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II – Mais le but de ce roman est (serait) aussi d'instruire

1) Personnages qui parlent de la morale :


Tiberge, l'ange gardien, voir à Saint-lazare.
le père : garant de la bonne conduite : voir les entretiens, en particulier p. 165 + Greuze
Mais aussi le vieux G..M... libidineux : « où les jeunes gens se laissent aller facilement à la
débauche » (p. 78)
– le « sang noble et pur » du vieux G...M... : page 157. mais selon DG : « ce vieux monstre
d'incontinence voulut prendre quelque familiarité avec elle ».

2) Une morale sauve : le mal est puni.


DG : réflexion morale après ou avant chaque tromperie : 26,74, 110
- coupable : Il est toujours averti (voir avis au lecteur) mais s'obstine dans ses fautes : son
père, p. 40, lui révèle la trahison de Manon mais il replongera. –> il est donc coupable.
- Il tue un homme, tourne en dérision 2 autres, ment à son père, à son ami le plus dévoué.
Il est puni pour toutes ses fautes (désespoir, larmes, déceptions...) jusqu'à la fin : mort de
Manon et de son père : de tristesse ?

3) Mais : société corrompue : un roman des Lumières. DG joue l'hypocrite à St Lazare.

a) p.86 : critique d'un monde chenu : M de G... M... « rajuste sa perruque et sa cravate » : ridicule
contre la vigueur d'une jeunesse outrée du sort que l'on réserve à deux amoureux.
89 : M de G... M... décide d'emprisonner encore 6 mois DG à St Lazare et M à l'Hôpital pour se
venger de la réaction violente de DG : disproportion et abus de pouvoir.

– > DG tue le portier de Saint-Lazare qui voulait intervenir. Il fait porter la responsabilité de
ce meurtre au Père (donc à l'Eglise) : « Voilà de quoi vous êtes cause, mon Père, dis-je assez
fièrement à mon guide ». (97) : trop de restrictions pousserait au crime ?

– p. 143 : la jeune prostituée de 16-17 ans envoyée par Manon à DG est une habituée de M.
G...M → la société des « bien-pendants » est corrompue.
– P. 143 : dénonce une société où l'argent est plus important que l'amour (bas de page)

Voir aussi bas de page 161 : « Nous avons reçu de l'esprit, du goût, des sentiments. Hélas ! Quel
triste usage en faisons-nous tandis que tant d'âmes basses et dignes de notre sort jouissent.... » →
voir aussi Figaro : « Vous vous êtes donné la peine de naître ». 1778

166 : portrait explicite par DG à son père d'une société corrompue : énumération de nobles...
169, bas : les pères : « auteurs de ma perte »

b) L'honnête homme : est-ce un modèle à réinventer ? 95 : roman où l'honnête homme (73 : M de


G.. M selon Lescaut à DG et voir p. 143 ci-dessus) et l'honneur sont objet de falsification et
d'hypocrisie (Lescaut p. 95) + hypocrisie de DG à Saint-Lazare (84-86)
110 : portrait de DG par lui-même : « Je n'étais ni un homme lâche ni un bon chrétien » : un autre
homme d'honneur ? +112-113 : ne répugne pas à « quelque chose d'honnête et de raisonnable ».
On préfère peut-être la « belle âme » de M. de T... p. 114 (M. de T... est jeune et compatissant quant
à l'amour.) Voir p. 165 sa réponse à son père : « la modestie où vous me voyez n'est nullement
affectée »: → pour DG, on peut être un homme d'honneur et amoureux.

Voir aussi p. 181 l'antithèse entre les idées d'honneur du père de DG et les sauvages de
l'Amérique qui « suivent les lois de la nature » et qui ne suivent pas les « idées fantastiques de
l'honneur » .
« fantastiques », ici = aberrantes.

165 : le père de DG aurait voulu qu'il soit un « honnête homme » / « perdu les sentiments
d'honneur » et l'accuse de contrefaire l'honnêteté.
188 : une nouvelle définition du libertinage : pas d'irréligion. ; la vertu : présente dans le roman
189 : DG/Manon : une nouvelle honnêteté : « Il n'y a point d'honnête homme au monde qui n'eût
approuvé mes vues... ».

c) Sympathie du lecteur pour DG


Des Grieux est-il un personnage niais dont le lecteur se détournerait ?
Il est dupé par Manon, par le G...M jeune (p. 137-138), il est manipulé par le frère de Manon mais
c'est un personnage droit, foncièrement amoureux, qui a peur de retomber en amour quand Manon
vient le voir à Saint-Sulpice : « horreur secrète ».
C'est un personnage qui ne cesse d'avoir une oreille pour Tiberge (68-69), et qui s'analyse p. 74, il
regrette son innocence passée → il se joue de la fausse valeur des apparences mais c'est aussi un
personnage pathétique : voir ses larmes : « perfide, ah perfide Manon » +142 : le portrait de Manon
s'affine mais toujours, il cède : accepte la vengeance contre le jeune G...M... ourdie par Manon : 155
et on le comprend ; il est sous le charme de Manon.

