensemble des éléments ainsi représentés dans une figure triangulaire avec au
sommet une lampe. Les personnages se présentent dans un élan de fuite, allant
de la droite vers la gauche, y compris celui qui est couché. Gravement blessé, ce
dernier, la main tendue, cherche vaille que vaille à se traîner loin de là. En
revanche, le taureau et le cheval sont disposés dans une position opposée.
Picasso les représente se détournant à gauche. Ce faisant, il les inscrit dans le
mouvement d’ensemble.

Du point de vue du chromatisme, la dominante des gris mise en exergue


par le noir, constituent le fond du tableau, duquel se détachent les blancs
jaunâtres ou légèrement bleutés, appliqués sur les personnages et les deux
animaux.

La répartition des valeurs, d’une part, accentue subtilement les gestes et,
d’autre part, intensifie les cris des personnages et le hennissement du cheval.
Elle contribue, avec l’option délibérée de Picasso pour les couleurs
neutralisantes, à conférer à la représentation une atmosphère de frayeur
généralisée, de terreur.

S’agissant de la technique et de la spatialité, nous relevons que les aplats


appliqués sur le fond contrastent avec les dégradés dans les volumes géométrisés
ainsi que les aplats légèrement nuancés des corps déchiquetés. Le corps du
cheval apparaît comme des morceaux de journaux éparpillés au milieu de
l’ensemble. La représentation des personnages de profil et en partie traduit
l’apport de la photographie à la peinture et contribue à mettre l’horreur et la
désolation en exergue.

180
INTERPRÉTATION DE L’ŒUVRE

Dénotation et connotation

Le tableau de Pablo PICASSO, Guernica, dans l’ensemble, donne à voir


des personnages, des animaux et des objets déchiquetés, disloqués, répartis de
manière disparate. On peut alors comprendre que cela traduit un désordre, un
bouleversement. Le mouvement horizontal, qui uniformise et caractérise les
éléments représentés, va de la droite vers la gauche et renvoie à une fuite
généralisée, une terreur, un sauve-qui-peut : la fuite d’un danger. Le hurlement à
gorge déployée de la mère, au-dessous du taureau, portant son enfant qui ne peut
être que mort (le visage renversé et les yeux clos), le hennissement du cheval
avec, sous ses sabots, l’homme étendu sur le dos, tenant dans sa main droite un
objet pointu et le geste de supplication de la femme, dans la partie droite du
tableau, les bras levés, les doigts écarquillés, le regard vers le ciel, ne sachant
apparemment plus « vers quel saint se tourner », nous autorise à parler d’un
événement horrible, d’un désarroi, d’une scène de grande atrocité. La gamme
des couleurs neutralisantes (noir, gris et blanc), voulue et utilisée par Picasso,
donne une atmosphère crépusculaire à la scène et la situe dans une cacophonie
qui semble étouffer les cris, les hennissements et les appels au secours venant de
toute part et finalement de nulle part. Si ce n’est pas la guerre, c’est quelque
chose qui lui ressemble.

À contre-courant du mouvement de fuite généralisée des personnages, de


la droite vers la gauche, y compris celui étendu au bas du tableau tenant un objet
pointu dans sa main droite et, par instinct de survie, tendant la main gauche, les
doigts écarquillés pour saisir tout objet susceptible de l’aider à s’éloigner du
danger, le taureau et le cheval avancent naturellement de la gauche vers la
droite, donc vont où il y a danger de mort. Ils se retournent tout au plus pour
voir vers où tout ce monde court. En effet, Guernica a été réalisée par Picasso en
réaction contre le bombardement de la ville du même nom par les Allemands en
avril 1937. Ce massacre d’innocents s’apparente, au figuré comme au propre, au
sort généralement réservé aux deux animaux cités plus haut. Claude Roy
explique :
« Il y a dans l’enchantement lugubre qui émane de ce tableau des éléments dont
on peut percevoir qu’ils avaient été réfléchis […] L’utilisation […] de thèmes
qui avaient depuis longtemps hanté Picasso : la tauromachie, avec l’innocence
bestiale du toro qui semble ici suggérer la vie martyrisée bien plus que la
puissance furieuse, et l’agonie du cheval étripé. (Le cheval et le taureau sont,

181
dans la corrida, les seuls qui meurent sans savoir pourquoi, comme les paysans
du marché de Guernica moururent sans comprendre.) (C. ROY, 1997, p. 25).

Commentaire historique

Du point de vue historique, Pablo Picasso a réalisé Guernica du 1er mai au


4 juin 1937 après qu’une petite ville espagnole du même nom, de 7 000
habitants, a été bombardée sous le général Franco, par des troupes allemandes,
le dimanche 26 avril 1937, jour du marché hebdomadaire, tuant plus d’un millier
et demi de ses habitants et faisant près d’un millier de blessés. Sans avoir été
témoin oculaire du massacre ainsi perpétré, Picasso, après plusieurs croquis
préparatoires, plusieurs compositions, conçoit et réalise une peinture
monumentale à la mesure de son indignation, de sa révolte. « Guernica est un cri
du cœur cent fois sur le métier repris, corrigé, gouverné. Ainsi, une des figures
qui semblent maintenant la clef de voûte, le point vélique de l’œuvre, celle du
cheval hennissant sa mort, ne prend sa place que dans le cinquième état de
l’œuvre » (C. ROY, 1997, p. 26).

