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Abbé PREVOST, Manon Lescaut 

Explication linéaire 1 :
La rencontre amoureuse

Lecture : https://www.youtube.com/watch?v=J2m3AG-5sgE&t=55s&ab_channel=ClassiquesHatier (0:00 à 2:20)

Ci-dessous, 2 explications linéaires de ce passage, la 1e sous forme de tableau, la 2e rédigée.

Projet de lecture : Nous verrons comment ce passage renouvelle le topos de la rencontre


amoureuse.
Mouvement du texte :
1) Les circonstances : une rencontre guidée par le destin (lignes 1-5).
2) Le coup de foudre (l. 6-12)
3) Un dialogue qui préfigure la suite du roman (l. 12 à la fin)

Mouvement 1 : Les circonstances : une rencontre guidée par le destin (lignes 1-5).
Mouvement 2 : Le coup de foudre (l. 6-12)

Adaptation de L'Histoire du Chevalier des Grieux


et de Manon Lescaut
de l'abbé Prévost par Jean Delannoy en 1978.
Mouvement 3 : Un dialogue qui préfigure la suite du roman (l. 12 à la fin)
N.B.  : Pour analyser le dialogue, voir le document « Le discours rapporté », sur les 4 manières de
rapporter les paroles dans un récit : discours direct / indirect / indirect libre / narrativisé.
2e explication linéaire (rédigée) :
Introduction :
Constituant le septième et dernier tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité,
L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est un roman écrit par l’Abbé Prévost en
1731. Renoncour, l’« homme de qualité », le narrateur du récit-cadre, vient de céder la parole au
narrateur du récit encadré, le chevalier Des Grieux, qui, après s’être rapidement présenté, relate sa
rencontre à Amiens avec une jeune fille, Manon Lescaut, dont il tombe aussitôt fou amoureux. Cette
scène de rencontre constitue la première étape du parcours romanesque du couple. Dans son récit, le
narrateur fait entendre l’importance de cet événement qui bouleversa le cours de sa vie et en détermina
l’issue.
• Lecture expressive
• Projet de lecture : Nous nous demanderons comment Des Grieux fait de sa rencontre avec
Manon un événement fondateur
• Mouvement du texte :
1) le récit des circonstances de la rencontre (l 1 à 5) ;
2) la naissance d’une passion amoureuse (l 5 à 12)
3) les premières paroles échangées rapportées par le narrateur (l 12 à 20).

Mouvement 1 : Les circonstances de la rencontre (lignes 1 - 5)


Enjeux : Un début de récit qui annonce un événement en apparence anodin, et qui pourtant constitue
le premier acte d’un destin funeste.
• « J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! »
(l. 1-2) Le 1er mouvement s’ouvre avec l’expression du jugement que porte le narrateur sur ses actions
passées. Il exprime le regret de ne pas avoir quitté Amiens plus tôt, sans qu’on sache encore pourquoi,
avec l’interjection « hélas ! », ainsi que la phrase négative et exclamative « que ne le marquais-je... ».
• « j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. » (l 2) : Avec l’emploi du passé du conditionnel ,
DG présente cette rencontre comme l’œuvre du destin, dont il ne pouvait connaître les conséquences.
Il n’avait donc aucune raison de s’y soustraire. De plus, DG dramatise ce début de récit pour susciter
la curiosité du lecteur.
• « La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui
s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces
voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. » (l. 2-5) : DG cherche à
produire un effet de réel en apportant des détails (ancrage géographique et temporel) réalistes et en
présentant la scène comme banale, anodine (« coche d’Arras », « l’hôtellerie où les ces voitures
descendent »). Un événement inhabituel survient, relaté au passé simple, qui attire l’attention des
personnages. DG se justifie avec la négation restrictive « nous n’avions pas d’autre motif que la
curiosité » : en aucun cas il ne mesure à ce moment l’importance que l’avenir va donner au moment
qui va suivre.

Mouvement 2 : La naissance d’une passion amoureuse (l. 5-12)


