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« La scène de l’aveu » - La Princesse de Clèves, 1678 - Mme de Lafayette

Introduction
- Auteur : Madame de Lafayette naît en 1634 dans une famille de la petite noblesse. A paris, elle
anime un salon littéraire et côtoie des hommes et femmes de lettres. Elle est notamment amie avec
Mme de Sévigné et La Rochefoucauld. C’est en 1678 qu’elle publie La Princesse de Clèves sous
pseudonyme, qui remporte un succès immédiat. Elle est ainsi considérée comme un auteur du
classicisme, inventeur du roman d’analyse psychologique.

- Œuvre : La Princesse de Clèves, considéré comme le roman le plus célèbre du XVIIème siècle et
qui reste son plus grand chef d’œuvre en plus d’être le premier roman d’analyse psychologique. Au
croisement de l’esthétique classique et du courant de la préciosité, le récit y met en scène une jeune
femme vertueuse confrontée aux tourments de la passion amoureuse, avec pour cadre la cour
d’Henri II en 1558.

- Texte :
• Situation dans l’œuvre :
Peu avant ce passage, la princesse s’est rapprochée de Nemours, dans le cadre de l’affaire de la
lettre de Mme de Thémines. Nemours s’étant justifié à ce sujet, Mme de Clèves en a ressenti un
grand soulagement : se sachant amoureuse, elle décide de se retirer dans la propriété de
Coulommiers. Cet échange avec son mari, qui est venu lui rendre visite, a lieu dans un pavillon du
parc, à proximité de la forêt.
• Enjeux :
M. de Nemours, égaré lors d’une partie de chasse, décide de se rendre à Coulommiers dans l’espoir
d’y apercevoir la princesse. Il tombe par hasard sur M. et Mme de Clèves, et, caché dans un cabinet
adjacent, écoute la conversation en cachette.
Scène la plus célèbre et la plus controversée du roman, question de la nécessité et du
caractère vraisemblable de cet aveu.

[LECTURE]

En quoi cette scène est-elle étonnante ?

Mouvements
I. l. 497 à 502 : Un aveu étonnant
II. l. 502 à 511 : Une vertu conservée
III. l. 512 à 524 : M. de Clèves affligé (le désespoir du mari)

I. l. 497 à 502 : Un aveu étonnant

l. 497 « en se jetant à ses Posture pathétique Mme de Clèves se jette aux pieds de son mari.
genoux » Elle marque ainsi physiquement par cette attitude
pitoyable sa soumission au jugement de son mari
ainsi que sa volonté de se livrer totalement. Par
cette position, elle implore sa pitié.
l. 497 «Eh bien, Discours direct L’aveu lui-même est restitué au discours direct.
monsieur, ...» On retrouve ainsi le caractère vivant et incarné
propre au genre théâtral. Cet épisode majeur du
récit prend ainsi un relief particulier.
l.498 « un aveu que l’on Hyperbole Mme de Clèves a conscience de l’incongruité de
n’a jamais fait à son Geste exceptionnel, sa démarche, de son caractère extraordinaire
mari;» inédit
l. 498 « ...fait à son mari; Conjonction de Elle justifie cet aveu dans la 2ème partie de la
mais» coordination «mais» phrase introduite par «mais» par la vertu dont elle
affirme ne s’être jamais départie.
l. 500 « j’ai des raisons Euphémisme L’aveu lui-même est formulé de manière allusive.
de m’éloigner de la Mme de Clèves manie l’euphémisme pour
cour» ménager son mari et lui épargner l’affront d’un
l.501 « les périls où se aveu direct.
trouvent quelquefois les
personnes de mon âge»

II. l. 502 à 511 : Une vertu conservée

Mme de Clèves demande à son mari l’autorisation de se retirer de la cour. Elle justifie cette
demande par la volonté qu’elle a de lui rester fidèle. Sa détermination s’appuie sur différents
procédés rhétoriques :

« jamais» Emploi de termes hyperboliques


« nulles marques de faiblesse»
« mille pardons»
«plus que l’on en a jamais eu»

Omniprésence et affirmation de la 1ère personne


en position sujet
« déplairai» Emploi du futur simple
l.506 « je prends » Répétition
« nulles marques de faiblesse» Forte présence du champ lexical de la vertu
«conduire» «digne» «amitié» «estime» «pitié»
l. 503-504 « si vous me laissiez 2 propositions Le péril amoureux auquel la
la liberté ...» subordonnées princesse avoue être confrontée est
ou « si j’avais encore madame circonstancielles bien présent dans ce passage.
de Chartres pour m’aider à me exprimant la condition et Montrent bien que l’héroïne admet
conduire » introduites par «si» ne pas pouvoir échapper à cet amour
sans aide extérieure.
l. 507-508 « si j’ai des Expression Constitue une périphrase amoureuse
sentiments qui vous déplaisent, chiasme Héroïsme, confrontée à un choix
du moins je ne vous déplairai difficile entre amour et devoir
jamais par mes actions. »
l. 509 «amitié» Termes Employés pour caractériser ses
l. 510« estime » sentiments à l’égard de son mari,
habilement choisis par Mme de
Clèves pour substituer à l’amour
qu’attendrait légitimement M. de
Clèves de sa femme de façon
bienveillante et positive.
l. 510-511« Conduisez-moi, Verbes à l’impératif Montre qu’elle garde la maîtrise de la
ayez pitié de moi et aimez-moi situation alors qu’elle devrait être en
encore» situation de faiblesse. Implicite
comme manière de ménager son mari
en se plaçant sous sa bienveillance.

III. l. 512 à 524 : M. de Clèves affligé (le désespoir du mari)

l.513 « la tête appuyée sur ses Posture Avant même de lui donner la
mains, hors de lui-même » Gestuelle tragique + champ parole, Mme de Lafayette
lexical de la douleur insiste sur la posture du prince
qui traduit une douleur muette
et un repli sur soi.
l.513 « il n’avait pas songé à Oubli de la bienséance Traduit la violence du désespoir
faire relever sa femme » qu’il ressent
l. 521-522 « plus digne Hyperbole La première réaction de M. de
d’estime et d’admiration que Clèves mêle l’amour au
tout ce qu’il y a jamais eu de désespoir. Il approuve la
femmes au monde » démarche de sa femme.
l. 516 «il pensa mourir de Hyperboles A la force de cette admiration
douleur » répond celle de son profond
l.517 «le plus malheureux désespoir également exprimé de
homme qui ait jamais été » manière hyperbolique. =
personnage pathétique et
admirable

Conclusion :

La scène de l’aveu est étonnante et placée sous le signe de la vertu conservée. Son aveu est
pudique et sa passion pour le duc de Nemours ne se manifeste qu’aux travers d’euphémismes, son
nom d’ailleurs n’est jamais mentionné. Cette évocation pudique de pensées adultères correspond
aux bienséances requises au XVIIème siècle. A l’aveu de la princesse succède un tableau digne
d’une tragédie, rendant le passage théâtral car il ne faut pas oublier la présence du duc de Nemours,
spectateur caché de cette scène d’aveu.

Cet extrait a donc une fonction moraliste inspirée du jansénisme, notamment en montrant la
souffrance engendrée par des passions non maîtrisées, comme celles du prince de Clèves qui en
mourra de douleur.

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