Pablo PICASSO a entrepris de peindre Guernica le 1er mai 1937, soit


trente ans après Les Demoiselles d’Avignon (1907) et quinze ans avant ses deux
autres peintures monumentales, à savoir : La Guerre (5 x 10 m, 1952) et La Paix
(5 x 10 m, 1952). Des Demoiselles d’Avignon à La Paix en passant par Guernica
et La Guerre, Picasso pousse la « réalité de la conception » (G.
APOLLINAIRE) à la vérité sous toutes ses formes : « Picasso, je l’éprouvais au
plus profond de ma nuit, ne me parlait pas de la réalité de la guerre, mais son
génie avait su aller droit, porté par la colère et une composition furieuse, à la
vérité de la guerre » (C. ROY, 1997, p. 27). Picasso définit son approche de la
peinture par rapport à ses contemporains, à l’art moderne :
« Dans la peinture moderne, chaque touche est devenue une opération de
précision, fait partie d’un travail d’horlogerie. Tu peins la barbe d’un
personnage, elle est rousse, et ce roux t’amène à tout remettre en place dans
l’ensemble, à repeindre, comme par une réaction en chaîne, tout ce qui est
autour. Je voulais éviter cela, peindre comme on écrit, aussi vite que la pensée,
au rythme de l’imagination »13

L’œuvre qui fait l’objet de notre analyse et qui est en rapport avec le
massacre des paysans du marché de Guernica, n’est pas la description dudit
marché tel que bombardé le 26 avril 1937, encore moins celle des ruines d’une

13
Pablo Picasso cité par C. ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Cercle d’Art, p. 129.

182
localité donnée. Ici comme quinze ans après, dans La Guerre, Picasso ne fait pas
voir particulièrement ce qui est horrible à l’effet de susciter une quelconque
réaction chez le spectateur. En effet, Claude ROY souligne qu’il y a dans La
Guerre, non seulement l’inacceptable mais aussi et surtout la mise à nu de ce
qu’elle a de bête autrement dit de ridicule : « Ces signes de mort qui griffent
l’espace du tableau sont profondément tragiques, insoutenables, funestes. Mais
ils portent également en eux une signification qui peut réconforter : celle de leur
grotesque absolu. Ce que Picasso crie ici ce n’est pas seulement que la guerre est
laide, c’est aussi qu’elle est idiote » (C. ROY, 1997, p. 125).

CONCLUSION

Avec Les Demoiselles d’Avignon, PICASSO avait marqué une rupture


totale avec les systèmes académiques de représentation, passant de la réalité de
la vision à celle de la conception. Avec Guernica, il pousse la réalité de la
conception à son stade suprême, celui de la vérité. Ce faisant, Guernica et les
œuvres qui suivent, notamment La Guerre et La Paix, sont « des entreprises
d’éclatement de la peinture par les moyens (apparents) de la peinture » (C.
ROY, 1997, p. 129). Les formes et les couleurs, désormais soumises à sa seule
volonté créatrice, peuvent être simplifiées, réparties sur la surface du tableau
suivant la fertilité de son imagination et traduire en toute vérité ses intentions.

183
5.4.2- Signs ou ART de Robert COTTINGHAM

Planche 53 : Signs ou Art, Robert COTTINGHAM, 1971, peinture acrylique sur


toile, 78 x 78 cm, collection Dr Marylinn et Ivan C. Karp, New York.

Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

184
INTRODUCTION

Signs ou Art est un tableau peint, en 1971, sur une toile de format 78 x 78 cm,
avec de l’acrylique, par Robert COTTINGHAM. Il fait partie d’une collection
particulière, à New York. Conformément à la méthode panofskyenne, à l’entame,
les questions que nous nous posons sont les suivantes :

- Qu’est-ce qui est représenté ?


- Comment ?
- Pourquoi ?

Notre analyse de cette œuvre va consister à répondre à ces interrogations.


Pour ce faire, nous allons procéder à sa lecture à trois niveaux : le premier nous
permettra d’identifier le thème, le contenant ; le second, de décrire l’œuvre en
observant la manière dont l’artiste donne à voir, et enfin, le troisième et dernier, de
comprendre le contenu de l’œuvre, autrement dit le message intelligible des artifices
de surface.

IDENTIFICATION DU THÈME (CONTENANT)

De prime abord, notre attention est sollicitée par la disposition de trois


lettres de l’alphabet, présentées en relief et se détachant d’un fond rouge, aux
contours accusés. Lesdites lettres, en caractère d’imprimerie, se présentent dans
l’ordre comme suit : A, R, T. Des tubes de néons accentuent les saillies des
contours du fond et de ceux des caractères typographiques. Le jaune d’or,
appliqué latéralement sur les trois lettres, les illumine et les détache davantage
par rapport au fond. Deux bandes de couleurs bleue et orange cernent et
contribuent à mettre en exergue l’ensemble, sous forme de panneau. En haut et à
droite de celui-ci, des montants de fenêtres sont perceptibles. Nous sommes
indiscutablement en présence d’un panneau lumineux de type publicitaire sur un
pan de mur : une enseigne.

DESCRIPTION DE L’ŒUVRE (MANIÈRE DE DONNER)

Nous observons, du point de vue morphologique, une composition


structurée sur la base de lignes verticales qui confèrent à l’ensemble de la
représentation son équilibre. Des lignes obliques, des courbes et contre-courbes
contrastent avec les verticales, animent l’espace et entraînent l’ensemble des
motifs dans un mouvement allant dans le sens d’une lecture, de gauche à droite,
de trois lettres juxtaposées dans un ordre donnant un mot : ART. En effet, les

185
verticales peuvent être schématisées à travers le côté gauche du contour du
panneau, les montants des fenêtres à droite au-dessus de la lettre T, les barres de
ladite lettre en passant par celles du R. Les ombres portées des caractères
typographiques, comme des traits d’union, les rattachent au large aplat de terre
sienne brûlée foncée qui couvre le bas du tableau, contraste avec le panneau et
l’apparente à un bas-relief.

Du point de vue du chromatisme, la dominante rouge investit le fond du


panneau, « hausse le ton » à telle enseigne que les échos parviennent jusqu’à
l’intérieur des caractères typographiques, à travers des néons s’infiltrant dans les
labyrinthes desdits caractères et ce, dans un jeu de contraste des
complémentaires rouge/vert. Ce jeu des complémentaires s’observe aussi entre
l’orange et le bleu qui tournent et cernent, presque, le mot ART. Un jaune d’or,
avivant latéralement les trois lettres qui forment ledit mot, les singularise,
souligne leur portée esthétique en les ramenant à de purs éléments de
compositions plastiques. Nous en voulons pour preuve leurs ombres portées.