Enjeux : Un mouvement dans lequel DG se montre fasciné par ML et métamorphosé par l’amour
qu’il lui porte.
• « Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta
seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur,
s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. » (l. 6) : L’attrait qu’exerce Manon sur DG
est immédiatement perceptible par le récit qu’il fait de son entrée en scène. DG met l’accent sur la
singularité de la jeune fille, à l’aide d’une série de contrastes : contraste entre le mouvement qui
environne la jeune fille et son immobilité (antithèse entre les verbes de mouvement « sortit, se
retirèrent » et « s’arrêta » pour Manon) / contraste entre le groupe formé par les femmes, et Manon
qui s’en détache (« quelques femmes » – « il en resta une, seule »). DG met immédiatement l’accent
sur la jeunesse de ML, peut-être parce que le narrateur est lui-même d’une extrême jeunesse (effet
miroir).
• « Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé
une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je
me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. » (l. 8-11) : Le portrait de Manon, dont on
ignore encore l’identité, est esquissé par le narrateur qui marque sa subjectivité (verbe de perception
« elle me parut »). Le portrait est succinct, mais il faut toutefois noter l’étymologie du mot
« charme » (« carmen » qui signifie « chant magique » en latin) et qui éclaire le caractère envoûtant
de cette vision. Ainsi, subjugué par Manon, c’est un véritable coup de foudre que DG ressent pour
cette inconnue : sentiment instantané, qui le dépossède de lui-même, comme le montre la proposition
subordonnée circonstancielle de conséquence « elle me parut si charmante que je me trouvai
enflammé tout d’une coup jusqu’au transport ». Cette situation nouvelle est un bouleversement pour
DG qui le souligne par l’opposition entre ce nouvel état et le portrait qu’il fait de lui-même : un jeune
homme jusque-là innocent, candide, étranger aux effets de l’amour.
• « J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors
par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. » (l. 11-12) : La dernière phrase
montre que la raison a définitivement laissé place à la passion : DG ne montre aucune retenue,
guidé par le désir (verbe d’action « m’avançai », qui entre en opposition avec le champ lexical de la
retenue). Le narrateur, transformé, va jusqu’à poser un jugement péjoratif sur l’homme qu’il était et
qu’il n’est plus. Cependant, cette audace n’est qu’un trompe l’œil : DG est sous emprise de la jeune
fille, désormais soumis à sa volonté : « maîtresse de mon cœur » (périphrase).

Mouvement 3 : Les premières paroles échangées (l. 12- 21)


Enjeux : Un dialogue rapporté par le narrateur qui scelle définitivement l’emprise de l’amour sur DG
et qui annonce une suite funeste.
• « Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée.  »
(l. 13) : L’ensemble du dialogue entre ML et DG est exclusivement rapporté par le narrateur, ce
qui permet de ne garder que l’essentiel de leurs échanges mais aussi de saisir la subjectivité du
narrateur à travers la transposition des paroles prononcées. Fasciné par la vue de cette jeune fille, le
narrateur se rapproche de Manon en se conformant aux conventions sociales habituelles. Il relève ici,
avec une proposition circonstancielle de concession, la contradiction entre l’innocence supposée de
Manon et son attitude qui l’est moins. Les deux personnages s’opposent dans leur appréhension des
relations sociales.
• « Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance.
Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me
rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein
comme un coup mortel pour mes désirs. » (l. 13-17) : La deuxième phrase rapporte les deux questions
anodines formulées par le narrateur, peut-être pour mieux cacher l’intérêt qu’il porte à la jeune fille.
Le commentaire de DG de la réponse de ML avec l’adverbe « ingénument » montre l’absence de
malice que DG prête à la jeune fille qu’il ne connaît pas, ce que semble confirmer la réponse elle-
même (CC but : « pour être religieuse »). DG apparaît ensuite bouleversé par la réponse de M :
dominé par la passion qui modifie sa perception de la réalité (l’amour est ici placé en situation de
sujet, et DG d’objet), il est dévasté par ce projet (« coup mortel », lexique de la tragédie) qu’il se doit
absolument de combattre (prop. sub. de conséquence) : c’est une question de survie pour le jeune
homme. Ainsi s’enclenche la fatalité.
• « Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus
expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son
penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les
miens. » (l. 17-20) : La dernière partie du mouvement laisse davantage entrevoir la personnalité de
Manon. DG exprime son aveu d’amour avec une forme de naïveté qui se confronte au vécu de Manon
que souligne le narrateur (« plus expérimentée que moi »). Manon est ensuite présentée comme
soumise à la domination d’une autorité familiale, qui lui impose la réclusion religieuse (« malgré elle
» ). C’est en tout cas ainsi que DG la perçoit sur le moment. La raison de cet enfermement est amenée
rétrospectivement par le narrateur dans la seconde partie de la phrase, qui laisse deviner le
comportement libertin de Manon (« son penchant au plaisir »). Cette mention relative à la déviance
morale de Manon apporte une tonalité tragique au texte qui laisse imaginer, sans les dévoiler, tous
les « malheurs » qui suivront.

Conclusion :
En commençant le récit de ses aventures par cette rencontre, Des Grieux en fait un événement
fondateur qui a profondément changé le cours de sa vie. L’irruption de Manon dans le cours d’une
existence bien réglée, le charme envoûtant de la jeune femme, son mystère, ont fait naître chez le
narrateur une passion qui, seule, commandera chacun de ses actes dans la suite du récit. Le narrateur,
par l’analyse rétrospective qu’il fait de cet événement, met au jour sa dimension programmatique.
En effet, en provoquant la rupture de Des Grieux avec sa vie de fils modèle, cette rencontre
l’entraînera vers une existence marginale, offrant au lecteur la promesse de nombre d’aventures et de
péripéties. V

2 explications linéaires en vidéo :


https://www.youtube.com/watch?v=TGshxBBZaUA&t=63s&ab_channel=LatinandGeek%21

https://www.youtube.com/watch?v=P6yG7AYz_QE&t=103s&ab_channel=LudovicKlein

Cinéma : la rencontre amoureuse dans le film de Jean Delannoy (1978) :


https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001592/manon-lescaut-
extrait.html#contexteHistorique

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