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Contexte :
Ce texte est un extrait de Manon Lescaut, un roman de L’Abbé Prévost publié en 1753
(Manon Lescaut est à l’origine le tome VII d’un ouvrage plus vaste qui s'intitule Les
Mémoires d'un homme de qualité publié en 1731). Le roman raconte la passion dévorante
du chevalier des Grieux pour Manon Lescaut, une jeune-femme très belle mais volage.
- Nous sommes au début de la prise de parole de Des Grieux (récit-cadre) qui évoque
sa rencontre avec Manon. Il en tombe éperdument amoureux de manière
instantanée. Nous sommes en présence d'un récit rétrospectif. Juste avant notre
extrait, le personnage a présenté sa situation sociale, les études qu'il a faites et les
projets que sa famille avait pour lui. Après avoir dressé de lui-même un portrait
élogieux, il laisse entendre que sa vie a basculé du mauvais côté à cause de cette
rencontre.
Structure :
I- Les circonstances de la rencontre : ligne 1 à 5 “qui se retirèrent aussitôt”
II- Apparition de Manon : ligne 5 “Mais il en resta une” à 11 “la maîtresse de mon
coeur”
III- Premières paroles échangées : ligne 11 “Quoiqu’elle fût encore moins âgée que
moi” à 21 “ne lui laissait nul moyen de l’éviter”
IV- Des Grieux s’abandonne à son destin (sauver Manon) : ligne 21 “La douceur de
ses regards” à FIN
Projet de lecture :
- Comment cette rencontre marque-t-elle le début d’une passion fatale ?
- Comment cette scène de coup de foudre montre-t-elle une métamorphose du héros ?
- Comment le texte renouvelle-t-il le topos romanesque de la rencontre amoureuse ?
- Récit rétrospectif, “Hélas! que ne le marquai-je un jour plus tôt” il donne son avis, il
aurait préféré que ça n’arrive pas
- “j’aurais porté chez mon père toute mon innocence” Portrait de DG comme un
homme “innocent”, vertueux
- “Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité” Ils sont là par hasard, oisifs, c’est le
destin qui a posé Manon sur son chemin
->ton tragique et fatalité, il subit le destin ->sert de justification
- Connecteur logique “Mais” qui met en relief la différence entre Manon et les autres
femmes - Manon est “seule dans la cour”(sur scène), mise en valeur continue, elle se
distingue par son “jeune” âge et son attitude (les jeunes filles de l’époque ne doivent
jamais être seules ni se mettre en avant)
- L’homme “paraissait lui servir de conducteur” marque la subjectivité (modalisateur),
on ne sait pas qui il est (mentor? vieillard qu’elle aurait séduit?)
- Manon apparaît comme une beauté fatale, elle ”parut si charmante” charmante: qui
exerce un attrait magique, qui ensorcèle, qui envoûte, issu du latin carmen: poème,
paroles magique, incantation, sortilège - le charme évoque la magie. Ce mot a un
sens fort accentué par l’adverbe d’intensité “si” (il n’y aura aucune description
physique de Manon)
->DG prend la place d’un spectateur ébloui face à l’apparition théâtrale de Manon et
à son caractère mystérieux
- “moi, qui n’avais jamais pensé [...] maîtresse de mon coeur” Cadence mineure qui
traduit la rapidité de l’effet produit par Manon sur DG
-Il se présente encore une fois comme un homme sage et vertueux, ce qui est
confirmé par “tout le monde” pour introduire sa métamorphose.
- “je me trouvai” absence de responsabilité, il n’a aucune prise sur le destin -
“enflammé” feux de l’amour, il est en feu, passion destructrice - “tout d’un coup”,
rapide, coup de foudre - “jusqu’au transport” à tel point qu’il est transporté,
transformé, il n’est plus lui même, il est mené par son amour (le terme “transport”
est souvent utilisé dans le roman)
- “J’avais le défaut d’être [...] maîtresse de mon cœur” comparaison entre DG avant et
après sa métamorphose, il revient sur sa “timidité” qui a disparue face aux charmes
de Manon. L’expression “maîtresse de mon coeur” est très forte, Manon a un effet
immédiat et violent sur lui, le terme “maîtresse” évoque le pouvoir absolu qu’elle a
sur lui (comme sur un esclave)
- La rouerie (ruse, manipulation) de Manon met en valeur les effets qu’elle a sur DG :
“douceur”, “charmante” (rouerie féminine: finesse et habileté pour tromper les
hommes et tirer profit d’eux”)
- Elle est présentée comme “l'ascendant de ma destinée”, on revient à l’idée du destin,
il n’a pas la permission d’hésiter sur sa réponse. Encore une fois, DG n’a pas
d’emprise sur ses actions et se défait de toutes responsabilités.
- DG se décrit comme le sauveteur de Manon, “Je l’assurai”, il évoque son “honneur”,
engagement solennel, très chevaleresque, “pour la délivrer de la tyrannie de ses
parents” (Portrait type conte de fée). Ce comportement est intéressé, ce ne sont pas
ses valeurs qui le poussent à faire cela mais ses désirs.
- “Je me suis étonné mille fois” regard rétrospectif de DG + métamorphose, il n'était
pas comme ça normalement
- DG termine ce récit en évoquant le miracle de l’amour et ses effets qui tiennent du
prodige (pouvoirs magiques, mystères de la passion) ->métamorphose. C’est encore
une manière de se déresponsabiliser.