L’organisation de l’espace, en termes de répartition des éléments


constitutifs du tableau et de la nature du point de vue, est présidée par une
perspective revue et adaptée par l’œil photographique. Le recours à la
photographie pour réaliser les œuvres est l’un des fondements essentiels des
mouvements tels que le Pop Art et plus encore particulièrement
l’Hyperréalisme, et qui a contribué à donner à l’art « made in USA » son
originalité. Les artistes se servant de projections de photographies, réalisent, à
l’instar de Cottingham, comme on peut le voir ici, des œuvres qui tendent à être
des interrogations sur les limites de l’œil humain et de celui de l’appareil
photographique. Aussi peut-on observer le gros plan du cadrage qui souligne la
différence entre le champ visuel et le champ pictural. En effet, Cottingham, en
optant pour ce cadrage retient le message en partie. Les éléments retenus sont
ceux qui sont dignes d’intérêt pour lui et sont porteurs d’un sens. On le voit, les
trois lettres sont coupées de leur contexte pour constituer le champ pictural. Le
reste constitue le hors champ. L’un dans l’autre, l’ensemble forme le champ
visuel. La prise de vue est faite en contre-plongée et rend l’image imposante
parce que la plaçant en hauteur.

La peinture est réalisée à l’aérographe. Les couleurs sont appliquées


essentiellement en aplats au niveau du panneau. Les montants des fenêtres sont
faits en dégradés à droite, dans la partie supérieure du tableau. Le métier lisse et
impersonnel ne laisse apparaître aucune émotion subjective de l’artiste.

186
INTERPRÉTATION DE L’ŒUVRE
(CONTENU, MESSAGE INTELLIGIBLE)

Dénotation et connotation

L’ensemble de la représentation met en exergue des caractères


typographiques. Des tubes de néon, des installations électriques, des couleurs
chaudes telles que le rouge, l’orange et le jaune d’or, s’associent pour donner à
trois lettres retenues parmi d’autres, une visibilité et une lisibilité qui tendent à
véhiculer un message intelligible en rapport avec l’Art. Il s’agit bien d’une
enseigne, un panneau lumineux de type publicitaire.

Ainsi présentée, on croirait que cette enseigne trône sur la devanture d’un
magasin où « se vend l’art » ou tout au moins des produits qui en dérivent, si ce
n’est sur la façade principale d’une « fabrique d’art ».

Commentaire historique

Robert Cottingham est né en 1935. Son tableau, Signs ou ART, qui donne
à voir une enseigne avec des néons, est réalisé sur la base de « procédures et de
procédés » (Élisabeth Lebovici) relevant de ce qu’il est convenu d’appeler
Hyperréalisme. Cottingham fait partie de la génération des artistes américains
dont Chuck Close (né en 1940), Don Eddy (né en 1944), Richard Estes (né en
1932), Duane Hanson (1925-1996), Richard Mc Lean (né en 1934), Malcom
Morley (né en 1931), John Salt (né en 1937), etc. En effet, ces artistes ont en
commun, à partir de 1965, des détours dans l’univers de l’appareil photo et de la
photographie pour réaliser des peintures et rarement des sculptures. Le résultat
donne un réalisme illusionniste connu sous les noms de Photo-Realism ou
Super-Realism dans les pays anglo-saxons et d’Hyperréalisme en France.

Chaque peintre a des sujets de prédilection qui le singularisent : Fast-food,


banques (Estes), vitrines, voitures (Eddy), portraits géants (Close), etc. Aussi la
source photographique de ces artistes dits hyperréalistes varie-t-elle. Richard
Estes, Richard Mc Lean et bien d’autres utilisent leurs propres photos. À la
différence de ceux-ci, il y en a qui utilisent celles diffusées dans des magazines
en couleurs ou des journaux en noir et blanc.

187
Quant à Cottingham, il est réputé pour ses enseignes en néons. Comme la
plupart des peintres hyperréalistes, il transpose l’image photographique sur toile
par épiscope ou par projections de diapositives. Pour peindre le tableau, ART, Il
a utilisé l’aérographe, un outil bien caractéristique du monde de l’industrie.

Le tableau est réalisé à partir d’une prise de vue photographique en


contre-plongée. Le rendu final correspond à un cadrage en gros plan qui, avec
l’effet du hors champ, permet de comprendre que ce qui est donné à voir est
l’image d’une image, en partie et non en entier. L’artiste a retenu de l’enseigne
la partie où apparaissent les trois premières lettres : ART. Ce choix ne semble
pas anodin. En effet, il suscite quelques interrogations sur l’art, sur la peinture
hyperréaliste, dans leur rapport avec le milieu dans lequel l’œuvre a été réalisée :
la société de consommation au regard du contexte politique, économique, social
et culturel.

Le tableau ART de Cottingham peut être compris, à un premier niveau,


comme un questionnement et une réponse à l’objet de l’art, à l’apport de
l’hyperréalisme à la création plastique.

Jean Cassou fait observer : « Comprendre une œuvre d’art c’est prendre
conscience qu’elle est véritablement une création. C’est prendre conscience qu’il
y a, en elle, réaction contre les normes officielles du moment et aspiration à
autre chose ». (J. CASSOU, 1968, pp. 18-19).

En effet, les procédures et procédés hyperréalistes (1- appareil photo et


photographie pour recueillir l’information ; 2- emploi de moyen mécanique pour
transférer l’information sur toile ; 3- capacité technique du peintre de faire que
le tableau achevé semble photographique) visent surtout à révéler les limites du
réalisme de la photographie. Il s’agit donc d’imiter à la perfection la
photographie mais en atteignant à une relative originalité, gage de toute création.
Les artistes hyperréalistes prétendent ignorer ce qui a été fait avant eux. C’est
leur façon à eux de rejeter les procédés du passé. Cependant, les historiens de
l’art les situent dans le temps avec pour précurseurs les peintres de trompe-l’œil,
les tableaux de l’Ash Can School (« école de la poubelle »), les
« précisionnistes » notamment Morton Schamberg, Charles Demut,
respectivement au XIXème siècle, à l’aube et à partir du premier quart du siècle
suivant. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’apport du Pop Art à travers l’intérêt
des artistes de ce mouvement pour les médias et les techniques de reproduction.