Assurément, ce qui donne la saveur particulière de la lecture de Manon Lescaut est le statut particulier du

narrateur. En effet, pour nous conter l'histoire de ces deux amants dépravés, coupables de tous les crimes, et

qui nous paraissent paradoxalement purs de leur amour, l'abbé Prévost choisit d'emprunter la voix de Des

Frieux, ce qui contribue à donner une couleur particulière à ses mots. C'est l'amant toujours actuel, mais en

même temps, le criminel repenti, qui parle.

Un récit dramatisé

Par ce procédé, le lecteur est entraîné malgré lui - de par sa simple lecture - dans une adhésion qui le rend

complice. D'abord, Des Grieux est un conteur de talent : les péripéties vécues par les amants, dignes des plus

grands romans d'aventures, sont relatées de manière dynamique. Ainsi, la narration se trouve resserrée par

des coups de théâtre perpétuels et le lecteur, entraîné, en oublie son jugement moral.

III – un roman tragique ? l'amour constitutif de la nature humaine

1) Présence de la tragédie :
Roman où les scènes se dupliquent en symétrie ou rebondissement : retours des personnages, des
situations et des lieux ( de Saint-Denis à Saint-Denis, de Chaillot à Chaillot) : spirale qui prend au
piège les personnages et qui ne les rend pas libres. Voir aussi argumentation de DG à Tiberge p. 94-
96.

La tragédie dans le roman :

Elle est présente pour de nombreuses raisons :


– S'ouvre par la fatalité / fin tragique.
– Allusion à Racine (Manon parodie des vers d'Andromaque), à Corneille : « Va et cours à ta
perte » dit le père à DG : parodie de « Va, cours, vole et me venge » du Cid, + allusion à Didon et
Enée, Tristan et Iseut, Samson et Dalila (Bible).
– Horreur et pitié souvent dans le roman.
– Enfermement : les retours dans le romans : chez le père / Chaillot / retour des personnages /
d'une prison à l'autre.
– L'amour est une passion fatale : DG à son père / Manon au parloir de Saint-Sulpice. / DG
n'est pas maître de lui.

Notez : Si c'est un roman tragique, il aurait pour but d'instruire (voir avis au lecteur) : il faudrait se
méfier des passions.

2) L'amoureux est une force irrépressible : ce qui revient à dire que DG n'est pas coupable : il a
été entraîné par la passion, source de tragédie (voir avis au lecteur).

22 : « Je suis sûr qu'en me condamnant, vous ne pourrez pas vous empêcher de me plaindre » dit
DG au narrateur avant de raconter son histoire.
Et aussi :
« Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin […] plaise, parce que
toutes les mauvaises actions du héros […] ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique
la conduite soit basse.» Montesquieu
Cet amour est cause des malheurs :
- voir AL 5 : « l'amour me rendit si éclairé... »

– 49 : l'enchantement de l'amour : DG non coupable + usage du modalisateur : « me parut un


enchantement ».
– Il est de ce fait terrifiant :
52 : « tu es trop adorable pour une créature ». « Horreur secrète » » éprouvée par DG en retombant
dans la passion.

3) La passion, force incontrôlable ou apologie de la passion : « L'amour est une passion


innocente ». (74) = 74 : DG regrette son innocence passée et qu'il soit devenu un « criminel ».
• argumentation DG/Tiberge à Saint-lazare : pages 92-93 : péroraison de DG très importante
pour comprendre que Prévost propose une nouvelle morale.
• p. 108, après la fuite de l'Hôpital où la tragédie pointe : (les opposants se multiplient alors),
DG réaffirme la force de la passion, contre la morale : « Tiberge a beau dire, ce n'est pas là
un fantôme de bonheur. Je verrais périr tout l'univers sans y prendre intérêt ».
165 : DG à son père : « C'est l'amour qui a causé toutes mes fautes. Fatale passion ! »
168 : marque de la tragédie – voir aussi rencontre amoureuse.
183(1747) : Manon à DG : « Donne-moi la mort », au Havre : accent d'une Phèdre.

Même le Ciel crée les hommes pour l'amour :


161 : « Ciel ! Comment traitez-vous avec tant de rigueur le plus parfait de vos ouvrages ? » : DG
s'adresse au ciel pour reprocher son incohérence : Dieu a créé Manon, elle est faite pour l'amour.

Voir aussi p. 181 l'antithèse AR avec les sauvages de l'Amérique qui « suivent les lois de la nature ».

Que comprendre de la situation finale ?


Le Ciel n'a pas permis le mariage vertueux des amoureux. Manon est morte : châtiment ? Mais le
père aussi. DG rentre avec Tiberge, l'ami fidèle et vertueux. → proposition dune voie moyenne ? Ni
irréligion ni immoralité.
Mais : est-ce vraiment un roman tragique ?
A la fin du roman, des Grieux ne meurt pas comme Tristan ou comme Pyrame : il va vivre une vie
noble : retour à la sagesse.
Que comprendre de la situation finale ?
Le Ciel n'a pas permis le mariage vertueux des amoureux. Manon est morte : châtiment ? Mais le
père aussi. DG rentre avec Tiberge, l'ami fidèle et vertueux. → proposition dune voie moyenne ? Ni
irréligion ni immoralité.

– comédie trop présente pour être une tragédie : voir tragi-comédie de Corneille.
– DG prend en main son destin : ne serait-il pas finalement libre, au contraire d'un héros
tragique ?

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