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Lecture analytique 1 : le récit de la rencontre : lignes 204 à 231

Abbé Prévost : romancier du 18ème siècle, malgré son titre d’abbé, vie riche et aventureuse. (militaire,
religieux, nombreux voyages, homme de lettres victime de la censure…)

Manon Lescaut : titre original : Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut est le septième
tome des mémoires d’un homme de qualité paru en 1731. Manon Lescaut sera publié seul en 1733 et
interdit car jugé immoral.

Le passage se situe au début du roman, il raconte la première rencontre entre Manon et Des Grieux.
Le récit est à la première personne et rétrospectif. Des Grieux s’adresse à Renoncour.

Scène de première rencontre amoureuse : topos romanesque, scène attendue. Scène racontée
comme un événement fondateur dans la vie de des Grieux.

3 mouvements : les circonstances de la rencontre, le choc de la rencontre, le dialogue.

Explication :

« J’avais marqué » (décidé) : récit rétrospectif de Des Grieux à Renoncour. « Le temps de mon départ
d’Amiens » : départ de sa ville d’études rappel : Des Grieux a terminé ses études de philosophie et
s’apprête à rentrer chez ses parents. Il est voué à devenir chevalier de l’ordre de Malte, un ordre
religieux.

Phrases exclamatives ! Hélas ! : annonce d’un malheur futur, d’une chute, suscite la curiosité,
l’intérêt du lecteur. Prépare le lecteur à comprendre que cette rencontre sera décisive et aura des
conséquences tragiques.

Opposition entre : « j’avais marqué » (la réalité) « que ne le marquais-je ! » (regret) : caractère fatal
de l’événement.

« Que ne le marquais-je un jour plus tôt ! » Regrets, remords vis-à-vis de son père. Irréel du passé
(conditionnel passé) (j’aurais porté…) Annonce de la perte de l’innocence. (toute mon innocence)
Expression d’une culpabilité envers son père (?)

La précision de la date : « la veille même de celui de mon départ » met en avant l’aspect improbable
de la rencontre.

Circonstances de la rencontre : promenade en compagnie de Tiberge. La rencontre se fait par hasard.

Moment de désœuvrement : « étant à me promener…Nous le suivîmes »

Temps précis/ lieux précis : cadre spatio temporel : la veille du départ, hôtellerie, coche d’Arras.

Scène dynamique (mouvement) : promenade amicale/ insertion de l’ami dans le récit. (« qui
s’appelait Tiberge ») Cadre urbain, scène de rue.

Elément perturbateur avec le passé simple : « nous vîmes », « nous suivîmes »…Le coche est
présenté comme l’élément perturbateur.

« nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité » Pas d’intention de la part du narrateur. La
rencontre est due au hasard.

Scène a priori banale qui attise cependant la curiosité. La curiosité des personnages renvoie à la
curiosité du lecteur.

Arrivée du coche (diligence), descente des voyageurs (quelques femmes dont une se détache.)
Opposition entre « quelques femmes qui se retirèrent » / une « qui s’arrêta seule dans la cour. »
Singularité de Manon mise en avant/ : son comportement est différent ; sa jeunesse est mise en
avant « fort jeune » (comme des Grieux)/ : Elle est immobile quand tout le monde s’agite autour
d’elle et particulièrement l’homme qui l’accompagne. « s’empressait pour faire tirer son équipage »
Supposition de des Grieux : « homme qui paraissait lui servir de conducteur ».

Des Grieux évacue le personnage sans lui attacher plus d’importance. Le lecteur n’aura pas d’autres
informations, ce qui contribue à renforcer l’impression de mystère concernant Manon.

Action de l’homme//contraste avec l’immobilité de Manon. Immobilité : mystère : hésitation,


noblesse, disponibilité, attente…

« Elle me parut si charmante… »

Phrase longue qui restitue le bouleversement intérieur que subit des Grieux. Sens de « charmant » :
sens fort : qui charme, qui envoûte.

Description d’une révélation, d’un bouleversement amoureux.

« Elle me parut » : première impression, impression personnelle point de vue interne. Expression de
la conséquence avec un adverbe intensif : si…que.

Insistance du narrateur sur son innocence et son inexpérience. (série de phrases négatives : qui
n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille…. )

Il fait même son propre éloge et se présente comme un exemple de sagesse (tout le monde admirait
la sagesse et la retenue ) jeune homme modèle satisfaisant sa famille et la société autour de lui.