188
À un autre niveau de compréhension, cette œuvre de Cottingham est une
interrogation sur les productions de l’esprit dans leur relation avec les objets de
consommation. « Faut-il en effet rappeler à notre société qu’elle attribue aux
œuvres d’art une valeur en chiffres » ? (Jean CASSOU).

L’enseigne avec les néons de Cottingham participerait alors d’une sorte de


publicité sur le lieu de vente. Elle pourrait être perçue comme une invitation à
consommer art et une façon de dire avec ironie : « Ceci est une boutique d’art ».

L’œuvre a été réalisée en 1971. Trois ans plus tôt, Jean Cassou affirmait :
« Désormais les productions de l’esprit, les productions du génie
humain, les œuvres de la pensée et de l’art sont considérées comme des objets
et traitées comme des objets. Elles n’ont donc plus qu’à être consommées par
la société à l’égal de tous les autres objets qu’objectivement elle consomme »
(J. CASSOU, 1968, p. 11).

CONCLUSION

En résumé, Signs ou ART de Cottingham est une œuvre majeure de


l’hyperréalisme américain. Elle est le reflet de la société de consommation,
médiatisée à outrance, avec ses systèmes de production fondés sur le
machinisme et la division du travail. La photographie passant pour être
synonyme de la modernité, offre aux artistes hyperréalistes des possibilités pour
transposer dans leurs œuvres une réalité qui ne soit pas, selon Chuck Close,
« retardataire ». L’image télévisuelle et l’image photographique ne sont-elles
pas en avance sur la vision directe des objets. Aussi prennent-ils appui, d’une
part, sur l’appareil photo et la photographie pour recueillir tous les éléments
pouvant leur servir de prétexte pour la pratique de leur art et, d’autre part, sur les
moyens mécaniques ou semi-mécaniques (épiscope, aérographe) pour transférer
les informations sur leurs toiles. Alors le peintre se donne un nouveau rôle, celui
de compléter l’information photographique, à ses yeux, trop sélective pour
rendre compte d’une manière pertinente et authentique de la réalité vraie.
L’usage de la machine révèle-t-il que l’artiste est aussi, avant et après tout, un
travailleur ? Le travail qu’il effectue fait appel à des gestes de fabrication
laborieux et épuisants : « On est obligé, dit Hucleux, d’y passer trois mois, à
raison de 15 heures par jour » (Élisabeth LEBOVICI). Quelle signification et
quelle direction donner à l’art aujourd’hui ? Signs ou ART de Cottingham est
une interrogation sur le sens de l’art actuel.

189
CONCLUSION
L’œuvre d’art a son secret, son ordre caché14 qu’elle ne livre pas au
spectateur hâtif à la faveur d’un simple clin d’œil. Elle interpelle le goût et
l’intelligence et n’est par conséquent accessible qu’au spectateur qui se donne le
temps et les moyens de refaire le chemin parcouru par l’artiste. La bonne
appréciation d’une œuvre d’art consiste donc dans la recréation de cette œuvre
par le spectateur. Elle repose sur des méthodes variables à quelques différences
près selon qu’il s’agit d’œuvre d’art plastique ou cinématographique.
À son meilleur, la lecture de l’image est comme la bonne critique d’art.
En effet, celle-ci est didactique, elle apporte un plus au lecteur en faisant un
rapprochement entre l’œuvre dont il est question et les autres réalisations du
même artiste. Elle situe l’artiste lui-même par rapport à son époque, le rattache à
d’autres artistes de la même tendance ou au contraire de tendances différentes.
La critique d’art, quelle qu’elle soit, reflète l’esprit de son auteur. Cependant,
elle ne doit pas manquer d’égard vis-à-vis de l’œuvre et doit plutôt, s’il y a lieu
se féliciter de voir celle-ci répondre à ce qu’on est en droit d’attendre d’elle.

14
Nous faisons ici un clin d’œil à Anton EHRENZWEIG pour son ouvrage intitulé : L’Ordre caché de l’art, Paris,
Éditions Gallimard, 1974.

190
CONCLUSION GÉNÉRALE

191
L’histoire de l’art, de la Renaissance à nos jours, est marquée par des
ruptures et des continuités dans la création plastique. Par ailleurs, il faut dire que
les cloisons entre siècles ne sont pas aussi étanches que l’histoire de la littérature
et de l’art pourraient le faire croire. S’il faut bien tracer les limites pour la clarté
des choses, il faut aussi garder à l’esprit que l’art et la littérature médiévaux, se
prolongeront en France et dans des pays nordiques tout au long du XVIème siècle.

L’ouverture des limites géographiques du monde, qui caractérise les XV ème


et XVIème siècles (le premier tour du monde de Magellan a confirmé que la terre
était ronde et les thèses de Copernic (1473-1543) puis Galilée (1564-1642) sur
l’héliocentrisme commencent à être discutées) se double d’une ouverture
symbolique et philosophique. La conception d’un monde infini et autonome
évacue l’être humain de sa place centrale dans le monde, et le voilà contraint de
chercher Dieu en lui-même, avec les risques de l’autonomie et de la pensée
personnelle. Ce faisant, la Renaissance qui naît en Italie au XIVème siècle,
connaît son printemps au XVème et son apogée au XVIème. Le mécénat des papes
et des Médicis à Florence, les grandes découvertes en sciences, sciences
humaines, l’imprimerie, etc. favorisent l’éclosion de l’esprit scientifique et des
arts.

Le XVIIème siècle est celui du Caravagisme, du Baroque et du Classicisme.


Les peintres caravagesques vont puiser dans des scènes de la vie populaire à la
recherche de plus de réalisme. Les peintres baroques à travers des compositions
dynamiques faites de diagonales, de courbes et de contre-courbes, diffusent
l’image d’un christianisme ouvert sur le monde et l’infini. Quant aux classiques,
ils développent, en réaction contre les excès du Baroque, un nouveau goût pour
un idéal de rigueur, de pureté et de simplicité dans l’harmonie des lignes
verticales et horizontales. Le siècle suivant, le XVIIIème, est dominé par le
Rococo et le Néoclassicisme. Les peintres rococos évoquent la frivolité,
l’insouciance et le plaisir des fêtes. Ils peignent la vie quotidienne des riches
bourgeois. Quant au Néoclassicisme, il en revient aux caractères de clarté, de
mesure et d’équilibre propres au Classicisme, en s’inspirant directement de la
statuaire gréco-romaine.

Le foisonnement des idées issues de la Révolution française (1789), a des


répercussions sur l’art du XIXème siècle. Trois mouvements naissent de ce rejet
de l’académisme : le Romantisme, le Réalisme et l’Impressionnisme.
L’avènement la photographie va accélérer la rupture des artistes avec tous les
systèmes hérités de la Renaissance et ouvrir la voie à l’art moderne.

192
L’art du XXème siècle est multiforme et insaisissable. Il ne s’appréhende
pas en termes de beauté et de laideur. Il est, à n’en point douter, otage d’un
champ social, culturel, institutionnel mais aussi et surtout économique. Il est
produit, diffusé, médiatisé et démocratisé comme jamais. L’art actuel s’est
emparé d’un public d’une diversité et d’une étendue sans commune mesure avec
celui qui lui avait été donné de rencontrer tout au long des périodes précédentes.
Il est objet de spéculations intellectuelles, politiques ou financières. Ses moyens
d’expression se sont multipliés et variés. Il innove les manières de donner forme
et de faire voir, d’inscrire l’œuvre et les intentions qui la sous-tendent, dans le
temps et l’espace. Ce faisant, l’art ne cesse d’élargir son emprise sur le monde et
d’apporter des réponses en rapport avec sa complexité. Jean-Louis Pradel a
trouvé les mots pour le faire constater :
« À l’architecture, la peinture, la sculpture et la gravure que déclinaient
traditionnellement les Beaux-arts, se sont ajoutés, la photographie, le cinéma, le
design, l’exploration des nouveaux médias… » (Paris, 1999, p. 6).

Puis il renchérit :
« Alors commence une course haletante. L’artiste s’arroge tous les droits,
s’empare de tous les moyens d’expression, transgresse tous les interdits,
bouleverse l’ordonnance des codes de bonne conduite culturelle, franchit toutes
les frontières, explore et annexe, chaque jour, de nouveaux territoires. » (Idem,
p. 8).

L’art du XXIème siècle ne peut être cerné dans une définition définitive. Il
ne peut s’appréhender que dans sa dynamique évolutive : il se fixe des limites
pour sans cesse les déplacer voire les dépasser. Il bouscule à volonté l’ordre des
choses et le spectacle du monde. L’art d’aujourd’hui est partout. Il ne se
reconnaît ni rives ni frontières.

193
BIBLIOGRAPHIE

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50 p.

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RUBIN W., (dir.) Le Primitivisme dans l’art du 20e siècle, les artistes modernes
devant l’art tribal, Paris, Flammarion, 1991, vol.1 et 2 ; 703 p.

195
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Planche 1 : Comparaison entre les grandes périodes


de l’histoire générale et les grandes périodes de l’histoire de l’art.
Source : BAMBA Salikou ........................................................................................................... 12
Planche 2 : La Joconde (portrait de Mona Lisa, dite, 1503 – 1506),
Léonard de Vinci, huile sur bois, 77 x 53 cm, Musée du Louvre, Paris.
Source : Patricia FRIDE R.-CARRASSAT
et Isabelle MARCADE, Les mouvements dans la peinture,
Paris, Larousse, 1999, p. 21. ....................................................................................................... 23
Planche 3 : David, Michel-Ange, 1501 – 1504, marbre, hauteur : 410 cm, Gallerie
dell’Academia, Florence.
Source : Alain Mérot, dir., Histoire de l’art 1000 – 2000, Paris,
Hazan, 1999, p. 165. .................................................................................................................... 24
Planche 4 : Enlèvement d’une Sabine, Jean Bologne, 1582, marbre, hauteur : 410 cm, Loggia
dei Lanzi, Place de la Seigneurie, Florence.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 185 .............................................................................................. 25
Planche 5 : Madonna delle nuvole, Donatello, vers 1425 – 1430, marbre, 33,9 x 32,4 cm,
Museum of fine Arts, Quincy A. Shaw Collection, Boston.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 124 .............................................................................................. 26
Planche 6 : Mise au tombeau, Le Caravage, vers 1602 – 1604, huile sur toile, 300 x 203 cm,
Pinacothèque vaticane, Rome.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 208 .............................................................................................. 31

Planche 7 : Jeune garçon avec une corbeille de fruits, Le Caravage, vers 1593-1594, huile
sur toile, 70x67 cm, Galerie Borghèse, Rome.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 207 .............................................................................................. 32
Planche 8 : Allégorie de l’œuvre missionnaire des jésuites (détail), Andrea Pozzo, 1691 –
1694, fresque. Voûte de la nef, église Saint’ Ignacio, Rome.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 231 .............................................................................................. 37
Planche 9 : Saint-Charles Barromée priant pour la fin de la peste à Milan, Pierre Puget, vers
1690, marbre, 170 x 125 cm, Musée des Beaux-arts, Marseille.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 269 .............................................................................................. 44
Planche 10 : Apollon servi par les nymphes, François Girardon et Thomas Regnaudin, 1666 –
1673, marbre. Bosquet des Bains d’Apollon, jardins du Château de Versailles.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 262 .............................................................................................. 45
Planche 11 : Les Bergers d’Arcadie, Nicolas Poussin, 1638 – 1640, huile sur toile, 85 x 121
cm, Musée du Louvre, Paris.
Source : Patricia FRIDE R.-CARRASSAT et Isabelle MARCADE, Ibid. p. 29 ....................... 46