Discours de des Grieux prend l’aspect d’un plaidoyer : il raconte mais en même temps cherche à se
défendre, à montrer une bonne image de lui-même.

Construction de la phrase avec trois propositions relatives construites en crescendo, pour donner
une image positive de lui (moi, moi, dis-je). Mise en avant de lui-même et de ses qualités.

Chute de la phrase : proposition principale exprimant la conséquence.

Rapidité de la métamorphose : passé simple : « je me trouvai » « tout d’un coup »

Violence du sentiment : passion : « enflammé », « transport ».

Changement intérieur du narrateur : indifférent # passionné Enflammé transport # sagesse retenue.


(antithèses qui renvoient au changement qui s’opère)

Métamorphose du narrateur : « charmé » : femme fatale ?

Description d’un coup de foudre qui permettrait une révélation, une métamorphose du narrateur.

La phrase suivante met en avant cette métamorphose :

Jeune homme timide peu sûr de lui devient un jeune homme audacieux qui n’a peur de rien.

« timide et facile à déconcerter » # « je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. »

Mouvement vers Manon : début des aventures du jeune homme. Mouvement conscient et
volontaire.

« La maitresse de mon cœur » périphrase qui montre le pouvoir qu’il attribue à Manon.

Topos de la scène de rencontre et du coup de foudre.


Dialogue entre les deux jeunes gens retranscrit au discours indirect. Questions de Des Grieux.
Conversation. « je lui demandai », « elle me répondit »

Eléments sur Manon : insistance sur la jeunesse « encore moins âgée que moi » / peu timide avec de
l’assurance : « sans être embarrassée » « reçut mes politesses ». Ces deux informations
contradictoires (expression de la concession) rendent le personnage mystérieux et subversif. Est-ce
par naïveté ou par habitude de parler à des inconnus ?

Première question de des Grieux : sur les raisons de son voyage.

Eléments d’information : mention des parents de Manon : envoyée au couvent.

Destin tracé par les parents, comme Des grieux qui doit devenir chevalier de l’ordre de Malte.
(destin social)

Ingénument : naïvement : réponse directe, franche, mais peut-être fausse naïveté ? Aveuglement de
Des Grieux ?

Manon : Personnage ambigu : naïf, jeune, mais expérimentée. Mystère qui entoure le personnage.

Rencontre romanesque, personnage atypique, énigmatique, romanesque.

Réaction de des Grieux confirme la métamorphose : « si éclairé » (structure si…que : expression de la


conséquence) refus des contraintes sociales, exaltation qui considère ce projet contraire à ses désirs
(coup mortel : hyperbole) le mot « désirs » est mis en avant à la fin de la phrase et s’oppose à la
vision du jeune homme sage décrit au début du texte. Champ lexical de l’amour : amour, cœur,
désirs.

La suite du dialogue permet au lecteur de comprendre la progression de l’intimité entre les deux
protagonistes. « comprendre mes sentiments » « d’une manière ». Aisance à s’exprimer de des
Grieux.

« Elle était bien plus expérimentée que moi ». Information rétrospective. Passé de Manon sans doute
assez trouble. Habituée à être courtisée, désirée. Son comportement explique la raison qu’ont ses
parents pour se débarrasser d’elle. (comportement scandaleux ?) Hypothèse confirmée par la suite :
« c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui
s’était déjà déclaré » Manon caractérisée par son goût du plaisir, caractéristique du personnage qui
en fait une source d’attirance et de crainte.

Personnage libre ou immoral ?

« Qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens. »

Prolepse : annonce de la suite : tient le lecteur en haleine. Aspect tragique.

Déresponsabilisation de Des Grieux. C’est Manon qui est désignée comme responsable de la suite.

Des Grieux cherche à se défausser de toute responsabilité comme pour excuser son comportement
devant Renoncour. Récit en forme de plaidoyer.

Conclusion :

Scène fondatrice du roman, coup de foudre, première rencontre après laquelle les événements vont
se précipiter et qui marque le début des aventures et des frasques des deux héros.
Personnage de Manon singulier et mystérieux qui reste en dehors du champ puisqu’elle n’apparait
au lecteur qu’à travers le discours de des Grieux qui réinvente le personnage, en l’idéalisant peut-
être ou au contraire en lui faisant porter la responsabilité des événements qui suivront.

Récit rétrospectif. Des Grieux cherche à donner une image positive de lui, en donnant aux
événements un tour romanesque avec un art du récit très bien maitrisée, emporte son lecteur. Récit
en forme de plaidoyer.

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