196
Planche 12 : Jeune fille lisant ou la Liseuse, Jean Honoré Fragonard, vers 1776, huile sur
toile, 82 x 65 cm, National Gallery, Washington.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET,
Histoire de la peinture, Paris, Hatier, 2000, p. 65 ....................................................................... 51
Planche 13 : Le Serment des Horaces, Jacques-Louis David, 1784, huile sur toile, 330 x 425
cm, Musée du Louvre, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 68 ....................................... 55
Planche 14 : La Mort de Marat ou Marat assassiné, Jacques-Louis David, 1793, huile sur
toile, 165 x 128 cm, Musées royaux des Beaux-arts, Bruxelles.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 343 .............................................................................................. 56
Planche 15 : Le Départ des Volontaires de 1792, dit La Marseillaise (détail), François Rude,
1833 – 1836, pierre de Chérence, 12,7 x 7,90 m, Arc de Triomphe, Paris.
Source : Rodin et son temps 1840 – 1917, Amsterdam, Time-Life Books,
Édition française, 1972, p. 53 ...................................................................................................... 60
Planche 16 : La Danse, Jean-François Carpeaux, 1865 – 1868, Plâtre,
232 x 148 cm, Musée d’Orsay, Paris.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 390 .............................................................................................. 61
Planche 17 : La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830, huile sur toile, 259 x 325
cm, Musée du Louvre, Paris.
Source : Tout l’œuvre peint de Delacroix, Paris, Les Classiques de l’Art,
Flammarion, PL. XXVII ............................................................................................................. 62
Planche 18 : Le Radeau de la Méduse, Théodore Géricault, 1819, huile sur toile, 491 x 716
cm, Musée du Louvre, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 71 ....................................... 63
Planche 19 : Les Glaneuses, Jean-François Millet, 1857, huile sur toile,
83 x 111 cm, Musée d’Orsay, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 76 ....................................... 66
Planche 20 : La Cathédrale de Rouen le soir, Claude Monet, 1892 – 1894, huile sur toile, 100
x 65 cm, Musée des Beaux-arts Pouchkine, Moscou, (auparavant, collection S. Chtchoukine).
Source : Les Impressionnistes, Saint Pétersbourg,
Slavia, 1998, p. 33 ....................................................................................................................... 71
Planche 21 : La Montagne Sainte - Victoire au grand pin, Paul Cézanne,
1885 x 1887, huile sur toile, 60 x 73 cm, The Phillips Collection, Washington.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET,
Ibid. p. 89 .................................................................................................................................... 77
Planche 22 : Le Café de nuit, Vincent Van Gogh, 1888, huile sur toile, 70 x 89 cm, Yale
University Art Gallery, New Haven.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 417 .............................................................................................. 78

197
Planche 23 : Nafea Faaipoïpo (Quand te maries – tu ?), Paul Gauguin, 1892, huile, 101 x 77
cm, Musée des Beaux-arts, Bâle.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 416 .............................................................................................. 79
Planche 24 : Nadar élevant la photographie à la hauteur de l’art, Honoré Daumier,
(lithographie extraite du journal Le Boulevard), 25 mai 1862, Bibliothèque nationale de
France, Paris.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 394 .............................................................................................. 87

Planche 25 : Le Cri, Edvard Munch, 1893, Tempera et pastel sur carton,


91 x74 cm, Nasjonalgalleriet, Oslo.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 420 .............................................................................................. 96

Planche 26 : La Femme au chapeau, Henri Matisse, 1905, huile sur toile, 80,6 x 59,7 cm,
Museum of Modern Art, San Francisco.
Source : Jean-Louis FERRIER, Les Fauves, le règne de la couleur,
Paris, Pierre Terrail, 1992, p. 12 ................................................................................................. 100

Planche 27 : Trois personnages assis dans l’herbe, André Derain, 1906, huile sur toile, 38 x
55 cm, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Source : Idem, p. 87 .................................................................................................................... 101

Planche 28 : Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso, 1907, huile sur toile, 244 x 234,
Museum of Modern, New York.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET,
Source : Ibid. p. 104 ................................................................................................................... 105

Planche 29 : Nature morte à la chaise cannée, Pablo Picasso, 1912, huile, toile cirée sur toile
et corde, 29 x37 cm, Musée Picasso, Paris.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 443 .............................................................................................. 106

Planche 30 : Nu descendant un escalier no 2, Marcel Duchamp, 1912, huile sur toile, 147,3 x
88,9 cm, Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection, Philadelphie.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 446 .............................................................................................. 111

Planche 31: Le Canon en action, Gino Severini, 1915, coll. P. Guarini, Milan.
Source : Gaston DIEHL, La Peinture moderne dans le monde,
Paris, Uffucipress, 1966, p. 66 .................................................................................................... 112

Planche 32 : Forme unique de continuité dans l’espace, Umberto Boccioni, 1913, bronze,
101,2 x 86,3 cm, collection particulière, Rome.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 445 .............................................................................................. 113

Planche 33 : Improvisation VII, Vassili Kandinsky, 1910, huile sur toile, 131 x 97 cm,
Galerie Tretiakov, Moscou.
Source ; Kandinsky, Paris, Édition Cercle d’Art, 1994, PL. 24 ................................................. 120

198
Planche 34 : Dur et mou, Vassili Kandinsky, 1927, huile sur toile, 100 x 50 cm, The Museum
of Fine Arts, Boston ;
Source : Idem, PL. 59 ................................................................................................................. 121

Planche 35 : Nuit bleue, Paul Klee, 1937, gouache sur toile de coton montée sur toile à sac,
50,3 x 76,4 cm, Öffentliche kunstsammlung, Bâle.
Source ; Klee, Paris, Édition Cercle d’Art, 1995, PL. 51 ........................................................... 122

Planche 36 : Hommage à Blériot, Robert Delaunay, 1944, coll. Particulière, Paris.


Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 75 ........................................................................................... 123

Planche 37: Tableau I, Piet Mondrian, 1921, coll. Müller Wickmann, Bâle.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 92 ........................................................................................... 124

Planche 38 : Vision spectrale, Antoine Pevsner, 1959, bronze oxydé.


Source : Histoire visuelle de l’art, Paris / Bruxelles, Elsevier Séquoia,
1979, p. 282 (PL. 4) ..................................................................................................................... 125

Planche 39 : Construction linéaire dans l’espace no 2, Naum Gabo, plastique et nylon.


Source : Ibid. p. 282 (PL. 5) ....................................................................................................... 126

Planche 40 : Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 96,5 x 73 cm, Martin
G. Neumann Collection, Chicago.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 448 .............................................................................................. 131

Planche 41 : Le Thérapeute, René Magritte, 1937, coll. Urvater, Bruxelles.


Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 100 ......................................................................................... 136

Planche 42 : Le Cabinet anthropomorphique, Salvador Dali, 1936, huile sur panneau, 25,4 x
44,2 cm, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf.
Source : Salvador Dali, sa vie, son œuvre, Gründ, p. 188 ......................................................... 137

Planche 43 : Nature morte vivante, Salvador Dali, 1956, coll. Reynold Morse Foundation.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 107 ......................................................................................... 138

Planche 44 : Mobile « 31 janvier », Alexander Calder, 1950, tôle d’aluminium et fils d’acier,
MNAM, Paris.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 474 .............................................................................................. 147

Planche 45 : Army, Victor Vasarely, 1967 – 1968, collage de carton sur contreplaqué, 2,52 x
2,52 m, Musée National d’Art Moderne, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET,
Ibid. p. 121 .................................................................................................................................. 148

Planche 46 : Canyon (Combine painting), Robert Rauschenberg, 1959, huile sur toile et
matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61 cm, The Sonnabend Collection, New York.
Source : Alain Mérot, Ibid. p. 488 .............................................................................................. 152

199
Planche 47: Whaam! Roy Lichtenstein, 1963, Acrylique, 172 x 406 cm.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 122.
Ibid. p. 122 .................................................................................................................................. 153

Planche 48 : Richard, Chuck Close, 1969, Acrylique sur toile, Neue Galerie, collection
Ludwig, Aix-la-Chapelle.
Source : L’Hyperréalisme américain,
Paris, Fernand Hazan, 1975 ......................................................................................................... 157

Planche 49 : Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et polyester,


collection Saul P ; Steinberg, New York.
Source : Ibid. .............................................................................................................................. 158

Planche 50 : La Jungle, Wifredo Lam, 1943, Museum of Modern Art, New York.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 104 ......................................................................................... 163

Planche 51 : Sept, Jackson Pollock, 1950, coll. C. Cardazzo, Venise.


Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 157 ......................................................................................... 164

Planche 52 : Guernica, Pablo PICASSO, 1937, huile sur toile, 349,3 x 776,6 cm, Museo
nacional, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid.
Source : Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1997, pp.
18-19, Paris, Édition Cercle d’Art, 1997, pp. 18-19 ................................................................... 178

Planche 53 : Art, Robert Cottingham, 1971, peinture acrylique sur toile, collection Dr
Marylinn et Ivan C. Karp, New York.
Source : L’Hyperréalisme américain,
Paris, Fernand Hazan, 1975 ......................................................................................................... 184

200
TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE .............................................................................................................................................5
INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................................6
I- INITIATION À L’HISTOIRE DE L’ART ........................................................................................9
INTRODUCTION ....................................................................................................................................10
1.1- LES PÉRIODES DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE
ET DE L’HISTOIRE DE L’ART ..........................................................................................................11
1.2- APERÇU PANORAMIQUE DE L’HISTOIRE DE L’ART .........................................................13
CONCLUSION .........................................................................................................................................16

II- L’ART OCCIDENTAL DE LA RENAISSANCE


À LA FIN DU XIXème SIÈCLE................................................................................................................17
INTRODUCTION ....................................................................................................................................18
2.1 - LA RENAISSANCE (XVème ET XVIème SIÈCLES) ......................................................................19
2.1.1- LA RENAISSANCE ITALIENNE ..................................................................................................19
2.1.1.1- La peinture ....................................................................................................................................19
2.1.1.2- La sculpture ...................................................................................................................................21
2.1.1.3- L’architecture ...............................................................................................................................22
2.1.2- LA RENAISSANCE DANS LE RESTE DE L’EUROPE .............................................................27
2.2 - LA PÉRIODE ACADÉMIQUE
(DU XVIIème À LA FIN DU XIXème SIÈCLE ..........................................................................................29
2.2.1- LE XVIIème SIÈCLE.........................................................................................................................29
2.2.1.1- Le Caravagisme ............................................................................................................................29
2.2.1.1.1- Définition et historique ..............................................................................................................29
2.2.1.1.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................29
2.2.1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................30
2.2.1.2- Le Baroque ...................................................................................................................................33
2.2.1.2.1- Définition et historique ..............................................................................................................33
2.2.1.2.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................33
2.2.1.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................34
2.2.1.3- Le Classicisme .............................................................................................................................38
2.2.1.3.1- Définition et historique ..............................................................................................................38
2.2.1.3.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................40
2.2.1.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................40
2.2.2- LE XVIIIème SIÈCLE ........................................................................................................................47
2.2.2.1- Le Rococo .....................................................................................................................................47
2.2.2.1.1- Définition et historique ..............................................................................................................47
2.2.2.1.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................48
2.2.2.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................48
2.2.2.2- Le Néoclassicisme.........................................................................................................................52
2.2.2.2.1- Définition et historique ..............................................................................................................52
2.2.2.2.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................52
2.2.2.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................53
2.2.3- LE XIXème SIÈCLE ..........................................................................................................................57
2.2.3.1- Le Romantisme .............................................................................................................................57
2.2.3.1.1- Définition et historique ..............................................................................................................57

201
2.2.3.1.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................57
2.2.3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................58
2.2.3.2- Le Réalisme...................................................................................................................................64
2.2.3.2.1- Définition et historique ..............................................................................................................64
2.2.3.2.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................64
2.2.3.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................65
2.2.3.3- L’Impressionnisme........................................................................................................................67
2.2.3.3.1- Définition et historique ..............................................................................................................67
2.2.3.3.2- Caractéristiques ..........................................................................................................................67
2.2.3.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives .............................................................................69
2.2.3.4- Autres tendances et mouvements .................................................................................................72
2.2.3.4.1- Paul Cézanne (1839-1906) .........................................................................................................72
2.2.3.4.2- Les Néo-impressionnistes ..........................................................................................................72
2.2.3.4.3- Van Gogh (1853-1890) ..............................................................................................................73
2.2.3.4.4- Paul Gauguin (1848-1903) .........................................................................................................74
2.2.3.4.5- Les Nabis....................................................................................................................................74
2.2.3.4.6- L’Art nouveau ............................................................................................................................76
2.2.3.5- L’avènement de la photographie ...................................................................................................80
2.2.3.5.1- Définition ...................................................................................................................................80
2.2.3.5.2- La photographie et la peinture....................................................................................................80
2.2.3.5.3- Aperçu historique .......................................................................................................................82
CONCLUSION .........................................................................................................................................88

III - L’ART MODERNE (DU DÉBUT DU XXème SIÈCLE


À LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE) ....................................................................90
INTRODUCTION ...................................................................................................................................91
3.1 - LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR ........................................................................................92
3.1.1- L’EXPRESSIONNISME .................................................................................................................92
3.1.1.1- Définition et historique .................................................................................................................92
3.1.1.2- Caractéristiques .............................................................................................................................93
3.1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ................................................................................94
3.1.2- LE FAUVISME ...............................................................................................................................97
3.1.2-1- Définition et historique .................................................................................................................97
3.1.2-2- Caractéristiques.............................................................................................................................97
3.1.2-3- Principaux artistiques et œuvres représentatives ..........................................................................98
3.2 - LA RÉVOLUTION DE LA FORME .............................................................................................102
3.2.1- LE CUBISME ..................................................................................................................................102
3.2.1.1- Définition et historique .................................................................................................................102
3.2.1.2- Caractéristiques .............................................................................................................................102
3.2.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ................................................................................103
3.2.2- LE FUTURISME .............................................................................................................................107
3.2.2.1- Définition et historique .................................................................................................................107
3.2.2.2- Caractéristiques .............................................................................................................................107
3.2.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ................................................................................109
3.2.3- L’ART ABSTRAIT .........................................................................................................................114
3.2.3.1- Définition et historique .................................................................................................................114
3.2.3.2- Les pionniers .................................................................................................................................115
3.2.3.2.1- Vassili Kandinsky (1866-1944) .................................................................................................115

202
3.2.3.2.2- Piet Mondrian (1872-1944) et le Néoplasticisme ......................................................................115
3.2.3.2.3- De Stijl (1917-1932) ..................................................................................................................116
3.2.3.2.4- Kazimir Severinovitch Malevitch (1878-1935) et le Suprématisme ..........................................116
3.2.3.2.5- Paul Klee (1879-1940) ...............................................................................................................117
3.2.3.2.6- Robert Delaunay (1885-1941) et l’Orphisme.............................................................................117
3.2.3.3- Diffusion de L’Abstraction en Europe (1920-1930) .....................................................................117
3.2.3.3.1- Le Vorticisme en Angleterre ......................................................................................................118
3.2.3.3.2- Le Rayonnisme ..........................................................................................................................118
3.2.3.3.3- Le Constructivisme ....................................................................................................................118
3.2.3.3.4- Le style Art déco (début XXème siècle-vers 1930)......................................................................119
3.2.3.3.5- Le Bauhaus (1919 – 1933) .........................................................................................................119
3.3- LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE ................................................................................................................127
3.3.1- LE MOUVEMENT DADA .............................................................................................................127
3.3.1.1- Définition et historique .................................................................................................................127
3.3.1.2- Caractéristiques .............................................................................................................................128
3.3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ................................................................................129
3.3.2- LE SURRÉALISME ........................................................................................................................132
3.3.2.1- Définition et historique .................................................................................................................132
3.3.2.2- Caractéristiques .............................................................................................................................132
3.3.2.3- Les œuvres représentatives du surréalisme ...................................................................................135
CONCLUSION .........................................................................................................................................139
IV- L’ART CONTEMPORAIN ..............................................................................................................140
INTRODUCTION ....................................................................................................................................141
4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART ..............................................................................................142
4.1.1- Définition et historique ....................................................................................................................142
4.1.2- Caractéristiques ................................................................................................................................143
4.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ...................................................................................144
4.2- LE POP ART .....................................................................................................................................149
4.2.1- Définition et historique ....................................................................................................................149
4.2.2- Caractéristiques ................................................................................................................................149
4.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ...................................................................................150
4.3- L’HYPERRÉALISME .....................................................................................................................154
4.3.1- Définition et historique ....................................................................................................................154
4.3.2- Caractéristiques ................................................................................................................................154
4.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ...................................................................................155
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES ARTISTIQUES ...............................................159
4.4.1- Les années cinquante .......................................................................................................................159
4.4.2- L’apport de New-York .....................................................................................................................161
CONCLUSION .........................................................................................................................................165

V – ICONOLOGIE DE L’ART OCCIDENTAL...................................................................................166


INTRODUCTION ....................................................................................................................................167
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE ...................................................168
5.1.1- Définition et historique ....................................................................................................................168
5.1.2- Rapport entre iconographie et iconologie ........................................................................................169

203
5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART ....................................................................................................169
5.2.1- Définition, catégories et genres .......................................................................................................169
5.2.1.1- Définition .....................................................................................................................................169
5.2.1.2- Catégories et genres ......................................................................................................................169
5.2.2- Supports, techniques de réalisation et agents plastiques .................................................................171
5.2.2.1- Les supports .................................................................................................................................171
5.2.2.2- Les techniques de réalisation ........................................................................................................171
5.2.2.3- Les agents plastiques ....................................................................................................................172
5.2.3- La démarche créatrice .....................................................................................................................173
5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE ICONOLOGIQUE ...............................175
5.3.1- Identification de l’œuvre .................................................................................................................175
5.3.2- Description de l’œuvre ....................................................................................................................175
5.3.3- Interprétation de l’œuvre .................................................................................................................176
5.3.3.1- Dénotation et connotations ...........................................................................................................176
5.3.3.2- Commentaire historique ................................................................................................................176
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART ..........................................................................178
5.4.1- Guernica de Pablo Picasso ...............................................................................................................178
5.4.2- Signs ou ART Robert Cottingham ....................................................................................................184
CONCLUSION .........................................................................................................................................190
CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................................................................191
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................194
TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................................196

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